D3 fait couler beaucoup d’encre et pour cause : c’est un titre qui fait bouger les lignes des principes établis dans le domaine du jeu vidéo. Les décisions prise par Blizzard ne sont pas anodines, et prennent tout leur sens à la lumière d'un peu d’histoire: DRM, mode solo et argent de l’hôtel des ventes en ligne.
Il y a un an de cela, s’est passé un évènement de taille dans le monde du titre World Of Warcraft. Après 4 années de bataille contre les Bots (robots qui remplacent les joueurs) et les Golds Farmers (joueurs qui ramassent de l’or en jeu pour le revendre contre de l’argent sonnant et trébuchant), les juristes de Blizzard ont changé de cap. Après des années marquées principalement par des attaques en justice, des fermetures de comptes des joueurs et des démarches couteuses en justice, Blizzard a envoyé mi juillet 2011 ses meilleurs avocats traverser l’Atlantique pour aller en Allemagne sonner à la porte des deux plus grand développeurs de Bots de World of Warcraft qu’étaient PiroxBots et Honorbuddy. Blizzard leur tombe sur le coin de la figure, et leur propose des sous pour qu’ils arrêtent non seulement de développer des logiciels pirates pour WoW, mais qu’ils s’engagent à ne plus jamais développer de soft touchant de loin à Activision Blizzard.
Pirox a joué le jeu et
quitté la scène (à ma grande déception, meme si c’était la décision la plus sage). Les gars de HB l’ont joué agressif et sont allés au tribunal sous couverture de la loi Allemande et du droit de jouir de son jeu comme bon le semble.
Le changement brutal de stratégie a surpris beaucoup de monde : en lieu et place de bannissement pur et simple, la stratégie négociatrice de Blizzard était peu lisible. Dans le contexte de l’époque, les seules vraies conclusions que l’on tira étaient que WoW était vraissemblablement en déclin, et que Blizzard choisissait délibérément de réduire la pression sur les joueurs afin de ne pas perdre une clientèle qui, a défaut de tricher ostentaoirement et d'acheter de l'or internet, n'en est pas moins une clientèle qui paie 14.90€ par mois pour le faire…
Mais aujourd’hui, cette action prend un autre sens. Avec la sortie de Diablo 3, le débat sur l’hotel des ventes en ligne alimente la chronique, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle.
Dans un premier temps, l’annonce de l’abonnement d’un an à WoW: 6 mois avant la sortie de D3, Blizzard propose à ses joueurs de s’engager pour un an à World of Warcraft, et à recevoir au titre de cet engagement le jeu Diablo 3 gratuitement. Il faut comprendre ce geste commercial comme il doit être : un écart de survie. Sortir un titre comme Diablo 3, c'est prendre le risque de canibaliser tout un public de joueurs de WoW qui paie 14.90€ par mois pour jouer sur un titre déja existant;gros risque financier! Alors, la stratégie de Blizzard a été payante : proposer aux joueurs de WoW d'acheter Diablo3 gratuitement s’ils s’engagent pour un an, c’est contenir stratégiquement le flux monétaire en cas de transfert de joueurs migrant de WoW à Diablo 3. Car si ces joueurs décident de passer du temps sur D3, ils continuent de payer leur abonnement WoW. Manoeuvre réussie.
Dans un tel contexte, l’intention de Activision/Blizzard est de faire de Diablo 3 un titre aussi rentable que Wold of Warcraft. L'hôtel des ventes avec du vrai argent est la clef de voute du buisness model de Diablo 3 : ponctionner les transactions entrantes et sortantes à 15% permet de garantir une rentrée d’argent régulière. Mais pour assurer un volume de transactions, Blizzard a surtout pris une décision très controversée : afin d'éviter la triche et la duplication d'objets, le jeu est uniquement jouable en ligne sur les serveurs Blizzard.
Le but premier est de rendre exclusif le système d’enchères : tous les joueurs doivent jouer dans un bac à sable où les transactions sont obligatoires. Tous les joueurs doivent pouvoir un jour soit vendre du matériel, soit en acheter à d’autres à travers de la vitrine de l'hotel des ventes.
Ce choix de rentabilité fait que Blizzard a tout intéret que la totalité des joueurs joue en ligne, et c'est naturellement que la possibilité de jouer hors ligne, en solo, a été proscrite. Outre que le mode solo n’est pas faisable techniquement aujourd’hui car il faudrait un logiciel serveur de jeu en exécutable local, mais surtout en pratique il ne faut pas s’attendre à ce que Blizzard le propose : tout son modèle économique autour du jeu se base sur le principe qu’on doit jouer dans ce bac à sable ou l’on peut vendre et acheter. L’argument de la sécurité des comptes a bon dos : tout est sinistrement affaire de pognon.
Ensuite, la grosse peur de Blizzard se situe sur tout ce qui peut pourrir le marché en ligne en automatisant les actions des joueurs : les robots. Ces PiroxBots, Honorbuddy, Gnometools ou autres qui sont autant de programmes qui vont tout seul ramasser le butin et le vendre, inondant le marché d’objets, détruisant les microéconomies. Le changement de stratégie d’été 2011 montre que Blizzard a souhaité faire le ménage de la scène "boting" en neutralisant les acteurs les plus connus.
Ces types sont aussi et surtout des champion du memoryediting et du hack de code Blizzard. En les engageant à ne pas s’attaquer aux prochains titre Blizzard, le but est surtout de les neutraliser au regard des prochains titres. Il faut croire qu’ils ont vraiment peur des bots. Et ils ont raison, car l’avenir du système est incertain.
D’autant que les équipes de Honorbuddy remettent le couvert, et leur bot Demonbuddy est déjà en version pré-release pour D3. Une équipe de dev chinoise a également pris le relais de ce qui semble être le deuxième bot officiellement supportant la version retail du jeu. Et nous ne sommes qu’à une semaine de la sortie de la version officielle. Il faut voir ce que cela représente à moyen terme, mais déjà on peut s’attendre à voir des scripts complétant automatiquement les scènes les plus « lucratives » en butin, et mettant automatiquement le butin en vente.
Quand au mode solo, il a un grand avenir devant lui : les serveurs privés. L’émulateur Moegge a officiellement quitté le support des builds beta et l’équipe se concentre sur le second build de la version retail. Les bugs sont encore trop nombreux pour une release candidate, mais chacun suivant l’actu ému saura reconnaitre le talent de l’équipe d’une dizaine de développeurs qui bosse dessus.
L’avenir est assez simple à prévoir : dès que l’état de grace de la raréfaction des boites aura disparu, le prix de la version dématérialisée baissera grandement, pour atteindre (au pif) un 14,99€ de convergence sur lequel Blizzard profitera du traffic de nouveaux joueurs pour se faire du pognon sur les micro-paiements. Et le jeu sera même à horizon semi-lointain gratuit : cela va surtout dépendre de la fréquentation du titre. Mais tout est d’ores et déjà bien engagé dans ce sens.
Mais le jeu, lui, en vaut-il la chandelle ?
Au-delà des aspects financiers et mercantiles, le jeu est vraiment réussi. Equilibré et complet, il propose une expérience inégalée depuis… 14 ans. Et en cela, c’est un bon jeu. Le contexte est terrifiant, autant que le titre est bon. Un paradoxe sucré/salé délicieusement raffiné.
Sources : pour les évènements cités ci-dessus, les news des 24 derniers mois de Ownedcore (ex mmowned), le forum de mmowned, PiroxBots (et les discussions du défunt forum /Blizzard), mmo-champion, judgehype.