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Loi données personnelles : l'Assemblée nationale nie le droit européen pour protéger la loi renseignement

Wed, 24 Jan 2018 12:25:52 +0000 - (source)

Paris, le 24 janvier 2018 - Hier soir, l'Assemblée nationale a commencé à examiner le projet de loi censé aligner la protection de nos données personnelles sur le droit européen. La rapporteure du texte, Paula Forteza (LREM), et les autres députés ont refusé d'intégrer les nouvelles normes européennes pour corriger la loi renseignement de 2015. Il leur reste deux semaines pour sortir d'une hypocrisie insupportable selon laquelle le droit européen ne devrait être « respecté » que pour détruire nos droits (sociaux, de circulation, etc.), et jamais pour nous protéger de menaces autoritaires.

Des avancées consensuelles

Certes, quelques amendements positifs ont été discutés hier sur ce projet de loi, dont certains que nous proposions. Mme Forteza, MM Bothorel (LREM) et Gosselin (LR) ont proposé de renforcer les actions de groupe contre les entreprises exploitant illégalement nos données personnelles1. M. Brocard (LREM) a proposé de mieux définir la notion de consentement2. M. Bothorel a en outre proposé que les ordinateurs et téléphones ne puissent proposer par défaut des moteurs de recherches surveillant leurs utilisateurs3.

Bien. Mais aborder de tels sujets - finalement assez consensuels pour beaucoup d'entre eux - demandait bien moins de courage que les circonstances ne l'imposaient.

Seule Paula Forteza a commencé à esquisser le véritable débat - celui visant les services de renseignement. Elle a proposé de confier à la CNIL et à la CNCTR4 le contrôle des fichiers tenus par ces services et qui, aujourd'hui, ne peuvent être contrôlés qu'a posteriori ou de façon très parcellaire. Mais le courage de la rapporteure semble s'être rapidement dissipé, celle-ci s'empressant de préciser que ce contrôle ne conduirait, « en aucun cas, à contrôler l’activité des services » ni « à apprécier la pertinence et la réalité de telle ou telle information contenue dans le fichier », mais serait donc purement formel (contrôlant la sécurité et la structure d'ensemble).

De graves incohérences niées

Surtout, ni elle ni aucun député n'a évoqué une seule des nombreuses et graves incohérences que nous leur indiquions entre la loi renseignement de 2015 et la directive européenne 2016/680, que le projet de loi prétend pourtant intégrer en droit français, et qui encadre les traitements de données personnelles mis en œuvre « à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes ou de poursuites en la matière »5.

engrenage

La lâcheté dont ont fait part les députés a été nourrie dès le début des débats par le gouvernement, qui prétend dans l'exposé des motifs du projet de loi que cette directive ne serait pas « applicable aux traitements intéressant la sûreté de l’État et la défense, qui ne relèvent pas du droit de l’Union européenne ». En plus d'être fausse6, cette affirmation n'a pas grand chose à voir avec le problème, et ne saurait être qu'une piètre excuse pour les députés qui souhaiteraient en couvrir leur couardise.

En effet, la directive 2016/680 encadre les traitements réalisés « à des fins de prévention et de détection des infractions pénales [...], y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ». Or, la loi renseignement de 2015 autorise précisément des traitements afin de « prévenir » et de « détecter » une multitude d'infractions définies comme telles par le code pénal (terrorisme, traffic de stupéfiants, traites d'êtres humains, vol en bande organisée, manifestations illégales, émeutes...). Ce sont exactement les activités visées par la directive, qui encadre donc clairement les traitements réalisés dans le cadre de la loi renseignement7.

En refusant de corriger la loi renseignement, l'Assemblée nationale fait honneur à l'hypocrisie de son gouvernement qui, invoquant le droit de l'Union européenne dès qu'il s'agit de déconstruire nos droits, s'entête à le violer quand il s'agit de respecter notre vie privée8. Dans les dix jours à venir, l'ensemble des députés seront invités à déposer de nouveaux amendements (le texte n'est aujourd'hui examiné qu'en commission des lois). Puissent-ils être guidés par le courage et la cohérence qui ont manqué à la commission hier.


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