Première victime de la loi sur le secret des affaires
Vendredi 09 mars 2012
Il paraît que l'enfer est pavé de bonne intentions. Il l'est aussi de mauvaises, j'en suis sûr. Des lois diverses censées protéger X ou Y commencent de plus en plus à entraver sérieusement la liberté d'expression et faciliter la censure.
Ce phénomène n'est pas nouveau. On a déjà eu de nombreux cas de lois sur le droit d'auteur utilisées pour censurer ou arranger les affaire de certains. Comme ce vendeur de galettes plastiques (parfois appellées CD) qui fait censurer les vidéos YouTube d'un rappeur afin de mieux l'approcher pour lui faire signer un contrat avant les autres. Google lui-même admet que 37% des plaintes DMCA qu'il reçoit sont infondées. (La DMCA est une loi américaine qui stipule que les hébergeurs doivent faire diligence pour supprimer un contenu sur simple demande, même sans jugement.). Mais il n'y a pas que le droit d'auteur.
Les lois pour la lutte contre la pédopornographie sont également bien connues pour être utilisées pour censurer des sites web n'ayant aucun rapport avec le problème traité. Les exemples sont nombreux, comme celui du filtre anti-pédo scandinave dont la liste de blocage ne contenait réellement que 1,7% de sites de ce genre.
On s'y attendait, on l'a eu: C'est sans grande surprise que nous avons pu voir tomber la première victime de la loi française sur le secret des affaires. Cette loi avait été initiée fin 2011 par le ministre de l'économie Éric Besson afin de protéger les entreprises, avec à la clé jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 375 000 € euros d'amende. Un amendement avait exclu les journalistes du champ de cette loi (pour conserver le droit à l'information).
Les conséquences de cette loi sont loin d'être anodines: Il devient alors impossible pour un employé de dénoncer les magouilles de son entreprise sans risquer de se prendre un procès - et le perdre. Peu importe que vous ayez raison et que vous pensiez agir moralement. Notez également que cette loi rend de fait les actions de Wikileaks illégales.
Nous voici donc avec la première victime: Le site tourmag.com a été condamné pour avoir révélé le plan social de l'agence de voyages Nouvelles Frontières.
Tourmag a été considéré comme un « mode de communication au public en ligne », et non comme un site de presse. Adieu donc la protection de la presse et le droit à l'information (ce qui est un peu en contradiction avec quelques jurisprudences concernant de "simples" blogueurs, mais peu importe).
Je ne peux pas croire une seule seconde que les personnes qui ont conçu ces lois soit trop incompétentes pour ne pas entrevoir les conséquences qu'elles peuvent avoir sur la liberté d'expression. Écrire des lois, c'est quand même leur métier. Non, il y a derrière cela une volonté et une collusion malsaine avec de gros intérêts privés qui a de quoi dégouter.