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Sénégal : un trop grand silence sur le viol conjugal

Wed, 10 Sep 2025 04:05:28 +0000 - (source)

Le Protocole de Maputo engage les États africains à garantir les droits fondamentaux des femmes.

Initialement publié le Global Voices en Français

Des femmes manifestent et demandent la criminalisation du viol ; capture d'écran de la chaîne YouTube de WF1tv – Women First

Par Bowel Diop

La violence basée sur le genre est un phénomène mondial qui touche également l'Afrique. Dans la plupart des cas, ceux qui perpétuent cette violence sont les époux, et cette violence s'étend parfois au viol conjugal.

Le viol conjugal est défini comme un acte par lequel un partenaire oblige l'autre partenaire à avoir un rapport sexuel non consenti. Ce phénomène touche de nombreuses femmes comme en témoigne ce rapport d’Equality, une organisation fondée aux États-Unis et qui dispose de bureaux à New York, Nairobi, et Londres.

Chaque jour, dans des groupes privés de discussion en ligne où des femmes s’expriment sous anonymat, apparaissent des confidences bouleversantes sur les violences subies par les femmes dans le couple. Pour des raisons de protection et de respect des personnes qui témoignent, ni leur identité ni les détails des plateformes ne sont mentionnés. Derrière ces témoignages se dessine pourtant une réalité glaçante : celle de rapports sexuels imposés dans le cadre du mariage malgré le non-consentement de la femme, autrement dit la réalité du viol conjugal.

Dans un contexte où les violences sur femmes deviennent légion, le consentement est bafoué. “L’obligation conjugale” prime encore trop souvent sur la liberté de la femme de disposer de son corps.

C’est dans ces univers numériques, entre détresse exprimée et normalisation de la violence, que s’inscrivent des groupes de parole qui incarnent la sororité numérique. Espace d’écoute, de soutien et de parole libre, ces espaces permettent aux femmes de briser collectivement les tabous qui freinent leur épanouissement, en ligne comme dans la vie réelle. Ce cadre sécurisé où des femmes témoignent de leurs vécus rappellent l’urgence d’un débat franc et courageux sur le viol conjugal en Afrique.

Débat culturel, religieux et juridique

En mai 2025, l’émission Midi Plus de TFM Télévision Futur Média, basé au Sénégal, offre une audience nationale à l’Oustaz Modou Fall (autorité musulmane au Sénégal). Ce prédicateur affirme que le devoir conjugal prime sur le consentement, légitimant ainsi une violence sexuelle sur l’autel du mariage. Il dit en wolof :

Wolof: Gnouni loi bi néna sakh sa diabar so beugué teud akk mom té dacoroul daga ko violé . Pfff wakhi dof ! Sa diabar ga takk ko so farata Yallah akk souna Seydouna Mohamed , touki Pape Samba dem tournage soneu baye beugu dé gnibissi beugu teud ak sokhname gnouniko bouné dama soneu damadone fobéré (rires) ga forcéko viol le. Boudé lou amm la , lane moye texte bi. Si diné.

 On dit que la loi dit que si tu as forcée ton épouse à avoir des rapports sexuels c’est que tu l’as violée. Pfff – paroles de fous, ta femme que tu as épousée devant Dieu. Tu voyages, tu as un tournage, Pape Samba [nom de l'animateur]  tu rentres fatigué, tu veux coucher avec ta femme et on te dit non. Elle te dit qu’elle est fatiguée, qu’elle faisait le ménage (rires ) tu l’as forcée donc c’est un viol ? Si c’est vrai, alors quel est le texte religieux qui dit ça? On doit faire attention à cela.

Dès la diffusion de l'émission, un vent d’indignation s’est élevé sur les réseaux sociaux. Sur la plateforme TikTok des voix militantes et juridiques se sont mobilisés. La page Xam Sa Droit, a publié une série de vidéos pour déconstruire les propos de Modou Fall en les confrontant à la législation. En particulier, elle explicite l’article 320 du code pénal sénégalais, qui définit le viol comme tout acte de pénétration « commis par violence, contrainte, menace ou surprise ». Cela suffit à rappeler que le mariage n'ampute aucun droit fondamental, et que refuser un rapport sexuel, même au sein du couple, reste un droit inaliénable. Ce travail de pédagogie juridique a été accueilli avec force et soutien sur TikTok, car il replace le consentement au cœur de la discussion.

Sur X également, des voix se sont levées. Nabou Diop Lo, juriste et activiste pour les droits des femmes et des enfants publie sur son compte X:

Mais comment oser se plaindre d’un viol quand une figure religieuse prétend que le « non » d’une épouse n’a aucune valeur ? Cette dissonance entre la loi, les discours publics et la réalité vécue par les femmes souligne l’urgence d’une réforme juridique et d’une prise de position claire des autorités.

Ce discours officiel normalise le viol conjugal, renforce un droit de regard absolu sur le corps de la femme et alourdit considérablement la charge morale des victimes potentielles.

Selon le rapport d’Equality Now (2024), la reconnaissance légale du viol conjugal varie fortement en Afrique. Le rapport indique que des pays comme le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, la Côte d’Ivoire, le Gabon, Madagascar, le Sénégal, ou le Togo criminalisent explicitement le viol marital.

D’autres pays comme la Gambie, la Guinée équatoriale, l'Érythrée, l'Éthiopie, le Soudan du Sud et la Tanzanie exemptent explicitement les époux de poursuites, sauf cas exceptionnels.

Le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo Brazzaville, La République démocratique du Congo, la Guinée, le Mali, l'Ouganda et le Tchad demeurent muets sur la question, laissant un vide juridique total.

La loi sénégalaise sur le viol et la pédophilie, modifiée en 2020, définit le viol comme :

Tout acte de pénétration « commis par violence, contrainte, menace ou surprise ».

Cependant, l’absence d’un encadrement précis autour du viol conjugal et du consentement marital laisse un champ d’interprétation large, souvent défavorable à la victime. De ce fait, le viol conjugal est fréquemment considéré comme une violence domestique banale, qui n'appartient pas à la catégorie de crime.

En Côte d’Ivoire, par exemple, une enquête du journal Le Monde, publié en février 2024, rapporte qu’une vidéo humoristique sur TikTok ridiculisant la fatigue sexuelle des femmes a suscité des réactions amusées, preuve que le non-consentement sexuel n'est pas pris au sérieux.

Les données montrent que 33% des femmes africaines ont subi une forme de violence sexuelle dans leur vie ; en Afrique subsaharienne, ce chiffre peut atteindre 44%  selon un article publié dans le journal African Health Sciences. En Côte d’Ivoire, 40% des femmes accueillies dans le refuge de l’ONG Akwaba Mousso rapportent avoir été victimes de viol conjugal.

Dans de nombreux systèmes juridiques africains, y compris au Sénégal et en Côte d’Ivoire, la présomption implicite de consentement mutuel entre époux notamment empêche la reconnaissance effective du viol conjugal comme crime.

Quand des féministes sensibilisent sur la thématique, la question est souvent minimisée. Dans l’article du journal Le Monde cité plus haut, la militante ivoirienne et cofondatrice de la Ligue ivoirienne des droits des femmes, Marie-Paule Okri confie au journaliste :

Quand on essaie d’en parler, on nous répond qu’on exagère. On nous inculque depuis l’adolescence que le corps de la femme est fait pour donner du plaisir à l’homme.

Pourtant le Protocole de Maputo engage les États africains à garantir les droits fondamentaux des femmes, y compris en matière de santé et de consentement reproductif au niveau de son article 14.

Au-delà des textes juridiques, seul un profond changement de mentalités peut changer la condition des femmes dans le respect du corps et l'égalité au sein des couples.


Rapport d'atelier : conception d'une stratégie d'activisme numérique en langue Angika à Bihar en Inde

Tue, 09 Sep 2025 01:09:59 +0000 - (source)

L’enthousiasme débordant des participants a poussé les organisateurs à programmer un atelier de suivi en ligne.

Initialement publié le Global Voices en Français

Participants et organisateurs de l'atelier Rising Voices sur l'activisme numérique et linguistique à Bihar. Avril 2025. Image fournie par l'auteur et utilisée avec son autorisation.

Participants et organisateurs de l'atelier Rising Voices sur l'activisme linguistique et numérique à Bihar, en Inde, en avril 2025. Image fournie par l'auteur et utilisée avec sa permission.

La présence en ligne d'une langue est essentielle pour promouvoir son utilisation dans la vie quotidienne. C'est un fait que les locuteurs de l'Angika ont bien compris, une langue parlée dans les États indiens de Bihar et Jharkhand.

À la suite d'un appel à participation lancé par Angika Wikimedians et Rising Voices, les locuteurs et sympathisants de la langue Angika se sont réunis à Bhagalpur, en Inde, les 28 et 29 avril 2025, afin d'étudier des stratégies numériques de renforcement de la présence en ligne de l'Angika. Axées sur huit points clés — faciliter, multiplier, normaliser, éduquer, réclamer, imaginer, défendre, et protéger — les participants locuteurs de l'Angika ont découvert des approches communautaires visant à soutenir et revitaliser leur langue dans la sphère numérique.

Élaboration d'une feuille de route pour la numérisation de l'Angika

Le séminaire de deux jours à Bhagalpur s'est tenu quotidiennement de 10 h à 16h00. L'événement a suscité un vif intérêt, et 22 participants ont été sélectionnés. En dehors des participants, cinq gardiens de la langue, dont des écrivains Angika chevronnés, étaient présents durant les deux jours du séminaire.

 Sudhir, un participant de l'atelier partage son point de vue sur la capacité à exercer ses droits linguistiques en tant que locuteur Angika.

Sudhir, un participant de l'atelier partage son point de vue sur sa capacité à exercer ses droits linguistiques de locuteur Angika. Image fournie et autorisée par l'auteur.

La première journée a débuté par une présentation personnelle des participants. Ils ont parlé de leur identité et lien avec la langue Angika, et ils ont partagé leurs motivations pour soutenir l'Angika. L'importance de s'exprimer dans sa langue pour renforcer les liens communautaires a été aussi soulignée.

Une session interactive sur les droits linguistiques a suivi, suscitant toute une série de réactions de la part des intervenants. Ils ont abordé le déclin de l'Angika en tant que langue privilégiée pour la communication publique, le manque de matériel didactique dans cette langue , et leur désir d'amener un changement dans les attitudes sociales en améliorant sa visibilité en ligne.

Après une annonce sur les attentes du groupe, la deuxième partie de la journée a été consacrée à la présentation de la boite à outils de l'UNESCO et Rising Voices, intitulée “Initiatives numériques pour les langues autochtones, ainsi que ses stratégies, présentée par la formatrice Amrit Sufi.

 Twinkle Rani, participante à l'atelier partage sa feuille de route au Jour 2. Image fournie par l'auteur.

Twinkle Rani, participante à l'atelier, partage sa feuille de route au Jour 2. Image fournie par l'auteur.

La deuxième journée s'est poursuivie par une formation complémentaire, suivie d'une activité de création de feuilles de route pour chaque acteur. Cet exercice avait pour objectif d'aider les participants à bien identifier leurs besoins en Angika dans leurs domaines d'intérêt spécifiques en ébauchant une piste de réalisation de solution.

Chaque participant avait des aspirations pour la langue — certains ont souligné le rôle de la musique dans la préservation de la culture linguistique, d'autres ont cherché à développer des applications, ou alors ils se sont concentrés sur la création de livres illustrés pour enfants ou d'applications d'apprentissage des langues. Plusieurs personnes ont aussi proposé de contribuer aux projets afin de soutenir l'Angika sur le plan numérique en créant du contenu. La contribution du coordonnateur de l'atelier Kumar Gaurav, a été très déterminante pour la poursuite de la discussion aux prochaines étapes.

Activités de suivi

À la suite de l'atelier d'avril 2025 , plusieurs participants ont exprimé leur volonté de retenir l'Angika Wikipedia comme outil d'amélioration de la visibilité en ligne. En raison de l'intérêt considérable suscité par cet évènement, les organisateurs ont prévu un atelier de suivi en ligne le 17 juillet 2025, animé par Nitesh Gill de l'Open Knowledge Initiatives IIIT Hyderabad. Des participants enthousiastes se sont joints à nous pour s'instruire sur les différents Projets Wikimédia, sur la rédaction d'articles Wikipédia, et l'utilisation de références fiables. Les nouveaux rédacteurs ont aussi échangé sur les défis techniques relatifs à la création et aux blocages des comptes.

La session d'atelier en ligne a débuté par une présentation de Wikipédia, suivie d'une formation à l'édition visuelle et textuelle, et clôturée par une période de questions/ réponses. Le prochain atelier de la série portera sur l'amélioration de la qualité et de la profondeur des articles Wikipédia. L'objectif est de poursuivre ces ateliers pour renforcer les capacités de la communauté linguistique Angika et de l'aider à devenir un contributeur autonome des plateformes de connaissances numériques.

La tenue de cet atelier de Rising Voices en avril 2025 répond, au moment opportun, à une attente de la communauté Angika. Celle-ci s'efforce de se représenter de manière autonome et de collaborer pour affirmer son identité culturelle et linguistique.


Une archive vivante : 42 langues autochtones du Bangladesh préservées sur un portail en ligne

Tue, 09 Sep 2025 01:01:57 +0000 - (source)

‘Multiling.cloud est un important référentiel numérique destiné à préserver et promouvoir la diversité linguistique du Bangladesh’

Initialement publié le Global Voices en Français

Recording for the Multilingual Cloud – Digital Resources for Languages of Bangladesh. Image via EBLICT Project, BCC. Used with permission.

Enregistrement pour le cloud multilingue – Ressources numériques pour les langues du Bangladesh. Image via EBLICT Project, BCC. Utilisée avec permission.

Au Bangladesh, de nombreuses langues menacées ne sont parlées que par une poignée de personnes. Par exemple, la langue kharia n'est parlée que par cinq personnes ; or, lorsque ces dernières disparaîtront, leur langue risque de se perdre à jamais. Afin de contribuer à la préservation de ces langues, le Département des technologies de l'information et de la communication du gouvernement du Bangladesh, qui dépend du ministère des Postes, des Télécommunications et des Technologies de l'information, a lancé un projet visant à numériser les langues ethniques. Cette initiative s'inscrit dans le cadre du projet EBLICT (Enhancement of Bangla Language in ICT through Research & Development) mis en œuvre par le Conseil informatique du Bangladesh, et qui se concentre sur l'« amélioration du bengali dans les TIC grâce à la recherche et au développement ».

En juillet 2025, un site Web intitulé « Multilingual Cloud » a été lancé dans le cadre de cette initiative afin de préserver numériquement 42 langues. Conçu comme un référentiel de langues indigènes sous le portail bangla.gov.bd, le site offre une riche collection de mots, d'expressions et de transcriptions en alphabet phonétique international (API) provenant de diverses langues du Bangladesh, dans le but de promouvoir la connaissance et de célébrer la diversité culturelle et ethnique du pays.

Au sujet du site Web, Mamun Or Rashid, consultant pour le projet EBLICT et membre du corps enseignant de l'université Jahangirnagar, a déclaré à Global Voices lors d'un entretien téléphonique :

Afin de préserver les langues menacées du Bangladesh, cette plateforme a systématiquement collecté et sauvegardé leurs formes à la fois écrites et orales.

Le 9 août, Journée internationale des peuples autochtones, il a également partagé ses réflexions dans une publication Facebook :

‘আজকে ওয়ার্ল্ড'স ইনডেজেনাস পিপল ডে। আমি যতগুলো কাজ করতে পেরেছি তার মধ্যে যেগুলো সবচেয়ে ইমপেক্টফুল তারমধ্যে একটা হলো, এই দেশের ৪২টি ভাষা ডিজিটাইজ করে সংরক্ষণের কাজ করা। বাংলাদেশের বিপন্ন ভাষাগুলো টিকিয়ে রাখার জন্য আমরা মাল্টিলিংঙ্গুয়াল ক্লাউড (multiling.cloud) তৈরি করেছি। [..]

প্ল্যাটফর্মটিতে ৭,১৭৭টি টপিক রয়েছে, যা প্রতিটি ভাষার সংরক্ষণের নমুনা হিসেবে কাজে লাগছে। এছাড়া, এখানে IPA-এর মাধ্যমে ৯৭,৭৮২টি বাক্যের সঠিক উচ্চারণ সংরক্ষিত হয়েছে এবং ২১৪ জন নেটিভ স্পিকারের কাছ থেকে সংগৃহীত ১২,৬৪৬ মিনিটের অডিও রেকর্ড করা হয়েছে। এর মাধ্যমে বিপন্ন ও স্বল্পপরিচিত ভাষাগুলো শুধু ভাষাগত নয়, বরং সাংস্কৃতিক বৈশিষ্ট্যও সংরক্ষিত হয়েছে। সবাইকে শুভেচ্ছা।’

Aujourd'hui, c'est la Journée internationale des peuples autochtones. Parmi toutes les tâches que j'ai accomplies, l'une des plus marquantes est la préservation de 42 langues de ce pays grâce à leur numérisation. Nous avons créé le portail Multilingual Cloud (multiling.cloud) dans le but de préserver les langues menacées du Bangladesh. [..]

La plateforme comprend 7 177 sujets qui servent d'échantillons de préservation pour chaque langue. En outre, elle répertorie la prononciation correcte de 97 782 phrases grâce à l'alphabet phonétique international (API) et a enregistré 12 646 minutes d'audio provenant de 214 locuteurs natifs. Cet effort a permis de préserver non seulement les caractéristiques linguistiques, mais aussi les caractéristiques culturelles des langues menacées et moins connues. Meilleurs vœux à tous.

L'une des langues présentées sur le site Web est le khasi, une langue austroasiatique parlée par le peuple khasi dans la région nord-est de Sylhet, au Bangladesh. Cette langue ne possède pas d'alphabet ni d'écriture propres.

Depuis le début des années 1800, le khasi s'écrit à l'aide de l'alphabet romain, et le premier livre dans cette langue a été publié par le missionnaire William Carey en 1814. Le khasi possède une riche tradition orale, ainsi qu'un héritage historique composé d'histoires, de livres de grammaire et de textes religieux. Dans les villages khasi, de nombreuses écoles enseignent aux enfants dans leur langue maternelle afin de contribuer à la préservation de cette langue. La communauté locale s'efforce également de préserver et de promouvoir le khasi à travers l'éducation et l'écriture.

Data collection from indigenous villages for the portal Multilingual Cloud – Digital Resources for Languages of Bangladesh. Image via EBLICT Project, BCC. Used with permission.

Collecte de données dans des villages autochtones pour le portail Multilingual Cloud – Ressources numériques pour les langues du Bangladesh. Image via EBLICT Project, BCC. Utilisée avec permission.

Dans le cadre de cet effort de préservation, les données vocales et la documentation vidéo de la langue khasi ont été numérisées sur le portail. Plus de 300 minutes d'enregistrements audio en khasi ont été réalisés sur 151 sujets, désormais disponibles en ligne. Ces enregistrements comprennent des récits sur la vie du village, les différences générationnelles, les chants traditionnels, la médecine, les récits et souvenirs associés aux animaux et les expériences vécues pendant la pandémie de COVID-19.

Les langues en voie de disparition à travers le monde

De nombreuses langues à travers le monde sont en train de disparaître. Selon l’UNESCO, une langue meurt tous les 14 jours. Sur plus de 7 000 langues dans le monde, environ 2 500 sont en danger. Une enquête menée par l'Institut international de la langue maternelle (IMLI) à Dhaka a révélé que 14 langues au Bangladesh sont menacées d’extinction, notamment le konda, le kharia, le koda, le sauria, le munda, le kol, le malto, le khumi, le pangkho, le rengmitcha, le chak, le khyang, le lusai et le lalen.

En 2022, les autorités ont créé un référentiel national de ressources linguistiques numériques avec l'objectif de préserver les langues autochtones et locales au Bangladesh. Cette initiative vise à sauvegarder les langues des petits groupes ethniques ainsi que d'autres langues parlées à travers le pays. L'objectif de ce référentiel est de stocker des échantillons de 42 langues du Bangladesh.

Parmi ces langues, 26 sont écrites dans différents alphabets autochtones ; quatre langues utilisent l'alphabet bengali : le hajong, le sadri, le koda et le bishnupriya manipuri ; huit langues ont leur propre écriture, notamment le meitei manipuri, le chak, le chakma, le tanchangya, le marma, le rakhine, l'ourdou et le mro ; et quatorze langues sont écrites en alphabet romain, telles que le bom, le kol, le kokborok, le khasi, le garo, le lusai, le mahali, le pangkho, l'abeng, l'attang, le migam, le koch, le khyang et le khumi.

Data collection for the portal Multilingual Cloud – Digital Resources for Languages of Bangladesh. Image via EBLICT Project, BCC. Used with permission.

Collecte de données pour le portail Multilingual Cloud – Ressources numériques pour les langues du Bangladesh. Image via EBLICT Project, BCC. Utilisée avec permission.

Le défi de la numérisation des langues au Bangladesh

Selon une étude réalisée en 2025 par Ritesh Karmakar, les langues autochtones du Bangladesh sont en train de disparaître rapidement, car elles sont absentes des écoles et des domaines publics, y compris des espaces en ligne, ce qui met en danger à la fois l'identité culturelle et les liens communautaires. Leur marginalisation résulte en grande partie des politiques nationales qui privilégient le bengali comme seule langue utilisée dans les écoles, l'administration et la vie publique.

Lors d'un récent séminaire organisé dans le cadre de cette initiative, les participants ont indiqué que plus de 50 groupes ethniques minoritaires au Bangladesh luttaient pour préserver leurs langues. Presque tous les membres de ces communautés doivent apprendre le bengali comme deuxième langue, soit à l'école, soit pour gagner leur vie, en plus de leur langue maternelle. Le gouvernement a certes pris des mesures pour dispenser l'enseignement primaire dans la langue maternelle de cinq groupes ethniques, mais celles-ci ne sont pas encore efficaces en raison de la complexité de la situation.

L'absence de trace écrite pose un défi majeur pour bon nombre de ces langues, car la plupart d'entre elles ne disposent pas de leur propre système d'écriture. Même si des traces écrites existent, ces langues n'ont pas pu prospérer en raison de leur usage limité. Afin de préserver les langues des groupes ethniques minoritaires, il est essentiel de développer des structures grammaticales et des dictionnaires pour les langues les plus couramment parlées et de les rendre accessibles à la fois en ligne et hors ligne. La collaboration entre les organisations privées et le gouvernement pourrait rendre la numérisation de ces langues plus durable.

Le projet vise à étudier et à documenter numériquement ces langues marginalisées en créant des polices et des claviers destinés à l'utilisation en ligne, contribuant ainsi à assurer leur survie. Cela permettra également aux personnes qui parlent ces langues d'utiliser leur langue maternelle sur les plateformes numériques et de renforcer leur sentiment d'identité.

Les fonctionnalités du site Web

Multilingual Cloud - Digital Resources for Languages of Bangladesh. Screenshot of the Main page. Fair use.

Multilingual Cloud – Ressources numériques pour les langues du Bangladesh. Capture d'écran de la page d'accueil. Utilisation équitable.

Le site Web Multiling Cloud présente une carte indiquant les régions du Bangladesh où chaque langue est parlée. Il fournit également des informations détaillées sur les efforts de préservation, notamment le nombre de phrases enregistrées, les intervenants qui ont contribué au projet et la quantité de données collectées. Chaque langue dispose de sa propre section dictionnaire.

Cette initiative de préservation des langues a suscité beaucoup d'intérêt parmi les utilisateurs autochtones. Samar Soren, qui travaille depuis longtemps sur la langue santali, a déclaré au téléphone à Global Voices :

বাংলাদেশের বহুভাষিক বৈচিত্র্য সংরক্ষণ ও প্রসারে multiling.cloud একটি গুরুত্বপূর্ণ ডিজিটাল রিপোজিটরি। এখানে বিভিন্ন আদিবাসী ভাষার বিভিন্ন ডোমেইনের নমুনা ভয়েস সংরক্ষিত করা হয়েছে, যা ভাষার পরিধি বা ল্যাংগুয়েজ স্পেস ও ব্যবহার বাড়াতে সহায়তা করবে। শুধু গবেষক ও ভাষাকর্মীরাই নন, সাধারণ মানুষও এই প্ল্যাটফর্ম ব্যবহার করে দেশের যেকোনো আদিবাসী ভাষায় ন্যূনতম প্রাথমিক কথোপকথন শিখতে পারবেন।

Multiling.cloud est un important référentiel numérique destiné à la préservation et à la promotion de la diversité multilingue du Bangladesh. Il conserve des échantillons vocaux provenant de différents domaines de diverses langues autochtones, ce qui contribuera à élargir l'espace linguistique et son utilisation. Non seulement les chercheurs et les militants linguistiques, mais aussi les citoyens ordinaires peuvent utiliser cette plateforme pour acquérir des compétences conversationnelles de base dans n'importe quelle langue autochtone du pays.


La Chine peut-elle résoudre le problème de gestion des déchets auquel fait face l'Indonésie ?

Tue, 09 Sep 2025 00:56:15 +0000 - (source)

L'industrie chinoise d'usines de valorisation énergétique des déchets par incinération est en situation de surcapacité.

Initialement publié le Global Voices en Français

A waste dump in Tanjung Priok, Jakarta, Indonesia.

Décharge dans le district de Tanjung Priok, à Jakarta, en Indonesie. via Wikimedia Commons CC BY-SA 2.5

Cet article a été soumis dans le cadre de la bourse Global Voices Climate Justice, qui met en relation des journalistes issus de pays sinophones et du Sud global afin d’enquêter sur les effets des projets de développement chinois à l’étranger. Retrouvez d’autres articles ici.

Au mois de septembre 2024, Zhejiang Jinneng Electric Power Technology Co., une société chinoise spécialisée dans la valorisation énergétique des déchets, organise une cérémonie d’inauguration à Palembang, la capitale du Sumatra du Sud en Indonésie. La première pierre d’une usine de valorisation énergétique (UVE) est alors posée sur fond de célébrations et feux d’artifice.

L'an dernier, la société chinoise a signé un contrat d’achat d’électricité avec Perusahaan Listrik Negara (PT PLN), une entreprise publique d’électricité indonésienne. Jinneg prévoit de construire un système d’incinérateurs et de turbines à Palembang afin de traiter 1 000 tonnes de déchets solides par jour. Le processus consiste à capter la chaleur provenant de l’incinération de déchets, qui est ensuite utiliser pour activer une turbine et produire de l’électricité. Conformément à l’accord, PLN achètera l’énergie produite.

Selon un communiqué de presse de Jinneg, lors de la cérémonie, Wiluyo Kusdwiharto, responsable de la gestion des projets et des nouvelles énergies renouvelables auprès de PLN, a spécifié que l’usine à Palembang permettrait non seulement de faire face au fléau que représentent les quantités de plus en plus importantes de déchets dans la ville, mais aussi contribuerait à réduire les émissions de CO2 et à générer de « l’électricité verte ».

Carte des zones inondables de Palembang, montrant la vulnérabilité d'une grande partie de la ville à de graves inondations. Image de Mohammad Farid via IOP Conf. Ser: Earth and Environmental Science. Licence CC BY 4.0

En Indonésie, lors de la saison des pluies (entre octobre et avril), Palembang connaît souvent de graves inondations.

En outre, selon Marlina Sylvia, responsable de la Direction des ressources en eau du ministère des Travaux publics et de l’Aménagement du territoire, le projet contribuerait à pallier le problème des inondations de Palembang, provoquées par les amas de détritus qui bouchent les égouts. D’après des estimations, près de 90 tonnes de déchets sont chaque jour déversés dans les rivières.

Sylvia a déclaré à Kompas, un journal local renommé :

 Upaya ini harus dilakukan karena sebagian besar sampah berasal dari rumah tangga

Ce projet (UVE) est capital car la plupart des déchets proviennent des ordures ménagères.

En tant que l’un des leaders dans ce domaine en Chine, Jinneg à ce jour opère 27 UVE à travers tout le pays. L'usine de Palembang sera la première à être implantée à l’étranger. Selon Jinneg, le projet :

…大力推进中国先进的垃圾焚烧发电技术走出去,为印尼环境保护提供中国经验和智慧.

promeut à l’étranger les avancées technologiques de la Chine en matière de valorisation énergétique des déchets, et aidera l'Indonésie à améliorer ses efforts en matière de protection de l'environnement, grâce à l'expertise et au savoir-faire chinois.

Les UVE offriraient un double avantage : l’élimination d’amoncellements de déchets tout en produisant de l’électricité sous la forme d’un sous-produit. La technologie chinoise en matière de valorisation énergétique peut-elle vraiment résoudre le problème croissant des déchets en Indonésie et Asie du Sud-Est ? Ou tout cela semble-t-il trop beau pour être vrai ?

Chine : de l’essor à la surcapacité

En Chine, lors des deux dernières décennies, le secteur de la valorisation énergétique des déchets par incinération s’est rapidement développé, surtout dans les moyennes et grandes villes. Entre 2005 et 2023, selon des données du ministère chinois du Logement et du Développement urbain et rural, le taux d’incinération des déchets ménagers en milieu urbain est passé de 9,8 % à 82,5 %, et le nombre d’usines d’incinération est passé de 67 à 1 010. Le pays est à présent leader mondial dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne les déchets solides municipaux.

A waste-to-energy facility in Gushi, Henan province, China. Via Wikimedia Commons.

Usine de valorisation énergétique des déchets à Gushi, dans la province de Henan, Chine. Via Wikimedia Commons. CC BY-SA 4.0

Alors que le secteur de la valorisation énergétique joue à présent un rôle déterminant dans la résolution du problème des déchets en Chine, un nouvel obstacle est apparu : la surcapacité.

Lors d’un entretien avec China News Weekly, Pan Gong, analyste du secteur des déchets solides pour E20 Institute, un groupe de réflexion chinois sur l’environnement, a déclaré :

粗略估算,当前垃圾焚烧厂整体负荷率约为60%.

Le facteur de charge actuel des UVE sur le sol chinois est estimé à environ 60 %.

Selon Pan Gong, la Chine a connu un essor dans la construction d’usines d’incinération vers 2018. Un problème de « sous-alimentation » des UVE a commencé à apparaître progressivement, lorsqu’elles sont devenues opérationnelles en 2022.

La surproduction, ainsi qu’une concurrence locale acharnée, ont forcé les entreprises chinoises d’incinération de déchets, telles que Jinneg, à chercher à étendre leurs activités à l’étranger. L’Asie du Sud-Est, une région proche de la Chine qui compte de nombreux pays en développement, avec une forte croissance économique et démographique, et des besoins importants d’incinérateurs de déchets, est alors devenu un marché clé.

La crise des déchets en Indonésie

La taille de l’Indonésie, la rapidité de son urbanisation et l’augmentation des problèmes posés par les déchets en font une destination attrayante pour les investissements dans le domaine de la valorisation énergétique. Le pays, qui produit plus de 65 millions de tonnes de détritus par an, sans pour autant montrer aucun signe de ralentissement, traverse une crise majeure en matière de gestion des déchets. Par ailleurs, l’archipel importe depuis des décennies les déchets de régions telles que l’Union européenne, l’Australie et les États-Unis, aggravant ses propres problèmes.

À partir des années 1990, la Chine devient le premier importateur mondial de déchets. En 2011, les autorités renforcent la règlementation relative aux importations jusqu’à leur interdiction au début de l’année 2018, le pays prenant alors conscience de leur caractère non durable, de leur impact environnemental et de leurs effets sur la santé des populations locales. Dès lors, de nombreux pays occidentaux se sont tournés vers des pays à faible revenu appartenant au Sud global afin de résoudre leurs problèmes de déchets, malgré le fait que bon nombre d'entre eux disposaient de systèmes de gestion des déchets inadéquats. Des militants ont qualifié cette pratique de « colonialisme des déchets ».

En 2022, l’Indonésie devient le troisième plus gros importateur de déchets au monde, et en 2024 importait pas moins de 262 900 tonnes de plastiques. Mais au mois de janvier 2025, le gouvernement mettera fin à cette pratique ; le ministre de l’Environnement, Hanif Faisol Nurrofiq, avait d'ailleurs déclaré quelques mois auparavant : « J’aimerais rappeler à toutes les parties concernées que nous avons assez de déchets plastiques à gérer en plus des nôtres et que par conséquent leurs importations cesseront à partir de l’année prochaine. »

Les déchets urbains sont traités à l’aide de méthodes conventionnelles et non durables, notamment les décharges à ciel ouvert, entraînant un niveau très élevé d’émissions de méthane, l’un des contributeurs majeurs au réchauffement climatique.

Le taux de traitement des déchets dans diverses régions indonésiennes n’est que d’environ 10 %, alors que les décharges à travers tout le pays devraient atteindre leur capacité maximale d’ici 2030.

Young Indonesian environmental activists decorate a room with plastic bottle waste collected from a river.

De jeunes militants écologistes indonésiens décorent une pièce avec des bouteilles en plastique récupérées dans une rivière. Via Wikimedia Commons. CC BY-SA 4.0

Selon Diaz Hendropriyono, le Ministre Délégué à l’Environnement, la vaste quantité de déchets, qui ne sont ni gérés ni traités, ont pollué l’environnement. Lors d’un entretien avec Antaranews, il a déclaré : « L’impact est considérable. Nous avons trouvé des microplastiques dans des rivières, des points d’eau, du placenta, et même dans du lait maternel. »

Néanmoins, la situation bien que désastreuse présente aussi des opportunités pour le secteur de valorisation énergétique des déchets en Indonésie qui actuellement ne possède que deux UVE, l’une à Surabaya, à l’est de Java, et l’autre à Solo, dans le centre de Java. Le gouvernement a l’intention d’augmenter leur nombre à 30 d’ici 2029.

Lors d’un entretien avec Indonesian News Agency, Zulkifli Hasan, ministre coordinateur de l’Alimentation de l’Indonésie, a déclaré que le secteur de la valorisation énergétique suscite un vif intérêt de la part d’investisseurs étrangers, non seulement de la Chine, mais aussi de Singapour, du Japon, et de l’Europe : « C’est un domaine qui séduit beaucoup de pays car il est à la fois viable et rentable. » Le gouvernement s'est engagé à simplifier ses règlementations afin de faciliter les investissements étrangers potentiels.

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Nouveaux défis

La technologie de valorisation énergétique a le potentiel de convertir les déchets en énergie renouvelable, mais elle pose également des défis spécifiques d’un point de vue économique, environnemental et social.

Selon des chercheurs, les tarifs de rachat d’électricité et les redevances de déversement associés aux UVE en Indonésie sont pour l’heure insuffisants afin de garantir leur viabilité commerciale. Par ailleurs, les déchets du pays ont tendance à avoir un taux d’humidité élevé nécessitant un traitement préalable qui augmente leur coût global. Lors d'une conférence sur l'environnement à l'université Gadjah Mada, Priyanto Rohmatullah, directeur des Affaires environnementales au ministère de la Planification du développement national (Bappenas), a expliqué les défis auxquels l'Indonésie est confrontée dans la conversion des déchets en énergie :

Plastics should be separated, organics should be separated, and inorganics should also be separated. But what often happens is that everything is mixed, collected, transported, and dumped again. This is why our landfills practice open dumping, leading to overcapacity.

Les déchets plastiques devraient être séparés, tout comme les matières organiques et inorganiques. Or, il arrive souvent que les détritus soient mélangés, collectés, transportés, et de nouveau déversés dans les décharges à ciel ouvert, entraînant une surcapacité.

L'ONG environnementale Forum indonésien pour l’environnementWALHI ), a fait part d’inquiétudes similaires. Yuli Usman, directeur général de son antenne dans le Sumatra du Sud, a souligné l’importance d’une bonne gestion des déchets en amont avant même le commencement des opérations de transformation des déchets en énergie. Il a également ajouté que « les équipements et infrastructures pour le ramassage des ordures ménagères » doivent être mis en place dans l’optique de soutenir efficacement la valorisation énergétique des déchets.

Partout dans le monde, les UVE sont un sujet de controverse en raison de préoccupations environnementales et de leur impact sur la santé, surtout en matière d’émissions de dioxines (PCDD), de dibenzofuranes (PCDF), et autres substances polluantes. Par exemple en Chine, lors de la dernière décennie, des résidents inquiets habitant près d’UVE ont plusieurs fois manifesté en masse contre leurs effets potentiellement néfastes.

L'opposition sociale à la valorisation énergétique des déchets par incinération se limite pour le moment à l’Indonésie, étant donné que ce secteur n’en est encore qu’à ses débuts, mais les inquiétudes du public risquent d’augmenter lorsque son marché se développera en Indonésie. Alors que les méthodes de transformation des déchets en énergie se sont nettement améliorées lors de la dernière décennie, de très nombreux scientifiques conviennent à présent que les UVE pourraient fournir une solution financièrement fiable, sans danger et écologique pour produire de l’électricité. Une transparence des données relatives à l’environnement et à la santé sera cependant essentielle pour apaiser l’opposition du public.


La sécurité des journalistes réfugiés politiques mise à mal en Afrique francophone

Mon, 08 Sep 2025 16:00:56 +0000 - (source)

Le plus grand danger est que cette d'extradition puisse faire jurisprudence sur le continent.

Initialement publié le Global Voices en Français

En image, Comlan Hugues Sossoukpè ; Capture d'écran de la page YouTube de Benin'Us

Certains journalistes sont obligés de fuir leur pays d'origine car leur vie est en danger. Mais l'exil n'est pas toujours garantie de sécurité comme le montre le cas du journaliste béninois Comlan Hugues Sossoukpè qui a pris refuge au Togo mais a été arrêté en Côte d'Ivoire.

Dans de nombreux pays, y compris en Afrique, les journalistes critiques du pouvoir ne sont pas vus d'un bon œil. Ils sont souvent la cible des menaces et d'intimidations et sont parfois arrêtés et emprisonnés. Face à ce risque réel, certains décident de quitter leur pays et de trouver refuge dans des pays voisins, ou plus lointains.

Le droit international des réfugiés s'applique aux journalistes se retrouvant dans ce genre de situations mais, ce droit n'est pas toujours respecté. En effet, certains États usent de moyens pour arrêter et extrader certains journalistes censés être en sécurité sur leur territoire. C'est justement ce qui s'est passé dans la nuit du 10 au 11 juillet 2025 en Côte d'Ivoire quand le journaliste béninois Comlan Hugues Sossoukpè a été arrêté sur le sol ivoirien et extradé vers le Bénin.

Qui est Comlan Hugues Sossoukpè?

Comlan Hugues Sossoukpè est un journaliste professionnel et directeur d'une publication béninoise « Olofofo ». Il est également connu comme cyberactiviste et lanceur d'alerte. Il est très critique envers la gouvernance de Patrice Talon, président du Bénin depuis mars 2016.

En 2019, suite à l'interdiction de publication et parution de son média, – une décision finale de la justice béninoise rendue en mars 2025 – Comlan Hugues Sossoukpè quitte le Bénin, son pays d'origine pour s'installer au Togo où il obtient le statut de réfugié en 2021. Depuis le Togo, il continue son activisme et participe à des forums, des conférences à travers le monde. Pendant ce temps, il demeure une cible dans le viseur du régime béninois qui le suit de très près.

Dans le classement de Reporters  sans frontières en 2025, le Bénin a régressé de trois rang. Quittant la 89è place en 2024 pour la 92è place en 2025 sur les 180 pays.

Tombé dans le piège ivoirien

Début juillet, Sossoukpè reçoit un courrier du Ministère ivoirien de la Transition numérique et de la Digitalisation qui invite ce dernier pour la couverture de la première édition de l'évènement « Ivoire Tech Forum » qui se tient du 9 au 11 juillet 2025 à Abidjan. Comme mentionné par BBC Afrique dans son article en date du 25 juillet, le journaliste répond à l'invitation, et s'y rend le 8 juillet.

Reporters sans frontières (RSF) qui a documenté l'affaire explique en détails le scénario de l'arrestation du journaliste dans un article publié sur son site :

Arrivé à Abidjan le 8 juillet, le journaliste s’installe à l’hôtel Palm Beach, propriété du Fonds de prévoyance militaire (FPM) de Côte d'Ivoire. Il commence à couvrir le salon dès son ouverture, le lendemain. Dans la soirée du 10 juillet, plusieurs policiers frappent à la porte de sa chambre, selon les informations recueillies par RSF. Il résiste, puis accepte finalement de les suivre avec la promesse qu’il sera amené devant un juge. Il n’en sera rien. Hugues Comlan Sossoukpè est conduit directement au salon d’honneur de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, une zone normalement réservée aux invités de prestige.

Le déroulement de cette interpellation jusqu'à la conduite du journaliste vers l'aéroport pour son extradition laisse entrevoir une complicité possible des autorités ivoiriennes, selon les commentaires de Gameli Nouwade, membre du collège des avocats de la victime, au micro de Radio France Internationale. Cet entretien est publié sur le compte X de RFI Afrique :

Le Bénin et la Côte d'Ivoire entretiennent de très bonnes relations sur plusieurs plans: le secteur de la formation professionnelle, la justice, le domaine militaire et la lutte contre le terrorisme, la diplomatie, le secteur économique, etc… 

Que reproche t-on à Comlan Hugues Sossoukpè?

Plusieurs chefs d'accusation proférés par les autorités béninoises pèsent sur le journaliste: “Harcèlement par le biais d'un système informatique”, “rébellion” et “apologie du terrorisme”. La victime rejette toutes ces accusations mais plaide coupable pour avoir fait son travail: celui d'avoir critiqué le régime et informé l’opinion des réalités du pays. Dans un courrier cité par le journal La Dépêche, il dit :

J’ai critiqué le régime irréprochable de la rupture et livré des informations qu’on voudrait vous cacher. Si cela fait de moi quelqu’un qui n’aime pas son pays, je l’accepte. Mais je voudrais que l’on agisse avec autant d’acharnement quand des compatriotes passent par ma voix pour faire des alertes, des SOS, et autres.

Non application du droit international ?

En bénéficiant du statut de réfugié au Togo, Comlan Hugues Sossoukpè est placé sous la protection du droit international des réfugiés qui couvre les journalistes en exil. La Côte d'Ivoire et le Bénin sont des États signataires qui ont ratifié ledit mécanisme. Dans son article consacré à cette affaire, RSF précise :

Son statut de réfugié politique, accordé par le Togo où il vit en exil depuis sept ans, est pourtant inscrit noir sur blanc dans son passeport — ce que RSF a pu confirmer. Ce statut aurait dû empêcher qu’il soit transféré. En vain. Le journaliste embarque dans un petit avion privé affrété pour l’occasion et à bord duquel il n’aura pour seule compagnie que les policiers qui l’escortent et les membres d’équipage.

Dans ce contexte, le respect des engagements pris par ces États perd toute crédibilité. La Côte d'Ivoire se défend et justifie sa démarche en se référant à une coopération judiciaire avec le Bénin. Tout en soutenant que l'extradition du journaliste n'est pas illégale, Amadou Coulibaly, ministre ivoirien de la Communication et porte-parole du gouvernement, cité par BBC Afrique indique :

Les autorités ignoraient son statut de réfugié politique. (…)les autorités ont simplement exécuté un mandat d'arrêt international, en vertu des accords de coopération judiciaire entre la Côte d'Ivoire et le Bénin.

Le plus grand danger pour les journalistes africains est que cette extradition puisse faire jurisprudence sur le continent. Désormais, d'autres États pourraient adopter une tactique similaire et livrer des journalistes exilés à leur pays d'origine.

En août 2024, Steve Amoussou, un autre cyberactiviste béninois est arrêté et enlevé au Togo. Il est aussi connu également pour ses critiques sévères envers le pouvoir de Patrice Talon.

Au regard de ces affaires de répression transnationale, les journalistes se posent la question de savoir si la sécurité des journalistes réfugiés politiques est encore garantie.


La Chine en Afrique francophone: Développement durable ou exploitation accentuant la crise climatique?  

Tue, 02 Sep 2025 07:00:56 +0000 - (source)

La session sera diffusée en direct sur YouTube

Initialement publié le Global Voices en Français

La Chine est le premier partenaire commercial de la majeure partie de l'Afrique francophone, une région riche d'importantes ressources en métaux rares et d'autres ressources naturelles. Quel est l'impact des projets de développement chinois sur les économies locales, mais aussi sur les écosystèmes, le changement climatique et les communautés locales ? Rejoignez-nous pour une conversation en français avec des boursiers de Global Voices pour la justice climatique et des journalistes africains et sinophones afin de découvrir leur approche sur un sujet qui transforme le continent.

Rejoignez-nous en direct le mercredi 3 septembre à 15h00 heure d'Afrique de l'Ouest avec ce lien.

Les intervenants

Jean Sovon est un journaliste togolais et rédacteur régional de Global Voices en Afrique francophone, engagé pour la couverture des sujets liés à l'environnement et au changement climatique en Afrique. Il est bénéficiaire de la bourse sur la Justice Climatique de Global Voices en 2025.

Désiré Nimubona est journaliste burundais travaillant dans le domaine de l'environnement et des changements climatiques. Il est aussi l'ancien boursier de la justice climatique de Global Voices en 2024.

Aïssatou Fofana est journaliste ivoirienne et cofondatrice du média en ligne L'Ecologiste.

Ruohan Xie est une podcastrice primée et une journaliste indépendante. Elle a couvert un large éventail de sujets, notamment la justice climatique, l’immigration et les crises des réfugiés. Elle est aussi l'ancien boursier de la justice climatique de Global Voices en 2024.

Vivian Wu est PDG et fondatrice de Mighty Voice 大聲, et innovatrice en journalisme et technologie des médias avec plus de 20 ans d'expérience. Elle est bénéficiaire de la bourse sur la Justice Climatique de Global Voices en 2025.

Filip Noubel est journaliste et rédacteur détaché de Global Voices. Il a travaillé dix ans en Chine sur des projets incluant le développement durable. Il est le modérateur de ce webinaire.

Regardez la discussion ici :


La Chine peut-elle relever les défis liés au développement durable en modifiant les habitudes alimentaires de sa population ?

Mon, 01 Sep 2025 16:21:24 +0000 - (source)

Le problème actuel du gaspillage alimentaire en Chine se situe davantage au niveau de la production qu'à celui de la consommation.

Initialement publié le Global Voices en Français

Screenshot from the YouTube channel of a mainland Chinese eating broadcaster, "Xiao He with a round face." The influencer is eating a large meal of noodle soup with numerous fried side dishes.

Capture d'écran de la chaîne YouTube « Xiao He with a round face » d'origine chinoise, sur laquelle sont diffusés des « mukbangs.»

Le proverbe populaire chinois 民以食为天, signifiant littéralement que « la nourriture est la chose la plus importante pour les gens », reflète l’importance de celle-ci dans la vie quotidienne des Chinois. C’est pourquoi en Chine lors d’un banquet, l’hôte commande souvent un large choix de plats en témoignage de son statut social, sa générosité et son hospitalité, donnant lieu inévitablement à une grande quantité de restes.

Par ailleurs, alors que la classe moyenne chinoise n’a cessé de croître lors des dernières décennies, et adopté un régime alimentaire riche en viandes en défaveur d’une alimentation traditionnelle à base de céréales, la consommation et la culture alimentaires du pays posent maintenant un problème de durabilité.

Selon des recherches menées en 2015, les restaurants en Chine gaspilleraient entre 17 et 18 millions de tonnes de nourriture par an, soit environ 93 grammes par personne et par repas, du fait que plus d’un tiers des plats ne sont pas consommés. Par ailleurs, la consommation de viande par habitant a considérablement augmenté depuis les années 1970, passant de 10 kilos par personne par an à 70 kilos en 2022. Les conséquences de ce gaspillage alimentaire sont d’autant plus néfastes que l‘impact environnemental de la viande est beaucoup plus important comparé aux aliments à base de plantes.

Mais les restaurants ne sont pas un cas isolé. Les déchets alimentaires des ménages représentent 61 % des 931 millions de tonnes générés chaque année, suivi par les établissements de vente au détail et le secteur de la restauration.

Ces tendances mettent en évidence l'urgence de s'attaquer au problème du gaspillage alimentaire.

Campagne « Finissez votre assiette »

En 2012, la population chinoise, alors prête à se prononcer en faveur d'un changement social, et avant que le gouvernement ne renforce les restrictions en matière de liberté d'expression, affronte pour la première fois les défis liés à la durabilité alimentaire. Le 22 avril 2012, lors du Jour la Terre, des membres d’un groupe civil (N_33), parmi lesquels le défenseur de l’environnement Xu Zhijun, commencent à publier sur Weibo les images de leurs assiettes vides afin d’encourager la population à agir contre le gaspillage alimentaire. Leur appel sur Internet se transformera plus tard en une campagne nationale appelée « Finissez votre assiette », qui sera largement relayée par les médias, y compris Le Quotidien du peuple,  journal officiel chinois.

En 2013, l’action s’accélère et gagne en popularité, surtout auprès des jeunes générations depuis longtemps incommodées par les excès de la culture culinaire chinoise. Le mouvement populaire exerce progressivement une influence sur le secteur de la restauration, incitant les restaurants à proposer des portions plus petites et un doggy bag pour les restes. La campagne a aussi permis de standardiser une manière de se restaurer plus responsable : commander moins de plats et n’en acheter d’autres seulement si nécessaire. Une nouvelle valeur sociale prend alors racine au fil du temps : laisser des restes est maintenant considéré comme quelque chose de honteux, alors que terminer son assiette est perçu comme un acte responsable, voire admirable.

Solutions juridiques pour lutter contre le gaspillage

Le gouvernement chinois prend aussi des mesures pour répondre aux défis liés à la durabilité, en les présentant comme une question de sécurité alimentaire. En 2021, la loi contre le gaspillage alimentaire est adoptée, marquant une étape importante dans le passage d'une gouvernance basée sur l’éthique à une gouvernance judiciaire.

Selon la loi, les restaurants et créateurs de contenu culinaire sont passibles d’amendes pour incitation à des commandes excessives de nourriture et à la suralimentation. Les commerces sont tenus de mettre en garde leurs clients contre le gaspillage alimentaire, tandis que les plateformes médiatiques peuvent être sanctionnées pour avoir hébergé des vidéos glorifiant la surconsommation.

Peu de temps après l’adoption de la loi anti-gaspillage alimentaire, la campagne « Finissez votre assiette », alors menée par la société civile, fût reprise par China Guanghua Technology Foundation, une fondation affiliée à la Ligue de la Jeunesse Communiste de Chine, afin d’éduquer la population à adopter des habitudes alimentaires plus durables. Entre 2022 et 2023, les réseaux sociaux ont rapporté et soutenu la campagne de manière fréquente.

Néanmoins, l’efficacité de l’initiative dirigée à présent par l’État est remise en question. Comme l’ont souligné des chercheurs, alors que la loi anti-gaspillage règlemente essentiellement les activités liées au marketing alimentaire et à la restauration, lorsque la nourriture est sur le point d’être consommée, elle contrôle et sanctionne essentiellement les secteurs de la restauration et des médias, au lieu de lutter contre le gâchis alimentaire au niveau du processus de production.

Sur ce point, les « mukbangs » (d’origine coréenne), un phénomène internet consistant à publier des vidéos où des personnes consomment de la nourriture, sont devenus la cible principale de la loi.

Les hôtes de mukbangs consomment d’énormes quantités de nourriture tout en interagissant avec leur audience lors de diffusions en direct. Ce type de vidéo est très populaire en Asie, y compris en Chine, et attirent des millions d’internautes dans le but de se divertir et d’assouvir une envie de nourriture primaire et par procuration.

Plusieurs mois avant l’adoption de la loi, les autorités chinoises ont averti les plateformes médiatiques d’effacer tout contenu contribuant au gâchis alimentaire. Maintenant les médias, les plateformes et tout dirigeant responsable sont passibles d’une amende entre 10 000 et 100 000 yuans (soit environ entre 1 500 à 15 000 USD) en cas de graves infractions.

Les réseaux sociaux ont alors commencé à supprimer les mukbangs de leurs plateformes. Des créateurs ont effacé leur contenu, ou se sont orientés vers d’autres thématiques alimentaires telles que les critiques de restaurants ou les tutoriels de cuisine. D’autres ont migré leurs vidéos vers des plateformes hors de portée de la juridiction chinoise, telles que YouTube, pour ensuite télécharger de nouveau des versions éditées afin de contourner les règles. Certains continuent encore à tester les limites du gaspillage alimentaire en diffusant leurs vidéos à minuit, en finissant toute leur nourriture et en ajoutant un message d’avertissement.

Sur Douyin (la version chinoise de TikTok), un message apparait lorsqu'un internaute recherche des mukbangs : « Appréciez la nourriture. Dites non au gaspillage. Un bon régime alimentaire. Une vie saine. ». Capture d'écran. Fair use.

Gaspillage alimentaire au niveau de l’étape de production de la chaine d’approvisionnement

Aujourd’hui le gâchis alimentaire en Chine n’est pas seulement un problème d’ordre culturel, lequel a été abordé depuis déjà plus d’une décennie grâce à la campagne « Finissez votre assiette » et la loi anti-gaspillage alimentaire. Comme le soulignent des socio-économistes, le défi auquel fait face la Chine en matière de durabilité est plus étroitement lié à l’étape de production de la chaine d’approvisionnement plutôt qu’au niveau des consommateurs.

Selon des estimations de 2022, la Chine perdait post-récolte entre 289 et 368 millions de tonnes de nourriture par an, alors que le gaspillage alimentaire au stade de la consommation se situait entre 27 et 35 millions de tonnes, avec un taux de perte de 5 %. Le problème de surcapacité du secteur agroalimentaire en est probablement la cause.

L’an dernier, afin de pallier au problème de surproduction, le Conseil des affaires de l'État chinois a publié un plan d’action visant à réduire d’ici 2027 les taux de pertes de céréales et de nourriture durant leur production, stockage, transport et transformation, à un niveau inférieur à la moyenne internationale.


Relier les Comores à l'Asie Centrale: le geste littéraire et novateur de l'autrice comorienne Touhfat Mouhtare

Wed, 27 Aug 2025 20:14:56 +0000 - (source)

Un héros ne s'arrête jamais en cours de quête pour changer ses protections hygiéniques

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube Větrné Mlýny associée qufestival littéraire MAČ, avec Touhfat Mouhtare sur la gauche.

Dans les échanges entre l'Afrique et l'Asie, la littérature est rarement mentionnée comme un vecteur de découverte de l'autre. Pourtant, certains auteurs africains et asiatiques trouvent une part de leur inspiration dans les cultures, les traditions, les personnages, les événements historiques du continent opposé. Certains écrivent aussi sur la présence d'Africains en Asie et d'Asiatiques en Afrique, et les traductions littéraires se multiplient dans les deux sens.

Situé dans l'Océan Indien entre le Mozambique et Madagascar, l'archipel des Comores est un lieu privilégié de rencontres entre l'Afrique et l'Asie. La culture comorienne est rattachée à l'aire swahilie par la proximité linguistique et de nombreuses traditions en commun. De son côté, la culture persane a fortement marqué l'aire swahilie et est présente jusqu'à nos jours dans des domaines aussi divers que l'architecture, la nourriture, ou la religion.

Touhfat Mouhtare, photo de Wissat Daoud utilisée avec permission.

Touhfat Mouhtare est une autrice comorienne qui a vécu dans plusieurs pays d'Afrique australe avant de s'installer en France. Elle est l'autrice de quatre ouvrages : Âmes suspendues, Vert cru, Le feu du milieu, et tout récemment, Choses qui arrivent. 

Global Voices a réalisé une interview avec elle pour évoquer les ponts littéraires entre son pays et l'Asie Centrale. L'entretien s'est déroulé par e-mail après une rencontre en juillet lors du festival littéraire d'Europe centrale MAČ à Ostrava en République tchèque. 

Filip Noubel (FN) La culture comorienne est hybride par excellence: où et comment se rencontrent les éléments africains et asiatiques aux Comores?

Touhfat Mouhtare (TM): Des spécialistes mènent encore des études pour déterminer qui est arrivé avant. Le plus probable est que des boutres commerciaux en provenance de la Perse, de l'Inde et du Yémen ont accosté les îles à partir du 7eme siècle, et que leurs occupants ont rencontré les habitants déjà présents, organisés en clans, originaires du Mozambique ou du bassin du Congo. Plus tard, il se peut que le pouvoir ait été cédé à des sultans et que les îles soient devenues, avec Zanzibar, une plaque tournante de l'esclavage arabe.

Photo de 1906 représentant Kurmanjan Data (deuxième personne assise à gauche), photo de Wikipedia dans le domaine public

FN: Dans votre dernier livre, Le Feu du Milieu, vous faites référence à une héroïne historique kirguize, Kurmanjan Datka, – une femme indépendante et leader politique de la fin du 19e siècle – fait rare dans un roman francophone. Comment est venue cette rencontre transcontinentale?

TM: C'est ma passion pour l'astronomie à l'ère de l'âge d'or musulman qui m'a conduite à celle qu'on appelle la Reine des montagnes. Après avoir lu la biographie d'Ulugh Beg [sultan timouride du 14eme siècle, mort à Samarkand et connu pour avoir créé un catalogue astronomique] par Jean-Pierre Luminet, je me suis demandé où étaient les femmes de cette région. Le film sur Kurmanjan Datka, La reine des montagnes, qui relate le sacrifice de cette femme afin de préserver sa culture, m'a bouleversée.

Le film évoqué par Touhat Mouhtare est disponible sur YouTube avec des sous-titres en anglais:

FN:  L’Asie Centrale et les Comores sont relativement éloignées, pourtant vous trouvez de nombreux points communs entre ces deux parties du monde. En quoi l’Asie Centrale vous inspire dans votre écriture?

TM: L'influence de l‘Empire perse a disséminé, en effet, des mots dans les deux régions, mais aussi une certaine vision de la poésie, de la geste poétique et de la spiritualité. Je ressens une grande familiarité avec l'Asie Centrale, j'y retrouve comme une « version d'origine » de mes repères culturels personnels, dont je me sers comme matière première pour écrire.

FN: Le soufisme est une tradition spirituelle qui relie l’Asie à l'Afrique. Comment se manifeste cette pratique aux Comores? 

TM: Elle régit la pratique de l'islam, à travers des rituels dont nous ne connaissons pas toujours l'origine. Elle infuse les échanges, la manière de se saluer : on salue les aînés, par exemple, comme les disciples saluent leurs maîtres, en accueillant leur main au-dessus des deux siennes et en prononçant la formule de respect « kwezi ». Et même si certains courants tentent de la discréditer, elle est profondément ancrée dans la langue.

FN:  La place des femmes que vous avez observée en Asie centrale se démarque-t-elle de celles des femmes aux Comores? 
TM: Je parlerais d'action des femmes plutôt que de place, puisque la notion de place renvoie à celle qu'on veut bien nous laisser, tandis que l'action dépasse cette assignation. L'action des femmes aux Comores et dans les pays d'Asie centrale que j'ai visités dans le cadre de mes recherches (Ouzbékistan, Turquie) semble converger vers une tendance séculaire : trouver, dans les espaces dans lesquels sont souvent confinées les femmes, des moyens d'expression, des manières de se moquer de l'ordre établi pour en reprendre un peu le pouvoir, et des bulles de liberté, bien que fragile mais bien présentes, en vivant dans les grandes villes. Les femmes de Tachkent, dans la variété des expériences personnelles, professionnelles et familiales qu'elles vivent, me font beaucoup penser aux femmes comoriennes. Et même si la place de l'épouse n'est pas aussi autonome en Ouzbékistan qu'aux Comores, par exemple, les récits tournent tous autour de l'acharnement masculin à ne pas lâcher certains privilèges, et de l'obstination féminine à exister. Entre les deux, les genres dits « fluides » semblent se faufiler avec la même discrétion d'un côté comme de l'autre…
FN: Dans Le Feu du Milieu, les deux personnages principaux sont deux jeunes femmes qui traversent divers mondes. En quoi la narration au féminin permet d'explorer un autre potentiel du roman?
TM: Il y a dans les romans d'aventure des éléments complètement absents, et pourtant bien présents dans une vie de femme : le cycle menstruel, par exemple, l'héritage émotionnel d'une lignée de femmes, la matrilinéarité. Écrire du point de vue du féminin permet, à mon sens, d'insérer une réalité qui, avec le temps, a fini par devenir invisible par nature. Un héros ne s'arrête jamais en cours de quête pour changer ses protections hygiéniques ou laisser passer une crampe abdominale, par exemple, ce qui est indispensable pour une héroïne. Le corps est très peu souvent une contrainte en soi, sans intervention extérieure. Or du point de vue féminin, le corps est lui-même un personnage par défaut, avec lequel il faut composer ; le regard qui est constamment porté sur lui finit également par en faire partie. L'ardeur de la tâche est ensuite d'arriver à transcender le sentiment d'une injustice millénaire à cet égard pour produire quelque chose de vrai.

Pour en savoir plus, cette vidéo du festival MAČ bilingue, en français et en tchèque, donne la parole à Touhfat Mouhtare:


Au Mali, des communautés rurales se mobilisent contre le mariage précoce pour protéger l’avenir des jeunes filles

Wed, 27 Aug 2025 10:28:25 +0000 - (source)

Des pesanteurs comme la pauvreté, des mariages précoces limitent la scolarisation des jeunes filles

Initialement publié le Global Voices en Français

Koumbel B. a bénéficié du soutien du comité protection communautaire de Diondiori dans la région de Mopti. Photo de Mohamed Ag RHISSA, utilisée avec autorisation.

Par Job Tiguem Poudiougo

Au Mali, un pays qui compte plus de 25 millions d’habitants, les jeunes femmes, qui représentent 24 % de la population, sont majoritairement mariées avant l’âge de 18 ans, particulièrement en milieu rural. Face à ce constat alarmant, des communautés locales se mobilisent pour protéger les filles et promouvoir leur maintien à l’école.

En Afrique, le mariage précoce est relativement répandue. Selon les données de l’ONG britannique Filles, pas épouses, en 2018, le taux de prévalence des mariages des enfants âgés de 15 ans était de 16% et de 54% pour ceux atteignant 18 ans. Un rapport d'étude sur le mariage d'enfants en Afrique effectué par Centre for Human Rights dans dix pays du continent dont le Mali confirme ces statistiques.

La situation au Mali: selon l’UNICEF, près de 55 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. Dans les zones rurales, le taux est encore plus élevé et s'explique par plusieurs facteurs: traditions familiales, difficultés économiques, accès limité à l’éducation qui font que de nombreuses jeunes filles doivent quitter l’école et sont mariées à des hommes bien plus âgés.

De plus, au Mali, la scolarisation des jeunes filles reste limitée en raison de l’insécurité dans les zones rurales: le pays fait face aux conflits armés orchestrés par des groupes terroristes depuis plus d'une décennie.

Lire: Recrudescence des attaques terroristes au Sahel

Toujours selon l'UNICEF, le taux de scolarisation chez les filles à l'école primaire est de 73,8 % contre 85,8 % des garçons. Au niveau secondaire, ce taux chute considérablement: 15 % chez les filles contre 21 % chez les garçons. Ce grand fossé illustre le retrait de la majorité des jeunes filles dans le système éducatif. Derrière ces chiffres se cachent des destins brisés comme celle d'Aïda D, mariée de force à 15 ans. Elle raconte à Global Voices:

J’étais au lycée de Sévaré, une ville du centre du Mali dans la région de Mopti situé  à 621 km de Bamako. Je voulais devenir professeur. Un jour, mon oncle est venu nous chercher pour aller au village. Là-bas, ma tante m’a dit que j’allais être mariée à un homme de 48 ans. Je n’ai rien dit, je pleurais. Personne ne m’a écoutée. Une semaine après, j’ai été mariée. Je ne suis jamais retournée à l’école.

Son histoire est loin d’être isolée. Elle incarne le poids des traditions et le silence forcé des jeunes filles dans les décisions qui bouleversent leurs vies et leurs rêves.

Une lueur d’espoir

Mais des dynamiques communautaires émergent pour faire face à ce défi, comme à Mopti. En 2023, l’ONG World Vision publie un message sur Facebook contre le mariage d’enfants, suscitant plus de 2 800 réactions. Des femmes du village et certains leaders se sont alors réunies pour créer des fonds de solidarité afin de maintenir les filles à l’école.

Grâce à cette mobilisation à Diondiori (un village) situé dans la commune de Socoura qui se trouve dans la région de Mopti, le comité a pu empêcher 38 mariages précoces en 2024. Cette initiative locale s’inscrit dans un mouvement croissant de villages maliens qui prennent en main la lutte contre le mariage des enfants. Mariam Camara, présidente du comité de protection communautaire de Diondiori, témoigne:

Nous soutenons quatre filles du village actuellement avec des kits scolaires. Nous faisons de la médiation lorsque nous apprenons qu’une famille veut marier leur fille. Garder les filles à l’école peut les préserver de beaucoup de problèmes.

Koumbel B, une jeune élève de 14 ans qui était promise en mariage, fait partie des jeunes filles protégées par cette mobilisation. Son témoignage met en lumière l’impact concret de ces actions locales. Elle dit :

Il y a quelques mois, on voulait me marier de force. J'avais peur, car cela signifiait abandonner l’école et mes rêves. Mais le comité est intervenu. Ils ont parlé avec ma famille, expliqué l’importance de mon éducation, et ils m’aident encore avec les fournitures scolaires. Aujourd’hui, je suis toujours à l’école. Je rêve de devenir infirmière. Je veux dire à toutes les filles comme moi : ne perdez jamais espoir. L’école peut changer nos vies.

Pour beaucoup d'autres jeunes filles, le combat reste difficile et l’issue bien moins favorable. Mariam Camara poursuit:

On souhaite que nos filles puissent aller à l’école, qu’elles deviennent médecins, avocates ou encore institutrices. Les femmes ont commencé à échanger entre elles lors des tontines. Ensuite, elles ont impliqué leurs époux. Aujourd’hui, certains leaders religieux nous soutiennent.

Le comité est régulièrement à pied d’œuvre pour sensibiliser contre le mariage des enfants lors des cérémonies socio-culturelles.

De la loi à la pratique

Au-delà des initiatives locales, Le Mali a signé de nombreux textes protégeant les droits de l'enfant, mais le Code de la famille malien, dans son article 281, autorise encore les unions avant 18 ans avec l’accord des parents ou du juge. Ces dérogations, contraires aux normes internationales, sont souvent renforcées par les traditions locales.

Des organisations comme Wildaf Mali, l’AJM et l’UNICEF appellent à une réforme pour supprimer toute exception à l’âge légal du mariage, le fixant strictement à 18 ans.

Aux côtés de la société civile, les autorités maliennes réaffirment leur soutien contre le phénomène du mariage précoce. La ministre Diarra Djeneba Sanogo de la promotion de la femme de l’enfant et de la famille lors de sa prise de fonction a réitéré, le 27 novembre 2024, son engagement pour la protection des droits des enfants.

Une dynamique à soutenir

La mobilisation dépasse désormais les villages avec des mouvements embrassant des villes comme Mopti avec plus de 330 000 habitants (2024) ; Bandiagara (situé à 679 km à l'est de Bamako avec plus 26 000 habitants) ; et Koro ( 25 000 habitants).

Sur Facebook, Wildaf Mali a publié, le 4 décembre 2024, un message dénonçant le mariage des enfants:

Le commentaire d'un internaute sous la publication indique à quel point le sujet est si sensible. Il écrit:

Il est temps de dénoncer cette pratique, mais plusieurs couches de la société doit être impliqué dans ce processus ( les religieux, les coutumiers etc) . Si je parle trop mon compte risque d'être restreint

Younoussa Dama, responsable local du service de la promotion de la femme de l’enfant et de la famille de Koro qui observe une évolution au niveau de l’engagement communautaire explique :

Ce sont les populations elles-mêmes qui doivent être porteuses du combat. Les gens commencent à comprendre. Le discours communautaire est souvent plus influent que les lois elles-mêmes.

L’exemple de la jeune fille Koumbel, soutenu par le comité de Diondiori ou encore la voix de jeunes activistes comme Bambi Keita, prouve que le changement vient des premiers concernés et qu’il est déjà en marche, porté par celles et ceux qui refusent de rester silencieux.

Cet article est écrit dans le cadre du Programme Impact West Africa Fellowship de  Aspen Global Innovators


The Other Sahel, un documentaire qui donne une autre image d'une région souvent réduite à une ‘zone de conflits’

Wed, 27 Aug 2025 07:30:38 +0000 - (source)

Au Sahel, l’art et l’entrepreneuriat culturel sont des outils de résistance et de transformation sociale

Initialement publié le Global Voices en Français

En image, artistes, créateurs et entrepreneurs culturels au Sahel ; capture d'écran du film documentaire

Le Sahel, qui s'étend de l’Atlantique sur la côte ouest à la Mer rouge sur la côte est de l’Afrique est souvent réduit dans les médias à une région marquée par des conflits armés et une crise sécuritaire.

Pourtant c'est aussi une aire culturelle immense et variée mais qui reste méconnue au-delà de ses frontières. Une communauté d'artistes, de créateurs et d'entrepreneurs culturels tente de donner une image plus nuancée et variée de la région, comme en témoigne un documentaire intitulé ” The Other Sahel – Résilience des Artistes au Mali, Niger & Burkina Faso” tourné par Joël Hevi, journaliste et entrepreneur culturel togolais engagé dans l'industrie créative.

Dans ce film réalisé dans le cadre de la Bourse Média de l'Union Africaine (African Union Media Fellowship), Joël Hevi raconte les parcours d'artistes qui allient résilience et créativité pour faire face aux défis dans trois pays du Sahel: Mali, Niger et Burkina Faso. Interviewé par Global Voices en personne, l'auteur explique les raisons qui sous-tendent la réalisation de son projet.

Jean Sovon (JS): Comment vous est venue cette idée de privilégier la culture au Sahel? 

Joël Hevi (JH): Le Sahel est trop souvent réduit à une carte de crises, de conflits et de catastrophes dans les récits dominants. Cette représentation simpliste occulte la richesse des histoires humaines qui s’y déroulent chaque jour. Les artistes et créateurs que j’ai rencontrés sont des bâtisseurs, des visionnaires qui transforment la contrainte en opportunité. Pour moi, raconter leurs parcours, c’est montrer une autre facette de la région, où résilience, créativité et sens de la communauté sont les moteurs d’un changement durable.

Mon objectif avec The Other Sahel était de donner la voix à ces acteurs trop souvent marginalisés, de montrer que derrière les défis, il y a des initiatives qui réinventent la culture et la société. En donnant de l’espace à ces histoires, le documentaire invite le spectateur à déconstruire les clichés et à percevoir le Sahel comme une région dynamique et créative, où les habitants sont eux-mêmes les auteurs de leur récit.

JS: Comment l’art devient-il un moyen de communication pour les artistes sahéliens? 

JH: Ces créateurs du Mali, Burkina et du Niger utilisent l’art comme un langage universel capable de transcender les frontières, de fédérer les communautés et de créer des espaces d’expression et de dialogue.

Au-delà, l’art est aussi un outil concret de transformation sociale. Les initiatives culturelles stimulent l’économie locale, renforcent la solidarité communautaire et permettent aux jeunes et aux femmes de trouver un espace pour leur voix et leur créativité. À travers les initiatives que j'ai vues par exemple à l’espace Boul Yam à Ouagadougou, capitale politique du Burkina Faso, l’art devient un levier puissant pour faire entendre les aspirations et les réalités des plus jeunes et des populations locales. C'est l'exemple du festival Les Récréâtrales, tenu du 24 octobre au 2 novembre à Ouagadougou.

Ce festival a été une opportunité pour les artistes de faire valoir leur résistance face aux crises.

Lire : Au Burkina-Faso un festival investit la rue pour témoigner des crises et exprimer la résilience

JS: En quoi ce documentaire dépasse les clichés qu’on retrouve dans les médias internationaux ?

JH: Les récits dominants ont souvent tendance à représenter le Sahel uniquement à travers le prisme de la violence et de l’instabilité. The Other Sahel propose un regard inverse, qui met en lumière la vitalité culturelle et la créativité des habitants. On y voit des artistes et entrepreneurs culturels qui innovent, organisent des projets collectifs et préservent leur patrimoine malgré les crises. Cette représentation démontre que le Sahel est un espace de vie, d’ingéniosité et d’opportunités, loin de l’image unique de fragilité.

Le documentaire casse également l’idée selon laquelle la culture ne peut pas coexister avec les difficultés économiques et sécuritaires. Il montre que l’art et l’entrepreneuriat culturel sont des outils de résistance, de réappropriation et de transformation sociale. En donnant une voix aux acteurs locaux, le film rééquilibre le récit international et invite le spectateur à voir le Sahel comme une région riche de talents, d’initiatives et de récits humains inspirants.

Dans le film (3:56), Zabda, artiste burkinabé et promoteur de l'espace Boul Yam à Ouagadougou, parle des Pratiques Artistiques et Découvertes Culturelles qui sont des initiatives réunies au sein de cet espace.

Un autre exemple d'initiative est celle de Zerbo Siaka connu sous le nom Fasky, un artiste photographe qui met en évidence son projet d'exposition photo à travers lequel il attire l'attention de tous sur des questions sociales et de droits humains, notamment celui des femmes.

Lire : Au Burkina Faso, l'artiste Fasky met la photographie au service de la résilience et de l'engagement social

JS : Quels obstacles avez-vous dû surmonté dans le cadre de la réalisation de ce film documentaire ?

JH: Je voulais raconter un autre Sahel, celui des créateurs, mais la réalité du terrain a rapidement rattrapé mon intention. J'ai compris que documenter la résilience exigeait d'abord de naviguer à travers l'insécurité, car des voyages par la route entre villes, autrefois possibles, étaient devenus trop risqués.

Le niveau de vigilance des autorités a aussi créé une forme de censure subtile. J'ai essuyé des refus et des hésitations de la part de deux artistes au parcours aussi atypique. Chaque interview a nécessité de gagner la confiance des gens, pour qu'ils s'ouvrent sans crainte. Dans certains cas, il a fallu s'appuyer sur des amis journalistes pour atteindre ces voix authentiques.
Ces difficultés ont paradoxalement renforcé le message du film. Elles prouvent que la créativité et la résilience sont des forces qui persistent même dans les conditions les plus difficiles.

JS: Quel est le principal message que vos spectateurs devraient retenir? ?

JH: Le message central est que la résilience et la créativité sont profondément ancrées dans les sociétés sahéliennes. Chaque projet artistique, chaque initiative culturelle aujourd'hui est une réponse directe aux défis quotidiens et un acte de transformation sociale. Les spectateurs devraient comprendre que le Sahel au-delà des crises qu'il traverse, c'est ce que ses habitants en font avec courage, imagination et solidarité.

Je souhaite que le public retienne aussi l’importance de donner une voix aux acteurs locaux et de valoriser leurs initiatives. Derrière les difficultés, il existe des histoires d’espoir et de créativité qui méritent d’être racontées. Le documentaire incite à regarder le Sahel autrement, à célébrer ses voix et à comprendre que la culture est un véritable levier de changement, capable de transformer des vies et des communautés.

Lire notre cahier spécial:


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