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Sri Lanka : ouverture d'un bureau de Greenpeace en pleine crise climatique

Tue, 26 Mar 2024 12:39:40 +0000 - (source)

« Greenpeace a contribué au changement de système »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Greenpeace activists are protesting in front of the Angra dos Reis (RJ) nuclear power plants, denouncing the Brazilian government's decision to invest in building Angra 3 while neglecting the country's vast wind energy potential. Rio de Janeiro. 07/04/2009. Image via Flickr by Greenpeace/Alex Carvalho. CC BY-SA 2.0.

Des militants de Greenpeace manifestent devant les centrales nucléaires d'Angra dos Reis (RJ), pour dénoncer la décision du gouvernement brésilien d'investir dans la construction d'Angra 3, sans tenir compte du vaste potentiel que représente pour le pays l'énergie éolienne. Rio de Janeiro, 07/04/2009. Image via Flickr par Greenpeace/Alex Carvalho. CC BY-SA 2.0.

Cet article a tout d'abord été publié sur Groundviews, un site primé de journalisme citoyen du Sri Lanka. Une version éditée est publiée ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu avec Global Voices.

En 1971, un groupe de militants quitte le Canada à bord d'un vieux bateau de pêche pour protester contre les essais nucléaires souterrains effectués par l'armée américaine à Amchitka, une île située au large de l'Alaska. Après avoir finalement été forcés de rebrousser chemin, les militants ont créé une organisation nommée Greenpeace, dans le but d’encourager l'action directe non-violente, et de changer les mentalités.

Au cours des années 1970, le mouvement Greenpeace s'étend à plusieurs pays et commence à se mobiliser pour les causes environnementales, notamment la chasse commerciale à la baleine et les déchets toxiques. Greenpeace International est créée en 1979. Basée aux Pays-Bas, l’organisation compte aujourd'hui trois millions de sympathisants à travers le monde et possède des bureaux dans 40 pays.

Les militants de Greenpeace affrontent les baleiniers en s’interposant entre les harpons et les baleines. En 1985, le gouvernement français coule leur bateau, le Rainbow Warrior, opération au cours de laquelle ils subissent des violences et sont qualifiés d'écoterroristes. Les militants de Greenpeace se sont opposés à de nombreux gouvernements et ont risqué la prison et même la mort afin de faire évoluer les mentalités et changer la politique internationale.

Bien qu'elle ne mène plus beaucoup d'actions directes ou ne fasse plus la une des journaux avec des photos choquantes, Greenpeace reste néanmoins une force indéniable sur la scène mondiale, une organisation internationale à l'origine de campagnes de sensibilisation à l’environnement à travers le monde. Elle utilise la confrontation de façon créative et non-violente pour faire campagne sur des sujets tels que les changements climatiques, la déforestation, la surpêche, la chasse commerciale à la baleine, la manipulation génétique, lutter contre la guerre et le nucléaire. Elle n'accepte aucun financement de la part de gouvernements, multinationales ou partis politiques.

Malgré une prise de conscience du besoin de protéger la planète, la Terre est encore plus fragile aujourd'hui qu'elle ne l'était en 1971. Le déclin de la biodiversité s’est amplifié, alors que les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et la présence de toxines dans les sols augmentent, les sols contiennent moins de carbone, les rivières et les lacs s’assèchent, le nombre de zones mortes dans les océans s’accélère, les forêts disparaissent, les déserts se multiplient, la population mondiale augmente, un milliard de personnes sont au bord de la famine et les ressources naturelles, surexploitées pour satisfaire les besoins humains, se font de plus en plus rares.

L’Asie du Sud compte plus d'un milliard et demi d'habitants répartis dans huit pays où se trouvent certaines des zones les plus vulnérables du monde sur le plan environnemental. C'est aussi la deuxième région la plus pauvre de la planète. La pauvreté multidimensionnelle, la dépendance à l'égard des ressources naturelles et les conditions météorologiques rendent les populations vulnérables à l'instabilité qui résulte du réchauffement climatique. Selon un rapport de la Banque mondiale, plus de 800 millions de Sud-Asiatiques vivent dans des zones qui vont devenir particulièrement sensibles aux changements climatiques, et elles seront alors inhabitables. La région traverse une crise environnementale, les changements climatiques perturbant l'agriculture et les moyens de subsistance. Bien qu’elle ne soit pas, ou très peu, responsable des changements climatiques, l'Asie du Sud est touchée de manière disproportionnée.

Afin de développer une coopération régionale pour lutter contre les changements climatiques, Greenpeace a ouvert un bureau à Colombo, dans l’Asie du Sud, et a marqué l'événement à bord de son navire emblématique, le Rainbow Warrior. Groundviews s'est entretenu avec Binu Jacob, directeur général de Greenpeace South Asia, sur les défis climatiques auxquels la région est confrontée et sur le rôle de Greenpeace dans la lutte contre l'injustice climatique.

Groundviews : Bien que Greenpeace existe depuis plus de 50 ans, elle livre toujours les mêmes combats. Quel a été son impact ?

Binu Jacob: We have been campaigning fearlessly for over 50 years when it was not fashionable. We are supported by individuals so we can take an independent stand. We have made an impact over the generations When we were in school and in collage, we were motivated by organisations such as Greenpeace to work for sustainability and climate justice. Greenpeace has contributed to system change.

Binu Jacob : Nous menons ouvertement des campagnes depuis plus de 50 ans, à une époque où ce n'était pas au goût du jour. Nous sommes soutenus par des particuliers, ce qui nous permet d'adopter une position indépendante. Nous avons marqué plusieurs générations. Nous avons tous, à l'école ou à l'université, été inspirés par des organisations telles que Greenpeace d’œuvrer en faveur de la durabilité et de la justice climatique. Greenpeace a aidé à changer le système.

Groundviews: Dans les années 1980 et 1990, Greenpeace était une organisation plus visible et qui faisait beaucoup de bruit. Sa stratégie a-t-elle changé ?

Binu Jacob: There are different kinds of campaigns now that are culturally relevant to a region or society. They are more creative; different regions have their own methods of campaigning. The media has also changed and become segmented so the way the message is put across has also changed with more regional campaigns. The issues are intersectional so it’s not just one area such pollution but we have to look at climate justice as well.

Binu Jacob : Il existe aujourd'hui différents types de campagnes qui tiennent compte des spécificités culturelles d'une région ou d'une société. Elles sont plus créatives ; les différentes régions ont leurs propres méthodes de campagne. L’évolution et la segmentation des médias ont changé la manière de faire passer le message, à l’aide de campagnes de sensibilisation à une échelle plus régionale. Les problèmes sont intersectoriels ; par conséquent, nous ne pouvons pas seulement nous concentrer sur seul domaine, par exemple la pollution, sans en même temps aborder la question de justice climatique.

Groundviews: Selon vous, est-il acceptable de vandaliser des œuvres d’art pour dénoncer la consommation d’énergies fossiles ?

Binu Jacob: Young people think that nobody listens to them although it’s their planet. Such action comes out of helplessness. The world only listens to dramatic things. But youth icons such as Greta Thunberg can inspire other young people to take action.

Binu Jacob : Les jeunes pensent que personne ne les écoute alors qu'il s'agit de leur planète et de leur avenir. Ils agissent ainsi par impuissance et parce que ce genre d'évènements dramatiques attire l’attention. Mais les icônes de la jeunesse telles que Greta Thunberg peuvent aussi inspirer d'autres jeunes à agir.

Groundviews: Quels sont les principaux problèmes environnementaux auxquels la région est confrontée ?

Binu Jacob: There are many issues that connect South Asia but we are focussing on climate change because the region is the second most affected after Sub Saharan Africa. South Asia is densely populated and polluted and has great economic disparity. The people who are most affected by climate change are farmers, fishermen, factory workers and other poor and marginalised communities. Climate events such as droughts and floods are increasing in number and intensity. While the rich can isolate themselves from the effects of climate change, frontline people are greatly impacted; although they have not contributed to climate change, they are the ones who pay the most. The Indian ocean is common to the region. It is threatened by over fishing, infrastructure development and plastics. Countries in the region have the opportunity to show leadership. Although we may be poorer or smaller, we still have a responsibility to the planet. But at the same time governments must be mindful of the needs of the poor. We can say to ban single use plastic, which is mainly used by poorer people, but then governments needs to provide alternatives.

Binu Jacob : L'Asie du Sud se heurte à de nombreux problèmes, mais nous nous concentrons surtout sur les changements climatiques car la région est la plus touchée, après l'Afrique subsaharienne. L'Asie du Sud est fortement peuplée et polluée, et est une région du monde où règnent de grandes disparités économiques. Les personnes les plus frappées par les changements climatiques sont les agriculteurs, les pêcheurs, les ouvriers d'usine et d'autres communautés pauvres et marginalisées. Les événements climatiques tels que les sécheresses et les inondations sont de plus en plus nombreux et intenses. Alors que les riches ont les moyens d'échapper aux effets des changements climatiques, les populations qui se trouvent en première ligne sont, elles, fortement affectées ; bien qu'elles n'aient pas contribué au réchauffement climatique, ce sont elles qui en paient le plus lourd tribut. L’Asie du Sud baigne dans l'océan Indien qui est menacé par la surpêche, le développement des infrastructures et les déchets plastiques. Les pays de la région ont la possibilité de faire preuve de leadership. Même s'ils sont plus pauvres ou plus petits, ils ont une responsabilité envers la planète. Mais les gouvernements doivent aussi tenir compte des besoins des populations pauvres. Interdire le plastique à usage unique, lequel est principalement utilisé par les plus démunis, est une bonne chose, mais les gouvernements doivent alors proposer des solutions de remplacement.

Groundviews: Comment les citoyens peuvent-ils lutter contre la destruction de l'environnement ?

Binu Jacob: Activists and individuals are taking action; some have the calling. They are writing to authorities, going to the media and getting communities to come to together. Because of their actions, leaders can change their behaviour. The challenge is how to do it creatively and get across the message that it’s for the good of everyone and that it is not anti-development. While development can get short term gains, the impacts on quality of life and the mental health of future generations will be severe. We need to invent new value systems because we can’t continue with greed.

Binu Jacob : Les militants et les particuliers se mobilisent ; certains sont faits pour ça. Ils écrivent aux autorités, s'adressent aux médias et incitent les communautés à s’unir. Grâce à leurs actions, les dirigeants peuvent changer d’attitude. Le défi consiste à faire preuve de créativité et à faire passer le message que nous agissons pour le bien de tous et que nous ne sommes pas opposés au développement. Si le développement permet seulement d'obtenir des gains à court terme, alors les conséquences sur la qualité de vie et la santé mentale des générations futures seront considérables. Nous devons créer de nouveaux systèmes de valeurs parce que nous ne pouvons pas continuer à agir par cupidité.

Groundviews: Les PED estiment qu'il est injuste d’être contraint de freiner leur développement en raison de préoccupations environnementales, alors que l'Occident est déjà développé et a les moyens de procéder à ces changements. Comment obliger les pays à se conformer ?

Binu Jacob: Some leaders in West still think it’s alright to destroy planet but their citizens are opposing this. People can act and oppose adverse actions successfully. The same environmental standards applied in the West should be applied to developing countries as well. Development should not be at the cost of the environment. Corporations as well as governments must be held responsible for their actions that damage the environment. What we do in one part of the planet impacts all of us. While everyone has the right to basic material needs such as water, food and housing, immense and wasteful access can’t continue.

Binu Jacob : Pour certains dirigeants occidentaux, détruire la planète est tout à fait acceptable, contrairement à leurs citoyens qui, grâce à leurs actions, ont le pouvoir de s'opposer avec succès à toute mesure défavorable. Les normes environnementales appliquées en Occident devraient être les mêmes pour les PED. Le développement ne doit pas se faire au détriment de l'environnement. Les entreprises et les gouvernements doivent être tenus responsables des dommages environnementaux résultant de leurs actes. Les actions menées dans une partie spécifique de la planète nous affectent tous. Même si chacun a le droit de satisfaire des besoins matériels de base tels que l'eau, la nourriture et le logement, leur accès illimité et le gaspillage qui en résulte ne peuvent plus durer.

Regardez la vidéo de l'entretien :


L’ économie du Ghana et les politiques de sécurité alimentaire : leçons tirées de l'opération Feed Yourself

Tue, 26 Mar 2024 12:21:27 +0000 - (source)

Les infrastructures marquent l’Opération Feed Yourself des années 1970s

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Les vendeurs de tomates au marché principal à Accra, Ghana. Image par Runjiv on Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0 DEED).

Récemment, le Ghana a été confronté à de profonds défis macroéconomiques, notamment la dépréciation de sa monnaie, l'escalade de l'inflation et la perte de confiance des investisseurs. Cette situation a conduit à des perspectives économiques sombres et à des prévisions de croissance lente, comme l'a souligné la Banque mondiale.  

Pour freiner la dépréciation du cedi ghanéen et favoriser l'industrialisation, qui stimulera à son tour l'économie, le gouvernement ghanéen souhaitait adopter un projet de loi sur la réglementation des exportations et des importations imposant des restrictions sur 22 produits stratégiques en novembre 2023. La liste des produits comprend les denrées alimentaires essentielles consommées par la plupart des ménages ghanéens. Il s'agit du riz, des abats, de la volaille, de l'huile de cuisson, des jus de fruits, des pâtes, du poisson, du sucre et des tomates en conserve. Cependant, comme le rapporte The Conversation,les organisations de la société civile les associations , commerciales et la minorité parlementaire se sont opposés au projet de loi pour plusieurs raisons. 

Les opposants à la proposition ont fait valoir que cette politique aurait de graves répercussions sur l'économie et la sécurité alimentaire du Ghana, car les producteurs nationaux pourraient avoir du mal à répondre à la demande locale pour les produits spécifiques que le gouvernement souhaite restreindre. En outre, comme le souligne l'article de The Conversation, les contraintes pesant sur les importations d'aliments de consommation courante pourraient conduire à une pénurie et, par conséquent, une augmentation des prix des denrées alimentaires réduirait encore davantage la sécurité alimentaire. Cela occasionne aussi un risque de perte de recettes, comme l'ont souligné les critiques, notamment en ce qui concerne les droits de douane et d'importation, et le Ghana pourrait faire l'objet de représailles de la part d'autres pays si les restrictions nuisent à leurs intérêts.

Suite à ces objections, le gouvernement a suspendu le projet de loi.

Si l'on considère les expériences historiques du Ghana, l'échec de l'opération “Feed Yourself” (Nourrissez-vous) en 1977 doit inciter à la prudence.

En février 1972, sous la direction d'Ignatius Kutu Acheampong, le gouvernement ghanéen a lancé la politique de l'Opération “Feed Yourself”, un programme agricole destiné à stimuler la production nationale de cultures vivrières . Le programme a divisé le Ghana en neuf zones, chacune se voyant attribuer la production des cultures les mieux adaptées à sa spécificité géographique. Par exemple, la région orientale s'est concentrée sur la culture du manioc, du maïs, de la banane plantain, de la canne à sucre, du thé, de l'avocat, des agrumes et de l'igname, tandis que la région centrale s'est concentrée sur le maïs, l'igname, le manioc, la banane plantain, le riz, l'ananas et la canne à sucre. 

Pour vulgariser ce programme, le gouvernement a entrepris de vastes efforts de sensibilisation, pour la promotion de l’agriculture, en utilisant la propagande et les émissions de télévision et de radio. En outre, le gouvernement a tiré parti de ses relations avec des institutions telles que les universités, l'armée et les prisons pour les encourager à implanter en interne des unités de production agricole .

L'administration Acheampong a mis en place un système de collecte, de transport, de stockage et de commercialisation des récoltes à l'intérieur du pays. Ce système visait à garantir un marché pour les produits cultivés dans les zones rurales et à faciliter leur transport vers les centres urbains. Des entités telles que le Meat Marketing Board, la State Fishing Corporation et la Food Distribution Corporation étaient chargées d'acheter les récoltes aux agriculteurs et de les proposer à des prix réduits aux citadins.

Pour stimuler la production agricole, le gouvernement a accordé des subventions pour les semences, les engrais et les outils agricoles tels que les houes et les coutelas. Il est important de noter que les taxes sur l'importation de machines agricoles ont été supprimées. Les incitations spécifiques comprenaient des exonérations fiscales sur les revenus du cacao et, plus généralement, pour les exploitations agricoles au cours de leurs cinq premières années d'activité. L'opération “Feed Yourself” a impliqué une collaboration avec des institutions telles que la Banque nationale d'investissement et la Banque africaine de développement, qui ont fourni des crédits et des prêts à divers Ghanéens.

Malgré les efforts considérables déployés par le gouvernement pour assurer la réussite du programme, l'opération “Feed Yourself” a été considérée comme un échec en raison de divers facteurs, notamment le mécontentement croissant de la population, la diminution des superficies plantées, la persistance des prix élevés des produits alimentaires nationaux et l'augmentation du déficit budgétaire du Ghana, qui est passé de 190 millions de cédis (14 871 376 USD) en 1972 à 807 millions de cédis (63 164 213 USD) en 1977. L'enthousiasme initial des citadins pour les activités agricoles s'est également estompé, probablement sous l'influence des problèmes perçus dans les infrastructures rurales, tels que le manque d'eau potable, d'électricité et de routes bien entretenues. En conséquence, , dès 1977, l'intervention de l'aide alimentaire internationale était requise pour remédier aux pénuries alimentaires au Ghana.

En 2017, pour faire face aux problèmes de sécurité alimentaire et aux niveaux d'emploi nationaux, le gouvernement du Ghana a mis en œuvre une nouvelle initiative appelée “Planting for Food and Jobs” (PFJ), qui s'inspire de l'opération Feed Yourself (Nourrissez-vous). Le programme propose des solutions telles que des subventions publiques pour l'achat de semences et d'engrais de haute qualité, des initiatives éducatives sur les pratiques agricoles efficaces et le renforcement des liens entre les agriculteurs et les acheteurs potentiels dans les secteurs public et privé. Toutefois, ce programme a également été considéré comme un échec l'inflation des denrées alimentaires ayant atteint plus de 50 % l'année dernière , et l'infrastructure de base restant un problème.

Il semble que les législateurs ghanéens n'aient pas pleinement tenu compte des leçons tirées des échecs passés, comme en témoigne la récente tentative du gouvernement de mettre en œuvre une nouvelle politique sans s'attaquer de manière adéquate aux défis inhérents à l'infrastructure fondamentale.


Yulia Navalnaya contre Vladimir Poutine

Mon, 25 Mar 2024 15:53:33 +0000 - (source)

Certains espèrent qu'elle sera le nouveau leader de l'opposition russe

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Alexeï Navalny et Yulia Navalnaya s’étreignent après la libération de celui-ci, suite à un appel du bureau du procureur. Date: 19 juillet 2013. Image d'Evgenii Feldman, Novaya Gazeta. CC BY-SA 3.0.

Le choc provoqué par la mort d’Alexeï Navalny dans la colonie pénitentiaire arctique de Yamal Harp, le 16 février 2024, a été ressenti par des millions de personnes en Russie et à l'étranger.  Leader informel de l'opposition à Poutine, il était optimiste quant à son avenir et à celui de la Russie, même après trois ans d'emprisonnement et plus de 300 jours d'isolement insupportables.

 

Localité de Kharp. Image de  ValeryZatolochny. CC BY 3.0.

Sa mort a suscité un immense sentiment de désespoir, comme en témoignent les fils d'actualité sur les réseaux sociaux des personnes ayant des opinions opposées au régime et pleurant sa mort lors des funérailles.

Cependant, le 19 février, trois jours seulement après le décès de son mari, Yulia Navalnaya est intervenue. Dans sa toute première vidéo publiée sur le compte X et le compte YouTube de son mari et sur le sien propre, elle a déclaré :

Привет,  это Юлия Навальная. Cегодня в первый раз на этом канале.  Я хочу обратиться к вам. Меня не должно было быть на этом месте, я не должна была записывать это видео. На моём месте должен быть другой человек, но этого человека убил Владимир Путин.   3 дня назад Владимир Путин убил моего мужа Алексея Навального. Путин убил отца моих детей. Отнял самое дорогое, что у меня было. Самого близкого и самого любимого человека. Но ещё Путин отнял Навального у вас. Где-то в колонии на Крайнем Севере, за полярным кругом, в вечной зиме Путин убил не просто человека Алексея Навального. Он вместе с ним захотел убить наши надежды, нашу свободу, наше будущее. Все эти годы я была рядом с Алексеем. Я была счастлива быть рядом с ним и поддерживать его. Но сегодня я хочу быть рядом с Вами потому что я знаю, что вы потеряли не меньше, чем я. Алексей больше всего на свете любил Россию, любил нашу страну и вас. Он верил в нас, в нашу силу, в наше будущее, в то, что мы достойны лучшего. Не на словах верил, а на деле, настолько глубоко и искренне, что был готов отдать за это свою жизнь. И его огромной любви нам хватит, чтобы продолжить его дело настолько долго, насколько понадобится. Убив Алексея, Путин убил половину меня, половину моего сердца, и половину моей души. Но у меня осталась вторая половина, и она подсказывает мне, что я не имею права сдаваться, я буду продолжать дело Алексея Навального, продолжать бороться за нашу с вами страну. И Я призываю вас встать рядом со мной, разделить не только горе и бесконечную боль, которая окутала нас и не отпускает. Я прошу вас разделить со мной Ярость. Ярость, злость, ненависть к тем, кто посмел убить наше будущее. Я обращаюсь к вам словами Алексея, в которые очень верю. Не стыдно сделать мало, стыдно не сделать ничего. Россия –  свободная, мирная, счастливая, прекрасная Россия будущего, о которой так мечтал мой муж. Вот что нам нужно. Я хочу жить в такой России. Я хочу, чтобы в ней жили наши с Алексеем дети, Я хочу вместе с вами её построить именно такую, какой ее представлял Алексей Навальный: полную достоинства, справедливости и любви.

Bonjour, je suis Yulia Navalnaya. Aujourd'hui, pour la première fois sur cette chaîne, je veux m'adresser à vous. Je n'aurais pas dû intervenir ici ; je n'aurais pas dû enregistrer cette vidéo. À ma place, il  aurait dû y avoir une autre personne, mais Vladimir Poutine l'a tuée il y a trois jours. Vladimir Poutine a tué mon mari Alexeï Navalny. Poutine a tué le père de mes enfants, ce que j'avais de plus précieux, la personne qui m’était la plus plus proche et que j'aimais le plus au monde. Mais Poutine a également emmené Navalny loin de vous, quelque part dans une colonie du Grand Nord, au-delà du cercle arctique, dans un hiver éternel. Poutine n'a pas seulement tué une personne, Alexeï Navalny, il a aussi voulu tuer nos espoirs, notre liberté, notre avenir. Toutes ces années, j'étais aux côtés d'Alexeï. J'étais heureuse d'être avec lui et de le soutenir, mais aujourd'hui je veux être avec vous parce que je sais que vous avez perdu autant que moi. Alexeï aimait la Russie plus que tout, il aimait notre pays. Il croyait en vous, en nous, en notre force, en notre avenir, au fait que nous méritons mieux. Il croyait non seulement dans les paroles mais aussi dans les actes, si profondément et si sincèrement qu'il était prêt à donner sa vie pour cela. Son immense amour pour nous suffit à poursuivre son œuvre aussi longtemps qu'il le faudra. En tuant Alexeï, Poutine a tué une moitié de moi, une moitié de mon cœur et une moitié de mon âme. Mais il me reste l'autre moitié, et elle me dit que je n'ai pas le droit d'abandonner. Je poursuivrai le travail d'Alexeï Navalny, je continuerai à me battre pour notre pays, et je vous demande de vous tenir à mes côtés. Pour partager non seulement le chagrin et la douleur infinie qui nous ont enveloppés et ne nous lâchent pas, je vous demande de partager ma rage, ma colère, ma haine envers ceux qui ont osé tuer notre avenir. Je m'adresse à vous avec les mots d'Alexeï, auxquels je crois fermement : il n'est pas honteux de faire peu, il est honteux de ne rien faire. Nous avons besoin d'une Russie libre, paisible, heureuse et belle, celle de l'avenir dont rêvait mon mari. Je veux vivre dans une telle Russie. Je veux que nos enfants, ceux d’Alexeî, y vivent. Je veux construire ce pays avec vous, exactement comme Alexeï Navalny l'a imaginé, rempli de dignité, de justice et d'amour.

Pour beaucoup l’espoir est revenu.

Depuis, Mme Navalnaya a prononcé un discours devant le Parlement européen et a rencontré le Président Biden ainsi que les ministres des Affaires étrangères des États membres de l'UE. Elle venait d'appeler les Russes à exprimer leur protestation et à montrer combien de personnes voteraient contre Poutine. 

En Russie, toute forme de dissidence, y compris les rassemblements pacifiques, est passible de peines d'emprisonnement et de lourdes amendes, de sorte que le seul moyen de protester en masse est d'utiliser des moyens « légaux ». Parmi les exemples de ces derniers mois, citons la remise de signatures pour le candidat anti-guerre (qui a ensuite été exclu du scrutin), la participation aux funérailles d'Alexeï Navalny (des dizaines de milliers de personnes se sont présentées, plus de 100 personnes ont été arrêtées) et, étape suivante, la présence dans les bureaux de vote à 12 heures précises le dernier jour des prochaines élections que Poutine est censé remporter : le 17 mars 2024, pour montrer combien de personnes sont opposées à Poutine.  

Mais qui est Yulia Navalnaya ?

Son visage est familier : La femme d'Alexeï a participé à un grand nombre de ses rassemblements – il existe de nombreuses photos d'eux ensemble ; elle a pris part à plusieurs interviews ; elle était à ses côtés lorsqu’il a été empoisonné.  C'est elle qui a demandé à Poutine de permettre à Alexeï d'être soigné en Allemagne par la suite. Néanmoins, elle n'avait guère exprimé ses opinions politiques ni pris la parole en public avant la mort d'Alexeï. Sur Google, elle est actuellement présentée comme «l'épouse d'Alexeï Navalny », et c'est en effet le rôle qu'elle a joué pendant de nombreuses années.  

Yulia Navalny, Alexeï Navalny et Ilya Yashin lors d'un rassemblement à Moscou le 12 juin 2013. Image de  Bogomolov.PL. CC BY-SA 3.0.

Yulia Abrosimova (son nom de jeune fille) est née le 24 juillet 1976 à Moscou, dans une famille de scientifiques et fonctionnaires. Elle est diplômée de la prestigieuse Faculté des relations économiques internationales de l’Académie économique russe Plekhanov de Moscou.  

Elle a rencontré Alexeï alors qu'elle n'avait que 22 ans et ils se sont mariés en 2000. Le couple a eu deux enfants, Daria (2001) et Zahar (2008).  Un magazine people russe a affirmé au début de l'année 2021 qu'elle définissait son rôle comme étant de « s'occuper de la vie quotidienne et d'élever les enfants ». En 2007, Alexeï Navalny est devenu une personnalité politique en vue, et Navalnaya l'a soutenu depuis lors.

Les vidéos de Mme Navalnaya et les appels qu'elle lance au peuple russe contiennent un message très fort. Elle qualifie Poutine d’assassin et le régime russe d’ État mafieux. Dans l’une de ses vidéos, elle a accusé Poutine et son élite de « faire semblant d’être chrétiens ». Apparemmentcette vidéo a été publiée dans le but d’inciter le gouvernement de Poutine à remettre le corps d’Alexeï à sa mère après sa mort. Le régime de Poutine ayant basé son idéologie autour de valeurs dites « traditionnelles » et étant étroitement lié à l’Église orthodoxe russe dans sa quête de légitimité, cela a fonctionné. Depuis, elle n’a pas tenu de propos aussi controversés, même si certains ont laissé entendre que dans son discours devant le Parlement européen, elle avait demandé à l’UE de cesser de fournir des armes à l’Ukraine. Ce qui est faux. 

À l’heure actuelle, Yulia Navalnaya compte plus d’un million de followers sur Instagram et 350 000 sur X. Sur YouTube, elle s’exprime à partir du compte de Navalny. Le mois dernier, elle a rencontré Svetlana Tsikhanovskaya, une autre femme chef de file de l’opposition à un régime autoritaire — la Biélorussie. Il reste à voir si Yulia Navalnaya parviendra à unifier l’opposition à la Russie comme Tsikhanovskaya l’a fait avec les Bielorusses.  Elle est déterminée et en colère, et c’est peut-être justement les qualités que les populations souhaitent voir chez un leader, dans la Russie de Vladimir Poutine, qui dirige le pays depuis le plus longtemps après Joseph Staline.


Le Tchad comme territoire littéraire: interview avec le romancier francophone Nétonon Noël Ndjékéry

Fri, 22 Mar 2024 10:01:24 +0000 - (source)

La gestion des correspondances d’autrui a été pour moi le meilleur des ateliers d’écriture.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Portrait de Nétonon Noël Ndjékéry photo de Joao Cardoso utilisée avec permission.

Pays sahélien et pivot entre l'Afrique du Nord et l'Afrique Centrale, le Tchad est rarement abordé dans les médias comme territoire de littérature. Pour remédier à ce manque, Global Voices a interviewé l'auteur Nétonon Noël Ndjékéry, un des représentants le plus visibles de la littérature tchadienne francophone.

Né à Moundou au sud du Tchad, Ndjékéry vit en Suisse où il se consacre entièrement à l’écriture depuis avril 2021. A ce jour, il a publié neuf livres dont les deux derniers sont Il n’y a pas d’arc-en-ciel au Paradis (éditions Hélice Hélas), et L’Angle mort du rêve (éditions La Contre Allée).

Filip Noubel (FN): Pouvez-vous décrire le paysage linguistique du Tchad?

Nétonon Noël Ndjékéry (NNN): Le Tchad compte 144 langues locales auxquelles s’ajoutent deux langues officielles, le français et l’arabe classique, dévolues à l’administration et à l’enseignement. Le français y a été introduit dès 1900 avec la colonisation occidentale. Quant à l’arabe classique, il y a été imposé par oukase en 1978 alors qu’à l’époque cette langue recensait très peu de locuteurs autochtones.

Certes, une langue véhiculaire appelée tourkou ou « arabe tchadien » est pratiquée de longue date dans cette région du cœur de l’Afrique. Mais si cet idiome partage partiellement sa structure et son vocabulaire avec l’arabe classique, il s’en dissocie drastiquement sur le plan sémantique à force de métissage avec les dialectes du cru. Cela suggère que l’érection de l’arabe classique en langue officielle a procédé d’une volonté politique de s’arrimer au monde arabo-musulman.

Toutefois, bien que le gouvernement tchadien n’entreprenne rien pour les promouvoir, certaines langues locales, notamment le kanembou, le moundang ou le ngambay, demeurent vivaces. Il est néanmoins regrettable qu’elles n’aient pas encore produit à ma connaissance de littérature autre que des traductions de la Bible.

En attendant, pour être audible par les pouvoirs publics tchadiens, il faut continuer à passer par l’une ou l’autre des deux langues importées que sont le français et l’arabe classique.

FN: Comment êtes-vous venu à la littérature après des études de mathématiques?

NNN: Ma vocation littéraire a été très précoce. Le goût du récit m’a été insufflé dès le berceau par ma mère, puis par les gosstar, ces griots tchadiens. Ensuite, sitôt que j’ai appris à lire et à écrire en français, je suis devenu écrivain public, car beaucoup de gens étaient alors analphabètes au Tchad. Or, pour communiquer avec leurs proches ou avec une administration nationale dopée à la langue française et à la rigidité jacobine, ils avaient besoin des compétences d’un lettré francophone.

Je les dépannais donc à l’appel contre une poignée d’arachides ou de la menue monnaie. Mais surtout, cela me permettait de partager les états d’âme de mes clients et surtout de traduire leurs joies ou leurs peines en mots. Ainsi, associée aux techniques de narration que je glanais chez les griots, la gestion des correspondances privées ou officielles d’autrui a été pour moi le meilleur des ateliers d’écriture. Plus je m’y adonnais, plus s’affirmait ma passion pour les lettres. De fil en aiguille, je me suis mis à écrire à l’adolescence des poèmes, puis des nouvelles. C’est ainsi que je suis entré en littérature.

N'empêche que j’ai dû plus tard faire des études de mathématiques, sans quoi je n’aurais pu bénéficier d’une bourse de l’État tchadien. Je me suis ensuite spécialisé en informatique, juste pour gagner mon pain le jour et jouir du plaisir d’écrire la nuit. Comme l’arbre s’enracine à un endroit fixe pour mieux polliniser l’espace et se lancer à la conquête du ciel, j’essaie de couler mon travail au moule de cette maxime qui, à mon sens, définit le mieux l’art en général : partir d’un ancrage local pour viser l’universel. En effet, quel que soit le continent où je situe une histoire, ma matière première demeure la condition humaine. C’est l’éternel humain que je chante et que j’entends faire vibrer. Donc, au-delà de tout cadre, mon travail ambitionne d’abord de porter à tous les continents ma manière subsaharienne de regarder, de ressentir et de dire le monde.

FN: Comment se passe votre vie en Suisse dans une autre culture et se tisse votre rapport à distance au Tchad ? En 2017, vous recevez le Grand Prix littéraire national au Tchad – comment êtes-vous perçu au Tchad comme écrivain ?

NNN: J’ai désormais vécu plus longtemps en Europe que sur mon continent natal. Néanmoins, je n’aurais pas pu écrire autant si je n’avais pas été exilé. Car la vie en Afrique ne se conçoit qu’en communauté. Et toute activité, comme la lecture ou l’écriture, dont l’exercice exige de l’individu de s’isoler est généralement mal acceptée et expose celui qui s’y adonne à la marginalisation.

Par conséquent, je suis redevable à la Suisse de m’offrir ce havre de paix et de liberté depuis lequel les vicissitudes de mon pays d’origine me parviennent grossies par contraste. Cet écartèlement entre deux antipodes est un de ces facteurs qui créent en moi la tension nécessaire à la création.

Certes je séjourne aussi souvent que possible au Tchad. Mais je n’en éprouve pas moins des scrupules à vivre loin de ma patrie. Encore que cette distance m’aide paradoxalement à mieux appréhender les réalités tchadiennes. En effet, avoir le nez collé à une fresque ne permet pas d’en apprécier tous les détails. Il faut prendre du recul pour avoir une vue d’ensemble. Et c’est précisément ce précieux panorama que me fournit l’exil.

En 2021, à la Bibliothèque nationale du Tchad à N’Djamena, il n’y avait aucun de mes livres, mais seulement une de mes photos grandeur nature. Cette anecdote résume assez bien comment mes compatriotes me perçoivent. Ils connaissent mon nom grâce aux médias, mais très peu me lisent. Figurez-vous qu’un roman importé d’Europe se vend sur place à un prix équivalent au sixième du salaire moyen local. A ce tarif-là, la censure n’a nul besoin de sévir. La lecture n’a donc de sens qu’utilitaire pour les élèves et les étudiants qui, une fois leur diplôme en poche, préfèrent lire leur destin au fond d’un bon verre d’alcool.

Cela dit, le Grand Prix littéraire national qui m’a été attribué m’a d’autant plus réjoui que je ne l’attendais pas. Je prends cette reconnaissance pour un magnifique pari sur l’avenir dans la mesure où il propose mon travail en source d’inspiration pour la jeunesse tchadienne.

FN:  Comment et où lire les littératures tchadiennes?

NNN: Il semble qu’il existe une littérature tchadienne de langue arabe classique. Mais n’étant pas arabophone, je ne la connais pas. En revanche, la littérature tchadienne francophone m’est beaucoup plus familière. Elle est l’une des plus jeunes d’Afrique subsaharienne. Le recueil de contes qui a symboliquement marqué sa naissance au Tchad sous les étoiles n’a été publié qu’en 1962. Depuis, beaucoup d’autres livres sont parus, mais .  la qualité n’est pas toujours au rendez-vous.

Toutefois, quelques écrivains aux talents internationalement reconnus permettent au Tchad de figurer sur la carte littéraire mondiale. Les plus en vue aujourd’hui sont notamment les poètes Nimrod Bena et Nocky Djedanoum, le dramaturge Koulsy Lamko et le cinéaste-romancier de renommée planétaire Mahamat-Saleh Haroun. Pour en savoir plus, je recommande de consulter les pages qui leur sont consacrées sur les réseaux sociaux ou sur les sites de leurs éditeurs respectifs.

Le succès de ces auteurs confirmés entretient une riche pépinière de talents qui promet à terme de belles moissons littéraires … Pour peu que le gouvernement en place lui fournisse les intrants et le cadre propices à son épanouissement !

Au Tchad, deux grandes messes annuelles s’efforcent de rythmer la vie littéraire. Il y a d’abord le Festival International Le Souffle de l’Harmattan qui demeure l’unique foire du livre dont le retentissement déborde des frontières nationales. Enfin, depuis 2017, novembre a été décrété « mois du livre et de la lecture ». C’est la seule manifestation d’envergure durant laquelle l’État tchadien célèbre l’écrit et les écrivains. C’est à cette occasion qu’est, par exemple, remis le Prix Littéraire national dont j’ai été le premier récipiendaire.

Lire aussi: Pour une critique littéraire africaine: Interview avec le créateur de Chroniques littéraires africaines  


Quelle est la place de la langue française dans la société togolaise?

Wed, 20 Mar 2024 11:32:28 +0000 - (source)

En 2018, 40% des Togolais parlent le français

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de l'entrée de l’Institut Français du Togo (Lomé); capture de la chaîne YouTube de Hodin Senyon

En raison de son passé colonial avec la France, le Togo adopte le français comme langue officielle en 1960, un fait inscrit dans l'article 3 de sa constitution. Mais quelle est la place de cette langue dans un paysage linguistique togolais multiple?

L’histoire coloniale du Togo a connu le passage de plusieurs langues occidentales: le portugais, l'allemand, l'anglais et le français. Ces langues ont traversé les côtes togolaises depuis l'époque du commerce des esclaves au 18ème siècle à celle de la colonisation (1884-1960) sans qu'aucune ne soit adoptée avant la fin du 20ème siècle. Dans le pays, plus de cinquante langues locales réparties sur l'ensemble du territoire sont parlées par une population de plus de neuf millions d'habitants. L’éwé ( langue de la famille nigéro-congolaise) et le kabyè (langue de la famille gur), sont inscrites dans la constitution depuis 1975 comme langues nationales. Le français est la seule langue qui, aujourd'hui, joue un important rôle dans la société togolaise.

Lire : Quelle est la langue locale la plus parlée au Togo ?

En 2018, le nombre de locuteurs de la langue française était de 40% de la population togolaise. Le français est la langue de l'enseignement et de l'administration. Interviewé par Global Voices via WhatsApp, Ayi Renaud Dossavi, journaliste-écrivain et poète togolais explique :

Au Togo, la langue française joue un rôle central dans l'enseignement, la société et les administrations. En tant que langue de travail et principale langue officielle, le français facilite, qu'on le veuille ou non, la communication dans les institutions gouvernementales, les entreprises et les médias, ainsi que dans bonne part de la population. Dans l'enseignement, le français est la principale dès le primaire, ce qui peut parfois poser des défis pour les élèves dont la langue maternelle n'est pas le français.

Nadège Abiré Boumogue, jeune activiste des droits des femmes, se réjouit de ce que la langue française arrive à faciliter la communication entre la majorité des Togolais en dépit de la diversité des langues locales dont dispose le pays. Répondant à Global Voices, elle dit :

Le Togo est un pays richement béni par sa diversité des langues, permettant d'identifier chaque clan et ethnie. Toutefois la langue commune que nous avons est le français enseigné à l'école et utilisée dans toutes les administrations. Il est important qu'on puisse garder cette culture pour faciliter la communication entre les Togolais et s'ouvrir au monde extérieur, notamment avec les autres pays francophones.

Selon elle, la langue française comble un vide occasionné par les limites des langues locales :

Nous pouvons remarquer aujourd'hui les insuffisances de nos langues majoritairement parlée tel que le mina, le kabyè, le kotokoli, etc… A titre d'exemple, certains influenceurs togolais qui font leur contenu dans les langues locales ne sont pas aussi influents, alors que ceux qui font leurs productions en français arrivent à toucher plus de personnes voir au-delà des frontières togolaises.

Lire notre dossier spécial : 

S'il existe un désir de maîtriser le français pour certains, cette langue est loin de faire l'unanimité dans la société togolaise. Dans certaines administrations, les langues nationales sont plus pratiquées que le français, par exemple.

Pour Folli Herbert Amouzougan, analyste de données, évangéliste de l'internet libre et passionné des objectifs de développement durable (ODD), le français est devenu “une langue frustrante” car imposée et donc difficile à apprendre. Interviewé par Global Voices via WhatsApp, il explique:

Dans l'enseignement, il y a peu de Togolais qui maîtrisent vraiment le français car ce n'est pas une langue maternelle. Il y a des diplômés qui ont du mal à s'exprimer. Dans la société et l'administration, peu de personnes s'expriment en français, tandis que la majorité se sent à l'aise dans la langue maternelle.

Pour Aimé Gavor, enseignant d'histoire-géographie, la baisse du niveau d'éducation a un impact sur la maîtrise du français parlé dans la société togolaise. L'enseignant fait un lien avec le taux d'analphabétisme (33% chez les hommes contre 59% pour les femmes) dans le pays:

La langue française est moins parlée au vu du taux d'analphabétisme au Togo . Ceux qui sont instruits arrivent aisément à la parler et la comprendre, et s'en servent comme outil de travail. Mais ces dix dernières années, le niveau de ceux qui parlent la langue française a considérablement baissé, que ce soit dans l'enseignement, les administrations. On remarque donc une primauté de la langue maternelle car plus accessible et mieux maîtrisée. En conséquence, ça agit sur le niveau de travail des élèves, dans la société. Pire, celui qui essaie, chaque fois, de s'exprimer en français est mal vu.

Dans le même sens, Ayi Renaud Dossavi ajoute :

Cependant, la maîtrise du français reste essentielle pour accéder à l'enseignement supérieur et aux opportunités professionnelles, en dépit de l'importance grandissante accordée à l'anglaise (le 25 juin 2022, le pays a adhéré au Commonwealth). Dans la société, le français reste aussi largement utilisé dans les échanges formels et informels, bien que les langues nationales comme le mina ou encore le tem et le kabyè soient d'un poids culturel et social importants.

Le journaliste-écrivain et poète reconnait également la prédominance des langues locales sur le français.

La relation vis-à-vis du français reste donc ambivalente, quand on compare le contexte administratif, avec l'usage courant dans la vie de tous les jours, où le mina (surtout le dialecte parlé à Lomé), prédomine.

Depuis septembre 1922 , du niveau préscolaire et primaire à l'enseignement supérieur, le français demeure la langue de l'enseignement dans le pays. L‘introduction de la langue anglaise dans le système éducatif n'est effective qu'au début de la rentrée scolaire 2023-2024.

Dans le pays, le français reste la langue de médias. L'essentiel de l'information est véhiculé en français, particulièrement la presse écrite et les médias en ligne. Mais sur les chaînes de télévision et dans les radios, certains programmes d'émissions sont diffusés dans les langues nationales (éwé et kabyè) et en anglais.

Au moment où l'usage du français connait une expansion dans le monde, et surtout en Afrique, il faut reconnaitre que l'adhésion du Togo au Commonwealth pourrait réduire l'impact de la langue française dans le pays. La majorité des Togolais accorde, aujourd'hui, plus d'intérêt à l'apprentissage et la pratique de l'anglais, qui reste la langue la plus parlée dans le monde.

Lire notre dossier spécial :  


Le fonds pétrolier du Kazakhstan est l'un des plus opaques au monde

Tue, 19 Mar 2024 13:26:25 +0000 - (source)

Une seule personne décide du bien-être financier de toute une nation

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Réunion du conseil de gestion du Fonds national sous l'ancien président Nursultan Nazarbayev en 2014. Photo en provenance d’Akorda.kz, le site officiel du cabinet du président.

Cet article a été écrit par Dmitriy Mazorenko pour Vlast.kz. Une version éditée est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat médiatique.

Le Fonds national du Kazakhstan a été créé en 2000 comme mesure de protection au gouvernement en temps de crise. Cependant, même en période de prospérité économique, le gouvernement a continué à soutenir son budget en effectuant des retraits sur ce fonds. Cela va à l'encontre de la promesse du président Kassym-Jomart Tokayev d'imposer une plus grande discipline financière au gouvernement en limitant ces retraits. Son objectif ultime est de doubler les actifs du fonds d'ici 2030, pour les porter à 100 milliards de dollars américains.

Simultanément, le gouvernement a également été chargé de lancer un programme de redistribution des richesses par l'intermédiaire du Fonds national pour l'enfance nouvellement créé et de moderniser les infrastructures stratégiques avec l'argent du Fonds. Dans ce contexte, l'indulgence du président à l'égard des retraits effectués pour équilibrer le budget montre à quel point l'objectif de doubler les actifs du Fonds est improbable dans ces circonstances.

Photo de Kassymkhan Kapparov. Utilisée avec permission.

Vlast s'est entretenu avec le doyen de l'école d'économie et de finance de l'université AlmaU, Kassymkhan Kapparov, sur l'évolution du Fonds national au cours des dernières années. Kapparov, qui a également fondé Ekonomist, une plateforme d'experts sur l'économie du Kazakhstan, a répondu aux questions concernant le contrôle du fonds, son manque de transparence et les contradictions dans les plans d'utilisation.

Dmitriy Mazorenko (DM) : Comment le Fonds national a-t-il été créé ? Quel était l'objectif de sa création ?

Kassymkhan Kapparov (KK) : Le fonds a été créé en 2000, après la révélation de l'existence de comptes gouvernementaux secrets dans une banque suisse. En 2002, le Premier ministre de l'époque, Imangali Tasmagambetov, a déclaré que le gouvernement avait ouvert ces comptes pour se protéger. Le parlement a accepté cette version et a approuvé la création du f, grâce auquel l'État a pu mettre de côté les recettes provenant de l'augmentation des prix du pétrole.

En 1997, l'homme politique Galymzhan Zhakiyanov avait lancé l'idée de créer un fonds national afin d'éviter la surchauffe de l'économie pétrolière du Kazakhstan. Ce fonds était censé devenir un fonds à part entière pour les générations futures et servir de stabilisateur macroéconomique. Il aurait permis de maintenir les liquidités en devises étrangères à l'écart du marché national, empêchant ainsi une forte hausse du taux de change du tenge et, par conséquent, le “maladie hollandaise“, par lequel le secteur pétrolier pourrait tuer l'ensemble de l'industrie manufacturière.

Au lieu de cela, le gouvernement a essentiellement créé sa propre réserve. Depuis que j'étudie le fonds, au cours de la dernière décennie, les questions concernant le fonds n'ont pas été discutées de manière transparente et, plus important encore, ces discussions n'ont pas influencé la prise de décision.

DM : Comment le Fonds national est-il utilisé ?

KK : Depuis 24 ans, les actifs du fonds sont transférés chaque année au budget. C'est ce qu'on appelle les “transferts garantis”, qui s'élèvent actuellement à environ 8 milliards de dollars américains. Cela permet essentiellement au gouvernement de vivre au-dessus de ses moyens. Les transferts représentent environ 25 % des dépenses budgétaires. Le fonds permet de maintenir la configuration économique actuelle, avec un niveau élevé de participation de l'État.

Si le gouvernement mettait fin à ces transferts, il devrait entreprendre des réformes structurelles et optimiser le travail dans les agences gouvernementales et les entreprises nationales. Cela pourrait entraîner des tensions sociales. Le fonds est donc également utile pour la stabilisation politique.

Outre les transferts garantis, il existe également des transferts ciblés. Le président définit la stratégie et la plupart de ces transferts ont été utilisés dans le passé pour résoudre des crises. Lorsque le système bancaire s'est effondré en 2008, un transfert ciblé de 10 milliards d'USD a permis de surmonter la tempête.

Les transferts ciblés sont cependant encore moins transparents. Cet argent est alloué directement à des tâches spécifiques sans contrôle du parlement. Au cours des cinq dernières années, M. Tokayev a souvent répété que le Kazakhstan devait abandonner la pratique des transferts ciblés. Cela a conduit à une utilisation moins importante de cet outil. Mais maintenant que le gouvernement a montré qu'il avait besoin d'injections de liquidités supplémentaires, de nouvelles méthodes de retrait des actifs du Fonds national ont été mises en place.

DM : Le fonds n'est donc pas une institution indépendante et il est géré par le président en collaboration avec le gouvernement. N'y a-t-il pas de contrôle public sur ce fonds ?

KK : Il ne s'agit même pas d'une entité juridique. Personne n'est directement employé par le fonds. Il s'agit d'un compte détenu par le ministère des finances, qui publie un solde mensuel des actifs équivalents à des tenges entrant et sortant du fonds.

La Banque centrale est le gestionnaire de ce compte, responsable de la stratégie d'investissement du fonds. Son rapport mensuel est rédigé en dollars américains, ce qui montre que l'argent reste en dehors de l'économie. La Banque centrale gère le fonds par l'intermédiaire d'un département spécial, qui gère également les réserves d'or et de devises. Les actifs du fonds sont investis par l'intermédiaire de grandes organisations financières internationales.

La société est absente de ce tableau. La population n'a aucun contrôle sur la gestion du fonds. Son conseil d'administration est presque entièrement composé de fonctionnaires et dirigé par le président, qui a toujours le dernier mot. Le véritable gestionnaire du fonds était et reste le président.

Les membres du parlement ne peuvent pas réglementer le fonds ni contrôler ses activités, à l'exception des transferts au budget. Pourtant, même la partie des actifs du fonds qui est transférée à des entreprises nationales ne peut être examinée par le parlement. Certains députés ont essayé, mais la loi empêche tout contrôle ultérieur des budgets des sociétés nationales.

DM : Pourquoi la transparence est-elle si importante ? Pourquoi le Fonds national est-il si opaque ?

KK : En termes de transparence, le Fonds national du Kazakhstan est probablement l'un des fonds souverains les plus opaques au monde. Les informations relatives à sa stratégie d'investissement et à la structure de ses actifs qui sont publiées sur les sites web du gouvernement manquent de précision. Le retour sur investissement du fonds peut également être considéré comme opaque.

La transparence est essentielle pour les investisseurs, car c'est ainsi qu'ils comprennent la stabilité du fonds. Le manque de transparence arrange probablement quelqu'un. Le fonds est une réserve semi-secrète. Lorsque le public réclame la transparence, il se heurte à un mur de silence.

Notre président actuel et ses prédécesseurs n'ont parlé que vaguement de la stratégie d'allocation d'actifs du fonds. Les députés ont été dissuadés de poser toute autre question à ce sujet. Le fonds étant, par essence, un instrument créé par décret présidentiel, il peut à tout moment être dissous par décret présidentiel.

DM : Faut-il en conclure que, sans le Fonds national, le régime politique actuel n'aurait pas été viable ?

KK : Oui, toute cette architecture massive du pouvoir présidentiel serait impossible sans le fonds. Le Kazakhstan ne serait pas un pays superprésidentiel. Nous aurions plus de transparence en ce qui concerne le déficit budgétaire, sa structure serait visible, et toutes les dépenses seraient imputables au parlement. Cela créerait un espace de discussion publique.

Si le président peut combler le déficit budgétaire en signant simplement un décret, il n'y a pas lieu de débattre. La Banque centrale ne fait qu'exécuter les décisions du président. Maintenant, l'objectif est que les actifs du fonds atteignent un niveau de 100 milliards de dollars. La Banque centrale ne va pas s'y opposer.


Indonésie : le vainqueur des présidentielles charme les jeunes électeurs avec des danses, TikTok, et des chats

Tue, 19 Mar 2024 11:01:56 +0000 - (source)

Il a utilisé les réseaux sociaux pour masquer son passé

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le Président sortant indonésien, Joko Widodo (à gauche), et le nouveau président, Prabowo Subianto (à droite), posent avec des reporters lors d'un rassemblement en 2019. License CC 1.0 via Wikicommons

Suite aux élections générales du 14 février en Indonésie, Prabowo Subiato est en passe de remporter la présidence avec une victoire écrasante au premier tour. Prabowo est surtout connu pour son rôle de commandant des forces spéciales sous l'ancien dictateur indonésien Suharto dont il est également le gendre. Quand il servait sous Suharto, Prabowo a perpétré de nombreuses violations des droits humains, y compris des crimes de guerre en Papouasie et au Timor-Leste, une répression des militants étudiants qui a donné au moins quatre morts et de nombreux blessés, et la disparition forcée présumée de plus d'une douzaine de militants pro-démocratie.

L'ancien général s'est présenté aux deux dernières élections présidentielles en 2014 et en 2019, s’ annonçant chaque fois comme un populiste ardent pur et dur sous les couleurs du parti Gerindra qu'il a fondé en 2008. Durant ces campagnes, il s'est associé à des groupes islamistes d'extrême-droite et a souvent utilisé une rhétorique de division et des attaques ad hominem. Après sa défaite au terme d'un deuxième tour de scrutin sous tension contre le président actuel Joko Widodo (Jokowi) en 2019, ses supporters ont violemment protesté dans les rues, et il a contesté les résultats, arguant une fraude électorale. Un tribunal a rapidement mis fin à ces allégations. Afin d'apaiser ces électeurs mécontents, Jokowi a tendu un rameau d'olivier en le nommant ministre de la Défense dans son cabinet.

Sa relation avec Jokowi semble meilleure que jamais ces temps-ci, en particulier depuis que Prabowo a choisi le fils aîné de Jokowi, Gibran Rakabuming Raka, 36 ans, comme vice− président. Cette décision en elle-même a été sujette à controverse, car la loi indonésienne requiert que les candidats soient âgés d'au moins 40 ans. Cependant, le tribunal constitutionnel  — dirigé par le juge en chef Anwar Usman, beau-frère de Jokowi — a levé la règle dans ce cas particulier afin que l'homme âgé de  36 ans puisse se présenter, affirmant que puisqu'il avait déjà occupé un poste de dirigeant régional dans un bureau élu, il était éligible. 

Tandis qu'il est déconseillé à un  président en exercice de marquer une préférence aux élections en Indonésie, contre toute attente, Jokowi a tacitement soutenu les deux,  ignorant même Ganjar Pranowo, le candidat de son propre parti, le parti démocratique indonésien de lutte (PDI-P). Un documentaire est sorti depuis, intitulé «Dirty Vote,» alléguant que Jokowi a utilisé des fonds publics pour financer la campagne de Prabowo et pour acheter les voix des électeurs. 

Ce soutien de Jokowi, qui, depuis décembre 2023, a bénéficié d'un remarquable  taux de popularité de 76 pour cent, a vraisemblablement influencé les élections de façon significative.  Mais le succès de Prabowo n'est pas seulement dû à Jokowi, il reflète plutôt une campagne soigneusement conçue pour adoucir son image et mobiliser le vote déterminant de la jeunesse indonésienne, puisque 52 pour cent des électeurs admissibles ont entre 17 et 40 ans.

L'adorable papi

Durant cette élection, Prabowo s'est fabriqué une image de grand-père charmant avec un mouvement de danse préféré, une mascotte animée et une passion pour les chats. L'ancien général a courtisé le vote des jeunes avec grand succès et a manié TikTok, Instagram Reels, et d'autres réseaux sociaux dans le but de redorer le blason de son image ternie. Dans le post Instagram suivant, Prabowo pose avec son chat Bobby et l'ambassadeur pour la Chine à son domicile, lors de la visite de ce dernier pour le féliciter de sa victoire.

 

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A post shared by Prabowo Subianto (@prabowo)

De la même façon, dans cette vidéo sur TikTok, on voit Prabowo en train d'exécuter son mouvement de danse préféré, la «danse gemoy» (la danse du nounours ), suivi d'un tour de l'estrade à pas cadencé— tous deux caractéristiques des évènements de sa campagne de 2024.

@aku_chandkelvin

Lari-lari kecilnya Gemoy amat pak 😁 #WaktunyaIndonesiaMaju #PrabowoGibranIstimewa #viral #fyp #fypシ

♬ original sound – Chand Kelvin – Chand Kelvin

De nombreux commentateurs ont acclamé l'ancien général, le trouvant «trop mignon» et ont posté des messages de soutien sous le clip «​​all in pak Prabowo R1 🥰🥰» et «Cet homme a tant d'enthousiasme. Monsieur, votre victoire est assurée. Je suis sûr que vous allez y arriver, n'écoutez pas ce que les gens disent. Soyez sûr de vous et enthousiaste  🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰🥰»

Prabowo a aussi sorti une chanson entraînante pour sa campagne qui a été largement partagée sur les réseaux sociaux.

 Outre son image adoucie, beaucoup de jeunes électeurs sont aussi trop jeunes pour se rappeler personnellement des scandales précédents de Prabowo ou de la poigne de fer de Suharto. 

Grâce à l’ image affable qu'il cultive, les rumeurs relatives aux violations passées des droits humains et au tempérament de Prabowo semblent lui glisser dessus. Tout au long de la campagne, il a réussi à esquiver la plupart des condamnations pour son passé sanglant, même quand ses détracteurs ont mené des campagnes telles que «Ne votez pas pour un kidnappeur!»

À quoi s'attendre ensuite

Étant donné l'immense popularité de Jokowi, une grande partie de la campagne de Prabowo reposait sur sa volonté de marcher sur les traces du président sortant. Comme Jokowi était perçu comme un capitaliste pur et dur dont la force résidait dans la stimulation du commerce et de l'économie indonésienne au travers des relations internationales, beaucoup de jeunes espèrent que Prabowo contribuera également à l'augmentation des offres d'emplois et des opportunités. Un utilisateur de Tiktok commente sous une vidéo du candidat, « J'espère qu'en élisant Mr. Prabowo président, mon portefeuille sera lui aussi satisfait.» 

Une grande partie des promesses de sa campagne était centrée sur la réduction de la dépendance internationale et la provision de davantage d'offres d'emplois au niveau national, sur l'intensification de la production alimentaire nationale de façon à réduire l'importation, et sur le lancement d'un programme pour fournir des repas scolaires et du lait gratuitement aux écoliers.

Cependant, certains restent sceptiques.

John Muhammed, un des militants harcelés et attaqués par les troupes de Prabowo quand il était un étudiant engagé en 1998, craint  une augmentation des abus des droits humains en Indonésie. Il a déclaré à AlJazeera dans une interview:

Si Prabowo est président, beaucoup de gens seront enhardis. Personne ne craindra plus de commettre des abus des droits humains, parce qu'il a échappé à toutes les allégations faites contre lui et est parvenu à toutes les étouffer.

Les militants écologistes s'inquiètent aussi car Prabowo a insinué qu'il reviendrait sur certains engagements environnementaux pris par Jokowi visant à réduire la déforestation dans les forêts tropicales endémiques d'Indonésie. Lorsqu’ il a été interrogé sur les engagements de l'Indonésie concernant la réduction de la déforestation d'ici 2030 à la COP26, la conférence annuelle sur le climat des NU, il a répondu:

Ce sont les Européens qui sont venus sur nos îles et nous ont forcés à planter du thé, du café, du caoutchouc, du cacao, et maintenant vous dites que nous détruisons nos forêts. Vous avez détruit nos forêts.

Il reste à voir si Prabowo, maintiendra ce front désarmant ou reprendra son programme d'ire et de menaces une fois qu'il prendra ses fonctions en octobre. 


Les Togolais réagissent à la mort en exil de l'opposant Agbéyomé Kodjo

Fri, 15 Mar 2024 10:21:02 +0000 - (source)

Agbéyomé Kodjo est aussi ancien président de l'Assemblée nationale togolaise

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Agbéyomé Kodjo ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde

L'exil devient un lieu habituel de fin de vie pour les opposants au régime togolais. Le dernier en date est Agbéyomé Kodjo, décédé le 3 mars 2024 au Ghana.

Il n'existe pas de chiffre exact sur le nombre de citoyens togolais vivant en exil, et souvent dans la clandestinité loin de leur pays, jusqu'à leur mort pour des raisons politiques, mais plusieurs grands noms marquent cette histoire. En mars 2021, Foussena Djagba, activiste politique et opposante au régime du président Faure Gnassingbé est décédée au Ghana suite à une courte maladie. Monseigneur Philippe Fanoko Kpodzro meurt le 9 janvier 2024 en Suède, après trois années en exil.  Aujourd'hui, les Togolais font le deuil de l'ex-opposant Agbéyomé Kodjo, décédé dans la ville de Tema au Ghana.

Lire : Décès d'un prêtre catholique togolais fervent opposant au pouvoir en place

Qui est Agbéyomé Kodjo?

Ancien allié de la famille Gnassingbé à l'époque du président défunt Gnassingbé Eyadéma, Agbéyomé a occupé d'importants postes : Ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture (1988-1991) ; Directeur général du Port autonome de Lomé (1993-1999) ; président de l'Assemblée nationale (1999-2000) ; Premier Ministre (2000-2002). Suite à une divergence au sein du parti Rassemblement du peuple togolais (RPT), sa famille politique d'alors, il est relevé de ses fonctions de chef de gouvernement et part en exil en France en 2002.

De retour de son exil en 2005 à la suite de la mort de Gnassingbé Eyadéma, il se range du côté de l'opposition. En 2008, il lance sa formation politique, l'Organisation pour bâtir dans l'union solidaire togolaise (OBUTS) pour laquelle il est candidat à l'élection présidentielle de 2010.

Dix ans après, en 2018, OBUTS devient le Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD). Agbéyomé mobilise d'autres partis politiques aux côtés du MPDD et crée sous la direction de Monseigneur Philippe Fanoko Kpodzro la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) pour affronter Faure Gnassingbé dans les urnes lors des élections présidentielles de 2020. Alors que les résultats issus des urnes proclament Agbéyomé deuxième avec 19,45% de voix exprimées, derrière Faure Gnassingbé qui totalise 70,78 %, il se réclame tout de même vainqueur et s'auto-proclame “président légitime du Togo“, estimant avoir le plus grand nombre de voix exprimées et que sa victoire lui a été volée.

Le 21 avril 2020, Agbéyomé est arrêté. Plusieurs faits lui sont reprochés, dont l’atteinte à la sûreté intérieure de l’État et l’usage des insignes de l’État. Il est libéré trois jours plus tard, le 24 avril, mais placé sous contrôle judiciaire. C'est dans ce contexte qu'il part en exil où il passe ses cinq dernières années.  

Réactions et hommages

Si le combat politique mené par Agbéyomé Kodjo n'a pas porté les fruits qu'il espérait, son parcours sur la scène politique togolaise a laissé des traces. Interviewé par le journal Le Monde dans les premières heures qui ont suivi la mort d'Agbéyomé, Paul Missiagbéto, son conseiller spécial et  chargé des affaires politiques et civiques au MPDD indique :

Je n’avais pas connaissance du fait qu’il était malade. Je sais qu’il est mort au Ghana aux alentours de 15 heures. Sinon, nous ne parlions jamais du lieu où il était en exil. Je sais juste qu’il vivait dans la clandestinité et qu’il m’a dit plusieurs fois qu’il ne sortait pas de chez lui par crainte qu’il lui arrive quelque chose.

Des membres des autres partis politiques lui ont rendu des hommages. Quelques uns ont été cités par le média togolais Afreepress dans un article consacré à l'homme politique. Me Mouhamed Tchassona-Traoré, Coordonnateur national de l’Alliance Ensemble déclare :

C’est avec une grande tristesse que nous apprenons le rappel à Dieu de notre compatriote et compagnon de lutte, Agbéyomé Kodjo, dont la stature intergénérationnelle fait de lui un homme politique transcendant tous les clivages et clichés.

De la même source, Gerry Taama, Président national du parti Nouvel Engagement Togolais (NET) déplore :

Il s’agit là d’une grande perte. Il est regrettable que cet homme politique ‘’particulièrement brillant’’ soit parti en étant très loin du pays. M. Agbéyomé Kodjo est un patriote, il aimait son pays et la population togolaise. Je me sens triste qu’il soit parti en étant très loin du pays.

Toujours auprès d’Afreepress, Adrien Béléki du parti Convergence Patriotique Panafricaine (CPP) ajoute :

Gardons de ce monsieur, l’homme complexe qu’il a été. On discutait toujours avec lui quand il était sur le territoire national. On sent en lui qu’il veut quelque chose pour l’épanouissement de son pays. Peut-être qu’il a été mal compris.

Cité dans le média Afriqueenligne, Antoine Folly, Délégué général du parti Union des démocrates socialistes du Togo (UDS-TOGO) aussi rend hommage à l'homme politique :

Je n’ai pas souvenir d’un homme politique togolais qui ait eu dans son parcours politique, à occuper deux des trois plus hautes fonctions de la République. A ce jour, Agbéyomé Kodjo reste le seul à l’avoir fait. Au-delà des divergences d’appréciation que nous avons eues au sujet de l’élection présidentielle de 2020, nous avons toujours partagé avec Agbéyomé Kodjo et son parti politique une très haute et noble idée de la démocratie et de l’intérêt national.

Sur X(ex-Twitter), Nathaniel Olympio salue la mémoire et le caractère de l'illustre disparu. Il écrit :

En deux mois, la classe politique togolaise perd deux géants fervents de l'alternance démocratique au Togo. Pour l'heure, certains acteurs politiques émettent le vœu que Agbéyomé soit enterré dans la dignité et réclament le rapatriement du corps de l'ex-opposant.

En considération de sa qualité d'ancien premier Ministre et d'ancien président de l'Assemblée nationale, l'actuel pouvoir en place va-t-il décider de lui rendre un hommage national?

Lire : 


Menace d'une crise de la dette sur les pays en développement

Thu, 14 Mar 2024 16:27:49 +0000 - (source)

Le montant du remboursement des dettes est estimé à au moins 800 milliards de dollars

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration by Giovana Fleck.

Depuis la pandémie, l'inflation est devenue un élément perturbateur partout dans le  monde. Or, les récentes hausses brutales des taux d'intérêt n'ont pas résolu le problème de la persistante de l’inflation à laquelle se heurtent les économies mondiales. En effet, ses véritables facteurs, à savoir les perturbations de la chaîne d'approvisionnement et la flambée du prix des produits de base, semblent à l’heure actuelle maitrisés, et la spéculation, qui a aggravé des problèmes comme l'insécurité alimentaire mondiale, est à la baisse. Mais l'intervention de l’Occident pour contrer l’inflation a de graves répercussions sur les pays du « Sud Global » (pays en développement), et a provoqué une crise de la dette.

En raison de la pandémie de COVID-19, le Sud Global a vu sa dette augmenter de 8 % entre 2020 et 2021, passant de 8 600 milliards de dollars à plus de 9 000 milliards, soit une croissance supérieure à celle du revenu national brut et des exportations. De même, la dette extérieure à court terme a également augmenté, probablement en raison de l'achat de vaccins et de tests, et du coût d'autres mesures de lutte contre la pandémie. De nombreux pays ont affiché une croissance à deux chiffres de la dette. Du fait de la chute brutale des exportations, du tourisme et des envois de fonds, ainsi que de l'augmentation des prix des denrées alimentaires et des carburants, les dépenses dans de nombreux pays en développement ont fortement augmenté, alors que les gains sur devises étrangères ont rapidement chuté suite à la pandémie. Ils ont été victimes de la fuite des capitaux (lorsque de l’argent est retiré du système bancaire du pays d’origine) qui a entraîné une dépréciation de leur monnaie, augmentant le coût des importations, et provoquant une baisse de la consommation des ménages à cause de la hausse du prix des denrées. Le fardeau de leur dette s’est alors davantage alourdi et a même conduit certains d'entre eux à ne pas pouvoir honorer leurs remboursements.

En outre, en 2022, l'inflation a résulté de la « cupidéflation » (les grandes entreprises augmentent leurs prix pour réaliser plus de profits), et de la « stagflation » (les pénuries d'approvisionnement font grimper les prix à l’échelle mondiale). La première réaction fût d’augmenter considérablement les taux d'intérêt, une mesure dont est principalement responsable la banque centrale des États-Unis (FED et qui a entraîné des conséquences désastreuses pour une grande partie du Sud Global. Des taux d'intérêt plus élevés rendent le dollar plus attrayant pour les investisseurs et augmentent sa valeur par rapport aux autres monnaies. En d'autres termes, lorsque les pays en développement achètent des denrées en dollars, elles coûtent beaucoup plus cher dans leur monnaie nationale. Étant donné qu'ils subissent déjà des restrictions au niveau de leur politique financière, en raison de facteurs externes tels que la spéculation sur les prix des matières premières (métaux, pétrole, agriculture, etc.) et la pandémie, la hausse brutale des taux d'intérêt a ensuite menacé leur croissance économique. Cette situation alarmante signifie que le Sud Global est confronté à une récession économique majeure et à une crise de la dette imminente.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) prévoit que les fortes pressions exercées par les pays riches sur les taux d'intérêt entraîneront un grave problème de surendettement dans le reste du monde, et estime que le coût du remboursement pèsera sur les pays en développement à hauteur d'au moins 800 milliards de dollars. Alors que les dépenses liées au service de la dette augmentent au détriment des investissements et des dépenses publiques, ils doivent trouver ce que la vice-secrétaire générale des Nations Unies, Amina Mohammed, a appelé « un compromis entre investir dans la dette et investir dans leur pays ». La Banque mondiale met en garde contre l'éventualité d'une crise imminente de la dette, une prévision particulièrement « dévastatrice pour les pays les plus démunis, où la réduction de la pauvreté est déjà au point mort. » De manière significative, les dernières évaluations du Fonds monétaire international concernant le fardeau de la dette indiquent que 10 pays sont en situation de surendettement (c'est-à-dire en défaut de paiement ou sur le point de l'être) tandis que 52 autres sont dans une situation sévère à modérée et totalisent à ce jour 3 000 milliards de dollars de dette, soit le double par rapport à 2010.

Un article récent de l'Institut pour une nouvelle pensée économique (INET), un groupe de réflexion sur l’économie, aide à clarifier la gravité de la situation engendrée par le resserrement des politiques monétaires de l'Occident. Outre les problèmes évoqués précédemment, les banques centrales des pays en développement peuvent décider d'augmenter leurs taux d'intérêt. Mais comme l'indique l’article, une telle mesure nuirait considérablement au PIB et à l'économie locale en ralentissant la croissance économique et en entraînant d'importantes pertes d'emplois, rendant impossible un atterrissage en douceur. En outre, une récession déclenchée par la politique monétaire américaine pourrait freiner toute croissance économique future, rendant impossible le remboursement de la dette.

La menace d’une nouvelle décennie perdue pour le développement pourrait avoir de graves conséquences sur la vie quotidienne des pays du Sud Global. En effet, la CNUCED estime que les augmentations des taux d'intérêt américains pourraient réduire leurs revenus futurs (à l'exception de la Chine) d’au moins 360 milliards de dollars. Dans beaucoup de ces pays criblés de dettes, les paiements d'intérêts représentent près de 5 % des recettes d'exportation.

La réponse de l'Occident a été dérisoire et grotesque et la suspension des paiements pendant la pandémie était une mesure tout à fait insuffisante. En effet, l'initiative, en excluant toute possibilité d'annuler la dette extérieure, n'a fait que reporter brièvement son remboursement à long terme, lequel « doit malgré tout être effectué intégralement en 2022-24, les intérêts dus continuant à augmenter »; mais plus important encore, la priorité a été donnée à la dette bilatérale, c'est-à-dire la dette contractée par des agences au nom du gouvernement d'un pays. Or, les pays en développement empruntent de plus en plus auprès d'institutions privées, au lieu d’autres gouvernements ou institutions financières internationales, malgré des taux d'intérêt plus élevés et des délais de remboursement plus courts. La dette devient alors insoutenable, d'autant plus qu'il est beaucoup plus difficile de la restructurer, les prêteurs privés refusant systématiquement sa restructuration, son refinancement ou son l'allègement.

De nombreux pays comme le Sri Lanka, qui récemment a fait défaut sur le remboursement de sa dette, ont été confrontés à ce problème. Il y a vingt ans, la majeure partie de la dette extérieure du Sri Lanka était composée d'organismes de développement multilatéraux et bilatéraux, à savoir la Banque mondiale et l'Agence japonaise de coopération internationale, et était assortie de périodes d’amortissement à long terme (25 à 40 ans), y compris des délais de grâce importants. Plus important encore, le pays bénéficiait de taux d'intérêt nettement moins élevés (dans certains cas, même inférieurs à 1 %). La composition de sa dette commerciale est passée d'environ 2 % au milieu des années 2000 à 60 % aujourd'hui. Pour ne rien arranger, la plupart des échéances de remboursement sont à court terme plutôt qu'à long terme. Il en est ainsi pour la plupart des pays en développement depuis les deux dernières décennies, une situation à présent aggravée par la baisse des recettes en devises et la hausse des taux d'intérêt enregistrée à travers le monde.

Une autre solution préconisait l’utilisation des droits de tirage spéciaux (DTS) créés par le FMI, et destinés à distribuer des réserves aux pays dans le besoin. En août 2021, le FMI a décidé d'injecter 650 milliards de dollars de DTS en réponse au choc financier provoqué par la pandémie de COVID-19. Peu après, au moins 80 pays du Sud Global ont saisi cette occasion pour acheter des devises étrangères dont ils avaient besoin d’urgence pour leurs dépenses budgétaires. Plus important encore, contrairement aux allocations précédentes du FMI aux pays pauvres, elles n'étaient pas assorties de clauses néolibérales (privatisation, réduction des dépenses publiques, déréglementation, financiarisation). Cependant, les mesures prises se sont avérées tout à fait insuffisantes par rapport à l'ampleur des besoins des pays, étant donné que les montants de DTS sont basés sur les quotes-parts du FMI, qui reflètent la taille et la place d'un pays dans l'économie mondiale. Par conséquent, les plus petites économies, qui ont le plus besoin d'aide, ont en fait reçu moins de DTS. Bien qu'ils se soient engagés à canaliser leurs parts de DTS vers les pays en développement, les principaux pays occidentaux, tels que le Royaume-Uni et les États-Unis, n'ont réaffecté qu'environ 20 %, et près de 400 milliards de dollars de DTS nouvellement alloués n’ont pas encore été utilisés.

Depuis la suppression du contrôle des capitaux (mesures visant à contrôler l'entrée et la sortie des capitaux étrangers, l'une des caractéristiques du système de Bretton Woods mis en place pendant l'âge d'or du capitalisme) les pays en développement doivent compter sur les marchés financiers internationaux pour collecter des fonds destinés à répondre à des besoins urgents. Mais ils sont de plus en plus exposés à un marché financier non réglementé. En raison du phénomène de capitaux fébrilesqui sont souvent des flux de capitaux spéculatifs illicites entre pays pour réaliser des profits à court terme), ainsi que de chocs mondiaux tels que les pandémies et autres situations instables, ils se retrouvent avec une dette plus importante et plus risquée, et un insoutenable fardeau de la dette. En effet, les pays pauvres sont de plus en plus vulnérables aux chocs externes répétés, tels que les fluctuations des prix des produits de base, qui limitent leur accès aux devises et leur capacité à rembourser leur dette, étant donné qu’ils empruntent souvent en monnaies étrangères. Ils disposent alors d'une marge de manœuvre budgétaire réduite pour faire face à de telles crises économiques. Plus important encore, ces dettes excessives et insolubles représentent l'obstacle majeur au renforcement de la résilience climatique, et à la réalisation d’objectifs de développement durables (ODD). En effet, depuis 2010, près d’un quart du PIB total des pays en développement est consacré à la lutte contre les changements climatiques. Pire encore, étant donné que les prêts représentent environ 80 % de l'ensemble des dépenses publiques affectées aux changements climatiques, ils ont dû emprunter pour faire face à ces graves problèmes.

Dans un rapport récemment publié, Oxfam attire l’attention sur la crise majeure à laquelle sont confrontés les pays du Sud Global, notant que « plus de la moitié (57 %) des pays les plus pauvres du monde, où vivent 2,4 milliards de personnes, doivent réduire leurs dépenses publiques de 229 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années ». Le rapport souligne qu’ils « seront contraints de payer près d'un demi-milliard de dollars par jour en intérêts et en remboursement de la dette d'ici à 2029 ».

Dans le contexte économique actuel, cette triste réalité est au cœur de la crise climatique, qui constitue pour tous une menace majeure. Une nouvelle décennie perdue ne doit pas se répéter, surtout lorsque qu’il existe des solutions réelles et crédibles.


Où en est le débat sur l'euthanasie en Amérique latine ?

Thu, 14 Mar 2024 16:20:38 +0000 - (source)

L'euthanasie reste un sujet tabou dans la région.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Un soignant regarde une personne allongée sur un lit, à gauche un graphique représentant un électrocardiogramme, à droite une ligne droite

Illustration réalisée par Connectas. Utilisée avec autorisation.

Cet article a été rédigé par Carlos Gutiérrez et publié sur CONNECTAS le 23 février 2024. Une version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord média.

La plupart des spectateurs n'oublieront jamais ce match de football du samedi 10 février entre le Deportivo Independiente Medellín (DIM) et Santa Fe. Pas à cause de ce qui s'est passé sur le terrain, mais à cause de l'histoire qui s'est déroulée dans les tribunes. C'est là que s'est rendu le jeune Sebastián Pamplona pour réaliser son dernier souhait : voir jouer le DIM, son équipe de cœur, avant d'être euthanasié en raison de sa maladie incurable. Des milliers de supporters et les joueurs ont scandé son nom, un moment très émouvant.

#Sport | Sebastián Pamplona, le supporter de Medellín qui sera euthanasié et qui a fait ses adieux à l'Atanasio Girardot https://t.co/hOPN2QuGrN

— El País Cali 📰 (@elpaiscali) 11 février 2024

La Colombie est le pays pionnier en Amérique latine en matière de dépénalisation de l'euthanasie. La loi l'a réglementée en 2015 pour les patients en phase terminale d'une maladie. Un professionnel de la médecine doit pratiquer la procédure avec l'autorisation préalable du Comité scientifique interdisciplinaire pour la mort dans la dignité.

Outre l'histoire de Sebastián, le débat sur la dépénalisation et la réglementation de l'euthanasie a de nouveau fait la Une des journaux en Amérique latine. Début février, la Cour constitutionnelle équatorienne a dépénalisé l'euthanasie active, après qu'une femme de 42 ans, Paola Roldán, a lancé, depuis août 2023, un vaste mouvement sur les réseaux sociaux et dans les médias pour demander la légalisation de l'aide à mourir.

L'Équateur a dépénalisé l'euthanasie dans un arrêt historique rendu dans l'affaire Paola Roldán. L'Équateur devient ainsi le neuvième pays au monde à dépénaliser l'aide à mourir.

L'information provient de @bbcmundo https://t.co/Sb4syYk3aR

— Animal Político (@Pajaropolitico) 13 février 2024

Il y a trois ans, une sclérose latérale amyotrophique a été diagnostiquée chez Paola et elle est immobilisée dans un lit depuis plus de six mois sans aucune chance d'amélioration. Dans ces circonstances, elle a fait appel à une équipe d'avocats pour faire valoir son droit à une mort digne devant les tribunaux et est ainsi devenue un symbole de la lutte pour la dépénalisation de l'euthanasie, non seulement en Équateur, mais également dans toute l'Amérique latine.

Bien qu'étymologiquement « euthanasie » signifie « bonne mort » ou « bien mourir », elle désigne aujourd'hui le fait de mettre fin à la vie d'une personne qui est atteinte d'une affection incurable et irréversible. Elle implique l'utilisation de moyens indolores pour éviter la prolongation de graves souffrances physiques.

Au niveau mondial, seuls neuf pays ont réussi à dépénaliser et à légaliser la procédure. Les Pays-Bas ont ouvert la voie en avril 2002. Un mois plus tard, la Belgique a également légalisé l'euthanasie, suivie par le Luxembourg en 2009. Le Canada a rejoint le mouvement en 2016 et la Nouvelle-Zélande en 2020, tandis que l'Espagne a légiféré en juillet 2021 et le Portugal en 2023. En Australie, l'euthanasie n'est autorisée que dans l'État de Nouvelle-Galles-du-Sud, qui l'a approuvée en 2022.

En Europe, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg autorisent l'euthanasie. Aux États-Unis, elle n'est légale que dans cinq États. Au Canada, le suicide assisté et l’#euthanasie ont fait l'objet d'une loi en 2016.#MortDigne pic.twitter.com/jdTxDODfL1

— saludconlupa.com (@saludconlupa) 7 février 2020

Aux États-Unis, entre 1997 et 2017, dix États ont légalisé le suicide assisté pour les personnes âgées de plus de 18 ans et dont l'espérance de vie ne dépasse pas six mois. Le suicide assisté n'implique pas de tierce personne, comme c'est le cas pour l'euthanasie. Il se définit comment l'action d'une personne souffrant d'une maladie irréversible de mettre fin à sa propre vie.

En 2022, la Colombie a dépénalisé le suicide assisté pour les personnes atteintes de maladies graves ou incurables. La même année, Víctor Escobar, un transporteur de 60 ans est devenu le premier Colombien à être euthanasié sans se trouver en phase terminale. Il avait souffert d'accidents cardiovasculaires, avait une maladie pulmonaire obstructive et de l'hypertension.

À Cuba, en décembre, l'Assemblée nationale du pouvoir populaire a approuvé une nouvelle loi qui « reconnaît le droit des personnes à accéder à une mort digne, par l'exercice des déterminations pour la fin de vie, qui peuvent inclure la limitation de l'effort thérapeutique, les soins continus ou palliatifs et les procédures valides qui mettent fin à la vie ». Cette règle n'entrera toutefois en vigueur que lorsque le législateur aura adopté un règlement d'application.

Eneyda Suñer, universitaire mexicaine à l'Instituto Tecnológico y de Estudios Superiores de Occidente (ITESCO), pense que l'euthanasie devrait être légalisée et pas seulement dépénalisée, car cela ouvrirait « la porte à des protocoles sérieux, stricts et rigoureux. Sinon, l'euthanasie continue d'être pratiquée en cachette, sans soin et sans protocole. »

Au Mexique, la loi générale sur la santé interdit l'euthanasie, le suicide assisté et l'homicide par compassion. Cependant, il existe la volonté anticipée, une figure légale par laquelle une personne qui souffre d'une maladie en phase terminale ou qui prévoit une telle situation peut planifier le traitement et les soins qu'elle souhaite recevoir dans ses derniers jours.

LA LOI SUR LA VOLONTÉ ANTICIPÉE ENTRERA EN VIGUEUR À MEXICO
· Il s'agit d'un droit à l'autodétermination qui respecte la volonté des malades de ne pas prolonger leur vie au prix de la douleur et de la souffrance https://t.co/NTCLHHzsGC pic.twitter.com/O4m9zq2adc

— Hôpital Juárez de Mexico (@HospitalJuarezM) 9 septembre 2018

L'un des arguments en faveur de la légalisation est le droit de décider de sa propre vie. « Tant dans le suicide médicalement assisté que dans l'euthanasie, je ne porte pas atteinte aux droits de tiers », affirme Marina Arias, avocate au ministère de la Défense publique du Paraguay.

Les discussions autour de l'euthanasie sont pleines de complexité et de mythes. « Les sujets liés à la moralité sont souvent tabous. Il y a l'avortement, l'euthanasie, les mères porteuses, les relations homosexuelles… », explique Eneyda Suñer. Selon elle, la loi en faveur de l'euthanasie devrait exister, car il s'agit de mieux vivre ensemble.

L'avocate Marina Arias soutient qu'en la légalisant, il faudrait avant tout défendre le droit à l'autonomie de la volonté. Autrement dit, « à quel point décidons-nous de nous-mêmes ? », demande-t-elle. Elle affirme que, puisque des lois criminalisent l'euthanasie et le suicide assisté, c'est l'État qui décide à quel moment chaque personne peut disposer de son corps. Elle plaide également pour la prise en compte des maladies mentales dans la législation sur l'euthanasie.

Dans une interview pour l'émission de radio uruguayenne En perspectiva, l'oncologue espagnol en soins palliatifs Enric Benito a évoqué son expérience avec Fernando Sureda, ancien directeur de la Fédération uruguayenne de football. En 2018, après qu'une sclérose latérale amyotrophique lui ait été diagnostiquée, il a commencé à demander que la loi uruguayenne lui autorise l'euthanasie. Il n'y est jamais parvenu. En raison de la pandémie, Benito a accompagné Sureda à distance pendant ses derniers jours.

La plupart des experts interrogés dans le cadre de cet article s'accordent à dire qu'une grande partie des polémiques sur le sujet a lieu parmi des personnes en bonne santé et sur un plan théorique. Peu d'études sont menées auprès de personnes en phase terminale d'une maladie. « Les personnes qui souhaitent réellement l'euthanasie ne sont pas en mesure de faire des déclarations ou de signer des documents. Elles se rendent généralement compte qu'elles veulent l'euthanasie lorsqu'elles sont en phase terminale et qu'elles souffrent beaucoup », explique Eneyda Suñer.


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