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État d'urgence : quinquies repetita !

Tue, 13 Dec 2016 14:10:24 +0000 - (source)

Mise à jour du 10 janvier 2017 : Le Sénat a aussi adopté l'extension de l'état d'urgence. Le texte est disponible sur Légifrance.

Mise à jour du 14 décembre 2016 : L'Assemblée Nationale a adopté hier l’extension de l'état d'urgence jusqu'en Juillet 2017. Jeudi 15 décembre, c'est au tour du Sénat de se prononcer.

Paris, 13 décembre 2016 — L'Assemblée nationale et le Sénat s'apprêtent à prolonger, pour la cinquième fois consécutive, l'état d'urgence instauré en France le 13 novembre 2015, il y a plus d'un an. Le gouvernement de Bernard Cazeneuve demande une prolongation jusqu'au 15 juillet 2017, sans aucune garantie qu'à cette date l'état d'urgence soit enfin arrêté. La France s'installe dans un état de suspension des droits permanent, et donc dans une régression des libertés fondamentales qui devient, jour après jour, de plus en plus difficile à enrayer. La Quadrature du Net appelle les parlementaires à refuser cette prolongation et à revenir, dans cette période d'élections cruciales, à l'État de droit et au respect des droits et libertés.

L'état d'urgence permanent

non à l'étau d'urgence !

Comme nous en avions souligné le risque dès sa première instauration, l'état d'urgence devient un mode de gouvernement permanent dérogatoire à l'État de droit. La persistance d'une menace ne saurait le justifier. L'article 3 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 affirme : « La loi autorisant la prorogation au-delà de douze jours de l'état d'urgence fixe sa durée définitive. » Or voilà la cinquième prolongation au-delà de ce terme « définitif ». Le gouvernement et ceux qui soutiennent cet état d'urgence permanent entendent accoutumer chacun à un affaiblissement des libertés, ce qui est une déplorable victoire de ceux qui les menacent par la violence.

État d'urgence inadapté à la lutte antiterroriste

Depuis le 13 novembre 2015, de nombreux rapports, recensements, articles et analyses, de même que les décisions successives du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État sur les assignations à résidence et les perquisitions administratives, ont montré à quel point l'état d'urgence est inefficace sur le plan de la lutte antiterroriste immédiate ou de la baisse d'intensité de la menace à long terme. Il apparaît que l'état d'urgence sert essentiellement à collecter du renseignement et à mettre sous scellés l'existence de personnes dont on ne sait que faire.

Dominique Raimbourg, président de la Commission des Lois et de la commission de contrôle parlementaire de l'état d'urgence souligne lui-même, le 6 décembre 2016, la faiblesse de l'apport de l'état d'urgence dans l'ouverture de procédures judiciaires liées au terrorisme.

État d'urgence détourné de sa présentation comme outil antiterroriste

En outre, il a été prouvé et reconnu que l'état d'urgence ne sert pas uniquement à lutter contre le risque terroriste, par le fait qu'il n'oblige en rien à ce que les mesures prises soient en lien avec la menace terroriste. Son utilisation en tant qu'outil de contrôle social, sécuritaire et politique, se fait donc en dérogation assumée à la Convention européenne des droits de l'homme depuis plus d'un an sans que la réaction des parlementaires français ne soit assez forte pour empêcher ce glissement. Pourtant c'est bien cela que dénonce la commission de contrôle parlementaire dans son rapport d'information publié le 6 décembre dernier. Les parlementaires constatent « qu'une très grande majorité d'arrêtés ne visent pas de circonstances particulières » et ne relèvent donc « plus d'une logique d'urgence et d’exception mais, en fait, se substituent aux mesures de droit commun ». L'usage massif de mesures d'interdiction de séjour pendant les mois de mobilisation contre la loi travail et les assignations à résidence pendant de grand événements tels que la COP21 en novembre dernier nous le montre bien.

État d'urgence dangereux pour les droits fondamentaux

L'état d'urgence a été instauré il y a maintenant plus d'un an, le 13 novembre 2015. Par la suspension des droits fondamentaux qu'il permet, l'état d'urgence ne peut être considéré comme une simple mesure destinée à rassurer les foules sur la préoccupation des services de l'État dans la lutte antiterroriste. Si une grande part de la population ne semble pas voir dans son quotidien les effets immédiats de cette situation, les personnes visées en raison de leur religion, de leur quartier d'habitation, de leurs fréquentations ou de toute autre raison discrétionnaire de mise sous surveillance par les services de police et de renseignement voient, depuis plus d'un an, les effets délétères de cette mise hors du champ des libertés fondamentales qui font le socle de notre justice et de notre démocratie.

La police administrative a un objectif préventif : à partir d'une série d'indices elle se projette dans l'avenir pour évaluer les risques de désordre de situations générales et impersonnelles pour la sécurité publique (manifestations, événements, mendicité etc.). Or ses missions dans le cadre de l'état d'urgence se basent sur la suspicion de comportements individuels : « Je vous assigne pour le trouble à l'ordre public que vous pourriez commettre »1. La loi d'état d'urgence telle que modifiée par la loi du 20 novembre 2015 formalise la possibilité qu'ont les préfets et le ministre de l'Intérieur d'effectuer une telle divination de la dangerosité individuelle pour prévenir la commission d'actes futurs. Pour cela les décisions administratives se fondent sur une parfaite subjectivité renforçant la discrimination injustifiée de certains groupes de populations déjà fortement stigmatisés. En février 2016, le Défenseur des Droits, mettait déjà en garde les services de l'État contre un « effet délétère » pouvant gravement compromettre la cohésion sociale.

Une 5e prolongation qui ne règle pas les problèmes déjà soulevés depuis un an

Le projet de loi présenté à l'Assemblée nationale et au Sénat cette semaine ne répond en rien aux différentes inquiétudes répétées depuis un an non seulement par les organisations de défense des droits fondamentaux, mais également de plus en plus par des magistrats, des parlementaires et même visibles dans les réflexions publiques du vice-président du Conseil d'État.

Malgré les nombreuses inquiétudes et mises en garde émises à la fois au sein de leurs rangs et par d'autres organes, le troupeau des députés et sénateurs continuera-t-il de nous mener vers un état d'urgence permanent ? Ont-il réellement une vision à long terme du régime qu'ils veulent pour la France ? Se borneront-ils encore à voter en fonction de l'émotion ambiante accentuée par les discours anxiogènes du gouvernement ? Ces députés et sénateurs qui voteront cette cinquième prolongation de l'état d'urgence et probablement dans les semaines à venir une nouvelle loi sécuritaire s'engagent à pérenniser et à inscrire encore plus profondément dans le quotidien des français un régime d'exception qui par sa nature même porte atteinte aux droits fondamentaux. La Quadrature du Net les engage au contraire à prendre leurs responsabilités et le temps d'une réelle réflexion sur les impacts à long terme de cette politique visant à abattre peu à peu tous les gardes-fous qui font un État de droit.


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