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Les trucs qui m'énervent... et je vais pas prendre de pincettes
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Patate chaude

Jeudi 21 fevrier 2013

Bon allez, je réponds à l'appel d'Alda (mais je ne continuerai pas la chaîne -- j'ai une aversion envers les messages qu'on me demande de forwarder à X personnes.)


1. À ton avis pourquoi il y a moins de femmes chez les geeks, libristes, hacker et hardcore-gamers de tous bords qu’ailleurs ?

Je ne pense pas que la proportion écrasante de mâles soit spécifique à l'informatique. On retrouve le même genre de tendance chez les politiques, chefs d'entreprise ou chefs étoilés. C'est juste notre culture historique machiste que nous traînons comme un boulet. Si on croit progresser sur l'acceptation de l'homosexualité dans la société, il faut bien voir que les femmes sont encore traitées comme de la merde même de nos jours (Il suffit d'observer le comportement honteux des députés à l'assemblée nationale).

Et encore: Dans nos sociétés occidentales, malgré ces comportements à la con, on peut considérer que la femme est admirablement bien traitée par rapport à la majorité des pays de cette planète (où certaines se prennent de l'acide dans la gueule pour avoir osé apprendre à lire).

Ne jetons pas la pierre aux geeks/gamers: Je ne pense pas que ce problème leur soit spécifique. La société est lente changer, très lente.


2. Tu ne penses pas que parfois, il faut vraiment protéger les enfants ?

Oui, bien sûr, la question ne se pose même pas. Mais: de quoi, et comment ? Vaste question.

J'ai toujours eu naturellement tendance à protéger mes enfants, mais de la mauvaise manière: En leur évitant les risques au lieu de leur apprendre à les gérer. C'est une erreur (et merci à ma femme de me l'avoir fait comprendre). Par exemple, les produits ménagers, chez moi, ne sont pas sous clé: J'ai expliqué à mes enfants que c'était dangereux et qu'il ne fallait pas y toucher. Et il n'y ont pas touché.

Laissez-moi expliquer mon choix par un exemple: Des parents règlent leur chauffe-eau pour éviter que leurs enfants se brûlent s'ils mettent l'eau chaude à fond. L'intention est louable: Réduire le risque de brûlure. Et que se passera-t-il quand ils iront faire un tour chez papy-mamie ? Ils auront pris l'habitude de mettre l'eau chaude à fond et se brûleront. Le résultat est l'opposé de ce que était escompté. Qu'aurait-il fallut faire ? Leur expliquer les dangers et leur apprendre à les éviter eux-même.

Bien sûr il est hors de question d'exposer les enfants à des risques inutiles, mais c'est la même chose dans beaucoup de domaines: L'éducation est le seul salut. (Parce que nous ne serons pas toujours là.)

(Après, je n'ai bien sûr pas abordé d'autres problèmes plus graves, comme la violence envers les enfants.)


3. La liberté d’expression, jusqu’à quel point ?

Question intéressante. Quand j'ai commencé à m'intéresser à Freenet, j'ai voulu connaître les raisons qui ont motivé les auteurs de ce logiciel de P2P anonyme, et je dois dire qu'au début j'ai été choqué. Leur crédo ? La liberté d'expression doit être totale, sans aucune censure possible, sans quoi ce n'est déjà plus de la liberté d'expression. Vous trouvez cela extrême ?

Mettons que nous acceptons la liberté d'expression pour tous, sauf pour les discours xénophobes, car c'est inacceptable, on est bien d'accord. Là, vous censurez déjà quelque chose, selon vos critères. Et ce n'est déjà plus de la liberté d'expression. Et puis, de fil en aiguille, vous allez décider que la liberté d'expression ne devrait pas s'appliquer aux blagues contre les Juifs. Ni contre les noirs. Ni contre les femmes. C'est dégradant. Continuons: Certains se sentiront offensés par les gros mots, d'autres par l'image de quelqu'un dévêtu ou une juppe courte, d'autres par une caricature, d'autres par des tatouages... Jusqu'où faut-il aller ? Ça n'a pas de fin.

Dès que vous commencez à grignoter la liberté d'expression (qu'elle soit verbale, écrite ou artistique), même d'une miette, ce n'est déjà plus de la liberté d'expression.

Et puis empêcher quelqu'un de s'exprimer, c'est le forcer à trouver un autre exutoire qui ne serait sans doute pas meilleur (Dans le meilleur des cas, passer par d'autres canaux que vous ne verrez plus). Plutôt que de mettre des oeillières, laissons-les s'exprimer au grand jour pour mieux les contrer.


4. Qu’est-ce que t’écoutes pour commencer ta journée ?

J'aime le calme, le matin. La musique - ou pire: les infos à la radio - m'agressent. Une fois que je suis bien réveillé, je met mon smartphone en lecture aléatoire pour aller au boulot. Il y a de tout, selon mes humeurs :-)


5. Est-ce que Twitter, Facebook et Google ont gagné ?

Oui. Ils ont gagné. Ils ont réussit, au bon moment, à proposer des services pré-mâchés. Les nouveaux internautes, n'ayant aucune culture de ce qu'est et permet internet, s'y sont engouffrés en masse. C'est maintenant une prison inconsciemment consentie dont ces boîtes entretiennent soigneusement les murs d'enceinte et la déco. Une prison dorée où les hamsters se complaisent.

Comme je l'ai dit (je me cite, quelle feignasse !): « Il fut une époque où je croyais qu'en éduquant les utilisateurs, on pourrait leur apprendre à communiquer par leurs propres moyens. Je constate mon échec: C'est peine perdue. Cela n'intéresse plus personne. Les ex-facebook iront bouffer au premier râtelier centralisé pré-mâché qui succèdera à Facebook. Rien ne changera. »


Ce qui est moche, c'est que ces sociétés:
  • piocheront de plus en plus dans la vie privée des internautes pour gagner de l'argent.
  • censurent (vraiment n'importe comment).
  • collaborent avec les différents gouvernements (surveillance, censure, identification).

Malgré toutes les bonnes idées de décentralisation, l'avenir semble assuré pour la société de surveillance.


6. Est-ce que tu es pour ou contre la polygamie ?

La question n'a pas vraiment de sens. Pour ou contre l'homosexualité ? Pour ou contre les lits séparés ? Pour ou contre la cuisine au beurre ?

Je n'ai pas à juger des choix de vie des autres. Qui suis-je pour décider de la manière dont les autres doivent mener leur vie et être heureux ? Tant que cela ne rend malheureux personne, je ne vois pas où est le problème.


7. Quelle est la dernière série TV qui t’ai fait réfléchir ?

La TV ? Ce grand machin avec des images où on peut pas cliquer ?


8. La mémoire absolue, malédiction ou bénédiction ?

Malédiction.

Même si j'ai une mauvaise mémoire, je détesterais avoir une mémoire absolue. Déjà, je serais chiantissime pour les autres. Non sérieusement, vous détesteriez une personne comme ça dans votre entourage, non ?

Et puis l'oubli est un mécanisme cognitif nécessaire au fonctionnement du cerveau. Sans compter l'impact psychologique: Comment survivre si vous ne parvenez pas à oublier les moindres détails d'un traumatisme ? Ça serait une sacré malédiction.


9. Qu’est-ce qui te rend foi en l’humanité ?

Des actions ponctuelles que je peux voir ici et là, que ce soit le petit geste du quotidien d'un inconnu, ou les grands projets de personnalités brillantes qui veulent améliorer le sort de l'humanité (J'ai vu de très beaux projets chez TED, comme l'inventeur de cette bouteille qui filtre polluants et microbes de l'eau croupie, le projet d'accès global à la culture du fondateur d'archive.org, ou encore l'artiste JR qui ressoude des communautés défavorisées avec ses photos géantes).

C'est magnifique.


10. Si tu pouvais remonter dans le temps tu ferais quoi ? (Pro-Tip: Il y a une mauvaise réponse à cette question)

Je visiterais des époques incognito pour voir à quoi ressemblait leur style de vie, sans rien changer ! (Ce qui bien sûr est impossible puisque le simple fait d'y être changerait des choses :)

Ça serait passionnant: Visiter Paris dans les années 1900. Retourner au moyen-âge pour voir la vie quotidienne du peuple. Assister à des évènements historiques. Woua...


11. Qu’est-ce que tu voudrais faire dans l’immédiat ?

DORMIR !

T'es trop jeune

Lundi 18 fevrier 2013

Anadrark pousse une gueulante contre les internautes qui portent un jugement basé sur l'âge. Et il a raison.

Et c'est là que j'aime bien internet. On dépeint souvent certains internautes comme des jeunes qui ont trop de problèmes de communication pour réussir à aborder autrui dans la "vraie" vie, et qui utilisent internet (et son absence de contact et jugement physique) pour s'en affranchir.

C'est une vue réductrice de ces internautes, et une mauvaise appréciation de ce trait particulier d'internet. Ce n'est pas une faiblesse du réseau, c'est au contraire une force, car qu'on le veuille ou non, dans la vraie vie nous avons tous des a prioris sur les personnes que nous rencontrons, que cela soit sur l'aspect physique, l'habillement, la couleur de peau, la gestuelle, le ton de la voix, la culture ou le milieu social. Vous pouvez toujours vous gargariser sur votre ouverture d'esprit: Dans les faits, vous ne pourrez pas vous empêcher d'émettre un jugement au premier abord, et il y a des personnes que vous aborderez plus facilement que d'autres.

Internet vous interdit ce jugement. Vous communiquez de but en blanc, sans avoir la possibilité de vous poser la question. Au mieux, vous vous forgerez une opinion en vous basant sur les réponses, la tournure des phrases, le vocabulaire utilisé ou parfois le pseudo.

D'ailleurs certains internautes débutants ressentiront ce manque et auront très rapidement le réflexe de demander l'âge, mais avec le temps vous apprendrez à ignorer ce paramètre. J'ai eu des discussions très enrichissantes avec des ados de 14 ans ou des pépé de 70 ans, et - oui - j'avoue que je ne les aurai sans doute pas abordés avec autant de simplicité si j'avais pu les voir.

Je trouve finalement formidable cette "anonymisation" des discussions: Cela vous oblige à une certain ingénuité, à perdre la charge émotionnelle dans votre abord de l'autre, un peu comme certains enfants qui perdent cette méfiance naturelle et entament une discussion avec un inconnu. Ce n'est pas une infantilisation des communications, mais une naïveté saine, une remise à zéro de vos préjugés avant d'aborder l'autre.


(Putain j'écris des trucs bien, des fois.)

:-) Retour sur ZeroBin

Lundi 18 fevrier 2013

Sur Twitter je suis tombé par hasard sur ça: « is there a way to search zerobin results by keyword? »
Cette question m'amuse beaucoup. Non, ce n'est bien sûr pas possible. C'est l'occasion de faire un petit retour sur ZeroBin:

  • Tout d'abord, mon ZeroBin (installé sur sebsauvage.net/paste) est de plus en plus utilisé. C'est une bonne chose. Actuellement, 19847 textes y sont partagés. (Bien plus l'ont probablement été, puisque ceux ayant expiré ont été supprimés et que je n'en ai pas le compte ; Et j'ai fait exprès de mettre une date d'expiration par défaut d'un mois, afin que les données ne s'accumulent pas trop.).

  • L'aspect ultra-minimaliste de l'application n'a pas du tout rebuté les utilisateurs, et j'en suis heureux. Je suis à cent lieux de Pastebin.com et ça me va très bien (pas de pub, pas 50 options, pas de bouton login facebook/twitter/google, pas d'enregistrement avec compte "pro", pas de captcha, pas 3 heures pour s'afficher.)

  • Dans les liens ZeroBin publiques que j'ai pu trouver, les URLs cliquables ont largement été utilisées, aussi bien pour du http que pour des liens magnet (torrent). Good.

  • Je n'ai reçu aucune injonction pour faire retirer du contenu.

  • Ensuite, je vois que de nombreuses personnes discutent à travers ZeroBin (mais je ne peux bien sûr absolument pas savoir ce qui s'y dit :-). Il y a actuellement 821 discussions hébergées dans mon ZeroBin. Il y en a eu probablement bien plus également, les discussions expirées ayant été supprimées. Je n'ai jamais retrouvé les URLs de ces discussions dans le moindre moteur de recherche, ce qui signifie que ce sont des liens qui ont été échangés en privé et qui servent vraiment pour des discussions privées. C'est bien. C'était un des buts recherchés.

  • Autre constatation: ZeroBin a merveilleusement tenu la charge, et le système de stockage par fichiers et sous-répertoires a très bien fait son office. (Je me suis inspiré de la manière de faire de Squid-cache).

  • Je n'ai jamais retrouvé la moindre de trace du contenu de mes propres pastes ZeroBin dans un moteur recherche, ni même des discussions y attenant. Cela tient au fait que les moteurs de recherche n'interprètent pas le javascript. Ils sont donc "aveugle" face au contenu de ZeroBin. Cette situation me réjouit, et j'espère juste que les moteurs ne vont pas trop s'y mettre (Google a timidement commencé à interpréter le javascript, mais n'est toujours pas capable d'indexer le contenu des liens publiques ZeroBin). Il est donc actuellement impossible de rechercher dans ZeroBin avec un moteur de recherche, et c'est une excellente chose.

  • Je constate également que divers ZeroBin sont installés un peu partout. C'est bien. Décentralisons les discussions privées. Plus de single-point-of-failure (ou plutôt single-point-of-surveillance/censure).

  • Pour continuer sur une note moins réjouissante, je n'ai (honteusement) pas continué à faire évoluer ZeroBin. Certains attendent encore la coloration syntaxique ou la protection par mot de passe. Ça reste un logiciel très brut. Il y a encore du travail.

  • Je remercie encore PeaceCopathe pour son excellente idée d'intégrer des discussions dans ZeroBin.

  • Je suis heureux d'avoir intégré VizHash dans les discussions ZeroBin: C'est particulièrement pertinent dans ce cadre. Non seulement cela facilite le suivi des réponses, mais cela permet de fournir une identification (mais non une authentification) des posteurs sans révéler leur adresse IP, sans besoin de s'enregistrer au préalable et sans services extérieur (genre Gravatar).

  • Enfin, je n'aurai jamais fait autant de bruit avec aussi peu de lignes de code (503 lignes de php/js seulement, si on enlève les commentaires): BBC, ArsTechnica, Slashdot, BoingBoing, Forbes, InformationWeek, Tom's Guide, H-Online, GHacks, HackerNews, 01Net, Clubic, Le Monde ... tout ça surtout grâce aux Anonymous qui se sont emparés de mon programme :-)
    (Tiens d'ailleurs j'avais rappelé le journaliste de Forbes, mais je n'ai eu que son répondeur et il ne m'a jamais rappelé. Tant pis ! :)


Ça a été beaucoup d'émotions et de fun en très peu de lignes de code. Je vous recommande l'expérience: C'est jouissif d'être à la source d'autant de bordel avec si peu... mais de bordel constructif  :-D


Mise à jour 19 février 2013: Wilfried P. me pose une question par email, et voici ma réponse:

Je vois en effet de temps en temps passer des liens ZeroBin postés par les Anonymous.

Je pourrais effectivement décider de juger le contenu de ces pastes, et décider de les supprimer. Mais je ne le ferai pas, sauf sur injonction judiciaire. Pourquoi ? Je refuse de me porter en juge sur la légalité de ce qui est posté. De toute manière, quelle serait ma légitimité en la matière ? Je n'ai fait aucune étude de droit.

En plus de l'aspect "légale" il y a l'aspect "moral". Certaines opérations des Anonymous sont illégales, mais au contraire très morales (par exemple faire bouger les choses pour les viols dans l'Ontario). Dans l'autre sens, certaines entreprises font des choses qui sont parfaitement légales, mais franchement immorales... à mon sens.
Encore une fois, le jugement de la "moralité" d'une action est tout à fait personnel.

Ne m'estimant pas le droit de juger de la légalité et de la moralité de ce qui est posté (car cela serait un jugement tout à fait personnel et arbitraire), je préfère ne rien modérer du tout. Et j'ai créé ZeroBin dans ce but: Me poser en pur hébergeur de données, avec aucune possibilité d'y mettre le nez pour les juger.