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« Difficile de rester neutre » : les médias népalais face à la génération Z

Thu, 04 Dec 2025 12:05:26 +0000 - (source)

Que devrait faire une journaliste lorsque de jeunes manifestants sont abattus sous ses yeux ?

Initialement publié le Global Voices en Français

Image de Gaurav Pokharel via Nepali Times. Utilisée avec permission.

Image de Gaurav Pokharel via Nepali Times. Utilisée avec permission.

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages Web en anglais]

Ce rapport du Dart Centre Asia Pacific par Arun Karki a été initialement publié dans le Nepali Times, et une version éditée a été republiée sur Global Voices dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

Que devrait faire une journaliste lorsque de jeunes manifestants sont abattus sous ses yeux ? Faut-il faire son travail et rester neutre ? Peut-on vraiment rester neutre ?

Alors que les manifestations de la génération Z [fr] secouaient Katmandou, les journalistes népalais se sont retrouvés à couvrir une histoire qui leur était personnelle. En faisant leur travail, certains d’entre eux ont même été pris pour cible par des foules en colère.

Arun Karki, membre du Dart Asia Pacific, a visité leurs rédactions et a échangé avec ses collègues sur leur expérience de reportage des manifestations de la génération Z qui ont éclaté le 8 septembre. Voici les témoignages de journalistes ayant été témoins des troubles dans leur propre ville.

Sunita Karki assistait à un atelier dans un hôtel le 8 septembre. Elle a vu les premières vagues de manifestations à travers les fenêtres de l’hôtel. Les alertes de couvre-feu inondaient son téléphone, un véhicule appartenant à un groupe de défense des droits humains brûlait de l’autre côté de la route, de jeunes garçons transportaient leurs amis blessés à moto vers les hôpitaux locaux, et la police rouait de coups un adolescent qui avait pourtant les mains en l’air.

« J’ai beaucoup pleuré », confie-t-elle. Ce n’était pas la peur qui la submergeait, mais la culpabilité. « J’étais incapable de rédiger quoi que ce soit. Nous assistions à ces scènes depuis un hôtel cinq étoiles ». Le soir même, le bilan était déjà de 19 morts. Le 9 septembre, vers 15 h 35, le bureau de son média, Annapurna Post, situé à Tinkune, à Katmandou, fut incendié. Le personnel fut contraint d'évacuer le bâtiment alors que certaines parties de la rédaction brûlaient encore.

Image de Gaurav Pokharel via Nepali Times. Utilisée avec permission.

Image de Gaurav Pokharel via Nepali Times. Utilisée avec permission.

Lorsqu’elle apprit que son bureau était en flammes, elle confia à son mari, avec angoisse, qu’elle comptait démissionner : « Si je dois cacher ma carte de presse à chaque manifestation, quel genre de journaliste suis-je vraiment ? », s’est-elle interrogée.

Elle rédigea un article le lendemain, mais se sentit partagée entre son rôle de journaliste soucieuse de son devoir et son état de civile sous le choc. Elle explique que, c’est dans des moments comme celui-ci qu’il est difficile de se sentir vraiment neutre.

C’est en voyant la police s’acharner sur la population qu’elle sentit une forte envie d’intervenir, plutôt que de simplement rester en retrait et rapporter les faits. Le premier vrai moment de répit arriva plus tard, lorsque les gens descendirent dans la rue et allumèrent des bougies en hommage aux victimes. « C’était une sorte de marche victorieuse. Après tant de journées de violence, j’ai enfin pu ressentir un certain soulagement », confie-t-elle.

Angad Dhakal, journaliste-photographe travaillant pour Kantipur National Daily, se tenait devant son bâtiment lorsque des manifestants y entrèrent par effraction pour y mettre le feu. Il avait déjà été informé que des manifestants prévoyaient d’incendier son bureau et s’y était précipité, dans l’espoir de sauver ses disques durs contenant dix ans de travail photographique, en vain.

Il leva alors son appareil photo et appuya « fermement » sur le déclencheur, surtout pour documenter la scène plutôt que par « enthousiasme ou devoir professionnel ».

Image de Gaurav Pokharel via Nepali Times. Utilisée avec permission.

Image de Gaurav Pokharel via Nepali Times. Utilisée avec permission.

« Mon bureau brûlait. Que devais-je photographier ? » se souvient-il. Quelques instants plus tard, un manifestant remarqua l’inscription « PHOTO » sur sa veste jaune de presse. Pour se défendre, il expliqua qu’il était un freelance débutant et YouTubeur, puis se réfugia dans un coin pour retirer sa veste afin de ne pas être pris pour cible par les manifestants.

Pour couvrir les manifestations dans la rue, Angad se tient habituellement près de la police, pour être plus en sécurité. Mais le 8 septembre, les incendies et les coups de feu rendaient même cette zone dangereuse. Une balle de flash-ball toucha son ami Dipendra Dhungana, le blessant gravement.

Il pensa : « Où allons-nous maintenant ? Si nous restons ici, nous serons touchés ». Après avoir assisté à deux jours de manifestations, de violences et de morts, et avoir vu son propre bureau brûler, il n’a pas dormi pendant plusieurs jours.

Le même après-midi, alors que les bâtiments gouvernementaux brûlaient et que le média Kantipur était attaqué, un message sur un forum Discord de manifestants parlait ouvertement d’« attaquer Kantipur ».

Les rumeurs se sont propagées à d’autres médias. Devant le bureau de OnlineKhabar, où travaille Gaurav Pokharel, le responsable de la rédaction déclara : « Des gens très suspects se promenaient ». Les stores furent baissés, les fenêtres évitées, la porte d’entrée verrouillée et le personnel dispersé dans différents endroits de la ville. Le média fut menacé et mis en confinement effectif, mais ne fut pas incendié.

Gaurav Pokharel cacha sa carte de presse. « Je n’ai jamais montré ma carte. Parfois, je devais entrer dans la foule en criant des slogans, juste pour me fondre parmi les manifestants », raconte-t-il. Il voyait des gens tomber sous les balles et aida à sortir un journaliste encerclé par une foule hostile.

Image de Gaurav Pokharel via Nepali Times. Utilisée avec permission

Image de Gaurav Pokharel via Nepali Times. Utilisée avec permission

Gaurav a également contribué en tant que freelance à des médias internationaux. Plus tard, alors qu’il retranscrivait l’interview d’un jeune organisateur de manifestations, il écrivit à son rédacteur d’un média international : « C’était très difficile à écrire. J’ai pleuré plusieurs fois en le faisant ». Il travaillait sans relâche depuis plusieurs jours, luttant contre la fatigue et une pression artérielle basse.

Des manifestants ont vandalisé et incendié le complexe Singha Darbar, abritant Nepal Television et Radio Nepal, dans le but de perturber la radiodiffusion publique.

Surendra Paudyal avait commencé la journée avec sa carte de presse autour du cou, pensant qu’elle lui permettrait de se déplacer librement. Mais lorsqu’il arriva à Singha Darbar vers 15 h 30, la situation lui parut dangereuse.

Il glissa alors sa carte dans sa poche. Lorsqu’il fût interrogé sur ce qui comptait le plus, il répondit sans hésiter : la vie avant tout. À ce moment-là, il ressentit une peur réelle et un fort devoir de protéger son équipe.

Il se concentra sur l’essentiel : rester calme, trouver des sorties et faire évacuer tout le monde en sécurité. Plus tard, ils réussirent à maintenir le journal télévisé de 20 h grâce à un lien régional. Il était partagé. D’un côté, il était soulagé que la diffusion ait continué, mais de l’autre, il était triste et furieux que leur propre studio ait été attaqué.

Republié avec l’autorisation du Dart Centre Asia Pacific, un centre régional qui accompagne les journalistes en leur fournissant soutien et conseils adaptés aux situations traumatisantes.

Sabar Bonda : quand le cinéma marathi réinvente la vie queer en milieu rural

Thu, 04 Dec 2025 11:48:59 +0000 - (source)

Sabar Bonda s’écarte des récits traditionnels en donnant une voix aux expériences queer dans l’Inde rurale.

Initialement publié le Global Voices en Français

L’équipe du film Sabar Bonda (Cactus Pears) lors de la cérémonie du festival du film de Sundance de 2025. Image via Wikimedia Commons par Bryan Berlin. CC BY-SA 4.0.

L’équipe du film Sabar Bonda (Cactus Pears) lors de la cérémonie du festival du film de Sundance de 2025. Image via Wikimedia Commons by Bryan Berlin. CC BY-SA 4.0.

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages Web en anglais]

Sabar Bonda (2025) [fr] est un film en langue marathi qui offre un regard intime sur les personnes queers (LGBTQIA+) dans l’Inde rurale. Il explore les thèmes de l’amour, de la famille et du sentiment d’appartenance au-delà du prisme urbain. En mettant en lumière les expériences de ses protagonistes dans un contexte de classe, de genre, de sexualité et de vie rurale, le film remet en question les récits conventionnels et réinvente les possibles pour la vie des personnes queers en Inde en dehors des grandes villes. Son succès lors du festival du film de Sundance 2025 et son portrait délicat d’un amour homosexuel en contexte de campagne lui ont valu des critiques élogieuses, mais aussi des attaques issues des débats des guerres culturelles.

Contexte

En 2023, alors que la Cour suprême de l’Inde examinait une série de pétitions visant à obtenir la reconnaissance légale des mariages queers en Inde (dans l’affaire Supriyo v. Union of India, dite « Supriyo »), le gouvernement indien, dirigé par le Bharatiya Janata Party (BJP), s’est opposé à ces pétitions, et a même déclaré que l’identité queer était un phénomène « élitiste et urbain ». Ces arguments ont été vigoureusement contredits par les requérants, ce qui a conduit la Cour à affirmer clairement que le gouvernement indien s’était trompé dans son évaluation : l’identité queer ne peut être considérée ni comme exclusivement urbaine ni comme élitiste.

Dans son opinion minoritaire, l’ancien président de la Cour suprême indienne, D.Y. Chandrachud, écrivait :

The discussion in this segment has not scratched the surface of the rich history of the lives of LGBTQ persons in India, which continue into the present. Yet, even the limited exploration of the literature and reportage on the subject makes it abundantly clear that homosexuality or queerness is not solely an urban concept, nor is it restricted to the upper classes or privileged communities.

La discussion présentée ici n’a fait qu’effleurer la riche histoire des vies des personnes LGBTQ en Inde, qui se poursuit aujourd’hui. Pourtant, même cet examen limité de la littérature et des reportages sur le sujet montre clairement que l’homosexualité ou l’identité queer n’est ni un concept uniquement urbain ni réservé aux classes supérieures ou aux communautés privilégiées.

Même si, en fin de compte, la Cour a refusé [fr] de reconnaître légalement les couples queers en Inde, elle a confirmé l’authenticité et la légitimité de leurs vies, et a même demandé au gouvernement de constituer un comité chargé d’examiner la création d’un cadre juridique pour reconnaître ces relations. Ainsi, bien qu’il n’ait pas accordé le droit au mariage aux couples homosexuels, l’arrêt Supriyo a élargi le cadre juridique en confirmant que les personnes transgenres engagées dans des relations hétérosexuelles avaient bien le droit de se marier selon la législation existante, y compris dans le cadre des lois personnelles. La décision a également clarifié un point important du droit au mariage : il n’est pas un droit fondamental en Inde, et la reconnaissance des couples homosexuels relève exclusivement du législateur, et non du pouvoir judiciaire.

Deux ans plus tard, même si peu de progrès ont été réalisés pour traduire cette demande en loi, on observe sur le terrain une reconnaissance accrue de la validité et de la complexité des vies des couples queers.

Supriyo Chakraborty, le requérant éponyme dans l’affaire du mariage homosexuel, a posté ceci sur Instagram :

C’est dans ce contexte qu’un film en marathi comme Sabar Bonda (Cactus Pears) émerge comme une bouffée d’air frais, parmi les productions hindies souvent figées dans des codes romantiques stéréotypés qui répondent aux normes hétéropatriarcales conventionnelles. Certes, Bollywood [fr] s’est déjà aventuré sur des terrains queers auparavant, parfois avec des films assez radicaux pour l’époque, tels que Fire (1996) de Deepa Mehta, Nikhil, mon frère (2005), ou encore Geeli Pucchi (2021). Mais ce genre de films reste bien trop rare.

Sabar Bonda va plus loin en invitant les spectateurs à imaginer les possibles radicaux de l’identité queer dans l’ère post-Supriyo. Le film invite notamment les spectateurs à se poser les questions suivantes : que signifie être queer dans l’Inde rurale d’aujourd’hui ? Comment la condition queer peut-elle s’exprimer lorsque les responsables politiques, les juges et la société civile continuent de la reléguer aux marges ? Comment les couples queers affrontent-ils les obstacles familiaux et matrimoniaux en l’absence de soutien social, légal ou religieux ? Ce ne sont là que quelques-unes des questions audacieuses auxquelles le film invite les spectateurs à réfléchir, offrant ainsi un aperçu intime de certaines vies rurales queers jusqu’ici ignorées par le cinéma grand public.

Quelle est la particularité de Sabar Bonda ?

C’est sans surprise que son réalisateur, Rohan, est non seulement queer, mais aussi façonné, dans sa vision du monde et sa sensibilité artistique, par son éducation populaire. C’est dans une maison d’une seule pièce, au cœur d’un bidonville de Mumbai, qu’il a grandi, élevé par un père chauffeur et une mère au foyer. Rohan Kanawade est un véritable cinéaste autodidacte, doté d’un passé de décorateur d’intérieur. Le film reflète sa perspective personnelle et son vécu. Dans une interview donnée à The Polis Project, il explique :

Look, the film is based on my experience, and this is how things unfolded for me. Everyone’s experience is so different, but when they start making films, it is always the same. There are too many rules. Where is the joy then of telling a story?

Le film est basé sur mon expérience, et voilà comment les choses se sont déroulées pour moi. Chacun a sa propre expérience, mais quand on fait des films, c’est toujours pareil : il y a bien trop de règles. Alors, quel plaisir reste-t-il à raconter une histoire ?

C’est précisément cette volonté de briser les conventions du cinéma et de défier les normes narratives qui rend Sabar Bonda subversif. Inspiré du parcours de Rohan, marqué par la mort de son père, la quête de son identité queer et son retour à ses racines, le film mêle histoire personnelle et fiction pour créer un récit profondément émouvant. On y suit Anand (Bhushan Manoj), employé d’un centre d’appel à Mumbai, qui retourne dans le village familial du Maharashtra rural pour les dix jours de deuil traditionnel après la mort de son père. Là-bas, il retrouve son ami d’enfance Balya (Suraaj Suman), un agriculteur local. Alors qu’Anand affronte le deuil et la pression familiale du mariage, une relation tendre se tisse entre les deux hommes, leur offrant un refuge et un sentiment d’appartenance.

Le titre du film, qui signifie « poires cactus » en marathi, sert de métaphore au parcours des protagonistes. Tout comme le fruit du cactus est recouvert d’épines à l’extérieur, mais est doux et juteux à l’intérieur, les protagonistes traversent des épreuves et naviguent dans les méandres de l’amour dans leur environnement rural hostile, mais parviennent à se créer un refuge intime et réconfortant. Un autre aspect notable du film est l’usage de la langue marathi. Trop longtemps, les récits queers en Inde ont été dominés par le cinéma hindi, avec seulement une poignée de films proposés dans d’autres langues vernaculaires, comme le malayalam ou le bengali. Rares sont les films en langue marathi qui abordent ces thématiques, ce qui fait de Sabar Bonda une contribution rare et significative au récit queer vernaculaire en Inde.

Sabar Bonda bouleverse les récits queers traditionnels en s’éloignant des stéréotypes centrés sur les traumatismes liés au coming out et à la violence familiale, pour se concentrer plutôt sur la richesse intérieure de ses personnages. Dans le film, la mère d’Anand connaît la sexualité de son fils et le soutient discrètement. Vers la fin du film, elle « devine » également celle de Balya et crée, sans un mot, l’espace nécessaire pour que les deux puissent vivre ensemble. De tels actes de solidarité discrète sont rarement représentés dans les récits grand public. Le film remet également en question l’idée selon laquelle le soutien à la communauté queer ne viendrait que des personnes « éduquées » vivant en milieu urbain. Il souligne au contraire que l’empathie peut transcender les classes sociales, le niveau d’éducation et le milieu social. Même si les mots « gay », « queer » ou « homosexuel » ne sont jamais explicitement utilisés, les thèmes liés à la communauté queer sont indéniablement présents tout au long du film.

En mettant en avant la vie intime que Balya et Anand parviennent à construire dans un environnement par ailleurs hostile, Sabar Bonda sert de miroir subtil, mais incisif à la société, invitant les spectateurs à revenir sur les questions posées au début du film : comment les couples queers peuvent-ils affronter les épreuves familiales et matrimoniales en l’absence (ou presque) de soutien social, légal ou religieux ? Et pourquoi devraient-ils rester cantonnés aux marges alors que les personnes non queers évoluent en toute sécurité dans la société, en gardant leurs privilèges intacts ?

Largement salué, à juste titre

Le film a été largement salué et a remporté le Grand Prix du jury du cinéma mondial au Festival du film de Sundance. Le Film Critics Guild lui a attribué la note de 8,6/10, sa présidente Anupama Chopra le qualifiant de « voyage lyrique et languissant vers la découverte de soi et l’appartenance, qui offre de l’espoir même dans les situations difficiles ».

Le premier long métrage en marathi de Rohan Kanawade, Sabar Bonda (Cactus Pears), est actuellement noté 8,6/10 sur le site FCGR (Film Critics Guild Ratings) !

Le film est sorti aujourd’hui dans plusieurs salles en Inde.

Lisez les critiques ci-dessous ⬇#SabarBondaReview#CactusPearsReview pic.twitter.com/B14SDZcR7n

— Film Critics Guild (@theFCGofficial) le 19 septembre 2025

D’autres critiques ont été tout aussi élogieuses : Prathyush Parasuraman, du Hollywood Reporter India, compare le film à « du pain tout juste sorti du four », offrant « quelque chose de croustillant ». Mihir Bhanage, du Times of India, l’a qualifié de « film magnifique et simple qui se dévoile comme une douce histoire d’amour, de perte et d’amitié ». Tatsam Mukherjee, qui écrit pour The Wire, évoque une « révolution silencieuse dans les salons de la classe moyenne, non par l’hystérie, mais par la grâce et la ténacité ».

En effet, la force du film réside dans son rythme lent et délibéré et sa narration subtile. Il explore avec délicatesse les thèmes du deuil, de l’appartenance, de la sexualité et de la famille, tout en mettant en avant la situation sociale des protagonistes, en particulier la manière dont la caste, le genre, l’orientation sexuelle et la localisation rurale façonnent les expériences de chacun.

Rohan parvient à équilibrer émotion et nuance sans paraître moralisateur, offrant ainsi une vision rare et intime des possibilités radicales de l’amour queer dans l’Inde rurale. Sabar Bonda est un chef-d’œuvre de cinéma nuancé et devrait s’imposer comme une œuvre incontournable pour quiconque s’intéresse aux récits situés à l’intersection de la classe sociale, de la sexualité et de la vie familiale en Inde.


L'objectif du Couloir vert Kivu-Kinshasa en RDC est la création d'une nouvelle économie verte en vue de la promotion de la paix et du développement durable

Thu, 04 Dec 2025 11:38:40 +0000 - (source)

Des conflits armés dans l’est de la RDC exacerbent la pauvreté et accélèrent la détérioration de l’environnement.

Initialement publié le Global Voices en Français

The Kivu-Kinshasa green corridor in the DRC ; Image from Anicet Kimonyo, used with permission

Le Couloir vert Kivu-Kinshasa, RDC. Image d'Anicet Kimonyo. Utilisée avec permission.

Cet article d'Anicet Kimoyo a été initialement publié par Peace News Network le 29 octobre 2025. Une version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat médiatique.

Des conflits armés dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) exacerbent la pauvreté et accélèrent la détérioration de l’environnement.

La province du Nord-Kivu abrite l’un des plus vieux parcs d’Afrique, le Parc national des Virunga. Selon une étude, réalisée en avril 2025 par la direction provinciale de Nord-Kivu agissant pour l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), presque 50 % de sa superficie sont à présent sous le contrôle de groupes armés. En font partie des rebelles du groupe Mouvement du 23 mars (qui appartient à la coalition Alliance Fleuve Congo), des groupes islamistes, et diverses petites milices locales, ainsi que les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont certains membres ont participé au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.

Toujours selon le rapport, la présence armée dans le parc fait perdre à l’économie verte près de 30 millions de dollars américains en revenus annuels, lesquels sont détournés au profit de groupes rebelles. Il en résulte un cycle de violence qui nuit à la fois à la biodiversité et au développement local.

La RDC a officiellement lancé, par décret, le « Couloir vert Kivu-Kinshasa » (CVKK), un projet ambitieux visant à allier le reboisement, le développement économique et la stabilité des régions ravagées par les conflits. L'initiative, que les autorités ont décrite comme une contribution majeure à la lutte contre les changements climatiques, exigera néanmoins que le gouvernement surmonte de nombreux obstacles d’ordre structurel et politique.

Signé le 15 janvier 2025 par la Première ministre Judith Suminwa, le décret n° 25/01 donne forme à l’un des plus importants projets écologiques jamais élaborés en Afrique centrale. Couvrant près de 550 000 kilomètres carrés, dont 285 000 kilomètres carrés de forêts vierges et 60 000 de tourbières, le Couloir vert Kivu-Kinshasa a pour objectif de transformer des régions affaiblies par des décennies de violence en pôles de développement durable. Selon Emmanuel de Mérode, directeur de l’ICCN :

The CVKK project is considered one of the largest initiatives [in the world] on the climate issue. The Congo is providing good news, and this will continue to be noticed.

Le projet CVKK est considéré comme l’une des plus importantes initiatives [au monde] en matière de crise climatique. Le Congo est porteur de nouvelles positives, et cette tendance devrait se poursuivre.

Outre la protection des forêts tropicales du Bassin du Congo, décrit comme le « puits de carbone le plus vaste au monde », le couloir vert devrait permettre l’acheminement de Kivu à Kinshasa d’un million de tonnes de nourriture par an, permettant, dans un premier temps, de nourrir les populations touchées par les conflits, puis le pays tout entier grâce au potentiel agricole de la région. Un fonds dédié sera créé pour le développement, le long du CVKK, d’entreprises dans les secteurs de l’énergie renouvelable, de l’agriculture et de la logistique. Selon le gouvernement, le coût de financement du projet est estimé à au moins 1 milliard de dollars américains au cours des trois ou quatre prochaines années.

Le couloir vert est structuré autour de plusieurs axes : l’agriculture durable, l’écotourisme, la foresterie communautaire, et la restauration des écosystèmes. L’objectif déclaré du projet est la création de centaines de milliers d’emplois « verts » pour ainsi offrir des alternatives légales au braconnage et à l’exploitation illicite de ressources. Emmanuel de Mérode explique :

The corridor provides economic benefits that do not depend on forest destruction, but on sustainable production methods. Hundreds of thousands of jobs [will be] created thanks to the preservation of species and forests. The communities themselves become conservation agents.

Le couloir offre des avantages économiques qui dépendent non pas de la destruction des forêts mais de systèmes de production durables. Des centaines de milliers d’emplois seront créés à travers la préservation de la faune et de la flore. Les communautés assumeront elles-mêmes le rôle de garde forestier.

Justin Tshipopo, gestionnaire forestier dans la province de Bas-Uélé, salue « l’opportunité de renforcer la foresterie communautaire, » et souligne le besoin de prendre en compte les savoir-faire traditionnels :

Communities have preserved their forests for centuries. These practices must not be forgotten.

Les communautés protègent leurs forêts depuis des siècles. Ces pratiques ne doivent pas tomber dans l’oubli.

Selon lui, il est essentiel que le couloir devienne un outil réel de développement pour les territoires vulnérables, capable d’ouvrir de nouvelles perspectives économiques et de renforcer la cohésion sociale.

Un succès à long terme dépendra de la capacité des autorités à impliquer les populations locales de manière responsable, d’intégrer leur expertise ancestrale, et d’assurer une gouvernance irréprochable. Le Couloir vert Kivu-Kinshasa est considéré comme un test décisif pour la transition écologique et économique de la RDC, un défi à la hauteur de ses vastes ressources naturelles.

Malgré l’optimisme autour des objectifs ambitieux du couloir, les militants locaux exigent aussi que sa mise en œuvre soit inclusive et transparente. Fanny Minesi, directrice de Amis des Bonobos du Congo (ABC), une ONG engagée dans la protection d’animaux sauvages, met en garde contre une approche exclusivement technocratique du projet :

Our concern is to ensure that communities are not only informed, but also that they consent to the projects and become active participants. We must ensure that projects are not designed without the communities, and that the private sector, often preoccupied with profit, is not the only one guiding the decisions.

Notre souci est de veiller à ce que les communautés soient non seulement informées de l'évolution du programme, mais qu’elles donnent aussi leur consentement aux projets et y participent activement. Nous devons nous assurer qu’ils ne soient pas élaborés sans la collaboration des communautés, et que le secteur privé, souvent guidé par le profit, ne soit pas le seul à influencer les décisions.

Le succès du CVKK dépend de l’étroite collaboration entre le gouvernement, les organismes de conservation, le secteur privé, et les communautés. Néanmoins, des tensions foncières, une insuffisance des infrastructures, et un manque de confiance profondément ancré subsistent encore. Certaines communautés locales se méfient du projet car elles pensent que le gouvernement veut saisir leurs terres.

Cependant, des projets pilotes dans l’est de la RDC et Tshopo montrent des résultats encourageants grâce à une réduction notable de la violence envers les civils de la part de groupes armés, à l’échelon local, et une meilleure protection du Parc national des Virunga. Selon les autorités, le couloir va créer des centaines de milliers d’emplois pour les habitants, notamment les jeunes, et leur donnera accès à davantage de débouchés économiques afin d’éviter qu’ils ne rejoignent des groupes armés pour échapper à la pauvreté.

Par ailleurs, le 27 octobre dernier, la RDC a lancé la Semaine nationale du climat dans le but de réunir les acteurs du secteur de l’environnement, afin de réfléchir ensemble aux enjeux soulevés par la crise climatique. Marie Nyange Ndambo, la ministre congolaise de l'Environnement, et de l’Économie du Climat, a déclaré lors d’une conférence de presse :

Without the DRC, there are no sustainable solutions to the global climate crisis, which we have not created elsewhere.

Sans la RDC, il n’existe pas de solution durable à la crise climatique mondiale.

Lors de son discours adressé aux participants de la Semaine nationale congolaise du climat, Ndambo a également précisé que la RDC souhaitait, par le biais de cet évènement, unir les voix de la société civile, des populations autochtones, et autres acteurs locaux et internationaux afin de se préparer à la COP30 (qui se tiendra à Bélem au Brésil à partir du 10 novembre) sur la base d’une conviction ferme et crédible qui « reflète nos priorités et réalités pour que le Congo et les congolais(es) parlent d’une seule voix à la conférence et confirme la volonté du pays à assumer son rôle de leader en matière de climat. » Elle a également ajouté :

We want every Congolese to understand that the climate is not a distant issue, it affects our daily realities and therefore protecting the environment is protecting our future.

Nous voulons que toute la population congolaise comprenne l'urgence de la crise climatique ; elle affecte notre vie quotidienne et par conséquent protéger l'environnement est essentiel pour préserver notre avenir.


Quand les algorithmes bénissent les escrocs : comment Facebook et TikTok faillissent à leurs responsabilités envers les pauvres en Ethiopie

Sun, 30 Nov 2025 00:59:23 +0000 - (source)

Symptômes d'une économie de l'attention où la fraude avance plus vite que les dispositifs de contrôle.

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d'écran prise sur la chaîne Youtube Eyoha Media, montrant deux invités cagoulés tournant le dos à la caméra lors d'un passage consacré aux dons en ligne controversés. Utilisée avec permission.

Un acte de « gentillesse » viral

Une vidéo TikTok a commencé à circuler, filmée dans une voiture garée près du quartier de Bole, à Addis Abeba. La caméra braquée vers l'intérieur. Un homme du nom de Tamru est assis sur le siège passager, les épaules voûtées, la voix basse, décrivant maladie et lutte quotidienne. L'homme derrière la caméra ne montrant jamais son visage. Quand Tamru a fini, une main entre dans le champ et glisse une liasse de billets pliés dans le creux de sa main.

Le clip est apparu pour la première fois sur @melektegnaw_ (environ 1.7 million d'abonnés), un compte TikTok populaire qui semble encourager les actions caritatives. Il en existe d'innombrables construis sur le même schéma: l'émotion comme accroche, le témoignage comme vignette, une petite somme d'argent remise en guise de « preuve », et des clics qui se convertissent en engagement et en revenus.

Sur l'enregistrement, Tamru demande s'il existerait une aide à plus long terme qui pourrait l'aider à se remettre sur pied. Les deux échangent numéros de téléphone et un numéro de compte. L'homme lui dit de continuer à prier — que l'argent venait par la prière, et qu'il était simplement un messager reliant les donateurs et les personnes dans le besoin. 

La scène suggérait un changement. 

L'argent a été transféré, mais les promesses n'ont pas été tenues

Après que la vidéo TikTok soit devenue virale, les gens se sont mobilisés — tout comme l'argent. En quelques semaines, plus de 1576 USD (environ 260000 ETB) ont été transférés sur un compte bancaire au nom de Tamru, alors qu'une somme estimée entre  2120 à 2425 USD (environ 350 000 à 400 000 ETB ) a été versée sur des comptes, explique-t-il, liés aux associés de l'organisateur masqué. Une grande partie venait des membres de la diaspora éthiopienne qui croyaient aider un inconnu à sortir de la misère. Les fonds devaient servir à acheter un Baja à Tamru, un taxi à 3 roues qui aurait pu lui permettre de reprendre le travail. 

Au lieu de cela, Tamru se souvient être informé par téléphone par le même homme qu'il avait rencontré en personne — la silhouette sans visage de la vidéo qui l'a filmé recevant la liasse de billets, montrée sur TikTok — d'envoyer plus d'argent pour le ‘quitus fiscal,’ les ‘frais de transport,’ le ‘traitement,’ et même les pénalités de ‘compte gelé’. Au final, il estime avoir transféré 1212 USD (environ 200 000 ETB) provenant des fonds déposés sur son propre compte. Ce n'est qu'après que les promesses ont commencé a changer qu'il a rendu son histoire publique, accordant une interview de près de trois heures sur Eyoha Media, une chaîne YouTube avec une large audience, dans l'espoir que cette exposition puisse forcer des réponses.

Les hommes derrière les masques

Dans cette interview, Tamru n'a jamais mentionné @melektegnaw_, même si la vidéo y a fait sa première apparition. Au lieu de cela, il a dit que l'homme derrière la caméra était ‘Baladeraw’ — de la chaîne TikTok @baladeraw — et a ajouté que lorsque l'animateur lui a téléphoné, il a cru reconnaître la voix.

L’œuvre caritative de Baladeraw mêle foi, émotion — et opacité. Capture d'écran issue de la page TikTok de Baladeraw. Utilisée avec permission.

D'après mon analyse, les deux chaînes utilisent la même mise en scène: capuches relevées, la caméra fixée derrière le « donateur » et des slogans imprimés sur leurs sweat-shirts — « le fiduciaire » (ባለአደራው) et « le messager » (መልክተኛው). Ils justifient l'anonymat comme une forme d'humilité religieuse. On ignore encore s'il s'agissait de deux hommes, d'un groupe coordonné ou d'un seul opérateur utilisant plusieurs identités.

Capture d'écran de @melektegnaw_  sur TikTok, dont les vidéos « caritatives » virales transforment la compassion en clics, dans un contexte de surveillance accrue sur le traitement des donations. Utilisée avec permission.

Ce qui est clair, c'est le schéma. Les deux comptes suivent le même modèle: une personnalité humanitaire sur Facebook, YouTube, et TikTok qui apparaît sans visage, altruiste, et dévoué. Chaque vidéo suit le même parcours émotionnel — un individu vulnérable, un « bienfaiteur » anonyme, et une petite remise d'argent devant la caméra — conçu pour ressembler à un geste de charité spontané tout en échappant à la surveillance.

Foi, vues, et profit

Sur Facebook et TikTok, une série de clips émouvants tournés à la main suffit largement à légitimer le tout. Les plateformes récompensent le nombre de vues; le public les considère comme une preuve. Un rapide coup d’œil à Baladeraw révèle une page Facebook intitulée « Organisation Caritative » et un site Web — qui inspire confiance mais qui semble peu contrôlé.

Cette crédibilité se transforme en argent. Baladeraw déclare récolter plus de 10 958,96 USD (plus de 1,5 million ETB) à travers Chapa, une passerelle de paiement éthiopienne sous licence, réglementée par la Banque Nationale d’Éthiopie comme un « opérateur de système de paiement. »

Pendant ce temps-là, la présence des deux hommes sur TikTok brouille les pistes entre contenu personnel et collecte de fonds. Les propres règles de TikTok stipulent que les collectes de dons doivent être menées par des organisations reconnues — avec immatriculation, un site web, et au moins 1000 abonnés — et, dans certaines régions, des documents fiscaux supplémentaires. Pourtant ces derniers sollicitent des dons en tant qu'utilisateurs privés, en dehors des outils de collecte de fonds vérifiés de TikTok, soulevant des questions fondamentales de conformité et de transparence que la plateforme n'a pas abordées.

Sur Facebook, la page de l’« Organisation Caritative » de Baladeraw est toujours active, même si la réglementation de Meta interdit explicitement une telle fraude, ainsi que les escroqueries. Comment un opérateur masqué sans comptabilité publique peut-il se présenter comme organisme de bienfaisance reste incertain.

Anatomie d'une confession qui n'en était pas une

Dans un second volet, Eyoha Media a interrogé @melektegnaw _ et « Baladeraw, » dans l'espoir de régler cette affaire. Mais au lieu d'exiger des documents et des reçus, l'animateur a incité Tamru à revenir sur ses accusations. Les identités étaient cachées: aucun nom, ni identifiant n’apparaissait à l'écran; les deux collecteurs de dons étaient cagoulés, tournaient le dos à la caméra, et seules leurs voix étaient audibles. Aucun document n'a été présenté ou examiné. Ces derniers sont partis sans révéler combien avaient été collectés, qui s'en occupait, où si même une partie était parvenue au bénéficiaire.

Sur son site web, Baladeraw diffuse également une vidéo de son interview avec EBS, l'un des plus grands médias privés d’Éthiopie — cagoulé, tournant le dos à la caméra, seule sa voix étant dévoilée. L'animateur n'a jamais abordé le sujet évident: l'anonymat peut être défendable lorsqu'on donne son propre argent, mais pas lorsqu'on sollicite celui du public. La loi éthiopienne exige que les organisations caritatives enregistrées divulguent leurs finances, conservent des archives et déposent des rapports. Des collecteurs de fonds masqués avec des liens de dons ne peuvent prétendre à une exemption. Pourtant personne n'a posé de question. Le spectacle a continué : le bienfaiteur invisible, le regard imperturbable, la souffrance exhibée.

Le démasquage

Dans un rebondissement tardif, la personne derrière @melektegnaw_  a retiré son masque dans Seifu sur EBS, une des émissions de fin de soirée les plus regardées en Éthiopie, qualifiant son travail d'« Œuvre Divine. » Il a accusé des imposteurs d'utiliser des comptes similaires, expliquant qu'il postait les numéros de compte bancaire des bénéficiaires afin que l'argent leur soit ‘directement’ versé, et a mentionné un détournement de 20 000 ETB (environ 120 USD) qu'il attribue à un intermédiaire. Il a nié prendre la moindre commission, se décrivant comme un messager qui partage des cas vérifiés et organise des petites campagnes comme le ‘défi des 100 birr (environ 0,6 USD).

Comme dans les apparitions sur Eyoha Media et EBS, Seifu l'a laissé parler sans contestation, évitant les questions fondamentales de responsabilité et de transparence. Aucune de ses déclarations n'a été indépendamment vérifiée, et les questions clés restent sans réponse:  qui vérifie ces cas, quelles archives existent, et qui est responsable quand des fonds disparaissent.

L'histoire dans son ensemble : plateformes, pauvreté, et profit

La crise des réseaux sociaux en Éthiopie est souvent présentée comme un problème lié aux discours haineux et à la désinformation. Mais les escroqueries prospèrent aussi — en particulier dans les langues peu répandues. En avril 2023, l'AFP, le bureau éthiopien de vérification des faits  a exposé une publication Facebook virale, en Oromo, qui promettait des « voyages gratuits vers les États-Unis » pour deux millions d'Africains; l'ambassade américaine a confirmé qu'il s'agissait d'une escroquerie, et que le lien renvoyait vers une application de recherche d'emploi et non vers l'obtention d'un visa.

Globalement, le même schéma persiste. L'examen par Reuters de documents internes à Meta, a révélé qu'environ 10% de ses revenus en 2024 semblaient provenir de publicités liées à des escroqueries ou des marchandises interdites. L'entreprise a estimé que les utilisateurs voyaient 15 milliards de publicités frauduleuses par jour. En 2023, les autorités britanniques ont signalé que 54% de toutes les escroqueries liées aux paiements impliquaient les plateformes Meta.

Ce ne sont pas des incidents isolés. Ce sont les symptômes d'une économie de l'attention où la fraude avance plus vite que les dispositifs de contrôle — et où les plateformes qui tirent un profit de l'engagement manifestent peu de volonté d'agir.


États-Unis : deux frères, un rêve et une semi-remorque abandonnée au Texas

Sun, 30 Nov 2025 00:19:40 +0000 - (source)

Initialement publié le Global Voices en Français

Equipo Los Pericos, al que pertenecía Mariano

Équipe de Los Pericos, à laquelle Mariano appartenait. Photo utilisée avec la permission de Connectas.

Ce texte a été rédigé par Flavia Morales pour AVC Noticias et a été republié par CONNECTAS et Global Voices grâce à un accord de diffusion de contenu.

Dix immigrants ont perdu la vie et vingt-neuf ont été secourus le 23 juillet 2017 dans une semi-remorque qui les transportait de l’autre côté de la frontière dans des conditions inhumaines et qui a été retrouvée stationnée sur le parking d’un Walmart à San Antonio, au Texas. Voici l’histoire de deux frères qui voyageaient à bord de ce véhicule.

Mariano et Humberto López Cano gagnaient 120 pesos pour une journée de six heures de travail dans les champs de leur communauté à José María Morelos, à environ quarante minutes de Papantla, dans le nord de l’État de Veracruz. Là-bas, bien que les écoles et les routes aient été construites par l’entreprise publique Petróleos Mexicanos et que les chemins soient envahis par des puits de pétrole, la seule possibilité d’emploi est dans les champs, à semer du maïs et des haricots sur des terres propres ou louées.

C’est pour cette raison que, lorsque l’occasion de partir aux États-Unis s’est présentée, Humberto n’a pas hésité. Pour la première fois, il pourrait quitter sa communauté à la recherche d’une vie meilleure. Quelques jours avant son départ pour le pays voisin, une autre opportunité s’est présentée : une place s’était libérée. Il a alors invité Mariano, son frère aîné.

Les deux frères ont quitté leur communauté le dimanche 16 juillet. Seulement sept jours plus tard, la tragédie a endeuillé le village. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre : dix migrants étaient morts asphyxiés après avoir été abandonnés à l’intérieur d’une semi-remorque à San Antonio, au Texas. Vingt-neuf autres ont survécu. Leur famille a appris, incrédule, que les deux frères se trouvaient bien parmi les passagers.

Mariano, 27 ans, père de trois enfants, est mort asphyxié dans la semi-remorque qui se rendait de McAllen à Houston et dans laquelle la température a atteint 65 degrés Celsius. Humberto, 24 ans, père de deux enfants, a été hospitalisé et est témoin des faits. Il se trouvait encore aux États-Unis.

El panteón donde fue enterrado Mariano. Foto usada con permiso de Connectas.

Le cimetière où Mariano a été enterré. Photo utilisée avec la permission de Connectas.

Mariano López, le père des deux jeunes, explique qu’ils avaient l’intention d’aller dans un autre pays pour avoir une vie meilleure : « Ils voulaient s’en sortir, monter un commerce. »

Ellos quisieron irse, de la noche a la mañana, no tardaron ni dos días, hicieron planes, iban con la ilusión de hacer algo, no eran chicos maleados, y pues uno no sabe cuándo sale que destino llevamos, nunca pensé que iba a pasar esto.

Ils ont voulu partir du jour au lendemain, ça ne leur a même pas pris deux jours. Ils ont fait des projets, ils sont partis avec l’espoir de réussir quelque chose. Ce n’étaient pas des délinquants, et on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Je n’aurais jamais imaginé que ça arriverait.

Les frères imaginaient déjà combien ils gagneraient en un mois, en un an. Mariano rêvait de s’acheter une voiture. Leur père a déclaré :

A mí me pidieron prestado, me dijeron que consiguiera dinero, estaban seguros que les iba a ir bien e iban a pagar rápido, los planes era ganar en dólares, en dos o tres años conseguir una mejor vida, un mejor futuro para los niños.

Ils m’ont demandé de leur prêter de l’argent, de trouver de quoi les aider. Ils étaient sûrs que tout se passerait bien et qu’ils me rembourseraient rapidement. Ils comptaient gagner des dollars américains, avoir une vie meilleure dans deux ou trois ans et offrir un avenir meilleur à leurs enfants.

« Je lui ai demandé de ne pas partir, mais il avait déjà pris sa décision »

Un jour après le départ de Mariano López Cano pour les États-Unis, Beatriz, son épouse, a donné naissance à leur troisième enfant, mais Mariano n’a jamais pu le rencontrer.

Bien que la décision de partir avec son frère, Humberto, ait été prise plus tôt, ce n’est que deux jours avant son départ qu’il a fait ses adieux à sa femme, à ses enfants et au reste de sa famille.

« Il ne va rien m’arriver, tout ira bien », ont été les derniers mots qu’il a adressés à sa femme, qui a, elle aussi, été surprise par sa décision.

Beatriz López Paredes a rencontré Mariano à l’école primaire de leur village, ils ont entamé une relation au lycée et se sont mariés en 2012. Ils ont eu trois enfants. Le troisième, âgé de seulement quelques jours au moment des faits, a été une surprise pour le jeune couple.

C’est peut-être cette grossesse imprévue qui a motivé la décision de Mariano de partir :

Le pedí que no se fuera, pero dijo que era algo decidido, dijo que se iba por sus hijos para que no les faltara nada.

Je lui ai demandé de ne pas partir, mais il m’a dit que sa décision était prise et qu’il y allait pour les enfants, pour qu’ils ne manquent de rien.

Beatriz, 24 ans, serre dans ses mains un T-shirt jaune appartenant à l’un de ses bébés. Dans la cuisine où elle accorde l’entretien se tiennent ses enfants de trois ans et un an.

El sábado en la noche me dijo, me voy mañana, se despidió de nosotros el domingo, no pude hacer nada más.

Le samedi soir, il m’a dit qu’il partait le lendemain. Il nous a fait ses adieux le dimanche. Je n’ai rien pu faire d’autre.

Certains jeunes du village ont émigré aux États-Unis, mais la plupart partent chercher du travail à Guadalajara ou à Mexico. Selon Beatriz, Mariano n’avait jamais quitté sa communauté.

Mariano a reçu un dernier hommage de son équipe de football

Après plusieurs jours d’attente, le corps de Mariano est arrivé le 4 août dans sa communauté, en provenance de San Antonio au Texas.

Ses amis ont revêtu l’uniforme de son équipe, Los Pericos, et ont porté son corps autour du terrain pour qu’il puisse faire ses adieux à sa passion : le football.

Les deux frères jouaient au football depuis l’enfance. Mariano était milieu défensif et portait le numéro 10. D’après les témoignages, il était très bon, l’un des meilleurs de son équipe. Son frère, Humberto, portait le numéro 9 et était avant-centre.

Mariano et Humberto ne sont pas les seuls du village à avoir été victimes d’un tel drame. Deux ans plus tôt, un jeune homme est mort alors qu’il traversait le Río Grande, lui aussi à la recherche du « rêve américain ».

L’un des jeunes du village raconte qu’il a migré aux États-Unis dix-sept ans plus tôt. À l’époque, il s’est endetté d’environ 1 400 dollars pour traverser le désert et le Río Grande. Il a marché pendant trois jours jusqu’à Houston, où il est resté quatre ans, avant d’être expulsé.

Il explique que la sécurité offerte par le coyote (la personne chargée du transport des migrants sans papiers) dépend du montant payé, et que l’on peut le contacter par l’intermédiaire de membres de la famille ou de connaissances dans les communautés voisines.

Le jeune homme habite juste en face du terrain de football et voyait souvent les frères après les matchs. Il en sait peu, mais il raconte que c’est Humberto qui avait l’intention de partir. En fin de compte, il semblerait qu’une place se soit libérée et qu’il ait encouragé son frère à l’accompagner.

D’autres affirment que Mariano avait pris sa décision depuis longtemps.

La famille et les amis des deux frères ignorent les contacts et les ressources utilisés pour effectuer le voyage.


#KeepGVStrong : Global Voices milite en faveur d'un monde interconnecté en ces temps difficiles

Sun, 30 Nov 2025 00:14:21 +0000 - (source)

Nous ressassons l'histoire de Global Voices et demandons votre aide aujourd'hui

Initialement publié le Global Voices en Français

A photo from the 2024 Global Voices Summit in Kathmandu, Nepal. Photo used with permission.

Photo du sommet Global Voices 2024 à Katmandou, au Népal. Photo utilisée avec permission.

Pendant 20 ans, Global Voices a fait quelque chose de peu commun et important de façon vitale : il a fait entendre la voix de personnes du monde entier, et a rendu possible l'écoute des perspectives de différentes personnes qui d'ordinaire restaient loin des nouvelles. Nous avons réalisé ce travail pendant environ 20 ans, avec la dynamique impulsée par des rédacteurs et des traducteurs volontaires, un petit groupe d'éditeurs et de coordinateurs professionnels. Du fait des restrictions budgétaires et des aides internationales, nous sommes actuellement dans une situation financière délicate : nous avons besoin que toute personne ayant été inspirée par Global Voices ou aidée nous donne la main. Plus de détails dans la suite de cet écrit, mais si tu peux, s'il te plait contribue ici. 

En 2004, j'étais stagiaire du centre Berkam pour Internet et la société de Harvard, et j'ai vu comment s'est développé un nouveau chapitre dans l'histoire des médias. De nombreux commençaient à diffuser leurs opinions et leurs pensées via des blogs en ligne, des journaux personnels qui contenaient un mélange de liens de sites web intéressants trouvés en ligne, des données personnelles, des opinions politiques et des observations concernant le monde. Facebook était en plein développement, dans un dortoir de l'autre côté de Harvard, donc, les blogs étaient le premier espace sur Internet où de nombreuses personnes ont vécu dans le but de diffuser leurs opinions sans filtre. A l'époque, avant l'augmentation des influenceurs qui ont gagné des sous avec leur présence en ligne ou que nos algorithmes filtrent notre contenu pour réussir notre engagement maximum-c'était un espace d'émotion et d'espoir.

Pour certains, l'espoir était d'écrire en ligne relâcherait le contrôle des médias traditionnels. Les blogueurs pouvaient écrire sur ce qu'ils souhaitaient, quand ils le voulaient et pouvaient informer directement comme des témoins présents. Pour d'autres, la promesse de bloguer était que les voix pouvaient s'écouter; un groupe de blogueurs libéraux se délectait avec l'idée selon laquelle le gouverneur de Vermont, Howard Dean, écouterait les suggestions publiées par les blogueurs pour leur programme électoral comme candidat à la présidence des États-Unis.

Rebecca Mackinnon et moi étions intéressés à bloguer pour une raison différente. Nous étions tous les deux allés à Berkam après différentes expériences dans d'autres parties du monde. Rebecca avait été cheffe du bureau de la CNN en Asie, d'où sa fluidité en chinois et sa vaste expérience dans la région qui signifiaient qu'elle a vu des histoires invisibles pour la majorité des reporters américains. J'ai passé les cinq années précédentes à voyager entre l'ouest du Massachusetts et l'Afrique occidentale, pour créer une organisation sans but lucratif dédiée à la formation technologique, et apprendre que l'Afrique, comme la dépeignent les nouvelles américaines, n'a rien à voir avec le continent que j'ai visité régulièrement.

Aussi bien pour Rebecca que pour moi, la phase la plus passionnante d'Internet en 2004 était la possibilité de tout savoir sur le monde entier. Cela signifiait que non seulement les partisans de Dean et les habituels « futurs de l'information » américains, mais aussi des poètes pakistanais, des entrepreneurs ghanéens, des hackers égyptiens et des linguistes boliviens. Nous avons tous deux commencé à diffuser des liens vers des blogs d'un monde plus large qui apparaissait dans les espaces technologiques centrés sur les États-Unis, et de notre liste croissante de blogueurs internationaux que nous admirions et qui s'est convertie en une liste d'invitations à Bloggercon, réunion d'experts de technologie et littérature à Harvard qui était mondialement plus significative grâce à notre intervention.

Global Voices est né de cette réunion, dans un monde qui était majoritairement optimiste et passionné face au potentiel d'Internet. Nous ne vivons plus dans ce monde.

Le blogging a fait place aux réseaux sociaux, il est devenu plus inclusif, mais privilégiait les images, les vidéos, la fréquence et l'émotion plutôt que les longs formats de journal intime qui caractérisaient « l'âge d'or » des blogs. Certains blogueurs sont devenus des journalistes ou des écrivains d'articles d'opinion, bien que d'autres sont restés silencieux. Les réseaux sociaux ont créé une nouvelle économie d'influenceurs, ce qui a généré une vague de panique sur la désinformation et l'information erronée (certaines légitimes, d'autres exagérées), et les autres sur la sécurité infantile en ligne. Maintenant, les réseaux sociaux alimentent des systèmes d'intelligence artificielle, qui prévoient un futur dans lequel les voix des personnes se substituent à des voix génériques faisant autorité qui savent tout, mais qui ne parviennent pas à créditer les personnes qui ont réellement la connaissance.

Global Voices summit, Nairobi, Kenya, 2012. Used with permission.

Sommet Global Voices, Nairobi, Kenya, 2012. Utilisée avec permission.

Tout au long de ceci, Global Voices a été présent, présentant un monde plus large pour qui souhaite apprendre le respect. Il y a eu des moments – le printemps arabe, par exemple- dans lesquels les audiences américaines et européennes se sont aidées de notre travail pour comprendre la transformation du moment historique (ce reportage de 2011 dans le New York Times de Jennifer Preston sur notre travail sur le Moyen-Orient guidé par la dernière éditrice régionale Amira al-Hussaini, a été un de ces moments dans lesquels une grande audience savait ce que nous faisions).

Mais même lorsque les histoires que nous avons couvertes n'ont pas attiré beaucoup d'attention à l'international, nous avons eu des audiences que peu ont atteintes. Un projet communautaire de traduction-Lingua-, où  a fleuri une grande communauté multilingue avec des dizaines d'histoires originaires de différentes langues qui se traduisent encore en une dizaine de langues. Parmi certaines langues que nous traduisons, comme le malgache, notre site web est l'un des rares sites à proposer des ressources pour les nouvelles internationales dans la langue locale. Eddie Avila, maintenant notre co-directeur général, a mené le programme Rising Voices, qui a aidé à préserver les langues autochtones dans des communautés du Mexique, de la Colombie et du Guatemala. 

Les histoires que nous couvrons ne se voient pas régulièrement, à moins que vous ne soyez en train de naviguer largement. Notre équipe de Chine aide à expliquer “Sister Hong”, scandale impliquant le travail du sexe, enregistrement de vidéos clandestines, problèmes avec la communauté LGBTQ+, et la marque particulière de Chine sur la répression sexuelle et la solitude masculine.  

Il y a une incroyable série de réflexions d'Ukrainiens qui ont fui la guerre et ont laissé un morceau de leur pays, à travers des montagnes de livres et de nouvelles bibliothèques ukrainiennes dans les villes comme Innsbruck, en Autriche. En attendant, la Russie prend des méthodes  avec les “activités extrémistes”, rendant la navigation sur Internet dangereuse.

Lire Global Voices est un rappel d'à quel point le monde est grand et complexe. Assister à une réunion d'auteurs et de traducteurs de Global Voices est un rappel de notre petitesse et notre connexion. J'ai assisté à la réunion de nos 20 ans à Katmandu au Népal en décembre 2024 quasiment une semaine après que j'ai commencé la rencontre, j'ai dû ajuster le voyage entre mes deux cours finaux du semestre. Quand je suis arrivé, les centaines de participants des six continents ont construit un lien durable, et j'ai senti comme si j'étais arrivé au lycée en pleine année scolaire. Jusqu'à ce que je prenne une petite pause pour décider où j'allais m'asseoir pour le déjeuner et ils m'ont trainé affectueusement à une table remplie d'écrivains que je ne connaissais pas et que ni me connaissaient pas non plus. Pendant deux décennies où nous nous sommes forcés à nous écouter les uns les autres, nous avons créé une culture qui est notablement accueillante, d'un cofondateur avec des horaires décalées, à notre nouvelle directrice exécutive, Malka Older, et aux nombreux auteurs, journalistes et étudiants népalais qui se sont joints à nous.

Réaliser ce travail n'a pas toujours été facile. Global Voices existe uniquement grâce à la majorité du travail réalisé par des bénévoles. Une petite part du personnel finance via des donations, mais la majorité des financements viennent des subventions. Ivan Sigal et Georgia Popplewell, qui ont pris les rênes après Rebecca et moi, ont maintenu l'organisation durant 15 années, et ils ont été très bons dans l'aide des fondateurs comme MacArthur, Open Society Foundation, Omidyar, Ford, Knight, Kellogg, et d'autres qui ont compris l'importance de notre travail, directement et indirectement. Ces financeurs ont valorisé les histoires et podcasts que nous produisons, mais nous ont vus littéralement former des générations d'écrivains, traducteurs, et éditeurs entraînés de notre communauté ( nombreux se sont consacrés à être des journalistes dans leurs pays d'origine ou dans des organismes de nouvelles internationales).

At the 2024 Global Voices Summit in Kathmandu, Nepal. Used with permission.

Photo du sommet Global Voices 2024 à Katmandou, au Népal. Photo utilisée avec permission.

Nous avons fait face à des moments difficiles financièrement, mais nous n'avons jamais vu un contexte comparable à celui que nous vivons. La coupure de l'aide internationale de l'administration de Trump nous a affectés directement et indirectement. Directement, les fonds de plusieurs des organisations avec lesquelles nous travaillons, comme Open Technology Fund, ont été retenus par la Maison Blanche, et ont entrepris des actions judiciaires pour continuer de fonctionner. S'ils n'obtiennent pas de fonds, nous non plus. Mais les effets secondaires ont été profonds de façon similaire. Les coupures de l'aide internationale, diffusion publique et la santé publique ont fait que des centaines d'organisations ont cherché de l'aide auprès de peu de fondations, qui maintenant ont augmenté les demandes pour leurs ressources limitées.

Heureusement, nous sommes une organisation authentiquement internationale; GV a été fondée par des citoyens américains comme une organisation sans but lucratif de Pays-Bas, et notre conseil d'administration représenté par l'Egypte, le Nigeria, le Royaume-Uni, l'Indonésie, le Pérou, les Pays-Bas et Hong-Kong. Comme de nombreuses organisations internationales, nous cherchons l'aide financière des Européens… Mais nous avons appris via nos membres européens que le nationalisme fait que des travaux comme le nôtre sont compliqués dans leurs pays.

C'est un temps obscur et difficile dans notre monde. Le travail que nous avons réalisé sur Global Voices a représenté la vision de comment le monde peut tourner différemment. Nous pourrions nous écouter attentivement les uns les autres, pour comprendre notre monde via plusieurs points de vue. Nous pourrions travailler ensemble sur un projet très grand pour une personne, ou un groupe de personnes du même pays. Nous pouvons lutter pour un Internet qui nous connecte et construit la compréhension, en vue de nous séparer en catégories comme les consommateurs facilement commerçables.

Nous sommes face à un grand problème, et nous pourrions nous entraider. Si tu es en mesure de faire une donation à GlobalVoices, cela serait siginifiant. Je fais confiance à Malka Older, Eddie Ávila, et Krittika Vishwanath, nos directeurs, qui ont pris le gouvernail de notre bateau sur les mers les plus tumultueuses que nous ayons vues. Nous avons besoin d'aide pour continuer les mois prochains, et déterminer qui pourrait soutenir le travail ardu des connexions internationales dans un moment dans lequel le monde est face à un  danger de rester fragmenté et désolé.

Si GlobalVoices est ou a été une inspiration, s'il vous plaît, aidez-nous. Et n'oublie pas de jeter un coup d'oeil à l'Everest virtuel qu'a complété Nate Matias, un ami chéri et membre américain de Global Voices, un voyage en bicyclette qui comprend une ascencion verticale au plus haut sommet de l'Everest, pour collecter des fonds pour Global Voices.


Les raisons derrière le mythe selon lequel le cantonais serait une langue chinoise plus authentique

Mon, 24 Nov 2025 16:05:58 +0000 - (source)

Le débat sur l’authenticité est une réaction à l’intrusion culturelle

Initialement publié le Global Voices en Français

Expressions et mots cantonais couramment utilisés qu’on ne trouve pas dans les dictionnaires de mandarin standard. Image d’Inmediahk.net (CC: AT-NC).

Comme expliqué dans un précédent article, il n’existe pas qu’une seule langue chinoise, mais de nombreux dialectes et variantes. Ce n’est qu’après la fondation de la République de Chine en 1912 que le mandarin, une langue parlée dans le nord-est du pays et au sein de la cour impériale de la dynastie Qing, est devenu la langue nationale de la Chine.

La décision a été prise le 15 février 1913, à la suite d’un processus de vote arbitraire mené par le « Comité de standardisation de la prononciation », sous la République de Chine nouvellement fondée. Le comité comptait 44 représentants, mais son président, Cai Yuanpei, alors recteur de l’Université de Pékin, détenait 29 voix, tandis que le vice-président en détenait 5.

En raison de l’absence de consensus et de la montée du régionalisme durant l’époque des seigneurs de la guerre de la République de Chine (1916-1928), le mouvement en faveur du mandarin comme langue nationale s’est heurté à des résistances locales. Le gouvernement central de la République de Chine a alors dû appeler à une « révolution culturelle » afin de « sauver le pays ».

Le mandarin, appelé plus tard putonghua, a servi de lingua franca en Chine, permettant aux locuteurs de différentes langues chinoises de communiquer entre eux. La diversité linguistique du pays a perduré jusqu’aux années 1990, période à laquelle le putonghua a été officiellement promu comme langue d’enseignement principale dans les écoles.

Beaucoup ont dénoncé la décision arbitraire de 1913 qui faisait du mandarin la langue officielle, et des défenseurs locaux se sont opposés à la suppression des langues maternelles.

Dans la province du Guangdong, où l’on parle cantonais, beaucoup estiment que leur langue locale est plus authentique que le mandarin, et certains pensent même que le cantonais a failli être choisi comme langue officielle de la Chine.

Beaucoup de révolutionnaires chinois ayant renversé la dynastie Qing dirigée par les Mandchous sont nés dans le Guangdong. C’est le cas, par exemple, du père fondateur de la République de Chine, Sun Yatsen, locuteur natif du cantonais et du hakka. Il a commencé à élaborer des plans pour renverser la dynastie Qing à Hong Kong en tant que membre du groupe de locuteurs cantonais appelé les Quatre Bandits. Après avoir fondé la Société de l’Alliance de Chine au Japon, Sun a collecté des fonds auprès des Chinois d’outre-mer de Nanyang (terme désignant des pays d’Asie du Sud-Est, dont la Malaisie, l’Indonésie et les Philippines) pour financer la Révolution chinoise. Les Chinois d’outre-mer du Nanyang parlent en majorité le cantonais et le hokkien.

Le cantonais ou d’autres langues du sud de la Chine étaient ainsi considérés comme des choix plus corrects politiquement, le mandarin étant la langue parlée par la cour impériale des Qing, contre laquelle les révolutionnaires chinois prévoyaient de se révolter. C’est probablement la raison pour laquelle le « Comité de standardisation de la prononciation » de la République de Chine n’a pas réussi à atteindre un consensus concernant la langue officielle, la décision ayant finalement été largement influencée par son président.

Outre les considérations politiques, du point de vue de nombreux Chinois du sud de la Chine, le mandarin est considéré comme une « langue han étrangérisée » (胡化漢語), la partie nord de la Chine ayant été sous la domination de peuples étrangers tout au long de l’histoire chinoise.

D’après Yuan Tengfei, célèbre historien et professeur d’histoire chinois, le mandarin était une langue créole parlée par des tribus étrangères dans le nord de la Chine, autour de Pékin. L’historien souligne dans l’un de ses ouvrages sur l’histoire de la Chine :

北京是遼金元明清五朝故都,除了明朝,遼金元清全是少數民族,所以北京這個地方自古胡漢雜居,胡人統治的時間可能比漢人還要長。

Pékin est l’ancienne capitale de cinq dynasties : la dynastie Liao dirigée par les Khitans (916-1125), la dynastie Jin dirigée par les Jurchens (1115-1234), la dynastie Yuan dirigée par les Mongols (1271-1368), la dynastie Ming dirigée par les Han (1368-1644) et la dynastie Qing dirigée par les Mandchous (1636-1912). À l’exception de la dynastie Ming, les dynasties Liao, Jin, Yuan et Qing étaient toutes gouvernées par des minorités ethniques non han. Ainsi, Pékin a toujours été un lieu de cohabitation entre Han et peuples étrangers, et la période de domination des peuples étrangers y a sûrement été plus longue que celle des Han.

En revanche, d’autres langues du sud de la Chine, en particulier le cantonais, sont considérées comme plus authentiques.

Le mythe autour du cantonais veut que cette langue ait été parlée dès la dynastie Tang et conservée dans le sud de la Chine après la révolte d’An Lushan (755-763), lorsque l’empereur s’enfuit au Sichuan et qu’un grand nombre de lettrés se réfugièrent également dans le sud du pays.

Bien qu’il soit impossible de retracer avec précision les prononciations du chinois à l’époque de la dynastie Tang, le mythe du cantonais est étayé par de nombreux exemples montrant que les expressions de cette langue s’appuient sur la littérature classique chinoise. Par exemple, le terme « amour » se dit « jung1-yi3 » (鍾意) en cantonais, et non « xi huan » (喜歡) comme en mandarin, terme reflété dans le roman Au bord de l’eau de la dynastie des Song du Nord. De même, « combien » se dit « gei2-do1 » (幾多) en cantonais, au lieu de « duo shao » (多少) comme en mandarin, expression reflétée dans le poème « 虞美人 » (« Lady Yu, la belle impériale ») écrit par Li Yu (李煜, 937-978), empereur de la dynastie des Tang du Sud.

Les poèmes de la dynastie Tang rimeraient également mieux en cantonais. Un exemple souvent cité est le poème « Monter sur la tour des cigognes » (登鸛雀樓) de Wang Zhihuan (688-742). La transcription ci-dessous illustre la manière dont le poème rime en putonghua et en cantonais :

白日依山盡 | Le soleil blanc se couche derrière les montagnes
黃河入海流 | Le fleuve Jaune se jette dans la mer
欲窮千里目 | Si vous souhaitez une vue plus vaste
更上一層樓 | Montez encore d’un étage

Mandarin : Bái rì yī shān jìn
Huánghé rù hǎiliú
yù qióng qiānlǐ mù
gèng shàng yì céng lóu

Cantonais : baak6 jat6 ji1 saan1 zeon6
wong4 ho4 jap6 hoi2 lau4
juk6 kung4 cin1 lei5 muk6 
gang13 soeng56 jat1 cang4 lau4

Pourtant, comme l’ont souligné certains spécialistes, le débat sur l’authenticité reflète la réaction locale à  l’intrusion culturelle de l’autorité centrale. Depuis l’adoption de la Loi sur la langue nationale standard parlée et écrite de Chine en 2000, les habitants de la province de Guangdong ont exprimé une forte opposition. En l’espace de deux décennies, l’usage du cantonais dans les communications publiques au sein des organisations gouvernementales, des écoles, des entreprises, des restaurants et autres structures a progressivement été remplacé par l’usage du putonghua dans la province.

En ce qui concerne Hong Kong, depuis 1999, le gouvernement de la ville a élaboré un plan visant à mettre en œuvre la politique d’enseignement du programme de chinois en putonghua plutôt qu’en cantonais, en complément du programme de putonghua dans l’enseignement primaire et secondaire. Néanmoins, ce plan a rencontré une forte opposition dans le secteur de l’éducation, car des recherches ont montré que les enfants auraient des difficultés à comprendre les expressions écrites en chinois si elles étaient expliquées en putonghua. L’authenticité du cantonais a également été avancée comme un argument majeur contre la politique de standardisation linguistique. Ce plan est resté suspendu jusqu’en 2008.

En 2020, plus de 70 % des écoles primaires et environ 30 % des établissements secondaires de Hong Kong avaient adopté le putonghua pour l’enseignement du programme de chinois.

Après la répression des manifestations de 2019 contre l’extradition vers la Chine et la mise en œuvre de la Loi sur la sécurité nationale en 2020, la volonté d’imposer pleinement l’enseignement en putonghua dans le cursus d’enseignement du chinois s’est renforcée. Wong Ching-yung, un intellectuel favorable au gouvernement, a par exemple défendu dans le magazine Bauhinia l’idée selon laquelle le remplacement du cantonais par le putonghua comme langue chinoise standard à Hong Kong devrait constituer un élément central de « l’éducation nationale » de la ville, en appuyant son argument sur le statut international du putonghua, reconnu comme langue officielle parlée à l’ONU.

La Journée de la langue chinoise des Nations Unies, le 20 avril, pourrait devenir une nouvelle occasion de promouvoir la standardisation du chinois parlé à Hong Kong. L’ironie est que ce jour est à l’origine consacré à la célébration de la diversité linguistique.


Ce n'est pas le tai-chi de grand-mère : Maître Sun révèle la vérité derrière le flux

Mon, 24 Nov 2025 15:56:41 +0000 - (source)

Le Qi est une énergie convertie de l'air que nous respirons en puissance explosive.

Initialement publié le Global Voices en Français

Master Sun Peiqiang

Maître Sun Peiqiang. Utilisé avec autorisation.

En général, quand les gens pensent au Taijiquan, mieux connu sous le nom de Tai- Chi (太极拳), deux images contrastées leur viennent généralement à l'esprit. La première est celle d'une routine lente pratiquée par des personnes âgées dans les parcs tôt le matin, souvent comparée à du yoga en mouvement. L'autre est une scène d'arts martiaux spectaculaire et rapide, telle qu'on la voit dans les films d'action chinois, toute en sauts périlleux et mouvements puissants. Bien que les deux évoquent la même tradition, cette pratique séculaire est en réalité beaucoup plus complexe — et spirituelle — que ne le suggèrent ces deux stéréotypes.

Curieux de connaître la vérité qui se cache derrière ce flux, Jo Carter (JC), contributeur de GV, a interviewé en personne Maître Sun Peiqiang (孙佩强), héritier de quatrième génération du Xiaojia Taijiquan de style Chen, afin d'explorer ce que signifie réellement le Tai-Chi au-delà des clichés. 

Le tai-chi est largement pratiqué dans la Chine contemporaine et dans le monde entier, et on le voit couramment dans les parcs, les cours de fitness et autres lieux similaires. Cependant, au-delà de ces formes familières, le tai-chi a une autre méthode de transmission conventionnelle : par le biais du système maître-élève ou au sein des familles, transmis de génération en génération, mais non pas aux étrangers. Ces pratiquants commencent généralement leur formation dès leur plus jeune âge, en mettant l'accent sur la culture interne et les compétences pratiques de combat.

Maître Sun, l'un de ces pratiquants, est né dans une famille qui s'est transmis le Wuxing Quan (五行拳/Boxe des cinq éléments) depuis des générations. Il a commencé à s'entraîner aux arts martiaux à l'âge de huit ans sous la supervision stricte de son grand-père. Aujourd'hui, il dirige une école de Taijiquan à Changchun, dans la province de Jilin, où il enseigne à plus d'un millier d'élèves de tous âges, originaires du pays et de l'étranger, perpétuant ainsi l'héritage des arts martiaux traditionnels grâce à un enseignement pratique et à un engagement communautaire.

Jo Carter (JC) : Comment avez-vous découvert le tai-chi ?

孙佩强(孙)我八岁开始跟我爷爷学五行拳及陈式小架太极拳。学了陈式,杨式,孙式这三家。太极拳根本上是武术。如果只练广场上健身的那种,是不能跟人打。但是像我们家传的,很重视实战。

我太爷是道士,我们家传了一套功夫,叫做五行长生功。就是一种养生,练气的拳法。这个和太极拳一起练,人就会比较长寿。太极拳练的是肾,中医认为人的生命之源在于肾,肾左右人的衰老程度,还有助于旺盛的气血。而五行拳,对应的是五脏(心脏,肝脏,脾,胃,肾),所以练一遍拳,等于给五脏六腑做按摩,有长寿功能。而且我家的人都偏瘦,因为练拳会燃脂,把多余脂肪消耗掉。练功达到一种境界,保持气血的充沛和活力,活到九十岁是很普遍的。我太爷活到了九十四,爷爷活到了九十七岁。现在我已近40岁,身体哪都没有毛病或疼什么的。

Sun Peiqiang (SP):

J'ai commencé à apprendre le Wuxing Quan et le Xiaojia Taijiquan de style Chen avec mon grand-père quand j'avais huit ans. J'ai appris les styles Chen, Yang et Sun. Le Taijiquan est essentiellement un art martial. Mais si vous pratiquez le Tai- Chi dans un parc, uniquement pour rester en forme, vous ne pourrez pas vous battre. Alors que la manière dont nous le pratiquons, telle qu'elle a été transmise dans notre famille, accorde une grande importance au combat réel.

Mon arrière-grand-père était un prêtre taoïste. Notre famille a transmis un ensemble d'arts martiaux appelés « Pratique de la longévité des cinq éléments», une forme de Qigong, d'exercices de respiration et de boxe. Lorsque celle-ci est pratiquée en complément du tai-chi, elle est favoriserait la longévité. Le tai-chi se concentre sur les reins, qui, selon la médecine traditionnelle chinoise, sont le fondement de la vie humaine. L'état des reins détermine le rythme du vieillissement, donc travailler sur les reins aide à stimuler la circulation sanguine. La boxe des cinq éléments correspond aux cinq organes principaux (cœur, foie, rate, estomac et reins); pratiquer cette forme revient à masser les organes internes, ce qui peut aider à prolonger la vie. Les membres de ma famille ont tendance à être minces, car la pratique de cette forme brûle les graisses et élimine l'excès de graisse. Si l'on atteint un certain niveau de pratique, en maintenant un qi et un sang abondants et dynamiques, il n'est pas rare de vivre jusqu'à 90 ans. Mon arrière-grand-père a vécu jusqu'à 94 ans et mon grand-père jusqu'à 97 ans ; aujourd'hui, à près de 40 ans, je ne souffre d'aucune maladie ou douleur.

JC: Les formes de taichiquan les plus pratiquées dans le monde sont probablement le style Yang et le style Chen. Quelles sont les différences entre les deux ?

孙:陈氏太极拳起源是因为战场和劳作相结合出来的,当年在陈家沟,白天种地而引起的身体的疲劳用太极拳来起到健身作用。还有就是,王宗岳的《太极拳论述》,把最早的陈家沟的陈氏108式长拳转化为太极拳,通过这个过程,逐渐转化的适合养生。

杨氏是因为杨露蝉去北京教高官子弟时,那些人不适合练习太激烈的,所以变得比较柔和。而陈氏太极拳重视阴和阳的平衡。陈氏比杨氏要难一些,因为它讲究均衡,有发力的,也有没有力量的。杨氏是讲究平缓,是不发力的,适合一些中老年人,也更易学。

各种太极拳都有养生效果,只是各种派别之间有些区别。但如果想达到养生的境界,还是要刚柔并进,因为人的技能会随着年龄的增长会退化。如果你一味的练没有力量的,年龄大了之后,肌肉的力量会变弱,动作会变慢,不会那么凌厉。所以,陈氏太极拳同时要有发力和不发力的,两者结合才能达到健身养生作用。因为毕竟太极拳最早是用来技击用的,防身或打人的,现在转化成养生的,也要并行的练,你的肌肉和气血不会退化,才能保持年轻的状态。

SP: L'origine du taichiquan de style Chen trouve ses racines dans le double objectif du combat pratique et de la forme physique. À l'époque, à Chenjiagou [son village natal], Chen s'appuyait sur cette pratique pour rester en forme et soulager la fatigue physique résultant du travail agricole quotidien. Plus tard, Wang Zongyue, dans son ouvrage « Traités sur le tai-chi », a développé le style original de Chenjiagou, composé de 108 mouvements d’entraînement, pour en faire le taichiquan, plus adapté à des fins de santé et de remise en forme.

Le style Yang a été créé par Yang Luchan. Lorsqu'il a commencé à enseigner à Pékin, les descendants des nobles et des fonctionnaires étaient incapables de maîtriser les mouvements puissants, il a donc adouci l’entraînement. Le style Chen met l'accent sur l'équilibre entre le Yin et le Yang et, comparativement, il est plus difficile que celui de Yang, car la forme consiste à trouver l'équilibre entre la libération et la non-libération d'une puissance explosive. Le style Yang est doux, sans puissance explosive, adapté à certaines personnes d'âge moyen et âgées, et plus facile à apprendre.

En fait, toutes les formes de tai-chi ont des bienfaits pour la santé, malgré les différences entre écoles. Cependant, pour optimiser ces bienfaits, il est nécessaire de pratiquer à la fois les mouvements doux et les mouvements puissants.

Les êtres humains se détériorent avec l'âge. Si l'on ne pratique que le style doux, les muscles s'affaiblissent avec l'âge et les mouvements deviennent moins agiles. C'est pourquoi le Taichiquan de style Chen doit intégrer à la fois des mouvements puissants et non puissants ; ce n'est qu'en combinant les deux que l'on peut rester en bonne santé et en forme. Après tout, le Tai-Chi a été initialement développé pour le combat, l'autodéfense ou l'attaque. Même s'il a maintenant évolué à des fins de remise en forme, il est toujours nécessaire de pratiquer les deux aspects simultanément. Cela permet de garantir que vos muscles et votre circulation sanguine restent dans un état de jeunesse et que leur dégénérescence soit plus lente.

JC: Quelle est la différence entre le yoga et le taijiquan ?

孙:瑜伽和太极拳有异曲同工之妙。外人练瑜伽可能光练形,就是抻拉什么的,但是瑜伽也是练气的,就是内在的。它有动功和静功同时练的,它和中国的八段锦,五禽戏,易筋经比较相像。他们都是以抻筋为主,练气为辅,让你的筋骨和筋膜保持弹性和柔软度。中国有句古话,叫“筋长一寸,多活十年”。

所以瑜伽的好处和太极拳是一样的,但是相左的地方是,瑜伽只是抻拉为主,太极拳从起源上是武术。特别是陈氏,讲究攻守兼备,阴阳始终是平衡的。

SP: Le yoga et le taijiquan sont similaires. Les débutants peuvent se contenter de pratiquer le yoga, c'est-à-dire des étirements, etc., mais le yoga implique également la pratique du Qi, qui est interne. Il comprend à la fois des exercices dynamiques et statiques, et s'apparente au Brocart chinois en huit sections ou Baduanjin, aux Cinq postures d'animaux, et au Yijin Jing. Tous ces exercices visent à étirer les tendons et à pratiquer le Qi afin de garder vos tendons et vos fascias souples et flexibles. Un vieux proverbe chinois dit : « Un tendon plus long d'un pouce signifie dix ans de vie en plus. »

Le taijiquan et le yoga ont donc des bienfaits similaires, la principale différence étant que les mouvements du yoga consistent principalement en des étirements, tandis que le taijiquan est à l'origine un art martial, en particulier celui de style Chen, qui met l'accent à la fois sur l'attaque et la défense, et équilibre toujours le yin et le yang.

JC: Que signifie « énergie » dans le taijiquan ?

孙:是指内在的力量。它要把外部的力量卸掉,转换成内劲。比如,我们练内气,不是空气的气,是炁。这个炁是由我们的呼吸的空气转化而来的,然后再转化为劲,是有个习练的过程的。呼吸的空气进入我们的肺,但是进不了丹田的。

现在家传的功夫和外面传的功夫不一样的是,家传的会有古老的完整的体系。现在学院派和外面练的,只要不是家传的,都没有这个。这个呼吸的气,要转换到炁, 再转换为内劲,把外力卸掉,用内气催动身体去发力,才能达到懂劲的巅峰。

外力就是蛮力,拙力。如果我们用棒子去敲打,这个是外力。可是,内力就如用子弹引火线的一瞬间,能爆发出很大的力量。

這個「力量」是指內在的力量──它要把外部的力量卸掉,轉換成內勁。我們太極拳練內氣,不是空氣的氣,是炁;這個炁是由我們呼吸的空氣轉化而來,然後再轉化為勁,是有個習練的過程的。如果只是呼吸的空氣,它能進入我們的肺,但是進不了丹田的。

SP: Il s'agit de la force intérieure. C'est une sorte de force qui peut absorber les forces extérieures (forces physiques incontrôlées et non coordonnées) et les transformer en puissance interne. Lorsque nous pratiquons le Qi interne, une énergie est dérivée de l'air que nous respirons,  convertie en puissance explosive. Ce processus nécessite un entraînement intense, car l'air que nous respirons n'entre que dans nos poumons, et non directement dans notre  dantian (ou centre énergétique situé sous le nombril, où se produit la conversion de l'air en Qi).

La différence entre les arts martiaux transmis au sein d'une famille et ceux enseignés à des étrangers réside dans le fait que les premiers disposent d'un système conventionnel et complet. De nos jours, la plupart des écoles d'arts martiaux, à moins d'être familiales, n'enseignent pas le Qi. Le souffle doit être converti en Qi, puis en énergie interne capable d'absorber la force externe. Ce n'est qu'après avoir appris à utiliser l'énergie interne pour propulser le corps et lui permettre de bouger avec force que l'on peut véritablement saisir l'essence de l'« énergie ».

La force externe est une force non maîtrisée ou une utilisation non coordonnée de la force. Par exemple, utiliser un bâton pour frapper quelque chose est une force externe. Par contre, utiliser la force interne revient à tirer une balle, ce qui peut libérer une puissance immense en un instant.

JC: Quel conseil donneriez-vous aux débutants en taijiquan ?

孙:武术,艺术都是没有国界的,大家都可以练。男女之间没有什么差异,最重要的是真心喜欢。

刚开始练的是架式,练熟了以后,要练力量和动作,最后练的是心,就是心境的提高。刚开始可能是想养生,健身,后来也许是防身,自卫,最后发现练的是心境。尽量看书。我平时看中国历史,文化方面(比如周易)。中文说文武不分家。

最后,返璞归真,进入忘我的境界,就是练成了。

(SP) : Les arts martiaux, comme tout art, sont sans frontières, tout le monde peut les pratiquer. Il n'y a pas de différence entre les sexes, il suffit simplement d'aimer sincèrement cette pratique.

Au début, vous pratiquez les formes. Une fois que vous les maîtrisez, vous vous concentrez sur la force et les mouvements. Enfin, vous cultivez l'esprit, c'est-à-dire l'élévation de votre état mental. Au début, vous pratiquez peut-être pour votre santé et votre forme physique, puis peut-être pour l'autodéfense, mais finalement, vous réalisez que vous cultivez votre état mental. Essayez également de lire davantage. Je lis généralement des ouvrages sur l'histoire et la culture chinoises (comme le I Ching). Un proverbe chinois dit : « Les arts martiaux et la littérature sont indissociables. »

Enfin, vous pouvez dire que cet art vous appartient véritablement lorsque vous revenez aux bases sans être conscient des formes.


Inde : les gardes forestières bravent tous les défis pour protéger la faune sauvage

Mon, 24 Nov 2025 15:49:33 +0000 - (source)

5 000 employées de première ligne travaillent actuellement dans les forêts en Inde

Initialement publié le Global Voices en Français

Les Van Durgas : Priyanka Bharali, Rashmi Bora, Dipanjali Boraik, et Mitali Boruah, de gauche à droite. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Article co-écrit par Tanuj Dhar.

Alors que l'aube pointe en un froid matin d'automne dans les jungles du district de Sonitpur, dans l'État d’Assam, au nord-est de l'Inde, un léger bruit venant de dehors réveille Priyanka de son sommeil agité. Elle distingue à peine au loin les appels de détresse des langurs apeurés. N’étant pas habituée à vivre au cœur d’un parc national, elle ouvre soigneusement la porte pour éviter de réveiller ses collègues.

Priyanka in front of King Cobra Camp in Agoratoli range of Kaziranga National Park. Image by Arpita Das Choudhury

Priyanka devant le camp de « King Cobra » situé dans les collines d'Agoratoli, au sein du parc national de Kaziranga. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Dans la faible lumière du matin, elle est surprise de voir deux tigres sur la colline tout proche de leur campement, où ils avaient probablement passé la nuit. « Voici à quoi ressemble la vie dans la jungle, » déclare la jeune femme de 23 ans, lorsqu’elle rencontre Global Voices dans le parc national de Kaziranga, juste deux mois après l’incident. Priyanka Bharali est originaire du village de Garbhanga, dans le district de Sivasagar qui fait partie de l’État d’Assam.

Mitali before embarking on her patrolling duty to the deep jungle. Image by Arpita Das Choudhury.

Mitali, avant de partir en patrouille dans la jungle. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Lorsque dans un journal local Mitali Boruah remarque une annonce de recrutement pour des femmes gardes forestiers, elle s’empresse de postuler, aspirant depuis toujours à une carrière qui lui permettrait d’être proche de la nature. « Le processus de sélection était très rigoureux, mais j’étais prête à surmonter tous les défis qui se présenteraient, » explique la jeune femme de 27 ans, originaire du village de Gharmara, dans le district de Lakhimpur. Mitali fût par la suite sélectionnée pour devenir l’une des 5 000 employées de première ligne qui travaillent actuellement dans les forêts indiennes.

Rashmi in the Agoratoli core entry checkpost doing her additional duty. Image by Arpita Das Choudhury.

Rashmi au poste de contrôle central d'Agoratoli. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Travailler pour le parc national de Kaziranga

Le parc national de Kaziranga couvre 430 kilomètres carrés et s’étend des collines de Karbi Anglong dans le sud jusqu’au fleuve Brahmapoutre dans le nord. La route nationale 37 traverse ses cinq massifs montagneux (Burhapahar, Bagori, Kohora, Agoratoli, et Biswanath), résultant en de fréquents affrontements entre humains et animaux.

The one horned rhino in the grasslands of Kaziranga National Park. Image by Arpita Das Choudhury.

Rhinocéros Indien à une corne dans les prairies du parc national de Kaziranga. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Le dernier cas de braconnage recensé à Kaziranga, habitat naturel du rhinocéros indien à une corne, remonte à 2021.

« Ces jeunes femmes ne sont pas recrutées spécifiquement pour attraper des braconniers, mais si elles remarquent tout personne suspecte dans le parc pendant la journée, elles doivent informer tout de suite le bureau des rangers, » explique Suniya Pegu.

Selon Dipanjali, « les rondes commencent à 5 heures du matin, durant lesquelles nous inspectons des endroits spécifiques à la recherche d’indices d’animaux morts ou de braconnage. Plus tard, nous patrouillons, armées de mitrailleuses, le long des clôtures jusqu’à parfois 22 heures. »

Sonali Ghosh, directrice de terrain du parc, explique à Global Voices : « Elles sont affectées aux camps les plus vulnérables et reçoivent la même formation que les hommes. Par ailleurs, elles contribuent à la prévention du braconnage auprès des villageoises, qui sont souvent impliquées dans les réseaux de braconniers. »

Bidyut Borah ajoute : « Bien qu’elles ne se soient pas encore retrouvées face à face à des braconniers, elles mènent des opérations de surveillance à l’intérieur du parc afin de les empêcher d’y pénétrer. »

Rashmi Borah, 27 ans, devenue garde forestier peu après s’être mariée à Jorhat, témoigne : « Je ne me serais jamais imaginée patrouiller dans la jungle avec un fusil. Au début, l’arme était lourde et mes mains tremblaient lorsque je tirais car je craignais de manquer ma cible. Mais je m'y suis finalement habituée. »

Dipanjoli in front of King Cobra Camp, where the guards reside inside the jungle core. Image by Arpita Das Choudhury

Dipanjoli, devant le camp « King Cobra », au coeur de la jungle et où les gardes résident. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

« Lorsque que j’ai postulé pour cet emploi, ma famille s’y est tout de suite opposée, disant que c’était un travail d’homme et il a été difficile de la convaincre, » déclare à son tour Dipanjali Boraik, 21 ans et originaire du district de Jorhat. Mais au final, sa famille lui a donné leur soutien total.

Filles de paysans, Priyanka Bharali, Mitali Boruah, Rashmi Borah, et Dipanjali Boraik ont rejoint le groupe des « Van Durgas » (ou « Déesses de la forêts ») du parc national de Kaziranga au mois d’août 2023.

L'attrait de la forêt

« Les bruits de la jungle me fascinaient, alors je me suis fixée comme objectif de relever tous les défis liés à la vie dans la forêt et à mon travail, » explique Mitali.

« Elles ont été formées au 11ème bataillon de police d’Assam à Dergaon, mais elles n’étaient pas habituées à vivre dans la jungle, » explique Suniya Pegu, responsable des « Van Durgas » de la zone d’Agoratoli situé à l’est du parc, qui s’étend entre des districts de Golaghat et Nagaon dans l’État d’Assam. Elle ajoute qu’elles ont été entraînées au combat, aux situations d’urgence, à rester en bonne condition physique, à l’utilisation d’armes, au tir, et à effectuer des exercices de nuit.

The girls discussing their division of zones for patrolling duty. Image by Arpita Das Choudhury.

Les femmes discutent de la répartition des zones de patrouille. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Affectée au camp « King Cobra », Dipanjali était terrorisée par les serpents : « Ils sont partout, sauf en hiver. En été et durant la saison des pluies, nous faisons très attention lorsque nous nous déplaçons. Notre campement est construit sur pilotis, mais l’aire de baignade, prisée par les jeunes serpents, est à même le sol. » Au départ, elle était terrifiée, mais s’est peu à peu habituée.

« Elles sont très courageuses. Vivre dans la jungle était une expérience entièrement nouvelle pour elles, » déclare Bidyut Bikash Borah, officier des opérations du champ de tir d’Agoratoli. « Au début, elles étaient très nerveuses, mais elles se sont vite adaptées et exercent maintenant leurs missions sans problème. »

Elle ajoute qu’en plus de les former à différentes méthodes de conservation, « nous leur enseignons régulièrement de nouvelles techniques telles que la manipulation de serpents, l’observation des oiseaux, et l’identification d’arbres et de plantes. »

Mitali and Dipanjoli on field. Image by Arpita Das Choudhury.

Mitali et Dipanjoli sur le terrain. Image d'Arpita Das Choudhury. Utilisée avec autorisation.

Pour Rashmi, quitter son mari et sa famille à Jorhat pour venir travailler à Kaziranga n’a pas été facile : « J'ai sélectionné garde forestier comme premier choix sur mon dossier de candidature. Ce fût une décision difficile à prendre après m’être mariée, mais j’ai finalement décidé d’intégrer les Van Durgas. »

Reconnaissant leur courage, Sonali Ghosh, directrice de terrain du parc, explique à Global voices lors d’un entretien téléphonique : « La plupart viennent de régions rurales et d’autres de villages situés près du parc. Elles possèdent donc déjà une certaine connaissance du terrain et grâce à un entraînement rigoureux, elles ont pris davantage confiance en elles. »

Les camps du parc sont équipés de panneaux solaires, et le personnel doit rationner leur consommation d’énergie afin d’éviter les coupures d’électricité. « La nuit, nous entendons les animaux s’approcher de nos chambres mais nous ne pouvons pas allumer les lumières de peur de les effrayer, alors nous restons silencieuses. Nous gardons toujours nos torches avec nous en cas d’urgence, » raconte Priyanka.

Le devoir au-delà des obstacles

Inside the jungle on Elephant back. Image by Mitali Boruah.

Sur le dos d'un éléphant, dans la jungle. Image de Mitali Boruah. Utilisée avec autorisation.

Rashmi et Priyanka, qui ont été poursuivies de nombreuses fois par des rhinocéros et des éléphants lors de leurs patrouilles à bord de véhicules, témoignent : « Des intrusions fréquentes peuvent rendre les animaux agressifs. Nous restons donc très vigilantes dans la jungle et parfois tirons des balles à blancs pour les effrayer. »

Kaziranga est réputé pour ses pluies torrentielles qui provoquent des dégâts importants lors de presque chaque mousson.

D’après Mitali, « pendant les inondations, les routes menant aux camps sont impraticables, l’électricité est coupée, et l’eau potable se fait rare. Même les animaux comme les tigres se mettent à l’abri dans les hauts-plateaux, près de notre camp. »

« Nous marchons pieds nus à travers les zones inondées pour aider les mamans rhinocéros et leurs petits à traverser les routes immergées, » explique Dipanjali. « Nous demandons aussi aux conducteurs de ralentir pour éviter de graves accidents. »

Les gardes utilisent des canots pneumatiques pour naviguer à travers la jungle inondée. « Si un animal est en détresse, nous essayons de le guider en maintenant nos distances, » dit Suniya.

The Van Dugas on the patrolling duty at night accompanied by a male forest guard. Image captured on GPS camera.

Les Van Durgas accompagnées d'un garde forestier durant une patrouille nocturne. Image prise à l'aide d'une caméra GPS. Utilisée avec autorisation.

Ghosh fait l’éloge de leur détermination : « Elles doivent faire face à des conditions difficiles lors d'inondations. »

Durant les pluies diluviennes, les hauts-plateaux sont submergés, et les rhinocéros, ainsi que d’autres animaux, se déplacent vers des zones plus élevées dans les collines de Karbi Anglon, de l’autre côté de la route nationale.

Ghosh explique que « lors des inondations du mois de Juillet 2024, la circulation sur la route nationale 715, qui longe la partie sud du parc, est devenue chaotique. Les efforts des gardes forestières pour contrôler la circulation, guider les animaux en toute sécurité à travers les neuf corridors du parc, sauver des animaux en détresse, tout en poursuivant leur lutte contre le braconnage, ont permis d'atteindre le nombre le plus bas jamais enregistré de décès d'animaux provoqués par l'homme. »

Les agents et les communautés locales couvrent d'éloges les jeunes femmes pour surmonter tous les obstacles qui se présentent à elles. « Elles sont des rôles modèles. Travailler dans ces conditions est très difficile, et nous devrions tous nous inspirer de leur courage, » termine Bidyut Borah.


Une révolte mondiale de la Génération Z : la jeunesse africaine se mobilise contre la corruption et le néocolonialisme 

Mon, 24 Nov 2025 15:45:59 +0000 - (source)

Les jeunes se voient de plus en plus victimes d'injustice à l'égard des puissances coloniales qui exploitent les ressources sans reconnaître les crimes passés.

Initialement publié le Global Voices en Français

Protesters in Madagascar raising the ‘One Piece’ skull and cross bones, with an adapted Malagasy hat.

Manifestants à Madagascar brandissant la tête de mort du dessin animé ‘One Piece’, personnalisé d'un chapeau malgache.  Capture d'écran de la video ‘Le président de Madagascar fuit le pays alors que la génération Z manifeste’ téléchargée sur YouTube par Channel 4 News. Utilisée avec permission.

Par Jessica Northey et Narda Natioranomena 

A travers le continent africain, de Madagascar jusqu'au Maroc, les jeunes gens nés entre la fin des années 90 et le début des années 2000, connues sous le nom de Génération Z, descendent dans les rues pour réclamer une justice sociale et se faire entendre.

Au début du mois de septembre 2025, des manifestations de la génération Z ont éclaté à Madagascar, initialement axées sur les coupures de courant persistantes et les pénuries d'eau qui ont frappé le pays pendant des mois. Cela s'est rapidement étendu à un ciblage de la corruption, des inégalités galopantes, du manque de sécurité alimentaire et plus tard des appels à la destitution du président. Le  12  octobre, quand il est devenu clair que la colère à son égard mettait sa vie en danger, le Président Andry Rajoelina a disparu. Il aurait ensuite voyagé via l’île de La Réunion pour se rendre à Dubaï.

Les mobilisations pacifistes, organisées sur les réseaux sociaux, ont été violemment réprimées par les autorités, entraînant la mort de 22 personnes, selon l'ONU.  Un conseillé proche du président, ayant parlé à TV5 Monde, réfute le fait qu'il y ait eu le moindre décès, au grand désarroi des manifestants, qui ont accusé le gouvernement de mentir.

Inspiré par des manifestations similaires menées par des jeunes au Népal, le mouvement génération Z de la jeunesse malgache utilise le même symbole de la tête de mort issue du manga japonais « One Piece », personnalisé d'un chapeau malgache. Les contestataires ont défilé en masse dans la capitale, les grandes villes et en diaspora à travers le monde.

Des besoins réels

Simultanément, au Maroc de nombreuses manifestations de jeunes gens ont éclaté mi-septembre, centrées sur les services de santé inadéquats et négligents, un manque d'enseignement et la corruption. Pourquoi ces mouvements révolutionnaires de la génération Z se sont-ils enflammés maintenant ? Et ont-ils un lien?

A Madagascar, il existe depuis longtemps un mécontentement à l'égard du président et de son cercle d'élites extrêmement riches. Richesse apparente et croissance économique sont évidentes partout dans le pays, avec de nouvelles constructions, des gratte-ciel, et de gros SUV encombrant les rues de la capitale, là où la majorité des gens marche sur des trottoirs inexistants. Les jeunes ont critiqué un nouveau stade de foot et ce qui est largement considéré comme un téléphérique mal conçu et très coûteux dans la capitale, malgré une pénurie importante d'eau et d’électricité.

La découverte de minéraux essentiels, de nouvelles mines et de nouvelles ressources à travers le pays atteste des richesses dans les eaux et les sols malgaches. Des saphirs, de l'or, du granite et du cobalt à la vanille, aux litchis, au cacao et au café, Madagascar est de plus en plus riche en ressources naturelles.

Pourtant le malgache moyen est plus pauvre aujourd'hui qu'il y a 20 ans.  Soixante quinze pour cent de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, et les compagnies internationales qui exploitent ces ressources semblent souvent peu se soucier de l’environnement naturel de Madagascar. Le president a provoqué encore plus d'indignation en raison de son décalage avec la vie de la majorité lorsqu'il a justifié des inégalités flagrantes dans son interview avec  TV5 Monde Journal Afrique, déclarant que les pauvres des zones rurales de Madagascar étaient « néanmoins heureux. »

Dans le cas du Maroc, le récent décès de huit femmes lors de leur accouchement a déclenché les premières manifestations. S’organisant également via les réseaux  sociaux, les jeunes ont manifesté pendant plusieurs jours, pointant du doigt l'énorme expansion des stades de foot, alors que les femmes et les jeunes sont marginalisés, et leurs parents privés de soins de santé décents.

Ils réclament des services de base, notamment dans le domaine de la santé et l'éducation, et la fin de la corruption, qui selon eux touche tous les niveaux de l'administration publique. Tout comme à Madagascar, ils expriment leur amour pour leur patrie et leur profond attachement à la liberté d'expression.

Refusant d'être sacrifiés pour des infrastructures footballistiques, ils protestent dans les rues, tout en se soutenant les uns les autres. Les médecins bénévoles soignent les manifestants blessés, les avocats représentent les victimes gratuitement, et les communautés fournissent de la nourriture, dans un contexte de risques graves de représailles et de violence de la part de l'état. Les manifestations aux deux extrémités du continent africain présentent des similarités frappantes.

Passés coloniaux

Une des causes majeures à Madagascar est certainement évidente. Bien que les médias français et internationaux puissent négliger la question, l'aborder de façon transparente pourrait avoir un impact significatif à travers l'Afrique et au-delà. En 2009, quand Andry Rajoelina, alors maire de la capitale, a lancé son premier coup d'Etat, il l'a fait tout en se réfugiant à l’ambassade de France. En 2014, cinq ans plus tard, il a été naturalisé citoyen français. Depuis son putsch en 2009 et son arrivée à la présidence de Madagascar en 2018, il y a eu un afflux d'entreprises et d'influence françaises sur l'ancienne colonie française.

Outre de nombreuses irrégularités lors des élections présidentielles de 2023, avec des manifestants emprisonnés et l'opposition harcelée, Rajoelina, en tant que président de Madagascar, n'est pas autorisé à avoir la nationalité française, selon l'article 46 de la constitution. Qu’une ancienne puissance coloniale puisse être de retour dans un pays indépendant est insoutenable pour la jeunesse africaine.

Le sang a coulé à Madagascar en 1947 quand une rébellion anticoloniale a conduit à une répression brutale à travers le pays. Similaire aux atrocités commissent en Algérie à la fin des années 50, l'armée française a perpétré des violences de masses à Madagascar entre 1947 et 1949. Ce qui inclut exécutions, torture, viols, la destruction de villages entiers, et la pratique horrible consistant à jeter d'un avion des prisonniers malgaches vivants, connue sous le nom de « vols de la mort. »

Le nombre de victimes est difficile à confirmer, mais selon certaines estimations 100,000 Malgaches auraient été tués, contre quelques centaines de ressortissants français. Cette brutalité et ces cicatrices indélébiles sont documentées dans des films tels que « Tabataba » de Raymond Rajaonarivelo  et des romans tels que « Mitaraina ny tany, » (« The Earth is Lamenting »), de Andry Andraina  et dans le cas de l'Afrique du Nord, dans le film de Gillo Pontecorvo « The Battle of Algiers. »

Aujourd'hui, 65 ans après l'indépendance, la population malgache a demandé, bien que respectueusement et pacifiquement, que la France reprenne son président français, juste avant qu'il ne quitte le pays à bord d’un avion militaire français. La France porte sa part de responsabilité en ce qui concerne la crise malgache de 2009, et pour celle-ci. Prendre le temps de la réflexion sur ce sujet pourrait amener les pays européens à une introspection plus profonde.

L'échec des systèmes éducatifs français et européens d'aborder honnêtement les passés coloniaux fait parti d'un problème systémique d'injustice internationale et d'un contrôle oligarchique sur nos médias et les ressources mondiales. Cette amnésie alimente, aujourd'hui, la montée en puissance de l’extrême droite européenne, perpétue l'exploitation et la destruction d'anciennes colonies, et accentue nos inégalités collectives mondiales et les crises écologiques.

Bien que des points communs aient été identifiés, le facteur colonial a été largement ignoré. A travers l'Afrique, les jeunes gens ressentent un sentiment grandissant d'injustice, alors que d'anciennes puissances coloniales continuent d'exploiter les ressources, l'économie et les populations sans aucune reconnaissance des crimes passés et aucune prise de responsabilité pour ceux qui perpétuent cet héritage. Cela ne nuit pas seulement à l'Afrique et aux anciennes colonies à travers le monde, mais sous-estime le malaise constant, ce qu'Alistair Horne a décrit comme un héritage « empoisonné » par la violence et les inégalités en Europe et chez ses partenaires coloniaux.

La majorité de la jeunesse africaine et mondiale, de Madagascar jusqu'au Maroc, des Philippines jusqu'au Népal, s'est soulevée contre ces inégalités criantes et réclame une justice sociale. Alors qu'ils nous ouvrent les yeux sur une réflexion beaucoup plus profonde sur les effets persistants du colonialisme au 21e siècle, et quelques soient les phases de transition qui suivront, ils méritent notre soutient le plus total.

Jessica Northey est chercheuse en études de la paix à l'université de Coventry en Angleterre. Narda Natioranomena est une chercheuse indépendante et enseignante basée à Madagascar.

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