pt
Moulé à la louche depuis 1999
Les trucs qui m'énervent... et je vais pas prendre de pincettes
Internet, informatique, logiciel libre, économie, politique, vie courante et tout le reste...

Google a libéré VP8 !

Mercredi 19 mai 2010

C'était attendu, Google libère son codec vidéo VP8, c'est officiel.

Ce codec vidéo de bonne qualité est donc maintenant opensource. Google a choisi de le combiner au codec audio Vorbis et au conteneur Matroska pour former WebM. WebM est donc le nouveau standard vidéo ouvert. D'ailleurs Google n'a pas perdu de temps: YouTube diffuse déjà 1,2 millions de vidéos dans ce format.

Résumons:

WebM = codec vidéo VP8 + codec audio Vorbis + conteneur Matroska


Google travaille également avec Mozilla (pour l'intégration dans Firefox), Opera, ainsi qu'avec AMD et NVidia pour l'accélération matérielle. On peut déjà trouver des pré-versions de Firefox, Chromium et Opera qui supportent WebM. Des patchs ffmpeg sont également déjà disponibles (ffmpeg est un encodeur/décodeur vidéo utilisé dans de nombreux programmes) ainsi qu'un filtre DirectShow (pour DirectX sous Windows). De son côté Adobe a annoncé que Flash supportera VP8 dans le futur (Adobe est bien obligé de supporter VP8 sous peine de disparaître du domaine de la vidéo web, surtout que HTML5 commence déjà à voler la vedette à Flash pour la lecture des vidéos H264). Skype utilise déjà VP7 (de la même société On2) pour la vidéo, et semble être très favorable à VP8. Un certain nombre d'autres grandes entreprises emboitent le pas à Google.

Microsoft, dans son flegme habituel, n'en a rien à battre de VP8 et annonce que IE9 supportera VP8... si l'utilisateur installe le codec. Baha, œuf corse, comme avec absolument n'importe quel autre codec.

Le code source de VP8 est sous une licence est très similaire à la licence BSD: Vous pouvez aller jusqu'à vendre votre version modifiée et compilée du codec même sans distribuer les sources. Cela pourrait inciter des entreprises à travailler sur des codecs commerciaux de qualité. Quant à la spécification du format VP8, elle est en CreativeCommons. De son côté Vorbis est de toute manière dans le domaine public, donc aucun soucis. Matroska est une marque déposée mais l'utilisation des spécifications est libre même pour un usage commercial.

Tout cela est de très bonne augure.


Maintenant, il est intéressant d'avoir l'avis d'un spécialiste, le programmeur du codec opensource x264 (compatible H264) qui a lu la spécification et le code source de VP8. C'est un spécialiste, je lui fais totalement confiance.

Les bons points selon lui:

  • L'encodeur VP8 est bon. VP8 a une qualité bien supérieure aux deux autre codecs opensource, Theora et Dirac, et il se situe entre Xvid/DivX et Microsoft VC-1 en terme de qualité, mais reste inférieure à H264 (Maintenant tout n'est pas joué: un bon encodeur VP8 peut faire un meilleur boulot que du H264.).
  • Il pense également que Google a fait un bon choix avec Vorbis et Matroska.

Il voit cependant divers problèmes:

  • La spécification de VP8 est une horreur, pleine de copier-coller de bouts de code en C, et inexploitable en l'état. On verra difficilement apparaître d'autres implémentations de VP8 que celle de Google.
  • Google semble s'être trop précipité pour déclarer la spécification et l'implémentation "stable" (final). Le code est plein d'imperfections.
  • Le fait que VP8 soit libre de tout brevet est une simple affirmation de Google. Il compare avec le codec VC-1 de Microsoft qui avait les mêmes prétentions et s'en est malgré tout pris plein la tronche.
  • VP8 est techniquement trop proche de H264, et on prend le risque de le voir attaqué avec des brevets. Et Dieu sait que le comité MPEG-LA est coriace.
  • Le code source de VP8 mériterait beaucoup d'améliorations et optimisations.
  • VP8 manque d'optimisation psycho-visuelle comme possède x264/H264 actuellement (élimination des détails peu perçu par l'oeil humain et le cerveau).
  • On ne trouve pas d'encodeurs/décodeurs matériel pour VP8 (Je pense qu'il se trompe étant donné que le fabriquant de puces BroadCom annonce déjà la disponibilité du VP8 dans ses puces VideoCore, ainsi que Texas Instruments dans ses puces OMAP, et également Verisilicon dans ses puces ZSP, sans compter AMD/ATI, NVidia et MIPS qui travaillent aussi sur VP8).
  • Le codec VP8 est lent en l'état actuel, aussi bien en encodage qu'en décodage. Plus lent que H264. Et il ne voit pas vraiment d’améliorations en performances possible pour le décodeur.

Il pense que Google aurait vraiment dû raffiner le tout avant de se précipiter pour en faire un standard.

Il est intéressant de voir le résultats en matière de qualité d'image pour un même bitrate (extrait d'une frame 1920x1080).

Xvid
VP8
H264 (x264)
Theora
Dirac
VC-1
copyright © 2008-2010 by Jason Garrett-Glaser (aka Dark Shikari), all rights reserved.

Même si l'immense poids de Google et ses partenariats ne fait aucun doute sur l'adoption de VP8, la précipitation de Google nuit à VP8 qui aurait beaucoup gagné dans une phase de maturation de quelques mois. C'est dommage.

Menace des utilisateurs de P2P : Un coup pour rien

Mercredi 19 mai 2010

Ce sujet n'est pas nouveau, mais je souhaitais revenir dessus. Je suis tombé sur cet article de Clubic: Les producteurs du film "Démineur" menacent de poursuite ceux qui ont téléchargé le film sur les réseaux P2P. Remarquable, mais totalement inutile.

Avec ou sans P2P

Ils en choperont sans doute un ou deux pour faire un exemple, mais ça ne servira à rien. Les internautes trouveront d'autres moyen moins risqués de télécharger. Et je ne parle même pas des VPN à quelques euros par mois. Non je parle de quelque chose de beaucoup plus simple. Un exemple ? Dans Google, tapez "démineur" et regardez les suggestions:

Vous voyez ce qui arrive avant "torrent" ? streaming et megaupload. Streaming pour regarder le film directement dans le navigateur sans le télécharger, ou megaupload pour le télécharger. En moins de deux minutes vous êtes en train de télécharger ou regarder le film, sans P2P et donc sans le moindre risque puisque totalement hors de portée des traqueurs de réseaux P2P et d'HADOPI. C'est tellement facile que ce n'est même pas drôle.

Pourquoi c'est sans risque ? Parce que les entreprises qui traquent les internautes n'ont pas accès à la liste des sites et URLs que vous visitez. Seuls les fournisseurs d'accès pourraient leur donner, et il n'ont absolument pas envie de jouer ce rôle. Et il n'est pas envisageable de permettre à une entreprise privée d'avoir accès à l'historique de navigation intégrale de tous les internautes français.

Même si par mégarde une loi obligeait les fournisseurs d'accès à bloquer ou traquer l'accès à ces sites, il ne faudrait pas plus de 10 minutes à n'importe quel internaute pour contourner ça avec TOR ou des proxy ouverts (cherchez un peu, on en trouve facilement des tonnes sur internet). Le filtrage ne servirait donc à rien.

Forcer Google à filtrer ce genre de recherche ? N'y pensez même pas: Les internautes iraient tout de suite vers d'autres moteurs de recherche (Baidu.com est déjà largement apprécié par certains téléchargeurs de MP3).

Quant à s'attaquer à ces sites eux-mêmes, je pense qu'ils auront beaucoup de mal à faire appliquer la loi française à des sites situés à l'étranger, surtout qu'ils tiennent la dragée haute.

C'est quoi, "pirater" un film ?

De manière assez ironique, télécharger (réceptionner) un film par internet n'est pas illégal. Le Code de la propriété intellectuelle dit dans son article L122-5: "Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire ... Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective."

Autrement dit: Quand vous téléchargez (copiez) un film d'un site web vers votre ordinateur pour votre usage personnel, l'auteur de l'œuvre ne peut vous l'interdire (Techniquement, c'est bien le site web qui diffuse cette œuvre qui est en infraction, mais pas vous). Non seulement les ayants-droit n'ont pas la possibilité de traquer les téléchargement sur ces sites, mais l'opération n'est de toute manière pas illégale (Qu'un juriste me corrige si je dis une connerie).

Si on regarde les procès concernant le P2P, ils ont tous été montés sur accusation de contrefaçon: En effet quand un internaute télécharge par P2P, le logiciel redistribue en même temps le fichier (c'est le principe du P2P). Or quand vous distribuez une copie d'une œuvre numérique, cette copie n'est pas un original produit par les ayants-droits, donc une contrefaçon.

Mais en téléchargeant sur des sites comme MegaUpload/Rapidshare, l'internaute ne fait plus de P2P, donc ne partage plus rien, donc n'enfreint plus la loi. Ce n'est techniquement ni du vol, ni du piratage, ni de la contrefaçon.

Bref, cette poursuite des utilisateurs de P2P est un bel effet d'annonce, et ça pourrait même faire bien au 20 heures, mais dans le fond ça n'impactera que très marginalement le téléchargement "illégal": Ça ne fera que déplacer le problème. Ce n'est même pas un jeu du chat et de la souris: Le chat est aveugle et n'a pas encore compris que la souris pouvait bouger.

Alors ils attaquent à l'aveugle: Lettres de menace aux téléchargeurs, procès-démonstration à quelques gros partageurs par P2P, pression sur les FAI pour faire fermer les serveurs Usenet (ils ont gagné), attaque des auteurs de logiciel P2P, attaque des sites de vidéo en ligne (YouTube)... Ils ne savent pas comment s'en sortir, alors ils frappent un peu partout pour voir ce qui marche. Je ne suis pas certain que cette stratégie soit viable à long terme.

Il faudrait peut-être mieux s'adapter au marché et donner aux internautes de vraies raisons d'aller au cinéma (C'est pour ça qu'ils s'excitent autant sur le cinéma en relief ?): Ecrans plus grands, meilleure qualité d'image, meilleure sonorisation.... meilleur prix ? Il y a des efforts à faire.

Le meilleur moyen d'élargir l'audience d'une œuvre n'est pas de lutter à mort contre toutes les technologies qui permettent sa diffusion, mais bien de proposer quelque chose d'attrayant, un plus. S'il y a des raisons d'acheter, les internautes le feront, même s'il y a moyen de se procurer gratuitement les œuvres.

Gaspillage

Je ne suis pas en train de faire l'apologie de la copie d'œuvres numériques. Je cherche juste à faire comprendre qu'attaquer les téléchargeurs est vain. C'est non seulement un gaspillage de temps, d'argent et d'énergie, mais c'est aussi jeter l'opprobre sur des technologies utiles (P2P).

J'ai peur que l'état français engloutisse des sommes folles dans la machinerie complexe et futile d'HADOPI, alors que cet argent serait bien mieux utilisé pour soutenir de bonnes initiatives (équipement informatique des écoles, formations des enseignants et internautes, subventions aux "jeunes pousses" et sites web, aide au développement de nouveaux moyens de commercialisation sur internet, subventionnement de la protection des internautes sur internet, reconditionnement de matériel informatique usagé...). Merde il y a tellement mieux à faire qu'à dilapider l'argent public dans un grand bidule inutile qui ne sert qu'à rassurer quelques millionnaires. Ça n'aide même pas les artistes.