Autoblog de Global Voices (fr)http://fr.globalvoicesonline.org/http://fr.globalvoicesonline.org/ Les mots ont la parole: Épisode #28https://fr.globalvoices.org/?p=296678http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250715_090050_Les_mots_ont_la_parole__Episode__28Tue, 15 Jul 2025 07:00:50 +0000Les praticiens de services funéraires spécialisés dans les soins de conservation des corps sont aussi appelés morguiers.

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de Diana Eyango Officiel.

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Aplatventrisme: ce terme couramment employé au Québec, vient de faire son entrée dans le Petit Larousse 2026, un dictionnaire de référence en France. Parfois orthographiée à-plat-ventrisme, cette expression renvoie à une attitude de servilité dans l’espoir qu’un tel comportement puisse faire obtenir certains avantages. Cet article de presse gabonais décrit bien ce processus :

L’aplaventrisme. Ce mot vient de «s’aplatir» et «ventre». Mais aussi de l’expression «se coucher à plat ventre», exprimant entre autres une attitude de soumission extrême, voire d’humiliation ou de renoncement à sa dignité.

Thanatopracteur : ce terme d’origine grecque tient sa source de deux mots: “thanatos” (θάνατος), qui veut dire “mort”, et de “praxis” (πρᾶξις), qui signifie “pratique”. Le mot “thanatopracteur” désigne les praticiens des services funéraires spécialisés dans les soins de conservation et de présentation des corps avant les funérailles. Le nom qui désigne ce métier n’est pas très bien connu en Afrique. Sur le continent, les professionnels de ce domaine sont désignés sous le vocable “morguiers”. Le mystère qui entoure la mort fait que les praticiens de cette spécialité du secteur de la santé sont perçus de façon très spécifique comme l’explique cette vidéo consacrée à l’industrie de la mort au Cameroun:

A la togolaise : cette expression utilisée au Togo est un marqueur d’ironie dans des réponses auxquelles celle ou celui qui pose la question connaît en fait souvent d'avance la réponse. Par exemple, à une question à un Togolais ou une Togolaise comme  “comment vas-tu?”, il sera donné la réponse “ça va à la togolaise”,  ou “je vais à la togolaise”. Cette réponse certes comique en apparence dénote en fait une situation de crise ou de frustration qu’on tente de faire passer pour normale dans le contexte du Togo.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org

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Asie du Sud : guerres de l'eau et hydro-hégémoniehttps://fr.globalvoices.org/?p=296262http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250714_205126_Asie_du_Sud___guerres_de_l_eau_et_hydro-hegemonieMon, 14 Jul 2025 18:51:26 +0000La construction du plus grand barrage au monde permettrait à la Chine de contrôler l'approvisionnement en eau de l'Asie du Sud.

Initialement publié le Global Voices en Français

 

A cross-section of the Yarlung Tsangpo river in Tibet. China intends to build a massive dam on this river in the coming years, stirring regional controversy.

Coupe transversale du fleuve Yarlung Tsangpo au Tibet. La Chine a l'intention de construire un barrage gigantesque sur ce fleuve dans les années à venir, suscitant une controverse dans la région. Maxisheng18CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Cet article a été soumis dans le cadre de la bourse Global Voices Climate Justice, qui met en relation des journalistes issus de pays sinophones et du Sud global afin d’enquêter sur les effets des projets de développement chinois à l’étranger. Retrouvez d’autres articles ici.

Il s’est écoulé beaucoup de temps depuis l’annonce par la Chine, au mois de décembre 2024, de la construction du plus grand barrage au monde sur le fleuve Brahmapoutre (ou Yarlung Tsangpo) au Tibet, dont l’objectif est de produire 60 000 mégawatts d’électricité (soit 300 milliards de kilowattheures) par an. La centrale hydroélectrique de Medog, évaluée à 137 milliards de dollars, et dont le début de l’exploitation commerciale est prévu pour 2033, a capturé l’imagination des médias et ingénieurs du monde entier en raison non seulement de son potentiel énergétique, mais aussi de ses impacts écologiques.

Map of the Yarlung Tsangpo River watershed, which drains the north slope of the Himalayas.

Carte du bassin hydrographique du fleuve Yarlung Tsangpo, qui draine le versant nord de l'Himalaya. CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.

En Inde, la décision est vivement contestée en raison des possibles répercussions en aval, étant donné que la modification du débit du fleuve pourrait non seulement avoir des incidences sur les réserves d’eau potable et sur l’agriculture, mais aussi augmenter les risques d’inondations et de sécheresses soudaines. Dans les États du nord-est de l'Inde, y compris ceux d’Arunachal Pradesh et d’Assam, le fleuve fait vivre près de 130 millions de personnes et préserve six millions d'hectares de terres agricoles. Des hydrologues indiens ont également dénoncé le fait que le barrage pourrait obstruer le flux de sédiments et réduire la fertilité du sol de la région.

En contrepartie, le gouvernement indien a proposé la construction de plusieurs barrages hydroélectriques sur la rivière Siang (Projet hydroélectrique d’Upper Siang), générant 11 000 mégawatts. Par ailleurs, le réservoir sera capable de contenir 9 milliards de mètres cubes d’eau afin de réguler les débits durant la saison sèche, et est conçu « pour faire office de tampon en cas de lâchers d’eau excédentaires et soudains de barrages chinois ». Ironiquement, dans l’état indien d’Arunachal, de nombreux habitants se sont opposés au projet et ont défilé dans les rues en signe de protestation, déclarant que l’étude de faisabilité serait menée en secret. Ils craignent également un déplacement massif de la population et un changement démographique éventuel en raison de l’afflux d’étrangers.

D'autre part, le Bangladesh, qui souffre déjà de graves pénuries d’eau accentuées par la crise climatique, dépend en grande partie du fleuve (connue localement sous le nom de Jamuna) pour 55 % de ses besoins en irrigation, eau potable et pêche. Dans le pays, plus de 160 millions de personnes sont affectées par son débit. Selon un rapport publié en 2022 par le ministère de l’Environnement du Bangladesh, une réduction de 5 % du débit pourrait mener à une baisse de 15 % de la production agricole dans certaines régions.

En conséquence, les autorités bangladaises craignent que le barrage ne réduise le débit de l’eau durant la saison sèche, et ont demandé à la Chine de réaliser une évaluation environnementale, une étude de faisabilité, une évaluation des impacts climatiques, et une estimation des risques de catastrophes.

À l’heure où le Mouvement anti-barrages a pris de l’ampleur au niveau mondial en raison de leur coût social et environnemental, les pays de cette partie du globe envisagent d’investir dans le développement de mégaprojets dans les montagnes de l’Himalaya, déjà fragilisées par leur disposition aux catastrophes naturelles, amplifiées de nos jours par la crise climatique. L’Himalaya est aussi une région à forte activité sismique, où se produisent fréquemment des vidanges brutales de lacs glaciaires, un phénomène durant lequel la rupture de lacs provoque de très fortes inondations à l’intérieur des terres, semblables à un tsunami. La centrale hydroélectrique de Medog sur le fleuve Brahmapoutre n’est que le dernier exemple d’un tel projet titanesque.

Par ailleurs, les médias officiels affirment que la centrale hydroélectrique de Medog est un projet fiable et écosensible qui permettra à la Chine d’atteindre ses objectifs en matière de neutralité carbone. Ils ont également ajouté que « le barrage n’aura pas d’incidence négative sur les cours inférieurs du fleuve » et qu’il « continuera à desservir les pays en aval », en plus de participer à la prévention des sinistres et aux opérations de secours.

L'importance du fleuve Brahmapoutre

Le Brahmapoutre est un fleuve transfrontalier dans l’Himalaya qui couvre la Chine, le Bhoutan, l’Inde et le Bangladesh. Il prend sa source près du mont Kailash au Tibet (où il porte le nom de Yarlung Tsangpo), parcourt 1 700 kilomètres à travers la Chine avant d’arriver tout d’abord en Inde (après un brusque tournant vers le sud), puis au Bangladesh (où il est appelé Jamuna), où il se jette dans le golfe du Bengale pour finalement se mêler aux eaux du Gange.

“The Great Bend” of the Yarlung Tsangpo River.

« The Great Bend » du fleuve Yarlung Tsangpo. Capture d'écran sur YouTube.

La centrale hydroélectrique de Medog est en cours de construction au niveau de « Great Bend », avant que le fleuve ne traverse l’État d’Arunachal Pradesh, puis celui d’Assam en Inde, et ne plonge subitement de 2 000 mètres sur une distance de 50 kilomètres pour devenir le Brahmapoutre, un fleuve capable alors de générer 60 000 mégawatts.

Pékin a défendu la construction du barrage comme faisant partie de la transition énergétique de la Chine, affirmant que la centrale aiderait à atteindre d’ici 2030 les objectifs climatiques du pays (notamment celui de la neutralité carbone), en réduisant considérablement sa dépendance au charbon. La Chine est déjà un leader mondial en matière d’énergie propre, grâce à d'importants investissements dans l’hydroélectricité et les panneaux solaires, entre autres.

Lors d’un entretien avec Global Voices,  Kunda Dixit, un journaliste et écrivain basé à Katmandou, qui enseigne dans le domaine de la communication climatique, explique comment le barrage pourrait affecter la région :

One would need to build three to four large coal plants to generate as much energy as Medog, so from perspective of the health of the planet, the dam may not be so ecologically harmful, and India might actually benefit from water regulation on the Brahmaputra as the climate worsens.

But we have to look at the impact on the riverine ecosystem. We must also ask where all that energy is going to be used? If it is to feed consumerism in China and the world, and the quest for endless economic growth that got us into this mess in the first place, it might not help anybody in the long run.

Il faudrait construire trois ou quatre gigantesques centrales à charbon afin de produire autant d’énergie que celle de Medog ; donc du point de vue de la santé de la planète, le barrage n’est peut-être pas aussi néfaste pour l’environnement, et, alors que la crise climatique s’aggrave, l’Inde pourrait en fait bénéficier d’une régulation du débit de l’eau sur le Brahmapoutre.

Mais il est nécessaire de considérer l’impact sur l’écosystème fluvial. Il est aussi important de se demander où toute cette énergie sera utilisée ? Alimenter le consumérisme de la Chine et du reste du monde, et entretenir la quête d’une croissance économique sans fin qui nous a conduits à la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement, pourrait n’être bénéfique pour personne à long terme.

Les arguments de la Chine

L'une des principales stratégies utilisées par la Chine pour influencer l’opinion publique est d’établir de manière précise le schéma narratif d’un sujet donné, pour ensuite le diffuser en ligne par le biais d’un écosystème coordonné. Il s'agit notamment de collaborer avec des influenceurs connus, qui partagent ou révisent le message afin de l'adapter à leur public, ainsi que de créer de faux comptes de médias sociaux ou des comptes anonymes qui publient un contenu quasi identique afin d'accroître artificiellement la visibilité et la légitimité perçue du récit.

Prenons l’exemple du barrage sur le fleuve Yarlung Tsangpo, dont une simple recherche sur Baidu (le moteur de recherche le plus populaire en Chine) renvoie des centaines d’articles qui se ressemblent étrangement ; ils tiennent tous le même discours qui adresse plusieurs points essentiels, à commencer par son énorme potentiel hydroélectrique.

Selon l’état chinois et les médias qui lui sont affiliés, le canyon du Yarlung Tsangpo est l’une des gorges les plus spectaculaires et les plus riches en ressources naturelles au monde. Plus profond que le Grand Canyon, grâce à une dénivellation de plus de 6 000 mètres, la Chine insiste que le site offre les conditions idéales en matière de développement hydroélectrique.

Le gouvernement affirme également que la production annuelle d’électricité pourrait atteindre 300 à 400 milliards de kilowatts par heure, et que le projet, salué pour sa contribution aux objectifs de neutralité carbone à l'échelle mondiale, mènerait à une baisse considérable de la consommation de charbon et d’émissions de CO₂.

Par ailleurs, les médias d’État décrivent le barrage non pas comme juste un projet capable de répondre à une demande croissante d’énergie, mais aussi comme l’un des maillons d’une stratégie nationale ambitieuse. Dans le cadre du programme « Transport de l’électricité d’Ouest en Est » (West-to-East Power Transmission), la centrale hydroélectrique de Medog au Tibet approvisionnerait de l’énergie propre aux régions industrielles orientales, réduirait la dépendance au charbon, et renforcerait l’autonomie énergétique du pays. Le projet démontre aussi la capacité de la Chine à développer et à contrôler pleinement le cours supérieur du fleuve, et vise à promouvoir le développement économique du Tibet et renforcer la sécurité frontalière. Enfin, le barrage est dépeint comme un moyen de lutter contre les inondations et les sécheresses, et aussi de favoriser la gestion des eaux transfrontalières pendant les saisons sèches.

Par ailleurs, les médias chinois laissent entendre que les objections de l’Inde au projet sont basées sur une méfiance d’ordre géopolitique plutôt que sur des questions environnementales. Certaines sources affirment en outre que Medog est un barrage au fil de l’eau (donc sans possibilité de stockage à grande échelle) et scientifiquement conçu pour éviter de nuire à l’environnement. Ces inquiétudes s'inscrivent dans un contexte plus large d’appréhension de l'Inde à l'égard des programmes d'infrastructures de la Chine dans la région, tels que le Corridor économique sino-pakistanais ou la ligne ferroviaire entre la Chine et le Népal, le barrage de Yarlung Tsangpo étant cité comme le dernier exemple en date de son mécontentement.

Une source anonyme du gouvernement chinois s’est exprimé sur le sujet auprès de Global Voices : « Le projet du barrage de Yarlung Tsangpo est classé comme confidentiel. Notre position officielle est qu’à l’heure actuelle, les médias étrangers se servent de cette polémique pour dénigrer et compromettre nos efforts continus en matière d’infrastructures nationales. »

L'hydro-hégémonie entre l'Inde et la Chine

Il est possible que la construction de la centrale soit catastrophique à bien des égards pour l’Inde, non seulement sur le plan écologique ou hydrologique, mais aussi géopolitique. Alors que la demande en eau s’intensifie et qu’une régulation de l’eau devient essentielle en raison de l’impact croissant de la crise climatique, le barrage, dont la Chine est le pays riverain le plus en amont, pourrait représenter un moment charnière dans la dynamique des pouvoirs régionaux en Asie du Sud, et compromettre gravement la sécurité, la stabilité et l'influence de l'Inde.

Selon le gouvernement indien, l’énorme capacité du barrage « pourrait permettre à la Chine de contrôler le débit du cours d’eau, posant ainsi une menace stratégique ». D’ailleurs, concernant la centrale hydraulique de Medog, de nombreux experts s’accordent à dire que la préoccupation principale de l’Inde n’est pas une question de disponibilité et de débit, mais plutôt de sécurité.

Selon des sources de Pékin, l’Inde s’oppose systématiquement aux développements d’infrastructures de ses pays voisins, qu’il s’agisse des projets chinois au Népal, du Corridor économique sino-pakistanais, ou maintenant du barrage de Yarlung Tsango. En outre, la Chine considère les tentatives de l’Inde pour faire pression sur les États-Unis et d’autres alliés occidentaux, afin qu’ils rejettent sa construction, comme faisant partie d’une stratégie d’endiguement géopolitique de plus grande envergure, plutôt que comme l’illustration de réelles préoccupations environnementales ou humanitaires. Lors d’un entretien avec la chaîne CCTV (contrôlée par l’État), le ministre chinois des Affaires étrangères a déclaré :

Regarding the hydropower project on the lower reaches of the Yarlung Tsangpo River, China has already made its position clear. I would like to reiterate that the construction of this project has undergone rigorous scientific assessment and will not have any adverse impact on the ecological environment, geology, or water resource rights of downstream countries. On the contrary, it will to some extent contribute to disaster prevention, mitigation, and climate change adaptation downstream.

La Chine a déjà clairement exprimé sa position concernant le projet d’une centrale hydraulique sur le cours inférieur du fleuve Yarlung Tsangpo. Je tiens à rappeler que sa construction a fait l’objet d’une évaluation scientifique rigoureuse et ne comporte aucun risque environnemental ou géologique, ou n’entrave aucun droit d’accès aux ressources en eau des pays situés en aval. Bien au contraire, le barrage contribuera à la prévention de catastrophes, et à l’atténuation des changements climatiques ainsi qu’à leur adaptation.

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Un paysage teinté de plantes médicinales : essai de l'autrice ukrainienne Yulia Stakhivskahttps://fr.globalvoices.org/?p=296500http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250714_201550_Un_paysage_teinte_de_plantes_medicinales___essai_de_l_autrice_ukrainienne_Yulia_StakhivskaMon, 14 Jul 2025 18:15:50 +0000« Faites ce que vous pouvez, avec ce que vous avez, où que vous soyez »

Initialement publié le Global Voices en Français

La Maison Ouvarov de Vorzel. Photographie de Yulia Stakhivska, utilisée avec autorisation.

La Maison Ouvarov de Vorzel. Photo de Yulia Stakhivska, utilisée avec permission.

Écrit par Yulia Stakhivska

Traduit depuis l'ukrainien par Iryna Tiper et Filip Noubel

Ce récit fait partie d’un ensemble d’essais écrits par des artistes ukrainiens intitulés : « La culture retrouvée : les voix ukrainiennes mettent en avant la culture ukrainienne ». Cette série est réalisée en collaboration avec l’association Folokowisko/Rozstaje.art [pl], grâce au cofinancement des gouvernements tchèque, hongrois, polonais et slovaque grâce à une subvention des Fonds Internationaux Visegrad. Son objectif est de mettre en avant des idées pour améliorer la durabilité de la coopération régionale en Europe centrale.

A l’origine, c’était simplement l’appartement de quelqu’un. Puis, c’est devenu un restaurant, une boulangerie quelque temps après, et un beau jour, une librairie ouvrit dans ce lieu. Les librairies « Ye » [ua] sont une grande chaîne de librairies aux quatre coins de l’Ukraine ayant fait beaucoup parler d'eux. Je me sens nostalgique parce que, pour mon premier travail, j’avais une carte de visite me proclamant « Manager artistique ». Ce fut dans la première librairie de cette chaîne, à Kiev, près de la Porte Dorée.

Quel livre devrais-je mettre en avant dans cette nouvelle librairie ? Les tombes des nombreuses victimes de crimes de guerre commis par la Russie à Boutcha ne sont pas très loin d’ici. Je me souviens d’ailleurs de la collection d’essais de Martin Pollack
« Contaminated Landscapes » [Paysages empoisonnés], qui montrent à quel point des paysages peuvent être trompeurs, et qui, comme de l’herbe qui finit par repousser, racontent des histoires comme Auschwitz, le massacre de Katyń ou de Babi Yar… La guerre continue sur les mémoriaux portant les noms des victimes. Je cherche des sortes d’herbes médicinales pour « guérir » le paysage.

Je vais vous raconter ce qui s’est passé dans les villes à l’ouest de Kiev, que le monde entier a pu voir comme les conséquences de la tragique invasion du pays par la Russie. Boutcha, Irpin, Hostomel, Vorzel : ce sont des endroits qui ont une histoire et des traditions artistiques propres, et qui ne sont pas que des « paysages dévastés ».

Une photo du parc 

Quand j’observe la peinture « The Annunication » [L'Annonciation] de 1909 par l’artiste impressionniste ukrainien Oleksandr Mourashko, je remarque la véranda en bois de l'ancienne maison de campagne et cela me rappelle son oncle, Nikolaï Mourashko, fondateur de l’École de Dessin de Kiev, qui vécut à Boutcha et y fut enterré. Witold Kaminsky, un hydrothérapeute d’origine polonaise, vivait juste à côté. Sa maison et la première clinique d’hydrothérapie de Kiev rue Saksaganskoho, où Kaminski travaillait, furent préservées.

Voici une vidéo sur cette peinture :


La famille d’artistes Mourashko était amie avec d’autres résidents saisonniers, comme la famille Boulgakov, et particulièrement le futur écrivain russe Mikhaïl Boulgakov. Quelle divergence il y eut dans leurs opinions et leurs futurs ! Mikhaïl Boulgakov, pro-russe, quitta la région de Kiev pour un voyage qui se termina à Moscou, tandis qu’Oleksandr Murashko fut tué à Kiev en 1919 pendant l’invasion bolchévique, alors que l’Ukraine défendait une fois de plus sa souveraineté. Une fois de plus, c’est un fragment du passé, mais la mémoire nous rappelle ce qui compte le plus : les peintures magnifiques d’artistes. Comme le dit le proverbe latin : Vita brevis, ars longa.

J’aime aller visiter les expositions de la galerie d’art Kosenko, près du parc Buchansky [en]. La dernière était plutôt néo-impressionniste, avec des paysages idylliques. Une manière d’essayer de cacher la guerre ? De ne pas y penser ? Non, juste la simultanéité de différentes époques : nous n'avons qu’une seule vie, donc pourquoi abandonner les expositions ? On continue de vivre, malgré les raids aériens, ou même dans des moments comme ceux-ci.  Nos paysages ont besoin de plantes médicinales pour nous consoler.

C’est la porte d’entrée vers ce qui compte le plus dans ma ville, Boutcha : le parc. Un mélange de paysages influencés par les traditions des parcs français ou anglais : des canaux, des étangs avec des canards, des fleurs, des vieux arbres, des manèges, des endroits pour pique-niquer, des concerts (comme le Festival international d’opérettes annuel « O-Fest » début juin). J’ai écrit plus d’un texte sur la terrasse du petit restaurant du parc, là où l’on fait ses premiers pas, où l’on s’allonge sur l’herbe, on nage ou l’on fait du vélo pour la première fois.

C’est un endroit de force, pour les locaux comme pour les touristes. Les traces de fragments d’obus sur la rive ne devraient rien y changer. Au contraire, les gens y sont revenus, et même s’ils vivent dans le danger, ils trouvent de la force dans ce qui les inspire. Ce n’est pas un vulgaire conseil d’un coach de remise en forme sur la résistance ; c’est une pratique qui peut devenir une mémoire : une mémoire vive et brillante, que l’on peut tagger « #BuchaDream », remplie de lumière estivale et de rires d’enfants à l’ombre d’un vieux chêne. Il y a une sculpture sous cet arbre, une sorte d’« Esprit du Parc », donc les traits du visage ressemblent à un sculpteur local très connu.

Bien sûr, chacun perçoit tout différemment maintenant. Le panneau « Zone Déminée, Bises. » laissé sur la clôture par les sapeurs-miniers ukrainiens me touche et me remplit de chaleur humaine. Cela pourrait produire l’effet inverse pour d’autres, et les mettre mal à l’aise. Certains résidents de Boutcha ne sont pas revenus ici à cause de ce casse-tête émotionnel. D’autres, pour des raisons pratiques. C’est le cas de mes deux amis, la poète Daryna Gladun et la traducteur Lesyk Panasiuk, qui ne vivent plus réellement dans leur appartement, occupé puis détruit par les soldats russes, mais qui y « vivent » de nouveau à travers leurs textes et leur installation artistique.

Histoires illustrées

Il y a beaucoup de choses liées à la culture actuelle sur ma carte personnelle de l’art. Par exemple, la nouvelle intitulée « Extraterrestrial Woman » d’Oksana Zaboujko, une écrivaine ukrainienne populaire, qu’elle a écrite à la maison d’écrivains d’Irpin. Ou la
« Maison de la Créativité », institution soviétique qui était à l’époque un espace pour les écrivains et les traducteurs, et qui est maintenant un mythe littéraire revisité par des artistes contemporains ? Maryna Hrymych écrivit une collection de nouvelles qui montraient en particulier le cercle littéraire d’Irpin. De nos jours, près des bâtiments d’écrivains abandonnés [des institutions soviétiques où les écrivains pouvaient travailler et vivre], il y a un parc avec des sculptures thématisées et des allées parsemées de gravats, qui mènent inévitablement à la « Datcha » de Chokolov : un bâtiment datant du début du XXe siècle, appartenant à l’entrepreneur kiévien Ivan Chokolov. Les autorités soviétiques l’ont nationalisé et l’ont transféré en 1936 à l’Union des Écrivains, une institution rassemblant tous les écrivains soviétiques célèbres et apportant un support financier et bien d’autres.  Certains des auteurs les plus pérennes viennent encore y vivre de temps en temps.

De nombreux personnages de livres « marchent » dans les rues d’Irpin. L’un des plus sympathiques est Ommm, l’esprit de la forêt d’Irpin et héros des livres de Tasha Torba. Il essaye des toute sa force de soigner les blessures de la ville et d’aider les habitants ainsi que les animaux. On peut le trouver au « Forest Bookstore » du parc central d’Irpin ou à l’espace artistique « Lisova, 3 »

C’est un espace fondé par la designer Svitlana Hyrb et le réalisateur Serhiy Spizhovvyi. Ils ont recyclé des objets afin de créer de magnifiques lustres, installations et mosaïques avec des fragments carrelés. Ils furent parmi les premiers d’Irpin à apporter des ateliers de support psychologique pour les personnes délogées et les résidents de la région de Kiev. Une communauté s’artistes fut formée là, avec des évènements et des rassemblements, comme l’exposition « Irpin. Graphic Stories », réalisée par des étudiants de l’Académie Nationale des Arts Appliqués et de l’Architecture, qui découvrirent la ville pendant l’été 2024, et qui créèrent leurs propres histoires sur ce lieu. Ceux qui ont le plus souffert à Boutcha sont les civils ; il y a en effet quelques ruines, car les Russes n’ont pas occupé totalement la ville. Mais de violents affrontements s’y sont déroulés, endommageant de nombreuses maisons. Dans l’une d’elles, l’artiste britannique Banksy y a dessiné un gymnaste se balançant au-dessus d’un cratère d’obus.

La lumière insoutenable de la datcha

La Maison Ouvarov de Vorzel. Photographie de Yulia Stakhivska, utilisée avec autorisation.

La Maison Ouvarov de Vorzel. Photographie de Yulia Stakhivska, utilisée avec permission.

À Vorzel, l’âme d’antan a été préservée. J’utilise « d’antan », car la plupart des datchas que l’on peut voir en sépia sur les cartes postales du siècle dernier sont malheureusement devenues des sanatoriums soviétiques qui ont été abandonnés ou qui ont subi des travaux les rendant méconnaissables. Mais l’un d’entre eux fut chanceux, et doublement, car il est encore debout en 2022. Cette maison fut la propriété de Natalia Tereshchenko, issue d’une famille de mécènes artistiques ukrainiens. La propriété a pour nom « Maison Ouvarov », car Natalia fut l’épouse du Comte Ouvarov. Cette magnifique demeure rénovée avec une flèche sur le toit accueille maintenant un musée dans lequel on peut voir une exposition sur la famille Tereshchenko, une salle présentant la vie dans une dacha autrefois, une salle de classe (le bâtiment abritait une école dans les années 1920), et une modeste exposition dédiée à l’écrivain Valérian Pidmohylny, pilier de la littérature ukrainienne du XXe siècle mort pendant les purges de Staline dans les années 30. Il a laissé une empreinte dans l’histoire ukrainienne avec sa prose urbaine et psychologique, notamment dans le roman « Misto (La Ville) » de 1928.

Le musée possède aussi un auditorium dédié à Boris Liatochinski, figure du modernisme dans la musique ukrainienne. Parmi ses élèves, on retrouve les compositeurs avant-gardistes Leonid Hrabovsky et Valentin Silvestrov. Il y avait une maison de compositeurs à Vorzel spécialement faite pour eux, et Liatochinski travaillait souvent dans la datcha de Vorzel.

La maison du compositeur Igor Poklad est un écho aux traditions musicales de Vorzel. Le 7 novembre 2024, le film « Bucha », inspiré de faits réels, sortait dans les cinémas ukrainiens (bien que sa première se soit faite au Festival du Film de Varsovie). L’une des scènes importantes du film fut tournée dans cette maison. Des officiers russes s’introduisent par effraction dans la datcha et jouent un vinyle d’un dessin animé sur les Cosaques Zaporogues. Puis l’un d’entre eux s’assoit au piano et essaye de rejouer la musique, mais le commandant regrette d’avoir laissé s’échapper un compositeur ukrainien. Après tout ; selon les ordres russes, il ne devait plus y avoir des compositeurs ukrainiens, ou d’Ukrainiens tout court. Le subordonné demande avec enthousiasme à son supérieur de jouer un morceau, et il se met à jouer une œuvre du compositeur russe Tchaïkovski ; le tout se finit par un toast à la culture russe. En partant, les Russes laissent une grenade dans le piano. Ce n’est pas pour produire un effet cinématique. Certains résidents ont en effet trouvé des « souvenirs » comme celui-ci dans les pianos de leurs maisons libérées.

A présent, Vorzel essaye de vivre « comme avant », les gens font une visite du musée, observent le tulipier de Virginie, vont à l’hôtel au bord du lac, pu à l’espace de co-working Workit. Lors des soirées d’été, Vorzel ressemble à une « nocturne » inspirée par les pins, avec une touche d’amertume acidulée.

La force des rêves

Même si je n’habitais pas à Boutcha, je savais qu’à Hostomel, juste à côté, il y avait un aéroport abritant le plus grand avion-cargo du monde, le « Mriya », un nom très mignon signifiant « rêve » en ukrainien. Pour ce qui est d’Hostomel en elle-même, je savais seulement que c’était la plus vieille ville de la région, fondée au XVe siècle, et qu’il y avait une vieille église en bois là-bas. C’est aussi la ville militaire proche de l’aéroport qui avait souffert le plus dans les violentes batailles en 2022.

L’avion Mriya [le plus gros avion du monde, stocké en Ukraine, et détruit en 2022 pendant l’invasion du pays par la Russie] vole au-dessus des jardins de Giardini, mais n’a pas d’ombre. On ne sait pas ce qu’il se passera à Giardini ce jour-là, et heureusement, personne ne le sait.

C’est un extrait de la description du projet de l’association artistique Open Group, qui a représenté l’Ukraine à la Biennale de Venise de 2019. Étrangement, le « Mriya » n’a jamais volé au-dessus des canaux de Venise. Maintenant, il vole toujours, mais dans le monde de l’imagination. Plusieurs livres d’art ont été écrits sur l’avion, avec des peintures le représentant.

La littérature peut au moins donner une idée de la durée des choses. Car lorsque l’on quitte sa maison avec un simple sac à dos, que reste-t’il sinon les histoires ? C’est la réflexion qu’amène le parcours de la restauratrice kiévienne Margarita Sichkar, qui est aussi férue de littérature. Elle vit à Hostomel, où elle a bâti deux maisons et a décidé d’aider la ville. Elle y a donc ouvert un espace dédié à la littérature, « BookHub Vich/na/Vich », dans le parc « Schaslyvy » [« heureux » en Ukrainien], endroit unissant et inspirant les gens.

Dans cette librairie colorée, des présentations et des discussions autour d’un café ont lieu au milieu des grands pins. La personne à l’initiative de cet endroit aime dire :
« Faites ce que vous pouvez, avec ce que vous avez, où que vous soyez ». Il est difficile de ne pas être d’accord. Et dans l'herbe des pelouses du Parc Schaslyvy, les plantes médicinales finissent par pousser.

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En Afrique, l'égalité de genre dans le numérique est une condition essentielle d'un développement juste et durablehttps://fr.globalvoices.org/?p=296606http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250714_113254_En_Afrique__l_egalite_de_genre_dans_le_numerique_est_une_condition_essentielle_d_un_developpement_juste_et_durableMon, 14 Jul 2025 09:32:54 +0000En Afrique, les femmes et les filles sont les plus concernées par l’illectronisme.

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de Bénin TV

En Afrique comme ailleurs, les sociétés font face à un bouleversement numérique très rapide qui n'est pas sans risques: la vulnérabilité des citoyens face aux cyberattaques, est un vrai danger qui touche souvent plus les femmes que les hommes.

Pour comprendre quels peuvent être les remèdes à ce danger, Global Voices a interviewé via e-mail, Winnie Aicha Tchedre, juriste togolaise, spécialiste en droit numérique et formatrice engagée pour la formation et la sensibilisation à la cyber-hygiène et l'éducation technologique.

Jean Sovon (JS): En quoi l'éducation aux droits numériques peut contribuer au développement et à l'inclusion technologique en Afrique ?

Winnie Aicha Tchedre (WAT) : L'éducation numérique est un puissant levier pour le développement et l'inclusion technologique en Afrique, mais à condition qu'elle soit conçue pour et avec les femmes et les groupes marginalisés.

En effet, le genre est un aspect majeur dans notre engagement parce que la fracture numérique des pays africains, y compris au Togo, a un visage genré. Les femmes sont les plus concernées par l’illectronisme, c'est-à-dire le manque de compétences ou de connaissances sur l'utilisation des outils numériques. Cela est dû aux obstacles spécifiques, socio-économiques et d'éducation culturelle qui limitent leur accès aux technologies.

Sans une éducation numérique inclusive qui tient réellement compte du genre, nous allons aggraver les inégalités qui existent déjà. C'est pourquoi nous encourageons la forte présence des filles au cours de nos formations: une éducation numérique réussie permet l'autonomisation économique des femmes pour l’accès à l'information, au marché en ligne, au télétravail, à la télémédecine qui prend de plus en plus de l'ampleur, aux démarches administratives en ligne.

Photo de Winnie Aicha Tchedre, utilisée avec permission

JS : Comment intégrez-vous la dimension de genre dans les projets liés aux droits numériques ?

WAT : L'intégration du genre doit se faire suivant une démarche bien structurante qu'il faut adopter en faisant des diagnostics genrés. Au début de la conception du projet, il faut analyser les réels besoins, les obstacles, les impacts qui concernent les femmes, les hommes, et donc collecter les données désagrégées par sexe. C'est le cas du projet West African Regional Communication Infrastructure Programme (WARCIP), qui intègre les volets pour l'accès des femmes aux formations qui sont requises.

Il faut également partir d'une conception inclusive parce qu'il faut impliquer les femmes dès la phase de conception des outils, des plateformes, des programmes de formation. Penser à créer des interfaces qui permettent l'accès facile aux femmes, des contenus pédagogiques et en langues locales, et tenir compte des niveaux de connaissance des femmes.

Sous nos cieux, la majorité des femmes ne sont pas allées à l'école. Même si elles parlent français, elles le lisent difficilement, c’est encore plus compliqué sur une interface numérique. Dès la conception, il faut les impliquer pour qu'elles puissent d'abord prendre connaissance de ce qui est fait pour elles, afin d’en avoir la maîtrise. Il faut adapter les canaux de communication, les horaires. Il y a des associations de femmes qui peuvent servir de relais d'information auprès des autres pour expliquer le cyberharcèlement, le sexisme et les risques présents dans l'écosystème numérique. Il faut aussi sensibiliser les développeurs des outils numériques pour éviter les biais de genre.

JS : Quels sont les principaux obstacles rencontrés par les femmes dans l’accès aux technologies numériques ? 

WAT : Les femmes sont celles qui rencontrent le plus d'obstacles en termes d'accès aux technologies numériques. Dans le contexte togolais, les obstacles socioculturels continuent d'engendrer l'exclusion des femmes. Des propos tels que: “les femmes ne sont pas faites pour le numérique”conduisent a des situations où le portable d’une femme est contrôlé par son homme. Il y a également la méconnaissance de l'usage des outils numériques en dehors réseaux sociaux. Sans oublier le coût de la connexion Internet qui est toujours non abordable pour la majorité des femmes, surtout pour celles en zones reculées.

En termes de sécurité, la peur des violences en ligne est également un point à soulever. Sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques, il y a de plus en plus de violence, de harcèlements, d'insultes, d'escroqueries dont elles peuvent être facilement victimes.

JS : Comment évaluez-vous l’impact des stéréotypes de genre dans les contenus numériques ? Existe-t-il des mécanismes pour signaler et traiter les discriminations ou violences en ligne liées au genre ?

WAT : Ici, il faut noter que les stéréotypes renforcent les inégalités. L'image de la femme objet, cantonnée au rôle domestique, alors que l'homme est le chef de famille renforce les préjugés. De plus, les femmes expertes sont souvent invisibles: au Togo, les femmes modèles sont rares, et ceci est renforcé par les biais algorithmiques qui les marginalisent, parce que les données sont sont reproduites en défaveur des femmes, dans les résultats de recherche, les suggestions d'emploi, les ciblages publicitaires.

La plupart des contenus qu'on voit sur les réseaux sociaux sont sexistes et creusent davantage la phobie des femmes à profiter pleinement du numérique. Aujourd'hui, sur Facebook, Twitter, Instagram, on voit des propos tellement sexistes, qu'on se dit « merde, on est où, là ? ». Chacun se permet de dire ce qu'il veut, à qui il veut, sans être poursuivi, surtout dans le contexte africain. Tout cela a de réels impacts sur l'accès des femmes au contenu numérique.

Au Togo, il y a une unité spécialisée de police supérieure de la brigade, des centres de protection des données personnelles qui peuvent être saisis pour des cas de collecte illicite de données à caractère personnel. De plus, sur les grandes plateformes numériques comme Facebook, Instagram, TikTok, il y a des boutons de signalement pour des contenus sexistes ou haineux, des harcèlements. On peut donc signaler un fait criminel, une situation qui nous déplait en tant que femme, ou homme. Le défi est que très peu savent qu'ils ont des droits à faire valoir dans ce contexte.

JS : Existe-t-il des lois qui garantissent l’égalité de genre dans l’espace numérique ?

WAT : La mise en œuvre de lois ou de réglementations spécifiques pour garantir l'égalité de genre est encore un défi sur le continent. Néanmoins, il y a des initiatives au niveau régional comme le protocole de Maputo, l’agenda 2063 de l'Union africaine, la politique du genre de l'Union africaine qui vise à créer un environnement numérique plus inclusif.

En ce qui concerne les droits de la femme africaine, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) rappelle dans ses articles 1, 3 et 9, l'importance de garantir la protection de la femme comme un des principes fondamentaux . Il y a également la résolution sur la protection des femmes contre la violence numérique en Afrique, dénommée la CADHP/RES de 2022, qui rappelle aux États à adopter les législations pour lutter contre les formes de violences numériques et à élargir la définition de la violence basée sur le genre.

La définition des violences basées sur le genre intègre aujourd'hui les violences verbales, surtout en ligne. Il faut que les cadres juridiques puissent tenir compte de tous ces paramètres pour pouvoir redéfinir les violations basées sur le genre.

De nombreux pays ont adopté des lois qui sont inspirées de la Convention du Maroc, de l'Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données, et également de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Certaines lois criminalisent explicitement des violences basées sur les genre comme le cyberharcèlement, la cyber-diffamation à caractère sexuel, la diffamation d'images intimes non consenties, c'est le cas de la Côte d'Ivoire, du Sénégal, du Bénin. Mais peu de lois sont proactives, ce qui ne garantit pas de manière spécifique et pleinement l'égalité d'accès.

Les lois contraignantes sur l'inclusion numérique et le renforcement des dispositions contre les biais algorithmiques discriminatoires sont des chantiers essentiels pour l'avenir. L'égalité dans le numérique n'est pas un luxe, c'est vraiment une condition sine qua non d'un développement juste et durable pour l'Afrique.

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Comment la transition sénégalaise de 2024 a divisé par deux la représentation féminine au gouvernementhttps://fr.globalvoices.org/?p=296402http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250712_122046_Comment_la_transition_senegalaise_de_2024_a_divise_par_deux_la_representation_feminine_au_gouvernementSat, 12 Jul 2025 10:20:46 +0000Le gouvernement Diomaye Faye compte quatre femmes contre sept dans le dernier gouvernement de Macky Sall

Initialement publié le Global Voices en Français

Manifestation contre les violences faites aux femmes à la place de la Nation à Dakar, Sénégal, le 3 juillet 2021; Photo de Fatou Warkha Sambe, utilisée avec permission

Par Bowel Diop

Partout dans le monde, les droits des femmes, pourtant conquis de haute lutte, deviennent souvent les premières victimes lors de changements de régime. Le Sénégal, malgré sa réputation de stabilité démocratique et ses avancées en matière de parité, n'échappe pas à cette dynamique mondiale inquiétante.

La taille de vos rêves doit toujours dépasser votre capacité actuelle à les réaliser.” Cette exhortation d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue présidente en Afrique et Prix Nobel de la Paix, résonne avec ironie au Sénégal, où la récente transition politique tant espérée révèle déjà des signes inquiétants de régression pour les droits des femmes. Les femmes sénégalaises ont des compétences, mais se voient systématiquement écartées des postes de décision.

En mars 2024, le Sénégal a connu un changement de pouvoir majeur avec l’élection de Bassirou Diomaye Faye, soutenu par Ousmane Sonko, suscitant de grands espoirs de rupture démocratique et de gouvernance inclusive. Mais ces espoirs ont vite été entamés : la part des femmes au gouvernement a chuté de moitié, le ministère des Femmes a été rebaptisé sans concertation, et aucun plan d’action sur l’égalité n’a été annoncé.

Un recul alarmant au Sénégal

Le 6 avril 2024, je suis intégrée dans un groupe WhatsApp appelé Concertation: Femmes – Genre – Nouveau régime. Les chiffres sont éloquents : dans le nouveau gouvernement, seulement 4 femmes sur 30 ministres et secrétaires d'État ont été nommées, soit 13,3% de représentation féminine.

Sur les réseaux sociaux, la déception est palpable. L'activiste Amsatou Sow Sidibé évoque sur Facebook “le déclin de la présence féminine” dans ce gouvernement. Sur X, le Réseau des féministes du Sénégal estime que “le choix de retirer le mot ‘femme’ du ministère nous amène à croire que le statu quo sera maintenu”. Sur son compte X, il publie :

Sur la liste du gouvernement parue le 2 avril de la même année, ces quatre femmes sont assignées aux portefeuilles des affaires étrangères (Yacine Fall), de la pêche (Fatou Diouf), de la famille (Maïmouna Dièye) et de la jeunesse et culture (Khady Diène Gaye) – des figures isolées dans un paysage gouvernemental largement dominé par les hommes.

À titre de comparaison, le dernier gouvernement de Macky Sall, formé en octobre 2023, comptait sept femmes ministres, soit presque deux fois plus que l'actuelle équipe gouvernementale : un recul net en matière de représentation féminine au sommet de l'État.

Cette régression est d'autant plus préoccupante qu'elle intervient après la transformation du ministère dédié aux Femmes, Enfants et Entrepreneuriat en ministère de la Famille et des Solidarités, une décision qui a suscité de vives protestations de la part des organisations féministes sénégalaises.

L'excellence féminine ignorée

Les femmes compétentes ne manquent pas. Elles s'engagent déjà dans les processus de transformation de notre pays. À l'enseignement supérieur, nous aurions pu avoir la Professeure Mame Penda BA, directrice du Laboratoire d'Analyse des Sociétés et Pouvoirs/Afrique-Diasporas (LASPAD). À la santé, Professeure Fatimata LY, dermatologue de formation et maître de conférences à l'université Cheikh Anta DIOP. À l'Économie, Thiaba Camara SY, économiste reconnue, pour ne citer que celles-ci.

Ces exclusions remettent directement en cause les acquis de la loi numéro 2010-11 du 28 mai 2010 relative à la parité absolue homme-femme, qui avait pour objectif de consacrer et d'asseoir la présence des femmes dans tous les lieux où se dessine le futur de notre nation.

Ces exemples incarnent l'excellence. Leur absence dans les sphères de décision semble indiquer la résistance d'un système qui résiste à la transformation structurelle que suppose une véritable égalité des genres.

Notre rôle ne se cantonne pas à la reproduction et aux soins à la famille, nous sommes plus que des utérus et des gestionnaires de foyers. Nos compétences et nos aspirations dépassent ces stéréotypes.

Une dynamique mondiale de régression

La situation au Sénégal s'inscrit dans une tendance mondiale préoccupante. Des pays développés aux nations en développement, un schéma similaire se répète : les femmes sont souvent les premières victimes des changements politiques conservateurs, qu'ils prennent la forme de régimes autoritaires ou simplement de gouvernements moins attachés à l'égalité des genres.

Ces régressions ne sont jamais accidentelles. Elles s'appuient sur des mécanismes systématiques de marginalisation politique et économique des femmes.

Les conséquences sont mesurables : selon l'OCDE, les institutions sociales discriminatoires coûtent à l'Afrique l'équivalent de 7,5% de son PIB en 2019. Au niveau mondial, la Banque mondiale estime que l'inégalité salariale entre hommes et femmes représente une perte de 160,2 billions de dollars en capital humain, soit environ deux fois la valeur du PIB mondial.

Des recherches du Fonds monétaire international suggèrent que réduire l'écart entre les sexes sur les marchés du travail pourrait augmenter le PIB des économies émergentes et en développement de près de 8%.

Ces régressions ont des conséquences profondes sur les droits des femmes avec pour répercussion une exacerbation des inégalités sociales et économiques donc une société moins équitable. Elles s'appuient sur une rhétorique identitaire, conservatrice, qui réduit les femmes à des rôles traditionnels : mères, épouses, silencieuses. Et elles prospèrent dans le silence ou la passivité.

Notre réponse, une mobilisation à trois niveaux

Face à ces défis croissants, allant de la remise en cause du droit à l'avortement aux États-Unis, à l'interdiction de chanter pour les femmes afghanes ou encore au recul des pourcentages de femmes dans les postes de décision au Sénégal, la seule solution est de se battre. Notre réponse doit être triple.

D'abord, une vigilance organisée à travers la création des observatoires citoyens pour suivre les politiques publiques en matière de genre, pour documenter et dénoncer chaque recul.

Ensuite, une solidarité renforcée aux candidatures féminines aux postes de décision en constituant un réseau de femmes leaders disponibles pour les postes de responsabilité.

Enfin, des actions politiques concrètes en stimulant l'utilisation des réseaux sociaux pour amplifier les voix des femmes exclues. Aussi, l'exercice d'une pression constante sur les partis politiques pour respecter la parité.

Il est devenu crucial de s'organiser, de mettre en exergue nos voix pour défendre nos droits et nos acquis. S'il est certain qu'aucun pays ne s'est développé et n'a amélioré les conditions de vie de sa population en mettant de côté la moitié de celle-ci, la lutte n'est donc pas une option mais une évidence.

C'est uniquement par cette mobilisation constante que nous construirons un Sénégal où chaque jeune femme pourra non seulement rêver de conduire la nation, mais effectivement participer à son progrès inclusif et durable.

Un combat central, pas accessoire

Il ne peut y avoir de transition réussie sans les femmes. Il ne peut y avoir d'émergence économique ni de paix durable si la moitié de la société est maintenue en lisière. Le combat n'est pas accessoire. Il est central.

Nous ne demandons pas la charité politique. Nous exigeons la reconnaissance de notre légitimité, de nos compétences et de notre rôle incontournable dans la transformation du Sénégal.

À chaque recul, notre devoir est de faire front. À chaque nomination injuste, notre mission est de dénoncer. Et à chaque femme écartée, notre responsabilité est de faire entendre sa voix.

Notre devoir immédiat est triple : documenter chaque recul, soutenir chaque femme compétente écartée, et construire une alternative politique inclusive. Car comme le disait Mbali Ntuli, militante et politicienne sud-africaine : “Nous ne demandons pas à diriger parce que nous sommes des femmes. Nous l'exigeons parce que nous en sommes capables.”

Lire notre cahier spécial : 

Cet article est écrit dans le cadre du Programme Impact West Africa Fellowship de  Aspen Global Innovators

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Au Burundi, un régime en crise et une jeunesse qui fuit le pays en massehttps://fr.globalvoices.org/?p=296502http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250712_120503_Au_Burundi__un_regime_en_crise_et_une_jeunesse_qui_fuit_le_pays_en_masseSat, 12 Jul 2025 10:05:03 +0000Le CNDD-FDD a remporté 100 % des sièges lors des élections législatives du 5 juin.

Initialement publié le Global Voices en Français

Centre ville de Bujumbura, capitale économique du Burundi ; capture d'écran de la chaîne YouTube de France 24

Cet article est repris sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec www.afriquexxi.info . L'article original est à retrouver sur le site d’Afriquexxi.

Au Burundi, une profonde crise économique et politique oblige des milliers de jeunes désespérés à quitter leur foyer pour tenter leur chance dans les pays limitrophes.

Morose et délaissée pendant longtemps, l’éclat actuel de Gitega (ville située au centre du pays), capitale politique du Burundi et dont est originaire Évariste Ndayishimiye (président depuis 2020), ne peut passer inaperçu. Gitega semble aujourd’hui profiter de plusieurs effets combinés, historico-politiques et géographiques, avec la construction de nouveaux hôtels un peu partout, l’ouverture de nouveaux business (particulièrement les magasins de matériaux de construction), dans le bruit quotidien des sirènes qui se relaient pour forcer le passage d’un ministre qui va à une conférence, d’un haut gradé de l’armée qui va visiter sa ferme, ou d’une haute autorité du Conseil National de Défense de la Démocratie-Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD), parti au pouvoir, de retour d’un meeting politique.

Le doute sur ce rayonnement s’installe quand le regard se détourne des grands chantiers de construction et se dirige vers les simples citoyens, dans les rues ou sur les collines. Devant Matergo (centre de Gitega), où se succèdent autorités, diplomates, hommes d’affaires…. Deux véhicules sont garés côte à côte, trappes de carburant ouvertes. Un homme placé entre les deux en vide un pour en remplir un autre. Craignant pour sa sécurité, un passant, tournant la tête à droite et à gauche, pour s’assurer que ses propos ne tombent pas dans une oreille indiscrète, susurre :

Le deal doit être intéressant, susurre un passant. L’acheteur lui a peut-être proposé cinq fois le prix normal, voire plus. C’est le nouveau business ici, si tu as une voiture. Tu fais la queue durant des jours à une station et si tu as la chance d’avoir le carburant, tu le revends à quelqu’un qui n’a pas ce courage. C’est cela le Burundi aujourd’hui. Mon pays va vraiment mal !

Dans le pays, même les rues semblent désormais avoir des oreilles. Dire que le pays va mal, que la vie des citoyens est au point mort à cause d’une pénurie généralisée de carburant qui dure depuis plus de trois ans, c’est défier le narratif officiel, celui d’un pays où coulent le lait et le miel. En effet, il ne peut y avoir que de la joie dans « le jardin d’Eden », ainsi qu’Evariste Ndayishimiye a courageusement baptisé le Burundi.

Un régime paranoïaque

Le Burundi est un pays sous haute surveillance. Les élections législatives et communales du 5 juin se sont déroulées dans un contexte de verrouillage politique : la plupart des opposants politiques sont en exil depuis dix ans, et ceux qui sont restés au pays sont presque tous neutralisés. Résultat : le CNDD-FDD, parti au pouvoir, a remporté 100 % des sièges à l’Assemblée nationale, un score à la nord-coréenne jusque-là jamais atteint par aucun autre parti depuis l’introduction du multipartisme, dans les années 1990.

Dans les rues, la tension est palpable. Les centaines de jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, qualifiés de milice par les Nations unies, en jogging, parfois armés et en treillis, scandent des chants martiaux, quand la police procède à des contrôles minutieux. Les rumeurs de rebelles burundais qui se seraient infiltrés dans le pays vont bon train. La police cherche des caches d’armes sous les sièges des voitures, dans les coffres, partout. Il faut ajouter le contexte régional avec le mouvement rebelle M23 (soutenu par le Rwanda, selon plusieurs rapports de l’ONU) aux portes de Bujumbura, la capitale économique du Burundi. La rébellion contrôle déjà la ville de Bukavu, en plus de Goma, capitales respectives du Sud-Kivu et du Nord-Kivu, qui forment la province de l’est de la RDC. Bukavu n’est qu’à quatre heures de route de Bujumbura.

Le régime burundais, dont les relations diplomatiques avec le Rwanda sont exécrables depuis presque dix ans, craint une exportation de la guerre de l’est de la RDC sur son sol. La menace n’a jamais été aussi forte depuis 2015, quand des centaines de milliers de Burundais avaient pris le chemin de l’exil, après la décision de Pierre Nkurunziza (décédé en 2020) de briguer un troisième mandat et la crise politique qui en avait découlé. Le Rwanda avait accueilli une bonne partie des réfugiés. Depuis, Gitega accuse constamment Kigali d’héberger des rebelles qui veulent le renverser.

Le risque d’un effondrement politique

Curieusement, on ne cherche pas que des armes. La bière est aussi ciblée. Mais pas n’importe laquelle : la Primus et/ou l’Amstel, des produits de la Brarudi, la principale et plus ancienne brasserie du pays. Tout comme le carburant, trouver la bière de la Brarudi c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. De la boisson la plus accessible durant des décennies, elle est devenue un produit de luxe qu’on ne trouve que dans les grands hôtels. Et l’État s’est donné la rude tâche de réguler sa distribution. Un journaliste qui a suivi la campagne électorale, témoigne :

La pénurie de carburant aura un impact sur les résultats des urnes, parce que le peu de carburant revient au parti au pouvoir pour faire campagne. C’est le cas aussi pour la bière. À Bururi, dans le sud du pays, je suis allé au bar pour m’acheter une bière, tout près de là où le CNDD-FDD tenait un meeting. On m’a signifié que toutes les boissons disponibles dans la localité avaient été prises par le parti au pouvoir.

La Brarudi, plus grand contribuable du pays (on parlait de 68 milliards de francs burundais d’impôts en 2024, soit plus de 19,8 millions d’euros ( 23138379 dollars américains), annonçait l’an dernier manquer de malt, matière première indispensable à la fabrication de ses boissons, et ce, à cause d’un « manque de devises ». Le Burundi, classé deuxième pays le plus pauvre du monde juste devant le Soudan du Sud, n’avait que l’aide internationale, principalement de l’Union européenne, comme principale source de devises. Cet appui s’est arrêté en 2016 à la suite du refus du régime de dialoguer avec ses opposants.

Avec une économie nationale à l’agonie (87 % de la population vit avec moins de 1,6 euro/1,87 dollar américain) par jour, selon la Banque mondiale), des problèmes de bonne gouvernance, notamment des cas de grande corruption et de détournements dont on ignore toujours l’ampleur exacte (fin 2023, lors de sa condamnation à perpétuité pour tentative de coup d’État, on apprenait qu’Alain-Guillaume Bunyoni, l’ancien Premier ministre, possédait à lui seul près de 150 maisons, rien qu’au Burundi), combinés à un contexte politique instable, le régime d’Évariste Ndayishimiye, miné par des guerres intestines entre de puissants généraux, semble aujourd’hui faire face à un double risque : un effondrement économique du pays et son propre effondrement politique.

Les jeunes fuient tous azimuts le pays

Pour la population, l’enjeu dépasse la survie économique, comme l’explique un analyste qui a requis l’anonymat :

Les Burundais sont en principe habitués à vivre du peu qu’ils ont. Le Burundi n’a jamais été un pays développé avec toute l’abondance qui va avec. Mais cela n’a jamais été vu comme la fin du monde par la population locale. Aujourd’hui, le grand défi est que le pays devient de plus en plus invivable. Plus d’espoir d’avenir pour les jeunes qui fuient tous azimuts le pays. Il n’y a pas très longtemps, c’était inconcevable de voir un homme avec des petits-enfants laisser sa famille derrière lui et quitter le pays. Les Burundais sont très attachés à la famille. Malheureusement, son tissu se déchire de plus en plus. Le régime a infiltré jusqu’à la cellule familiale. On souffre, on ne peut même pas en parler, même pas chez soi. L’espionnage est arrivé jusque dans les ménages.

« Les jeunes qui fuient tous azimuts le pays » est peut-être le plus inquiétant pour l’avenir de ce petit pays d’Afrique de l’Est de plus de 13 millions d’habitants et dont 65 % de la population a moins de 25 ans. L’exode ne s’est pas tari depuis la répression sanglante contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza, il y a dix ans. Aujourd’hui, les grandes capitales régionales, Kigali, Kampala, Nairobi, grouillent de jeunes Burundais, parfois encore des enfants. Deux médias locaux consacraient en février dernier une édition spéciale pour alarmer sur un taux d’abandon scolaire historique de 70 %, citant les « plus de 4 500 élèves » qui ont décroché, en seulement trois mois, dans une seule province, Kayanza (nord du Burundi), durant l’année scolaire 2024-2025.

20 000 départs entre janvier et octobre 2022

Ces mêmes jeunes, qui ne croient plus à ce que peut leur apporter l’école (au Burundi, on dit que la carte de membre du parti au pouvoir vaut désormais mieux qu’un diplôme), déambulent aujourd’hui jusque dans les collines rurales du Kenya, parfois sans aucun document légal, vendant des arachides et des beignets aux passants. L’un d’eux explique :

Ce business nous permet au moins d’envoyer quelque chose à nos familles qui vivent dans une misère sans nom au Burundi.

Il affirme pouvoir envoyer au moins 3 000 shillings kényans par mois environ 20 euros (23,50 dollars américains), soit plus que ce que gagnent certains fonctionnaires de l’État au Burundi. Les jeunes filles sont envoyées dans les pays arabes via des agences intermédiaires dont certaines appartiennent à des responsables du parti au pouvoir. D’autres jeunes encore, par dizaines de milliers, surtout issus de familles plus aisées, ont migré vers l’Europe via la Serbie, plus de 20 000 départs entre janvier et octobre 2022, selon VOA Afrique). Des milliers de médecins sans emploi ont fui à la recherche de travail dans les pays voisins. Pour rappel, le Burundi disposait de 0,1 médecin pour 1 000 habitants en 2020, dix fois moins que le minimum recommandé par l’Organisation mondiale de la santé.

Pendant la campagne électorale, face à la misère presque généralisée, le président de la République a dû sortir l’artillerie lourde pour essayer de convaincre les foules : le 15 mai, il a garanti 1 million de francs à chaque Burundais d’ici à deux ans. Il était à Gitega, dans sa ville. Sauf que ce million de francs burundais (environ 291 euros/340 dollars américains), d’ici-là, aura peut-être perdu plus de deux fois sa valeur actuelle si l’économie continue à se détériorer. La promesse sera-t-elle tenue ? En 2020, quand il a pris le pouvoir, il avait prononcé presque les mêmes mots, promettant « de l’argent dans chaque poche ». Cinq ans plus tard, les Burundais doivent-ils encore le croire ? Le pays a davantage besoin de secours que de promesses.

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La Chine accélère le développement de son système de censure propulsé par l’IAhttps://fr.globalvoices.org/?p=296425http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250711_175544_La_Chine_accelere_le_developpement_de_son_systeme_de_censure_propulse_par_l___IAFri, 11 Jul 2025 15:55:44 +0000Propulsée par les nouvelles technologies, la propagande politique chinoise s’internationalise

Initialement publié le Global Voices en Français

An image of chip technology surrounding the Chinese flag.

Image créée par Oiwan Lam via Canva Pro.

Le développement rapide de l’intelligence artificielle a suscité des controverses autour du droit d’auteur et des mégadonnées dans la plupart des régions du monde. En Chine, la tendance à la censure automatisée est plus préoccupante, car elle permet de transformer la censure passive du régime autoritaire en un façonnement proactif du cadre cognitif des individus en faveur du régime à parti unique.

Alors qu’un rapport du Hong Kong Free Press (HKFP) révélait il y a plusieurs mois que les grands modèles de langage chinois (LLMs), tels que Qwen, Ernie ou Deepseek, sont généralement alignés sur les positions du Parti communiste chinois (PCC), de nouvelles recherches semblent indiquer un renforcement de la censure exercée par l’IA, selon Alex Colville, chercheur au sein du China Media Project.

Si vous aviez demandé au modèle de langage open source DeepSeek R1, il y a seulement quatre mois, d’énumérer les différends territoriaux de la Chine en mer de Chine méridionale — un sujet hautement sensible pour la direction du Parti communiste chinois — il vous aurait répondu en détail, même si ses réponses vous orientaient subtilement vers une version édulcorée conforme à la ligne officielle. Posez aujourd’hui la même question à la dernière mise à jour, DeepSeek-R1-0528, et vous constaterez que le modèle est plus réservé, et bien plus catégorique dans sa défense de la position officielle de la Chine.

Cette intelligence artificielle « politiquement correcte » est rendue possible grâce à une série de réglementations. Depuis 2022, une disposition impose que les systèmes automatisés de recommandation de contenu « diffusent activement une énergie positive » et se conforment aux « valeurs dominantes ». Une directive idéologique publiée en janvier 2023 exige des fournisseurs de services qu’ils « respectent les mœurs et l’éthique sociales » et « adhèrent à la bonne direction politique, à l’orientation de l’opinion publique et aux tendances des valeurs ». Six mois plus tard, selon les Mesures provisoires pour la gestion des services d’intelligence artificielle générative, tous les services d’IA générative doivent promouvoir les « valeurs fondamentales du socialisme » de l’État, et les données d’entraînement doivent provenir de « sources légales », c’est-à-dire de sources obtenues légalement et ne contenant aucun contenu censuré ou jugé illégal par les autorités chinoises.

Les conséquences de la censure de l'IA

À mesure que la censure par l’IA devient plus omniprésente, la Chine connaît une transformation profonde de sa manière de censurer l’information en ligne, passant de méthodes traditionnelles et manuelles à une nouvelle ère dominée par l’intelligence artificielle, selon une analyse récente du China Media Project.

Traditionnellement, la censure en Chine reposait sur des armées de censeurs humains qui parcouraient les réseaux sociaux et les sites d’actualités à la recherche de mots-clés sensibles, supprimant manuellement les publications ou bloquant les contenus franchissant les lignes rouges politiques. Cette approche manuelle était chronophage et exigeante en main-d’œuvre, peinant à suivre le rythme effréné et l’ampleur des échanges en ligne. Tout cela fait partie de l’industrie dite de la « surveillance de l’opinion publique », qui désigne la surveillance systématique du discours en ligne et emploie des dizaines de milliers de personnes.

Désormais, avec l’essor de grands modèles de langage (LLMs), le gouvernement chinois et les géants de la tech intègrent directement la censure dans l’architecture même des systèmes d’intelligence artificielle. Pour garantir que les modèles suivent la « bonne direction politique », les LLM chinois sont entraînés à s’autocensurer dans leurs contenus générés. Un ensemble de données récemment divulgué, d’une taille de 300 Go, contient 133 000 éléments — contenus et instructions — destinés à apprendre aux IA comment classer et hiérarchiser les contenus sensibles. L’objectif principal de cet ensemble semble être la classification des contenus liés à l’opinion publique. Il révèle un système de catégorisation sophistiqué comportant 38 catégories distinctes, allant de sujets courants comme la « culture » et le « sport » à d’autres, plus controversés politiquement.

L’origine exacte de cette fuite reste inconnue. Toutefois, certains analystes y voient un signe que l’IA est en train de remplacer un système autrefois très gourmand en main-d’œuvre, nécessitant des milliers de censeurs humains, par une machine de surveillance automatisée. Un tel système serait capable de traiter des volumes bien plus importants de contenus en ligne, permettant ainsi une surveillance continue et autonome de chaque recoin d’internet. Xiao Qiang, chercheur sur le système de censure chinois à l’Université de Californie à Berkeley, affirme que le développement de l’IA générative a porté la censure automatisée de la Chine à un tout autre niveau :

Contrairement aux mécanismes de censure traditionnels, qui reposent sur le travail humain pour le filtrage par mots-clés et la relecture manuelle, un grand modèle de langage (LLM) entraîné à partir de telles instructions améliorerait considérablement l’efficacité et la précision du contrôle de l’information exercé par l’État.

En plus de la formation des IA à la censure, la Chine a également mis en place ses propres référentiels d’évaluation pour s’assurer que les grands modèles de langage (LLMs) du pays soient « conformes à la loi ». Deux mois avant l’entrée en vigueur de la loi chinoise sur l’intelligence artificielle générative, un groupe d’ingénieurs en informatique chinois, dirigé par He Junxian, professeur assistant à l’Université des Sciences et Technologies de Hong Kong, a publié sur GitHub le benchmark C-eval, composé de 13 948 questions à choix multiples couvrant 52 disciplines variées, parmi lesquelles figurent la « pensée de Mao Zedong », le « marxisme » et la « culture idéologique et morale ».

Quelques mois plus tard, début 2024, l’Académie chinoise des technologies de l'information et de la communication (CAICT), rattachée au ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information (MIIT), a mis au point un référentiel de sécurité de l’IA (AI Safety Benchmark), comprenant 400 000 invites en chinois portant sur des enjeux liés aux biais culturels, au bien-être psychologique des utilisateurs, à la vie privée et aux secrets industriels, à la correction politique et à la légalité.

La diffusion mondiale des récits chinois

Avec tous ces référentiels et réglementations chinoises sur l’IA, ce ne sont pas seulement les outils d’IA générative chinois qui sont soumis à la censure, mais aussi des marques occidentales, comme Microsoft Copilot, qui font face aux mêmes restrictions, notamment lorsque le service d’IA opère en Chine. L’exilé dissident chinois, Teacher Li, a donné un exemple à ce sujet sur X :

Un ami a raconté que lorsqu’il a demandé à l’outil d’IA de Microsoft, Copilot, comment renverser Xi Jinping, celui-ci a refusé de répondre, mais lorsqu’il a posé la même question à propos de Donald Trump, il a obtenu une réponse. Il semble donc que l’outil obéisse à la censure du Parti communiste chinois (PCC). pic.twitter.com/uai6IBuofM

— 李老师不是你老师 (@whyyoutouzhele) 2 mai 2025

En d’autres termes, le résultat est un système où la censure est à la fois proactive et invisible : l’IA ne génère ni ne recommande simplement aucun contenu en dehors des limites approuvées par l’État.

Étant donné l’alignement strict des IA génératives chinoises sur la ligne politique du Parti communiste chinois (PCC), les principaux moteurs de recherche comme Baidu (le moteur le plus populaire en Chine) et les plateformes sociales comme Weibo ont intégré Deepseek dans leurs services. Chaque fois que les utilisateurs recherchent certains sujets, Deepseek génère le « processus de pensée politiquement correct » ou les récits officiels sur la question.

C’est pourquoi Alex Colville a averti que « toute adoption du modèle DeepSeek à l’étranger pourrait potentiellement exporter le système de gouvernance sociale intérieure de la RPC ». Taïwan est aujourd’hui le champ de bataille cognitif le plus féroce dans le développement de l’intelligence artificielle générative.

Le gouvernement chinois continental affirme que Taïwan, un État autonome depuis 1949 après que le Kuomintang, parti au pouvoir de la République de Chine, a été vaincu par le PCC lors de la guerre civile chinoise et a établi un gouvernement en exil de l’autre côté du détroit de Taïwan, fait partie intégrante de la Chine. Ces dernières années, la Chine a tenté de contraindre Taïwan à l’unification par des moyens diplomatiques, économiques, militaires, ainsi que par une guerre cognitive, incluant la manipulation ciblée de l’information, la propagande et des opérations psychologiques.

Grâce aux nouvelles technologies, la propagande politique chinoise devient globale. Le rapport récent d’OpenAI sur les usages malveillants de ses modèles a également révélé que certains acteurs chinois ont utilisé ses produits pour surveiller les commentaires anti-Chine sur les réseaux sociaux, publier des commentaires anti-américains en espagnol ciblant les utilisateurs latino-américains, et générer des commentaires critiques envers des dissidents chinois, dont Cai Xia.

À mesure que les modèles d’IA de DeepSeek gagnent en popularité à l’international — attirant les utilisateurs par leurs performances techniques solides à faible coût — la question demeure : comment leurs filtres politiques intégrés affecteront-ils les audiences mondiales ? La préoccupation plus large est de savoir ce que cela signifie lorsque des millions de personnes dans le monde commencent à dépendre de systèmes d’IA délibérément conçus pour refléter et renforcer les perspectives du gouvernement chinois.

Tous ces développements montrent comment l’IA générative peut être utilisée comme une arme pour surveiller la dissidence, manipuler les récits et imposer la conformité idéologique par des États autoritaires, alors que la gouvernance de l’IA fondée sur les droits humains accuse un retard important.

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Initialement publié le Global Voices en Français

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L'enjeu politique du football : du livre ludique de Salazar aux stades iranienshttps://fr.globalvoices.org/?p=296393http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250708_162758_L_enjeu_politique_du_football___du_livre_ludique_de_Salazar_aux_stades_iraniensTue, 08 Jul 2025 14:27:58 +0000Le football est plus qu’un jeu — c’est un champ de bataille de mémoire, d’identité et de défiance.

Initialement publié le Global Voices en Français

Les supporters du Tractor FC lors d'un match contre Esteghlal FC le 18 mai 2023. Photo de Amir Ostovari, Farsnews.ir via Wikimedia Commons (CC BY 4.0.).

Antonio Salazar, le dictateur fasciste portugais ayant régné de 1932 à 1968, est célèbre pour avoir gouverné le pays avec « les trois F » : fado (la musique), Fatima (la religion), et le football. Ces piliers ont constitué le fondement de son régime totalitaire.

Les intellectuels ont souvent appréhendé le football une forme de basse culture, une distraction par rapport aux affaires sérieuses de la politique et de la société. Pourtant, il y a toujours eu des exceptions, des écrivains et des penseurs qui ont pris ce sport au sérieux, l'analysant comme un phénomène culturel et sociologique. C'est le cas du célèbre romancier espagnol Javier Marías, qui, parallèlement à ses œuvres littéraires et à ses traductions, a exploré le monde du football avec une rare perspicacité.

Dans son livre « Salvajes y sentimentales: Letras de fútbol » (« Wild and Sentimental: Writings on Football »), Marías mêle réflexion personnelle et style littéraire pour parler du football tel qu'il est pratiqué en Espagne et dans le monde.

Supporter éternel du Real Madrid , il considère La Liga, le niveau le plus élevé du championnat de football espagnol, comme une partie intrinsèque du rythme hebdomadaire de son enfance. Les quarante-deux essais de ce recueil ne sont pas de simples articles journalistiques – ce sont des confessions, des souvenirs, des observations et des arguments, écrits avec une franchise émotionnelle et une acuité intellectuelle.

Marías affirme que le football est l'une des rares expériences capables de réveiller chez les adultes les émotions brutes et instinctives de l'enfance. Pour lui, ce sport est un retour hebdomadaire à la jeunesse. Il compare le football au cinéma : les joueurs, comme les acteurs, restent dans les mémoires ; les entraîneurs, comme les réalisateurs, forment des équipes avec des acteurs familiers. Il compare le Real Madrid à un film d'Hitchcock : du suspense, des nerfs à vif, mais généralement une fin heureuse. « Lors des matchs européens », écrit-il dans le livre, « Madrid adore encaisser trois buts, juste pour revenir et marquer davantage au match retour ».

Pour Marías, le football est plus qu'un spectacle, c'est un drame. Un match sans récit, sans enjeu, sans émotion et sans conséquence est creux. « Si la victoire ou la défaite n'a pas d'incidence sur le passé, l'avenir, votre honneur ou votre visage dans le miroir le lendemain matin dit-il, alors il ne vaut pas la peine de suivre ce match. »

Pour lui, le football est à la fois le cirque et le théâtre de notre époque – chargé d'excitation, de peur et d'imprévisibilité. Un vrai supporter doit percevoir chaque match comme une compétition décisive.

Ce sport permet également aux adultes d'exprimer leurs réactions les plus enfantines – la peur, la joie, la colère et même les larmes – sans honte. Pour beaucoup, le football est le seul espace d’actions socialement acceptables permettant aux émotions pures et non filtrées de s’exprimer.

L'un des traits caractéristiques du football, selon Marías, est la loyauté inébranlable envers son équipe. Si l'on change de religion, de conjoint, de parti politique, de maison ou de goût artistique, le club de football, lui, reste le même. Comme l'a dit l'écrivain espagnol Vázquez Montalbán, « on ne change pas l'équipe que l'on a aimée dans son enfance. »

Mais la rivalité est tout aussi vitale que la loyauté. Marías écrit:, « Si Barcelone était un jour relégué dans un petit championnat catalan et que ses affrontements historiques avec Madrid prenaient fin, j'en serais profondément attristé. » La compétition fait partie de l'ADN même du football. Sans elle, la passion s'éteint.

Marías estime que seule une personne profondément ancrée dans une culture peut pleinement saisir le poids émotionnel de ses rivalités footballistiques. Seul un Italien comprend vraiment Milan contre la Juventus ; seul un Allemand comprend Bayern contre. Mönchengladbach; seul un Anglais ressent la charge de Liverpool contre Manchester United . Et seul un Espagnol porte sur sa rétine le poids de centaines de souvenirs d'El Clásico.

Tractor : plus qu'une équipe de football

Toute cette réflexion débouche sur une scène contemporaine loin de Madrid. Récemment, au milieu du stress, de la répression et de la tension qui caractérisent la vie publique en Iran, un événement remarquable s'est produit: Tractor S.C., une équipe de la ville de Tabriz dans la région de l'Azerbaïdjan, est devenue championne nationale. Dans un autre contexte, cette réalisation aurait pu être une simple victoire footballistique de plus, mais en Iran, elle revêt une signification symbolique importante.

Malgré les efforts soutenus des acteurs étatiques, pour remodeler l'identité de l'équipe, coopter son image ou injecter des slogans nationalistes dans son récit, Tractor a conservé son caractère populaire. Il est devenu non seulement une équipe de football, mais aussi un symbole de résistance culturelle, en particulier pour la population turque d'Iran.

Les Turcs constituent le groupe ethnique le plus important d'Iran, avec une proportion estimée à 40 % de la population. Ils se retrouvent dans toutes les régions de l'Iran, et, durant des siècles, diverses dynasties turques ont régné sur le pays, jetant les bases d'un patrimoine culturel commun.

La xénophobie en général l-et en particulier — les sentiments anti-turcs et anti-arabes — restent parmi les problèmes sociaux occasionnellement observés en Iran. La tendance à réduire les défis politiques et sociaux du pays à la culpabilité supposée des Turcs ou des Arabes, ainsi que l'humiliation de ces groupes ethniques lors de certains matchs de football, reflètent un problème plus profond de tensions non résolues qui deviennent particulièrement visibles dans les stades.

Les rivaux historiques du Tractor — les géants Esteghlal et Persepolis basés à Téhéran — représentent le centre politiquement, économiquement et symboliquement. À l'inverse, Tractor a fini par incarner les marginaux, les provinces et la périphérie. Et aujourd'hui, pour la première fois depuis des années, l'équilibre des forces semble avoir évolué.

Les équipes établies à Téhéran — de Persepolis à Saipa, Pas, en passant par Esteghlal —ont collectivement remporté le championnat iranien à de nombreuses reprises. À côté de ces équipes, des équipes provinciales telles Malavan Bandar Anzali, Sepahan d'Isfahan, et Foolad Khuzestan ont également réussi à remporter la ligue, devenant ainsi des champions en dehors de la capitale. Toutefois, c'est la première fois que, Tractor d'Azerbaijan remporte le titre de champion.

Tout comme Marías suggère que le Real Madrid se valorise par sa rivalité avec Barcelone, l'identité même de Tractor a été batie dans l'opposition au pouvoir central. Si cet antagonisme disparaissait, même les fans ne sauraient pas s'il faut se réjouir ou se lamenter.

Tractor est plus qu'une équipe de football. Il s'agit d'un phénomène culturel et politique, surfant sur deux tableaux parallèles — l'un sur le terrain et l'autre dans l'arène publique, où le citoyen ordinaire s'oppose à la mainmise de l'État sur la narration et l'identité.

Alors que l'État iranien, à l'instar de Salazar, continue de s'appuyer sur son équivalent des « trois F » pour gérer la société — – la religion, les rituels et les divertissements contrôlés — Tractor défie cette logique. Son pouvoir ne réside pas seulement dans ses objectifs, mais aussi dans les émotions qu'il suscite : fierté, défi et solidarité. Le régime iranien peut tenter de contrôler le jeu, mais les tribunes et les rues présentent une autre histoire.

Dans un monde où plusieurs se sentent piégés dans des systèmes de contrôle, le football ne nous sauvera peut-être pas —mais il peut ouvrir un espace idéal de justice. Cet espace s'étend au-delà des limites du terrain, jusqu'à Tabriz et au-delà.

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Fête du Travail ou journée de détentions ? Le 1er mai en Turquiehttps://fr.globalvoices.org/?p=295575http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250708_142340_Fete_du_Travail_ou_journee_de_detentions___Le_1er_mai_en_TurquieTue, 08 Jul 2025 12:23:40 +0000La présence policière fortement élevée, des barricades et des centaines de détentions ont ponctué la journée.

Initialement publié le Global Voices en Français

Image de Arzu Geybullayeva, créé avec des éléments de Canva Pro.

Encore cette année, à travers la Turquie, une forte présence de policiers ainsi que des barricades et des arrestations ont ponctué la fête du Travail, alors que des dizaines de milliers d'ouvriers et de militants ont essayé de commémorer la Journée internationale des travailleurs.

Des journalistes basés à Istanbul ont relevé une lourde intervention policière contre les militants souhaitant se rendre à la place Taksim à Istanbul. La place a été fermée aux piétons, et toutes les voies de transport ont été fermées. Même dans les lieux de démonstration désignés, tels que les districts de Kadikoy et Kartal à Istanbul, l’annulation des transports a rendu ces zones difficiles d’accès.  Des centaines de personnes ont été détenues, alors que dans les jours précédents le 1er mai, des vingtaines d'autres ont été arrêtées pour avoir demandé aux autres de rejoindre les manifestations prévues.

Malgré les restrictions extraordinaires installées sur les routes principales, les transports publics et maritimes à Istanbul, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées à la place Kadıköy İskele pour les célébrations du jour de travail. «Une Turquie où nous ne sommes pas condamnés à vivre sur les salaires minimums, où les grèves ne sont pas bannies et où les droits démocratiques peuvent être librement exercés est possible » se lit le communiqué joint de tous les syndicats qui commémorent la fête du Travail à Kadıköy. « Une vie où nous ne mourrons pas au travail, où nous ne perdons pas notre santé, où nous travaillons 8 heures restons 8 heures et vivons 8 heures est possible. Un pays dans lequel de droit de prendre sa retraite n'est pas usurpée et les pensionnés peuvent vivre avec humanité est possible. »

Taksim, la place prohibée

La place Taksim au cœur d’Istanbul est considérée comme un symbole puissant des droits des travailleurs et de la culture contestataire. Elle est également depuis des décennies, un champ de bataille idéologique pour les gouvernements qui ont pris le leadership du pays. En 1977, au moins 34 personnes ont été tuées lors d’un rassemblement du 1 mai là-bas, un événement largement connu sous les noms « le massacre de Taksim » et « le 1er mai sanglant ».

Chaque année, dans l'anticipation du 1er mai, des militants et des syndicats demandent la permission de se rassembler à Taksim, et chaque année, ils font face à un rejet. Cette année n'a été pas une exception. Le Bureau du gouverneur d'Istanbul a déclaré que Taksim était interdit, ce qui a entraîné la fermeture de dizaines de routes, de lignes de transport public et de services de ferry — une stratégie de confinement qui est devenue une routine sombre du 1 mai dans le pays. Les dernières manifestations du 1 mai ont été officiellement autorisées à Taksim en 2010, 2011 et 2012, lors d’un bref dégel dans l’approche du gouvernement envers la dissidence.

Depuis 2013, lorsque la place est devenue l’épicentre des manifestations du « Parc Gezi », les autorités y ont restreint les rassemblements publics, invoquant des préoccupations de sécurité et d’ordre public.

Cette année, aussitôt qu'à cinq heures du matin, l'accès à Taksim était effectivement fermé dès 5 heures du matin, et même les quartiers environnants comme Şişli et Beyoğlu ont vu un important déploiement de policiers. Tous ceux qui voulaient manifester à la place, notamment des membres de parties politiques opposées au gouvernement actuel, des syndicats et des unions d'étudiants, ont été interpelés, détenus ou même repoussés de force par les policiers.

Les places ne doivent pas être fermées au public. Chacun a le droit d'organiser des réunions et des manifestations pacifiques, non armées sans autorisation préalable. Istanbul, 1er mai, 2025. Photo de Zeynep Kuray.

Le Bureau du gouverneur d'Istanbul a déclaré que plus de 50 000 policiers ont été déployés ce 1ᵉʳ mai et il a ultérieurement affirmé que 384 personnes avaient été détenues à cause de leur participation dans une manifestation dite « non autorisée ». Par contre, le terme « manifestation non autorisée » est fallacieux, selon un reportage de Bianet, car l'article 34 de la Constitution réclame que « Chacun a le droit d'organiser des réunions et des manifestations pacifiques et non armées sans autorisation préalable ».

Ce concept d'une « manifestation non autorisée » est aussi une expression fallacieuse et fausse, en ce qui concerne la Constitution et les lois. De plus, selon les décisions de la Cour constitutionnelle, les rassemblements pacifiques qui ne constituent pas une menace à l'ordre public doivent être encadrés, même ceux qui sont faits sans notification des forces de l'ordre. Selon la loi numéro 2911 concernant les rassemblements et manifestations, bien que les organisateurs des manifestations soient obligés d'aviser les autorités locales, ne pas le faire n'implique pas que la manifestation est interdite, affirme la rédaction de Bianet.

L'année dernière, la police a détenu plus que 200 personnes qui ont tenté de manifester à Taksim le 30 avril, Dinushika Dissanayake, la directrice adjointe d'Amnesty International pour l'Europe a constaté que « les restrictions aux célébrations de la fête du Travail sont entièrement fondées sur des troubles à la sécurité et à l'ordre public. Elles défient d'ailleurs la décision de la Cour constitutionnelle prise en 2023. Ces restrictions doivent être levées de toute urgence. »

Une image austère pour les ouvriers

Au-delà de la question des rassemblements publics, le premier mai est un souvenir douloureux de l'état des droits de travail en Turquie. Selon des données de l'Assemblée de la Santé et de la Sécurité au travail (İSİG) un conseil local qui lutte pour une vie et des conditions de travail saines et sûres, un total de 1 894 travailleurs sont morts en Turquie en 2024. Un an auparavant, le réseau avait signalé 1 932 décès qu’il avait pu documenter. En mars 2025, ce nombre avait déjà atteint 145 pour l’année jusqu’à présent. Un coup d’œil rapide aux données collectées par le réseau, qui se compose de travailleurs de diverses professions et industries et leurs familles, au cours de la dernière décennie, les chiffres annuels n’ont jamais descendu en dessous de 1 000 décès, atteignant parfois 2 000 ou plus. Beaucoup de ces décès, selon les défenseurs des droits des travailleurs, étaient entièrement évitables et découlent d’un manque d’application des normes de sécurité et de surveillance réglementaire.

Des accidents mortels sont malheureusement devenus courants dans ce pays où le travail précaire et l'emploi informel sont répandus. En outre, le travail des enfants continue à ronger le marché de travail. Selon un reportage du syndicat de travailleurs en éducation et science (Eğitim-İş), plus de 869 000 enfants travaillent en Turquie. Ce chiffre est ajouté aux plus que 500 000 enfants qui sont inscrits dans des programmes d'apprentissage professionnel (MESEM), qui fonctionnent efficacement comme des filières de travail plutôt que comme des établissements éducatifs.

La Turquie n’a pas de cadre global de protection sociale pour sa main-d’œuvre. La sécurité de l’emploi, les droits syndicaux et les avantages sociaux restent insaisissables pour des millions de personnes, en particulier pour les travailleurs saisonniers, migrants et sans papiers. Pour beaucoup, travailler dans des conditions d’exploitation n’est pas une question de choix, mais de survie.

Des mythes et des représentations fausses de l'emploi.

Les statistiques officielles offrent également une image déformée. Dans son récent reportage, la journaliste Ayça Örer montre des divergences dans les données fournies par l’institution statistique d’État et les syndicats de travailleurs. Örer écrit que tandis que l’Institut turc de statistique (TÜİK) rapporte un taux d’emploi officiel au dernier trimestre de 2024 de 49,6 %, la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK) remet en question ce récit, en se concentrant sur les définitions de l'emploi utilisées en Turquie.

Alors que le taux de chômage selon le TÜİK est à neuf pour cent, le DİSK et d'autres plateformes indépendantes de travail constatent que le pourcentage est plus proche de 28,2 à la fin de décembre 2024. Ils suivent une définition plus large de chômage, qui compte des chercheurs d'emploi découragés, des individus sous-employés et ceux qui peuvent travailler, mais qui ne sont pas en recherche active. La situation s'empire pour les jeunes femmes qui sont employées à un taux de 46,7 %, mais seulement 20 % avec un travail déclaré et à temps plein, informe Örer.

Pour nombreuses personnes, le 1er mai est néanmoins un autre jour de travail. C'est le cas de Veysel et Sefer, deux ferrailleurs qui ont discuté  avec Örer. « Chaque jour, on écrase des boites en métal, tire des papiers et ramasse les déchets dans la ville. C'est comme si nous étions des fourmis d'Istanbul, personne ne nous voit, mais on dégage les ordures. Sefer ajoute, il y a des personnes qui habitent dans les décombres d'anciens bâtiments parce qu'ils n'arrivent même pas à payer pour une chambre commune. Certains gagnent 100 liras, mais doivent payer 20 000 liras par mois juste pour avoir un endroit où dormir. »

Des histoires comme celles-ci n'arrivent que rarement en vogue dans le discours dominant, mais elles sont intégrales pour comprendre l'image globale de labeur en Turquie, l'image d'invisibilité, de l'exploitation et de résilience.

Le 1 mai cette année a été pluvieux et froid. Mais cela n’a pas empêché les gens de participer à des manifestations. Au-delà de la puissance des ouvriers en Turquie, la situation a aussi montré la résistance de l'État envers des réformes significatives, quoi qu'ils soient dans les droits de travail ou des libertés démocratiques. Alors que la précarité s'aggrave, le nombre de personnes employées diminue, et les protections affaiblissent, la lutte annuelle pour la visibilité de la dignité perdure.

Et c’est aussi le cas pour la marche, qu’il s’agisse de pluie ou de police anti-émeute.

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Le sud de la France enveloppé d'un cocktail de « pollution multi-sources » en raison de poussières sahariennes et des feux de forêt canadienshttps://fr.globalvoices.org/?p=296236http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250704_192942_Le_sud_de_la_France_enveloppe_d_un_cocktail_de_____pollution_multi-sources_____en_raison_de_poussieres_sahariennes_et_des_feux_de_foret_canadiensFri, 04 Jul 2025 17:29:42 +0000Les habitants sont confrontés à une convergence de polluants nocifs

Initialement publié le Global Voices en Français

A weather phenomenon where sand from the Sahara Desert in north Africa drifts over the Mediterranean Sea, turning the sky orange in Southern France, including the Alps, as featured in this photo.

Un phénomène météorologique où le sable du désert du Sahara, en Afrique du Nord, dérive au-dessus de la mer Méditerranée, rendant le ciel orange dans le sud de la France, y compris les Alpes, comme en témoigne cette photo. Capture d'écran de YouTube.

En ce mois de juin, le sud de la France étouffe sous un intense épisode de pollution atmosphérique d'origines inhabituellement lointaines, le ciel s'étant transformé en une autoroute mondiale où la brume provenant d'agressifs feux de forêt canadiens traverse l'Atlantique et se mêle aux tempêtes de poussières sahariennes qui dérivent depuis l'Afrique du Nord. Lors des journées les plus noires de la mi-juin, l'indice de qualité de l'air à Marseille (AQI) a atteint des niveaux compris entre 130 and 150 — considérés nocifs pour les groupes sensibles — par rapport aux niveaux typiques de l'été, qui se situent généralement entre 40 et 60.

A partir du mois de mai, une série de violents feux de forêt s'est déclarée dans le centre du Canada, en particulier dans les provinces de Manitoba, Saskatchewan, et Alberta. Rien que dans la région de Manitoba, 27 incendies restent actifs, dont un gigantesque brasier près de Flin Flon et Sherridon, qui a brûlé plus de  300 000 hectares au début du mois de juin seulement. Ces derniers jours, les feux ont progressé vers le nord, ce qui fait craindre que les différents brasiers fusionnent pour former ce que les experts appellent un « Giga-fire » — événement rare au cours duquel un seul incendie engloutit plus de 400 000 hectares.

Screenshot of Canada's wildfire map as of June 12, 2025.

Capture d'écran de la carte des feux de forêts du Canada par le Centre interagences des feux de forêt du Canada le 12 juin 2025. Une grande partie du nord du Canada est confrontée à des incendies hors de contrôle.

Les habitants de Marseille respirent un mélange rare de fumée de feux de forêt, de poussière du Sahara et d'ozone. L'impact de ce phénomène de pollution transcontinentale s'est intensifié tout au long du mois de juin. Ce qui a commencé comme un niveau élevé de fines particules provenant des feux de forêt canadiens s'est transformé en ce que les autorités locales appellent un « un épisode de pollution multi-sources » — une tempête parfaite de polluants. Bien que Marseille connaisse régulièrement des périodes de poussière saharienne de courte durée , cet épisode se démarque en raison de la couche supplémentaire de fumée de feux de forêt transportée à travers l'Atlantique — une combinaison rarement observée dans une telle concentration. Selon AtmoSud, les épisodes à sources multiples de ce type deviennent plus fréquents et plus intenses à mesure que les schémas climatiques se modifient et que la saison des feux s'allonge.

Voici une video en français détaillant la question des tempêtes de poussières sahariennes dans la région méditerranéenne.

La Prefecture des Bouches-du-Rhône, autorité régionale de l’État chargée de la sécurité publique, a déclenché le niveau 2 d'alerte à la pollution le 13 juin, soit le niveau le plus élevé possible, alors que les moniteurs d'air enregistraient des concentrations de particules fines, d'ozone et de particules supplémentaires de poussière du désert en provenance d'Afrique du Nord.

A screenshot of Open Air's pollution report in southern France.

Capture d'écran de la carte de pollution dans les Bouches du Rhône, département où se trouve Marseille. La carte montre qu'une partie du sud de la France est confrontée à une mauvaise qualité de l'air.

Ville vieille de 2 millénaires, Marseille connaît bien la poussière saharienne. Plusieurs fois par an, les vents chauds transportent de fines particules du désert vers le nord de la Méditerranée, recouvrant la ville d'une brume orange et contribuant à des pics temporaires de pollution, surtout lorsque combinés à la chaleur, à la lumière du soleil et à l'air stagnant — conditions parfaites pour la formation d'ozone. Ce qui rend cet épisode différent, c'est l'addition de la fumée des feux de forêt au Canada, rajoutant une couche de pollution supplémentaire par dessus la précédente.

A screenshot of a video depicting the pollution levels in Marseille on June 12, 2025.

Capture d'écran d'une vidéo montrant le niveau de pollution à Marseille le 12 juin 2025. Capture d'écran de YouTube.

AtmoSud, l'observatoire régional de la qualité de l'air a signalé que pendant quatre jours consécutifs, le niveau de pollution à Marseille avait dépassé les normes officielles de sécurité sanitaire, en matière d'Ozone — utile à haute altitude, mais nuisible prés du sol — ajoutant des risques pour la santé, aggravant les problèmes respiratoires. L'exposition à ces niveaux élevés de particules fines  (PM2.5 et PM10) et à l'ozone peut aggraver l'asthme, déclencher des infections respiratoires, mettre à rude épreuve le système cardiovasculaire, particulièrement chez les enfants, les personnes âgées, ainsi que ceux ayant des problèmes de santé existants, et augmenter le risque de saturation des hôpitaux.

En raison de l'aggravation de cette exposition prolongée, les autorités locales ont imposé des restrictions de circulation à l'intérieur de la zone à faibles émissions (ZFE) de Marseille, limitant la circulation aux véhicules les moins polluants. Les limitations de vitesse ont été réduites de 20km par heure sur les grands axes routiers en raison d'une faible visibilité, et les activités physiques de plein air ont été officiellement déconseillées.

Avec l'augmentation des températures mondiales, ces événements qui se chevauchent transforment la pollution atmosphérique locale en menace transcontinentale. Pour des villes côtières comme Marseille, déjà exposées aux vagues de chaleur, à la sécheresse et à l'élévation du niveau de la mer, les catastrophes, même lointaines, sont désormais transportées directement dans l'air que les gens respirent.

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Au Togo, restriction de l'internet durant les manifestations des 26, 27, et 28 juinhttps://fr.globalvoices.org/?p=296353http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250704_174420_Au_Togo__restriction_de_l_internet_durant_les_manifestations_des_26__27__et_28_juinFri, 04 Jul 2025 15:44:20 +0000La cour de la CEDEAO a condamné le Togo pour des cas de coupure en août 2017

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d'écran la chaîne YouTube de Lomé News

En Afrique, les périodes de troubles et manifestations sont souvent marquées par des restrictions ou des coupures d'internet, comme vient d'en faire l'expérience, le Togo, au mois de juin.

A l'annonce de la promulgation de la nouvelle constitution de la 5è République, le 6 mai 2024, et suite à la prestation de serment de Faure Gnassingbé pour le poste de Président du Conseil le 3 mai 2025, l'indignation des Togolais monte d'un cran. En effet, sur le plan politique, la famille Gnassingbé règne sur le pays depuis près de 60 ans.

Lire : Togo: arrestation d'un chanteur qui dénonce la mal gouvernance

Dans ce contexte, l'internet est l'élément fondamental dans la mobilisation de la population togolaise qui prend forme juin 2025.

Sur le réseau TikTok, des milliers de Togolais mènent des discussions et débats, partagent leurs opinions, partagent des vidéos lives dans le but d'affiner leurs plans pour mener la lutte afin de contraindre Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, à libérer le pays. Comme l'explique Zaga Bambo, artiste et militant togolais dans cette vidéo publié sur le compte X de LSI Africa :

Facebook est le théâtre de messages et d'appels à la prise de conscience de la crise qui paralyse le pays. La population décide ainsi collectivement de manifester son mécontentement dans la rue durant le mois de juin 2025, bien que les manifestations ne soient pas autorisées par le gouvernement.

Ainsi, dans la nuit du 5 juin et la journée du 6 juin 2025, les Togolais défilent dans les rues, principalement à Lomé. Bien que cette première manifestation se soit soldée par plusieurs arrestations, de nouvelles manifestations se tiennent les 26, 27, et 28 juin 2025 et rassemblent encore plus de personnes. Au final, le bilan est d'au moins sept morts et des dizaines de blessés.

Connexion au compte-goutte

Alors que la force mobilisatrice de l'internet semble porter ses fruits, les autorités décident de réduire et restreindre considérablement le débit de la connexion internet. Les différents réseaux sociaux fonctionnent avec difficulté, réduisant de facto les communications entre Togolais de la diaspora et ceux vivant au pays.

Au soir du 28 juin 2025, le Chapitre Togolais d'Internet Society publie un communiqué qui rapporte les perturbations de l'internet durant tout le mois de juin. La représentation togolaise d'Internet Society indique :

Entre le 25 et le 27 juin 2025, un total de 15 430 mesures techniques ont été réalisées à travers différents réseaux d’accès fixes et mobiles opérant sur le territoire national. Ces mesures, conduites avec rigueur et selon une méthodologie standardisée, ont mis en évidence un ensemble de dysfonctionnements importants :

  • 1072 anomalies techniques détectées, soit un taux d’irrégularité de 6,9 % sur l’échantillon observé ;
  • Une progression rapide et préoccupante des incidents critiques, passant de 76 anomalies le 25 juin à 360 le 27 juin, soit une multiplication par près de cinq en 72 heures ;
  • Une hausse des échecs de connexion (281 sur la période), dont 127 sur la seule journée du 27 juin;
  • Des temps de réponse DNS médians de 144 ms, avec des pointes mesurées à plus de 180 ms ;
  • Une latence réseau moyenne de 118 ms, atteignant jusqu’à 200 ms dans certains créneaux horaires ;
  • Des indices élevés d’interruption prématurée de sessions TCP, notamment dans les phases de synchronisation ou d’accusé de réception, pouvant correspondre à des blocages techniques intentionnels.

En dehors de ces anomalies soulevées à travers des études, l'organisation précise qu'elle est en contact avec des citoyens qui alertent sur l'inaccessibilité aux plateformes d'information internationales. Internet Society souligne :

Parallèlement à ces constats techniques, plusieurs dizaines de citoyens ont signalé à notre organisation des interruptions d’accès à certaines plateformes d’information internationales, des ralentissements sévères sur les services courants (mails, plateformes éducatives, applications professionnelles), ainsi qu’une instabilité inhabituelle de la connexion, notamment via les réseaux mobiles.

Ces incidents notés par l'organisation démontrent la volonté manifeste des autorités togolaises d'étouffer la liberté d'expression et de priver la population d'un accès à l'internet.

L'accès difficile à internet durant le mois de juin attire également l'attention des chercheurs de l’Université Georgia Tech aux États-Unis. Selon un article du média Togo Scoop, les chercheurs indiquent qu'il s'agit bien de restrictions sophistiquées :

Il s’agit de restrictions d’accès à Internet d’une nature particulièrement « sophistiquée », qui ne relèvent pas d’une interruption complète du service, mais d’une forme évoluée de limitation ciblée. Ces restrictions prennent la forme de censures applicatives, affectant sélectivement certaines plateformes comme YouTube, de ralentissements intentionnels du trafic (throttling) réduisant significativement la qualité de l’accès, ainsi que de blocages spécifiques par filtrage DNS ou IP.

Quelles conséquences sur l'ensemble du pays?

Au Togo, l'internet sert aujourd'hui d'outils de travail pour des milliers de professionnels qui sont soumis à d'énormes pertes durant les restrictions et les coupure d'internet.

En 2017, au lendemain des soulèvements populaires déclenchés en août par Tikpi Atchadam, membre de l'opposition et président du Parti national panafricain (PNP), la population togolaise vit une situation similaire. A deux reprises l'internet est coupé : du 5 au 10, puis du 19 au 21 septembre 2017.

Des organisations de la société civile togolaise soutenue par des organisations internationales dont Amnesty International Togo ont porté plainte devant la cour de justice de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en décembre 2018. En juin 2020, la CEDEAO tranche l'affaire en faveur des plaignants et condamne le gouvernement togolais à verser 2 000 000 de FCFA (3 583 dollars américains) à chaque plaignant. Ce cas de figure du Togo, une première dans l'espace CEDEAO sert aujourd'hui de jurisprudence auprès de ladite cour et des cours nationales.

A cette époque, Bonaventure Mawuvi N’Coué, acteur de la société civile et membre de l’Institut des médias pour la démocratie et les droits de l’homme (IM2DH) déclare à l'agence EcoFin:

Cette coupure a empêché la société civile de s’organiser pour les manifestations, de s’exprimer et d’informer sur la mobilisation, ainsi que de documenter et informer les personnes au Togo et au-delà, concernant les violations des droits humains et la répression par les forces de sécurité. A cela se sont ajoutées l’impossibilité pour tout individu de communiquer pendant ces jours et des conséquences économiques néfastes pour le pays.

Pour Amnesty International Togo, le message était clair:

 …les coupures volontaires d’Internet violent la liberté d’expression

Alors que les Togolais revivent les mêmes frustrations liées aux violations de leur droit à l’internet, les autorités semblent déterminées à maintenir leur contrôle absolu de l'accès à l'internet. Toutefois, certains Togolais ont recours à de nombreux réseaux privés virtuels – Virtual private network (VPN) – pour pouvoir accéder aux sites d'informations et à certains réseaux sociaux.

Lire notre cahier spécial : 

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“Le corps comme support à la mise en scène des relations humaines”: une approche littéraire pour l'écrivain togolais Sami Tchakhttps://fr.globalvoices.org/?p=296358http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250630_060536____Le_corps_comme_support_a_la_mise_en_scene_des_relations_humaines_____une_approche_litteraire_pour_l_ecrivain_togolais_Sami_TchakMon, 30 Jun 2025 04:05:36 +0000Voyager pour le travail, cela n'est pas une vie de voyageur.

Initialement publié le Global Voices en Français

Sami Tchak, capture d'écran de la chaîne YouTube de 7 jours.

Les littératures francophones d'Afrique font face à un double défi: en Afrique le coût prohibitif des livres importés fait souvent de l'accès aux textes un privilège économique. L'édition sur le continent rencontre aussi de nombreux défis: frais de publication, systèmes de distribution, fragmentation linguistique.

Dans les pays francophones d'Europe, la reconnaissance des ces littératures pourtant en pleine effervescence et qui remontent au 19e siècle, est relativement récente car elles ont longtemps été subordonnées aux textes écrits par les Européens dans une perspective héritée de la colonisation. Les premiers pionniers comme Léopold Sedar Senghor ont établi sa place en Europe et dans le monde dans les années 60, et depuis sont relayés par des auteurs comme le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr dont le prix Goncourt 2021 a rappelé la vitalité et la richesse des littératures africaines francophones.

Grâce à certains événements, les littératures francophones africaines deviennent plus visibles et accessibles en France: le Salon du livre africain de Paris, ou le tout récent festival Rive Noire Littérature, décrit dans cette vidéo sur TV5 Monde:

Mais la fin du Prix Orange du Livre en Afrique, débuté en 2019, et chargé de promouvoir écrivains et éditeurs basés en Afrique, a choqué de nombreux écrivains à l'annonce de la nouvelle fin 2024, et démontre la fragilité de telles structures.

Global Voices a interviewé par e-mail l'auteur togolais Sami Tchak, par ailleurs invité d'un autre festival littéraire, celui de Saint-Malo appelé Étonnants-Voyageurs pour savoir comment il définit et construit son écriture francophone.

Sami Tchak, de son vrai nom Sadamba Tcha-Koura, est né au Togo en 1960. Il devient instituteur, puis fait des études de philosophie et de sociologie au Togo et en France. En 2001 il publie un roman iconoclaste, Place des fêtes, qui le fait remarquer dans le paysage littéraire francophone, notamment pour son traitement des questions de sexualité. Il voyage ensuite en Amérique latine, un continent qui inspire certains de ses romans. Parmi ses nombreuses œuvres, on peut citer: Al Capone le Malien, La couleur de l’écrivain, Les Fables du Moineau, et un récit écrit à quatre mains avec Annie Ferret, Profaner Ananda.
Global Voices (GV): Votre chemin de vie est-il celui d’un exilé? D’un voyageur transcontinental ? D’un esprit curieux qui refuse le regard vertical et cherche l’horizontalité? 
Sami Tchak (SM): Ma situation ne répond à aucune des situations qui sont suggérées dans vos questions. Je ne suis pas un exilé, je suis arrivé en France avec une bourse d'études que mon pays m'a octroyée, j'ai choisi de faire ma vie en France après mes études, je retourne dans mon pays autant de fois que je peux et veux chaque année, je fais partie là-bas des écrivains dont le nom est associé, par une partie des Togolais, à l'idée de fierté nationale. Je suis donc, pas un exilé, mais un homme vivant librement hors de son pays. Ce n'est pas la même chose. Et je ne me définis pas comme un voyageur, je suis juste, comme beaucoup d'autres femmes et hommes du monde littéraire, un écrivain ayant la chance de participer en tant qu'invité à des colloques. Je n'ai pas les moyens de mener une vie de voyageur, je ne voyage que quand je suis invité et pris en charge, et partout où je me rends, j'ai à peine la possibilité de découvrir autre chose que les espaces où se déroulent les activités littéraires. Voyager pour le travail, cela n'est pas une vie de voyageur.
Je suis un homme curieux, comme beaucoup de personnes sur la terre, et aussi parce qu'écrire exige de nous une attention particulière au monde, un appétit d'apprendre, de découvrir, d'enrichir son imaginaire. Mais cette curiosité n'est sur aucun plan au service d'une recherche de l'horizontalité contre la verticalité. Dans tous les livres où je parle de la verticalité, je le fais comme un constat et tente de comprendre ce qu'elle implique dans nos vies et surtout dans nos modes de pensée.
GV: Votre exploration du corps, de la sexualité ont permis d’explorer l'expérience africaine autrement. En quoi ce passage par le corps est révélateur et essentiel? 
ST: Je ne sais pas ce que signifie l'expérience africaine, et je ne crois pas qu'il existe sur la terre quelqu'un qui pourrait nous dire ce que signifierait l'expérience africaine. Sur quel plan? Historique? Religieux? Politique? Expérience africaine me semble une essentialisation abusive, que je mets en scène dans mon roman Le continent du Tout et du presque Rien, cette essentialisation qui permet de ramener la complexité d'un continent et la diversité de ses peuples, cultures, expériences, à un élément général à partir des destins similaires créés par la colonisation.
Aussi, le corps est un élément essentiel dans toute littérature, mais ce qui est important, je pense, c'est la manière dont chaque écrivain le met en scène, l'explore. Le corps chez moi, la sexualité surtout, sert de support à la mise en scène des relations humaines et à la tentative de donner chair à des réflexions philosophiques, à une vision du monde. Cela renvoie à une démarche personnelle que les autres peuvent interpréter librement, comme le font les personnes qui me consacrent des thèses
GV: Une littérature peut-elle se définir par sa langue? Par sa géographie? Êtes-vous un auteur francophone? Togolais? D’Afrique francophone? Sans frontières?
ST: J'ai consacré un livre à ces questions, “La couleur de l'écrivain”. Je pense que notre situation particulière d'écrivains issus de peuples colonisés et écrivant dans la langue du colonisateur explique ce genre de questions qu'on pose depuis un siècle. Je suis un Togolais vivant en France, j'écris en français. Je ne me définis ni comme un auteur francophone, ni comme un auteur sans frontières, mais comme un écrivain togolais écrivant en français.
Une fois que j'ai dit ça, je n'ai pas contribué à mettre fin à ces questions récurrentes qui n'ont strictement rien à voir avec la littérature, ni avec ma démarche d'écrivain, je le sais, mais, je pense qu'il est plus utile de lire les écrivains quand cela est possible et de les interroger à partir de leurs livres. Les questions assez générales ne permettent pas de parler de littérature ni de faire connaître un écrivain en particulier.
GV: Qui sont les auteurs et autrices d'Afrique francophone qui d'après vous ont le plus contribué ou contribuent aujourd’hui à la visibilité et à l'originalité des littératures d'Afrique francophone?
ST: Les spécialistes de la littérature pourraient répondre avec intelligence à cette question. Quant à moi, je sais que la visibilité de certains écrivains africains, écrivant en français, en anglais, en portugais…, dépend des instances de légitimation européennes et américaines.

Dans cette vidéo sur YouTube, Tchak explique les liens qu'il entretient avec ses éditeurs:

Lire aussi: Pour une critique littéraire africaine: Interview avec le créateur de Chroniques littéraires africaines. 

 

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L'entrepreneur togolais et panafricain Gervais Koffi Djondo: un modèle pour l'intégration économique en Afriquehttps://fr.globalvoices.org/?p=296169http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250626_115634_L_entrepreneur_togolais_et_panafricain_Gervais_Koffi_Djondo__un_modele_pour_l_integration_economique_en_AfriqueThu, 26 Jun 2025 09:56:34 +0000Un Togolais crée une banque et une compagnie aérienne panafricaines

Initialement publié le Global Voices en Français

Gervais Koffi Djondo, capture d'écran de la chaîne YouTube au nom de Gervais Koffi Djondo

L'intégration économique en Afrique est un sujet courant au programme de conférences et ateliers, mais il existe un gouffre entres ces discussions et la pratique. Pourtant, certains entrepreneurs démontrent que cela est possible et profitable. C'est le cas du Togolais Gervais Koffi Djondo qui a fait de l'intégration africaine sa mission.

Cette thématique est aussi l'un des principaux objectifs de l'Union Africaine (UA), annoncé dès sa création le 9 juillet 2002 et ainsi défini:

…accélérer l’intégration politique et socio-économique du continent ;

…promouvoir le développement durable aux plans économique, social et culturel, ainsi que l’intégration des économies africaines ;

Mais cette intégration africaine reste, en 2025, plus un mythe qu'une réalité. En dépit de nombreuses politiques d'intégration, les Africains vivent rarement dans le cadre d'une intégration régionale. Pourtant, des exceptions viennent contredire ce constat. C'est le cas du Togolais Gervais Koffi Djondo, qui à travers son audace a offert au continent africain deux institutions panafricaines durables.

Une vision panafricaine de l‘entrepreneuriat

En Afrique, le système bancaire est gouverné par des institutions financières détenues ou dirigées par des occidentaux, des années 60 au milieu des années 80. Mais en 1985, la donne change quand Gervais Koffi Djondo, entrepreneur togolais à la pensée panafricaine co-fonde avec Adeyemi Lawson, à cette époque, homme d'affaire et président de la Chambre de commerce et d’industrie du Nigeria, Ecobank, une institution financière présente aujourd'hui dans plus de 30 pays sur le continent.

Loin de satisfaire des besoins financiers propre aux Togolais, l'entrepreneur pense large, et à l'avenir de tout un continent en terme de couverture financière. Djondo se souvient de ses débuts difficiles :

« Toutes ont décliné notre offre. Nous nous sommes alors tournés vers Citibank, qui nous a proposé une équipe, et en moins d’un an, en 1985, nous avons monté la banque. Nous avons installé le siège à Lomé, non pas parce que je suis Togolais, mais parce que le Togo est le seul pays qui ait accepté de nous accorder un statut fiscal de société offshore. »

Cette prouesse continentale donne des ailes à Gervais Koffi Djondo: après Ecobank, il se lance dans la mise en place d'une compagnie aérienne, après la faillite en août 2001 d’Air Afrique. Cette ancienne compagnie aérienne ne fonctionnait que dans l'espace africain francophone, et était largement contrôlée par la France.

Sur sollicitation de présidents africains, d'hommes politiques et diverses personnalités influentes du continent, Djondo entame alors un projet qui finit par voir le jour le 15 janvier 2010, date de lancement de la compagnie Asky Airlines.

Interviewé par le média Agence Ecofin en juillet 2019 après la sortie de son livre « L’Afrique d’abord », Djondo déclare :

Il nous appartient de faire avancer les choses. Je pense en premier lieu à l'intégration africaine. C'est pour cela qu'Ecobank est une banque panafricaine et qu'Asky est une compagnie aérienne panafricaine. Tant que l'Afrique ne comprendra pas l'importance de son union, elle ne fera que reproduire le schéma colonial des États dont les économies sont peu développées et qui se contentent de faibles échanges commerciaux entre eux.

Djondo se rappelle des moments cruciaux de la mise en place de ses deux joyaux. Au média Agence Ecofin, il indique :

C’était après la rencontre des présidents Laurent Gbagbo et Abdoulaye Wade avec le PDG d’Air France au siège de la compagnie. Charles Konan Banny avait été chargé de suivre le dossier de la compagnie par les deux présidents. (…) Je me suis plongé dans les détails et j’ai vu qu’ils voulaient refaire Air Afrique, c’est-à-dire une compagnie francophone. J’ai décidé de tout revoir et d’élargir le projet aux anglophones », explique le fondateur d’Ecobank.

Un modèle pour la jeunesse

De jeunes entrepreneurs trouvent aujourd'hui en la personne de Gervais Koffi Djondo, une boussole entrepreneuriale. Sa volonté de contribuer au développement économique du continent et sa vision d'une Afrique intégrée font de lui un modèle hors norme pour toute une génération, comme l'explique cette vidéo de Afrik'Expert lors de la présentation de son livre:

Adamas Koudou, jeune entrepreneur togolais et co-fondateur de la marque Natuthé Kinkéliba partage avec Global Voices son admiration pour Djondo :

Gervais Koffi Djondo est une figure emblématique dont l'impact sur le monde entrepreneurial africain et l'intégration du continent est indéniable.

Cofondateur d'Ecobank et d'Asky Airlines, il a démontré une vision audacieuse en créant des institutions panafricaines majeures qui ont, non seulement stimulé le commerce et l'investissement à travers l'Afrique, mais ont aussi concrètement fait progresser l'intégration régionale.

Son œuvre témoigne d'un engagement profond envers le développement économique endogène et l'unité africaine.

Sur X, Mustapha Njie – TAF, entrepreneur et philanthrope gambien témoigne de la vision de Djondo pour l'Afrique:

(…)Grâce à la vision et au travail acharné de M. Djondo, Ecobank est devenue l'une des plus grandes banques d'Afrique, avec une présence panafricaine. Cela a également permis à #Ecobank et à Asky d'établir leurs sièges sociaux à Lomé, apportant d'énormes avantages socio-économiques au Togo. Cela témoigne de l'importance du soutien aux entrepreneurs locaux en Afrique.

M. Djondo aura 90 ans l’année prochaine et ses contributions au paysage commercial africain doivent être célébrées au plus haut niveau.

En tant que jeunes #African #entrepreneurs et leaders, imitons le leadership et aspirons à l'excellence, comme M. Djondo. Son histoire de réussite est une source d'inspiration pour nous tous, en Afrique de l'Ouest et au-delà.

pic.twitter.com/FTJ2JV65ts

— Mustapha Njie – TAF (@TafNjie) August 10, 2023

Intégration continentale, otage de la souveraineté nationale

La principale entrave à l’intégration économique de l'Afrique est l'argument de la souveraineté nationale. Au nom d'une politique protectionniste de l'économie nationale, chaque pays établit des règles qui ne favorisent pas la libre circulation des personnes, des biens et des services, mais au contraire, encouragent l'installation de barrières douanières. Cet état de fait est également un blocage qui limite la mise en place et l'application d'une autorité régionale et continentale nécessaire à l'intégration, contraignant ainsi les populations des autres pays à payer de lourd tribu avant  d'accéder à leur territoire.

Il existe tout de même des organisations régionales comme la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC), et le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA). Toutefois des différends frontaliers et des tensions politiques divisent certains pays et freiner toute velléité d’intégration du marché. Alors que les projections économiques sur le développement de l'Afrique indiquent un fort potentiel de croissance. 

Lire notre cahier spécial : 

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Venezuela : le régime bat campagne pour dissimuler ses violations des droits humainshttps://fr.globalvoices.org/?p=295791http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250625_173310_Venezuela___le_regime_bat_campagne_pour_dissimuler_ses_violations_des_droits_humainsWed, 25 Jun 2025 15:33:10 +0000Une façade émotionnelle qui masque la répression de la dissidence

Initialement publié le Global Voices en Français

The collage image shows the President of Venezuela, Nicolás Maduro, with his arms open in a celebratory gesture over the Venezuelan flag.

Image de Global Voices via Canva Pro. Nicolás Maduro, 4 juillet 2024, Photo : @maduro via Fotos Públicas. Domaine public.

Cet article fait partie de Undertones, le bulletin d'information de  l'Observatoire des médias civiques de Global Voices. S'abonner à Undertones.

Le 25 mai 2025, le Venezuela a organisé des élections régionales et parlementaires dans un effort du gouvernement pour démontrer que le pays organise toujours des élections libres et équitables après la réélection contestée du président Nicolás Maduro en juillet 2024 et malgré des preuves crédibles du contraire.

La majeure partie de l'opposition vénézuélienne a appelé au boycott des élections régionales et parlementaires de 2025, confrontée au dilemme suivant : participer et risquer de gagner sans aucune garantie que le résultat soit reconnu, ou s'abstenir et confier de fait tous les pouvoirs au gouvernement de Nicolás Maduro. 

En amont des élections, le régime vénézuélien a lancé une nouvelle vague de disparitions forcées et de détentions de dissidents. Le ministre de l'Intérieur Diosdado Cabello a ainsi célébré le 23 mai 2025 la capture d'un leader notable de l'opposition, Juan Pablo Guanipa, qui vivait dans la clandestinité depuis juillet 2024 et était considéré comme un « terroriste » par le gouvernement vénézuélien. Le même jour, Cabello a annoncé l'arrestation de 70 politiciens, activistes, journalistes et avocats pour des raisons de « sécurité nationale ».

Parallèlement à la répression de la dissidence, le gouvernement a annoncé, onze jours avant les élections, le retour de Maikelys Antonella Espinoza Bernal, une enfant de deux ans séparée de sa famille par le gouvernement américain, dans le but d'humaniser les dirigeants du régime et dans le cadre de ce qu'il appelle les efforts pour « la protection et le retour en toute sécurité des migrants » expulsés par les États-Unis.

Récit : Le président Maduro est le sauveur des migrants vénézuéliens

Les personnes qui affirment ce cadre narratif, principalement le régime vénézuélien et ses partisans, mais aussi des familles désespérées, présentent Nicolás Maduro comme le seul à pouvoir garantir la sécurité des migrants vénézuéliens visés par les politiques anti-migratoires de pays tels que les États-Unis.

Selon ce raisonnement, Maduro est dépeint comme celui qui rend possible la réunification des familles séparées par les politiques anti-migratoires en dehors du Venezuela.

Le climat hostile aux migrants aux États-Unis, où le gouvernement a envoyé plus de 200 migrants vénézuéliens dans une méga-prison salvadorienne sans procédure régulière –  dont au moins 50 hommes qui étaient entrés légalement aux États-Unis et n'avaient jamais violé aucune loi sur l'immigration - et en a expulsé des milliers vers le Venezuela, est devenu une opportunité de gain politique pour le régime vénézuélien.

La répression de l'administration Trump en matière de migration a également touché environ 350 000 Vénézuéliens bénéficiant d'un statut de protection temporaire, qui cherchent maintenant désespérément une alternative après que la Cour suprême des États-Unis a autorisé la révocation du programme.

Le régime vénézuélien partage ce cadre narratif, sans tenir compte du fait que, selon le UNHCR, près de 8 millions de Vénézuéliens ont fui le pays en raison de la violence généralisée, de l'hyperinflation, de la guerre des gangs, de la montée en flèche des taux de criminalité et des graves pénuries de nourriture, de médicaments et de services essentiels.

L'effondrement de l'économie vénézuélienne est lié à « des décennies de politiques économiques désastreuses — et plus récemment, aux sanctions économiques » et à la crise des droits humains largement documentée par des organisations telles que Human Rights Watch et Amnesty International.

Espinoza Bernal, aujourd'hui considérée comme le visage de la réussite du régime, a été séparée de sa famille à son arrivée aux États-Unis en 2024. Elle est restée sous la garde du gouvernement après que ses parents ont été expulsés en raison de liens présumés avec le gang vénézuélien Tren de Aragua, selon les autorités américaines.

Yorely Bernal, la mère d'Espinoza Bernal, a été expulsée vers le Venezuela le 25 avril 2025. Le père d'Espinoza Bernal a également été expulsé à peu près à la même date – il est l'un des hommes envoyés à la prison du Salvador.

Comment ce récit est partagé en ligne

ITEM 1

Cette vidéo TikTok du compte officiel du président vénézuélien Nicolás Maduro montre la première dame Cilia Flores et le ministre de l'Intérieur Diosdado Cabello escortant Maikelys Espinoza Bernal jusqu'au palais présidentiel de Miraflores, où elle est réunie avec sa mère.

Dans la vidéo TikTok, Cabello apparaît portant une petite boîte rose (vraisemblablement un jouet de l'enfant) et semble sincèrement ému par la rencontre entre la mère et l'enfant, présentant un visage humain rarement associé à son image.

Cabello est considéré comme l'un des hommes les plus puissants du régime vénézuélien et a été le visage de tristement célèbres campagnes de terreur contre les dissidents, y compris l'opération TunTun, une initiative visant à réprimer toute forme de mécontentement après l'élection présidentielle contestée de 2024 , au cours de laquelle Nicolás Maduro a été réélu selon l'autorité électorale sous son contrôle.

Le post a reçu 366,4k mentions J'aime, 30,6k commentaires, 18,3k signets et 28,9k republications. Il a été classé -1 dans notre score d'impact civique car il propose un document de propagande produit par le régime vénézuélien qui présente de manière trompeuse ses dirigeants comme des défenseurs des droits fondamentaux de la population.

Voir l'analyse complète de l'article ici

ITEM 2

Intégrant un clip vidéo d'un avion de ligne en train d'atterrir, cet article de Vanessa Ortiz affirme que le rapatriement des migrants au Venezuela prouve que Nicolas Maduro n'est pas un dictateur, mais plutôt que le président salvadorien Nayib Bukele en est un.

L'auteur affirme que « le dictateur n'est pas au Venezuela ; le dictateur est au Salvador », ce qui implique que le rapatriement des migrants vénézuéliens absout Nicolas Maduro de sa part de responsabilité dans la création des conditions qui ont forcé près de 8 millions de personnes à émigrer du Venezuela.

L'article fait référence au rapatriement de 313 migrants vénézuéliens expulsés des États-Unis le 3 avril 2025. Le 21 avril 2025, le gouvernement vénézuélien a accusé le président salvadorien Nayib Bukele de trafic d'êtres humains, en réponse à l'offre de ce dernier d'échanger un nombre égal de prisonniers politiques vénézuéliens avec des déportés vénézuéliens au Salvador.

L'article fait référence au rapatriement de 313 migrants vénézuéliens expulsés des États-Unis le 3 avril 2025. Le 21 avril 2025, le gouvernement vénézuélien a accusé le président salvadorien Nayib Bukele de trafic d'êtres humains, en réponse à l'offre de ce dernier d'échanger un nombre égal de prisonniers politiques vénézuéliens avec des déportés vénézuéliens au Salvador.

Bukele a montré des tendances autoritaires évidentes, avec des détentions arbitraires, des privations illégales de liberté et de garanties judiciaires , et des mesures de répression contre les organisations de défense des droits humains. Il a été accusé d'être un dictateur à d'autres moments, un titre qu'il a assumé avec ironie et fierté en 2021, se qualifiant de « dictateur le plus cool du monde ».

L'article a reçu 49 citations, 833 commentaires, 1 000 rediffusions, 2,4 000 mentions J'aime et 33 signets. Il a été classé -2 dans notre score d'impact civique car il s'agit d'une tentative à peine voilée et polarisante de normaliser l'autoritarisme de longue date du régime de Maduro face à l'autoritarisme croissant du régime de Bukele.

Lire ici l'analyse complète de l'article

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Journée mondiale de l'environnement : en Jamaïque, la lutte contre les déchets plastiques se poursuithttps://fr.globalvoices.org/?p=296086http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250625_170041_Journee_mondiale_de_l_environnement___en_Jamaique__la_lutte_contre_les_dechets_plastiques_se_poursuitWed, 25 Jun 2025 15:00:41 +0000L’an dernier, plus de 7 000 bénévoles ont ramassé, en une seule journée, sur près de 153 kilomètres du littoral jamaïcain, plus de 43 000 kilos de déchets.

Initialement publié le Global Voices en Français

Plastic garbage at Kingston Harbour, Jamaica. Photo by Emma Lewis, used with permission.

Déchets plastiques, port de Kingston, Jamaïque. Photo d'Emma Lewis, utilisée avec autorisation.

Cette année, le thème de la Journée mondiale de l’environnement, créée par les Nations Unies, est intitulé « Combattre la pollution plastique ». Si ce slogan semble familier, c’est parce que le problème des déchets  plastiques persiste, que ce soit sur terre, dans les rivières et cours d’eau, ou dans l’océan. En Jamaïque, des opérations de nettoyage auront lieu ; par exemple, Jamaica Public Service (JPS), qui sur l’île détient le monopole en matière d’énergie, sera chargé de nettoyer une partie de la plage de Palisadoes et des mangroves sur lesquelles veille la Fondation JPS dans le cadre d’un programme de parrainage.

Depuis des années, Palisadoes, une bande de terre sableuse (tombolo) vulnérable reliant Kingston, Port Royal et l’aéroport international de la Jamaïque, fait l’objet d’innombrables nettoyages en raison de la pollution provoquée par le port de Kingston, et, à une moindre échelle, par l’océan. Palisadoes est classée zone humide d’importance internationale (RAMSAR), mais, de manière controversée, est aussi le site de la destruction de son milieu naturel. Les agences gouvernementales de la Jamaïque exploitent la zone protégée comme « lieu de récréation » qui, à ce titre, continue de souffrir ; les déchets solides et autres types de pollution continuent de compromettre un projet, lancé il y a dix ans, de plantation de mangroves qui pour leur conservation sont désormais clôturées.

Lors d’une conversation avec Global Voices via WhatsApp, Theresa Rodriguez-Moodie, directrice générale de  Jamaica Environment Trust (JET), souligne que les matières plastiques ont un impact sur tous les aspects de notre vie :

This year’s theme, ‘Ending Plastic Pollution,’ is a powerful and urgent reminder that protecting the environment isn’t an abstract idea – it’s about real issues, like how plastic waste is choking our rivers, damaging our coastlines, harming wildlife, and even entering our food systems and our bodies.

« Combattre la pollution plastique », le thème de cette année, rappelle avec force et urgence que la protection de la nature n’est pas un concept abstrait ; il s’agit ici de problèmes réels, tels que la manière dont les déchets plastiques étouffent nos rivières, endommagent nos côtes, nuisent à la flore et à la faune, et envahissent même nos systèmes alimentaires et notre organisme.

JET est au cœur des opérations de dépollution. Des centaines d’organisations, d’écoles primaires et groupes communautaires, ainsi que des grandes entreprises et agences gouvernementales, participent à présent à la Journée internationale du nettoyage des côtes, inaugurée par Ocean conservancy en 1986. L’an dernier, plus de 7 000 bénévoles ont ramassé, en une seule journée, sur près de 153 kilomètres du littoral jamaïcain, plus de 43 000 kilos de déchets dont essentiellement (et sans grande surprise) près de 200 000 bouteilles en plastique et plus de 122 000 bouchons en plastique.

Les déchets textiles et le gaspillage lié à la mode, qui représentent une part importante des ordures ménagères, en particulier dans les ménages et sur les marchés urbains, sont une priorité pour 2025. Par ailleurs, de nombreux tissus contiennent une quantité considérable de plastique. Selon ONU-Habitat, 11 % des déchets plastiques générés dans le monde proviendraient des textiles et du secteur de la mode.

Outre l’accomplissement de JET à mobiliser les communautés et la société civile, la Fondation GraceKennedy, une organisation du secteur privé, travaille en partenariat avec Clean Harbours Jamaica et The Ocean Cleanup sur la tâche colossale que représente l’assainissement du port de Kingston. Après de fortes pluies, le port est souvent le théâtre de bouteilles en plastique et autres détritus flottant à la surface de l’eau, provenant de flux d’ordures qui émanent des ravins et caniveaux de la ville.

Ces trois dernières années, Kingston Harbour Cleanup Project (« Projet de nettoyage du port de Kingston ») (KHCP), a installé des barrages flottants et des intercepteurs de déchets, qui capturent les détritus avant qu’ils n’atteignent l’océan, dans 9 des 11 ravins les plus pollués du port. Le barrage flottant mis à flot au plus grand ravin (Sandy Gully) mesure près de 244 mètres de long. KHCP affirme que jusqu’à présent leurs efforts ont empêché environ 3 millions de kilos de déchets de se déverser dans le port. Pour illustrer ce point, dernièrement des personnes se promenant le long du front de mer du centre-ville ont observé de jeunes poissons qui se nourrissaient près de la jetée.

À ce stade, l'importance de l’engagement des bénévoles et de la communauté est primordiale. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire au niveau de la mobilisation du secteur privé, y compris des petites entreprises, le mouvement semble prendre de l’ampleur. Selon Caroline Mahfood, directrice générale de la Fondation GraceKennedy, les répercussions sont de plus en plus visibles.

The Kingston Harbour Cleanup Project is one of the most ambitious environmental initiatives we’ve ever supported, and its impact continues to grow. We’re not only removing waste from the Harbour; we’re building awareness, empowering communities, and inspiring the next generation to become stewards of our marine environment. Tackling plastic pollution takes a collective effort, and we’re proud to be part of a partnership that is truly turning the tide.

Le nettoyage du port de Kingston est l’un des projets les plus ambitieux que nous ayons jamais soutenus, et son impact est de plus en plus évident. Nous ne faisons pas qu’éliminer les déchets du port ; nous sensibilisons, responsabilisons les communautés et encourageons la prochaine génération à devenir les protecteurs de notre milieu marin. Lutter contre la pollution plastique réclame un effort collectif, et nous sommes fiers de faire partie d’un partenariat capable de vraiment changer le cours des choses.

Mais que devient tout le plastique collecté ? Actuellement en pleine expansion, Recycling Partners of Jamaica, un partenariat à but non lucratif entre les secteurs public et privé fondé en 2024, devrait recevoir une aide budgétaire de la part de l’État lors de la prochaine année financière. Gairy Taylor, son directeur général, explique sur WhatsApp que la clé du succès est la persévérance :

This past year, one of the biggest challenges we faced was making recycling more accessible, making sure that every Jamaican, no matter where they are, has a simple and reliable way to dispose of their plastic bottles. We’ve also had to shift behaviours, working to make recycling feel like second nature. That’s taken a lot of ongoing outreach, education, and consistent engagement.

L'an passé, l’un des obstacles majeurs auxquels nous avons été confrontés, était de faciliter l’accès au recyclage et s’assurer que tous les Jamaïcains, où qu’ils se trouvent, disposent d’un moyen simple et fiable pour se débarrasser de leurs bouteilles en plastique. Par ailleurs, nous avons œuvré pour modifier les comportements et faire en sorte que le recyclage devienne une seconde nature. Il a fallu pour cela beaucoup de travail de sensibilisation, d’éducation, et un engagement durable.

Malgré les défis, d’énormes progrès ont été constatés. En Jamaïque, en seulement deux ans, le taux de valorisation des bouteilles en plastique PET est passé de 11 à 40 %, une constatation qui selon Taylor est « le reflet de nos collaborations, des systèmes que nous avons développés, et de l’augmentation de l’engagement du public envers la durabilité ». Jusqu’à présent, plus d’un milliard de bouteilles ont été récupérées, et ce n'est pas fini. Taylor ajoute :

Recycling in Jamaica has huge potential. We want it to become an integral part of everyday life, transitioning from a novelty to a habit. That one bottle you dropped in the recycling bin contributed to the one billion collected over the last six years. Big change comes from small, consistent actions.

En Jamaïque, le recyclage présente un très gros potentiel. Nous voulons qu’il devienne une partie intégrante de la vie quotidienne et une habitude plutôt qu’une nouveauté. La bouteille que vous avez jetée dans le bac de recyclage fait partie de celles collectées ces six dernières années. Des actions modestes et cohérentes peuvent conduire à de grands changements.

Matthew Samuda, ministre de l’Environnement, a récemment informé le Parlement de l'intention du gouvernement jamaïcain d'étendre un projet pilote de tri des déchets au sein des établissements publics, une décision que beaucoup attendent depuis longtemps. L’initiative d’interdiction du plastique, une mesure lancée par Samuda en 2019 et exécutée en plusieurs phases, sera également élargie.

Néanmoins, des entreprises du secteur privé et des citoyens continuent d’adopter des pratiques et des comportements qui sont nuisibles à l’environnement. Par exemple, les passionnés d’ornithologie, randonneurs et touristes, tombent souvent sur des décharges sauvages, dans des endroits difficiles d’accès, notamment dans des mangroves. Une grande partie semble être composée de déchets de construction et de démolition, suggérant que les entreprises du bâtiment choisissent de se débarrasser de leurs détritus là où ça les arrange, au lieu de les transporter à la décharge locale qui implique du temps et de l’argent.

Sur ce point, ainsi que sur d’autres problèmes liés à l’élimination des déchets, la sensibilisation du public a besoin d’être considérablement renforcée, en marge de mesures répressives et de poursuites plus strictes. Lors de sa récente intervention parlementaire, le ministre Samuda a décrit « Nuh Dutty Up Jamaica » (littéralement : « Ne salissez pas la Jamaïque ») menée par JET, comme la campagne de lutte contre les déchets la plus retentissante, visant le changement de comportement, tout en laissant entendre que son administration pourrait trouver des moyens et moyens pour la soutenir et la «redynamiser».

Dans cette optique, le consommateur (le citoyen ordinaire) a un rôle crucial à jouer. Selon Rodriguez-Moodie de JET, « cela dépend de nous » :

Plastic pollution is one of the most visible and urgent environmental issues of our time. On World Environment Day, we’re reminded that the choices we make — what we buy, how we dispose of waste, and what we demand from companies and governments — can either worsen the crisis or help end it. We all have a role to play in building a future free from plastic pollution.

La pollution plastique est l’un des problèmes environnementaux les plus visibles et urgents de notre époque. La Journée mondiale de l’environnement nous rappelle que nos choix (ce que nous achetons, la manière dont nous éliminons les déchets, et ce que nous attendons des entreprises et gouvernements) peuvent soit aggraver la crise ou aider à y mettre fin. Nous avons tous un rôle à jouer dans la construction d’un avenir sans pollution plastique.

Alors que 175 nations peinent à parvenir à un accord concernant un Traité mondial contre la pollution plastique, et devraient reprendre les négociations au mois d’août à Genève, des petits États insulaires comme la Jamaïque n’ont d’autre choix que de continuer à lutter contre les déchets plastiques, sous toutes leurs formes.

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En temps de guerre, cibler les établissements de santé est devenu une stratégie, et non un accidenthttps://fr.globalvoices.org/?p=294731http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250625_162314_En_temps_de_guerre__cibler_les_etablissements_de_sante_est_devenu_une_strategie__et_non_un_accidentWed, 25 Jun 2025 14:23:14 +0000Les attaques délibérées contre les systèmes de santé deviennent une caractéristique de la guerre moderne – et un test pour le droit international.

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d'écran du documentaire Gaza’s Al Shifa hospital revisited (L’hôpital Al Shifa de Gaza revisité), publié sur YouTube par Al Jazeera English. Utilisé avec permission.

Les corps de 15 secouristes palestiniens ont récemment été retrouvés à Gaza, présentant des signes caractéristiques d'exécutions sommaires. Selon les médecins présents sur place, les secouristes avaient des blessures par balles à la tête et les mains liées — des indicateurs troublants d'exécutions extrajudiciaires. Ce massacre s'ajoute à une série d'attaques ciblées contre le personnel médical dans le cadre de la guerre menée par Israël contre Gaza, et constitue un témoignage accablant de son mépris du droit international. Depuis le début du conflit, des milliers de professionnels de la santé ont été tués et des centaines ont été enlevés par Israël, avec des rapports faisant état de tortures. 

Une vidéo trouvée sur le téléphone de l'un des secouristes découverts dans le charnier montre leurs derniers moments et a été présentée au Conseil de sécurité des Nations unies.

Cet incident met en évidence non seulement un schéma de violence contre le personnel de santé et les hôpitaux, mais aussi l'absence quasi totale de responsabilités quant à la conduite d'Israël à Gaza, où la Cour Internationale de Justice (CIJ) a déclaré que des actes de génocide étaient plausibles. Ces attaques systématiques violent les principes fondamentaux du droit humanitaire international et reflètent une atteinte de plus en plus normalisée au droit de la santé en temps de guerre. 

Une tendance mondiale à l'escalade de la violence

Ces dernières années, le ciblage des professionnels de santé, des hôpitaux et des infrastructures sanitaires dans les zones de conflits s'est intensifié de manière alarmante, et plus particulièrement en Asie de l'Ouest et Afrique du Nord. Cette tendance n'a jamais été aussi dévastatrice qu'à Gaza, où la destruction systématique du système de santé par Israël a atteint des niveaux sans précédent. Début 2024, plus de 761 actes de violence contre le système de santé palestinien ont été enregistrés, soit l'équivalent du nombre total d'attaques au Soudan, en Ukraine et en République Démocratique du Congo réunis. 

Le rapport de 2023 de la Coalition pour la sauvegarde de la santé dans les situations de conflit fait état d'une augmentation de 25% des agressions contre les établissements et le personnel de santé dans le monde, ce qui en fait la pire année jamais enregistrée. Il s'agit notamment de bombardements, de pillages et de tueries qui ont paralysé le système de santé et privé les civils de soins essentiels. Le rapport indique que près de la moitié de ces attaques étaient imputables aux forces armées étatiques. Il met en évidence des schémas clairs de violence à l'encontre des structures de santé dans des pays comme le Myanmar, la Somalie, le Soudan, l'Ukraine et, de manière particulièrement marquante, à Gaza.

Le rapport note également que « Les conflits où la violence envers les structures de santé devient un schéma récurrent commencent fréquemment par des niveaux extrêmes de violence contre le système de santé. » En 2023, cette tendance était particulièrement marquée dans des régions comme Manipur (Inde), le Soudan et Gaza.

Guerre d'Israël contre Gaza : la santé en état de siège

Les bombardements et le siège de Gaza par Israël ont non seulement dévasté les habitations et les infrastructures mais aussi démantelé systématiquement le système de santé. Des hôpitaux et des cliniques ont été bombardés, des convois médicaux ont été attaqués et le personnel soignant enlevé et tué. L'hôpital Kamal Adwan, par exemple, a été la cible de frappes aériennes répétées et son directeur, le docteur Hussam Abu Safiya, est toujours détenu par Israël où il  aurait été maltraité. L'hôpital Al Shifa, le plus grand complexe médical à Gaza, a également été attaqué et détruit. Une enquête menée par Forensic Architecture a révélé l'existence de charniers dans l'enceinte de l'hôpital. 

En février 2024, L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a montré que tous les hôpitaux de Gaza avaient été endommagés, détruits ou rendus inopérants en raison de pénuries de carburant et d'attaques. Au 30 novembre 2023, l'OMS avait déjà recensé 427 attaques contre le secteur de la santé à Gaza et en Cisjordanie. Elles avaient fait 566 morts et 758 blessés.

Des dizaines de vidéos filmées par des soldats israéliens détruisant des hôpitaux, des écoles et d'autres infrastructures civiles ont circulé sur Internet. La destruction de l'Hôpital de l'amitié turco-palestinienne en est un exemple récent.

En mars 2025, une enquête des Nations Unies a conclu que la destruction des établissements de santé reproductive par l'armée israélienne à Gaza — ciblant les maternités, les cliniques de fécondation in vitro et restreignant l'accès aux soins essentiels — équivalait à des actes génocidaires. Le rapport explique en détail comment ces attaques délibérées, ainsi que les restrictions imposées sur l'approvisionnement en nourriture et en médicaments, ont partiellement détruit la capacité de reproduction des Palestiniens à Gaza. 

Attaques israéliennes contre les infrastructures de santé au Liban

Les attaques israéliennes contre les systèmes de santé ont dépassé les frontières palestiniennes. Au cours de son offensive au Liban, d'octobre 2023 à octobre 2024, Israël a bombardé 37 établissements de santé et tué 70 professionnels de santé. Au 1er novembre 2024, le bilan s'élevait à 178 professionnels tués et 292 blessés. Au total, 243 ambulances, 84 cliniques et 40 hôpitaux ont été touchés par les attaques israéliennes.

L'OMS a noté que près de la moitié des attaques contre le système de santé au Liban ont été fatales, ce qui en fait le conflit le plus meurtrier pour les professionnels de santé dans le monde en termes de taux de mortalité par incident.

L'ampleur de ces attaques a suscité des réactions juridiques internationales. En décembre 2023, l'Afrique du Sud a saisi la CIJ pour accuser Israël de génocide à Gaza. De nombreux pays du Sud global se sont joints à cette action. En 2024, la Cour pénale internationale (CPI) a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et du ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Malgré ces mesures, Israël n'a fait l'objet d'aucune sanction ou responsabilité significative de la part de ses alliés occidentaux. Cette impunité contraste fortement avec les obligations légales des États en vertu du droit humanitaire international et de la convention sur le génocide.

Une tendance plus large : attaques contre les systèmes de santé au Soudan, en Syrie et au Yémen 

Au Soudan, le conflit en cours a considérablement endommagé les infrastructures de santé. Au cours des 500 premiers jours de la guerre civile, près de la moitié des hôpitaux de Khartoum ont été endommagés, ce qui a eu de graves répercussions sur les soins médicaux. Un rapport fait état de dommages subis par 41 des 87 hôpitaux de Khartoum, ce qui constitue une violation du droit humanitaire international et pousse le système de santé, déjà fragile, au bord de l'effondrement — 70 % des établissements de santé étant hors d'état de fonctionner dans les États touchés.

Une enquête d'UntoldMag a révélé des attaques systématiques contre des hôpitaux à Al Fasher, ciblant des professionnels de la santé et décimant encore plus les infrastructures de santé du Soudan.

Le Soudan a depuis déposé une plainte auprès de la CIJ contre les Émirats arabes unis (EAU), les accusant d'avoir violé la convention sur le génocide en finançant et en armant le groupe rebelle des Forces de soutien rapide (FSR) dans le cadre de la guerre en cours au Soudan. Le Soudan allègue que les Émirats arabes unis ont soutenu les FSR alors que ces derniers commettaient des génocides, des meurtres, des viols et d'autres violations des droits de l'homme.

En Syrie, la guerre qui dure depuis dix ans a également été l'occasion de prendre pour cible les établissements et le personnel de santé, laissant le pays avec un système de santé meurtri et submergé. En 2021, un rapport de l'International Rescue Committee a montré certaines des pertes dévastatrices et des attaques contre le système de santé dans le pays. Parmi les personnes interrogées dans le cadre de ce rapport, 56 % ont déclaré qu'elles auraient peur de vivre à proximité des établissements de santé parce qu'ils sont des cibles.

Au Yémen, le conflit prolongé a donné lieu à de nombreuses attaques contre des établissements de santé par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, aggravant davantage un système de santé déjà fragile. La destruction d'hôpitaux et de cliniques a privé des millions de personnes de l'accès aux services médicaux essentiels, exacerbant la crise humanitaire. Des rapports indiquent que l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont mené plus de 130 attaques contre des hôpitaux et des infrastructures de santé, violant ainsi le droit humanitaire international.

L'effondrement d'un ordre juridique et moral

Cette normalisation croissante des attaques contre les établissements et le personnel de santé reflète une crise dans l'ordre mondial de l'après-Seconde Guerre mondiale, où le droit international, les institutions et les protections font l'objet d'une attaque sans précédent.

Les protections inscrites dans le droit international – en particulier les conventions de Genève – sont régulièrement bafouées, notamment par les États puissants et leurs alliés. Si des mécanismes juridiques tels que la CIJ et la CPI offrent des lueurs d'espoir, ils restent sans effet en l'absence de mécanismes d'application et de volonté politique.

Les affaires de la CPI et de la CIJ, ainsi que les réactions des pays occidentaux, mettent en évidence l'absence de responsabilité des auteurs de ces crimes. En l'absence de sanctions, d'actions en justice et de la fin du bouclier politique pour des pays comme Israël, l'érosion des normes protégeant les civils dans les conflits se poursuivra – et avec elle, l'effondrement des systèmes fragiles censés protéger la vie en temps de guerre.

Le discours émouvant de Tanya Haj-Hassan, médecin en soins intensifs pédiatriques qui a travaillé à Gaza, reflète les dangers de la normalisation des attaques contre les hôpitaux et le personnel médical.

La normalisation des attaques contre les systèmes de santé est une conséquence directe de cette impunité. Elle reflète non seulement l'effondrement de la gouvernance mondiale, mais aussi une redéfinition dangereuse de ce qui est admissible en temps de guerre. Tant que les auteurs de ces attaques ne subiront aucune conséquence, les hôpitaux continueront d'être bombardés, les médecins seront traités comme des combattants et le droit à la santé restera l'une des premières victimes de la guerre.

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Un ingénieur logiciel ghanéen à pied d'œuvre pour améliorer l'éducation financière des femmes africaineshttps://fr.globalvoices.org/?p=295072http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250625_153953_Un_ingenieur_logiciel_ghaneen_a_pied_d___uvre_pour_ameliorer_l_education_financiere_des_femmes_africainesWed, 25 Jun 2025 13:39:53 +0000« L'avenir de la finance est déjà numérique. Si nous ne le comprenons pas, nous risquons d'être laissés pour compte. »

Initialement publié le Global Voices en Français

Photo de Gideon Kombian, fournie et utilisée avec son consentement.

L'université de Harvard prédit que la technologie façonnera l'avenir de la finance, avec des tendances telles que des sociétés sans liquidités, l'essor des cryptomonnaies, l'utilisation généralisée des monnaies numériques, et l'introduction par les gouvernements de la Monnaie numérique de banque centrale (MNBC).

Toutefois, un  rapport sur l'inclusion financière publié par S&P, une entreprise mondiale de notation financière, révèle un problème de taille : 68% des Ghanéens sont financièrement illettrés, ce qui place le Ghana parmi les pays les moins avancés en matière d'éducation financière. Une étude récente souligne également une importante inégalité des genres. Les femmes sont confrontées à de plus grands obstacles en matière d'inclusion financière notamment à cause de revenus inférieurs, d'accès restreint à l'éducation financière et d'un climat de méfiance envers les institutions financières. Au Ghana, les hommes sont généralement plus instruits financièrement que les femmes en raison d'une offre éducative et professionnelle plus large. 

Face à cette situation, Gideon Kombian a cofondé une organisation à but non lucratif dédiée à l'éducation des jeunes femmes ghanéennes en matière de finance et de Bitcoin. Dans une interview accordée à Global Voices, il a parlé de son travail et de la dynamique évolutive de l'adoption des cryptomonnaies en Afrique. 

Zita Zage (ZZ): Pouvez-vous nous parler de vous?

Gideon Kombian (GK): I work as a software engineer with 10 years experience. I’m also the co-founder and Executive Director of Bitfiasi, a non profit organisation that helps young African women gain confidence with money, learn about Bitcoin, and explore digital tools for growth.

I started Bitfiasi because I care about giving people access to knowledge that can truly change their lives. One of the things I’m passionate about is building a Bitcoin circular economy where people don’t just buy Bitcoin, but actually use it in everyday life to earn, save, and spend. It’s a way to strengthen local communities and make financial freedom more real and reachable.

Gideon Kombian (GK): Je travaille comme ingénieur logiciel depuis 10 ans. Je suis également cofondateur et directeur exécutif de Bitfiasi, une organisation à but non lucratif qui aide les jeunes femmes africaines à atteindre l'autonomie financière, à apprendre davantage sur le Bitcoin et à exploiter les outils numériques pour leur développement personnel.

J'ai créé Bitfiasi parce qu'il me tient à cœur de donner aux gens l'accès à des connaissances qui peuvent réellement changer leur vie. L'une des choses qui me passionnent, c'est de construire une économie circulaire basée sur le bitcoin, où les gens ne se contentent pas de l'acheter, mais aussi de l'utiliser dans la vie de tous les jours pour gagner, économiser et dépenser de l'argent. C'est un levier pour renforcer les communautés locales et rendre la liberté financière plus réelle et accessible.

ZZ: Qu'est-ce qui vous a motivé à créer une organisation dédiée à l'éducation des femmes en matière de finance et de bitcoin, et pourquoi cela devrait-il intéresser les gens?

GK: I’m very passionate about money and Bitcoin because I’ve seen how a lack of financial knowledge can hold people back, especially women. In many communities, women are managing households, running small businesses and taking care of families. But no one really teaches them about how money really works or how to grow it.

Bitcoin matters to me because it gives people real control over their money. Most people see it as an investment tool, I see it more as a tool for freedom. It lets you save in a way that isn’t affected by inflation or broken systems. People should care about this because the world is changing really fast. The future of money is already digital, and if we don’t understand it, we risk being left behind.

GK : Je suis très passionné par l'argent et le bitcoin, parce que j'ai vu à quel point le manque de connaissances financières peut freiner les gens, en particulier les femmes. Dans beaucoup de communautés, ce sont les femmes qui tiennent les foyers, gèrent de petits commerces et s'occupent de leurs familles. Pourtant, personne ne leur apprend vraiment comment fonctionne l'argent ni comment le faire fructifier.

Le bitcoin est important à mes yeux parce qu'il permet aux gens d'avoir un véritable contrôle sur leur argent. Beaucoup le considèrent comme un outil d'investissement, moi, je le vois plus comme un outil de liberté. Il offre un mode d'épargne à l'abri de l'inflation et des failles des systèmes traditionnels. Les gens devraient s'y intéresser, car le monde change à une vitesse vertigineuse. L'avenir de la finance est déjà dans le numérique, et si nous refusons de le comprendre, nous risquons d'être laissés pour compte.

ZZ : Quelle est la différence entre l'argent et le bitcoin? Qu'est-ce qui vous pousse à vouloir mettre en place une économie circulaire? 

Gideon Kombian (GK): When you look at our form of money, the Ghanaian cedi, it keeps losing value. Prices go up, but your money doesn’t stretch as far. Not everyone has access to banks, and even though mobile money is popular, there are still people who don’t use it or don’t trust it.

Bitcoin is different. It’s digital money that anyone with a phone can use. It’s not controlled by any government, and it holds its value better over time. But for it to really make sense in our lives, we need to be able to use it, not just save it.

That’s why I’m building a Bitcoin circular economy. It’s about helping people earn Bitcoin, save it, and spend it in their everyday life — like paying for food, transport, or services. It’s a way to build stronger communities with money that works for us.

Gideon Kombian (GK) : Quand on regarde notre monnaie, le cedi ghanéen, elle ne cesse de perdre de sa valeur. Les prix augmentent, mais notre pouvoir d'achat diminue. Tout le monde n'a pas accès aux banques, et bien que l'argent mobile soit populaire, il y a encore des gens qui ne l'utilisent pas ou n'ont pas confiance.

Le bitcoin est différent. Il s'agit d'une monnaie numérique accessible à toute personne possédant un téléphone. Elle n'est soumise à aucun contrôle gouvernemental, et conserve mieux sa valeur dans le temps. Cependant, pour que le bitcoin ait un réel impact dans nos vies, il faut qu'on puisse l'utiliser et non juste l'épargner.

C'est la raison pour laquelle je m'investis dans la création d'une économie circulaire basée sur le bitcoin. L'idée c'est d'aider les gens à gagner, à épargner et à dépenser le bitcoin au quotidien pour acheter de la nourriture, se déplacer ou s'offrir des services. C'est une manière de créer des communautés plus fortes, avec une monnaie qui nous sert vraiment.

ZZ : Comment un ingénieur logiciel comme vous en est-il venu à en savoir autant sur l'argent et le bitcoin? Avez-vous suivi une formation en finance ou eu un mentor?

GK: I didn’t come from a finance background, I studied Computer Science and Statistics and became a software engineer. But in 2018, when I started learning about Bitcoin, I began asking deeper questions about money. Why does it lose value [in some countries]? Why is it so hard for people to save or grow wealth, especially in Africa?

GK : Je n'ai pas de formation en finance à la base. J'ai étudié l'informatique et les statistiques, ce qui m'a conduit à devenir ingénieur logiciel. Mais en 2018 quand j'ai découvert le bitcoin, j'ai commencé à me poser des questions profondes sur la monnaie. Pourquoi perd-elle de la valeur, notamment dans certains pays? Pourquoi est-il si difficile d'épargner ou de faire fructifier son argent, surtout en Afrique?

ZZ: Dans votre quête de réponses, qu'avez-vous découvert sur les difficultés à épargner ou à faire fructifier de l'argent en Afrique?

GK: It’s hard for many Africans to save or grow wealth because incomes are low and unstable. Government policies like high taxes, strict business rules, and rising interest rates make things worse.

Most people also can’t access good investment options, and [Ghana's] financial literacy is still low around 32 percent. So even when people want to do better with money, the system isn’t built to help them.

All of this creates a system where people work hard but struggle to move forward. That’s why we need better tools and better education, so more people can take better control of their finances.

GK : Il est difficile pour certains Africains d'épargner ou de faire fructifier de l'argent parce que les revenus sont faibles et instables. À cela s'ajoutent des politiques gouvernementales comme des impôts élevés, des exigences administratives lourdes pour les entrepreneurs, et la hausse des taux d'intérêt qui rendent les choses difficiles.

Nombreux sont ceux qui n'ont pas accès à de bonnes options d'investissement, le taux d'éducation financière au Ghana reste faible, autour de 32 pour cent.  Donc quand bien même les gens veulent mieux gérer leur argent, le système n'est pas fait pour les aider.

Tout cela crée un environnement où les gens travaillent dur, mais ont du mal à progresser. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de meilleurs outils et d'une meilleure éducation financière, pour que davantage de personnes puissent reprendre le contrôle de leurs finances.

ZZ: Je sais que la République centrafricaine (RCA) a été le premier pays en Afrique à adopter les cryptomonnaies comme monnaie légale. De son côté, le Nigeria est le premier pays en Afrique à avoir lancé et mis en place sa propre monnaie numérique de banque centrale (MNBC), l'eNaira. Pouvez-vous nous éclairer sur l'état actuel de l'adoption des cryptomonnaies en Afrique? D'autres pays africains ont-ils légiféré en faveur ou contre leur utilisation? 

GK: The state of Bitcoin adoption in Africa is growing rapidly, driven largely by grassroots use rather than government support. Public interest in Bitcoin often goes far beyond government policies. Many Africans turn to Bitcoin to protect their income from inflation and unstable local currencies. In countries like Nigeria, Ghana, Kenya, and South Africa, Bitcoin is widely used for savings, remittances, and business especially by young people and small business owners. 

However, not all countries are supportive of the use of Bitcoin. Egypt, and Algeria have either banned or placed heavy restrictions on the use of Bitcoin and other cryptocurrencies due to religious, financial, and legal concerns. In Egypt, for example, the government has banned crypto in general, but the country still ranks high in global crypto interest, showing that people continue to use it informally. 

The Nigerian government also placed restrictions on banks dealing with crypto due to concerns about illegal activities, scams, lack of consumer protection, and the fear that crypto could weaken the national currency. However, the country remains one of the top in the world for peer-to-peer Bitcoin trading. 

In contrast, some countries like Namibia and Botswana are starting to create frameworks to regulate and support the crypto space.

Overall, Africa is one of the most promising regions for Bitcoin, not because of top-down adoption, but because of the real everyday problems Bitcoin helps solve. From cross-border trade to inflation protection and financial access, people are using Bitcoin as a practical tool. As education and awareness grow, so will adoption, whether or not governments are ready for it.

GK : L'adoption du bitcoin en Afrique connait une croissance rapide, principalement due à son utilisation par la population plutôt qu'au soutien gouvernemental. L'intérêt du public pour le bitcoin va souvent bien au-delà des politiques gouvernementales. De nombreux Africains se tournent vers le bitcoin pour protéger leurs revenus de l'inflation et de l'instabilité des monnaies locales. Dans les pays comme le Nigéria, le Ghana, le Kenya ou encore l'Afrique du Sud, le Bitcoin est utilisé pour l'épargne, les envois de fonds et les affaires, en particulier par les jeunes et les petits entrepreneurs.

Toutefois, certains pays restent hostiles à son utilisation. L'Égypte et l'Algérie ont interdit ou fortement restreint l'usage des cryptomonnaies, invoquant des raisons religieuses, juridiques et financières. En Égypte par exemple, bien que le gouvernement ait interdit les cryptos en général , le pays conserve une position élevée dans les classements mondiaux relatifs à l'intérêt porté aux cryptomonnaies. Cela prouve que les gens continuent à l'utiliser de manière informelle.

Le gouvernement nigérian a également imposé des restrictions aux banques traitant avec des cryptomonnaies, par crainte d'activités illégales, d'arnaques, d'absence de protection pour les clients et par peur de voir les cryptos affaiblir la monnaie nationale. Malgré cela, le pays figure parmi les leaders mondiaux d'échange du Bitcoin en pair-à-pair.

À l'inverse, certains pays comme la Namibie et le Botswana commencent à mettre en place des mesures pour encadrer et soutenir le secteur des cryptomonnaies. 

Dans l'ensemble, l'Afrique apparaît comme l'un des terrains les plus favorables au développement du Bitcoin, non pas en raison d'une adoption imposée par les autorités, mais parce qu'il répond aux problèmes concrets du quotidien. Qu'il s'agisse du commerce transfrontalier, de la protection contre l'inflation ou de l'accès aux services financiers, les gens utilisent le Bitcoin comme un outil pratique. Au fur et à mesure que l'éducation et la sensibilisation se renforcent, l'adoption s'intensifiera, que les gouvernements soient prêts ou non pour cela.

ZZ: Quel impact souhaitez-vous avoir à travers votre organisation et dans la vie des femmes africaines? Et comment comptez-vous y parvenir? 

GK: Through Bitfiasi, I want to help African women gain confidence and control over their money, their choices, and their future. Women are the backbone of our families and communities, they manage homes and raise children. But many are stuck in a cycle of poverty, not because they aren’t capable, but because they don’t have access to the right knowledge or tools.

We teach financial literacy and Bitcoin in simple and practical ways. We help women understand how money works, how to save and grow it, and how to use Bitcoin to protect their earnings and unlock new opportunities. 

Our long-term goal is to build a Bitcoin circular economy where everyone can earn, save, and spend using Bitcoin in their daily lives. This isn’t just about technology, it’s about helping women break free from poverty and lead stronger, more independent lives.

GK : À travers Bitfiasi, je souhaite aider les femmes africaines à gagner en confiance et à avoir le libre arbitre sur leur argent, leurs choix et leur avenir. Les femmes sont des piliers de nos familles, de nos communautés, elles gèrent les foyers et éduquent les enfants. Pourtant, beaucoup d'entre elles restent prisonnières du cycle de la pauvreté, non pas parce qu'elles sont incapables, mais parce qu'elles n'ont pas accès aux bonnes informations et aux bons outils.

Nous leur enseignons la littéracie financière et le Bitcoin de manière simple et concrète. Nous aidons les femmes à comprendre comment fonctionnent l'argent, comment l'épargner et le faire fructifier et comment utiliser le Bitcoin pour protéger leurs revenus tout en accédant à de nouvelles opportunités.

Notre objectif à long terme est de construire une économie circulaire basée sur le Bitcoin, dans laquelle chacun pourra gagner, épargner et dépenser en Bitcoin au quotidien. Ce n'est pas juste une affaire de technologie, c'est une manière d'aider les femmes à sortir de la pauvreté et à atteindre la stabilité et l'autonomie financière.

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Entre le Congo et le Kenya, un trafic de bois d'acajou florissanthttps://fr.globalvoices.org/?p=296245http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250625_144415_Entre_le_Congo_et_le_Kenya__un_trafic_de_bois_d_acajou_florissantWed, 25 Jun 2025 12:44:15 +0000La barrière linguistique entre le français et l’anglais est un défi pour la vérification des documents.

Initialement publié le Global Voices en Français

Dans le parc à bois de Kasindi ; Photo Ghislain Mbakulirahi

Cet article est repris sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec Icicongo. L'article original est à retrouver sur le site Icicongo.

En Afrique de l'Est, fraudes massives et absence de contrôles frontaliers encouragent le commerce illégal du bois.

Sur la route de Ngong, ville située au sud-ouest de Nairobi, capitale du Kenya, le bruit des maillets et des scies sature l’air. Au marché de meubles situé en bord de route, des hommes aux muscles saillants transportent du bois fraîchement coupé à l’aide de chariots et de camions en se faufilant à travers la foule des acheteurs.

Dans des ateliers en plein air, des menuisiers fabriquent des meubles élégants en acajou solide, résistants aux termites et conçus pour durer pour des acheteurs fortunés. Mais derrière ces meubles polis et ces fauteuils finement sculptés se cache un vrai problème: une chaîne d’approvisionnement obscure, des frontières poreuses et une exploitation forestière remontant à plus de mille kilomètres jusqu’au cœur de la République Démocratique du Congo (RDC).

Anthony Muchui, gérant d'un magasin de meubles le long de la route de Ngong depuis 2018 explique :

Presque tout l’acajou ici vient du Congo. Il est durable, résistant aux chocs, et il a une finition superbe.

Muchui estime que son entreprise consomme environ 30 tonnes d’acajou tous les mois ou deux. Mais il a ses propos soucis: citant des défis logistiques et les approvisionnements irréguliers, il dit:

Obtenir du bois du Congo entre août et décembre est difficile.

Le bois arrive par l’intermédiaire d’agents qui obtiennent des permis auprès des autorités congolaises et ougandaises. Une fois entrés au Kenya, les conducteurs de camions présentent des documents en provenance de la RDC, des papiers fiscaux de l’Autorité des recettes du Kenya (Kenya Revenue Authority – KRA) et leurs cartes d’identité personnelles. Mais Muchui admet que tout le bois n’est pas « propre ».

Je dépends des documents, mais on sait tous que le bois illégal passe encore.

Samuel Mwenda, propriétaire de Rehoboth Finest Timber and Furniture Dealers, une société de bois, importe du bois du Congo et de l’Ouganda. Il utilise des agents stationnés à la frontière de Busia, ville située entre l'Ouganda et le Kenya, pour traiter les documents. Tout en insistant sur l'importance des documents, il explique :

Si tout va bien, cela prend quatre jours, mais nous savons que le système peut être manipulé.

Les conducteurs de camions ne sont pas outillés pour vérifier la légalité du bois. Nicholas Mbugua, Secrétaire exécutif du Syndicat des conducteurs de camions longue distance et travailleurs alliés du Kenya déclare :

Nous ne suivons pas ce qui est légal ou non. Nous avons poussé pour avoir un bureau de surveillance à la frontière, mais rien de concret pour l’instant. Les conducteurs ne sont pas formés pour détecter les faux permis. Nous avons besoin d’un bureau conjoint avec la KRA pour inspecter correctement les documents.

Le Kenya a interdit l’exploitation des bois durs indigènes en 2018, ce qui a entraîné une grave pénurie ; mais l'interdiction a été levée en juillet 2023. Selon le Dr Joshua Cheboiwo, ancien directeur général de l’Institut de recherche forestière du Kenya (KEFRI), le pays a besoin d’environ 100 000 mètres cubes de bois dur chaque année, dont la plupart provient désormais de la RDC. Il explique:

Entre 65 000 et 68 000 mètres cubes sont officiellement importés chaque année, mais le chiffre réel est probablement bien plus élevé. Une grande partie provient des frontières poreuses ».

Cette chaîne d’approvisionnement implique plusieurs acteurs. Les entrepreneurs ougandais engagent souvent des Congolais pour abattre des arbres à l’aide de tronçonneuses et de scieries mobiles. Le bois est ensuite transporté à travers l’Ouganda jusqu’au Kenya, fréquemment sans surveillance adéquate. Cheboiwo précise :

« Une fois qu’il atteint le Kenya, il est tamponné et semble légal. Mais la gouvernance fragile en RDC rend difficile la vérification de l’origine réelle.

Exploitation du bois peu transparente au Congo

Dans l’est de la RDC, l’exploitation du bois est concentrée dans les provinces de l’Ituri (à l'Est, près de la frontière avec l'Ouganda) du Bas-Uélé (au nord du pays) et de la Tshopo (centre-nord-est de la RDC). Ces régions forestières sont devenues une mine d’or pour les opérateurs de coupe de bois du Nord-Kivu et de l’Ituri. Justin Malekani, ancien responsable de l’exploitation forestière, devenu menuisier à Butembo, explique:

Les chefs locaux vendent l’accès aux arbres. Nous payons le ‘Kingiyapoli’ [une forme de droit d'accès], généralement une chèvre et de la bière, et engageons des pygmées comme guides car ce sont eux qui connaissent le mieux la forêt.

Un seul arbre d’acajou (Linzo) peut coûter entre 300 et 500 dollars américains, en fonction de sa taille.

Les opérateurs travaillent souvent de manière informelle, engagent des machinistes, payent en espèces et transportent le bois à l’aide de vélos, de porteurs ou de camions.

Un machiniste qualifié peut produire trois mètres cubes de planches par jour, soit environ trois tonnes ou 36 planches. Malekani précise :

Il faut bien les nourrir pour garder ce rythme.

Les opérations légales nécessitent un permis du Fonds National Forestier (FFN) et un bornage par le service de l’environnement. Mais beaucoup contournent ces exigences. Sous l'anonymat, un opérateur dit :

La fraude rend les choses trop faciles. Si nous enregistrons des entreprises, nous ferons faillite à cause de la bureaucratie. Travailler seul est mieux.

D’autres opèrent avec la protection de groupes armés ou d’élites politiques. Un membre d’un bureau local d’exploitation forestière témoigne :

Si tu poses trop de questions, tu commences à recevoir des appels. Certains opérateurs illégaux se servent des permis des exportateurs légaux, compliquant ainsi la traçabilité.

Corruption et failles aux frontières

Au poste frontalier de Kasindi, entre la RDC et l’Ouganda, les exportateurs de bois font face à une procédure compliquée: ils  doivent payer l’Office Congolais de Contrôle (OCC), l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) et d’autres agents. Un montant variant entre 1000 et 1200 dollars est payé avant même que les camions ne soient chargés. A cela s'ajoutent les pots-de-vin en bord de route. Mika Mathe, entrepreneur en exploitation forestière  déclare :

On nous arrête à chaque point de contrôle et on nous demande 5 000 francs congolais (2 dollars américains) ou 10 000 francs congolais (4 dollars américains).

Au parc à bois de Kasindi, les responsables sont censés enregistrer les détails du bois mais de nombreux exportateurs évitent cette étape. De plus, les camions partent souvent scellés et non inspectés, à destination de l’Ouganda ou du Kenya.

Une étude de 2023 menée par Silvia Ferrari et Paolo Omar Cerutti a révélé que 93 % du bois passé par la frontière de Kasindi en 2021 ne disposaient pas de permis d’exploitation valides :

La plupart des documents mentionnent une seule espèce, l’acajou africain. De nombreux camions circulent la nuit ou le week-end pour éviter les inspections.

Un problème régional

Au poste frontalier de Busia, au Kenya, les fonctionnaires de la KRA et du Kenya Forest Service (KFS) examinent les certificats d’origine et les documents de transit. Pourtant, certaines cargaisons échappent aux contrôles officiels. Andrew Soi, Chef adjoint du KFS admet :

Nous savons que du bois est introduit clandestinement. Certains camions arrivent sans passer par les points d’entrée réguliers.

Le Chef du KFS, Alex Lemarkoko, indique que le Kenya renforce les contrôles phytosanitaires et collabore avec d’autres pays pour suivre les mouvements de bois.

Nous avons besoin de coordination transfrontalière et de surveillance renforcée.

Les experts affirment que protéger le bassin du Congo nécessite une solution régionale. Avec des forêts déjà épuisées au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie, la demande s’est déplacée vers la RDC. Paolo Cerutti, chercheur de CIFOR-ICRAF, explique

De nombreux agents à la frontière RDC-Ouganda sont impliqués dans le commerce. Certaines cargaisons sont légales. D’autres ne le sont pas.

Cerutti et d’autres chercheurs exhortent les organismes régionaux comme la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) à agir.

Ils ont fait des promesses sur papier pour protéger les forêts. Il est temps de les concrétiser.

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Au Togo les femmes sont engagées dans le développement communautaire malgré le patriarcathttps://fr.globalvoices.org/?p=296234http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250624_141559_Au_Togo_les_femmes_sont_engagees_dans_le_developpement_communautaire_malgre_le_patriarcatTue, 24 Jun 2025 12:15:59 +0000Un tiers des femmes togolaises ont été victimes de violences physiques ou sexuelles

Initialement publié le Global Voices en Français

Des femmes agents de santé communautaires en séance formation dans la préfecture de Dankpen, située dans la région de la Kara au nord du Togo ; Photo d'Émile Bobozi, utilisée avec permission.

Par Emile Bobozi

Dans les communautés isolées du Togo, les femmes portent l'essentiel de la charge familiale mais restent engagées pour le développement de leurs communautés, malgré les pressions socioculturelles.

Dans la région de la Kara, au nord du Togo, il existe de nombreuses zones enclavées où les infrastructures sont limitées, comme dans des communautés à Bassar, ou chez les Kabyè, Lamba et Konkomba.  Les routes y sont souvent impraticables et les cours d’eau compliquent l’accès aux hôpitaux, ce qui pose des défis importants pour les soins de santé. Les femmes qui travaillent comme agents de santé communautaire doivent donc combiner les obligations professionnelles et familiales pour assurer des soins essentiels à leurs communautés.

Au Togo, les femmes représentent plus de 51,3% dans une population de plus de 9 millions d'habitants. Le taux d’analphabétisation est de 33% chez les hommes, et presque le double chez les femmes.

Des défis spécifiques aux femmes en communautés reculées

Dans la culture traditionnelle togolaise, les stéréotypes de genre persistent, empêchant souvent les femmes de s’affirmer et de prendre des décisions de façon autonome.

Dans les zones rurales, l'agriculture est le principal secteur d’activité qui emploie 80% de la population active féminine dans l’agriculture de subsistance qui sert principalement à nourrir chaque famille et à répondre aux besoins quotidiens. Toutefois, seules 15% d'entre elles détiennent des titres fonciers. Cet accès limité à la propriété foncière et aux crédits agricoles les rend dépendantes des hommes pour les ressources et des décisions. De nombreuses femmes subissent souvent des discriminations et des violences économiques, qui selon une étude démographique se double parfois de violences physiques: environ 32% des femmes togolaises ont été victimes de violences physiques ou sexuelles depuis l'âge de 15 ans.

Dans certaines situations, les femmes voient aussi leurs récoltes confisquées par leurs beaux-frères en cas de veuvage; d’autres effectuent des travaux pénibles non rémunérés (décorticage manuel, portage d'eau). Selon un rapport de l’ONU Femmes, 42% des cultivatrices rapportent des harcèlements dans les champs isolés; elles font également face aux chantages sexuels pour avoir accès aux engrais ou subventions.

Image des femmes communautaires au cours d'une sensibilisation sur les violences basé sur le genre à Bassar ; Photo d'Émile Bobozi, utilisée avec permission

Des hommes déstabilisés par le succès de leurs femmes

Sarakawahalou Awilia est mère de trois enfants et représentante des agents de santé communautaire (ASC) dans le canton de Manga, au district de Bassar, dans la région de la Kara à 490 km au nord de Lomé, la capitale du Togo. Dans son travail, elle est la première responsable des agents de santé communautaire de son canton et couvre plus 450 ménages dans cinq villages dont elle a la charge. Son travail témoigne de son professionnalisme: absence de décès d'enfants de moins de cinq ans et absence d'accouchements à domicile.

Depuis 2018, elle œuvre pour améliorer l’accès aux soins de santé dans sa communauté. Cependant, derrière cette réussite professionnelle se cache une réalité personnelle complexe: elle vit une pression familiale de la part de son mari qui veut avoir le contrôle total sur son salaire, et la menace de violence conjugales.

Sarakawahalou fait partie des 195 femmes devenues agentes de santé communautaire professionnelle avec l’ONG Santé Intégrée. Environ 35% de ces 195 femmes ont déjà subi des violences basées sur le genre (VBG). Mariée depuis 2010, Sarakawahalou a vu sa situation s'aggraver lorsque son salaire d'Agent de Santé Communautaire (ASC) a provoqué des tensions avec son mari. Ce dernier exige une part importante de ses revenus et, face à son refus, il a recours à la violence.

Malgré les interventions de son ONG et des autorités locales, Sarawahalou a cédé aux demandes de son mari pour préserver la paix familiale. Elle se rappelle des paroles proférées par son mari à son endroit:

Tu vas quitter ma maison si tu ne me donnes pas 25.000 FCFA (44 dollars américains) ce mois, d’ailleurs c'est grâce à moi que tu as été recrutée, si je ne t’avais pas épousée tu n’aurais pas ce travail.

Face aux menaces du mari, elle lui répond:

C’est dans mon salaire que je fais la cuisine et prends soins des enfants. Combien de fois as tu dépensé pour les soins de santé des enfants? Moi je pense qu’on doit s’entendre au lieu de me menacer.

Aujourd'hui, elle vit toujours avec son mari grâce à l’accompagnement dans le processus de résolution de ce problème. Elle espère que des efforts supplémentaires de sensibilisation permettront à son mari de reconnaître la valeur de son engagement.

Que dit la loi sur la protection des femmes au Togo?

Le Togo a adopté plusieurs lois pour protéger les droits des femmes et lutter contre les discriminations et violences basées sur le genre. En ce qui concerne les droits matrimoniaux des femmes, le Code des personnes et de la famille indique en son article 391:

Les femmes ont les mêmes droits que les hommes en matière de mariage, de divorce, de succession et de gestion des biens familiaux.

Le Nouveau code pénal, qui date de novembre 2015, protège les femmes contre le harcèlement physique, moral et économique dans ses articles 232 à 237. Ceci devrait pouvoir  dissuader les auteurs de violences, en mettant l'accent sur les peines prévues pour les actes graves tels que les violences sur une femme enceinte ou les rites dégradants. L'article 234 stipule:

Toute personne coupable des violences physiques ou psychologiques sur une femme enceinte est punie d'une peine de cinq (05) à dix (10) ans de réclusion criminelle et d'une amende de 500.000 FCFA (885 dollars américains) à 2.000.000 FCFA (3538 dollars américains) ou de l'une de ces deux peines.
La peine est de cinq (05) à dix (10) ans de réclusion criminelle si ces violences ont entraîné la mort de la victime.

Il en est de même pour le Code du travail qui renforce la protection de l’emploi des femmes, notamment pendant la grossesse et le congé de maternité. Il précise en son article 148 :

Une femme enceinte peut quitter son travail sans préavis ni indemnité de rupture. Elle a droit à un congé de maternité de 14 semaines, dont 6 semaines après l'accouchement, prolongeable en cas de complications ou de grossesse multiple.

Et l’article 158 ajoute:

“les périodes de repos des femmes en couche, prévues à l’article 148 du présent code, ni dans la limite de six (06) mois, les absences pour maladie dûment constatée par un médecin agréé”

A côté de ces lois qui protègent les femmes togolaises, des organisations de protection et de défense des droits des femmes travaillent pour une meilleure protection dans les faits.

Women in law and Development in Africa-Togo (Wildaf-Togo) œuvre pour les droits des femmes en déployant des cliniques juridiques mobiles et en sensibilisant aux droits reproductifs dans les zones rurales. L’association des Femmes Togolaises pour les Nations Unies (AFTNU) aide les femmes de Kara à devenir économiquement autonomes en leur offrant des micro crédits sans intérêts et des formations au leadership politique. Grâce à l’initiative ”Zéro mariage d’enfants”, 200 filles à risque ont pu être scolarisées et 87 mariages précoces ont été annulés.

Mais l'application des lois censés protéger les femmes reste un défi majeur. De nombreuses femmes ne sont pas informées de leurs droits ou n’ont pas accès aux structures de soutien nécessaires. Les efforts de sensibilisation et de formation sont donc essentiels pour garantir l'application effective de ces lois pour que les femmes puissent en bénéficier.

Cet article est écrit dans le cadre du Programme Impact West Africa Fellowship de  Aspen Global Innovators

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Au Togo, trois mois de suspensions pour deux médias français pour “atteinte à la stabilité”https://fr.globalvoices.org/?p=296176http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250619_203425_Au_Togo__trois_mois_de_suspensions_pour_deux_medias_fran__ais_pour____atteinte_a_la_stabilite___Thu, 19 Jun 2025 18:34:25 +0000RFI et France 24 sont très écoutés et suivis au Togo

Initialement publié le Global Voices en Français

 

Capture d'écran de la chaîne YouTube de 100% Afrique

Les pratiques menaçant la quiétude des journalistes dans le monde médiatique togolais refont surface, rendant de plus en plus difficile l’exercice de la liberté de la presse au Togo.

Le 6 juin 2025, Flore Monteau, journaliste française et correspondante pour la chaîne française de TV5 Monde au Togo, a été interpellée lors des manifestations par des policiers. Selon le média Togo Scoop, il lui est reproché d’avoir filmé des scènes de dégagement de barricades par des policiers, images qu'on lui demande d'effacer.

Lire : Togo: arrestation d'un chanteur qui dénonce la mal gouvernance

En avril 2025, Albert Agbéko, journaliste et directeur de publication du média Togo Scoop a subit le même sort alors qu'il fait son travail dans une école à Tsévié, une ville situé à 35 km au nord de Lomé.

RFI et France 24 bannis

Dix jours après l'incident dont est victime Flore Monteau, le 16 juin 2025, une décision de la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication (HAAC), organe de régulation du travail des médias au Togo, prend de court les professionnels de médias. Il s’agit de la suspension de trois mois de Radio France Internationale (RFI) et France 24, deux médias français qui émettent au Togo à travers leurs correspondants. D'une population de plus de 9 millions d'habitants, le Togo est un pays largement francophone et l’écoute de ces médias français est répandue dans le pays.

Le communiqué actant cette suspension a été relayé par Flore Monteau sur son compte :

La HAAC estime que cette mesure fait suite à des manquements répétés, déjà signalés et formellement rappelés, en matière d’impartialité, de rigueur et de vérification des faits. Le communiqué précise :

Plusieurs émissions récentes ont relayé des propos inexacts, tendancieux, voire contraire aux faits établis , portant atteinte à la stabilité des institutions républicaines et à l’image du pays.

Les deux médias, de leur côté, indiquent avoir été surpris par cette décision de l'autorité de régulation. Dans son article consacré à ce sujet, TV5 Monde précise :

Les deux médias ont déclaré lundi soir dans un communiqué conjoint avoir “appris avec surprise” leur suspension “sans préavis”, malgré un “contexte de dialogue pourtant soutenu et constructif” avec l’autorité de régulation togolaise.

RFI et France 24 réaffirment par ailleurs “leur attachement indéfectible aux principes déontologiques du journalisme, comme leur soutien à leurs équipes qui délivrent chaque jour une information rigoureuse, indépendante, vérifiée, impartiale et équilibrée”.

La pression constante sous laquelle se retrouvent les journalistes togolais confirme des inquiétudes quant aux respects de la liberté de presse dans le pays. Dans le rapport de Reporters Sans Frontières de 2025, le pays perd 8 places, quittant la 113e en 2024 pour la 121e place.

Lire : Classement mondial Reporters sans frontières: l'Afrique francophone en net recul

Dénonciation d'une atteinte à la liberté

Cité dans un article de TV5 Monde, Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision arbitraire prise par les autorités de régulation togolaises. Toujours dans cet article de TV5 Monde, Sadibou Marong, directeur du bureau pour l'Afrique subsaharienne de RSF, appelle les autorités togolaises à lever ces sanctions et à rétablir sans délai la diffusion de RFI et France 24.

Selon le Patronat de la Presse Togolaise (PPT), il s'agit d'une grave atteinte ainsi qu'une entrave à la liberté d'expression. Honoré Adontui, le président du PPT déclare au média local, Togo Breaking News :

Ces suspensions arbitraires portent gravement atteinte à la liberté de la presse et constituent une violation flagrante du droit fondamental à l’information, dans un climat politique déjà tendu.

Le PPT en appelle à la responsabilité de la HAAC, l’invitant à revenir à un dialogue constructif avec les médias et à ne céder à aucune pression politique, sous peine d’écorner davantage l’image du pays sur la scène internationale.

Alors que les professionnels de médias et organisations de défense de la liberté de presse s’inquiètent, certains, sur la toile, se réjouissent de la suspension.

Sur X, RFI poste sur son compte :

Les commentaires sous cette publication confirment le sentiment de haine qui est nourri à l'endroit de ces médias français.

Un autre compte au nom de Narcisse Sanou soutient:

D'autres vont jusqu'à pousser les autorités togolaises à suspendre également leur relation avec la France. C'est le cas de ce compte au nom de Sahel Info Alertes:

Ligne rouge

Depuis plusieurs mois, les médias français accrédités au Togo sont dans le collimateur de la HAAC. En mai 2024, l'instance de régulation des médias togolais a manifesté sa colère à l'endroit de RFI en raison du traitement des informations en lien avec l'actualité sociopolitique, jugé inéquitable. La HAAC avait mis en demeure le média français. Le média Togo First avait écrit:

En effet, dans une lettre datée du lundi 6 mai 2024, la HAAC a souligné l'absence de neutralité et d'équité dans le traitement de l'information par RFI, ceci malgré les avertissements antérieurs. Le président de l’institution, Telou Pitalounani, a précisément déploré le fait que RFI persiste à diffuser des informations erronées concernant la situation au Togo

Cette nouvelle suspension  confirme donc la méfiance de la HAAC vis-à-vis du positionnement des médias français face à l'actualité sociopolitique du Togo ces derniers jours, notamment la contestation citoyenne et les manifestations publiques qui critiquent la gestion du pays.

Lire aussi notre cahier spécial : 

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Les mots ont la parole: Épisode #27https://fr.globalvoices.org/?p=296208http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250619_131401_Les_mots_ont_la_parole__Episode__27Thu, 19 Jun 2025 11:14:01 +0000Le phénomène des enfants de la rue est une réalité en Colombie comme au Nigeria

Initialement publié le Global Voices en Français

Un groupe d'Almajiri au Nigeria ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Journeyman Pictures

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Gamín Ce mot d’espagnol colombien écrit avec un accent aigu sur le i et prononcé “gamine” est utilisé pour nommer les enfants des rues – en général des garçons, qui dorment où ils peuvent, errent dans la ville, volent ou mendient pour survivre, envahissent les grands rassemblements comme les matchs de foot, voyagent en bus sans payer.

Ce mini-documentaire illustre le quotidien d’un “gamín” dans Bogota, la capitale de la Colombie.

Surtourisme ce mot décrit un phénomène bien connu mais vient juste de rentrer dans le dictionnaire du Petit Robert en 2025. C’est un calque du terme anglais “overtourism” qui s’applique aux situations de tourisme intensif qui finissent par détruire la qualité de vie des habitants locaux, ou de la nature locale. De nombreux mouvements rejettent le surtourisme qu’ils considèrent comme une forme d’invasion et demandent des politiques qui protègent leur mode de vie.

Ce reportage explique le phénomène du surtourisme en Provence:

 

Almajiri ce mot transhumance fait partie de mots issus de la langue haoussa, parlée par plus de 55 millions de personnes en Afrique de l'Ouest, et utilisés comme tels sans traduction en français. Ce mot est toutefois emprunté au départ à la langue arabe:مُهَاجِر muhājir signifie « migrant ».

Almajiri en langue haoussa fait référence aux enfants des écoles coraniques, en particulier au Nigéria. Ces enfants sont, dans la plupart des cas, des mendiants et analphabètes qui ont du mal à s’intégrer dans la société. Certains d’entre eux trouvent leur voie à travers l’enseignement religieux, d’autres restent à la rue, et deviennent souvent la cible privilégiée de groupes extrémistes.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org

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Quelle est la place de l'écrivain kényan Ngũgĩ wa Thiong'o en Afrique francophone?https://fr.globalvoices.org/?p=296102http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250618_181242_Quelle_est_la_place_de_l_ecrivain_kenyan_Ng__g___wa_Thiong_o_en_Afrique_francophone_Wed, 18 Jun 2025 16:12:42 +0000Un écrivain qui place les langues africaines sur un pied d'égalité avec les autres

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de CCCB.

La mort de l’écrivain kényan Ngũgĩ wa Thiong’o le 28 mai 2025 pose la question de son influence en Afrique francophone: comment cet auteur majeur qui a écrit en anglais, puis a fait le choix de sa langue maternelle, le kikuyu, est perçu par les auteurs africains qui écrivent en français? 

Ngũgĩ wa Thiong’o est né en 1938 dans un Kenya encore sous régime colonial britannique. Il fait des études en anglais et commence une triple carrière d’écrivain, de chercheur universitaire et de journaliste qui le mène en Ouganda, puis à Londres. Vers la fin des années 70 il commence à écrire en kikuyu, sa langue maternelle et abandonne l’anglais pour sa prose dans les années 80. Exilé à Londres, puis en Californie il continue de multiplier essais et pièces de théâtre. Il décide de renter au Kénya avec sa femme en 2004, mais le couple est agressé dans leur appartement, sa femme violée et Ngũgĩ wa Thiong’o brûlé au visage. Il meurt aux États-Unis le 28 mai 2025. 

Dans son pays Ngũgĩ wa Thiong’o est une icône majeure de la littérature kényane. A ce sujet, Global Voices a interviewé par email la poétesse kényane Njeri Wangarĩ qui est aussi une activiste linguistique pour le kikuyu, et qui explique ce que cet auteur représente pour elle: 

I have a deep reverence for him for making and sticking to this choice in language. This is mainly because I speak the same language and therefore, when reading his work, nothing is lost in translation. Within the literary and cultural world, many admire him for taking such a strong stand in advocating for African Languages. To this day, he remains one of the few (if not the only ) most renowned African writers to place African languages on an equal pedestal to the global languages.
When my three children were young, I once again turned to Ngugi's writing for inspiration. Reading to them his children's series Njamba nene, was as much a cathartic experience for me as it was a magical journey for them to a land where buses had wings.

J'éprouve un profond respect pour lui d'avoir fait et maintenu ce choix linguistique. C'est principalement parce que je parle la même langue que lui qu'à la lecture de son œuvre, rien ne se perd. Dans le monde littéraire et culturel, nombreux sont ceux qui l'admirent pour sa position ferme en faveur des langues africaines. À ce jour, il reste l'un des rares (voire le seul) écrivains africains les plus célèbres à placer les langues africaines sur un pied d'égalité avec les autres langues parlées dans le monde.

Quand mes trois enfants étaient petits, je me suis inspirée des écrits de Ngũgĩ . Leur lire sa série pour enfants, Njamba nene, a été pour moi une expérience cathartique, et pour eux un voyage magique vers un pays où les bus avaient des ailes.

Le choix de la langue d’écriture 

L’auteur de fiction a beaucoup écrit sur le colonialisme et conceptualisé son regard sur la question dans un livre de référence toujours d’actualité “Décoloniser l’esprit”. Dans cet essai, il aborde la question du choix de la langue d’écriture pour les auteurs africains postcoloniaux. Il parle même de l’anglais comme une “bombe culturelle” en Afrique.

Cette question du choix de la langue a retenti dans toute l’Afrique, y compris en pays francophones comme le note Réassi Ouabonzi, aussi connu sous le nom de Lareus Gangoueus, Congolais installé à Paris qui anime le blog littéraire “Chez Gangoueus”, ainsi que la plateforme collaborative “Chroniques littéraires africaines”. Interviewé par Global Voices par mail il explique:

A l’occasion de l’Université de la rentrée de Présence Africaine en octobre 2019 à Paris, j’ai été marqué par le propos disruptif de Ngũgĩ wa Thiong’o sur le thème “Traduire pour transmettre” qui l’a rapidement amené à poser la question de la définition qu’on pourrait avoir de la littérature africaine. Peut-on envisager une littérature africaine qui ne se dit, qui ne s'écrit pas en langues africaines endogènes? Dans le cadre de cette rencontre, il lèva les oppositions récurrentes entendues dans les milieux africains sur le fait extrêmement limitant d’écrire en kikuyu, en shona ou en lingala, en termes de circulation des œuvres littéraires et d'ouverture vers le monde. Ne choisissant pas la facilité, il donnait alors aux traducteurs le sacerdoce d’un réel travail de transmission du swahili vers le français, l’arabe ou l’anglais, mais aussi vers le lingala ou le zoulou.

Lire aussi Pour une critique littéraire africaine : interview avec le créateur de Chroniques africaines littéraires

Wangarĩ ajoute:

He represents an oracle whose prophecies about what will become of our future generation if we continue to frown upon our mother tongue turned me into his disciple.  And with that, a responsibility to continue his work of writing and creating spaces where children and writers can share in the joy of African stories told in their language.

Il représente un oracle; ses prophéties sur ce qu'il adviendra de nos générations futures si nous continuons à abandonner notre langue maternelle ont fait de moi son disciple. Et avec cela, la responsabilité de poursuivre son travail d'écriture et de création d'espaces où les enfants et les écrivains peuvent partager la joie des histoires africaines racontées dans leur langue.

Un écrivain panafricain qui reste méconnu en français 

L'œuvre de Ngũgĩ wa Thiong’o a largement dépassé les frontières de son pays et des langues anglaises et kikuyu, comme le fait remarquer cet article de la revue en ligne The Conversation de mai 2025:

La reconnaissance de Ngũgĩ va au-delà de son rôle de pionnier dans son pays. Il s’est surtout fait connaître par sa manière unique de raconter le quotidien des Africains, toujours avec justesse et avec une fidélité constante aux idéaux d'égalité et de justice sociale.

Mais étrangement, son rayonnement reste modeste en français comme le souligne cet article de mai 2025 de la revue en ligne En Attendant Nadeau 

Malgré le coup de tonnerre qu’a constitué la mort du grand écrivain kenyan en Afrique et dans l’ensemble du monde anglophone, personne n’a été surpris d’un traitement médiatique aussi discret qu’approximatif en France, tant les institutions culturelles (médias, monde de l’édition, festivals, organismes publics) font tout, depuis quarante ans, pour que le public francophone ignore l’homme autant que l’œuvre. En effet, comme l’a dit un de ses traducteurs, Jean-Pierre Orban, lors d’un bel entretien le jour même du décès, “c’est un parcours du combattant de faire publier une œuvre de Ngũgĩ en français”.

Comme le note l'écrivain togolais Sami Tchak, interviewé par Global Voices par email, Ngũgĩ wa Thiong’o est souvent mentionné pour son message politique,  mais pas toujours lu comme écrivain: 

Qu'avons-nous lu de lui? L'avons-nous lu? Dans quelle langue? Quand? Voici un écrivain dont la célébrité dépend nettement moins de son œuvre que de son engagement politique pour la langue: écrire en partie en kikiyu, sa langue maternelle, plutôt qu'en anglais, même si c'est dans les langues européennes qu'il est essentiellement lu. Voici un écrivain dont beaucoup de personnes parlent, même sans l'avoir lu, car il suffit de louer son engagement pour penser lui avoir rendu l'hommage qu'il mérite. C'est peut-être là qu'il se pose un problème, car, ce qui devrait inscrire un écrivain dans la postérité, c'est son œuvre. Donc, quelle que soit la langue dans laquelle nous pourrions le faire, nous devrions lire l'œuvre de Ngũgĩ wa Thiong’o, c'est seulement ainsi que nous contribuerions à l'inscrire dans le panthéon littéraire africain et mondial.

Il reste à espérer que de nouvelles traductions permettront une meilleure diffusion de l'oeuvre de Ngũgĩ wa Thiong’o dans les sociétés francophones. 

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Ghana : le ministère dirigé Sam George représente une grande menace pour la liberté de la presse et les droits des LGBTQ+https://fr.globalvoices.org/?p=295934http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250618_032453_Ghana___le_ministere_dirige_Sam_George_represente_une_grande_menace_pour_la_liberte_de_la_presse_et_les_droits_des_LGBTQ_Wed, 18 Jun 2025 01:24:53 +0000Si la démocratie du Ghana veut survivre, elle ne peut pas permettre que la presse soit muselée.

Initialement publié le Global Voices en Français

Photo of Samuel Nartey George giving a speech.

Photo de Samuel Nartey George prononçant un discours. Image prise par Amuzujoe sur Wikimedia Commons  (CC BY-SA 4.0 Deed).

Ecrit par Abdul-Razak Mohammed

Les rues animées d'Accra vibrent au rythme des commérages entre vendeurs du marché, de l'émission de radio populaire de midi animée par Aunty Naa et de la lueur des écrans de smartphones. Mais derrière ce rythme familier se déroule une bataille plus discrète qui pourrait remodeler la démocratie ghanéenne. Au cœur de cette lutte se trouve Samuel Nartey George, le nouveau ministre de la Communication, des Technologies numériques et de l'Innovation, dont le bureau exerce désormais un pouvoir sans précédent sur ce que les Ghanéens voient, entendent et disent.

Sam George étend le contrôle absolu des médias ghanéens

La récente nomination de Samuel Nartey George au poste de ministre de la Communication, des Technologies numériques et de l'Innovation marque un tournant majeur dans le paysage médiatique et la gouvernance numérique au Ghana. À la tête de cet important ministère, Sam George suit de près l'Autorité nationale des communications (NCA). Cet organisme est chargé de régler toutes les formes de communication, y compris la radio, la télévision et les plateformes numériques. Le mandat de la NCA ne se limite pas à garantir le respect des normes techniques ; elle est également chargée de surveiller les contenus diffusés sur l'ensemble du territoire, en collaboration avec la Commission nationale des médias (NMC). Ce vaste champ de réglementation relève pleinement de la compétence de George, lui conférant un pouvoir considérable sur le débat public. Fort de cette autorité, il façonne non seulement l'environnement médiatique, mais détient également le potentiel de réduire au silence les voix opposantes s et de marginaliser les groupes jugés contraires à sa vision des valeurs traditionnelles ghanéennes.

Au cœur de la controverse entourant sa nomination se trouve la loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales de 2024, que ses opposants qualifient d’anti-LGBTQ+, car elle prévoit des peines de prison pour les personnes « ayant des relations sexuelles entre deux personnes de même sexe », dissout toutes les organisations queers au Ghana, et criminalise la promotion des activités LGBTQ+. George a été l’un des parrains de ce projet de loi et l’a vigoureusement défendu. Lors d’une récente intervention médiatique, George a réaffirmé son engagement envers le texte, déclarant que lui et ses collègues l’avaient de nouveau soumis au Parlement. Bien que, le Parlement ait été rappelé après une pause parlementaire, aucune mise à jour officielle n’a été communiquée sur l’état actuel du projet de loi.

Présenté comme visant à préserver les valeurs culturelles et morales ghanéennes, le projet de cette loi criminalise explicitement la “propagande, la promotion et le plaidoyer en faveur” des activités soutenant les droits des personnes LGBTQ+. La loi prévoit une peine de condamnation sommaire allant de cinq à dix ans d'emprisonnement, une fourchette qui s’applique non seulement aux individus, mais aussi, dans certains cas, aux médias et aux plateformes numériques. Ce cadre juridique est délibérément large et vague, ce qui permet une interprétation étendue de ce qui constitue une “propagande” ou une “promotion”. Une telle formulation constitue un puissant outil de contrôle de l'Etat et accorde au ministre le pouvoir de sanctionner unilatéralement les entités médiatiques, même avant que le projet de loi ne soit formellement réintroduit au Parlement.

Un effet dissuasif sur la liberté d'expression

Une lecture attentive de la loi révèle que ses dispositions ne font aucune distinction entre les actions individuelles et les activités des médias institutionnels. Tout support qui facilite la diffusion de contenus en faveur du plaidoyer LGBTQ+ peut être tenu pénalement responsable, à moins de pouvoir démontrer qu’il n’a pas consenti ou qu’il n’a pas été complice de l’activité incriminée. Cela signifie concrètement que les propriétaires de chaînes de diffusion ou de plateformes numériques peuvent faire l’objet de poursuites, s’ils hébergent du contenu entrant dans le champ large des interdictions prévues par la loi. Il en résulte un effet dissuasif sur la liberté d’expression, les médias étant amenés à se censurer de manière préventive pour éviter le risque de lourdes sanctions judiciaires. Dans ce contexte, il est clair que le bureau du ministre, doté de pouvoirs via l’Autorité nationale des communications (NCA), peut être utilisé pour réprimer toute forme de contestations ou d’écart par rapport au récit national imposé.

Les implications d’un pouvoir si imposantes sont profondes et de grande portée. Dans un monde interdépendant où les plateformes numériques constituent des canaux essentiels de mobilisation politique, d’expression culturelle et de débat public, la capacité de contrôler ou de censurer les contenus peut compromettre fondamentalement les processus démocratiques. La position de Sam George, associée au potentiel autoritaire de la loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales, soulève de vives inquiétudes quant à l’avenir de la liberté de la presse au Ghana. Doté d’un pouvoir unilatéral, pour sanctionner les organes de presse et les plateformes numériques, le ministère sous la direction de Sam George est en passe d’imposer une conformité stricte à une version étroite et étatisée de la morale et de la tradition. Cela pourrait conduire à une répression ciblée, non seulement des personnes LGBTQ+, mais aussi de tout groupe ou voix remettant en question l’idéologie conservatrice dominante.

Le Ghana face à un tournant décisif

Les dangers indissociables à un tel système ne sont pas que théoriques. Des exemples internationaux offrent des avertissements frappants sur les conséquences lorsque le pouvoir de l'Etat est utilisé pour contrôler l’expression numérique. Dans des pays comme la Russie, l’Égypte, la Thaïlande, et même la Tchétchénie, la combinaison de capacités de surveillance étendues et de mesures légales draconiennes a conduit à la suppression de la dissidence, à l’étouffement de l’opposition, et à de graves violations des droits humains. Au Ghana, des rapports antérieurs ont indiqué l’utilisation d’outils de surveillance avancés tels que le logiciel espion Pegasus du groupe NSO pour surveiller les adversaires politiques. Avec l’Autorité nationale des communications (NCA) déjà impliquée par le passé dans de telles activités, et désormais placée sous la direction d’un ministre qui défend des politiques restrictives, il existe une possibilité alarmante que des tactiques similaires soient employées pour faire appliquer les dispositions du nouveau projet de loi.

Alors que le Ghana vacille au bord d’une ère numérique répressive, les enjeux n’ont jamais été aussi élevés. La convergence entre les vastes pouvoirs de surveillance de l'Etat et la censure légalisée crée un environnement où les droits fondamentaux à la liberté d’expression et à l’accès à l’information sont constamment menacés. L’Autorité nationale des communications (NCA), placée sous la responsabilité de Sam George, avec son pouvoir de sanction unilatérale des médias et des plateformes numériques, devient un instrument puissant de contrôle, capable de façonner le discours public selon l’agenda idéologique du gouvernement. Dans un tel contexte, l’avenir de l’engagement démocratique au Ghana est en jeu, et les voix de ceux qui contestent, défendent les droits des minorités ou simplement remettent en cause le statut quo qui risquent d’être réduites au silence avant même d’avoir pu se faire entendre.

La nomination de Sam George et son parrainage de la loi sur les droits sexuels humains et les valeurs familiales illustrent de manière frappante les risques liés à un pouvoir étatique sans contrôle à l’ère numérique. L’Autorité Nationale des Communications (NCA), sous sa supervision, n’est pas simplement un organisme de régulation, mais un mécanisme potentiel destiné à imposer un récit étroit approuvé par l’État, susceptible de restreindre considérablement la liberté de la presse et de marginaliser les communautés vulnérables. Si la démocratie ghanéenne veut survivre, elle ne peut se permettre de laisser sa presse dominée par ceux qui cherchent à contrôler le récit.

La liberté d’expression est la clé de voûte de toute société démocratique. Il est temps de la défendre.

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L’« effet Kamala » sur le vote latinohttps://fr.globalvoices.org/?p=291764http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250618_030042_L______effet_Kamala____sur_le_vote_latinoWed, 18 Jun 2025 01:00:42 +0000Le vote de la communauté latino, la plus grande minorité ethnique aux États-Unis, sera déterminant.

Initialement publié le Global Voices en Français

Illustration de la Vice-présidente Kamala Harris réalisée par Connectas et utilisée avec permission.

 Cet article provient de notre partenaire médiatique CONNECTAS et a été rédigé par le journaliste argentin Leonardo Oliva.

« Électeurs latinos, nous voyons votre engagement et nous sommes prêts à remporter cette victoire ensemble. » Cette publication du 27 septembre est signée Julie Chavez Rodriguez, la première Latina à diriger une campagne présidentielle aux États-Unis. Cette Californienne de 46 ans, petite-fille d’un célèbre leader syndical,  est chargée de faire gagner Kamala Harris aux élections du 5 novembre contre Donald Trump.

Les candidats démocrate et républicain cherchent tous deux à attirer le vote latino, une communauté devenue la première minorité ethnique du pays. Mais Harris a plus à perdre dans cette compétition : les Hispaniques, , traditionnellement électeurs de son parti, voient en la vice-présidente — femme métisse et fille d’immigrants — une représentante des minorités. Ils la considèrent comme quelqu’un de plus empathique à leurs besoins que Trump, qui, lors du dernier débat, a sans vergogne diffusé de fausses informations : que des immigrants haïtiens mangeraient des animaux de compagnie dans la ville de Springfield, dans l’Ohio.

La publication de Julie Chavez doit être comprise dans ce contexte. Depuis que Harris est devenue la candidate démocrate à la fin du mois d’août, les espoirs du parti de conserver la présidence se sont ravivés, après que Joe Biden a décidé de ne pas se représenter.Et cet élan est également évident parmi les électeurs hispaniques.

Les électeurs latino, nous vous entendons et sommes prêts à gagner ensemble. 💪🏽💙 https://t.co/yoV89aOMfO

— Julie Chavez Rodriguez (@JulieR2022) 27 septembre 2024

L’organisation Voto Latino a rapporté que les inscriptions sur les listes électorales ont augmenté de 200 % depuis la nomination de Harris. Cela représente environ 112 000 nouveaux électeurs, dont plus de la moitié (56 %) ont entre 18 et 29 ans. En plus des jeunes, les femmes ont également été encouragées à voter grâce à « l’effet Kamala ».

Comme l’a CONNECTAS a publié en mars, le nombre d’électeurs latinos en 2024 a augmenté de 6,5 % par rapport à l’élection présidentielle de 2020 remportée par Biden ; il dépasse également de 20,5 % le nombre de personnes éligibles à voter en 2016, lorsque Trump avait gagné. Cette année, plus d’un électeur sur dix (14,7 %) sera d’origine latino, un chiffre record. Cependant, sur les 36,2 millions d’électeurs hispaniques potentiels, seulement 26 millions sont inscrits sur les listes électorales. L’équipe de Harris cible ces 10 millions d’électeurs indécis qui ne se sont jamais rendus dans un bureau de vote.

À un mois de l’élection, la candidate officielle a concentré une partie de sa campagne sur les sujets qui préoccupent le plus les Latinos : l’économie, le logement et, dans une moindre mesure, le droit à l’avortement. De l’autre côté, Trump n’hésite pas à attirer les électeurs avec une approche ferme contre l’immigration, dont une grande partie provient des pays d’Amérique latine.

Ernesto Castañeda, directeur du Laboratoire sur l’immigration à l’American University et responsable du Centre d’études latino-américaines et latinos de cette université à Washington, D.C., déclare :

No creo que la migración en sí misma vaya a definir la elección. El tema más importante en las encuestas ahora es la economía, seguido de la inflación.

 Je ne pense pas que l’immigration en elle-même définira l’élection. La question la plus importante dans les sondages actuellement est l’économie, suivie de l’inflation. »

Castañeda affirme que la nomination de Harris a modifié les tendances de vote non seulement parmi les Latinos, mais aussi parmi les Afro-Américains, et il insiste sur le fait que les questions économiques seront une priorité pour les électeurs. Il explique :

Son los mismos temas que le incumben a la clase media trabajadora de cualquier otro tipo de comunidad. Los migrantes indocumentados son solo un 3 por ciento de la población estadounidense y los latinos son casi el 20 por ciento de la población y un 18 por ciento de la fuerza laboral, entonces sus temas son el salario mínimo o los derechos laborales, no la situación migratoria.

Ce sont les mêmes enjeux qui préoccupent la classe moyenne ouvrière dans tout autre type de communauté. Les immigrés sans papiers ne représentent que 3 % de la population des États-Unis, tandis que les Latinos constituent près de 20 % de la population et 18 % de la main-d’œuvre. Leurs préoccupations portent donc sur le salaire minimum ou les droits du travail, et non sur le statut migratoire.

Le politologue Franklin Camargo partage l’avis de Castañeda sur ce qui motive le vote hispanique :

La prioridad de los latinos es la economía; es el costo de vida y la inflación. En esta área desaprueba enormemente a la administración Biden–Harris.

Pour les Latinos, la priorité est l’économie : il s’agit du coût de la vie et de l’inflation. Dans ce domaine, ils désapprouvent fortement l’administration Biden-Harris.

Camargo, qui est également commentateur politique pour Univisión Noticias (Univisión News), conteste en outre l’idée que Harris soit la favorite des Latinos.

Estamos viendo encuestas que dicen que Donald Trump no solamente aumentaría el voto latino con respecto a las dos contiendas anteriores, sino que sería uno de los candidatos republicanos de la historia reciente en conseguir la mayor cantidad de votos latinos.

Nous voyons apparaître des sondages qui montrent que Donald Trump non seulement augmenterait le vote latino par rapport aux deux précédentes élections, mais qu’il serait aussi l’un des candidats républicains de l’histoire récente à obtenir le plus grand nombre de voix latinos.

Des sondages récents du New York Times montrent à quel point l’élection sera serrée, ce qui s’explique en partie par l’évolution des tendances du vote latino. ISi en 2020, 65 % soutenaient Biden face à Trump, cette fois seulement 55 % déclarent qu’ils voteraient pour Harris. Et le reste des prévisions montre que les deux candidates sont à égalité technique après le débat du 11 septembre 2024.

Jeunes, sans papiers et apathiques

Un rapport du Pew Research Center reflète une réalité contrastée de l’univers des électeurs latinos aux États-Unis.Bien qu’ils soient actuellement la plus grande minorité (devançant les Afro-Américains), ils votent encore moins que les Américains en général (53 % contre 72 %). Cela s’explique en partie par le fait que la population latino compte un grand nombre de très jeunes personnes, mais aussi parce qu’un grand nombre d’entre eux ne sont pas citoyens (19 % des Latinos).

Et il y a un autre facteur qui réduit leur poids électoral potentiel : près de la moitié des électeurs latinos vivent dans seulement deux États, la Californie et le Texas. Mais selon tous les analystes, la campagne se jouera probablement dans trois États de la « Rust Belt » (Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin), où les électeurs à séduire ne sont pas des Latinos, mais des hommes blancs de la classe ouvrière.

Carte réalisée par Connectas avec Flourish. Source : Pew Research Center, avec les données de l'American Community Survey (IPUMS) 2022. Utilisée avec permission.

De plus, il faut prendre en compte que les Hispaniques sont le groupe le plus apathique en matière de vote. Lors de la dernière élection, seulement 51 % des Hispaniques éligibles ont voté, contre 63 % des Afro-Américains et 74 % des Blancs. Pour Camargo,

Hay una falta de interés en el grueso de nuestra comunidad en tener algún tipo de acción política y esto obedece a varias razones. Puede ser falta de asimilación o poca expectativa de cambio, creer que lo que hagas no va a cambiar absolutamente nada.

La majorité de notre communauté manque d’intérêt pour toute forme d’action politique, et cela pour plusieurs raisons. Il peut s’agir d’un manque d’assimilation ou d’une faible attente de changement, la conviction que ce que l’on fait ne changera rien du tout.

Une autre raison, explique le politologue d’origine vénézuélienne, est que :

Estados Unidos en términos de seguridad, de economía, etcétera, es mucho más próspero que los países de los que venimos, y eso hace que no tengas tanto interés en la política dado que te sientes cómodo.

Les États-Unis, en termes de sécurité, d’économie, etc., sont bien plus prospères que les pays d’où nous venons, et cela fait que l’on s’intéresse moins à la politique parce qu’on se sent à l’aise.

Alors, si les États clés pour décider de l’élection ne sont pas ceux où la présence latino est la plus importante et, de plus, les électeurs hispaniques ne sont pas les plus participatifs aux urnes, l’enthousiasme que sa candidature a suscité chez une partie de la population latino suffira-t-il à Kamala Harris pour remporter la victoire ?

NALEO Educational Fund, une ONG dédiée à la promotion de la participation des Latinos au processus politique américain reconnaît que la nomination de Harris a renforcé l’enthousiasme au sein de cette communauté. Mais selon Dorian Caal, directeur de la recherche sur l’engagement civique pour cette organisation, le vote latino n’est plus aussi prévisible :

Los candidatos o las campañas tienen una oportunidad de hablar con la comunidad latina de los asuntos que son importantes para ella. A los latinos les importan asuntos como la migración, pero también otros como el costo de la vida, que ha sido bien importante no solo en esta elección, sino también en el 2022 y en el 2020.

Les candidats ou les campagnes ont l’opportunité de s’adresser à la communauté latino sur des sujets qui lui tiennent à cœur. Les Latinos se soucient des questions comme l’immigration, mais aussi d’autres, comme le coût de la vie, qui a été très important non seulement lors de cette élection, mais aussi en 2022 et 2020.

Caal, en revanche, a salué le rôle que joueront les femmes de la communauté latino, qui sont plus actives, dans cette course présidentielle. Par ailleurs, Caal affirme que :

La comunidad latina es especialmente una comunidad joven [68 por ciento tiene menos de 50 años, contra el 52 por ciento del resto de los estadounidenses]. Por eso serán un segmento importante en estas próximas elecciones.

La communauté latino est particulièrement jeune [668 % ont moins de 50 ans , contre 52 % pour le reste des Américains]. C’est pourquoi ils constitueront un segment important lors des prochaines élections.

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À São Luís, surnommée la « Jamaïque brésilienne », le reggae fait partie intégrante de l'identité localehttps://fr.globalvoices.org/?p=295682http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250618_024953_A_Sao_Luis__surnommee_la____Jamaique_bresilienne_____le_reggae_fait_partie_integrante_de_l_identite_localeWed, 18 Jun 2025 00:49:53 +0000La capitale du Maranhão, au nord-est du Brésil, a transformé la musique caribéenne en un mouvement culturel local dont elle fait l'apanage.

Initialement publié le Global Voices en Français

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.

Il existe plusieurs versions sur la manière dont la musique reggae est arrivée à São Luís, la capitale de l'État du Maranhão, dans la région nord-est du Brésil. Certains affirment que des radios amateurs captaient des signaux à ondes courtes provenant de stations caribéennes. D'autres soutiennent que ce sont des marins et des migrants qui ont introduit des disques de reggae dans la zone portuaire de la ville, tandis que certains prétendent que ce rythme musical circulait déjà dans les salles de danse locales.

Selon des spécialistes locaux, il est difficile de déterminer précisément comment la symbiose entre la culture jamaïcaine et l'identité locale de São Luís s'est formée. Pourtant, cette fusion est encore bien palpable pour quiconque visite la ville aujourd'hui.

Avec une population estimée à 1,03 million d'habitants, São Luís porte le titre de « Jamaïque brésilienne » et est reconnue comme la capitale nationale du reggae depuis 2023. L'influence de ce genre musical sur l'identité locale s'est accentuée dans les années 1980 et s'est enracinée au fil du temps, notamment parmi les supporters du club de football local, le Sampaio Corrêa.

Ademar Danilo, directeur du Musée du reggae du Maranhão et journaliste, explique que la culture reggae influence le mode de vie des habitants : leur façon de parler (argots), de s'habiller (tresses et vêtements aux trois couleurs du reggae) et de danser (avec leur propre style, l'« agarradinho », où les couples dansent serrés l'un contre l'autre).

Não temos a gênese da coisa, como chegou, mas nós sabemos que chegou. E a partir daí, nós nos apropriamos disso. O maranhense se apropriou do reggae. O reggae, ele é jamaicano, claro, mas ele também é maranhense. Nós importamos um ritmo da Jamaica e a partir daí temos uma nova significação cultural. Nós transformamos o reggae em um elemento cultural. Quando eu falo elemento cultural, ou seja, algo que seja possível de transformar a cultura local.

We do not have the genesis of how it arrived here, but we do know that it did. And from that on, we owned it. The Maranhense people owned reggae for themselves. Reggae is Jamaican, of course, but it’s also Maranhense now. We imported the rhythm from Jamaica, giving it a new cultural significance here. We turned it into a cultural element, meaning something that has the power to transform the local culture.

On ne sait pas exactement comment le reggae est arrivé jusqu'ici, mais ce qu'on sait, c'est qu’il est bel et bien arrivé. Et à partir de là, on se l'est approprié. Le peuple maranhense l'a fait sien. Le reggae est Jamaïcain, bien sûr, mais il est aussi maranhense aujourd'hui. Nous avons importé ce rythme depuis la Jamaïque en lui donnant ici une portée culturelle nouvelle. On en a fait un élément culturel à part entière, capable de transformer notre culture locale.

L'écrivain et chercheur Bruno Azevedo s'intéresse à la construction du mythe culturel du reggae à São Luís :

No que vejo o reggae chegou na miúda e por várias vias, mas a pergunta interessante é como o reggae fez sentido para o brincante local e isso é explorado super bem pelo Carlão, Carlos Benedito Rodrigues da Silva, um antropólogo que escreveu sobre o tema ainda nos anos 1990: o reggae tem uma série de elementos de identificação pra população preta-pobre local.

Há também uma série de semelhanças sociais entre os jamaicanos e os maranhenses, mas acho uma extrapolação grande demais que isso tudo seja transmitido 1×1 na música. A despeito da minha opinião, a forma como os maranhenses criaram sistemas e equipamentos sociais muito parecidos com os jamaicanos, é impressionante.

From what I see, reggae came in smoothly and through several paths. But the interesting question is how it made sense to the local player, which is well explored by Carlão, Carlos Benedito Rodrigues da Silva, an anthropologist who wrote about it in the 1990s: reggae carries several identity elements for the local Black and poor people.

There are also a lot of social similarities between Jamaican and Maranhense people, but I think is an overstretch to think that it would all be transmitted one-on-one through music. Despite my opinion, the way people in Maranhão created systems and social equipment resembling those from Jamaica is quite impressive.

D’après ce que j'ai pu observer, le reggae s'est diffusé naturellement via plusieurs canaux. Mais la vraie question, c'est de comprendre comment cette musique a trouvé un tel écho auprès de la population locale. C'est un sujet que l'anthropologue Carlos Benedito Rodrigues da Silva, alias Carlão, avait déjà exploré dans les années 1990 : le reggae véhicule plusieurs éléments d’identité pour les populations locales noires et défavorisées.

Il existe aussi de nombreuses similitudes sociales entre les Jamaïcains et les maranhenses, mais je pense qu’il est exagéré de croire que tout cela ait pu être transmis directement par la musique. Cela dit, il n'en reste pas moins impressionnant de voir comment les habitants du Maranhão ont mis en place des systèmes et des structures sociales semblables à ceux de la Jamaïque.

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.

Gilberto Gil, musicien légendaire et ancien ministre de la Culture, a joué un rôle clé dans la diffusion du reggae au Brésil. Il a même collaboré avec The Wailers, le groupe de Bob Marley, et a chanté aux côtés d'une autre légende culturelle jamaïcaine, Jimmy Cliff. Pourtant, bien que le reggae soit populaire dans tout le pays, c'est à São Luís que ce rythme caribéen est devenu bien plus qu'un simple genre musical.

Musée, soirées et rues

En 2018, Maranhão a inauguré le premier Musée du reggae au Brésil. Après des années de marginalisation et de répression policière, c'est l'État lui-même qui a reconnu l'importance du reggae pour l'identité et la culture locale. Parmi les objets de l'histoire locale exposés figurent la première guitare de Tribo de Jah, un groupe brésilien de reggae formé dans les années 1980 à São Luís, ainsi que la radiola de DJ Serralheiro (un mur d'enceintes emblématiques des soirées reggae locales) qui appartenait à Serralheiro, l'un des pionniers du genre dans la région.

Le reggae a rapidement été associé à la culture populaire maranhense dès ses débuts, explique Ademar Danilo. Il s'est mêlé à des traditions telles que le « Bumba Meu Boi » une forme de théâtre populaire et participatif de rue née au 18e siècle, le « Tambor de Crioula » une danse afro-brésilienne rythmée par les tambours et d'autres percussions, ou encore la capoeira, un art martial afro-brésilien. Pendant un temps, avant que des politiques publiques ne viennent soutenir ces manifestations culturelles, c'était l'argent récolté lors des soirées reggae qui permettait de les financer.

« Nous avons importé et adopté cette musique, ce rythme et à partir de là, nous avons construit une culture qui nous est propre », poursuit Danilo. « Lorsque le reggae est arrivé ici, ce n'était pas un étranger venu d'ailleurs. C'était comme un frère né loin de chez nous. »

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.

Aujourd'hui, la musique reggae écoutée par les habitants du Maranhão provient principalement d'artistes des années 1973 à 1981 en Jamaïque, mais aussi de musiciens locaux. Les radiolas restent au cœur des événements reggae locaux et sont un élément clé des compétitions de DJ. « Les plus grands paredões (murs d'enceintes) du Brésil se trouvent ici, dans le reggae du Maranhão. Ils sont même plus imposants que ceux du techno-brega dans l'Etat du Pará », affirme Danilo.

La photographe maranhense Ingrid Barros, qui travaille sur les thèmes de la résistance et de la mémoire, témoigne de l'importance du reggae dans son pays natal :

Os bailes de reggae são os espaços onde é possível extravasar todo o estresse do dia a dia, é onde há a confraternização com os outros iguais, com os pares. Tem um lance de pertencimento, de identificação. O ritmo que se populariza por meio da imagem de um homem negro, que se torna rei do reggae. É meio que um lugar/momento onde se pode apenas ser, sem se preocupar muito com todas as castrações que a sociedade faz com nossos corpos pretos.

Reggae balls here are spaces where you can release all the stress you endure in your daily lives and get-together with your peers. There is a sense of belonging, of identification. The rhythm that turned popular through the image of a Black man, who became king of reggae. It’s sort of a place/moment where you can simply be, without worrying too much about all the castrations society imposes to our Black bodies.

Les bals reggae ici, sont des espaces où l'on peut relâcher la pression du quotidien et se retrouver entre pairs. Il y a un sentiment d'appartenance, d'identité. Ce rythme est popularisé par l'image d'un homme noir devenu roi du reggae. C'est une sorte de lieu, de moment, où l'on peut simplement être soi-même, sans trop se soucier des formes de répression imposées à nos corps noirs par la société.

Sous l'influence de Bob Marley

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.

L'un des lieux touristiques de São Luís situé dans le plus grand quilombo urbain du Brésil (un terme désignant des communautés rurales fondées par des personnes d'ascendance africaine) rend hommage à Bob Marley. Cet endroit apparaît dans un documentaire de 2012 retraçant des lieux liés à l'artiste jamaïcain, bien que Marley n'ait jamais visité São Luís.

Sa seule venue au Brésil remonte à un court séjour en 1980, à l'occasion du lancement de la maison de disque Ariola dans le pays. À l'époque, alors que le pays était encore sous dictature militaire, Marley et son équipe avaient été considérés comme suspects et s'étaient vu refuser des visas de travail ; seuls des visas touristiques leur avaient été accordés. Aucun concert n'a pu être organisé, mais sa visite a donné lieu à un match de football historique, où Marley a invité dans son équipe nul autre que le légendaire musicien brésilien Chico Buarque.

Marley aimait le football, notamment l'équipe nationale brésilienne et le club Santos de Pelé,  autant qu'il aimait la musique. Il déclara aux journalistes qui l'attendaient à Rio : « Le reggae a les mêmes racines, la même chaleur et le même rythme que la samba. »

Le Brésil dispose d'une loi fédérale reconnaissant le 11 mai, date de la mort de Marley, comme la Journée nationale du reggae, mais au Maranhão, son influence résonne tout au long de l'année. En 2024, la photographe Ingrid Barros a participé à une campagne publicitaire pour une marque de baskets, avec une collection dédiée à Marley. Le slogan mettait en valeur le lien entre sa Jamaïque natale et São Luís, la « Jamaïque brésilienne », à travers son peuple, ses couleurs, ses soirées reggae et, bien sûr, sa musique.

Barros affirme que, malgré l'importance du reggae à São Luís et des spécificités locales, Marley reste le roi. En se promenant dans les quartiers en dehors du centre-ville, on aperçoit souvent des drapeaux et des fresques à son effigie :

Acho que o reggae está na nossa vida [aqui] desde que a gente nasce. Não tem como não ter uma memória afetiva do reggae, está presente seja dentro de nossas casas, na casa de vizinhos, no barzinho da esquina do bairro. Isso fica como identidade. Algo em que você se reconhece. Já adulta, e trabalhando com fotografia e direção criativa, criei uma relação com essa beleza, com a potência, com o universo próprio e político que é o reggae.

Reggae is in our lives [here] since we are born. You can’t avoid having an affective memory of it, it’s present whether it’s in our homes, our neighbors’, or at the neighborhood bar around the corner. That lingers as identity. Something through which one recognizes oneself. As an adult, working with photography and creative direction, I built a relationship with the beauty, the power, the political universe of its own that is reggae.

Le reggae fait partie de nos vies depuis notre naissance. Il est impossible de ne pas en garder un souvenir affectif : il est présent, que ce soit dans nos maisons, chez nos voisins ou dans le bar du coin. Il s'impose comme une part de notre identité, un repère grâce auquel on se reconnaît. Devenue adulte, à travers mon travail dans la photographie et la direction artistique, j'ai tissé un lien profond avec la beauté, la force et l'univers politique unique qui est propre au reggae.

Le Musée du reggae a ouvert ses portes dans le Maranhão : c'est le premier du genre en dehors de la Jamaïque. Photo d'Ingrid Barros, utilisée avec permission.

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Chine : les internautes scandalisés par la mort mystérieuse d'un chat devenu une star du Webhttps://fr.globalvoices.org/?p=295502http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250612_220612_Chine___les_internautes_scandalises_par_la_mort_mysterieuse_d_un_chat_devenu_une_star_du_WebThu, 12 Jun 2025 20:06:12 +0000Pourquoi dissimuler la cause du décès du félin ?

Initialement publié le Global Voices en Français

Zhao Shuo and his cat Wukong traveling together.

Capture d'écran de la chaîne YouTube : Wukong's Adventures. Utilisée avec permission.

Le 26 0ctobre 2024, Zhao Shuo, un cycliste et blogueur voyageur adopte Wukong, un chat errant. Dès lors, ils découvrent ensemble la province de Xinjiang en Chine, et Wukong, avec ses milliers d’abonnés, devient une célébrité sur Internet. Mais le 15 avril, le chat est retrouvé mort sur une route près de Miran, une ville de la région de Xinjiang, à environ deux kilomètres du centre d’accueil des visiteurs où Zhao séjournait.

Attristés par la nouvelle, les abonnés de Wukong ont aussi été furieux d'apprendre l'explication « officielle » de la mort du chat.

Une mort mystérieuse

Le 16 avril, Juipainews, un site d’information et filiale de Changjiang News, subventionné par l’État, fût le premier a annoncé le décès du chat, écrasé accidentellement par un véhicule et abandonné au milieu de la route. La police locale aurait elle-même confirmé l’information. Toujours selon Juipainews, Zhao aurait réglé l’incident directement avec le conducteur.

Cependant, dans une vidéo publiée de 4 mai, le propriétaire du chat a démenti l’allégation qu’il a qualifiée de désinformation, ignorant lui-même les détails de la mort de Wukong. Il relate la découverte du corps de son chat le 15 avril vers 19 heures, et explique que jusqu’à maintenant, il n’a pas réussi à trouver les images de surveillance susceptibles de faire la lumière sur son décès. Dans la vidéo, Zaho soulève plusieurs questions : pourquoi le félin, qui d’habitude ne s’éloignait jamais plus de 200 mètres de sa maison pour chat portable, a-t-il été découvert à 2 kilomètres, au milieu de la route ? Pourquoi manque-t-il 20 minutes de données sur son traceur GPS, entre 4h10 et 4h30 du matin ? Et pourquoi après cette interruption, ne se trouvait-il plus au centre d’accueil, mais gisait au bord de la route ?

Par ailleurs, après avoir consulté trois vétérinaires, lesquels ont effectué trois radiographies et scans post-mortem, Zhao a écarté l’hypothèse de l’accident de voiture étant donné que le corps du chat ne présentait aucune fracture osseuse ou lésion externe et interne. Sur les réseaux sociaux, Zhao affirme que selon les vétérinaires, le chat avait probablement été empoisonné, en raison des traces de sang de couleur sombre retrouvées autour de sa bouche et de son museau.

La vidéo d’une durée de 42 minutes a été supprimée des réseaux sociaux chinois mais une version existe sur YouTube avec des sous-titres en anglais :

Beaucoup se sont aussi étonnés du fait que les caméras du centre d’accueil des visiteurs se soient arrêtées de fonctionner le 15 avril, alors que les autorités chinoises ont investi beaucoup d’argent dans les technologies de surveillance, et plus particulièrement dans la vidéosurveillance IP, dans le but (au nom de la stabilité sociale) d’exercer un contrôle sur la région ouïghoure. Par ailleurs, Miran est un lieu touristique doté d’une forte présence militaire. Ce commentaire sur Weibo évoque la « défaillance » des systèmes de surveillance :

就在游客中心2公里的地方 一条猫被投毒致死 结果监控全无什么也拍不到 去了就有生命危险以后谁还敢去玩啊 ​

Un chat est mort à la suite d’un empoisonnement à seulement deux kilomètres du centre d’accueil, mais l’incident n’apparait pas sur les vidéos de surveillance. Qui serait assez courageux pour visiter un tel endroit ?

Devant tant de questions sans réponses, près de trois millions d’internautes se sont mobilisés pour enquêter sur la cause de la mort du félin, en examinant des images de vidéosurveillance, des images satellites, et les enregistrements de va-et-vient de véhicules survenus entre 16 et 18 heures dans les alentours du musée. Certains ont même offert des récompenses en échange d’images pertinentes.

Appel à une législation contre la cruauté envers les animaux

Même si les investigations se sont révélées infructueuses, elles ont cependant ouvert les débats concernant les droits des animaux.

En 2020, des défenseurs des droits des animaux ont révélé l’existence en Chine d’un réseau d’actes de maltraitance envers les chats sur Internet. Des vidéos de tortures, qui sont partagées et vendues sur des messageries, sont régulièrement signalées par le public. Selon certaines sources, des membres du réseau iraient jusqu’à offrir une récompense de plus de 500 USD pour le meurtre de chats appartenant à des célébrités. Pour cette raison, de nombreuses personnes pensent que Wukong aurait été victime de ces groupes de cruauté envers les animaux

En Chine, les lois sur la protection animale se limitent à la sauvegarde des animaux sauvages, et il n’existe aucune règlementation interdisant la cruauté envers les animaux domestiques et errants. Alors que le pays autorise la consommation de viande de chat et de chien, et considère les mesures de répression contre les chiens errants comme un moyen de maintenir l’hygiène et la sécurité publique, ces animaux sont souvent la cible d’empoisonnement et de commerce illicite.

Le public réclame des lois contre la cruauté envers les animaux depuis des années, mais les autorités chinoises n’arrivent toujours pas à se prononcer sur la question. La mort de Wukong a rendu les amoureux des animaux encore plus impatients, et ils inondent Weido de commentaires indignés :

世界之大,却容不下一只猫,猫咪也不知道人心如此坏!《反虐动物法》该抬上来了,猫猫狗狗不能因为常见就放弃保护,肆意虐待,放纵吃…

Le monde est immense, mais ne peut pas faire de la place à un chat. Les chats ne savent pas que le cœur humain peut être si méchant ! La loi sur la cruauté envers les animaux devrait être adoptée, nous ne pouvons pas renoncer à protéger les chats et les chiens juste parce que ce sont des espèces courantes. Ils sont maltraités, torturés et consommés de manière irresponsable…

Le chat et son propriétaire responsables

Soudainement, le 9 mai, alors que le public continue à éprouver du ressentiment, Zhao publie une vidéo au cours de laquelle il déclare qu’après s’être concerté avec diverses autorités locales, notamment les services de la sécurité publique, de la propagande, et du tourisme, tous avaient conclu que Wukong était mort après avoir malencontreusement mangé un rongeur :

其他的幾種死,因為車禍、投毒、虐殺都完全排除掉了。所以這樣說的話,整個悟空的死因最大的責任人就是我,我作為它的主人沒有看好它。悟空的死因和其他人完全無關,而且這個事件給當地造成了非常不好的輿論影響。在此我向所有人表示歉意。…另外再提醒所有人兩點,第一點就是永遠不要盲目的相信任何人和媒體,尤其是像九派新聞這種無良媒體。甚至也不要相信我。所有人要有自己的獨立判斷..

Les autres causes de la mort (accident de voiture, empoisonnement, et maltraitance) ont été écartées. Par conséquent, je suis la seule personne responsable de son décès ; j’étais son propriétaire et je n’ai pas pris soin de lui. Sa mort ne concerne personne d’autre, et cet incident a créé une très mauvaise opinion publique de la région. J’aimerais m’excuser auprès de vous tous… et vous rappeler deux autres points. Tout d’abord ne faites jamais aveuglément confiance à qui que ce soit ou aux médias, notamment à ceux dénués de tout scrupule comme Jiupain News. Ne me faites même pas confiance. Chacun devrait être libre d’utiliser son propre jugement…

Après son post, Zhao a supprimé deux vidéos sur la mort de Wukong qu’il avait publié sur des réseaux sociaux chinois, passé son compte en privé, et cessé tout commentaire sur l’incident.

La plupart des internautes ont trouvé l’explication officielle invraisemblable. Un utilisateur de Weibo s’est d’ailleurs moqué des autorités locales :

当地各部门如果这种说法会令人更加信任你们,那么好吧,只能信了。

若羌县米兰镇有致死性啮齿类动物,不知道对当地牛羊鸡鸭鹅是什么影响,也很难不怀疑会间接伤害吃下当地牛羊鸡鸭鹅肉的人,所以会远离此地的,谢谢官方提示

Si les autorités locales pensent vraiment que leur explication est plausible, alors d’accord, nous croirons à leur version des faits. Mais, si la ville de Miran est soi-disant infestée de rongeurs si dangereux, quels sont les risques sanitaires pour les vaches, les chèvres, les poulets, les canards et les oies ? La population ne pourra pas s’empêcher d’avoir des doutes concernant la sécurité alimentaire locale. Alors merci aux autorités de recommander officiellement aux touristes de rester à l’écart du district de Ruoqiang.

Les résultats de l'enquête menée par les internautes ont conduit de nombreux utilisateurs de réseaux sociaux à conclure que le décès de Wukong avait été causé par de la mort aux rats dispersée sur le site touristique. Par ailleurs, pour ne pas être tenues responsables de la mort du félin, les autorités l’auraient déguisée en accident de voiture, auraient fabriqué de fausses informations, et supprimé toute vidéo de surveillance susceptible d’élucider ce qui s'était vraiment passé. Finalement, Wukong serait donc le seul responsable de sa propre mort, et son propriétaire a été obligé de s’excuser pour avoir provoqué un tollé public.

Cependant, selon certains, « Ne faites confiance à personne », une remarque écrite par Zhao, prouverait que le mystère autour de la mort de Wukong persiste toujours. Mais la vérité a été révélée par l'explication de la dissimulation : de quoi les autorités avaient-elles donc peur ?

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La littérature sinophone au-delà des frontières chinoises : entretien avec l’auteure Zhang Lijiahttps://fr.globalvoices.org/?p=295214http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250612_215956_La_litterature_sinophone_au-dela_des_frontieres_chinoises___entretien_avec_l___auteure_Zhang_LijiaThu, 12 Jun 2025 19:59:56 +0000Les auteurs doivent être libres de créer pour mieux raconter l’histoire de la Chine

Initialement publié le Global Voices en Français

Zhang Lijia. Photo utilisée avec permission.

Près de 50 millions de Chinois ne vivent pas en Chine. Cette population, souvent réduite à un simple acteur économique, est en vérité très active dans les domaines médiatiques et culturels, dont la littérature, particulièrement appréciée des citoyens de la diaspora chinoise qui peuvent écrire en chinois ou dans la langue de leur pays hôte.

Afin de comprendre les nuances qui entourent la littérature de la diaspora chinoise, Global Voices s’est entretenu avec Zhang Lijia (张丽佳), ancienne employée d’une usine de roquettes devenue auteure analysant la société, est née en Chine et alterne aujourd’hui une vie entre Londres et Pékin. Elle est l’auteure du mémoire «  Socialism Is Great!» et du roman « Lotus », une œuvre abordant le sujet de la prostitution dans la Chine contemporaine. Son prochain ouvrage, un roman historique, racontera la vie de Qiu Jin, la première féministe et révolutionnaire chinoise à l’aube du 20 ᵉ siècle, souvent appelée « la Jeanne d’Arc de Chine ».

Filip Noubel (FN) : Ressentez-vous une certaine liberté lorsque vous écrivez dans une langue que vous avez apprise tard dans votre vie ? Est-ce que c’est une question d’autocensure ? Pensez-vous que cela vous permet d’étendre votre style et d’expérimenter avec le processus d’écriture ?

Zhang Lijia (ZLJ): As a Chinese writer who grew up in China, speaking only Chinese, writing in English has been unexpectedly liberating. Politically, it grants me freedom. Writing for an international audience allows me to bypass the constraints of China’s strict censorship, which has long stifled creative expression. In fact, I believe this censorship is one of the key reasons why China’s literary scene isn’t as vibrant or dynamic as it could be.

Creatively, writing in English offers a different kind of liberation. Because it is not my native tongue, I feel more comfortable experimenting with form, structure, and style. The unfamiliarity of the language opens doors to fresh perspectives and a certain boldness. My adopted language has enabled me to explore and articulate thoughts and emotions that might have felt constrained in Chinese. For example, in my memoir “Socialism Is Great!,” I wrote a sex scene that was far more explicit than it would have been had I written it in Chinese, where cultural and linguistic nuances might have demanded greater restraint.

Writing in English has, in many ways, become an avenue for both creative exploration and personal emancipation.

Zhang Lijia (ZLJ) : En tant qu’auteure chinoise ayant grandi en Chine et n’ayant jamais parlé que le chinois, il est vrai qu’écrire en anglais fut, étonnamment, assez libérateur. Politiquement parlant, je suis plus libre lorsque j’écris pour un public international. Cela me permet de contourner la censure chinoise, qui ne sert qu’à étouffer la créativité. En effet, je pense que cette censure est l’une des raisons pour laquelle la scène littéraire chinoise n’est pas aussi vibrante et dynamique qu’elle pourrait l’être.

Créativement parlant, écrire en anglais offre une liberté totalement différente. Puisque l’anglais n’est pas ma langue natale, je ressens un certain confort à tester les structures, les formes et les différents styles de la langue. Cette méconnaissance de la langue m’a permis d’ouvrir de nombreuses portes et de découvrir de nouvelles perspectives. L’anglais, en tant que langue adoptée, me permet d’explorer et d’articuler mes pensées d’une manière que je pensais impossible en chinois. Par exemple, dans le mémoire « Socialism Is Great!», j’ai écrit une scène de sexe bien plus explicite que ce que je me serais permis de créer en chinois, puisque les nuances linguistiques et culturelles auraient demandé un peu plus de retenue.

Écrire en anglais m’a permis d’ouvrir de nombreuses voies, tant dans une exploration créative que dans une émancipation personnelle.

FN : Écrivez-vous encore en chinois ? Comment décririez-vous la relation qui se crée entre ses deux langues dans votre processus créatif ?

ZLJ: I rarely write creatively in Chinese these days, though I occasionally contribute pieces to Chinese publications when invited. Chinese is such a rich and expressive language, full of cultural depth and historical resonance. When I do write in English, I like to deliberately weave in dated expressions and traditional idioms to give the prose a distinctive flair — almost as if breathing new life into forgotten phrases. It’s a way to make the language feel fresh and evocative while connecting with its deep roots.

In my creative process, English and Chinese serve different purposes. English is my primary medium for storytelling — it’s where I feel most liberated and experimental. Chinese, however, remains the language of my inner world, tied to my memories and identity. Writing in English sometimes feels like building a bridge between the two, translating not just words but experiences, emotions, and cultural contexts.

ZLJ : J’écris rarement en chinois ces temps-ci, sauf lorsque je suis invité à participer à des publications chinoises. Le chinois est une langue très riche et expressive, autant culturellement qu’historiquement. Mais quand j’écris en anglais, je m’amuse à insérer des termes datés et des expressions classiques afin de rendre ma prose plus élégante, comme si je donnais un second souffle à des phrases oubliées. C’est une manière d’amener un vent de fraîcheur à une langue et de se connecter à ses racines enfouies.

L’anglais et le chinois ne servent pas le même but dans mon processus créatif. Je me sers principalement de l’anglais pour raconter une histoire, c’est une langue qui me permet de briser mes chaînes et de tester de nouvelles choses. Mais le chinois reste tout de même la langue de monde intérieur, elle est liée à ma mémoire et à mon identité. Lorsque j’écris en anglais, c’est comme si je construisais un pont qui relie deux cultures, je traduis plus que des mots, je traduis des expériences, des émotions et toute une culture.

FN : On parle souvent de littérature sinophone transcendant les barrières linguistiques et géographiques,  Xiaolu Guo, Ha Jin, Dan Sijie, Yan Geling, sans vous oublier, bien sûr. Pensez-vous qu’un tel genre de littérature existe réellement ? Si oui, quelle en est la définition ?

ZLJ: Yes, I believe global Sinophone literature is a valid and vibrant category. I think it refers to literary works written in Sinitic languages (such as Mandarin or Hokkien) or by authors of Chinese descent, often living outside mainland China. These works engage with a diverse array of themes and contexts, reflecting the complex interplay of language, identity, and geopolitics within the global Chinese diaspora.

What defines this literature is its multiplicity — it is not confined to one geography, style, or perspective. Instead, it captures the lived realities of Chinese communities across the world, often exploring themes like migration, displacement, identity, and cultural hybridity. It challenges the notion of a singular ‘Chinese literature’ by emphasizing the plurality of Chinese voices.

In an age of globalization, I welcome the recognition of Sinophone literature as part of the broader landscape of world literature. It offers an opportunity to deepen our understanding of how Chinese culture functions beyond national borders and encourages dialogue about postcolonialism and global interconnectedness.

On a related note, Xi Jinping’s ‘Tell China’s Story Well’ campaign aims to project a favorable image of China through soft power and international storytelling. While the idea is sound, its success hinges on allowing Chinese writers the freedom to express themselves authentically. Currently, the controls are too stringent for writers to truly ‘tell China’s story well.’ Without creative freedom, this vision remains unattainable. I write about this is an article, ‘Tell China’s Story Well: Its Writers Must Be Free Enough to Do So.’

ZLJ : Effectivement, je pense qu’il est tout à fait valide de considérer la littérature sinophone globale comme un genre vivant. J’imagine que ce terme fait référence aux œuvres écrites dans des langues chinoises (comme le mandarin ou le hokkien) ou écrites par des auteurs d’origines chinoises qui ne vivent pas en Chine continentale. Ces œuvres abordent une large variété de thèmes et de situations qui reflètent la complexité d’interagir avec une langue, une identité et même avec la géopolitique intradiaspora chinoise.

Ce qui définit ce genre de littérature, c’est sa multiplicité. Elle n’est pas limitée par la géographie, par l’usage d’un style, ni par la perspective. Non, ce genre capture la réalité vécue par les communautés chinoises éparpillées à travers le monde, il explore des thèmes comme l’immigration, l’identité et le mélange culturel. Il redéfinit la notion de « littérature chinoise » en mettant l’accent sur la pluralité des voix chinoises.

En pleine ère de globalisation, je dois avouer que j’apprécie la reconnaissance de la littérature sinophone dans le monde entier. Cela représente une certaine opportunité de pouvoir approfondir nos connaissances de la culture chinoise et de ses fonctions au-delà des frontières nationales. Cela encourage une discussion sur le postcolonialisme et sur l’interconnexion mondiale.

À ce propos, la campagne « bien raconter l’histoire de la Chine » lancée par Xi Jinping vise à projeter une image favorable de la Chine dans l’esprit des étrangers via le soft Power. Si cette idée peut paraître louable, pour qu’elle réussisse, il faudrait que les auteurs soient libres d’écrire ce qu’ils souhaitent. À l’heure actuelle, la censure est encore bien trop présente pour que les auteurs puissent « bien raconter l’histoire de la Chine ». Si nous ne pouvons pas créer librement, ce projet ne sera rien de plus qu’une éternelle chimère. J’ai partagé cette opinion dans l’article suivant : Tell China’s Story Well: Its Writers Must Be Free Enough to Do So.

FN : Quels sont les auteurs chinois qui vous ont le plus influencés ? Qu’en est-il des auteurs qui ne sont pas chinois ?

ZLJ: Among Chinese authors, Cao Xueqin, the author of ‘The Dream of the Red Chamber,’ has had a profound influence on me. His intricate portrayal of familial and social dynamics, set against the backdrop of a crumbling aristocratic world, is unmatched in its emotional depth and literary craft. Another major influence is Lu Xun, whose sharp, incisive observations of Chinese society reveal an unparalleled understanding of the Chinese psyche.

Among non-Chinese writers, Tolstoy stands out. His sweeping narratives, set against vast social and historical backdrops, are deeply immersive, yet he never loses sight of the intimate details that make his characters so human.

I also greatly admire Arundhati Roy, especially her novel ‘The God of Small Things.’ Its lyrical prose, rich imagery, and poignant exploration of social and personal struggles deeply resonated with me and have inspired my own storytelling.

ZLJ : Parmi les auteurs chinois, je pense que Cao Xueqin, auteur de « Le Rêve dans le pavillon rouge», est celui qui m’a le plus influencé. La manière dont il partage la complexité des relations familiales et sociales, le tout dans un décor de monde aristocratique sur le point de s’écrouler, n’a jamais été égalée, que ce soit sur le plan émotionnel ou littéraire. Je pourrais également cite Lu Xun comme une autre de mes influences. Ses observations tranchantes sur la société chinoise révèlent une compréhension de la psyché chinoise qui n’a jamais été surpassée.

Parmi les auteurs étrangers, je pense que Tolstoï surpasse tous les autres. Ses histoires grandioses écrites sur fond de récits sociaux et historiques sont tout simplement fascinantes, et pourtant il ne perd jamais de vue les petits détails qui rendent ses personnages humains.

J’admire également et grandement Arundhati Roy, surtout son roman « Le Dieu des Petits Riens». Sa prose lyrique, son imagerie riche, mais aussi la manière poignante qu’elle a d’explorer les difficultés sociales et personnelles résonnent véritablement avec moi, elle inspire la façon dont je raconte mes histoires.

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La dure réalité de l’IA : elle a des préjugés, elle aussihttps://fr.globalvoices.org/?p=294689http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250612_215247_La_dure_realite_de_l___IA____elle_a_des_prejuges__elle_aussiThu, 12 Jun 2025 19:52:47 +0000Les systèmes d’intelligence artificielle révèlent des biais profondément ancrés, susceptibles d’influencer négativement les perceptions et les comportements au sein de la société.

Initialement publié le Global Voices en Français

Illustration de Tactical Tech, avec des éléments visuels de Yiorgos Bagakis et Alessandro Cripsta. Utilisée avec permission.

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des
pages Web en anglais.]

Cet article a été rédigé par Safa Ghnaim, en collaboration avec le Goethe-Institut Brésil, et publié initialement sur DataDetoxKit.org. Une version révisée de cet article est republiée par Global Voices dans le cadre d’un partenariat.

Bien qu’elle apparaisse comme une « technologie neutre », l’intelligence artificielle (IA) présente aussi des préjugés. Ce n’est pas l’outil objectif que l’on imagine. L’IA est créée par des individus et entraînée à partir d’ensembles de données. Tout comme vous, les personnes qui développent l’IA possèdent des croyances, des opinions et des expériences qui influencent leurs choix, qu’elles en aient conscience ou non. Les ingénieurs et les entreprises impliquées dans le développement et l’entraînement de l’IA peuvent accorder plus d’importance à certaines informations ou objectifs. Les outils d’IA, tels que les algorithmes ou les agents conversationnels, peuvent produire des résultats biaisés, en fonction des ensembles de données utilisés pour les « alimenter ». C’est pourquoi l’IA peut produire des données erronées, générer de fausses hypothèses ou prendre les mêmes mauvaises décisions qu’un être humain.

L’IA n’est pas magique : les machines programmées par l’être humain présentent leurs propres défauts.

Certaines personnes considèrent l’IA comme une solution magique, mais « l’intelligence artificielle » n’est rien de plus qu’une machine. En termes simples, les outils d’IA sont des programmes informatiques alimentés par une grande quantité de données pour les aider à faire des prédictions. L’« IA » désigne une variété d’outils conçus pour reconnaître des modèles, résoudre des problèmes et prendre des décisions à une vitesse et à une échelle bien supérieures à celles des humains.

Mais comme tout outil, l’IA est conçue et programmée par des individus. Les personnes qui conçoivent ces machines leur donnent des règles à suivre : « Fais ceci, mais ne fais pas cela ». Comprendre que les outils d’IA sont des systèmes automatisés, avec leurs propres limites influencées par l’être humain, peut vous aider à mieux aborder les capacités et les inconvénients de l’IA.

Lorsqu’on parle d’IA, les sujets abordés peuvent être très variés. Découvrez quelques exemples d’outils d’IA particulièrement populaires et leurs défauts :

Les outils de génération de texte créent du contenu à partir de mots-clés (ou « prompts ») que vous définissez. Leur entraînement repose sur d’importants volumes de textes collectés sur Internet, dont la qualité est variable. Vous entendrez peut-être parler de « grands modèles de langage » (LLM) ou de noms de produits spécifiques tels que ChatGPT, ou même d’expressions plus familières comme « agent conversationnel » ou « assistants IA ». Bien que ces outils soient capables de prouesses proches de l’intelligence humaine, comme réussir des examens, ils sont également réputés pour « halluciner », autrement dit, générer des contenus erronés.

Les outils de génération d’images permettent de créer des images ou des vidéos basées sur certains mots-clés que vous fournissez. Vous entendrez peut-être parler de modèles texte-image, ou même de noms de produits spécifiques comme DALL-E ou Stable Diffusion. Ces outils peuvent produire des images et des vidéos très réalistes, mais ils sont également connus pour véhiculer des stéréotypes et peuvent être détournés à des fins de sextorsion ou de harcèlement [fr].

Les systèmes de recommandation proposent du contenu qu’ils « prédisent » être le plus susceptible de vous intéresser ou de susciter une interaction. Ces systèmes opèrent en arrière-plan des moteurs de recherche, des fils d’actualité des réseaux sociaux et de la lecture automatique sur YouTube. Ils sont aussi appelés « algorithmes ». Ces outils ont tendance à vous montrer davantage de contenus similaires, au risque de vous emporter vers un dangereux puits sans fond. Les systèmes de recommandation sont utilisés dans des décisions importantes telles que le recrutement, les admissions universitaires, les prêts immobiliers, mais aussi dans de nombreux autres domaines de la vie quotidienne.

Alors que certains experts estiment que les outils d’IA, comme les agents conversationnels, deviennent « plus intelligents » par eux-mêmes, d’autres soutiennent qu’ils sont truffés d’erreurs. Voici quelques raisons pour lesquelles vous devriez considérer les préjugés qui affectent l’IA :

  • Certaines données utilisées pour l’entraînement des modèles concernent des sujets personnels, protégés par des droits d’auteur, ou exploités sans autorisation.
  • En fonction des données sur lesquelles ils sont entraînés, ils peuvent intégrer des discours haineux, des théories du complot, ou tout simplement des informations fausses.
  • Les données peuvent être biaisées à l’encontre de certaines personnes, en raison de leur genre, de leur culture, de leur religion, de leur profession ou de leur situation personnelle.

Les outils d’IA sont également entraînés sur des données qui laissent complètement de côté certains éléments. Si les données d’entraînement contiennent peu ou pas d’informations sur un groupe, une langue ou une culture, l’IA ne pourra pas produire de réponses fiables à leur sujet. Une étude majeure menée en 2018 par Joy Buolamwini, intitulée « Nuances de genre », a montré que les systèmes de reconnaissance faciale peinaient à identifier les visages des personnes racisées, en particulier ceux des femmes noires. Au moment de l’étude, ces outils défectueux étaient déjà couramment utilisés par la police aux États-Unis

En mettant en lumière les préjugés, on peut éviter de les reproduire.

Maintenant que vous êtes conscients des faiblesses potentielles des ensembles de données d’IA, créés par des personnes comme nous, tournons notre regard vers nous-mêmes. Comment le fonctionnement de notre cerveau humain peut-il mettre en lumière les préjugés de l’IA ?

Il existe des préjugés profondément enracinés au sein des individus, des organisations, des cultures et des sociétés. Mettez-les en lumière en réfléchissant à ces questions :

  • Qu’attendez-vous des autres en termes de présentation, notamment en ce qui concerne leur comportement, leur tenue vestimentaire et leur manière de s’exprimer ?
  • Certaines personnes ou groupes sont-ils plus exposés aux risques, aux sanctions ou à la stigmatisation en fonction de leur apparence, de leur comportement, de leur manière de s’habiller ou de parler ?

Les préjugés sur lesquels vous venez de réfléchir reposent souvent sur des hypothèses, des attitudes et des stéréotypes profondément ancrés dans les cultures, et peuvent influencer vos décisions de manière inconsciente. C’est pourquoi on parle de « préjugés implicites »  : ils sont souvent ancrés dans votre état d’esprit, difficiles à repérer et à affronter.

Parmi les biais implicites les plus courants, on retrouve :

  • Les biais de genre : tendance à tirer des conclusions hâtives sur les personnes en fonction de leur sexe, à partir de stéréotypes ou de préjugés.
  • Les biais raciaux et/ou ethniques : tendance à tirer des conclusions hâtives sur les personnes en fonction de leur couleur de peau, leur origine culturelle et/ou leur origine ethnique.

Harvard propose une vaste bibliothèque de tests de biais implicites que vous pouvez passer gratuitement en ligne afin de mieux cerner vos propres biais et savoir sur quels aspects progresser. Avec de nombreux biais implicites, il peut être difficile d’identifier ces croyances. Le changement ne se fait pas en un jour, mais pourquoi ne pas commencer dès maintenant ?

Tout est ampl(ia)fié

Maintenant que vous avez découvert des exemples courants de schémas de pensée et de biais implicites, imaginez leur impact lorsqu’ils sont reproduits à grande échelle. Ces derniers peuvent toucher non seulement des individus, mais aussi des groupes entiers, surtout lorsqu’ils sont « codés en dur » dans les systèmes informatiques.

Voici les résultats que vous obtenez lorsque vous entrez le prompt « belle femme » dans le logiciel gratuit de génération de texte en image Perchance.org.

Images IA générées sur Perchance.org le 13 août 2024. Images fournies par Tactical Tech.

Si l’outil a généré six images de « belles femmes », pourquoi sont-elles toutes presque identiques ?

Essayez-le de votre côté, vos résultats sont-ils différents ?

Des études plus approfondies ont été menées sur ce sujet, avec des résultats similaires. Vous pouvez lire une de ces études et voir des infographies ici : « Les humains sont biaisés. L’IA générative l’est encore plus ».

Les outils d’IA ne sont ni neutres ni impartiaux. Ils sont détenus et construits par des personnes influencées par leurs propres motivations. Même les outils d’IA portant le terme « ouvert » (open) dans leur nom ne garantissent pas une transparence totale sur leur fonctionnement et peuvent être programmés avec des biais intégrés.

Vous pouvez poser des questions clés sur la façon dont les modèles d’IA sont conçus et entraînés pour mieux comprendre leur place dans un système plus vaste :

  • Qui détient les entreprises qui développent les modèles d’IA ?
  • Comment les entreprises en tirent-elles profit ?
  • Quels sont les systèmes de pouvoir établis ou soutenus par les entreprises ?
  • Qui tire le plus grand profit des outils d’IA ?
  • Qui est le plus vulnérable face aux risques associés aux systèmes d’IA ?

Les réponses à ces questions peuvent être difficiles, voire impossibles à trouver. Cela en soi est significatif.

Étant donné que la technologie est conçue par des êtres humains et alimentée par des données (également collectées et étiquetées par des humains), on peut la voir comme un reflet des problèmes déjà existants dans la société. Nous pouvons nous attendre à ce que les outils alimentés par l’IA renforcent les déséquilibres de pouvoir, tout en systématisant et en perpétuant les préjugés, à une vitesse inédite.

Comme vous l’avez vu, les biais cognitifs sont tout à fait courants, tout le monde en a, d’une façon ou d’une autre. Commencer à affronter ces réalités dès aujourd’hui peut vous permettre d’éviter des erreurs demain et de repérer les failles dans des systèmes comme l’IA.

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Tentative par la CIA de recruter des espions chinois pour le compte du gouvernement américain ; mais les Chinois ne semblent pas intéressés.https://fr.globalvoices.org/?p=295346http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250612_205151_Tentative_par_la_CIA_de_recruter_des_espions_chinois_pour_le_compte_du_gouvernement_americain___mais_les_Chinois_ne_semblent_pas_interesses.Thu, 12 Jun 2025 18:51:51 +0000Ces vidéos abordent l’anxiété ressentie en Chine pendant une dizaine d'années s'agissant des sanctions liées à la corruption

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d’écran d’une vidéo de recrutement des espions chinois postée par la chaîne YouTube de la CIA. Le texte se lit « Je me rends maintenant compte que mon destin est aussi précaire que le leur ». Utilisée avec autorisation.

La CIA a posté ce premier mai deux vidéos dans le but de recruter comme espions des fonctionnaires chinois. Le gouvernement chinois a répondu à cette annonce en déclarant que les mesures nécessaires seront mises en œuvre pour punir « toute tentative d’infiltration et de sabotage de la part des forces étrangères anti-Chine. »

Même si ces vidéos traitent des inquiétudes communes que les citoyens chinois ressentent envers le parti unique du pays, la plupart d’entre eux trouvent néanmoins cette propagande repoussante.

En 2022, la CIA avait déjà tenté de recruter des espions russes depuis les réseaux sociaux. Cette tentative ayant apparemment été un succès, l’agence a décidé en octobre 2024 d’étendre le processus de recrutement en Chine, en Iran et en Corée du Nord. L’organisation s’est alors mise à poster des vidéos informant les personnes susceptibles d’être intéressées d’utiliser soit des Réseaux Privés Virtuels (VPN) soit le réseau TOR afin de contacter la CIA sur leur site Internet officiel.

Ces vidéos ciblent à la fois les hauts et jeunes fonctionnaires du Parti Communiste Chinois. La première vidéo introduit le personnage d’un fonctionnaire confirmé, stressé et tourmenté par la corruption sous le régime de Xi Jinping :

在黨內,我一邊往上升,一邊看著職位比我高的人,一個個被棄如弊履。但現在,我意識到我的命運與他們同樣,岌岌可危… 

As I keep climbing up the party ladder, I watch those in higher positions being discarded like worn-out shoes. And now I realise that my fate is just as precarious as theirs…

Plus je grimpe les échelons de ce parti, plus je me rends compte à quel point les hauts placés sont jetés comme de vieilles chaussettes. Et je comprends maintenant que mon destin est aussi précaire que le leur…

Ce fonctionnaire finit par contacter la CIA pour protéger sa famille. La vidéo complète est disponible à l’adresse suivante :

La seconde vidéo montre le point de vue d’un jeune fonctionnaire frustré par l’échec d’un système au parti unique, qui, d’après le personnage, ne privilégie qu’une minorité :

黨教育我們,只要勤奮地遵從領導指定的道路就會前途無量,原本應該大家分享的一片天,如今只剩下少數獨享,讓我不得不開創自己的路。

The party teaches us that we can have a great future by following the path designated by the leaders. However, what should have been shared by all is not monopolised by the very few. I have to walk my own path. 

Le parti nous apprend que nous pouvons espérer un avenir radieux tant que nous suivons le chemin tracé par les dirigeants. Mais ce qui aurait dû être partagé par tous est finalement monopolisé par les puissants. Je dois suivre mon propre chemin.

La vidéo est disponible à l’adresse suivante :

Les angoisses capturées dans ces deux vidéos font référence aux longues années de corruption et de répression au sein du parti de Xi Jinping, au pouvoir depuis 2012. Et ces mesures touchent autant « les tigres » que « les mouches », une allégorie politique utilisée pour parler des cas de corruptions plus ou moins importants.

L’arrestation de l’ancien ministre de la Sécurité Publique Zhou Yongkang et de son entourage en 2013. Les arrestations de différentes forces politiques régionales de Guangdong, Shanxi, Sichuan et Jiangsu depuis 2012. La purge de l’Armée Populaire de Libération en 2023. L’assainissement des banques et du secteur de l’économie depuis 2024, etc. Ces affaires sont toutes des exemples de corruption « de tigre ».

L’an dernier, le nombre de fonctionnaires punis pour affaire de corruption s’élevait à 889 000, contre seulement 182 000 cas en 2013. D’après un rapport récent du Bureau de la directrice du renseignement national des États-Unis, près de 5 millions de fonctionnaires chinois auraient été accusés de corruption entre 2012 et 2024.

Le Soft Power américain perd du terrain

Malgré les véritables tensions au sein du PCC que mentionnent ces vidéos, de nombreux internautes trouvent cette propagande quelque peu douteuse, notamment à cause du gouvernement de Donald Trump qui n’a pas hésité à supprimer nombre d’aides internationale et médiatique, préférant imposer des tarifs sur les produits étrangers et mettre à mal les valeurs de gauche comme la suppression des politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI). Les États-Unis ne sont aujourd’hui plus perçus comme un défenseur de la démocratie et de la liberté.

Profitant de ce contexte, le vidéaste « K总 » (Général K) originaire du Canton a produit une vidéo anti-CIA ayant gagné une certaine popularité. Dans cette vidéo réalisée par intelligence artificielle, le vidéaste copie trait pour trait celles de la CIA, à la différence qu’ici, il s’adresse aux citoyens américains, les urgeant de se battre pour la liberté :

Pourquoi se battre ? : Pour créer un avenir meilleur. pic.twitter.com/weQxgxcpQs

– K总 (@KFCQZ) 4 mai 2025

Dans cette vidéo, le narrateur, un citoyen américain appelé John, déclare :

Our government told me ‘hard work pays off,’ but all I see is that Wall Street elites manipulate finance, politicians are taking bribes, and it seems like Israel is the real power pulling the strings behind us. And we ordinary people can only struggle to survive…

Le gouvernement nous fait croire que le travail acharné est la clé du succès. Mais tout ce que je vois, ce sont les élites de Wall Street qui manipulent les finances. Je ne vois que des politiciens véreux qui ne sont bons qu’à être soudoyés. Je vois à quel point Israel tire les ficelles derrière les rideaux. Et je vois que nous, gens ordinaires, ne pouvons que lutter pour survivre…

Mise en ligne le 4 mai, cette vidéo a depuis été massivement partagée par des influenceurs pro-Chine sur X (anciennement Twitter).

Des vidéos de recrutement irréalistes

En plus du soft Power américain en déclin, Wuyuesanren, blogueur chinois installé au Japon, explique dans une vidéo YouTube que ces « appâts » n’ont aucun sens, puisque les enfants d’anciens fonctionnaires ont, pour la plupart, étaient forcés de retourner en Chine, et contacter des services étrangers pourrait mettre la sécurité de leurs familles en danger. Quant aux jeunes fonctionnaires, faire mention d’un « idéal » n’a que peu de chance de fonctionner, puisque la majorité des personnes susceptibles d’être touchées ont soit déjà quitté le pays, soit ont-ils été forcés d’abandonner leur poste au sein du gouvernement, étant donné qu’un tel changement aurait été impossible.

Le blogueur a ensuite critiqué l’aspect cinématographique et la présentation pleine de  paillettes de ces vidéos. D’après lui, les habits des fonctionnaires étaient bien trop luxueux et théâtraux, ce qui montre que les producteurs ne sont pas à la page en ce qui concerne la politique chinoise.

Sur Weibo, afin de montrer l’incompétence des États-Unis quant à la protection de ses informateurs, de nombreux internautes ont mentionné le fait qu’en 2012, les autorités pékinoises avaient déjà démantelé le réseau de la CIA en Chine, causant la mort et l’emprisonnement de 20 informateurs.

Noyer le poisson

Hu Xijin, spécialiste de la politique et journaliste au Global Times, pense que les véritables intentions de la CIA n’étaient pas de recruter des informateurs, mais plutôt de créer une atmosphère de méfiance au sein du PCC :

CIA这样干,根本就没指望能真从这个途径捞几个有价值的间谍来。他们的最大目的是想搅浑水。

如果有人上当,真的联系CIA,并被中国反间机构抓住,CIA才不会同情那些想向他们效忠的叛国者。那些人身败名裂,甚至身陷囹圄,CIA什么损失也没有,所有惩罚只能那些人自己承受。中国反间机构抓他们也要消耗一些资源和精力,总之,所有成本都是中国这一边的。

还有一种可能,中国这边没人上当,但是CIA希望通过发这样的视频,增加中国社会内部的怀疑,可以当个“反间计”用。如果有一些人能因此被怀疑成美国间谍,搞得中国一些领域人心惶惶…

The CIA did this without any expectation that it could recruit a few valuable spies. Its biggest goal was to muddy the waters.

If someone falls for it, contacts the CIA and gets caught by the Chinese counter-agency, the CIA will have no sympathy for [the Chinese] traitors who want to pledge allegiance to them. The CIA has nothing to lose if those people lose their reputation or even go to jail. They have to bear all the punishment. The Chinese counterintelligence agency will have to spend extra resources and energy to catch them; in short, all the costs are on China's side.

There is also a possibility that no one on China's side will take the bait, but the CIA hopes that by posting such a video, it will increase the suspicion within Chinese society. This can be used as a ‘double-edged sword,’ leading to some Chinese being accused of being American spies. This would stir up panic in some Chinese sectors… 

La CIA a réalisé ces vidéos en sachant très bien qu’ils ne recruteraient aucun espion. Leur but principal était de noyer le poisson.

Si quelqu’un tombe dans le piège et contacte la CIA, le gouvernement chinois aura vite fait de les attraper. La CIA, quant à elle, n’éprouve aucune sympathie pour les traitres chinois qui souhaiterait rejoindre leurs rangs, elle n’a rien à perdre si quelques personnes perdent leur renommée ou finissent en prison. C’est le gouvernement chinois qui va devoir dépenser des ressources et de l’énergie pour punir ces traitres. En clair, tous les coûts vont revenir au ministère de la Sécurité de l’État chinois.

Il y a également la possibilité que personne ne morde à l’hameçon. Mais la CIA espère quand même qu’en postant de telles vidéos, le doute s’installera dans la société chinoise. Elles pourraient être utilisées comme des épées de Damoclès et quelques innocents fonctionnaires pourraient être accusés d’être des espions américains. Cela pourrait causer la panique dans différents secteurs chinois…

D’un autre côté, Desmond Shum, auteur de « Red Roulette » (des mémoires révélant la corruption au sein du PCC), pense que les États-Unis vont payer le prix fort pour avoir réalisé des vidéos aussi provocatrices. D’après lui, cela pourrait mettre à mal un potentiel consensus entre les États-Unis et la Chine en ce qui concerne la guerre tarifaire :

A public CIA call for Chinese insiders to defect transcends typical intelligence operations — it is seen as a direct political provocation. It strikes at the heart of the Party’s fears of internal betrayal and is interpreted in Beijing as an assault on its control and stability — an impact far more consequential than any tariff.

That’s why this video might turn out to be the most consequential — and disruptive — move in the ongoing US–China trade talks. The signal it sends is louder than any tariff and strikes a very personal nerve within the Party.

Une annonce publique pour recruter des espions chinois va au-delà d’une simple opération de renseignements, c’est une provocation politique directe. Cette annonce touche de plein fouet les peurs du gouvernement quant à la trahison et elle sera vue à Pékin comme une attaque concernant le contrôle et la stabilité du gouvernement. Les conséquences seront bien plus conséquentes que des tarifs.

C’est pourquoi ces vidéos sont peut-être les éléments les plus importants et les plus perturbateurs dans cette guerre tarifaire qui oppose les États-Unis à la Chine. Le signal envoyé résonne bien plus fort que de simples tarifs, puisqu’il touche la corde sensible du gouvernement.

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Les récifs coralliens de Tobago se préparent à une « menace imminente »https://fr.globalvoices.org/?p=295407http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250612_201711_Les_recifs_coralliens_de_Tobago_se_preparent_a_une____menace_imminente___Thu, 12 Jun 2025 18:17:11 +0000La maladie de la perte de tissus des coraux durs « fait des ravages sur les récifs coralliens des Caraïbes »

Initialement publié le Global Voices en Français

 

Photo de corail cérébral via Canva Pro

[Toutes les références dans le texte sont en anglais.]

De la hausse des températures contribuant à l'acidification des océans à la dégradation des coraux suite au blanchissement corallien causé par le réchauffement des océans, la surpêche et la pollution, les récifs des Caraïbes sont confrontés à de sérieux défis. L'Institut des affaires marines (IMA) de Trinité-et-Tobago met en garde contre une nouvelle menace : la maladie de la perte de tissus des coraux durs (SCTLD), qui, selon lui, « fait des ravages sur les récifs coralliens des Caraïbes ».

Depuis son apparition en Floride en 2014, la SCTLD s'est propagée dans plusieurs autres territoires régionaux, notamment les Bahamas, les îles Caïmans, la Jamaïque, les Antilles néerlandaises et même des îles des Petites et Grandes Antilles. En effet, l'agent pathogène de la SCTLD est hautement transmissible et se propage facilement par contact direct avec les coraux infectés, les courants marins et les eaux de ballast, faisant des ports un « foyer précoce d'infection » fréquent.

Les coraux infectés présentent des lésions aux endroits où se trouvent des tissus morts. Ces zones s'agrandissent à mesure que la maladie progresse, et elle se propage rapidement, tuant les coraux en quelques semaines, voire quelques mois. La cause de la maladie pourrait être entièrement bactérienne, ou peut-être une combinaison de bactéries et d'un virus. Afin de sauver les récifs de la région, les coraux infectés sont traités aux antibiotiques, certains étant même transférés vers des installations terrestres à court terme pour améliorer leurs chances de survie.

Sur les 45 espèces de coraux durs présentes dans les Caraïbes, l'IMA rapporte que le SCTLD en a infecté plus de 20, notamment les coraux labyrinthiques, montagneux et cerveaux, abondants à Tobago, une île touristique réputée depuis longtemps pour sa plongée. Selon l'IMA, « même le corail cerveau géant, mondialement connu, que l'on trouve dans le village de Speyside, est une espèce très sensible à la maladie ».

Si une épidémie de la maladie devait se déclarer dans les populations coralliennes de Tobago, elle pourrait être dévastatrice pour l’île. Dans une étude de juin 2008 intitulée « Capital côtier – Évaluation économique des récifs coralliens de Tobago et de Sainte-Lucie », par Lauretta Burke, Suzie Greenhalgh, Daniel Prager et Emily Cooper, la valeur annuelle des récifs coralliens de Tobago était estimée entre 120 et 160 millions de dollars.

Bien que le SCTLD ne semble pas encore avoir atteint Tobago, les récifs touchés dans d'autres zones meurent rapidement, ce qui suscite des inquiétudes locales. Citant une étude menée par William Precht sur des sites de récifs coralliens du sud-est de la Floride, le billet de blog de l'IMA souligne que certaines espèces fortement touchées ont été réduites à moins de 3 % de leur population initiale ; d'autres, comme le corail cerveau, si dominant à Tobago, à moins de 25 %. Le SCTLD a déjà été confirmé à la Grenade voisine et dans certaines îles néerlandaises des Caraïbes, ce qui amène l'IMA à prédire que ce n'est « qu'une question de temps avant son arrivée ».

Comment se préparer alors ? « La survie est plus probable grâce à l'action des autorités, à la sensibilisation du public et au renforcement des capacités de défense contre la menace », poursuit le message. Du point de vue de l'IMA, une subvention reçue en 2024 du Centre d'activités régionales pour les aires et la vie sauvage spécialement protégées (SPAW RAC) pour un projet d'un an axé sur le renforcement de la préparation et de la résilience aux maladies coralliennes s'avérera précieuse.

En janvier de cette année, les écologistes des récifs coralliens de l'IMA ont suivi une formation en janvier 2025 dispensée par l'Institut Perry des sciences marines (PIMS) à San Andrés, en Colombie, pour évaluer les maladies coralliennes, identifier les SCTLD et préparer et appliquer le traitement antibiotique aux coraux infectés. Grâce au renforcement de leurs capacités, l'IMA est désormais mieux outillée pour sensibiliser aux SCTLD et mettre en œuvre des stratégies de surveillance des récifs coralliens et les préserver des aléas de la maladie.

L'organisation forme les marins locaux aux signes à surveiller pour détecter la SCTLD dans les coraux, qu'ils peuvent signaler via l'application seaiTT de l'IMA. Elle a également exhorté les plongeurs à ne pas toucher les coraux – un bon conseil, même sur des récifs sains – mais en cas d'infection, toucher les coraux accélère la propagation potentielle. De même, les plongeurs doivent veiller à désinfecter leur équipement, au cas où ils auraient été en contact avec des coraux infectés ; l'eau de cale des bateaux doit également être régulièrement désinfectée – des petits pas qui peuvent faire une grande différence lorsqu’il s’agit de contrôler la propagation.

« Nous devons […] œuvrer ensemble pour protéger nos récifs coralliens », a déclaré l'IMA. Chargée de « préserver les services écologiques et économiques de nos récifs », elle ne voit qu'un seul moyen de minimiser les dégâts potentiels causés par le SCTLD : réagir proactivement à cette menace.

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Au Niger, le haoussa remplace le français comme langue officielle dans une démarche de souveraineté affirméehttps://fr.globalvoices.org/?p=296089http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250611_140625_Au_Niger__le_haoussa_remplace_le_fran__ais_comme_langue_officielle_dans_une_demarche_de_souverainete_affirmeeWed, 11 Jun 2025 12:06:25 +0000Près de 47% des Nigériens parlent le haoussa

Initialement publié le Global Voices en Français

Grand marché de Niamey (capitale du Niger) ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Sky Travel

Au Niger, le français, imposé pendant la période coloniale perd en mars 2025 son statut de langue officielle au profit de la langue haoussa. Cette décision n'est pas très appréciée dans la société nigérienne dans un contexte de tensions diplomatiques avec la France.

Le 17 mars 2025, la République du Niger et le Burkina Faso annoncent leur retrait de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Au lendemain de cette annonce, le 18 mars 2025, le Mali emboîte le pas des deux autres pays. Le Niger et le Mali étant des membres fondateurs de l'organisation, la sortie de ces trois pays au total qui forment par ailleurs l’Alliance des États du Sahel portent ainsi un autre coup à cette institution internationale à laquelle ils appartiennent.

Sur le réseau X, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie du Niger (organe de gestion des institutions depuis le coup d’État du 26 juillet 2023), publie sur son compte :

Quelques jours après cette annonce, les autorités militaires nigériennes prennent une autre décision pour rompre les liens avec la France: la rétrogradation de la langue française au rang de langue de travail. Désormais, le haoussa est érigé en langue officielle. Dans le pays, le français est parlé par 13% de la population.

Rupture avec l'héritage colonial

Alors que onze langues locales ont le statut de langues nationales dans le pays, la langue haoussa est parlée par 47% des Nigériens, presque la moitié d'une population de plus de 27 millions d'habitants. Cette réalité justifie la promotion de cette langue au rang de langue officielle selon Ismaël, jeune étudiant à l’Université Abdou Moumouni de Niamey, capitale du pays. Interviewé par Global Voices sur Whatsapp, il explique:

Je ne peux pas remettre en question cette décision des autorités. Nous avons plusieurs langues parlées dans notre pays mais elles ont juste le statut de langues nationales, alors qu'elles enregistrent plus de locuteurs que le français. D'ailleurs cette langue coloniale n'est parlée que par moins de 15% des Nigériens. C'est une reconnaissance à la langue haoussa qui est parlée et comprise par beaucoup de personnes dans le pays.

Pour Ibrahima Amadou [nom d'emprunt], également interviewée sur WhatsApp, cette décision rentre dans le prolongement de l'affirmation souveraine des nouveaux dirigeants du pays. Pour elle, ces derniers se sont engagés dans un processus de souveraineté totale du pays, et prennent donc des décisions pour justifier leurs démarches.

Le concept de souveraineté doit être assumé sur tous les plans. Ils ne peuvent pas dénoncer des pratiques coloniales et garder le français, une langue coloniale qui nous a été imposée, comme langue nationale. Donner à la langue haoussa le statut de langue officielle est justifié.

Sur le réseau X, un compte au nom African Stream  salue et soutient cette décision du Niger:

LE NIGER DIT « AU REVOIR LE FRANÇAIS », BONJOUR LE HAOUSSA ! Le Niger s'est libéré d'une autre chaîne coloniale – la langue française – en adoptant le haoussa comme nouvel idiome national. Le haoussa est une langue indigène et largement parlée en Afrique de l'Ouest. À l'instar du Burkina Faso et du Mali, membres de l'Alliance des États du Sahel, le Niger a récemment abandonné l'organisation représentant la Francophonie – c'est-à-dire le monde francophone (ou plutôt, les régions du monde qui se sont vues imposer le français par la France coloniale). Le haoussa est l'une des langues africaines les plus parlées. Les Nigérians sont plus nombreux à parler le haoussa que le français. En 2012, seulement 20 % des Nigérians savaient lire et écrire en français. Passer au haoussa est une puissante affirmation de l'héritage, de l'identité et de la souveraineté africaines.

pic.twitter.com/hHCiZipnOk

— African Stream (@african_stream) April 10, 2025

Un coup dur pour l'éducation

Dans le système éducatif au Niger, le français a toujours été la langue d'enseignement principale, bien que l'enseignement en langues nationales est encouragé depuis le bas âge.

En 2018, en raison de l'abandon croissant des études par une grande majorité des enfants et jeunes, le gouvernement avait opté pour un renforcent des enseignements en langues locales, comme l'indique cet article du journal LeMonde. Interviewée en février 2018, Rabiou Rachida, enseignante contractuelle de la classe de CIB (première année de l’école élémentaire), affirmait au journal LeMonde :

En zarma [deuxième langue la plus parlée au Niger avec plus 18% de locuteurs], les enfants comprennent plus facilement et plus vite qu’en français.

Cette déclaration de l'enseignante confirme l'importance d'une éducation en langues locales, argument repris par les autorités militaires au pouvoir aujourd'hui au Niger.

Mais Affiz Ousmane, étudiant à l’Université Dan Dicko Dankoulodo de Maradi (UDDM) située dans la ville de Maradi (au centre du pays) interviewé par Global Voices, estime que le changement aussi rapide du statut de la langue française risque affecter négativement le système éducatif: 

Le changement est brusque, brutal et c'est l'éducation qui va prendre un coup. Notre système éducatif a toujours été en langue française, surtout le niveau supérieur. Il va falloir réorganiser cela en profondeur pour ne pas faire de victimes.

J'espère vivement que ce changement ne se fera pas de la façon dont les autorités militaires ont rompu les relations avec la France et les institutions internationales auxquelles nous appartenons. 

Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, il est clair que la détérioration des relations entre le Niger et la France donne lieu à une profonde transformation de la société nigérienne. Déjà en octobre 2024, les autorités militaires ont procédé au retrait des noms français dans les espaces publics en rebaptisant des avenues, monuments et autres lieux avec des noms de personnes et devenant purement nigériens.

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En Afrique francophone, les enfants des rues portent des dénominations différentes mais renvoient à une même réalitéhttps://fr.globalvoices.org/?p=295430http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250610_100804_En_Afrique_francophone__les_enfants_des_rues_portent_des_denominations_differentes_mais_renvoient_a_une_meme_realiteTue, 10 Jun 2025 08:08:04 +0000Une série télévisée ivoirienne, “Les invisibles” met en exergue la problématique des enfants des rues

Initialement publié le Global Voices en Français

Un groupe d'enfants de la rue en Côte d'Ivoire, autour d'une dame qui s'est donnée pour mission de sortir “les microbes” de leur situation ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Droit Libre TV

Le phénomène des enfants des rues est aussi présent en Afrique francophone ; et si plusieurs dénominations sont utilisées pour les désigner, elles renvoient toutes à la même réalité de précarité de mineurs.

En 2021, une publication du Bureau international catholique de l'enfance (BICE) indique que le monde compte plus de 120 millions d'enfants des rues dont 30 millions se trouve en Afrique. En 2025, ce chiffre est évalué à 35 millions en Afrique. Alors que l'augmentation de ce chiffre devrait inquiéter les gouvernements africains, le phénomène semble être moins pris en compte dans les politiques de développement.

Les raisons pour lesquelles des enfants se retrouvent à la rue sont nombreuses. Dans ce sens, Humanium, une ONG internationale basée en Suisse qui a pour mission la promotion, la défense et la concrétisation des droits de l'enfant dans le monde, indique :

…des enfants se retrouvent sans logement et sont forcés à se débrouiller par eux-mêmes dans les rues pour de nombreuses raisons, principalement la pauvreté, les guerres, les violences et la maltraitance antérieure, l’exploitation et le désespoir.

A cela s'ajoute un phénomène de discrimination socioculturelle qui fait que dans certaines communautés, ces enfants sont accusés à tort pour des faits de sorcellerie et chassés des maisons.

Cette double marginalisation économique et sociale donne lieu à des dénominations qui varient dans différents pays d'Afrique francophone.

“Mboko” au Cameroun

Au Cameroun, l'appellation “Mboko” est utilisée pour désigner les enfants des rues; elle correspond au diminutif de l'expression Nanga-boko en langue duala, parlée dans la ville de Douala (capitale économique du Cameroun). Ce terme est l'union de deux mots: nanga (dormir) et éboko (extérieur, dehors). Nanga-boko s'utilise ainsi pour parler de ces enfants qui dorment dehors dans la rue. Interviewé par Global Voices, via Whatsapp, Jean Samuel Njock, membre de la diaspora camerounaise en Europe explique dans un contexte plus large l'origine de cette appellation. Il dit:

L'appellation Nanga-boko fait suite aux migrations du nord vers le sud de milliers d’enfants orphelins délinquants ou sans abris qui quittent Ngaoundéré (ville située au nord du pays) en passant par l’est du pays puis la ville de Nanga-eboko (situé au centre du pays) jusqu'à la capitale Yaoundé où ils forment de grands groupes de délinquants liés à la consommation de stupéfiants. Ces enfants de rue sont aussi à l’origine du Mbolé qui est un style musical camerounais.

Ici, un exemple de chanson sur le rythme Mbolé du groupe Elang City sur le titre Toaster Le Yamo.

En légende du clip, un message donne une explication nuancée du phénomène des enfants des rues:

…”Toaster Le Yamo”, est une chanson d'animation qui aborde avec force et sincérité les réalités quotidiennes des jeunes confrontés au chômage. Contrairement à certaines idées reçues, cette chanson ne fait pas l’apologie de la drogue, mais dénonce plutôt les défis que beaucoup de jeunes rencontrent aujourd'hui.

Lire aussi : Les mots ont la parole: Épisode #26

“Shégué” en RDC

Le terme “Shégué” revêt le même sens en République démocratique du Congo (RDC). “Shégué” est un mot lingala, une des langues nationales parlées en RDC, utilisé dans ce pays pour parler des enfants de rue. Les causes de l'abandon et du rejet par les familles sont les mêmes: faits de sorcellerie, manque de moyen pour les familles de pourvoir à leurs besoins primaires.

Pour les shégués, tous les moyens sont bons pour survivre. Bon nombre d'entre eux participent à des actes d'extrême violence en rejoignant les gangs de délinquants armées qui volent, violent, martyrisent et tuent des citoyens congolais dans la ville de Kinshasa, capitale du pays. Ces gangs de jeunes constituent aujourd'hui un phénomène de banditisme social nommé “Kulunas“.

Lire: En RDC, le gouvernement opte pour la peine de mort pour éradiquer le phénomène du banditisme

“Microbe” en Côte d'Ivoire

Les bandes d'enfants des rues sont appelées “microbes” en Côte d'Ivoire. Ces enfants sont contraints à  prendre soin de leur famille au lieu de faire des études ou de profiter de leur enfance avant l'âge adulte. Usant d'une extrême violence, ils sont parfois impliqués dans des braquages et tueries dans le pays, surtout à Abidjan, capitale de la Côte d'Ivoire.

Un documentaire intitulé Abidjan’s Microbes: How Côte d’Ivoire Abandoned Its Youth? (Les microbes d'Abidjan : comment la Côte d'Ivoire a abandonné sa jeunesse? ) en donne une image saisissante:

Une publication de Jeune Afrique indique également que ces jeunes ont joué un rôle important dans la crise politique de 2011 qui a secoué la Côte d'Ivoire, aboutissant à l'arrestation de Laurent Gbagbo (président 2000-2010).

Le phénomène des microbes en Côte d'Ivoire a attiré l'attention d'Alex Ogou, réalisateur franco-ivoirien qui a réalisé une série télévisée dénommé “Les invisibles” pour mettre en exergue la problématique des enfants des rue.

Ici, un extrait de cette série :

Lors d'une interview qu'il a accordée en 2018 à France Info, Ogou dit ce qu'il a appris sur ces enfants :

Ces enfants sont issus des classes les plus défavorisées de la société dans leur grande majorité. Mais il y a aussi, parmi eux, des gamins qui appartiennent à des foyers stables et qui, la nuit tombée, rejoignent les rangs des microbes. Conclusion: que vous soyez riche ou pauvre, le regard ou le non-regard porté sur les enfants reste déterminant. Leur dénominateur commun est d'être des enfants délaissés, abandonnés par leurs parents ou livrés à eux-mêmes.

Le combat pour mettre fin à ce phénomène d'enfant des rues est loin d'être gagné. Malgré la mise en œuvre de plusieurs initiatives émanant des organisations de la société civile, le défi demeure pour garantir la dignité des enfants et la sécurité en zones urbaines.

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Sri Lanka : la lutte pour le droit à l'avortementhttps://fr.globalvoices.org/?p=295758http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250606_033955_Sri_Lanka___la_lutte_pour_le_droit_a_l_avortementFri, 06 Jun 2025 01:39:55 +0000Un amendement tellement restrictif est proposé aux lois sur l’avortement datant de l’époque coloniale britannique.

Initialement publié le Global Voices en Français

Photo by Cottonbrostudio via Pexels. Used under a Pexels License.

Photo de Cottonbrostudio par Pexels, utilisée sous une License Pexels

Cet article de Mia Abeyawardene a été initialement publié sur Groundviews, un site Web de journalisme citoyen primé au Sri Lanka. Une version éditée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu avec Global Voices.

Dans un pays où l’avortement reste pénalisé par les lois de l’époque coloniale remontant jusqu'à 1883, le Sri Lanka a longtemps refusé aux femmes le droit fondamental de prendre des décisions concernant leur propre corps. La récente proposition visant à modifier ces lois, autorisant l’interruption de grossesse en cas d’anomalies fœtales inapplicables, a été agréée par de nombreuses personnes, notamment par la Sri Lanka Safe Abortion Coalition (SLSAC). Toutefois, cette réforme limitée est loin d’être suffisante et elle met en lumière des problèmes systémiques plus profonds : la marginalisation des femmes dans le processus décisionnel, la réduction des droits reproductifs à une question médicale, ainsi que la stigmatisation tenace et l'emprise patriarcale sur leurs choix reproductifs.

Le SLSAC a accueilli avec prudence la proposition, la reconnaissant comme une première étape potentielle vers un cadre juridique plus juste et plus compatissant. Pourtant, la coalition est claire dans sa position : l’amendement proposé est tellement restrictif. Limiter l’accès à l’avortement uniquement en raison d’anomalies fœtales mortelles ne répond pas à la réalité plus large des raisons pour lesquelles les femmes cherchent à avorter, notamment en cas de viol, d’inceste, de manque d’accès à la contraception, de difficultés économiques ou simplement du choix de ne pas poursuivre une grossesse.

Trois collèges de médecine mènent la réforme proposée : le Collège des médecins communautaires, le Collège des obstétriciens et gynécologues et le Collège des pédiatres. Bien que leur implication soit importante, leur domination dans la rédaction de cet amendement est problématique. Cela reflète une tendance persistante à considérer l’avortement uniquement à travers une perspective clinique, ignorant les dimensions sociales, économiques et des droits humains complexes de la santé reproductive.

De manière frappante, ces organismes médicaux ont agi sans consulter les principales parties prenantes telles que les organisations de défense des droits des femmes, les défenseurs de la société civile et le ministère des Affaires féminines et de l’enfance. Cette exclusion n’est pas seulement un oubli ; il s’agit de la continuation d’une tendance de longue date qui consiste à mettre les femmes à l’écart des décisions qui affectent leur vie et leur corps. Il est particulièrement troublant que presque tous ceux qui participent à la rédaction de ces recommandations soient des hommes, ce qui renforce la tradition patriarcale selon laquelle les hommes imposent des lois sur le corps des femmes sans qu'elles aient voix au chapitre.

L’avortement n’est pas seulement un problème médical ; c'est une question de droits de l'homme. Refuser à quelqu’un la possibilité d’interrompre une grossesse, notamment en cas de viol, d’inceste ou de conditions fœtales mortelles, peut constituer un traitement cruel, inhumain et dégradant. Les organismes internationaux de défense des droits de l’homme, notamment le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, ont constamment affirmé que forcer des personnes à mener à terme de telles grossesses viole leur droit à la santé, à l’égalité et à l’autonomie corporelle. L’affaire historique KL c. Pérou de 2001 a créé un précédent, en statuant que refuser un avortement à une jeune fille de 17 ans malgré un diagnostic d’anencéphalie constituait une violation de ses droits.

L'avocate Uda Deshapriya a souligné que la criminalisation de l'avortement signifie que les femmes craignent d'être poursuivies même lorsqu'elles recherchent des soins post-avortement. Cela entraîne des retards dans le traitement et, dans certains cas, des décès maternels évitables. La stigmatisation et les obstacles juridiques qui entourent l’avortement nuisent non seulement aux individus, mais compromettent également la santé publique.

Malgré son illégalité, l’avortement n’est pas rare au Sri Lanka. Une étude de 2010 portant sur 665 femmes ayant subi un avortement provoqué a révélé que 71 % d’entre elles connaissaient un prestataire avant de prendre leur décision, et que 69 % avaient entendu parler de prestataires par l’intermédiaire d’amis ou de membres de leur famille. Ces statistiques mettent en évidence les réseaux informels sur lesquels les femmes s’appuient pour accéder aux services d’avortement, souvent au péril de leur santé et de leur sécurité.

Ces dernières années, l’accès à des médicaments tels que le Misoprostol, une méthode sûre et efficace d’avortement médicamenteux, a entraîné une baisse spectaculaire des décès maternels dû à un avortement septique, passant de 13,4 % en 2011 à 4,5 % en 2021. Cependant, ces progrès restent fragiles face à la criminalisation accrue, qui continue de rendre l’avortement clandestin.

Le nouveau gouvernement sri-lankais, élu avec une majorité des deux tiers sous des promesses de transformation politique et sociale, semble revenir sur ses engagements. Le manifeste du Pouvoir populaire national (NPP) d'août 2024 comprenait un engagement à mettre en œuvre les recommandations de la Commission du droit de 2012 visant à élargir les motifs légaux de l'avortement pour inclure le viol et les malformations fœtales graves. Pourtant, ces réformes restent profondément inadéquates et sans conviction, et ne parviennent pas à répondre aux besoins réels des femmes.

La couverture médiatique de cet amendement s’est principalement concentrée sur l’apaisement des voix religieuses conservatrices, évitant ainsi l’examen nécessaire du processus d’amendement. Les militants et les groupes de défense des droits des femmes ont été remarquablement absents du débat national, et même le ministère des Affaires féminines et de l’Enfance a été marginalisé. Deshapriya a souligné que le silence des médias et le progressisme performatif du gouvernement, renforcés par la présence d'une femme Premier ministre, ont affaibli la responsabilité publique.

Le SLSAC et les militants alliés sont clairs que la dépénalisation complète de l’avortement est la seule voie qui défende les droits humains, assure l’équité et respecte l’autonomie des femmes. La dépénalisation signifierait supprimer entièrement l’avortement du Code pénal et le traiter comme un problème de santé – un problème qui peut être géré en toute sécurité, même à domicile, grâce aux progrès médicaux modernes.

Il n’est pas nécessaire d’attendre des infrastructures, de nouvelles politiques ou des réglementations supplémentaires avant de franchir cette étape. Le misoprostol figure déjà sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS et les soins post-avortement font partie du système de santé. Les obstacles à l’accès persistent non pas à cause de limitations médicales, mais à cause de politiques moralistes, de la stigmatisation et du contrôle patriarcal.

Le programme de contraception actuel au Sri Lanka exclut de nombreuses femmes, en particulier les personnes célibataires et non-cisgenres, et se concentre étroitement sur les femmes de sexe féminin à la naissance, mariées dans le cadre de la planification familiale. Cette exclusion augmente le risque de grossesses non désirées et souligne encore davantage la nécessité de soins de santé reproductive complets, y compris l’accès à l’avortement.

L’amendement proposé constitue un petit pas symbolique, mais n’est pas suffisant. Les femmes au Sri Lanka méritent plus que des exceptions limitées et des prises de décision dominées par les hommes. Elles méritent l’autonomie, la dignité et le droit de choisir. Comme l’a clairement indiqué le SLSAC, les droits reproductifs sont des droits humains et la justice reproductive ne sera atteinte qu’avec la dépénalisation complète de l’avortement et l’inclusion significative des femmes dans l’élaboration des lois qui régissent leur vie.

Le débat doit s’éloigner de la question du contrôle du corps des femmes et s’orienter vers leur autonomisation. Jusqu’à ce moment-là, les réformes resteront creuses et la justice restera hors de portée. En laissant la parole aux femmes, et pas seulement à celles des médecins, des politiciennes ou des chefs religieux, le Sri Lanka peut enfin commencer à réparer les dommages causés par une loi qui a fait son temps et son objet.

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Masculinité toxique : rhétorique mondiale du contrôlehttps://fr.globalvoices.org/?p=294939http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250606_032442_Masculinite_toxique___rhetorique_mondiale_du_controleFri, 06 Jun 2025 01:24:42 +0000Nous examinons deux récits clés qui façonnent le débat autour de ce que beaucoup considèrent comme les « rôles des hommes et des femmes dans la société ».

Initialement publié le Global Voices en Français

Illustration par Global Voices

Cette histoire fait partie d'Undertones, le bulletin d'information de l'Observatoire des médias citoyens de Global Voices. Abonnez-vous à Undertones.

Le mois dernier, Netflix a lancé Adolescence, une série de quatre épisodes sur le cyberharcèlement et l'influence des narratifs des réseaux sociaux sur les garçons, qui est devenue un appel à l'action pour les parents et les décideurs et a ouvert la conversation sur la masculinité toxique et la manosphère. Pourtant, la masculinité toxique n'est pas un phénomène nouveau – la misogynie, la phobie des LGBTQ+, et d'autres conséquences de la masculinité violente hégémonique existent depuis longtemps.

En Hongrie, les récits anti-migration du gouvernement de Viktor Orbán cherchent à définir l'identité nationale « masculine » du pays en opposition à la sphère internationale « féminisée » occidentale, utilisant des revendications concurrentes de souveraineté pour renforcer cette distinction, consolidant le lien entre masculinité et pouvoir. Éva Fodor relie les politiques anti-migration et anti-genres dans son livre, The Gender Regime of Anti-liberal Hungary, où elle explique que, dans la lutte contre le quota de migration de l'Union européenne, le gouvernement hongrois a présenté l'Union européenne comme un « ennemi pro-genre de la nation hongroise ».

En Russie, depuis le début de l'invasion de l'Ukraine en février 2022, la propagande gouvernementale a lié la masculinité à la guerre dans une tentative de recruter de nouveaux soldats. Comme nous l'avons montré dans des recherches précédentes, le gouvernement russe a présenté l'adhésion à l'armée comme le meilleur moyen de montrer son patriotisme et sa virilité, ce qui a alimenté le cycle de violence contre les femmes en Ukraine et en Russie.

L'engouement autour du comportement masculin toxique a également pénétré les sphères dirigeantes des pays occidentaux. Le discours et les politiques anti-diversité actuels du président américain Donald Trump sont directement liés à la promotion de ma masculinité, avec des membres de l'administration et même le président corrélant l'inefficacité du leadership et la faiblesse avec les femmes.

La notion de force derrière le concept de masculinité a également atteint les dirigeants des plateformes de réseaux sociaux, avec le PDG de Meta, Mark Zuckerberg, reliant les changements de politique de l'entreprise à la nécessité de plus « d'énergie masculine » et affirmant que « avoir une culture qui célèbre un peu plus l'agression a ses propres mérites qui sont vraiment positifs ».

Hypothèse : « Women should know their role and abide by it. If they don't, they should deal with the consequences » (Les femmes devraient connaître leur rôle et s'y confronter. Si elles ne le font pas, elles devraient en assumer les conséquences).

Selon les personnes affirmant cette hypothèse, les femmes qui ne respectent pas les rôles qui leur sont imposés par le patriarcat traditionnel en tant que porteuses d'enfants, éleveuses d'enfants et pourvoyeuses du foyer doivent faire face aux conséquences.

Le raisonnement derrière cette idée soutient une hiérarchie fondée sur le genre qui impacte les vies personnelles, les carrières, les rôles familiaux et les structures sociétales plus larges, positionnant et les femmes cis et les femmes trans comme subordonnées aux hommes.

Le renforcement des rôles de genre traditionnels pour les femmes dans les sociétés occidentales est souvent poussé par une glorification nostalgique de la « vieille masculinité » — une idée promue comme réponse aux effets perçus de l’émasculation par la « culture woke ».
Comment ce récit est partagé en ligne 

La coach relationnelle Gia Macool partage un extrait d'une vieille interview de Sean Connery où l'acteur affirme que parfois, le comportement des femmes mérite qu'on les « frappe ». Macool décrit la déclaration de Sean Connery comme un aspect de la « vieille masculinité » et demande, par invitation, si ce comportement devrait être réintroduit.
Dans la vidéo, Sean Connery présente l'option de frapper les femmes comme une action disciplinaire bien méritée, impliquant que les femmes ne se comportent parfois pas comme elles le devraient, et que c'est le droit des hommes de les discipliner.

Les premières remarques de Connery sur le fait de frapper lesIl a ensuite confirmé sa position en 1987 lors de l'interview avec Barbara Walters partagée dans le tweet de Macool, et, en 1993, il a fait des remarques controversées similaires dans une interview avec le magazine Vanity Fair.

L'article a reçu plus de 1,8K commentaires, 32K j’aimes et 14K favoris. Il a été classé -2 dans notre tableau de bord d'impact civique, car les remarques de Connery sont dangereuses puisqu'elles présentent le fait de frapper comme une mesure « raisonnable » pour « mettre les femmes à leur place » si elles ne se comportent pas comme elles le devraient.

Voir l'analyse complète de l'article ici. Lisez aussi comment cette hypothèse est soutenue dans des pays comme le Pakistan et la Grèce.

Hypothèse : «Women share a part in the demographic crisis and should assume their role in bearing children » (Les femmes partagent une part de la crise démographique et doivent assumer leur rôle dans la procréation)

Les partisans de cette hypothèse affirment que les femmes ont la responsabilité d'améliorer les taux de natalité en raison de leurs caractéristiques biologiques. De leur point de vue, il existe un lien direct entre le nationalisme et les rôles de genre. Comme l'explique avec éloquence Annabelle Chapman dans son essai « Where Gender Meets Nationalism »,  « Si, du point de vue des nationalistes, le rôle des hommes est de protéger la nation, alors le rôle des femmes est de la perpétuer », ce qui devient naturellement une raison de pousser les femmes à avoir des enfants.
Les crises démographiques dans des endroits comme l'Union européenne ont offert une occasion aux dirigeants conservateurs de promouvoir ce récit. En Italie, par exemple, la dirigeante du gouvernement de droite Georgia Meloni a exploité ce qu'ils appellent un « hiver démographique » alors que les naissances du pays atteignent un niveau historiquement bas, selon l’Institut national de la statistique italien (ISTAT).
Cette rhétorique considère la décision d'avoir des enfants à travers le prisme de la survie nationale plutôt que de donner priorité aux droits des femmes, à leurs choix personnels et à leurs aspirations.

Comment ce récit circule en ligne

Davide Marchiani, un influenceur italien avec plus de 10K abonnés sur X, qui affirme dans sa biographie avoir du dégoût pour les femmes et s'identifier comme le « misogyne le plus célèbre de X », prétend que « pour augmenter le taux de natalité, il ne faut pas augmenter le congé maternité », il faudrait plutôt « augmenter le salaire des pères pour que leurs femmes puissent rester à la maison et être mères ».

En affirmant que la clé pour améliorer les taux de natalité est de « d’augmenter le salaire des pères pour que leurs femmes puissent rester à la maison et être mères » et que « le revenu dual est un piège anti-famille », Marchiani implique que les femmes doivent, et reconnaîtront naturellement, leur rôle dans la société et assumer la responsabilité d'avoir des enfants.

L'article a reçu 99 commentaires, 119 reposts, 664 j’aimes, 18 favoris et 33,4K vues. Il a été classé -1 dans notre tableau de bord d'impact civique, car il promeut des politiques et une perspective qui affectent la capacité des femmes à rivaliser équitablement avec les hommes sur le lieu de travail.

Voir l'analyse complète de l'article ici. Lisez également comment ce récit est affirmé au Royaume-Uni et en Argentine.

Nouvelles de l'Observatoire des médias citoyens

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« Make Moldova Great Again » : Le Maire de Chișinău a publié une photo avec Donald Trump Jr.https://fr.globalvoices.org/?p=295117http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250606_025159____Make_Moldova_Great_Again______Le_Maire_de_Chi__in__u_a_publie_une_photo_avec_Donald_Trump_Jr.Fri, 06 Jun 2025 00:51:59 +0000Cela a suscité des discussions sur les réseaux sociaux moldaves

Initialement publié le Global Voices en Français

Trump Jr. faisant campagne pour son père en Iowa, novembre 2016. Image de Max Goldberg via Wikimedia Commons CC BY 2.0.

Cet article a initialement été publié en russe le 29 avril 2025 sur NewsMaker.Md. Global Voices a traduit l'article, l'a édité pour plus de clarté et le republie avec un contexte supplémentaire dans le cadre d'un accord de partenariat médiatique.

Le maire de  Chișinău, Ion Ceban, a publié une photo sur les réseaux sociaux le 28 avril avec Donald Trump Jr., le fils aîné du président américain Donald Trump. Ceban a déclaré avoir rencontré le fils de Trump lors d'un événement à Bucarest et a légendé la photo : « Make Moldova Great Again » (Redorer le blason de la Moldavie).

Ceban a partagé qu'il avait non seulement pris une photo avec Donald Trump Jr., mais qu'il avait également parvenu à discuter « d'un certain nombre de sujets, y compris les relations entre la Moldavie et les États-Unis ». De plus, selon Ceban, les deux hommes « se sont mis d'accord pour poursuivre le dialogue ». La photo avec le fils du président américain était légendée « Make Moldova Great Again », une légère adaptation du slogan popularisé par le président Donald Trump. 

La photo de Ceban avec Trump a suscité des discussions sur les réseaux sociaux. Certains ont souligné la relation compliquée entre les autorités moldaves et Washington depuis que Donald Trump est devenu président des États-Unis.

La Moldavie a été confrontée à des problèmes liés à la suspension brutale des programmes de l'USAID. Le pays bénéficiait du financement de l'USAID depuis 1992, recevant près de 2,5 milliards de dollars et mettant en oeuvre des projets dans de nombreux secteurs, notamment l'éducation, le tourisme, l'agriculture, l'industrie, les technologies de l'information, l'administration publique, la réforme de la justice, la lutte contre la corruption, le développement énergétique, les infrastructures routières, les médias et la société civile. La suspension de l'USAID a contraint le gouvernement moldave et les ONG à rechercher des financements alternatifs provenant d'Europe. Elle a également mis en danger la sécurité énergétique de la Moldavie, car la construction de la ligne haute tension entre la Roumanie et la Moldavie a également été affectée.

D'autres ont interprété la photo comme une preuve du soutien des États-Unis à l'opposition moldave.

Comme l'a rapporté Reuters en février, une coalition de partis d'opposition a été créée en Moldavie en vue des élections parlementaires.  La coalition « Alternative » réunira le parti du maire de Chișinău, Ion Ceban, celui de l'ancien premier ministre, Ion Chicu et celui de l'ancien député Marc Tcaciuc. La coalition est en faveur de l'intégration européenne du pays et critique l'actuelle présidente Maia Sandu et son parti, le PAS, pour leur inefficacité et leur indifférence à l'égard de l'intérêt public.

D'autres, encore, ont profité de l'occasion pour se moquer du maire de Chișinău. Un utilisateur a déclaré : « Make Ceban Smart Again! »

Il est connu que Trump Jr. a visité Bucharest dans le cadre d'une tournée européenne couvrant le Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie et la Serbie. Dans la capitale roumaine, le fils du président américain a assisté à un événement professionnel organisé par l'homme d'affaires Adrian Thiess. Après Bucarest, Trump Jr. s'est rendu à Sofia. Le but de la tournée est d'élargir les intérêts commerciaux de la famille Trump et de renforcer les liens avec des alliés politiques conservateurs dans la région, selon les médias roumains.

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Une cuisinière thaïlandaise révèle les conditions de détention des ouïghours en Thaïlandehttps://fr.globalvoices.org/?p=294913http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250606_024448_Une_cuisiniere_thailandaise_revele_les_conditions_de_detention_des_ouighours_en_ThailandeFri, 06 Jun 2025 00:44:48 +0000Une cuisinière thaïlandaise témoigne de la détresse des réfugiés ouïghours détenus dans un centre de détention rural.

Initialement publié le Global Voices en Français

Cook at detention center

Une cuisinière témoigne de la situation des ouïghours détenus dans un centre de détention rural en Thaïlande. Image de Prachatai, partenaire de Global Voices.

Cet article est une version adaptée d'un reportage de Prachatai, un site d'information indépendant en Thaïlande, republié par Global Voices dans le cadre d'un partenariat éditorial.

Pendant six ans, Masiyah (pseudonyme) a cuisiné pour les réfugiés ouïghours détenus dans un centre de détention de l'immigration situé dans une zone rurale de la Thaïlande. Elle leur apportait les repas trois fois par jour, ainsi que des plats spéciaux pendant le Ramadan, tissant progressivement des liens avec les détenus. En 2020, Masiyah a entamé une relation amoureuse avec Polat (pseudonyme), l'un des réfugiés ouïghours. Elle est devenue une figure maternelle pour eux et s'est finalement convertie à l'islam à mesure que leurs liens se renforçaient.

Masiyah a livré son témoignage à Prachatai, dévoilant les conditions de vie à l'intérieur du centre de détention. Son récit survient dans un contexte d'inquiétude internationale, après la déportation vers la Chine, le 27 février 2025, de 40 réfugiés ouïghours par le gouvernement thaïlandais. Une décision qualifiée de « volontaire » par les autorités thaïlandaises, malgré les préoccupations des organisations de défense des droits humains et des militants ouïghours.

De la cuisine à l'amour

Lorsqu'elle évoque la nourriture et sa relation avec Polat, les yeux de Masiyah s'illuminent et sa voix devient plus vive. Elle explique que les ouïghours suivent des règles alimentaires bien plus strictes que les réfugiés rohingyas qu'elle servait auparavant.

The Rohingya would eat spicy food and accept eating meat that I prepared, such as beef and chicken, and they wouldn’t be particularly strict. But they [the Uyghurs] were very concerned about [food being] halal. They did not accept chicken from me for about three years because they weren’t sure. I wasn’t Muslim then.

Les Rohingyas acceptaient de manger la viande que je préparais, comme du bœuf ou du poulet, ils aimaient les plats épicés et ne suivaient pas un régime particulièrement strict. Mais ils [les ouïghours] étaient très stricts sur le respect du halal. Ils n'ont accepté de manger du poulet que près de trois ans plus tard, car ils n'étaient pas certains que la viande soit conforme. A l'époque, je n'étais pas encore musulmane.

Lorsque Masiyah a commencé la livraison des repas, les ouïghours se montraient méfiants et doutaient de ses intentions. En raison des coutumes islamiques limitant les interactions directes entre hommes et femmes, ils ont désigné Polat comme porte-parole afin de communiquer avec elle.

Les ouïghours ont besoin d'une alimentation halal, non épicée et sans glutamate de sodium (GMS). Ils évitent certains légumes comme l'aubergine thaïlandaise et la courge, et privilégient les carottes, les pommes de terre et les macaronis. Masiyah leur préparait des plats : brocoli sauté, chou chinois sauté avec du tofu et des œufs, ou encore du curry massaman, un plat thaïlandais conforme aux normes halal.

À mesure que leur relation se renforçait, Masiyah est devenue une médiatrice pour les détenus, les aidant à contacter leurs familles et à obtenir des médicaments lorsqu'ils tombaient malades. Bien qu'une relation de confiance se soit instaurée grâce aux repas partagés et à son soutien, elle estime que c'est son honnêteté qui a véritablement consolidé leur lien.

They trust me because I make three meals every day — breakfast, lunch, and dinner. And during Ramadan, I also deliver food to them at night. They love me because even at 3 am, I still carry food to them.

Ils me font confiance parce que je leur prépare trois repas par jour : le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. Et pendant le Ramadan, je leur apporte aussi de la nourriture le soir. Ils m'apprécient, car même à trois heures du matin, je leur apporte à manger.

Au fil du temps, son regard sur les ouïghours a changé. Ils n'étaient pas les individus effrayants qu'elle s'était imaginés auparavant, mais plutôt des personnes bienveillantes et respectueuses.

Some [Uyghurs] who have contact with their children, every time they ask about their children, they inquire how many chapters of the Quran their kids have memorized. I have never seen them talk of resentment that they have been imprisoned.

Certains [ouïghours] qui sont en contact avec leurs enfants leur demandent toujours combien de sourates (chapitres) du Coran ils ont mémorisées. Je ne les ai jamais entendus exprimer la moindre rancœur au sujet de leur détention.

Initialement bouddhiste, comme de nombreux Thaïlandais, Masiyah s'est rapprochée de l'islam au fil de ses visites fréquentes avec Polat. Elle a finalement décidé de se convertir. « Il a commencé par me faire découvrir sa foi », raconte-t-elle. « Avant, je buvais beaucoup. Il m'a convaincue d'arrêter. Cela fait maintenant presque six ans que je n'ai pas touché à l'alcool. Il m'encourage toujours à faire le bien. »

Au-delà de l'influence positive qu'il a eue sur elle, c'est la compassion qui les a rapprochés et les a finalement fait tomber amoureux.

He never thought of making things difficult for me. He never asked me to do anything wrong. When we talked, I had the feeling that I could no longer disappear from him. I don’t know what the future will be like, but I’ll continue helping him like this because if I disappear, he won’t have anyone else to come and do it for him.

Il n'a jamais cherché à me compliquer la vie. Il ne m'a jamais demandé de faire quoi que ce soit de mal. Quand nous parlions, j'avais le sentiment que je ne pouvais plus me détacher de lui. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais je continuerai à l'aider comme je le fais, car si je venais à disparaître, il n'aurait plus personne pour s'occuper de lui.

Fuir les violences

En 2014, Polat faisait partie des 220 ouïghours arrêtés par la police thaïlandaise alors qu'ils tentaient de franchir la frontière malaisienne. Poursuivis en justice pour immigration illégale, les membres du groupe ont ensuite été dispersés dans divers centres de détention à travers la Thaïlande. Les ouïghours avaient fui le Xinjiang, une région sous contrôle strict du gouvernement chinois malgré son statut « autonome », et qui fait l'objet de vives critiques en raison des violations des droits de la minorité musulmane.

En savoir plus : (Célébrer la résilience des ouïghours)

En 2016, Polat et six autres personnes ont été transférés dans un centre de la province de Mukdahan, où ils sont restés enfermés pendant près de dix ans. Selon les récits des détenus rapportés par Masiyah, les autorités chinoises ont envahi le Xinjiang en y installant des colons du peuple chinois Han, ont interdit les pratiques islamiques et ont contraint les ouïghours à compromettre leur fois, notamment en les forçant à participer à des spectacles culturels ou à consommer de l'alcool.

En quête d'une vie meilleure ailleurs, les ouïghours se sont retrouvés enfermés dans des centres de détention thaïlandais.

D'après le témoignage de Masiyah, ils étaient tous contraints de vivre ensemble dans une pièce exiguë de 4 mètres sur 6, avec une salle de bain attenante. L'absence de lumière naturelle et l'impossibilité de voir au-delà de cet espace confiné ont conduit certains à développer des troubles de la vision. De plus, ils subissaient également des violences physiques et des remarques désobligeantes de la part des agents.

The condition of the detention cells is very bad. In the cell, there are two layers of bars: an inner layer and an outer layer. There are also zinc sheets blocking the view [outside] so no one can see them. The wind can't get in either.

One person inside here was physically abused because this person liked speaking Thai and would often answer back to some of the officers … so he was beaten badly. One of the Uyghurs once mentioned something about food, and [the officer] said, ‘They’re really making a fuss. These people should be made to eat pork.’

Les conditions de détention sont très mauvaises. Les cellules sont équipées de deux rangées de barreaux : l'une à l'intérieur et l'autre à l'extérieure. Des plaques de zinc bloquent également la vue [depuis l'extérieur], empêchant quiconque de les voir. Le vent ne peut pas non plus y pénétrer.

Une personne ici à été victime de violences physiques parce qu'elle aimait parler thaïlandais et répondait souvent aux agents… Elle a alors été violemment battue. Un ouïghour a un jour fait une remarque sur la nourriture, et il [l'agent] a rétorqué : « Ils font vraiment des histoires. Ces gens-là devraient être forcés à manger du porc. »

Le groupe de Polat a tenté de s'évader à deux reprises. En 2019, leur première tentative a eu lieu après une montée des tensions avec les agents, lorsqu'un détenu malade s'est vu refuser des soins médicaux. Lorsque les agents ont ordonné le transfert des détenus dans une cellule plus grande, le temps de renforcer la sécurité de la plus petite, ces derniers ont craint d'être battus, ce qui les a poussés à s'échapper.

Après avoir été retrouvés, ils ont purgé leur peine à la prison de Mukdahan avant d'être renvoyés au centre de détention de l'immigration. En 2020, ils ont tenté de s'évader une seconde fois. Cette fois, ils ont été transférés à la prison de Klong Prem, également accusés d'un vol présumé commis à l'encontre des villageois. Cinq d'entre eux, dont Polat, y sont restés incarcérés, tandis que les deux autres, ayant purgé leur peine, faisaient partie des personnes déportées vers la Chine le 27 février.

Contre toute attente, les ouïghours préfèrent la prison de Klong Prem au centre de détention de l'immigration de Mukdahan. Masiyah explique :

They like it here [Klong Prem Prison] because there is a dining hall separate from the sleeping rooms, and they get to see sunlight. When it rains, they get wet. But at the Immigration Detention Centre (at Mukdahan), it was not okay at all … It’s worse than prison.

They have the feeling that they would rather stay in prison than in the Immigration Detention Centre because the environment is better. If they’re sick, they can see a doctor at the Medical Correctional Hospital. [But at Mukdahan IDC], to get out to see a doctor just once, requires a lot of officers. If it’s not serious, they won’t take them. But here, they can write a request. If they get sick from something, they can write a request and submit it to the medical unit.

Ils préfèrent cet endroit [la prison de Klong Prem] car la cantine est séparée des dortoirs et ils peuvent voir la lumière du soleil. Quand il pleut, ils sont mouillés. Mais au centre de détention de Mukdahan, ce n'était vraiment pas vivable… C'est pire que la prison. Ils ont le sentiment qu'il vaut mieux rester en prison que dans le centre de détention de l'immigration, car l'environnement y est meilleur. En cas de maladie, ils peuvent consulter un médecin au centre hospitalier pénitentiaire. [Mais au centre de détention de Mukdahan], il faut mobiliser de nombreux agents pour qu'un détenu puisse voir un médecin, ne serait-ce qu'une seule fois. Et si ce n'est pas grave, on ne les y emmène pas. Ici, ils peuvent rédiger une demande et la soumettre à l'unité médicale.

Aucun ne veut y retourner

« Aucun de ceux qui sont en cellule ne veut retourner en Chine », confie Masiyah, à propos de Polat et de ses amis. « Ils demandent seulement qu'on prie pour eux, qu'on fasse des douas [des invocations] afin qu'ils puissent partir dans un pays tiers et ainsi échapper à la Chine. »

Masiyah ne croit pas que les 40 ouïghours détenus au bureau de l'immigration de Suan Phlu accepteraient volontairement de retourner en Chine.

Selon un communiqué du gouvernement thaïlandais publié le 27 février, le gouvernement chinois a officiellement demandé la déportation de 45 ouïghours détenus depuis plus de 10 ans pour entrée illégale en Thaïlande, à l'exception de quelques-uns ayant tenté de s'évader de détention ou agressé des agents.

Cela inclut Polat et quatre autres détenus, dont les infractions les ont, ironiquement, sauvés. Lors d'une récente conférence de presse, le ministre de la Justice a déclaré que leurs peines prendront fin en 2029, et qu'une décision sera prise à ce moment-là.

Pour l'instant, Masiyah est soulagée, mais reste préoccupée face à l'incertitude de l'avenir.

It's … a little bit [difficult], but we have a feeling that it’s not that hard. By saying it’s not hard, [I mean] it is good that he [Polat] is in prison, so it’s not hard. But if he were in Immigration, I would probably worry. Right now I am not too worried. I will be worried only if I am concerned whether he will be sent back or not.

C'est… un peu [difficile], mais on se dit que ce n'est pas si grave. Quand je dis que ce n'est pas si grave, [je veux dire] que c'est presque une bonne chose qu'il [Polat] soit en prison, c'est pour ça que ce n'est pas trop dur. Mais s'il était encore au centre de détention de l'immigration, je serais sans doute très inquiète. Pour l'instant, ça va. Je commencerai à m'inquiéter seulement si je sens qu'il risque d'être renvoyé.

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Afrique : Nelly Gesare transforme les déchets en trésors et révèle le potentiel des entreprises durables sur le continenthttps://fr.globalvoices.org/?p=295712http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250606_023541_Afrique___Nelly_Gesare_transforme_les_dechets_en_tresors_et_revele_le_potentiel_des_entreprises_durables_sur_le_continentFri, 06 Jun 2025 00:35:41 +0000Son entreprise, Green Thing Kenya, transforme des matériaux recyclés en produits de valeur.

Initialement publié le Global Voices en Français

Nelly Gesare posing with a her eco-friendly tote bag from Green Thing Kenya.

Nelly Gesare pose avec son sac cabas écologique de Green Thing Kenya. Photo de Green Thing Kenya, utilisée avec permission.

Cet article a été rédigé par Bonface Orucho et initialement publié par Bird Story Agency le 20 mars 2025. Cette version révisée est republiée ci-dessous dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

Entrer dans l’une des boutiques écoresponsables de Nelly Gesare au Kenya, c’est comme pénétrer dans un monde en pleine transformation.

Les bouteilles en verre, autrefois jetées comme des déchets, sont désormais de jolis gobelets ou des pots. Des chutes de tissu, sauvées des décharges, ont été transformées en sacs de courses tendance et en éponges réutilisables pour la vaisselle.

Chaque étagère raconte une histoire — non pas de gaspillage, mais de renouveau. C’est l’univers d’une ancienne journaliste qui a su transformer le défi des déchets en une entreprise florissante. Elle a expliqué lors d’un entretien avec Bird Story Agency :

J’utilise Green Thing Kenya pour raconter l’histoire de la durabilité et des opportunités qu’elle offre. Mon objectif est de démystifier la durabilité et de montrer qu’elle ne concerne pas uniquement l’environnement — c’est un changement systémique plus large.

Elle a ajouté :

Nous nous concentrons sur les produits ménagers écologiques, les matériaux recyclés et les textiles durables. Une partie de notre travail consiste à fabriquer en marque blanche pour d'autres marques.

La fabrication en marque blanche désigne un procédé où un produit est fabriqué par un prestataire, puis vendu à d’autres distributeurs qui y apposent leurs propres étiquettes et personnalisations avant de le commercialiser.

Essor des produits respectueux de l'environnement

Green Thing Kenya fait partie d’un ensemble de marques d’upcycling, parmi lesquelles Ecandi, EcoSafi, MokoMaya et d’autres, qui opèrent à Nairobi.

L’essor de ces marques écologiques dans la région reflète une préférence croissante des consommateurs pour les produits durables, selon Cynthia Atieno, experte en durabilité au Programme des Nations Unies pour l’environnement. Elle a expliqué :

Il est extrêmement encourageant de voir des marques comme Green Thing Kenya connaître un succès commercial. Cela confirme que la durabilité n’est pas seulement une mode passagère, mais un marché en plein essor, avec une demande réelle et un potentiel à long terme.

Cette tendance est également en pleine expansion, bien au-delà des grandes villes comme Nairobi.

Dennis Ondari, un entrepreneur de 26 ans originaire de Kisii, qui dirige une entreprise de recyclage de bouteilles en verre depuis décembre 2024, cite la demande croissante pour les produits écologiques comme « la principale source de motivation » derrière le lancement de son activité. Il a expliqué lors d’un entretien téléphonique :

Avant de lancer « Chupa Zone », j’ai travaillé pendant trois ans pour une entreprise de produits écologiques à Nairobi. J’ai été témoin de cette croissance, c’est pourquoi j’ai décidé de reproduire ce modèle ici.

Cependant, Gesare a révélé que lorsqu’elle a lancé son entreprise il y a dix ans, elle ne s’était pas initialement destinée à devenir entrepreneure dans le domaine de la durabilité. Elle a précisé :

En tant que journaliste, mon objectif principal a toujours été de rendre l’information accessible et compréhensible — aussi bien pour le grand public que pour les jeunes générations.

Elle a ajouté :

En 2012, la durabilité était encore un concept très récent. Pour sensibiliser le public, j’ai créé une série télévisée que j’ai proposée aux médias pour lesquels j’avais travaillé auparavant. Cependant, le problème était que ce type de contenu n’était pas une priorité. C’est alors que j’ai décidé de prendre les choses en main moi-même.

Le parcours n’a pas été de tout repos. Sa première tentative entrepreneuriale consistait à fabriquer des pailles métalliques réutilisables, mais l’aventure a été freinée lorsque les coûts de production locaux ont grimpé à un niveau insoutenable : 1 500 shillings (environ 12 dollars américains) par paille. Plutôt que d’abandonner, elle a su trouver une nouvelle voie.

Un tournant est arrivé. J’ai tout perdu. Avec le peu qu’il me restait, j’ai lancé un produit — qui s’est vendu en deux jours. Cette expérience m’a révélé le potentiel d’un business axé sur la durabilité.

A propos de Green Thing Kenya

En quelques années seulement, Gesare a créé bien plus qu’une marque écoresponsable proposant une gamme de produits : elle a montré que chacun peut transformer les déchets en une entreprise florissante. Son modèle contribue non seulement à la préservation de l’environnement, mais aussi à l’autonomisation des communautés locales.

Sustainable home essentials from Green Thing Kenya.

Articles durables pour la maison signés Green Thing Kenya. Photo par Green Thing Kenya. Utilisée avec permission.

L’entreprise collabore avec des femmes récupératrices de déchets, leur offrant un salaire équitable tout en valorisant leur rôle dans l’économie circulaire.

En formalisant la collecte des déchets et en assurant une stabilité financière à ces travailleuses, Gesare démontre que les solutions durables doivent aussi être centrées sur l’humain. Elle a souligné :

« Ma force a toujours été de repérer les talents — de trouver les bonnes personnes et de créer des opportunités pour elles. »

« Aujourd’hui, Green Thing Kenya transforme le verre, les tissus et les plastiques jetés en une large gamme d’articles écologiques, allant des produits de nettoyage biodégradables aux textiles recyclés, comme les éponges réutilisables et les démaquillants. L’entreprise fonctionne également avec un atelier de couture alimenté à l’énergie solaire, garantissant que même le processus de production respecte ses principes de durabilité. »

Gesare a ajouté :

« J’ai aussi récemment créé un atelier de soufflage de verre — le deuxième du genre au Kenya en 30 ans, et le tout premier détenu par une femme kenyane. »

Les obstacles rencontrés par les startups dirigées par des femmes

Alors que Gesare surmonte avec détermination les obstacles majeurs auxquels sont confrontés les entrepreneurs africains, en particulier les femmes, toutes ne bénéficient pas des mêmes opportunités. Beaucoup de femmes en Afrique doivent faire face à des défis spécifiques par rapport à leurs homologues masculins : difficultés liées au genre pour obtenir des financements, stigmatisation sociale, rôles de genre profondément ancrés, sans oublier la complexité de naviguer dans un contexte économique mondial incertain. Elle a souligné :

« Pour beaucoup de femmes entrepreneures, l’accès au financement est souvent jugé en fonction du risque plutôt que du potentiel. À ce jour, je n’ai jamais reçu de subvention. Pourtant, j’ai réussi à passer d’une entrepreneure solo à une dirigeante employant plus de dix personnes à temps plein. »

Les défis liés au financement des startups dirigées par des femmes en Afrique sont peut-être mieux illustrés dans un rapport de 2023 publié par l’organisme de suivi des financements de startups, Africa: The Big Deal.

En 2023, malgré le fait que l’Afrique détienne le taux le plus élevé d’entrepreneuriat féminin au niveau mondial, les startups entièrement féminines ou portées par une seule fondatrice n’ont reçu que 2,3 % des financements totaux destinés aux startups africaines, selon la Banque africaine de développement. Ce pourcentage atteint 15 % lorsque les équipes incluent au moins une femme fondatrice.

Une étude de 2023 réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) révèle que plus d’un quart des entreprises ont été créées ou sont dirigées par des femmes.

En comparaison, en Europe, l’activité entrepreneuriale féminine ne représente que 5,7 %, selon les chiffres de la Banque européenne d’investissement.

Des entrepreneures comme Gesare illustrent la résilience des femmes africaines dans le monde des affaires. Elle déclare :

Je diversifie désormais mes sources de revenus grâce à l’exportation. Depuis ce mois-ci, nous avons commencé à exporter des produits en verre.

Les opportunités inexploitées de l’Afrique dans les éco-produits

Une étude menée par Development Reimagined révèle que, de 1994 à 2021, le commerce mondial des produits environnementaux a fortement augmenté, mais que sa répartition demeure très inégale. La Chine concentre à elle seule 17,3 % des exportations mondiales, tandis que l’Afrique ne pèse que 1 % sur ce marché, avec plus de la moitié de ce volume provenant d’Afrique du Sud. Ces chiffres soulignent le potentiel considérable encore sous-exploité de l’Afrique dans le secteur des éco-produits.

La gamme de produits de Gesare témoigne de la viabilité de ce secteur sur le marché local, avec des milliers de clients qui optent désormais pour des matériaux biodégradables plutôt que pour le plastique, prouvant ainsi que rentabilité et responsabilité peuvent aller de pair.

Les revenus actuels de Green Thing Kenya proviennent de trois catégories de produits : les articles écologiques pour hôtels, les produits d’entretien écologiques pour la maison, et les produits de nettoyage non toxiques.

Certains de ses produits les plus populaires, comme la verrerie, ont rencontré un succès commercial retentissant. Dès son premier mois d’activité, l’entreprise a réalisé plus de 200 000 KES (plus de 1 500 dollars USD) de ventes de produits en verre. Aujourd’hui, elle traite plus de 4 000 bouteilles chaque mois.

La société s’étend désormais au-delà des frontières kényanes. Green Thing a récemment pénétré le marché de l’export, expédiant verrerie et produits écologiques d’entretien à des acheteurs internationaux. Pour soutenir cette croissance, Gesare collabore avec des universités sur des recherches innovantes en durabilité et investit dans des emballages améliorés afin de répondre aux standards mondiaux.

Aux entrepreneurs verts en herbe, son message est clair :

Tu as en toi la capacité de rendre les choses possibles. Quand une chose ne marche pas, c’est souvent une invitation à te réorienter et à explorer ce que tu peux accomplir avec les ressources dont tu disposes.

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Brésil : l'avis des jeunes autochtones sur les changements climatiqueshttps://fr.globalvoices.org/?p=295706http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250606_022959_Bresil___l_avis_des_jeunes_autochtones_sur_les_changements_climatiquesFri, 06 Jun 2025 00:29:59 +0000Le soleil brûle, les rivières s’assèchent, et les récoltes disparaissent : la crise climatique réécrit le quotidien des peuples autochtones.

Initialement publié le Global Voices en Français

Des autochtones de plusieurs ethnies ont participé au Campement Terre Libre (Acampamento Terra Livre) en 2024. Photo de Marcelo Camargo/Agência Brasil. Utilisée avec permission

Cet article, rédigé par Guilherme Cavalcanti et édité par Thiago Domenici, a été initialement publié sur le site d’Agência Pública le 10 avril 2025. Une version éditée est publiée ici dans le cadre d’un partenariat avec Global Voices.

Les impacts de la crise climatique sont évidents dans la pêche, l’agriculture de subsistance et la santé des populations, modifiant les habitudes et les modes de vie dans plusieurs régions du Brésil. C’est ce que des jeunes autochtones de différentes ethnies ont ressenti et exprimé à Agência Pública lors de la plus grande mobilisation autochtone du pays, le Campement Terre Libre (Acampamento Terra Livre – ATL), qui se tient chaque année en avril.

« Nous ne pêchons plus aujourd’hui comme il y a huit ou six ans. Sur l’île de Bananal (la plus grande île fluviale du monde), il y a eu beaucoup d’incendies l’année dernière. C’est un cumul de plusieurs facteurs qui ont un impact. Dans le cas de mon peuple Karajá, nous n’aurions jamais pensé qu’un jour il n’y aurait plus assez de poissons. Maintenant, nous devons aller dans un lac spécifique pour pouvoir pêcher, tu vois ? », explique Maluá Silva Kuady Karajá, 25 ans.

Elle a souligné que l’exacerbation du réchauffement climatique ne se manifeste pas seulement dans les données scientifiques. « Cela change complètement la vie quotidienne. Cela a transformé le biome, la faune, notre mode de vie, nos vies. Et cela engendre d’autres difficultés qui dépassent la seule question climatique », a déclaré la jeune femme autochtone.

L’une des principales priorités de l’édition de cette année est de coordonner et garantir la participation des peuples autochtones à la COP30, la conférence climat de l’ONU, qui se tiendra à Belém, au Brésil, en novembre. La campagne « La réponse, c’est nous », portée par l’Organisation des Peuples Indigènes du Brésil (Apib), propose que la démarcation des terres autochtones soit stratégiquement intégrée aux objectifs environnementaux des pays amazoniens.

« Discuter de l’environnement sans les peuples autochtones est déjà problématique, c’est le moins que l’on puisse dire, surtout ici dans notre pays, où les principales réserves [de ressources naturelles] se trouvent sur nos territoires, » a expliqué Maluá. Elle a souligné que leur lutte pour la terre ne vise pas à l’exploiter à des fins économiques, mais plutôt à aborder les défis environnementaux. « [Cette discussion] impacte de nombreuses choses qui font partie de l’essence même de notre quotidien. »

Selon MapBiomas, une plateforme qui aide à cartographier la déforestation et l’utilisation des terres au Brésil, les terres autochtones représentent 13 % du territoire national, mais ne comptent que pour 1 % de la perte de végétation native entre 1985 et 2023.

« Nous ne pouvons pas planter »

De jeunes autochtones au Camp ATL portant une affiche sur laquelle on peut lire : « Jeunes autochtones — Planter l’avenir avec la force de l’ancestralité. » Photo de Guilherme Cavalcanti / Agência Pública.

Yan Mongoyo, 21 ans, vit dans un territoire de transition entre les biomes de la forêt atlantique et de la Caatinga, dans le sud-est de l’État de Bahia, dans le nord-est du Brésil. Il a expliqué que la sécheresse prolongée entrave l’agriculture familiale de différentes manières. « Il fait trop sec, nous ne pouvons pas planter. Il a un peu plu, nous avons planté, mais les cultures n’ont pas survécu. Nous sommes donc très inquiets, car notre communauté n’est pas alimentée en eau par un réseau, mais par un camion-citerne, un camion pour trois familles. Il est donc impossible de cultiver, » a-t-il déclaré. « Ce sont les gens qui sont sur le terrain qui souffrent le plus, surtout ceux qui travaillent dans l’agriculture familiale. »

Yan critique également l’avancée de l’agro-business sur les terres autochtones, en particulier dans des régions historiquement oubliées par les médias et l’État.

« Peu importe la région, [les éleveurs] envahissent les terres, détruisent tout ce qu’ils peuvent détruire, et nous en souffrons. C’est un défi que tous les peuples [autochtones] doivent affronter », a-t-il déclaré. « J’ai analysé certains journaux, et je pense qu’ils nous stéréotypent beaucoup trop. En général, ils parlent beaucoup de l’Amazonie et tout ça, mais oublient les autres biomes qui sont tout aussi importants. Les régions de la Caatinga et du Cerrado souffrent énormément de ces problèmes climatiques, ainsi que des questions agraires », a-t-il observé.

Le manque de débat autour de la région du Cerrado est quelque chose que Leticia Awju Torino Krikati, 20 ans, cherche à changer. Elle est conseillère municipale de Montes Altos et la seule femme autochtone au parlement de l’État du Maranhão. Elle souhaite montrer l’importance de ce biome pour le pays, « parce que c’est là que se trouvent les sources de certains des plus grands fleuves, constituant ainsi une base hydrographique extrêmement importante ».

Leticia explique qu’elle rencontre des difficultés à intégrer les questions environnementales dans l’élaboration des politiques municipales, car à Montes Altos, il n’y a toujours pas de secrétariat à l’environnement. « Cela affecte également les discussions sur les changements climatiques dans les territoires autochtones. Nous avons le Département des Affaires Autochtones, mais il doit aussi travailler en partenariat avec d’autres départements, » a déclaré la conseillère.

Elle a rappelé que le peuple Krikati, son ethnie, attend toujours la décision de justice pour que leurs terres leur soient effectivement remises. Plus de 250 procédures judiciaires de démarcation des terres autochtones restent en suspens au Brésil, selon l’Institut socio-environnemental. L’idée du « marco temporal » (marque temporelle), qui propose que les peuples autochtones ne puissent revendiquer une terre que s’ils y vivaient au moment de la Constitution de 1988, a été adoptée par le Congrès national, bien qu’elle ait été jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême (Supremo Tribunal Federal, STF).

Extraction minière illégale et alimentation

« Aujourd’hui, les non-autochtones utilisent le terme agroécologie, mais nous savons que l’agroécologie est une appropriation des savoirs autochtones, des savoirs traditionnels », a observé Evelin Cristina Araújo Tupinambá, professeure de géographie de 27 ans dans la ville de Goiânia. En classe, elle établit un lien entre science et ancestralité pour expliquer les changements climatiques et la relation entre les territoires autochtones et la conservation.

Evelin a également souligné que les préoccupations et priorités des peuples autochtones varient en fonction de leur territoire et de leurs expériences. Dans son cas, vivant depuis plusieurs années dans la capitale de l’État de Goiás, dans le centre-ouest du Brésil, l’une de ses principales luttes est la conservation de la région du Cerrado. Elle compare cette situation à celle de son peuple, qui vit en Amazonie, où les défis sont différents, tels que la présence de l’exploitation forestière, l’extraction illégale de ressources et la pollution des rivières.

« Ce sont des contextes différents, mais ils sont liés, tu sais ? Je pense que c’est pour cela que nos efforts restent connectés les uns aux autres. Même si nous parlons de territoires et de biomes différents, notre lutte est la même, » a expliqué Evelin. « Ici, c’est une occasion de rendre nos revendications officielles. C’est une façon d’aller directement aux débats en plénière, à la Chambre [des députés]. Directement aux personnes qui, institutionnellement parlant, font bouger les choses. »

Maria Lilane, 24 ans, du peuple Baniwa de São Gabriel da Cachoeira, dans l’État amazonien du nord du Brésil, considère l’environnement comme une « seconde maison » et affirme que le détruire revient à détruire la vie elle-même. Elle critique l’inégalité alimentaire au Brésil qui, bien qu’étant l’un des plus grands producteurs alimentaires au monde, ne garantit pas une alimentation saine pour tous. « [La nourriture] a un prix exorbitant. Elle est aussi toxique. Aussi bien qu’ils essaient de produire une nourriture saine, nous savons qu’aujourd’hui toute nourriture industrialisée contient beaucoup de pesticides. Cela a un grand impact non seulement sur la vie des peuples autochtones, mais aussi sur celle des Brésiliens en général. »

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L'éducation des filles, un catalyseur pour le changement en Afriquehttps://fr.globalvoices.org/?p=295660http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250606_021910_L_education_des_filles__un_catalyseur_pour_le_changement_en_AfriqueFri, 06 Jun 2025 00:19:10 +0000Des mesures urgentes sont nécessaires pour renforcer le droit des filles à l'éducation.

Initialement publié le Global Voices en Français

Des enfants joyeux durant la recréation. Image téléchargée sur Pexels. Libre de droit.

Par Raby S. Diallo et Stéphanie Manguele

Malgré des progrès significatifs en matière d'égalité des sexes et d'accès à l'éducation, la scolarisation des filles en Afrique subsaharienne demeure un défi majeur. Des millions de jeunes filles restent exclues du système éducatif. Et celles qui parviennent à y accéder en sortent rarement diplômées. Selon les dernières estimations, environ 32,6 millions de filles en âge scolaire au primaire et au premier cycle du secondaire ne sont pas scolarisées. Ce chiffre atteint 52 millions pour le second cycle du secondaire. Or, l'autonomisation de la femme est largement reconnue comme un moteur essentiel de croissance économique, laquelle ne peut être atteinte sans un accès inclusif à l'éducation.

La persistance des barrières socioculturelles

En Afrique, la question de l'éducation des filles va bien au-delà de l'accès aux établissements scolaires. Elle implique une remise en cause des inégalités systémiques et des normes patriarcales qui freinent leur progression.

Les stéréotypes de genre sont profondément ancrés dans de nombreuses communautés africaines et sont perpétués jusque dans les systèmes sociaux, notamment éducatifs. Ces stéréotypes limitent la capacité des filles à se projeter en dehors des rôles qu'on leur assigne depuis toujours. Les manuels scolaires contribuent souvent à renforcer ces inégalités, en représentant les femmes dans des fonctions domestiques, rarement en position de leadership. À titre d'exemple, une directive récente émise par certains ministères au Sénégal autorisant les femmes à quitter leur poste tôt durant le mois de Ramadan pour effectuer des tâches ménagères illustre bien cette réalité. Loin d'être anodin, cet exemple traduit une division genrée des rôles où les femmes restent assignées au foyer, tandis que les hommes occupent des postes décisionnels.  

Une éducation véritablement inclusive nécessite la mise en oeuvre de politiques attentives aux questions de genre, visant à créer pour les filles un cadre d'apprentissage sûr et bienveillant. À ce titre, la révision des contenus pédagogiques s'avère indispensable pour déconstruire les stéréotypes de genre et favoriser l'accès des filles aux filières scientifiques et techniques.

Il convient également de prendre en compte les obstacles économiques. La scolarisation d'un enfant implique des dépenses importantes, contraignant les familles à choisir les garçons au détriment des filles. Le mariage précoce étant souvent perçu comme une échappatoire à la pauvreté, l'idée d'investir dans l'éducation d'une fille est reléguée au second plan, tandis que l'éducation des garçons est priorisée.

Selon la Banque mondiale et l’UNESCO, l'éducation des filles en Afrique subsaharienne accuse un retard estimé à 30 ans par rapport aux pays développés. Pour y remédier, trois axes apparaissent cruciaux : sensibiliser les communautés à son importance, proposer des bourses et un appui financier aux familles défavorisées, et instaurer un environnement scolaire inclusif et sécurisé.

Investir dans l'éducation des filles constitue un levier fondamental pour l'autonomisation des femmes et le développement de l'Afrique. Cependant, un changement durable suppose d'aller au-delà des salles de classe et de remettre en question les normes sociales, qui dès l'enfance, assignent aux filles une position secondaire dans la société.

Garantir le droit des filles à l'éducation

Promouvoir l'accès des filles à l'éducation requiert l'implication de tous les acteurs. Davantage d'efforts sont nécessaires afin de proposer des solutions adaptées aux réalités complexes de l'Afrique. La mobilisation doit être collective : la société civile, les gouvernements et organisations non-gouvernementales, chacun a sa part de responsabilité.  Mais c'est surtout aux gouvernements que revient en premier lieu la responsabilité de garantir ce droit, en prenant toutes les mesures nécessaires pour le faire respecter.

Bien que les pays africains se soient engagés à offrir 12 années de scolarisation primaire et secondaire gratuite à chaque enfant, fille comme garçon, la mise en oeuvre de ces politiques reste entravée par la pauvreté et la persistance des normes socioculturelles qui perpétuent les inégalités de genre au sein des communautés.

Les gouvernements africains doivent engager des réformes tangibles et accroître les investissements à l'effet de garantir une éducation de qualité à toutes les jeunes filles africaines. Cela implique de lever les obstacles sociaux à l'accès des filles à l'école, mettre en place des cadres juridiques garantissant la fin de leur scolarité au minimum jusqu'à l'âge de 16 ans, de financer une scolarisation gratuite et obligatoire via une augmentation des budgets alloués à l'enseignement primaire et secondaire, et de créer des environnements d'apprentissage sûrs et bienveillants, notamment par la révision des contenus pédagogiques pour y supprimer les stéréotypes de genre.

Ils doivent également proposer des programmes de formations professionnelles pour les jeunes mères et les filles vulnérables, afin de prévenir leur exclusion, et adopter des mesures de lutte contre le mariage précoce. Dans tous les cas, la mise en place des systèmes de suivi et d'évaluation est indispensable pour assurer la mise en œuvre effective de ces politiques.

Puisque la majorité des femmes consacrent jusqu'à 90 % de leurs revenus au bien-être de leur famille et de leur communauté, contre 30 à 40 % pour les hommes, il devient crucial de renforcer les moyens juridiques, humains et financiers en faveur de l'éducation des filles. Au-delà de l'amélioration des conditions individuelles, cet investissement constitue une base essentielle pour le changement profond et durable en Afrique.

Raby S. Diallo est une sociologue, écrivaine, présidente de l'association Debbo Femmes d’Afrique, et défenseuse du leadership féminin. Stéphanie Manguele est avocate au barreau de Paris, où elle exerce au sein du cabinet Thiam and Associés.
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Un anthropologue danois interdit d'entrée au Kazakhstan pour avoir critiqué la répression des Ouïghours en Chinehttps://fr.globalvoices.org/?p=295581http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250606_020350_Un_anthropologue_danois_interdit_d_entree_au_Kazakhstan_pour_avoir_critique_la_repression_des_Ouighours_en_ChineFri, 06 Jun 2025 00:03:50 +0000Ce n'est pas la première fois qu'un chercheur ou un défenseur de la cause ouïghoure se voit refuser l'entrée au Kazakhstan.

Initialement publié le Global Voices en Français

Poste-frontière de Qordai, à la frontière entre le Kazakhstan et le Kirghizistan. Photo du Service frontalier du Kazakhstan. Droit d'utilisation.

L'anthropologue danois Rune Steenberg, qui mène des recherches sur les Ouïghours, s'est vu refuser l'entrée au Kazakhstan ce 12 avril. Cela s'est produit à la frontière entre le Kazakhstan et le Kirghizistan près de Bichkek, la capitale du Kirghizistan. Bien qu'il soit déjà entré au Kazakhstan à plusieurs reprises, les gardes-frontières kazakhs l'on informé qu'il ne serait pas autorisé à entrer sur le territoire.

« J'ai demandé pour quelles raisons. Ils m'ont répondu qu'ils n'avaient pas plus d'informations. Je pense que cela est en rapport avec mes recherches sur le Xinjiang, » a déclaré Steenberg.

Il mène depuis de nombreuses années des recherches sur plusieurs communautés ouïghoures dans le monde, notamment dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang (RAOX) en Chine, également appelée Turkestan oriental. Les Ouïghours constituent une minorité ethnique et religieuse en Chine et vivent principalement dans la RAOX. Depuis 2014, ils sont victimes de détentions de masse dans les supposés « camps de rééducation », soumis à une surveillance intensive, au travail forcé, ainsi qu'à d'autres violations de leurs droits, sous couvert de la lutte contre l'extrémisme par les autorités chinoises.

Steenberg dirige actuellement un projet de recherche financé par l'Union européenne à l'université Palacký d'Olomouc, et il est également chercheur résident et enseignant à l'université américaine d'Asie centrale, à Bichkek.

Au départ, il était un chercheur ordinaire, sans intention de s'engager dans des débats politiques. Mais depuis le début, en 2014, de la répression politique sans précèdent visant les groupes ethniques musulmans et turciques de la RAOX, tels que les Ouïghours et les Kazakhs, et face à la censure généralisée sur le sujet, il est devenu impossible, pour un anthropologue spécialisé dans l'étude des Ouïghours, de rester objectif sans aborder publiquement ce problème.

Au cœur de cette répression, il est devenu non seulement un chercheur de terrain, mais aussi un publiciste, un commentateur politique et l'une des rares voix à s'exprimer ouvertement sur les horreurs que subissent les Ouïghours en Chine.

C'est peut-être cela qui a déplu aux autorités kazakhes, qui ferment les yeux sur les détentions massives et illégales de Ouïghours et de Kazakhs en Chine. Par exemple, lors de la visite du Président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev au Xinjiang en octobre 2023, la question des droits de la population kazakh de Chine n'a pas été abordée publiquement.

Ce n'est pas la première fois qu'un défenseur de la cause ouïghoure se voit refuser l'entrée au Kazakhstan. En 2021, Yevgeny Bunin, le créateur de la plus grande base de données sur les victimes des prisons et des camps du Xinjian, appelée Shahit.biz, n'a pas été autorisé à entrer sur le territoire kazakh en raison de son travail.

Cela s'explique par les liens politiques et économiques étroits entre le Kazakhstan et la Chine, comme en témoigne leur partenariat stratégique global et permanent. Par ailleurs, la Chine est le premier partenaire commercial du Kazakhstan et l'un de ses principaux investisseurs, avec plus de 25 milliards de dollars investis dans le pays entre 2005 et 2023.

Photo de Rune Steenberg. Droit d'utilisation.

Global Voices a échangé par courriel avec Rune Steenberg au sujet des circonstances dans lesquelles il a appris son interdiction d'entrée au Kazakhstan, ainsi que sur ce que cela implique d'être un anthropologue spécialiste des Ouïghours sans accès physique aux principales communautés ouïghoures. L'interview a été éditée pour plus de clarté et de concision.

Global Voices (GV): Dites-nous exactement comment vous avez appris que l'entrée au Kazakhstan vous avait été interdite.

Rune Steenberg (RN): I was on my way from Bishkek to Almaty, crossing at the Qordai-Dostuk border crossing point in the early evening of April 12, 2025. I was going to Almaty to meet friends. I passed through the Kyrgyz border control without problems. I got my exit stamp and walked along to the Kazakh side where I waited in line with everyone else.

When it was my turn, the Kazakh officer scanned my passport, asked me to remove my glasses and khuffiya, and took a picture of me with a small hand-held webcam. Then he looked closer at his screen. He called his colleague over, they discussed and then he turned to me and told me I couldn’t enter.

I asked why that was. He said there was no further information, only that I was ‘blocked.’ So I walked back to the Kyrgyz side. Thankfully, they let me in, canceled my exit stamp, and let me walk back to the bus, which I took back to Bishkek.

Rune Steenberg (RS): Je me rendais de Bichkek à Almaty, en passant par le poste-frontière de Qordai-Dostuk, en début de soirée, le 12 avril 2025. J'allais à Almaty pour voir des amis. Je suis passé sans problème par le contrôle frontalier kirghiz. J'ai reçu mon tampon de sortie, puis j'ai marché jusqu'au côté kazakh, où j'ai attendu dans la file avec d'autres personnes.

Quand mon tour est arrivé, l'agent kazakh a scanné mon passeport, m'a demandé d'enlever mes lunettes et mon khuffiya (foulard), puis a pris une photo de moi avec une petite webcam portative. Ensuite, il a regardé plus attentivement son écran. Il a appelé un collègue, ils ont échangé quelques mots, puis il s'est tourné vers moi et m'a dit que je ne pouvais pas entrer.

J'ai demandé les raisons. Il m'a répondu qu'il n'avait pas plus d'informations, seulement que j'étais « bloqué ». Je suis donc retourné du côté kirghiz. Heureusement, ils m'ont laissé repasser, ont annulé mon tampon de sortie et m'ont autorisé à repartir à pied jusqu'au bus, pour que je puisse retourner à Bichkek.

GV: Vous laissez entendre qu'on vous a interdit l'entrée parce que vous menez activement des recherches sur la répression politique et massive visant les Ouïghours et les Kazakhs en Chine, et que vous en parlez publiquement dans les médias. Pourtant, vous n'avez jamais critiqué publiquement le Kazakhstan, n'est-ce pas ? Les droits des minorités nationales dans un pays voisin sont-ils un sujet aussi tabou au Kazakhstan?

RS: I do not know why I am banned. Also, I do not know for how long. I was not given any information about this yet. I went to ask at the Kazakh embassy in Bishkek and the Danish honorary consulate in Bishkek. I emailed the Danish embassy in Moscow, which the honorary consul told me was responsible for the matters of Danish citizens in Kazakhstan.

I know that people have before been banned from Kazakhstan for writing about Uyghur issues and Xinjiang (such as Gene Bunin, Dilnur Reyhan, and a few others), but I’m not sure that is why I am banned. At the same time, I can’t imagine any other reason they would have done it. I have always respected the time limits of my stay and never violated any laws or regulations in Kazakhstan. So it’s just a qualified guess.

RS: Je ne sais pas pourquoi je suis interdit d'entrée. Je ne sais pas non plus pour combien de temps. Je n'ai pas encore reçu d'information à ce sujet. Je suis allé me renseigner à l'ambassade du Kazakhstan ainsi qu'au consulat honoraire danois à Bichkek. J'ai envoyé un e-mail à l'ambassade danoise à Moscou, que le consul honoraire m'a indiqué comme étant responsable des affaires concernant les citoyens danois au Kazakhstan.

Je sais que des personnes ont déjà été interdites d'entrée au Kazakhstan pour avoir écrit sur la situation des Ouïghours et le Xinjiang (comme Gene Bunin, Dilnur Reyhan, et quelques autres), mais je ne peux pas affirmer que ce soit la raison de mon interdiction. En même temps, je ne vois pas d'autre explication possible à cette décision. J'ai toujours respecté la durée légale de mes séjours et je n'ai jamais enfreint la moindre loi ni aucun règlement au Kazakhstan. Ce n'est donc qu'une déduction plausible de ma part.

GV: Vous êtes anthropologue spécialisé dans l'étude des Ouïghours. Ironie du sort, vous êtes aujourd'hui interdit d'entrée dans les deux pays où vivent les plus grandes communautés ouïghoures au monde. Quels sont vos projets de recherche désormais ?

RS: There are many Uyghurs across the world in more than a hundred countries. Also, I have so much material already that it would probably be wise to take some years to process, analyze, and write about it rather than doing further research. I have hundreds of Uyghur books that can now no longer be found in China because they have been banned or removed and they too deserve analytical attention. They are very important.

So I won’t run out of material. Also, as I am currently leading a research project called Remote Ethnography of XUAR, I am constantly improving my methods for researching without having direct on-the-ground access. There is so much to find and so much to do even when you cannot go in person. Do check out our homepage for tips and inspiration.

RS: Il y a de nombreux Ouïghours dans plus d'une centaine de pays à travers le monde. Par ailleurs, j'ai déjà accumulé une telle quantité de données qu'il serait probablement plus judicieux d'y consacrer plusieurs années d'analyse et d'écriture, avant d'entreprendre de nouvelles recherches. Je possède des centaines de livres ouïghours qui ne sont aujourd'hui plus disponibles en Chine, car ils ont été interdits ou retirés de la vente. Ces ouvrages méritent eux aussi un véritable travail d'analyse. Ils sont très importants.

Je ne risque donc pas de manquer de matière. De plus, je dirige actuellement un projet de recherche intitulé Remote Ethnography of XUAR (REMOTE XUAR), dans le cadre duquel j'améliore constamment mes méthodes pour mener des recherches sans accès direct au terrain. Il y a énormément à explorer et à accomplir, même lorsqu'on ne peut pas se rendre sur place. Je vous invite d'ailleurs à consulter notre site pour y trouver des conseils et de l'inspiration.

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Comment les citrons sont-ils devenus le symbole du Tadjikistan ?https://fr.globalvoices.org/?p=295055http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250606_015204_Comment_les_citrons_sont-ils_devenus_le_symbole_du_Tadjikistan____Thu, 05 Jun 2025 23:52:04 +0000Ceux qui ont eu la chance de goûter des citrons tadjiks s’accordent à dire qu’ils sont parmi les meilleurs au monde.

Initialement publié le Global Voices en Français

Les citrons du Tadjikistan. Capture d’écran provenant de la vidéo « Таджикские лимоны» sur la chaîne YouTube Новости Таджикистана от З. Utilisée avec permission.

Les citrons font partie des récoltes agricoles les plus exportées du Tadjikistan. Ces fruits sont très populaires en Asie Centrale grâce à leur qualité exceptionnelle. En comparaison avec d’autres variétés, les citrons tadjiks sont plus doux, plus juteux et ils dégagent un fort arôme, la peau est également plus fine et leur couleur orange offre une apparence unique à ces fruits.

Tout commence en 1934, quand le Tadjikistan faisait encore partie de l’Union soviétique. C’est cette année-là qu’un Soviétique originaire de Géorgie, Vladimir Tsulaya, arrive à Stalinabad, l’ancien nom de Douchanbé, capitale du Tadjikistan. À l’époque, il était d’usage d’envoyer de jeunes experts dans des lieux éloignés afin qu’ils utilisent leur savoir pour développer de nouvelles industries, et Tsulaya avait été envoyé au Tadjikistan avec des plants de citrons.

Les plants apportés par Tsulaya étaient des citrons Meyer, une sorte de croisement entre un citron et une mandarine. L’espèce est nommée après Frank Nicholas Meyer, qui, en 1908, l’a rapportée aux États-Unis après l’avoir trouvée en Chine. Agronome accompli, Vladimir Tsulaya passera le restant de ses jours au Tadjikistan, où il sera résolu à créer une espèce de citron « parfaite », ce qui lui vaudra le surnom de « père des citrons ».

Tsulaya arrivera finalement à croiser le citron Meyer avec le citron géorgien, créant ainsi une nouvelle variété, connue aujourd’hui comme le citron tadjik. Tout son travail s’est déroulé dans la station zonale et expérimentale de la Vallée du Vakhch dans la province de Khatlon. De nos jours, près de 90 % des habitants de la région cultivent les citrons.

Cette vidéo YouTube aborde le sujet des citrons tadjiks :

De plus, la région n’étant pas adaptée à la pousse d’agrumes, Tsulaya et ses pairs ont mis au point une nouvelle méthode de culture. Les citrons étaient plantés dans des serres enfouies afin que les plants puissent survivre aux températures glaciales de l’hiver tadjik. Cette méthode s’est avérée être une réussite, puisqu’elle fut ensuite adoptée par des pays voisins comme l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Turkménistan.

Des décennies ont passé, mais le Tadjikistan reste l’une des nations cultivant et exportant le plus de citrons dans le monde. L’industrie de l’agrume a même réussi à survivre à la guerre civile de 1992, un an après que le Tadjikistan est obtenu l’indépendance. De nos jours, les plants de citrons occupent près de 5000 hectares de terres. En 2024, le pays a exporté plus de 2000 tonnes de citrons, principalement vers la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan.

Au Tadjikistan, les citrons se vendent pour 0,3 $ par kilo, un prix assez bas pour les standards occidentaux, mais qui représente un marché très lucratif dans le pays. En effet, les profits engendrés par la récolte de citron peuvent être 8 à 10 fois supérieurs aux profits d’autres cultures.

Cette vidéo YouTube aborde le sujet de la récolte de citron au Tadjikistan :

Le gouvernement a également encouragé l’expansion des plants de citrons. D’ici à 2029, le Programme pour le Développement de l’Horticulture, de la Viticulture et de la Culture de Citron vise à introduire de nouvelles technologies et de nouveaux types de serres afin d’augmenter les récoltes et les exports. Le gouvernement envisage de créer près de 113 hectares de vergers dans diverses provinces, le but étant d’atteindre les 7000 tonnes d’exports annuels.

Le citron tadjik continue de gagner en popularité à l’étranger. Le ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Yi, est probablement la personne la plus connue à avoir reconnu la supériorité de cette variété. Lors d’une visite à une foire de la charité internationale à Beijing en 2019, où étaient présents des produits tadjiks, dont des citrons, Yi déclara que les citrons tadjiks étaient parmi les meilleurs du monde. Et ceux qui ont eu la chance d’en goûter peinent à le démentir.

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États-Unis: la suspension des visas pour étudiants étrangers affecte aussi les pays africainshttps://fr.globalvoices.org/?p=295937http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250605_112250_Etats-Unis__la_suspension_des_visas_pour_etudiants_etrangers_affecte_aussi_les_pays_africainsThu, 05 Jun 2025 09:22:50 +0000Des études aux US représentent parfois le sacrifice de toute une communauté

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de The Indian Express

La nouvelle politique de l'administration Trump visant la suspension de l'octroi de visas aux étudiants étrangers désireux de se rendre aux États-Unis pour poursuivre leurs études n’épargne pas les étudiants des pays d'Afrique, dont le Togo.

Le 27 mai 2025, l'annonce est tombée comme un coup de massue sur la tête des étudiants se préparant à rallier les États-Unis dans le cadre de leurs études. Marco Rubio, Secrétaire d'Etat américain ordonne la suspension du traitement des visas pour les étudiants étrangers. Cette décision s'accompagne des mesures vérifiant le contenu des comptes des étudiants étrangers sur les réseaux sociaux. Cité dans un article de France24, Tammy Bruce, la porte-parole du secrétaire d'État américain explique :

L'objectif, comme l'ont déclaré le président et le secrétaire d'État (Marco) Rubio, est de s'assurer que les personnes qui sont ici comprennent ce qu'est la loi, qu'elles n'ont pas d'intentions criminelles.

La porte-parole du secrétaire d'État américain rajoute que cette mesure s'applique aussi bien aux étudiants déjà présents aux Etats-Unis tout comme à ceux qui déposent leurs demandes de visa:

…Si vous demandez un visa, suivez le processus normal, les étapes normales, et attendez-vous à être passé au crible.

Panique dans les pays africains

Au cours de l’année académique 2023-2024, au total 56 780 étudiants d’Afrique subsaharienne ont rejoint des universités américaines, ce qui fait des États-Unis la destination la plus prisée par les étudiants africains.

Mais pour cette année, les étudiants demeurent dans l'incertitude quant à leur chance de pouvoir décrocher leur précieux sésame afin de voyager et débuter à temps les cours d'automne. Interviewé par Global Voices sur cette suspension, un étudiant togolais [qui désire garder l'anonymat] déclare:

Il n'y aucune raison qui peut justifier ce retournement de situation de l'administration Trump envers les étudiants étrangers qui ne cherchent qu'à faire leurs études dans de bonnes conditions afin de rassembler toutes les chances de leur côté sur le marché de l'emploi. Mais je comprends que quiconque aime son pays est jaloux de le protéger contre tout mal. Ma prière est que la situation s'améliore dans un bref délai.

Pour Marceline [nom d'emprunt], jeune étudiante béninoise, cette politique de Donald Trump qui frappe les étudiants étrangers, salit la réputation des États-Unis et ouvre la voix à d'autres universités prestigieuses d'autres pays du monde. Elle confie à Global Voices:

La qualité des programmes scolaires et estudiantins des États-Unis explique cette envie de tous les étudiants du monde à vouloir poursuivre leurs études dans ce pays et ainsi profiter des meilleures opportunités. Mais il faut reconnaitre qu'à l'impossible, nul n'est tenu. En dépit de leur renommée, les étudiants étrangers apportent aussi une plus value à leur économie. J'explore actuellement d'autres horizons pour ne pas faire une année blanche.

A défaut des États-Unis, beaucoup d'étudiants africains préfèrent d'autres destinations: le Canada, le Royaume Uni, l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Irlande, le Brésil et même la Chine pour continuer leurs études en raison des opportunités qu'offrent les universités de ces pays.

Incertitude d'une année scolaire

Pour certains, c'est le rêve de toute une communauté qui vole en éclats si de nouvelles directives ne viennent pas lever cette suspension. C'est le cas de Fatou Wurie, une étudiante originaire de Sierra Leone, candidate au doctorat de la faculté de santé publique T.H. Chan de l'université de Harvard (États-Unis) cité dans un article de BBC Afrique. Pour donner vie à ses rêves, toute sa famille et sa communauté s'est mobilisée pour lui trouver 200 000 dollars américains afin de financer ses études dans cette université. Très bouleversée, elle explique à BBC Afrique :

J'ai pris des prêts, travaillé tout au long de mon diplôme, et couvert des coûts sans fin – visas, logement, soins de santé. Au-delà de l'argent, il y a le coût émotionnel de naviguer constamment dans les systèmes d'immigration et de s'assurer que nous restons conformes et que nous honorons les lois des États-Unis. Chaque retard coûte plus que de l'argent – cela coûte de la concentration et de la tranquillité d'esprit.

La nouvelle directive menace les chances de Fatou Wurie de pouvoir obtenir un feu vert pour son retour aux États-Unis. Elle ajoute :

Cela crée une profonde incertitude. En tant que doctorante […], mon travail dépend de la mobilité et de la continuité. Les retards ne perturbent pas seulement les études, ils bloquent un mouvement.

Impact à long terme

L'impact à long terme de cette politique de l'administration Trump pourrait devenir une suspension définitive ou une restriction de visas pour tous les étudiants internationaux. Fatou Wurie craint de graves retombés pour les futurs chercheurs africains. Toujours au micro de BBC Afrique, elle dit :

Ça a fait mal. Pas seulement pour moi, mais pour ce que cela signifie. Les portes de l'éducation mondiale sont déjà étroites pour les étudiants africains. Quand elles se ferment, cela nous dit que notre présence est conditionnelle.

En attendant l’annulation de cette suspension ou sa confirmation, sur le sol américain, l'Université d'Havard continue de s'opposer aux décisions de Trump. En avril 2025, l'université indique qu'elle ne se soumettra pas aux exigences de l'administration Trump. Depuis, Havard a engagé des procédures judiciaires à l'encontre de la décision des autorités américaines. Une juge s'est même prononcée en sa faveur en bloquant l’ordonnance d'inscription du président américain.

Outre cette interdiction qui touche directement les étudiants, Trump vient de publier un document qui interdit le voyage aux États-Unis pour douze pays dont sept pays africains: Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Érythrée, Libye, Somalie, Soudan. Une interdiction partielle est imposé à sept autres pays parmi, lesquels  sur figurent le Burundi, la Sierra Leone, et le Togo.

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Nostalgie d'une migration au cœur d'une vie dérobée par fragments et à bas bruitshttps://fr.globalvoices.org/?p=295999http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250605_023947_Nostalgie_d_une_migration_au_c__ur_d_une_vie_derobee_par_fragments_et_a_bas_bruitsThu, 05 Jun 2025 00:39:47 +0000Ce qui nous a été arraché, et qu’on continue de nous arracher, dépasse toute mesure.

Initialement publié le Global Voices en Français

Niño jugando baseball en las calles de Managua, Nicaragua.

Enfant jouant au baseball dans les rues de Managua, au Nicaragua. Photo de Kelvik Pineda, utilisée avec permission.

Enfant, je ne rêvais ni de grandes villes, ni d’un ailleurs plus vert. Même quand des proches me parlaient de la vie dans d’autres pays, cela ne m’évoquait rien. J’étais comblée, simplement, de fuir la chaleur étouffante de la capitale pour passer l’après-midi dans la piscine de mon oncle. Bien sûr, je ne comprenais pas pourquoi ces gens avaient dû partir. J’ignorais tout de leurs peines, des épreuves, des angoisses qu’ils avaient traversées pour arracher un instant de paix à la recherche d'une vie nouvelle.

À cette époque, nous nous retrouvions en famille et entre amis pour passer du temps ensemble, rire et danser. Nous partions faire les purísimas — ces processions de quartier où l’on chantait devant les autels dédiés à la Vierge Marie — en compagnie d’autres jeunes du coin.

Nos yeux s’illuminaient rien qu’en tenant ce petit sachet de chandelles romaines à 5 pesos. On le savait bien : vingt secondes durant lesquelles la flamme dansait, vingt secondes de pur bonheur à dessiner des formes dans l’air, le sourire accroché aux lèvres.

Il y a des dates qui font plus mal quand on est loin de chez soi. Pourtant, la nostalgie, elle, ne vous quitte jamais. Elle dort dans les plis du quotidien, prête à surgir au détour d’un rien. 

Je me rappelle un jour, en discutant avec mon amie Miranda, elle m’a dit quelque chose qui m’a profondément résonné : ce qui nous manque, au fond, ce n’est pas la patrie comme entité géographique, mais le sens que l’on donne à ce mot — patrie.

Actuellement, si l’on consulte la définition du mot patria (patrie) dans le dictionnaire de l’Académie royale espagnole, il est dit : « La terre de naissance ou d’adoption, organisée en nation, à laquelle on se sent lié par des liens juridiques, historiques et affectifs. » À partir de cette définition, on comprend que l’on peut être en manque de tout — d’une personne, d’un lieu ou d’un souvenir — pourvu qu’il nous relie à notre pays d’origine.

Moi, par exemple, ce sont ces petits riens — en apparence — qui me reviennent. Ce sont les visites chez ma grand-mère, à la regarder pendant des heures coudre des vêtements et des uniformes, avant de finir l’après-midi assis ensemble sur la chaise à bascule, devant le trottoir. Ce sont aussi les tortillas toutes chaudes, faites à la main, que j’achetais et dégustais avec le fromage que nous recevions depuis Mulukukú, sur la côte caraïbe. Parfois, je vais même jusqu’à regretter d’avoir détesté que mon voisin fasse retentir la messe à quatre heures du matin, comme s’il offrait un concert à tout le quartier. Ce sont tous ces souvenirs, doux et douloureux, qui forment ma patrie.

Et souvent, ce qui fait le plus mal, ce n’est pas l’éloignement en soi ; mais le fait de voir les choses se passer sans nous. Manquer les moments clés dans la vie de ceux qu’on aime — qu’ils soient heureux, tristes ou cruciaux — laisse un vide difficile à combler. On se demande si rester aurait été plus sage, si nos choix étaient les bons.

Mon petit frère a obtenu son diplôme, mes neveux et nièces ont grandi, mon vieux chien de douze ans est mort et je n’ai pas pu lui dire au revoir comme je l’aurais voulu. Il y a eu des départs sans adieu, des naissances sans accueil. Nous restons connectés, bien sûr, à travers les écrans… le monde numérique ; mais ce n’est pas pareil. Ce n’est pas cette proximité simple et humaine qui peut réchauffer l’absence.

Des fois, je revois mes anciens camarades, des camarades de même promotion — ceux qui partageaient mon quotidien pendant les quatre années de médecine — fêter leur diplôme, célébrer avec fierté et joie tous ces efforts, tous ces sacrifices. À travers leurs photos, j’ai ressenti leur bonheur… mais aussi une pointe de tristesse parce que je n’ai pas achevé ma formation, parce que je n’étais pas là, avec eux, coude à coude, à vivre ce moment.

Et puis je me suis posé la question de savoir : ai-je vraiment à me reprocher d’avoir choisi une autre voie, celle de vivre ? Ma famille me manque, certes. Mes repères, mes lieux préférés, mes bêtes, mes projets aussi. Cette autre vie, celle que j’ai laissée derrière. Mais parfois, rester n’est plus une option. Parfois, on ne part pas vraiment par choix. On part parce qu’on n’a plus d’espace, plus d’air.

Cependant, la douleur ne vient pas seulement de l’absence ou de la distance. Elle provient également de ce qu’on a fui, de ce qu'on a laissé derrière. Et je ne parle juste pas de politique. Je parle d’un pays en ruine : d'un système éducatif sinistré, du chômage endémique, de la monnaie en chute libre, de la violence omniprésente, des féminicides, des crimes de haine contre la communauté LGBTQ+, des dirigeants qui vous laissent le choix entre mourir de faim ou mourir tout court.

Nous sommes poussés dehors. Et nous partons, la tête pleine d’espoir, chercher des horizons plus cléments. Mais partir, c’est aussi tout perdre. Tout ce que nous avons pris, il ne peut être mesuré. Il ne nous restait que la vie, et encore, sans aucune garantie. Car ailleurs, ce n’est pas l’Eldorado. Nous faisons face au racisme, à la xénophobie, à l’humiliation dans les institutions, à la précarité de l'emploi, à l’exploitation, aux logements minuscules à deux mètres carrés qu’on partage à plusieurs, parfois même pas une table pour poser son assiette.

Ce qui nous a été volé — et qui continue de nous être volé — ne se quantifie pas. Le présent nous a été volé, l’avenir également.
Des parents ont perdu le droit de voir grandir leurs enfants dans la paix.
Des enfants, celui de grandir entourés d’amour et de repères.
Des jeunes, le simple droit de rêver.
Certains continuent de perdre leur liberté, d’autres leur vie.
Mais ce qui nous unit, au fond, tous les Nicaraguayens, d’ici ou d’ailleurs, c’est cette perte commune : le droit de vivre en paix.

Enfant, je ne rêvais ni de grandes villes, ni d’un ailleurs plus vert.
Aujourd’hui, à 27 ans, cela fait bientôt sept ans que j’ai quitté le Nicaragua.
Cinq pays traversés en trois ans. Et malgré tout cela, malgré la douleur, malgré ce que j’ai laissé derrière moi, je reste debout — plein d’amour et d'espoir pour demain. Parce que nous méritons d’aimer et d’être aimés, de célébrer chaque victoire, même les toutes petites, de sourire, de chanter, de danser, de manger, de boire, de pleurer quand il le faut. Mais plus que tout, nous méritons de reconquérir la seule chose que personne ne devrait nous arracher : le droit de vivre.

Et si tu te reconnais dans ces lignes, si toi aussi, tu marches loin de ta terre, à toi qui lis ces phrases, à toi qui vis loin de chez toi, je t’envoie une étreinte immense.
Je te souhaite la paix, l’amour, et une vie guidée par des chemins plus doux.
Je te souhaite d’embrasser ton choix, de le porter avec fierté —
car choisir de vivre, c’est toujours le bon choix.

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Bataille diplomatique avec Londres gagnée pour l'Ile Maurice, mais pas pour tous les Chagossienshttps://fr.globalvoices.org/?p=295725http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250603_114918_Bataille_diplomatique_avec_Londres_gagnee_pour_l_Ile_Maurice__mais_pas_pour_tous_les_ChagossiensTue, 03 Jun 2025 09:49:18 +0000Le Royaume-Uni dispose d'un bail de 99 ans sur Diego Garcia

Initialement publié le Global Voices en Français

Archipel des Chagos sur une partie de la carte ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde

La rétrocession de l'archipel de Chagos à l'Ile Maurice vient couronner plusieurs décennies de batailles diplomatiques entre l'Ile et le Royaume Uni. Mais la réinstallation et l'identité des Chagossiens reste une question non-résolue.

L'archipel des Chagos est un territoire faisant parti intégrante des îles qui composent l’Ile Maurice, pays situé en Afrique de l'Est. Trois ans avant l'indépendance du pays, le 12 mars 1968, l'administration britannique confisque l'archipel des Chagos et procède en 1973 à la déportation des communautés locales vers d'autres îles. Ce processus fait de l'archipel un territoire britannique d'outre mer, sur lequel le Royaume Uni établit des bases militaires en collaboration avec les États-Unis pour coordonner des opérations militaires conjointes dans l'océan indien depuis la base d'une autre île, Diego Garcia. Cette île isolée fait partie des Chagos.

Revendication pour une rétrocession

Dès 1998, les Chagossiens commencent une série de revendications : réclamations d'une meilleure compensation d'expulsion, le droit d'un possible retour sur leurs terres, le droit d'obtenir la nationalité britannique. Toutes ces demandes sont ignorées par l'administration britannique.

Mais cette lutte de longue durée finit par faire plier le Royaume Uni. En 2017, l'assemblée générale des Nations-Unies apporte son appui à l'île Maurice dans sa bataille contre Londres. Alors que ce dernier refuse de reconnaître la souveraineté de l'île Maurice sur ces terres, la Cour internationale de justice (CIJ) entame des procédures. En mai 2020, l'ONU publie une carte du monde sur laquelle l'archipel des Chagos s'affiche clairement comme territoire appartenant à l'île Maurice.

En janvier 2023, le Royaume Uni finit par accepter de négocier avec l'île, ce qui aboutit à un accord entre les deux parties en octobre 2024. Selon ledit accord, les autorités mauriciennes peuvent réinstaller les Chagossiens sur l'île, sauf sur Diego Gracia qui abrite les bases militaires.

Dans l’exercice de sa souveraineté sur l’archipel des Chagos, Maurice est libre de mettre en œuvre un programme de réinstallation sur les îles de l’archipel des Chagos autres que Diego Garcia. Cette réinstallation sera mise en œuvre conformément aux termes du présent Accord et aux lois mauriciennes.

Toutefois, les questions environnementales sont également inscrites à l'agenda de cet accord qui stipule :

Les Parties coopéreront sur d’autres questions relatives à la protection de l’environnement, notamment en ce qui concerne les déversements d’hydrocarbures et autres, ainsi que la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

Le Royaume Uni s'autorise donc à continuer l'exploitation de l'île Diego Garcia pour les opérations militaires. Keir Starmer, Premier ministre déclare, le 22 mai 2025,  à Radio France Internationale (RFI):

…j'ai signé un accord pour sécuriser la base commune Royaume-Uni-États-Unis sur Diego Garcia. Ceci est absolument essentiel pour notre défense et notre renseignement et donc pour la sécurité du peuple britannique.

Par cet accord, le Royaume doit verser annuellement un montant à l'île Maurice. Citant les dessous de cet accord historique, le même article de RFI, cité plus haut, indique :

le Royaume-Uni dispose d'un bail de 99 ans sur Diego Garcia – avec une option de prolongation – moyennant le paiement annuel de 101 millions de livres (140 millions de dollars américains], soit 3,4 milliards de livres [4.5 milliards de dollars américains], au total.

En territoire mauricien, la nouvelle est accueillie avec ferveur. Le gouvernement du Premier ministre Navin Ramgoolam se réjouit de la concrétisation d'un rêve devenu réalité. Olivier Bancoult, leader du groupe Réfugiés Chagos, qui a fait de cette rétrocession son combat personnel, explique à Tv5monde Afrique son enthousiasme de retrouver sa terre natale qu'il a quittée dès l'âge de quatre ans :

A la question de savoir s'il considère la possibilité d'aller vivre aux Chagos, Olivier Bancoult répond:

…absolument, c'est ce que nous rêvons. Je suis née à Peros Banhos mais je n'ai jamais eu l'occasion de donner la chance à mes enfants de voir comment est cette île. Tout comme, les autres Chagossiens aussi y rêvent.

Débat sur l'identité chagossiene

Tout n'est pas pour autant résolu. Des Chagossiens présents sur le territoire britannique depuis des décennies estiment que, dans leur lutte pour l'accès à leur terre et à leur pleine souveraineté, cet accord ne constitue pas une victoire. Bertrice Pompe, représentante des habitants originaires de l'île des Chagos, déclare à Africa News (0:25) :

Selon Pompe, les Chagossiens ne se reconnaissant pas comme pas Mauriciens et Mauriciennes, cet accord compromet leurs droits. Pour eux, il est hors de question que leurs droits soient remis dans les mains de l'île Maurice.

Frankie Bontemps, président du groupe Chagossian Voices poursuit dans le même sens. Au micro de RFI, il dit:

Pour nous, ce n'est pas une victoire. Aujourd'hui, nous sommes ignorés comme nos parents et nos grands parents l'ont été… Nous, Chagossiens, nous considérons comme un peuple autochtone qui n'a rien à voir avec les Mauriciens : nous avons notre propre langue, notre créole n'est pas le même que le créole de l'île Maurice. Nos traditions culinaires, nos danses… tout est complètement différent ! Alors que nous avons le sentiment d'être traités comme des citoyens de seconde zone, nous avons aussi l'impression d'avoir été trahis par les deux gouvernements [mauricien et britannique]…

Comme dans de nombreux territoires et pays anciennement colonisés par l'Europe, les capitales européennes continuent d'imposer leurs politiques, preuve que le processus de décolonisation n'est toujours pas terminé.

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A Madagascar, un atelier d'écriture valorise la présence de la langue malgache en lignehttps://fr.globalvoices.org/?p=295889http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250603_075635_A_Madagascar__un_atelier_d_ecriture_valorise_la_presence_de_la_langue_malgache_en_ligneTue, 03 Jun 2025 05:56:35 +0000Un atelier intitulé Wikiteny pour valoriser la langue Malgache en ligne

Initialement publié le Global Voices en Français

Les participants de l'atelier. Image de l'auteur de l'article utilisée avec permission

Le 31 mai 2025 s'est tenu à Antananarivo, un atelier intitulé Wikiteny, fruit d’une collaboration entre le groupe d'utilisateurs de la communauté Wikimedia Madagascar et Global Voices Malagasy. Cet atelier a été rendu possible grâce au soutien financier du Knowledge Equity Fund de la Wikimedia Foundation, qui soutient des projets favorisant l’équité des connaissances à travers le monde.

Cet événement s’inscrit dans le cadre de la célébration du mois de la langue malgache qui se déroule chaque année au mois de  juin. Le malgache est la langue nationale de Madagascar, elle est parlée par environ 30 millions de personnes.

Un atelier pour faire rayonner la langue malgache

L’objectif principal de l’atelier était de valoriser la langue malgache et de faire connaître Madagascar et sa culture à travers le numérique. L'accent a été mis sur l'utilisation de Wikimedia comme plateforme d’expression, et des articles de Global Voices comme sources fiables pour enrichir les contenus dans cette langue.

Les participants à l’œuvre, concentrés sur leurs contributions. Image de l'auteur, utilisé avec permission

Une participation engagée

Vingt-quatre personnes ont pris part à cette session représentant des étudiants, des citoyens, des blogueurs et des amoureux de la langue malgache. L’ambiance était studieuse et conviviale. Les participants se sont dits très satisfaits et motivés à poursuivre la rédaction d’articles en malgache sur les projets Wikimedia.

Maminirina, une étudiante en deuxième année de langue malgache à l'université d'Antananarivo s'exprime ainsi:

J’ai toujours voulu écrire en malgache, mais je ne savais pas par où commencer. Grâce à cet atelier, j’ai découvert Wikipédia comme un espace libre et accessible pour partager nos connaissances. C’est motivant de savoir que ce que j’écris peut être utile à d’autres.

L’un des étudiants, Ny Avotiana Gael témoigne avec enthousiasme de sa participation :

Je suis très satisfait de cet atelier. Je ne savais pas que contribuer sur internet dans ma langue était possible et aussi utile. Maintenant je veux écrire davantage pour montrer la richesse de notre culture.

Voici une vidéo d'une des participantes, Rojo Ravaka qui partage sa motivation à participer à cet atelier. Elle explique qu’en tant que chargée de la communication, cet atelier l’intéresse en raison de son amour pour la langue malgache. C’est pour elle une opportunité précieuse de renforcer ses compétences en rédaction et de mieux maîtriser cette langue. Cette vidéo est utilisée avec sa permission

Dans cette autre vidéo, un participant nommé Rohy Ramasinatrehana exprime son engagement en faveur de la valorisation de la langue malgache sur internet. Il explique que sa participation découle de l’importance de cette démarche, car, selon lui, personne en particulier ne s’en charge officiellement. Cette vidéo est utilisée avec sa permission

Un concours pour stimuler la contribution

L’atelier a également marqué le lancement d’un concours d’écriture, de modification et d’enrichissement d’articles, un véritable edit-a-thon qui se déroulera durant tout le mois de juin sur Wikimedia. Les participants sont invités à rédiger, corriger ou améliorer un maximum d’articles en langue malgache , dans le but de renforcer la présence du malgache dans l’espace numérique.

À la fin du mois, les trois contributeurs les plus actifs et les plus engagés,  c’est-à-dire ceux qui auront produit le plus d’articles seront récompensés par des dictionnaires bilingues français-malgache.

Une présence honorifique

L’événement a été honoré par la présence du Nalisoa Ravalitera, académicien, poète et figure emblématique de la promotion de la langue malgache. Sa présence a été une source d’inspiration pour tous les participants.

Jean Rabenalisoa Ravalitera, président la Section des sciences de l’art et du langage au sein de l’Académie malgache. Photo de l'auteur

Un événement décentralisé

L’atelier Wikiteny ne s’est pas limité à une seule localité. Il s’est tenu simultanément dans quatre régions de Madagascar: Analamanga (à Antananarivo la capitale), Matsiatra Ambony (au sud-est) , Boeny Mahajanga une ville portuaire de la côte nord-ouest), et Diana (au nord) permettant ainsi à un public plus large de participer. Cette approche décentralisée a favorisé une meilleure inclusion des communautés régionales dans la promotion de la langue malgache en ligne, et a permis de recueillir une grande diversité de points de vue et de contributions.

L’atelier Wikiteny représente un acte concret de valorisation de la langue maternelle, une démarche collective pour inscrire la langue malgache dans le paysage numérique mondial. La création de contenus en malgache sur des plateformes ouvertes comme Wikipédia permet de préserver le patrimoine linguistique et de le transmettre aux générations futures.

Dans un monde de plus en plus connecté, il est crucial de maintenir la diversité linguistique, y compris en ligne, car à ce jour, l'anglais domine en terme de présence en ligne car il représente plus de 60 pourcent des sites.

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Max Romeo, une voix mélodieuse et déterminée des turbulentes années 1970 en Jamaïque, décède à 80 anshttps://fr.globalvoices.org/?p=294845http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250531_021954_Max_Romeo__une_voix_melodieuse_et_determinee_des_turbulentes_annees_1970_en_Jamaique__decede_a_80_ansSat, 31 May 2025 00:19:54 +0000Son album emblématique « War Ina Babylone » reflétait les turbulences politiques de la Jamaïque des années 1970.

Initialement publié le Global Voices en Français

Max Romeo sur la scène principale du Sunsplash, le 16 août 2010. Photo de Luca Paolassini_Rototom Sunsplash ©2010 via Flickr, utilisée sous licence (CC BY-NC-SA 2.0).

L'artiste de « Roots » reggae Max Romeo, connu pour ses paroles sans concession, est décédé le soir du 11 avril dans un hôpital privé à St Andrew, en Jamaïque, suite à des complications cardiaques. Il avait 80 ans.

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Né Maxwell Livingston Smith (également connu sous le nom de « Maxie Smith ») le 22 novembre 1944, à Saint D’Acre, une petite ville de la campagne près d'Alexandria, sur les collines de St Ann, en Jamaïque, Roméo a quitté la maison à l'âge de 14 ans. Il a eu une enfance très difficile, travaillant dans une plantation de cannes à sucre à Clarendon, où il a remporté un concours de chant à 18 ans. Comme d'autres artistes de reggae en herbe des zones rurales, il est alors parti pour la grande ville — Kingston, le berceau du reggae, où il avait de la famille — pour faire fortune.

Là, Romeo s'est associé à deux musiciens, Kenneth Knight and Lloyd Shakespeare (frère du légendaire bassiste Robbie), pour former The Emotions en 1965. Leur premier titre, « (Buy You) A Rainbow » (1966), a été produit par Ken Lack. Romeo travaillait comme promoteur pour la maison de disques de Lack, un jour le producteur l'aurait entendu chanter tout seul et lui aurait suggéré d'enregistrer le morceau. Ce fut un succès immédiat, et plusieurs titres à succès suivirent pour The Emotions.

En 1968, Romeo s'est senti prêt à se lancer dans une carrière solo; ne rencontrant pas beaucoup de succès, il revint auprès de The Emotions. Il a ensuite rejoint un groupe appelé  The Hippy Boys, formé par le producteur Lloyd Charmers; le groupe comptait deux frères, Aston Barrett (bass) et Carlton Barrett (drums), qui devinrent plus tard membres des Wailers de Bob Marley.

Romeo était un collaborateur musical. Il a continué à travailler comme chanteur résident et auteur-compositeur avec l'influent producteur Bunny Lee, contribuant ainsi aux débuts des chanteurs Derrick Morgan et Slim Smith, qui chantaient un mélange de ska et de rocksteady, précurseurs du reggae.

Romeo a ensuite écrit la chanson « Wet Dream », qui attira l'attention du public et le fit remarquer en tant qu'artiste solo. Morgan et Smith avaient refusé la chanson à cause de ses paroles osées. Lorsque Lee suggéra que Romeo l'enregistre lui-même, ce dernier accepta avec réticence; elle devint alors un grand succès dans plusieurs pays.

Après seulement deux diffusions, la British Broadcasting Corporation (BBC) bannit la chanson de ses ondes en raison de ses paroles explicites. Néanmoins (et peut-être sans surprise), elle est devenue par la suite un énorme succès au Royaume-Uni et, selon Romeo, une sorte de titre culte auprès des « skinheads », une sous-culture de la jeunesse ouvrière blanche des années 1960, qui curieusement adopta le ska et le reggae et favorisa la popularité de cette musique au Royaume-Uni. Romeo affirma par la suite, sans conviction, que la chanson traitait d'un toit qui fuit. Son premier album, « A Dream, » tout aussi osé, suivit.

Après toute cette coquinerie, le célèbre producteur Niney the Observer (Winston Holness) prit Romeo sous son aile, l'orientant vers une musique plus consciente, influencée par le rastafarisme. En 1971, le second album de Romeo, « Let the Power Fall (on I) », surprit ses fans; cependant, à cette époque, l'atmosphère était différente, fortement politisée à l'approche des élections de 1972 en Jamaïque. Son troisième album, « Revelation Time » (1975), auquel ont participé les formidables frères Barrett, célèbres membres des Wailers, avec qui il avait collaboré plutôt dans sa carrière, explorait des thèmes religieux et sociaux.

L'album emblématique de Romeo qui suivit, « War Ina Babylon » (1976), reflétait la situation politique tendue de la Jamaïque des années 1970. Il a été produit par son très bon ami, le légendaire Lee « Scratch » Perry, et enregistré sur l'influent label Island Records de l'entrepreneur musical jamaïcain Chris Blackwell. En 2022, Romeo a intenté une action en justice afin d'obtenir des royalties totalisant 15 millions de dollars américains (plus de 2,27 milliards JAD) pour des droits d'auteur prétendument non payés pour « War Ina Babylon » et un album ultérieur, « Reconstruction » (1977), auprès du groupe Universal Music et de Polygram (qui a repris Island Records). Ces sociétés ont cherché à obtenir un non-lieu en 2023; il n'y a pas d'information depuis.

La chanson militante, « Chase the Devil, » tirée de l'album de 1976, était le morceau ouvertement politique de Romeo le plus populaire et a largement été choisi par des artistes tels que les rappeurs américains Jay-Z et Kanye West, entre autres. Cependant, l'excentrique « Scratch » n'était pas une personne avec qui il était facile de s'entendre; après la sortie de l'album et de son immense succès, lui et Romeo se sont brouillés; il n'y eut plus de collaboration entre eux, bien que plus tard ils se réconcilièrent.

Le role de la musique de Romeo dans la politique jamaïcaine des années 1970 restera gravé dans les mémoires. Sa chanson « Let the Power Fall on I » est devenue l'hymne du Parti National Populaire de Michael Manley (PNP) lors des élections de 1972, que le Parti remporta . Ayant ouvertement déclaré son soutien pour Manley, Romeo enregistra plusieurs chansons afin de soutenir sa campagne, dont « Michael Row the Boat Ashore » et « Press Along Joshua, » qui était le surnom de Manley. Lors de ses discours les plus enflammés, Manley brandissait souvent un bâton rastafari, surnommé le « Bâton de Correction. » Plus tard, déçu par la politique de Manley , Romeo enregistra une chanson, « No Joshua No, » exprimant sa déception.

En 1978, Romeo s'est rendu à New York, où il a composé et interprété une comédie musicale, « Reggae, » avec en vedette Philip Michael Thomas et Sheryl Lee Ralph. Il a aussi collaboré avec le groupe de rock britannique The Rolling Stones; leur guitariste Keith Richards a coproduit et joué sur son album sorti en 1981, « Holding Out My Love to You. »

Bien que ses dernières chansons n'aient pas connu de succès majeurs, Romeo a continué à faire de nombreuses tournées à l'étranger et était un artiste extrêmement populaire. Il a construit un studio d'enregistrement chez lui, dans la région rurale de St. Catherine, où ses enfants, Azana (son manager) et Azizi, ont débuté leurs carrières musicales. En 2014, il a sorti l'album Father and Sons, en collaboration avec ses fils Ronaldo and Romario (plus connu sous le nom du duo Rominal). Azana, Azizi et Romeo ont ensuite réalisé ensemble un « album familial », enregistré dans leur home-studio, preuve que même s'il ne produisait plus de grands succès, l'influence et la présence de Romeo sur la scène musicale continuaient.

Depuis l'annonce de son décès, de nombreux hommages ont été rendus, tant par des musiciens que par des hommes politiques.

Le porte-parole de la culture pour le parti de l'opposition, le Parti National Populaire, a qualifié la mort de Romeo de « véritable fin d'une époque », tandis que le leader de l'opposition Mark Golding a déclaré sur Instagram qu'il était « profondément attristé » par son décès:

Max était une voix puissante de la musique jamaïcaine — un artiste influent dont les paroles disaient la vérité au pouvoir et donnaient une voix aux luttes et aux aspirations de notre peuple.[…] La Jamaïque a perdu un géant de la culture, mais son héritage perdurera à travers sa musique intemporelle et l'impact qu'il a eu sur notre conscience nationale.

Romeo a effectué son dernier « Ultimate Tour » à l'étranger, à l'âge de 78 ans, visitant 56 villes du Royaume-Uni et d'Europe, où il a chaleureusement été accueilli. Après cette tournée, il s'est retiré dans sa ferme de St Catherine pour passer le reste de son temps avec sa femme, Charm, et leur famille.

Des paroles calmes à un style militant abordant des questions sociales, Max Romeo est resté un chanteur et auteur-compositeur extrêmement influent pendant plus de 50 ans. Ses deux chansons les plus célèbres illustrent le passage d'un répertoire plus léger de jeunesse à des préoccupations sérieuses pour son île, la Jamaïque, en période de turbulences. On se souviendra toujours de lui comme d'un artiste authentique, qui exprimait la souffrance et les aspirations du peuple.

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Une nouvelle Afrique : le Burkinabè Ibrahim Traoré incarne la résilience, la reconnaissance et la résistancehttps://fr.globalvoices.org/?p=295830http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250531_015207_Une_nouvelle_Afrique___le_Burkinabe_Ibrahim_Traore_incarne_la_resilience__la_reconnaissance_et_la_resistanceFri, 30 May 2025 23:52:07 +0000Un vibrant appel à l'autonomie lors du sommet Russie-Afrique

Initialement publié le Global Voices en Français

Le capitaine Ibrahim Traoré, Président de la transition du Burkina Faso, lors d'une rencontre à Ouagadougou avec une délégation du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine. Crédit photo : Lamine Traoré/VOA – Voice of America sur Wikimedia Commons, 24 juillet 2024. Domaine public.

Le 28 juillet, le président par intérim du Burkina Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, a prononcé un discours marquant lors du deuxième Forum économique et humanitaire Russie-Afrique au cours duquel il a plaidé pour une plus grande souveraineté, pour la sécurité alimentaire et pour une revalorisation des contributions historiques de l'Afrique. En écoutant son discours marquant, beaucoup ont fait des comparaisons avec le légendaire leader panafricaniste , Thomas Sankara, suggérant que les propos de Traoré reflétaient la ferveur et l'engagement en faveur de l'autonomie et de la prospérité de l'Afrique qui caractérisaient la vision de Sankara. Ce discours a ravivé la mémoire des propos prophétiques tenus par Sankara en 1987 alors que son entourage l'avait alerté d'une menace imminente d'assassinat par coup d'État: «Tuez Sankara, et des milliers de Sankara naîtront». Ce n'est que vingt ans plus tard que Radio France Internationale (RFI), le principal média international français, a évoqué  une éventuelle implication de la France  dans son assassinat.

Dans un discours marqué par de fortes références à la mémoire historique et la reconnaissance, Traoré a souligné le rôle souvent oublié de l'Union soviétique et de l’Afrique dans la lutte contre le nazisme en Allemagne et le fascisme en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale, aux côtés des puissances occidentales telles que le Royaume-Uni, la France et les États-Unis. Il a déploré que les récits historiques marginalisent fréquemment les contributions essentielles de ces nations, perpétuant ainsi une vision déformée de l'histoire qui néglige le rôle fondamental de l'Afrique.

Dans un appel manifeste à un changement de paradigme au sein des dirigeants africains, Traoré a exhorté ses homologues à résister à la manipulation des forces impérialistes en ces mots: « Nous, chefs d'États africains, devons cesser de nous comporter comme des marionnettes qui dansent chaque fois que les impérialistes tirent les ficelles.»

« À la fin de 2022, a-t-il poursuivi, mon administration et moi avons lancé des appels au volontariat, ce qui a permis l'enrôlement de 100 000 civils supplémentaires. Plusieurs centaines de ces braves personnes ont déjà sacrifié leur vie pour protéger leurs compatriotes.»

« Ce que je ne comprends pas, a déclaré Traoré, c'est pourquoi d'autres dirigeants africains, qui n'apportent aucune aide, s'abaissent à qualifier ces braves hommes et femmes de ” miliciens”. Ailleurs, on les aurait reconnus comme ”patriotes”.»

Traoré a également insisté sur l’importance cruciale de l’autosuffisance alimentaire pour les nations africaines. Il a salué l’annonce du président russe Vladimir Poutine d’envoyer gratuitement des cargaisons de céréales à six pays africains après l’effondrement de l’initiative céréalière de la mer Noire, tout en y voyant un signal d’alarme pour les dirigeants africains.  « Au prochain forum, nous ne devons pas venir ici sans avoir garanti l’autosuffisance alimentaire de nos peuples », a-t-il déclaré.

En conclusion, Traoré a fait résonner les paroles puissantes de Thomas Sankara prononcées à l’ONU en 1984 : « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort », accompagnées de la formule  de conclusion emblématique de Sankara: « La patrie ou la mort, nous vaincrons ! » Ces mots ont résonné comme un appel au combat, se propageant rapidement sur les réseaux sociaux et trouvant un écho profond dans le cœur et l’âme de la jeunesse africaine.

Capture d'écran de la vidéo ”Ibrahim Traore. Burkina Faso President's Pan African speech wins him fans all over Africa” publiée par African Insider sur YouTube. Utilisée avec permission.

C’est cet esprit que Traoré cherche à insuffler, non seulement à son propre pays, mais à tout le continent africain.  Son plaidoyer est celui d’un avenir où l’Afrique ne serait plus soumise à l’exploitation extérieure, mais se tiendrait debout, en fédération de nations autonomes, résilientes et reconnues équitablement sur la scène internationale. Comme le suggère son discours, il ne s’agit pas seulement d’un idéal, mais d’une nécessité vitale pour la survie et le développement du continent.

Ce cri de ralliement ne se contente pas juste d’éveiller l’esprit endormi et résilient du peuple africain ; il incarne bien plus que de simples mots. Il renferme l’âme même d’un continent déterminé à poursuivre sa quête de dignité, d’autonomie et de prospérité, malgré les épreuves du passé et du présent. Ce sentiment s’est illustré de façon éclatante à travers l’accueil triomphal réservé par une foule en liesse au Burkina Faso  lors du retour de leur chef d’État le 31 juillet.

Traoré, officier militaire originaire de Bondokuy à l’ouest du Burkina Faso, a mené avec succès un coup d’État le 30 septembre 2022, renversant le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Il a endossé la fonction de chef de l’État et de leader du « Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration », devenant ainsi, à 34 ans, le plus jeune chef d’État en exercice au monde.

Ce renversement n'est pas un cas isolé. Il s'inscrit dans une série de cinq coups d'État survenus en Afrique entre août 2020 et juillet 2023, au Mali, au Tchad, en Guinée, au Burkina Faso, et plus récemment au Niger , toutes d'anciennes colonies françaises. Ces bouleversements politiques majeurs traduisent un rejet de ce qui est perçu comme la persistance des mécanismes du colonialisme, désignés sous le terme de « Françafrique ».

Les auteurs de ces coups d'État dénoncent grandement   l'inaction et la soumission des autorités politiques civiles aux anciennes puissances coloniales, mettant en cause la responsabilité , voire la complicité, de l’Occident, dans la montée du terrorisme en Afrique. Ces préoccupations ont été particulièrement amplifiées par l'assassinat du président libyen Mouammar Kadhafi par l’OTAN.

Les questions controversées incluent la prolifération des bases militaires sur le continent africain ainsi que  le maintien de contrats commerciaux inéquitables établis au profit de multinationales étrangères. Les auteurs des coups d'État affirment que ces éléments ne font que perpétuer un cycle d'exploitation, au détriment de la croissance et du développement de l'Afrique. Les citoyens de ces pays ont souvent manifesté leur soutien aux prises de pouvoir militaires. Au Mali, par exemple, des manifestations de masse ont conduit à la destitution du président en place, en faveur des forces armées et de leur projet.

L'accession au pouvoir de Traoré au Burkina Faso s'inscrit ainsi dans une dynamique plus large, une vague de coups d'État militaires touchant l’Afrique francophone. Tandis que ces nations traversent des secousses politiques majeures, le monde observe avec espoir, espérant des transitions pacifiques et un développement durable. L’histoire africaine est tachée par les assassinats de figures noires et africaines influentes telles que like Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Amílcar Cabral, Fred Hampton, Malcolm X, Martin Luther King Jr., et Muammar Khadafi, dont les idéaux se heurtaient bien souvent aux intérêts occidentaux. Face à un précédent aussi troublant, l’espoir demeure que le dirigeant actuel du Burkina Faso poursuive résolument sa quête de souveraineté et de prospérité pour l’Afrique, en défiant les mêmes forces géopolitiques hostiles qui ont jadis anéanti ses prédécesseurs révolutionnaires.

Cette nouvelle vague de gouvernance militaire s’inscrit également dans un contexte de compétition géopolitique croissante, une nouvelle “ruée vers l'Afrique.” Dans ce cadre, les anciennes puissances coloniales, telles que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, marquent leur retour sur le continent. Cependant, le paysage a évolué pour accueillir de nouvelles puissances mondiales comme la Chine, la Turquie, l’Inde ou encore le Brésil, tous désireux de s'y implanter.  Contrairement à la Conférence de Berlin de 1884–1885, qui avait mis en œuvre le partage historique de l’Afrique en la morcelant en micro-entités désignées comme États-nations et utilisé comme une source inépuisable d’enrichissement des puissances étrangères, un vent nouveau souffle sur le continent, marqué par une contestation croissante et un désir d’autonomie.

Plutôt que de demeurer de simples spectateurs dans la sphère des affaires mondiales, les nations africaines s’efforcent désormais de s’affirmer comme des acteurs influents, traçant leurs propres trajectoires au sein de l’attention internationale croissante, en gardant une volonté inébranlable de décider de leur propre sort. Ce changement s’opère dans un monde qui devient progressivement et irréversiblement un monde « multiplexe ». Une tendance reconnue par Amitav Acharya en 2014, qui stipule que dans « le multiplexe cinématographique, (…), aucun réalisateur ni producteur ne peut monopoliser longtemps l’attention ou la fidélité du public. Celui-ci dispose d'une pluralité de spectacles ».

Alors que ce vent de transformation souffle à travers l’Afrique, il demeure difficile de mesurer pleinement la portée et le potentiel de ces changements radicaux. Ce qui est néanmoins manifeste, c’est l’écho croissant de ces voix révolutionnaires, qui résonnent bien au-delà du continent africain.  Cet impact est particulièrement visible à travers le soutien de la diaspora africaine à sa terre d’origine, devenant un acteur clé dans le renforcement de l’autonomie et du développement de l'Afrique par le biais d'initiatives telles que les transferts de fonds, les investissements, les prises de position, la valorisation culturelle et le transfert de connaissances, incarnant la vision portée par des figures emblématiques telles que Marcus Garvey, W.E.B. Du Bois, Richard Wright, Martin Luther King Jr., Malcolm X, et Huey P. Newton.

Le chemin vers l’autonomie est davantage renforcé par l’émergence de figures africaines influentes qui captivent de plus en plus l’imagination de la jeunesse du continent : des icônes comme Kemi Seba, Nathalie Yamb, et Ousmane Sonko. Leurs voix puissantes dénoncent le partage de l’Afrique au profit des puissances étrangères, inspirant une jeunesse qui aspire au changement.
Peut-être le moment est-il réellement venu pour la concrétisation de la prédiction formulée en 1893 par Charles Henry Pearson ainsi que les lois psychologiques de l’évolution des peuples énoncées par Gustave Le Bon en 1894 évoquant l’essor de l'Afrique à la suite de celui de la Chine, une résurgence portée par la croissance démographique et l’industrialisation.

Il ne fait aucun doute que la composition démographique de l’Afrique apporte une dimension supplémentaire à ce scénario porteur d’espoir. Forte d’une population jeune et en constante expansion, ainsi que des terres riches en ressources naturelles, l’Afrique peut tirer parti de cette puissance démographique pour concrétiser ses ambitions d'autonomie gouvernementale. Alors que la pendule du changement est en mouvement, l’énergie collective de cette jeunesse africaine pourrait bien constituer le levier essentiel pour propulser le continent vers un avenir où il ne serait plus relégué à un rôle subalterne, mais reconnu comme un acteur à part entière sur la scène mondiale.

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Togo: arrestation d'un chanteur qui dénonce la mal gouvernancehttps://fr.globalvoices.org/?p=295799http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250530_140242_Togo__arrestation_d_un_chanteur_qui_denonce_la_mal_gouvernanceFri, 30 May 2025 12:02:42 +0000L'Église catholique togolaise, elle aussi, monte le ton

Initialement publié le Global Voices en Français

L'artiste togolais Aamron ; Capture d'écran du clip “Vérité” de la chaîne YouTube d’Aamron Officiel

L'arrestation d'un artiste pour son indignation contre la mauvaise gouvernance et l'injustice sociale soulève de sérieuses inquiétudes sur le droit à la liberté d'expression au Togo.

De son vrai nom Tchala Essowè Narcisse, Aamron est un artiste togolais connu pour son style de rap hardcore dans l'arène musicale locale et qui n'hésite pas à parler de questions sociales. En mai 2019, l'artiste produit une vidéo pour sa chanson “Vérité“, dans laquelle il met en lumière le chef d'une communauté qui abuse de son pouvoir et manipule ses citoyens. Cette dernière sortie musicale donne une nouvelle tournure à la carrière de l'artiste. Voici le lien de sa vidéo “Vérité“:

En légende de cette vidéo, Aamron écrit:

Apolitique Mais Humain

la mise en scène faite dans cette vidéo ne fait que refléter le fonctionnement de nos différentes sociétés depuis que le MONDE  est monde. Nous n'avons rien contre PERSONNE. NOUS défendons juste des PRINCIPES UNIVERSELS. EN VÉRITÉ tout n'est que VANITÉ.
Renonçons,  comme l'a fait le ROI CIVILISATEUR à la fin de cette vidéo, aux MASQUES des FAUSSES VALEURS, aux RITUELS des FAUSSES CROYANCES, à la course aux FAUX pouvoir et partons COURAGEUSEMENT, à la quête du VÉRITABLE POUVOIR…DIEU

puisse cette vidéo ouvrir à des milliers, LA VUE!

Un engagement contre un système qui perdure

Depuis fin 2024, Aamron multiplie ses prises de parole publique pour dire haut ce que de nombreux Togolais pensent très bas et vivent au quotidien: un abus de pouvoir d'un clan minoritaire dans un pays dont la population ploie sous le poids de la misère. Ce que confirme d'ailleurs le rapport d'une étude d’Afro Barometer publié en 2024 où les Togolais déplorent la situation économique du pays.

Dans des vidéos, publiées sur son compte social Facebook, l'artiste interpelle les gouvernants et dénonce les abus de pouvoir. Sur le réseau Tiktok, dans des vidéos en live publiées régulièrement sur son compte Aamron Officiel, l'artiste expose ouvertement et sans langue de bois ses positions critiques à l’égard du gouvernement de Faure Gnassingbé, président du Togo pendant 20 ans (2005-2025) et Président du Conseil de la République (la plus haute fonction selon la constitution de la 5è république) depuis le 3 mai 2025. Le 29 mai, le média togolais Plume d'Afrique publie un article dans lequel il cite l'artiste :

…le rappeur s’est distingué de ses collègues à travers ses sorties tonitruantes à l’encontre du régime en place. Depuis quelques mois, sur les réseaux sociaux, il s’est lancé dans une aventure d’éveil des consciences de la jeunesse togolaise, en décortiquant l’actualité sociopolitique et la gestion de son pays le Togo, qu’il qualifie de « calamiteuse ».

Alors qu'il multiplie ses appels incessants – à retrouver dans ses vidéos sur sa page Facebook – à la jeunesse pour une mobilisation nationale qui semble-t-il, irritent le gouvernement, Aamron est arrêté dans la nuit du 26 mai 2025 à son domicile à Lomé. L'information est rapidement relayés dans les médias togolais.

Soutien et appels à la libération

Le premier soutien à l'artiste lui vient de sa famille. Quelques heures après l'arrestation, sa fille publie une vidéo qui a été relayé par un compte au nom de Draufgängerisch sur X:

Dans le pays, les réactions sont vives: une vague d'indignation embrase les acteurs politiques et de la société civile qui appellent à la libération inconditionnelle de l'artiste. La Dynamique pour la majorité du peuple (DMP), un regroupement de six partis politiques et sept organisations de la société civile dénonce une arrestation arbitraire dans un pays en crise politique.

Dans ce contexte, au travers d'un communiqué rendu public le 27 mai 2025, la DMP exige du gouvernement togolais la libération de plusieurs personnes: d'Aamron, mais aussi du poète et cyberactiviste Koffi H. Sitsopé Sokpor connu sous le pseudonyme « Affectio », et détenu pour ses publications engagées sur les réseaux sociaux ; et de détenus politiques, notamment ceux de l’affaire dite “Tigre Révolution” survenue en 2019 et selon laquelle ces détenus sont accusés de tentative de déstabilisation des institutions de la République.

De son côté, le parti politique d'opposition Alliance nationale pour le Changement (ANC), à travers une déclaration du 29 mai 2025, condamne une énième arrestation arbitraire et met en garde le régime togolais.

…L’ANC met en garde le pouvoir RPT/UNIR [Rassemblement du Peuple Togolais/Union pour la République, parti au pouvoir] que le peuple togolais ne saurait accepter plus longtemps les violences et les brutalités policières, les dénis de justice et les exactions d’un autre âge.

Sur la toile, les soutiens à l'artiste se multiplient. Nathaniel Olympio, acteur politique et Président du Cercle Kekeli – le Cercle d’Études Stratégiques sur l'Afrique de l'Ouest, estime dans une vidéo publié sur son compte X que les arrestations à Lomé sont un signe annonciateur de la fin du régime.

Farida Nabourema, activiste des droits humains et citoyenne togolaise en exil depuis plusieurs années, indique, dans une publication sur son compte X, qu'il s'agit d'une pratique qui s’inscrit dans la logique implacable du régime de Faure Gnassingbé.

Une liberté d'expression bafouée

La liberté d'expression est garantie au Togo, du moins c'est ce que déclare l'article 25 de sa constitution de la 5è république. Mais sa jouissance est devenue un privilège que peu de Togolais peuvent se permettre sans risques. La situation actuelle constitue donc une grave violation des droits de l'homme. L'arrestation d'Aamron vient s'ajouter à une longue liste de Togolais interpellés et détenus, dans un contexte précaire comme l'indique le rapport d'Amnesty International de 2024 sur la situation des droits de l'homme au Togo.

L'indignation est telle que l’Église hausse aussi le ton, dans un pays à plus de 25% catholique. Quelques heures avant l'interpellation de l'artiste Aamron, un appel à un dialogue sincère, a été lancé par la Conférence des Évêques du Togo (CET) à l'endroit des autorités togolaises à travers un communiqué:

Une conviction nous habite : le pays court un risque en couvant les frustrations ; car une Nation ne se bâtit pas durablement sur le silence imposé, sur la peur suscitée et entretenue, sur le mépris de la voix de son Peuple ou encore sur un entêtement à faire croire au Peuple, le contraire du vrai. Les peurs, les frustrations tuent, se muent en actes désespérés et les colères muettes  deviennent des déflagrations imprévisibles.

Lire : Décès d'un prêtre catholique togolais fervent opposant au pouvoir en place

A ce jour, le pouvoir de Lomé ne s'est pas prononcé sur les multiples appels des hommes politiques, acteurs de la société civile, citoyens et religieux togolais. Qu'attendent donc les autorités togolaises pour engager ce dialogue avec l'ensemble des Togolais?

Lire notre cahier spécial :

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Les mots ont la parole: Épisode #26https://fr.globalvoices.org/?p=295772http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250530_130900_Les_mots_ont_la_parole__Episode__26Fri, 30 May 2025 11:09:00 +0000Shégué ne se traduit pas en français congolais, et utilisé tel quel pour décrire ce phénomène social. 

Initialement publié le Global Voices en Français

En image, “Los Petipán” ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Betty Cake

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Petipán: ce mot d‘espagnol péruvien est une adaptation locale des mots français ‘petit pain’ utilisée pour nommer des pains ronds de petite taille servis comme amuse-gueules dans des fêtes. Il existe une catégorie appelée ‘petipanes con pollo‘ ou ‘petits pains au poulet‘ qui sont fourrés avec un mélange de blanc de poulet, de céleri et de mayonnaise.

Cette vidéo en donne la recette complète:

 

Lavage de cerveau:  l'expression « lavage de cerveau » est la traduction littérale d'une expression chinoise composée de deux caractères xǐ nǎo (洗脑) qui signifient ‘laver’ et ‘cerveau’. Cette expression fait principalement référence à un processus politique dont le but est de réformer la pensée pour obéir au dogme communiste.

Elle est à retrouver dans le titre d’un article traduit sur Global Voices: Hong Kong: Le lavage de cerveau éducatif

Shégué : ce mot vient du lingala, une des langues nationales parlées en République démocratique du Congo (RDC). “Shégué” désigne les enfants qui vivent dans la rue. Ce sont souvent des enfants abandonnés par leurs familles pour plusieurs raisons, notamment pour des faits de sorcellerie dont ils sont accusés. Ces enfants, laissés à leur propre sort, usent de tous les moyens pour survivre. Il ne se traduit pas en français congolais et est utilisé tel quel pour décrire ce phénomène social.

Lire : En RDC, le gouvernement opte pour la peine de mort pour éradiquer le phénomène du banditisme

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org

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Le Pérou accueille le « Pape péruvien » avec des danses, de l'humour et des produits à son effigiehttps://fr.globalvoices.org/?p=295579http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250528_184739_Le_Perou_accueille_le____Pape_peruvien____avec_des_danses__de_l_humour_et_des_produits_a_son_effigieWed, 28 May 2025 16:47:39 +0000Robert Francis Prevost, devenu le Pape Léon XIV, est né citoyen américain et mais reste Péruvien par naturalisation

Initialement publié le Global Voices en Français

La ville de Chiclayo célèbre le Pape Léon XIV.

La ville de Chiclayo célèbre le Pape Léon XIV. Capture d'écran de la vidéo “PERÚ: La CIUDAD de CHICLAYO CELEBRA al PAPA LEÓN XIV | RTVE Noticias” publiée sur la chaîne YouTube de RTVE Noticias. Droit d'utilisation.

Le 8 mai, les fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre au Vatican ont vu s'élever la fumée blanche tant attendue depuis la chapelle Sixtine, annonçant au monde l'élection d'un nouveau pape. Après trois tours de scrutin infructueux, le conclave a finalement élu le successeur du Pape François. Premier pape originaire d'Amérique latine, François avait exercé son pontificat de 2013 jusqu'au 21 avril 2025, date de son décès.

L'évêque Augustinien Robert Francis Prevost, l'un des candidats pressentis à la succession, a été élu. Il a choisi le nom de Pape Léon XIV.

Le Pape Léon XIV, fraîchement élu, salue la foule présente sur la place Saint-Pierre.

Le Pape Léon XIV, fraîchement élu, salue la foule présente sur la place Saint-Pierre. Photo : Wikimedia commons sous licence CC BY-SA 4.0.

This was the moment where the #whitesmoke was shown to the world to say that there is a new #pope. #LeonXIV born in Chicago, naturalized Peruvian, spoke about peace in his first speech.

Voici le moment où la #fuméeblanche est apparue, annonçant au monde l'élection d'un nouveau #pape. #LeónXIV né à Chicago et naturalisé péruvien, a évoqué la paix dans son tout premier discours. pic.twitter.com/YP0vcUg00m — La Otra Escucha (@laotraescucha) 8 mai 2025

Le Pape Léon XIV a surpris le monde en rompant le protocole. Il a interrompu son discours en italien pour s'exprimer, dans un espagnol parfait, en ces termes :

Quiero agradecer a todos aquellos, y de manera particular, a mi querida diócesis de Chiclayo en el Perú, donde un pueblo fiel ha acompañado a su obispo, ha compartido su fe, y ha dado tanto y tanto para seguir siendo iglesia fiel de Jesucristo.

I want to thank all those, and in particular, my dear diocese of Chiclayo in Peru, where a faithful people have accompanied their bishop, shared their faith, and have given so much to continue being a faithful church of Jesus Christ.

Je tiens à remercier tout le monde, et en particulier mon cher diocèse de Chiclayo, au Pérou, où un peuple fidèle a accompagné son évêque, partagé sa foi et tant donné pour continuer à être une Église fidèle à Jésus-Christ.

Les Péruviens ont été comblés de joie par cette salutation spontanée, et à Chiclayo, l'émotion a été particulièrement intense.

Front pages of some Peruvian newspapers on Friday, May 9, 2025. All feature the new pope.

Front pages of some Peruvian newspapers on Friday, May 9, 2025. Images available online. Composition by the author.

The precise moment when they received the news at the Santo Toribio de Mogrovejo Major Seminary in the Diocese of Chiclayo where Bishop Robert Prevost, now Pope Leo XIV, was bishop.

Le moment précis où la nouvelle est arrivée au Grand Séminaire Saint Toribio de Mogrovejo, dans le diocèse de Chiclayo, où Mgr Robert Prevost, aujourd'hui Pape Léon XIV, a exercé comme évêque. 🇵🇪 pic.twitter.com/QI882X0g0J — Jóvenes Unidos Perú (@JovenesUnidosP) 10 mai 2025

La nouvelle que le nouveau pape est né à Chicago, mais possède également la nationalité péruvienne, s'est immédiatement répandue. Le Pape Léon XIV a entamé sa carrière ecclésiastique dans sa ville natale, avant d'être envoyé au Pérou, où il a exercé pendant près de 40 ans au nord des villes de Piura, Chulucanas, Trujillo et Chiclayo, où il a été nommé évêque par le Pape François en 2015. Cette même année, il a obtenu la nationalité péruvienne et le droit de voter aux élections présidentielles de 2026.

Ce court reportage de la télévision espagnol montre les fidèles de la ville de Chiclayo, en effervescence après l'annonce de l'élection du nouveau pape. À Chiclayo, on se souvient de lui comme d'un homme « très humble et à l'écoute des jeunes ». la vidéo montre également un restaurant où le futur pape avait l'habitude de manger, à sa table préférée, d'où il pouvait voir la cathédrale tout en dégustant le traditionnel « frito de chancho », une spécialité locale à base de couenne de porc.

Boris Potozén, agent de la fonction publique, était présent le jour où Mgr Prevost, alors évêque, a obtenu la nationalité péruvienne. Potozén a confié à Global Voices avoir brièvement échangé avec lui, lorsqu'il lui a dit qu'il pointed out qu'il venait de Chiclayo et qu'il était élève à l'école San Agustin, Prevost lui a répondu que « Dieu lui ouvrait la voie ».

Sur les réseaux sociaux, les internautes se sont rapidement emparés de la double nationalité du Pape Léon XIV pour créer des mèmes :

THE INTERNET IS NOT FORGIVING… NOT EVEN FOR THE POPE!
Since he was elected, #PapaLeónXIV has become the protagonist of the best memes.

📱🌍 INTERNET NE PARDONNE PAS… PAS MÊME POUR LE PAPE ! 😂
Depuis son élection, le #PapeLéonXIV est devenu la star des meilleurs mèmes 🙌 #LeónXIV #PapeMème #HumourCatholique #Vatican2025 #SaintetéVirale pic.twitter.com/3SCmGrpszP — Altavoz EC (@altavoz_ecu) 9 mai 2025

Une opportunité commerciale s'est également présentée dans « l'empire de Gamarra », le quartier textile de Lima, célèbre pour ses innombrables boutiques de vêtements et de tissus. En moins de 24 heures, des produits dérivés à l'effigie du pape étaient déjà exposés dans leurs vitrines :

The creativity and agility of the Peruvians to bring out merch about the Pope 🤣. I hope the retailers sell a lot :)

Quelles créativité et réactivité de la part des Péruviens pour lancer des collections à l'effigie du pape🤣! J'espère que les commerçants feront de bonnes ventes :) #Pape #Gamarra #Pérou #Chiclayo #RobertPrevost pic.twitter.com/qXa7Ed7ltm — Angela (@antiginny) 9 mai 2025

Le principal quotidien péruvien, El Comercio, a invité ses lecteurs à partager leurs photos du pape avec la rédaction :

If you have photos with Bishop Robert Prevost, now Pope Leo XIV, share them with El Comercio

Si vous avez des photos de l'évêque Robert Prevost, aujourd'hui devenu le Pape Léon XIV, partagez-les avec El Comercio https://t.co/Be8zOkt5wP — Martin Hidalgo (@martinhidalgo) 9 mai 2025

Le pape a même exprimé son souhait de se rendre à Chiclayo:

Peruvian journalist Gunter Rave managed to speak with the pope today:

—We are waiting for you in Chiclayo.

—Ah, hopefully!🙏

Le journaliste péruvien Gunter Rave a pu s'entretenir avec le pape aujourd'hui :— Nous vous attendons à Chiclayo.

— Oh, je l'espère vraiment !🙏

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Russie : des dizaines de bénévoles se mobilisent pour sauver les populations de chauves-sourishttps://fr.globalvoices.org/?p=295048http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250528_183703_Russie___des_dizaines_de_benevoles_se_mobilisent_pour_sauver_les_populations_de_chauves-sourisWed, 28 May 2025 16:37:03 +0000Des passionnés d'animaux réhabilitent les chauves-souris et vont jusqu'à leur organiser des cérémonies de « récompense ».

Initialement publié le Global Voices en Français

Cet article a été initialement publié en russe le 17 avril 2025 sur Novaya Vkladka, un partenaire de Global Voices, puis traduit et édité pour plus de clarté et republié avec la permission de Novaya Vkladka. 

Début avril, un passager inhabituel a voyagé en bus de Volgograd jusqu'à Moscou : une chauve-souris. Elle a été transportée au zoo de Moscou pour y recevoir des soins. En Russie, des dizaines de bénévoles passionnés des animaux se mobilisent pour venir en aide aux chauves-souris, des animaux souvent incompris, mais essentiels au bon équilibre des écosystèmes. Novaya Vkladka a enquêté sur la façon dont ces bénévoles assurent une hibernation sécurisée aux chauves-souris et les soignent jusqu'à leur rétablissement au printemps.

Au début du mois d'avril, Pavel, un mécanicien automobile à Volgograd, a entendu un couinement en arrivant au travail. En suivant le bruit, il a découvert une toute petite chauve-souris sous une clôture, l'aile abîmée. Pavel s'est rendu chez plusieurs cliniques vétérinaires à Volgograd, mais aucune ne savait comment s'y prendre pour soigner un tel animal. Il a finalement reçu l'aide des bénévoles du centre de réhabilitation de la faune sauvage Bird Island. La directrice, Arina Yerina, a contacté le zoo de Moscou, où des spécialistes de la réhabilitation des chauves-souris ont accepté de prendre l'animal en charge.

Pavel a financé le transport de la chauve-souris jusqu'à Moscou, un chauffeur de bus ayant accepté d'emmener ce passager hors du commun. Au zoo de Moscou, l'animal a été diagnostiqué avec une fracture à la patte avant droite. Elle suit désormais une rééducation, et son sauveteur, Pavel, a décidé de devenir bénévole au centre Bird Island de Volgograd.

Ce n'est là qu'une histoire parmi tant d'autres en Russie. Chaque année, vers le mois d'octobre, les chauves-souris de la région se préparent à hiberner pendant l'hiver, en choisissant un abri où elles passeront environ six mois. Il arrive toutefois qu'elles s'installent dans des lieux inadaptés et se blessent à leur réveil en avril ou en mai, ce qui rend leur sauvetage nécessaire.

D'autres problèmes surviennent au début de l'hiver, lorsque les chauves-souris tentent d'hiberner dans des endroits trop exposés, comme des halls, des façades d'immeubles, des balcons ou des rebords de fenêtres. Dans ces cas-là, elles doivent être secourues, car elles risquent de mourir de froid si elles ne sont déplacées vers un abri plus sûr.

Les consignes des bénévoles destinées aux personnes qui trouvent une chauve-souris rappellent que ces animaux ne sont généralement pas dangereux, même s'ils peuvent siffler ou agiter leurs ailes par peur.

A Moscou, le centre de sauvetage des chauves-souris Batspas existe depuis 2020. Sa chaîne Telegram compte près de 3 000 membres, en comptant les Moscovites et les habitants d'autres régions à la recherche de conseils.

L'aide apportée aux chauves-souris ne se limite pas à Moscou : des communautés similaires existent à Volgograd, Samara, Voronej, Rostov-sur-le-Don, Oufa, Krasnodar et Penza.
Ces groupes sont généralement créés par des citoyens engagés, à quelques exceptions près. À Rostov-sur-le-Don, par exemple, un centre de réhabilitation pour chauve-souris à ouvert ses portes à l'université d'État du Don, encadré par des zoologues et des vétérinaires. Ce centre, comme d'autres communautés similaires, conseille sur la prise en charge des chauves-souris et accueille celles qui sont blessées. Au printemps 2024, le centre a organisé sa première cérémonie de « récompenses » : les chauves-souris réhabilitées ont été relâchées dans la nature et une formation de sensibilisation sur leur alimentation et leurs soins a été organisée.

Certaines communautés viennent en aide à plusieurs animaux. À Oufa, par exemple, les bénévoles secourent non seulement les chauves-souris mais aussi les oiseaux, les écureuils et les hérissons. Le centre de réhabilitation pour animaux sauvages de Volgograd s'occupait principalement des oiseaux, mais depuis cinq ans, il aide aussi les chauves-souris. En décembre 2024, les bénévoles ont aidé sept chauves-souris à entrer en hibernation.

À Novosibirsk, les spécialistes d'organisations environnementales ne se contentent pas de réhabiliter les chauves-souris mais informent aussi les habitants sur la manière de les nourrir et sur leur hibernation avant leur remise en liberté. Il s'avère qu'après leur réhabilitation, les chauves-souris attendent le printemps dans des réfrigérateurs maintenus à une température de 3 à 5 °C.

Certains bénévoles aménagent chez eux des refuges temporaires pour les chauves-souris. Olga Tarasova, bénévole au centre de réhabilitation pour chauve-souris du zoo de Moscou et habitante de Chakhty, dans la région de Rostov, leur a dédié une pièce de sa maison : un parc équipé de hamacs, de cabanes miniatures et d'un réfrigérateur destiné à l'hibernation. La plupart des chauves-souris sont relâchées dans la nature après leur réveil, mais certaines, trop blessées, ne pourraient survivre en liberté. Olga les appelle par leurs noms, et elles réagissent même au son de sa voix. Elle a aussi remarqué que chacune avait sa propre personnalité : certaines sont affectueuses et calmes, d'autres jalouses et fougueuses. Il y en a même qui aiment la musique : d'après Olga, la musique classique a un effet apaisant sur certaines chauves-souris.

Selon le site Internet du parc national du Caucase, la Russie abrite environ 50 espèces de chauves-souris, qui figurent toutes dans le livre rouge des espèces menacées. Les interventions humaines sont de plus en plus nécessaires pour protéger ces animaux, car leurs habitats naturels, les forêts anciennes et les grottes, sont perturbés et grignotés par l'urbanisation. Les chauves-souris ont également un faible taux de reproduction et une femelle ne donne généralement naissance qu'à un seul petit.

Elles s'installent dans des cavités d'arbres, parfois dans des structures construites par l'humain, et certaines espèces vivent en vastes colonies dans des grottes. En hiver, en raison du manque d'insectes, elles entrent en hibernation. Pour ce faire, elles recherchent des abris sûrs, principalement des grottes, où leur température corporelle chute jusqu'à s'aligner sur celle de l'air ambiant. Elles peuvent dormir pendant cinq à six mois. Malgré leur petite taille, les chauves-souris vivent en moyenne dix à douze ans, mais certaines atteignent quarante ans. Le parc national du Caucase rappelle cependant que les chauves-souris peuvent être porteuses de la rage, et qu'il convient donc de rester prudent à leur contact.

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Impact des menaces de mort, des pertes d'emploi et du manque de protection sur les lanceurs d'alerte en Afrique de l'Ouesthttps://fr.globalvoices.org/?p=292344http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250528_182412_Impact_des_menaces_de_mort__des_pertes_d_emploi_et_du_manque_de_protection_sur_les_lanceurs_d_alerte_en_Afrique_de_l_OuestWed, 28 May 2025 16:24:12 +0000Aperçu de la dénonciation et de la protection des dénonciateurs en Afrique de l'Ouest

Initialement publié le Global Voices en Français

Délégués à la conférence sous-régionale sur la dénonciation et la protection des dénonciateurs en Afrique de l'Ouest. Photo de moi. Image utilisée avec permission.

Les 26 et 27 novembre, la toute première conférence sur la  dénonciation et la protection des lanceurs d'alerte en  Afrique de l'Ouest s'est tenue  à Abuja au Nigeria, autour du thème : « Réduire la corruption en Afrique de l'Ouest : l'importance d’une loi sur la dénonciation et la protection des lanceurs d'alerte ». La conférence, organisée par le Centre africain en faveur de l'éducation aux médias et à l'information  (AFRICMIL), a réuni les délégués du Réseau des institutions de lutte contre la corruption en Afrique de l'Ouest (NACIWA), les acteurs clés de la société civile, les médias, la sécurité, les forces de l’ordre et les organisations de lutte contre la corruption, les agences gouvernementales et diverses organisations internationales de développement.

Dans toute l'Afrique, la corruption reste un obstacle majeur au développement, sapant les institutions démocratiques, ralentissant la croissance économique, contribuant à l'instabilité gouvernementale et alimentant le crime organisé et l’insécurité généralisée. Selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2023, la plupart des pays africains peinent à progresser en matière de lutte contre la corruption.

L'ordre du jour portait sur des questions urgentes liées à la lutte pour la protection des dénonciateurs, y compris un discours principal sur l'effet de la corruption sur la croissance économique et les processus démocratiques en Afrique de l'Ouest, une présentation sur l'expérience régionale en matière de dénonciation et de protection des témoins, et des discussions en groupe sur les protections des dénonciateurs.

Le rôle de la dénonciation dans la lutte contre la corruption

En 2001, lors de la session de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement tenue à Dakar, la Communité économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a adopté le Protocole sur la lutte contre la corruption— un ensemble de stratégies visant à prévenir, réprimer et éradiquer la corruption dans la région. Les militants ouest-africains poursuivent ce combat et espèrent renforcer la protection des lanceurs d'alerte.

S'exprimant lors de la conférence, Kole Shettima, directeur pour l'Afrique de la Fondation MacArthur, a déclaré :

La dénonciation est l'un des principaux instruments qui peuvent être utilisés pour améliorer les mécanismes de responsabilité dans notre région. La lutte contre la corruption nécessite différents outils et la dénonciation est certainement l'un d'entre eux. Il incombe aux citoyens de dénoncer les délits et nous avons vu de nombreuses personnes dénoncer de nombreuses pratiques de corruption.

Bien sûr, la politique de protection de dénonciateurs, comme nous le savons, a ses défis, et je pense que l'un des principaux défis constatés au fil des ans porte sur la protection. Nous savons qu'un certain nombre de personnes ont été victimisées pour avoir dénoncé certaines personnes ayant commis des actes répréhensibles au sein de leur ministère ou de leur institution, et du coup la question de la protection est certainement un facteur essentiel.

En août 2024, Wale Edun, ministre des Finances du Nigeria, a déclaré  que le gouvernement avait lancé des opérations d'infiltration qui ont permis de récupérer 609 millions USD, 83 milliards NGN (52,5 millions USD) et 5 millions EUR (5,3 millions USD), respectivement, grâce à sa  politique de dénonciation.

La situation critique des lanceurs d'alerte

Joseph Ameh, un architecte qui a travaillé comme chef de la division de la planification physique au Federal College of Education dans l'État du Delta, au Nigeria, a expliqué l'épreuve qu'il a vécue après avoir dénoncé la corruption. Il a déclaré à Global Voices :

La procédure régulière n'a jamais été respectée lors de l'engagement des travailleurs. Des charlatans ont été engagés pour réaliser des projets. À un moment donné, un bâtiment s'est effondré. Tout mon combat a consisté à protéger le public du danger et le combat secondaire a porté sur l'effet économique des pratiques de corruption. En effet, lorsqu'un projet est attribué, il est généralement gonflé à l'excès. Avant même que le projet ne commence, ils retirent environ la moitié de la somme du contrat [pour] eux-mêmes. En octobre 2019, j'ai écrit à la Commission indépendante des pratiques de corruption (ICPC). Ils ont envoyé une lettre à l'institution où je travaillais et peu de temps après, mon calvaire a commencé. J'ai été menacé, licencié et suivi dans des véhicules. On m'a même proposé des chèques de plusieurs millions que j'ai rejetés.

Un autre lanceur d'alerte Ntia Thompson, a subi le même sort : licenciée pour avoir dénoncé des fraudes présumées au ministère nigérian des Affaires étrangères en 2016, a été réintégrée par la suite grâce à un plaidoyer soutenu de la part de groupes

Le coordinateur d'AFRICMIL, Chido Onumah, dont l'organisation a défendu les dénonciateurs dans le cadre de son projet corruption anonyme, a souligné la nécessité de les protéger contre les représailles lors d'un entretien avec Global Voices. 

Les dénonciateurs sont confrontés à toutes sortes de représailles allant de la stigmatisation et de la discrimination au licenciement, en passant par des sanctions pénales et, dans les cas extrêmes, la mort, pour avoir osé entreprendre ce qui est manifestement une action consciente et délicate. Cela fait des dénonciateurs des espèces en voie de disparition, pour ainsi dire. Et nous sommes tout à fait d'accord avec la Commission de la CEDEAO pour dire que l'un des meilleurs moyens de les protéger est que les États membres fournissent un cadre juridique complet, par le biais de la législation sur la dénonciation, pour la divulgation d'informations et la protection contre toute mesure de rétorsion résultant de la divulgation d'informations.

La nécessité d'une protection des dénonciateurs

En juillet 2016, la commission de la CEDEAO s'est réunie à Cotonou, Bénin, et a renforcé ses efforts régionaux de lutte contre la corruption en dévoilant la stratégie et le plan d'action de la CEDEAO pour la protection des dénonciateurs. L'objectif principal de la stratégie de protection des lanceurs d'alerte est d'encourager les États membres à adopter une loi pour protéger les lanceurs d'alerte d'intérêt public afin de réduire la corruption et de renforcer la transparence et la responsabilité en Afrique de l'Ouest.

Le professeur Etannibi E. Alemika, criminologue et expert en sécurité et en gouvernance du secteur de la justice pénale, a appelé, dans son discours d'ouverture, à l'adoption d'une législation plus stricte en matière de protection des dénonciateurs dans toute l'Afrique de l'Ouest afin de lutter contre la corruption. Il a déclaré :

Nous avons besoin d'une législation complète qui garantisse l'anonymat, la protection contre la victimisation et, le cas échéant, la réinstallation des dénonciateurs et de leurs familles.

Chido Onumah, coordinateur d'AFRICMIL, a noté que « sur les 15 pays qui composent la CEDEAO, seul le Ghana dispose d'une loi sur la protection des dénonciateurs. Ce n'est pas une bonne publicité pour la CEDEAO, dont la région est constamment mal classée dans l'Indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International et dont la majorité des pays membres sont toujours considérés comme les pays les plus corrompus au monde. »

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Les ex-présidents africains face à la justice: exemples de bonne gouvernance ou de vengeance politique?https://fr.globalvoices.org/?p=295531http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250527_103800_Les_ex-presidents_africains_face_a_la_justice__exemples_de_bonne_gouvernance_ou_de_vengeance_politique_Tue, 27 May 2025 08:38:00 +0000Mohmamed Ould Abdel Aziz, ex-président mauritanien est condamné à 15 ans de prison

Initialement publié le Global Voices en Français

Macky Sall, ancien président du Sénégal (2012-2024) ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de United Nations Global Compact

En Afrique, plusieurs anciens présidents rendent des comptes à la justice de leur pays, mais ce processus est-il une œuvre de bonne gouvernance ou de vengeance politique?

La mauvaise gestion des affaires au sommet de l’État est souvent dénoncée en Afrique comme un problème courant. Opposants, acteurs de la société civile, observateurs de la vie socio-politique africaine ne cessent d'attirer l'attention sur une longue liste de questions non résolues: mauvaise gouvernance, détournement de fonds, corruption, violations des droits humains, etc… Les présidents en exercice sont généralement intouchables durant leur mandat, mais leur immunité prend fin une fois leur mandat terminé. Pour certains, cette période correspond alors à un début de poursuites en justice sur la base de plaintes déposées dans leur pays.

Un article de Radio France Internationale (RFI) publié en 2021 fait une analyse du sort de plusieurs anciens dirigeants africains tombés en disgrâce après la fin de leurs mandats. Cette liste inclut Yahya Jammeh (ex-président gambien, 1994-2017), le libérien Charles Taylor (1997-2003), Omar el-Béchir (ex-président du Soudan, 1989-2019), Jacob Zuma (ex-président de l'Afrique du Sud, 2009-2018), Ahmed Abdallah Sambi des Comores (2006-2011), Hissène Habré ex-dirigeant tchadien (1982-1990), Blaise Compaoré (ancien président du Burkina-Faso, 1987-2014), Laurent Gbagbo (Côte d'Ivoire, 2000-2011), Mohamed Ould Abdel Aziz (ex-président mauritanien, 2009-2019), ou encore Macky Sall (Sénégal, 2012-2024).

Des exemples récents dans deux pays – le Sénégal et la Mauritanie – illustrent la complexité de ce processus qui se place souvent entre justice et vengeance politique dans de nombreux cas.

Certains partent et font face à la justice

Macky Sall a été président du Sénégal, pays reconnu pour son exemplarité en matière de démocratie sur le continent, pendant deux mandats. Ayant contribué au développement de son pays, Macky a vécu l'expérience de démêlés politiques avec Ousmane Sonko, président du parti des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), son principal opposant et candidat au poste présidentiel pour l'élection de 2024.

L'élection de Bassirou Diomaye Faye, candidat du PASTEF en remplacement à Sonko, et actuel président du Sénégal depuis mars 2024 marque le début d'un règlement de comptes. L'équipe de Faye, avec à sa tête Ousmane Sonko, devenu entretemps Premier ministre, accuse Macky de haute trahison vis-à-vis de l’État sénégalais en mettant à jour une dette de 7 milliards de dollars qui aurait été dissimulée par l’administration Macky entre 2019 et 2024. Dans un article publié en septembre 2024, France24 cite plusieurs chefs d'accusations à l'encontre de Macky: dérapages financiers, mauvaise gouvernance et de “détournement des deniers publics”, fausses déclarations de dette et du déficit public du pays aux partenaires internationaux.

Après avoir quitter la fonction de président, Macky Sall, s'est d'abord installé au Maroc. Déclaré persona no grata en raison des demandes d'extradition formulées par le nouveau gouvernement de Dakar au Maroc en mars 2025 dans le cadre d’une convention d'extradition entre les deux pays, Macky se serait installé en Côte d'Ivoire. Mais il pourrait faire face à une levée de son immunité – une première dans l'histoire de la démocratie sénégalaise – et dans ce cas pourrait être exposé à des poursuites judiciaires.

Ce fut d'ailleurs le cas en janvier 2025 de Mouhamadou Ngom, député proche de Macky ; de Moustapha Diop et Mme Salimata Diop, deux ex-ministres durant son mandat qui voient leur immunité levée en mai 2025 dans une affaire de malversations.

Brandissant les exemples de condamnations d'anciens présidents dans d'autres pays, Hayati Fall, un Sénégalais résidant au États-Unis écrit sur son compte X :

Lire : 

En Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, président de 2009 à 2019 vient de voir son destin scellé derrière les barreaux. Après avoir mené deux coups d’État en 2005 et 2008, il est élu président en 2009 et reconduit en 2014.

Obligé de rendre le tablier après ses deux mandats, il positionne Mohamed Ould Ghazouani, son dauphin au sein du régime pour prendre le pouvoir. Mais dès son ascension à la présidence, ce dernier lance des manœuvres à l'encontre de son prédécesseur pour enquêter sur sa gestion du pouvoir. En 2020, des accusations de corruption sont portées contre six de ses ex-ministres qui sont placés sous contrôle judiciaire. En mars 2021, Ould Abdel Aziz est accusé de blanchiment d'argent, de faits de corruption, d'enrichissement illicite, et de crimes économiques. Après une bataille judiciaire entre ses avocats et l'administration judiciaire mauritanienne, il est condamné en décembre 2023 à cinq ans d'emprisonnement ferme pour les faits suscités ainsi qu'à la confiscation de ses biens et la déchéance de ses droits civiques.

En décembre 2023, les avocats d'Ould Abdel Aziz dénoncent un procès politique et font appel. En février 2025, le verdict final prononcé par le procureur requiert 20 ans de prison. Cette peine qui est finalement revue à la baisse le 14 mai 2025: l'ancien président est alors condamné à 15 ans de prison ferme.

Lire aussi:

Vers la fin des mandats illimités?

De nombreux hommes politiques africains ont tendance à prolonger leur mandat indéfiniment à la tête de leur pays, se positionnant ainsi aux yeux de tous comme leader irremplaçable. En mai 2025, Deutsche Welle (DW) publie un article intitulé Pourquoi les dirigeants africains s’accrochent au pouvoirdans lequel il dresse la liste de plusieurs présidents africains qui ont passé parfois plusieurs décennies au pouvoir: Teodoro Obiang Nguema (45 ans au pouvoir en Guinée équatoriale) ; Paul Biya, ( 42 années au pouvoir au Cameroun) ; Denis Sassou-Nguesso (27 ans au pouvoir) ; Paul Kagame (25 ans au pouvoir) ; Faure Gnassingbé (20 ans au pouvoir), et Alassane Ouattara (14 ans au pouvoir en Côte d'Ivoire). Ce dernier, même s'il ne s'est pas encore prononcé sur sa volonté de briguer un quatrième mandat, reste un potentiel candidat pour les prochaines élections présidentielles du pays. En 2025, ces chefs d’État cités sont tous encore au pouvoir.

Cette tendance historique à s'accrocher au pouvoir à tout prix et au mépris des constitutions semble aujourd'hui être contestée par les sociétés africaines qui refusent de signer un chèque en blanc à leurs leaders élus car le système de gouvernance actuel ne repeint pas aux attentes des populations et remet en cause la crédibilité des normes démocratiques.

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Le Bassin du Congo, un écosystème vital pour la biodiversité mondiale, est en dangerhttps://fr.globalvoices.org/?p=295257http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250526_200916_Le_Bassin_du_Congo__un_ecosysteme_vital_pour_la_biodiversite_mondiale__est_en_dangerMon, 26 May 2025 18:09:16 +0000Le Bassin du Congo, l’un des derniers puits de carbone au monde, abrite une biodiversité indispensable pour le bien-être de la planète

Initialement publié le Global Voices en Français

Le fleuve Congo est habité par le peuple Isangi. Image de Julien HarneisWikimedia Commons (CC BY-SA 4.0 Deed)

Écrit par Grace Kobare

Le Bassin du Congo, qui abrite la deuxième plus grande forêt tropicale au monde, juste derrière le bassin amazonien, est un mélange de rivières, forêts, prairies et marécages.  Il est également réputé pour la richesse de sa biodiversité. Cependant, la région connait actuellement une recrudescence de la déforestation, de projets d’infrastructures et de l’exploitation de minéraux tels que le coltan, les diamants et l’or, qui ont un impact significatif sur l’environnement et la faune.

Le Bassin du Congo

Le Bassin du Congo est habité et exploité par l’homme depuis plus de 50 000 ans. Il fournit de la nourriture, de l’eau et un abri à 75 millions de personnes. Riche en bois, pétrole et minéraux, il constitue un vaste puits de carbone d’importance mondiale qui régule le dioxyde de carbone (l’un des gaz à effet de serre). La forêt du bassin contrôle également les conditions météorologiques locales et régionales et facilite la circulation de sources essentielles d’eau pour une grande partie de l’Afrique.

L'éléphant de forêt, le gorille, le chimpanzé, l’okapi, le léopard, l’hippopotame, le buffle, et le lion figurent parmi les résidents les plus connus du bassin. Le Bassin du Congo s'étend sur le territoire de neuf pays (l’Angola, le Cameroun, la République centrafricaine, la République Démocratique du Congo, la République du Congo, le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, et la Zambie). Par ailleurs, six pays, dont la superficie forestière occupe une vaste partie de la région, sont souvent associés à la forêt tropicale du Congo : le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo, la République Démocratique du Congo (RDC), la Guinée équatoriale et le Gabon. Selon le WWF (Fonds mondial pour la nature), le Bassin du Congo renferme plus de 10 000 variétés de plantes, dont 30 % d’espèces uniques à la région. Ses forêts abritent des animaux en voie de disparition, plus de 400 espèces de mammifères, et plus de 1 000 espèces d’oiseaux. Certaines exercent une influence significative sur les caractéristiques qui forment leur habitat forestier. Par exemple, les forêts d’Afrique centrale sont généralement peuplées d’arbres plus grands et d’une densité plus faible de petits arbres comparées aux forêts d’Amazonie et de Bornéo.

Les grands défis du Bassin du Congo

Une grande partie de la population, notamment les communautés autochtones, dépend du Bassin du Congo pour la nourriture, l’eau, et les matériaux nécessaires aux activités agricoles. Dans certaines régions de la RDC, du Cameroun et du Gabon, la crise économique a aggravé la situation. En raison de pressions économiques et de la pénurie d’emplois dans les zones urbaines, beaucoup de chômeurs retournent dans les forêts pour y chasser et gagner leur vie, exerçant davantage de pression sur la faune et les ressources naturelles.

D'après Greenpeace, depuis quelques années des investisseurs étrangers se sont empressés de tirer profit de la richesse des ressources naturelles de l’Afrique, par le biais de moyens souvent nuisibles aux populations locales et à l’environnement. De nombreuses entreprises achètent ou louent d’immenses terrains en Afrique pour l’extraction et l’exportation de ressources. Ce contrôle à grande échelle est appelé « accaparement des terres », en raison de la rapidité et du manque de transparence de certaines des transactions.  Les Nations Unies considèrent que celles-ci limiteraient l’accès de la population à la nourriture, ralentiraient la croissance économique à long terme, et détruiraient d’importantes zones naturelles.

Des entreprises internationales sont en train de créer de grands domaines agricoles dans le Bassin du Congo, en vue d’y cultiver des plantes comme le palmier à huile et l’hévéa. Ces fermes sont souvent à l’origine d’une déforestation massive et entraînent des conflits avec les communautés locales. L’exploitation illégale et non durable des forêts dans le bassin nuit gravement à l’environnement et aux populations locales. L’abattage des arbres, à une vitesse alarmante, par de petites et grandes entreprises, conduit au déboisement et à la destruction d’habitats naturels, et rend la région plus vulnérable aux changements climatiques. Depuis des années, les arbres à bois spécieux sont abattus illégalement afin d’être transformés en meubles ou revêtement de sol. Aujourd’hui encore, du bois provenant d’abattage illégal dans le Bassin du Congo est exporté dans le monde entier, notamment aux États-Unis, aux pays de l’Union européenne, et de plus en plus à la Chine. Il existe aux États-Unis et dans l’UE des lois pour lutter contre l’importation de bois d’origine illégale (la loi américaine « Lacey » et le Règlement de l’UE sur le bois), lesquelles commencent à prendre effet et obligent les entreprises à vérifier l’origine de leur bois. Néanmoins, tant que la Chine pourra importer du bois illégal, le transformer en produits finis, et le vendre dans le monde entier, les entreprises continueront à abattre des arbres de manière illicite dans le Bassin du Congo.

Le Bassin du Congo est l’un des derniers puits de carbone au monde et abrite une biodiversité vitale pour la planète. Sa protection est donc cruciale, mais les besoins de certaines des communautés les plus pauvres au monde doivent aussi être pris en considération.

Pour beaucoup en RDC, les industries comme celles du bois ou de l’extraction du coltan offrent de rares perspectives économiques. La difficulté consiste à trouver un moyen de sortir les populations de la pauvreté tout en préservant l’environnement. Cet équilibre est tout à fait possible en appliquant les bonnes politiques. Des projets tels que le Barrage Grand Inga, qui prévoit la construction de sept centrales hydroélectriques aux Chutes d’Inga dans la République Démocratique du Congo (RDC), devrait produire près de 40 gigawatts d’électricité, soit deux fois plus que le Barrage des Trois-Gorges en Chine, qui est actuellement le plus grand barrage hydroélectrique au monde. Les défenseurs du projet affirment qu’il permettra d'améliorer la fiabilité de l'électricité en Afrique, de créer des emplois et d'augmenter les revenus des ménages. Une bonne gestion du projet pourrait permettre à la RDC de devenir leader en matière d’énergie renouvelable. Une exploitation durable et éthique du coltan pourrait aussi stimuler l’économie sans pour autant détruire le bassin ; toutefois, l’industrie minière est actuellement confrontée à de multiples violations des droits humains, telles que le travail des enfants.

D’une manière plus générale, les responsables politiques devraient prendre en compte la biodiversité dans leurs décisions économiques, tout comme le préconise, dans son rapport de 2021, le professeur Partha Dasgupta de l’Université de Cambridge qui insiste sur le fait que si la nature n’est pas convenablement protégée, de graves conséquences économiques et environnementales pourraient s’ensuivre. Mais si le bassin est préservé, la population et l’économie prospèreront à long terme.

Un espoir pour l'avenir

Selon un rapport du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), au moins 27 % des forêts vierges du Bassin du Congo recensées en 2020 disparaitront d’ici 2050, si leur déboisement et leur dégradation continuent d’échapper à toute régulation.

Selon des chercheurs, de meilleures politiques d’utilisation des terres, telles que la création de zones protégées, de concessions forestières et de forêts communautaires, aideraient à réduire le déboisement et la dégradation des forêts. D’après Pierre Ploton, du Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), ces stratégies protègent non seulement les forêts mais aussi soutiennent les communautés locales en les impliquant dans la conservation et en les aidant à répondre à leurs besoins quotidiens.

Des experts ont également précisé que l’Afrique centrale joue un rôle crucial dans la protection de la biodiversité, en raison de la richesse de son patrimoine naturel et de ses nombreuses espèces endémiques. Selon Richard Atvi, coordinateur régional de l’Afrique centrale au sein de CIFOR-ICRAF, les écosystèmes de la région constituent des ressources communes qui aujourd’hui soutiennent des millions de personnes, et doivent être protégées pour les générations à venir. Il souligne que la responsabilité de sa préservation incombe non seulement aux pays de l’Afrique centrale, mais aussi à la communauté internationale.

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L’histoire censurée de la Chine moderne refait surface grâce à une archive en ligne : entretien avec l’historien Ian Johnsonhttps://fr.globalvoices.org/?p=294836http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250526_162548_L___histoire_censuree_de_la_Chine_moderne_refait_surface_grace_a_une_archive_en_ligne___entretien_avec_l___historien_Ian_JohnsonMon, 26 May 2025 14:25:48 +0000« Nos utilisateurs sont principalement originaires de Chine et des communautés chinoises d'outre-mer »

Initialement publié le Global Voices en Français

Capture d’écran provenant de la page China Unofficial Archives.

Le Président chinois Xi Jinping a déclaré que l’histoire entière du pays lui appartenait, qu’elle soit présente, passée ou future. Toutes les archives et tous les témoignages historiques pouvant contredire le grand récit du gouvernement sont donc censurés et effacés. Heureusement, la véritable histoire de la Chine perdure encore dans les mémoires.

Après une rencontre initiale à Berlin, Global Voices s’est ensuite entretenu par e-mail avec l’historien spécialiste de la Chine Ian Johnson afin de comprendre l’importance des morceaux d’histoires censurés et les enjeux d’un partage de ceux-ci à travers les communautés sinophones de la planète.

Portrait de Ian Johnson par Sim Chi Yin. Utilisé avec permission.

Né à Montréal, Ian Johnson nous explique avoir été subjugué par le multilinguisme assez tôt, ce qui lui a ensuite permis d’emménager aux États-Unis où il obtiendra son premier emploi dans le journalisme. Johnson a principalement vécu à Taïwan, en Allemagne, mais aussi en Chine. D’après lui, son rôle serait de « décrire la vie des citoyens en les observant de près et de leur donner la parole autant que possible ». En 2023, Johnson lance le site à but non lucratif China Unofficial Archives (中国民间档案馆). Le site est enregistré aux États-Unis.

Filip Noubel (FN) : Depuis les temps anciens jusqu’à la Chine Communiste d’aujourd’hui, le gouvernement s’est toujours reposé sur son histoire pour justifier son pouvoir et sa légitimité. En raison de cela, de nombreuses archives et témoignages contredisant l’histoire supposée officielle ont été supprimés de l’espace public. Est-ce la raison qui vous a poussé à archiver ces contenus ? Quel est votre but ?

Ian Johnson (IJ): We want to make available to the general public the amazing outpouring of independent work that Chinese people inside China had done about their country’s history over the 75-year history of the People’s Republic. This includes books, magazines, blog posts, and documentary films, almost all of them banned inside China. We also have what we believe is the most comprehensive online database of independent Chinese thinkers. Our goal is non-ideological — we don’t endorse any particular item or person but try to present them with a neutral description in Chinese and English. To make research easier, each item or person is searchable by theme, era, or format.

Our target audience is people living inside China, who don’t have access to these works, but also we want to give people who can’t understand Chinese a sense of the works and the people who are involved in this movement.

Ian Johnson (IJ) : Nous voulons rendre accessible au public tout le travail exceptionnel des citoyens et à quel point ils ont contribué au développement de leur pays au cours des 75 années de la République Populaire. L’archive comprend des livres, des magazines, des billets de blog, ou encore des films documentaires. La plupart de ces médias ont été bannis en Chine, c’est pourquoi nous pensons que cette archive est la plus complète pour les penseurs chinois. Notre but n’est pas idéologique, nous ne souhaitons pas promouvoir quelconque idéologie et nous décrivons les documents d’une manière neutre, à la fois en chinois et en anglais. Pour rendre les recherches plus faciles, nous avons inclus la possibilité de chercher les archives par thème, par ère ou par format.

Notre public cible est le peuple chinois, puisqu’ils n’ont pas d’autres moyens d’accéder à ces documents, mais nous voulons également offrir aux personnes ne comprenant pas la langue un moyen de comprendre et de se connecter avec les personnes impliquées dans ce mouvement.

FN : L’archive contient des textes, des images, ainsi que des vidéos. Où et comment avez-vous obtenu autant de matériels différents ? Quels sont les critères à respecter pour qu’un document soit ajouté à l’archive ?

IJ: Our single most important criterion is that our staff believes that the works are important — not that we endorse they but that they have proven to be important to Chinese people trying to understand their history. So this includes classic samizdat-style publications from the 1950s or ’60s all the way up to censored blogposts from the White Paper protests of 2022. We get the material from the authors or directors.

IJ : Nous prenons surtout en compte l’opinion de notre personnel. Même si nous ne supportons pas l’opinion d’un document, si le personnel pense qu’un document est intéressant et qu’il a eu une importance pour la Chine et son peuple, nous l’ajoutons à l’archive. Nous avons donc des documents qui vont de publications des années 50 ou 60 écrites dans le style samizdat jusqu’à des articles sur les manifestations des Feuilles Blanches de 2022. Nous obtenons les matériels directement depuis les auteurs ou les éditeurs.

FN : La collection est-elle complète ?

IJ: Absolutely not. We lack holdings on many things including China’s ethnic minorities, gender issues, and current events. A lot of the material stemmed from my initial work on ‘Sparks’ [a book Johnson wrote on alternative history inside China], so it is heavily weighted to the three big disasters of 20th century Chinese history: the Anti-Rightist Campaign/Great Famine from 1957–1961; the Cultural Revolution from 1966–1976; and the Tiananmen massacre of 1989. Those are all important events but there are many more events that Chinese people have written about, and which they are writing about today. We’re now filling in those holes, for example with material on the COVID-19 outbreak or feminism, but it’s a huge task and we rely on readers to point out important work to us, as well as our board of advisors (listed on our “about” page).

IJ : Pas du tout. Il nous manque encore de nombreux documents concernant les minorités ethniques en Chine, les problèmes de genre ou encore l’histoire moderne. Nous avons eu accès à de nombreux documents grâce à mon travail sur « Sparks » [un livre abordant la censure historique du gouvernement chinois écrit par Ian Johnson], nous avons donc énormément de matériel sur trois des mouvements les plus importants de la Chine au 20 ᵉ siècle : la campagne anti-droitiste et la grande famine de 1957 à 1961, la révolution culturelle de 1966, ainsi que le massacre de Tian’anmen de 1989. Ces événements ont été marquants dans l’histoire, mais encore aujourd’hui, il y a de nombreux citoyens chinois qui écrivent sur des incidents peu médiatisés. Nous essayons de combler ce vide, avec, par exemple, des documents sur la pandémie de la COVID-19 ou sur le féminisme. Ceci dit, cela reste une tâche importante. Nous acceptons donc l’aide des lecteurs afin qu’ils nous indiquent des documents intéressants qui nous auraient échappé (dirigez-vous vers la page « about » du site).

FN : Dans votre livre «Sparks, China’s Underground Historians and Their Battle for the Future», vous faites mention de ce qui est appelé le 江湖 (Jiang Hu). Il s’agit d’un terme qui possède de nombreux sens, notamment dans le domaine des activités culturelles et scientifiques clandestines. Où en sont ces activités et les recherches qui en ont découlé alors que le régime de Xi Jinping s’efforce d’imposer les idées de son parti à travers une histoire faussée ?

IJ: One of the great myths about today’s China is that independent thought has been crushed. It definitely is less lively than in the 2000s, which was something like a golden age, and it is true that many platforms have been eliminated, for example with the closing of independent film festivals or the heavy censoring of Chinese social media. But it is not true that suddenly all these people disappeared from China or no longer work. They do, but they are less visible. So we see our role as making their works available. We are in contact with many of these independent thinkers. They are a great source of inspiration and knowledge about the scene inside China today.

IJ : S’imaginer que toute pensée individuelle est inexistante en Chine est l’un des plus grands mythes d’aujourd’hui. Il est vrai que l’esprit critique est bien moins présent que dans les années 2000, après tout, il s’agissait d’un âge d’or pour les penseurs. Il est également vrai que la plupart des plateformes ont été éliminées, la suppression des festivals de films indépendants ou la censure massive des réseaux sociaux en sont des exemples. Mais cela ne veut pas dire que toutes ces personnes ont disparu du pays ou qu’elles ont arrêté de travailler. En vérité, ils sont juste moins visibles. Nous faisons donc de notre mieux pour rendre leur travail de nouveau accessible. Nous sommes en contact avec de nombreux penseurs indépendants, après tout, ils représentent une véritable source d’inspiration et de savoir à travers la Chine contemporaine.

FN : Qui sont les principaux utilisateurs de l’archive ? Au-delà des chercheurs et des universitaires, l’archive est-elle également utilisée par des citoyens d’origine chinoise en Europe ou ailleurs ?

IJ: We’ve only had Google Analytics installed for a month, but based on that a quarter of our users are from China, a quarter from the United States, and the rest from a variety of countries around the world, primarily East Asia and Europe. Based on this and also from anecdotal information, we believe that our users are primarily Chinese or overseas Chinese communities. We’ve had strong positive feedback from overseas Chinese bookstores, podcasts, and publications, most of which are run by people recently from China or aimed at people going back and forth to the country. We think this reflects a new reality — that for the first time in roughly a century, there is a strong diasporic movement of Chinese who have the means (financial and social) to influence events back home. Our goal is to be a resource to this community of people inside and outside China, by providing the material they need to think about their country’s future.

IJ : Nous avons installé Google Analytics il y a à peine un mois, mais il semble qu’un quart des utilisateurs vienne de Chine, qu’un autre quart vienne des États-Unis et que le reste des utilisateurs vienne d’un peu partout dans le monde, mais principalement d’Asie de l’Est et d’Europe. Si l’on se base sur ces données, nous pouvons en déduire que la majorité de nos utilisateurs viennent de Chine et de communautés chinoises à l’étranger. Nous avons eu de nombreux retours positifs de la part de libraires, de podcasteurs et d’éditeurs dont le contenu vise principalement les communautés chinoises. Nous pensons que cela reflète une nouvelle réalité, que pour la première fois depuis près d’un siècle, la communauté chinoise a les moyens (économiques et sociaux) d’avoir une influence sur la Chine continentale. Notre but est d’être une ressource complète offrant le matériel nécessaire aux citoyens chinois afin qu’ils puissent faire ce qu’il y a de mieux pour leur pays.

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Un documentaire consacré au premier sexologue soviétique, Igor Kon, récompensé lors d'un festivalhttps://fr.globalvoices.org/?p=295284http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250526_161618_Un_documentaire_consacre_au_premier_sexologue_sovietique__Igor_Kon__recompense_lors_d_un_festivalMon, 26 May 2025 14:16:18 +0000Un film sur le courage scientifique, la responsabilité morale et la liberté intérieure

Initialement publié le Global Voices en Français

Igor Kon. Capture d'écran de la vidéo : « “Он открыл нам секс “. История первого советского сексолога Игоря Кона », sur la chaîne YouTube Meduza. Droit d'utilisation.

Le média d'opposition russe Meduza a diffusé sur sa chaîne YouTube un documentaire consacré à Igor Kon, premier sexologue soviétique, mais également sociologue, psychologue et docteur en sciences philosophiques. Le documentaire a remporté le prix du meilleur réalisateur, selon un article de Meduza, lors du festival international du film documentaire Artdocfest, en mars 2025. Intitulé « Why I Swam Against the Current » (« Pourquoi j'ai nagé à contre-courant »), le film est une coproduction du studio berlinois Narra et du collectif indépendant de journalistes Bereg.

Vous pouvez visionner le documentaire ci-dessous :

Igor Kon est né en 1928 à Saint-Pétersbourg, en Russie, et a grandi auprès de sa mère, son père étant très peu présent. Il a survécu à l'évacuation pendant le siège de Leningrad, et a commencé à étudier l'histoire à l'âge de 15 ans, d'abord à l’Université pédagogique d'État de Tchouvachie, puis à Saint-Pétersbourg (alors appelée Leningrad), à son retour dans la ville. 

En raison de l'histoire mouvementée des sciences sociales en Union soviétique (tantôt autorisées, tantôt interdites selon les périodes, et toujours tenues de se conformer, au moins formellement, à l'idéologie marxiste-léniniste), Kon a changé plusieurs fois de poste. À la fin de l'Union soviétique, les personnes d'origine juive étaient victimes de discrimination à l'embauche, y compris dans le milieu universitaire, où elles se heurtaient à un plafond de verre, ce qui a parfois laissé Kon plusieurs mois sans emploi. Au milieu des années 1980, il est devenu une figure publique, reconnu comme le premier (et longtemps le seul) sexologue de l'URSS. Igor Kon intervenait régulièrement dans les médias pour parler ouvertement de l'un des plus grands tabous de la société soviétique. C'est à cette époque que les premières émissions télévisées sur la sexualité ont vu le jour, et que l'homosexualité a été retirée de la liste des infractions pénales en 1993.

À la fin des années 1980, de nombreuses salles de projection vidéo diffusaient des films hollywoodiens et autres, dont certains à caractère érotique. En 1988, la sortie du film soviétique « Маленькая Вера » (« La Petite Véra »), a présenté, pour la toute première fois dans l'histoire du cinéma soviétique, une scène (très pudique) de sexe. 

Une capture d'écran du film « La Petite Véra » sur la chaîne YouTube GorkyFilmStudio. Droit d'utilisation.

Ce film a rassemblé pas moins de 55 millions de spectateurs. À cette époque, Igor Kon était le seul véritable expert scientifique reconnu dans le domaine de la sexualité. Doté d'une vaste connaissance de la littérature académique internationale, il était souvent invité à donner des conférences dans les universités occidentales. Il est devenu la voix de la raison dans de nombreuses émissions télévisées et publications populaires qui ont abordé, pour la toute première fois, les sujets tabous du sexe, de la sexualité et du genre auprès du public soviétique.

Photo du public assistant à une émission télévisée avec Igor Kon. Une capture d'écran de la vidéo « Он открыл нам секс ». История первого советского сексолога Игоря Кона » sur la chaîne YouTube Meduza. Droit d'utilisation.

Il s'est également impliqué activement pour faire évoluer les politiques face à l'épidémie de sida, qui commençait à frapper l'URSS à la même époque, afin que ce virus ne soit pas perçu comme une maladie « occidentale” réservée aux homosexuels, aux toxicomanes et aux prostituées. Il a lutté contre la stigmatisation liée à l'épidémie et a obtenu quelques résultats : dès 1990, des protocoles de traitement du VIH ont été mis en place en Russie, et les traitements efficaces d'origine étrangère étaient disponibles gratuitement, du moins jusqu'à l'invasion de l'Ukraine en 2022. 

Dans les années 1990, Igor Kon a mené des recherches sur l'homosexualité, y compris en Union soviétique, puis sur les rôles de genre au début des années 2000. Sous le régime de Vladimir Poutine, alors que le pouvoir a adopté le conservatisme et les « valeurs traditionnelles » sont devenues des idéologies officielles, le professeur Kon est devenu un ennemi à la fois de l'État et de l'Église. Le documentaire montre que, le 30 janvier 2001, alors que Kon donnait une conférence à l'Université d'État de Moscou, des pétards ont été lancés dans l'amphithéâtre dès le début de son intervention, des affiches hostiles ont été déployées et une tarte lui a été jetée. Une semaine plus tard, une fausse bombe a été déposée devant la porte de son appartement, et il a commencé à recevoir des menaces de mort anonymes.

En 2002, des militants se revendiquant orthodoxes ont publié un tract entièrement consacré au travail du professeur Kon, l'accusant sans fondement d'être un soutien des personnes LGBTQ+ et de pervertir la nouvelle société russe « traditionnelle », fondée sur les « valeurs familiales ». 

Au même moment, l’homophobie politique a émergé en Russie en tant qu'idéologie. Elle a pris racine en Tchétchénie, où les hommes homosexuels étaient (et sont encore) torturés en raison de leur orientation sexuelle, avant de s'étendre et d'être institutionnalisée par l'État russe. Aujourd'hui, le « mouvement » LGBTQ+, inexistant en Russie, est considéré comme « extrémiste » par la législation russe, si bien que le moindre signe d'appartenance à la communauté LGBTQ+ dans le pays est désormais dangereux. 

Igor Kon n'a pas été témoin de l'ampleur de la propagation de cette idéologie de haine. Il est décédé en 2011 et, comme le souligne le réalisateur du film Igor Sadreev, il a défendu les idées de liberté individuelle, d'égalité et de tolérance jusqu'à ses derniers jours.

D'après les auteurs du documentaire, ses cendres ont été secrètement enterrées dans la tombe de sa mère, sans aucune inscription, afin d'éviter toute profanation de la part des fauteurs de haine, nombreux sous l'ère Poutine.

Selon les mots d'Igor Sadreev:

Igor Kon did not hide from reality behind his desk, but changed it to the best of his ability. He spoke on the most painful and taboo subjects, and stood up for the most vulnerable members of society. In essence, this film is about scientific courage, moral responsibility, and inner freedom.

Igor Kon ne s'est pas réfugié derrière son bureau pour fuir la réalité, il a tenté de la changer du mieux qu'il le pouvait. Il a abordé les sujets les plus douloureux et les plus tabous, et a défendu les membres les plus vulnérables de la société. En somme, ce film parle de courage scientifique, de responsabilité morale et de liberté intérieure.

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Rejoignez-nous pour l'atelier « Edit-a-thon » : Renforcer Wikipédia malgache avec Global Voiceshttps://fr.globalvoices.org/?p=295500http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250526_160306_Rejoignez-nous_pour_l_atelier____Edit-a-thon______Renforcer_Wikipedia_malgache_avec_Global_VoicesMon, 26 May 2025 14:03:06 +0000L'atelier gratuit aura lieu le 31 mai 2025 dans quatre régions de Madagascar : Analamanga (Antananarivo), Matsiatra Ambony, Boeny et Diana.

Initialement publié le Global Voices en Français

Un atelier d'« Edit-a-thon » d'une journée, organisé par le groupe d'utilisateurs de la communauté Wikimedia Madagascar et Global Voices Malagasy, est prévu le 31 mai 2025 dans quatre régions de Madagascar. Les deux groupes invitent à s'inscrire les personnes souhaitant contribuer au savoir libre en langue malgache, afin de mettre en valeur cette langue sur les plateformes numériques.

Wikipedia, l'encyclopédie en ligne gratuite créée et éditée par des bénévoles du monde entier, est un outil très utile pour accéder à des connaissances ouvertes sur des sujets variés. Wikipédia est disponible non seulement dans des langues courantes comme l'anglais et le français, mais aussi dans des langues moins répandues comme le Malagasy. Aujourd'hui, la version malgache de Wikipédia contient près de 100 000 articles. Si les articles eux-mêmes sont en malgache, les sources citées ne le sont souvent pas.
Screenshot of the front page of Wikimedia in Malagasy

Screenshot of the front page of Wikimedia in Malagasy Capture d'écran de la page d'accueil de Wikimedia en malgache

La version malgache de Global Voices, un média communautaire à but non lucratif, propose plus de 20 000 articles d'actualité sur des peuples et des lieux du monde entier qui pourraient constituer des sources précieuses pour la Wikipédia malgache, si seulement ils étaient incorporés.

Screenshot GV Malagasy

Capture d'écran de Global Voices en malgache

Disposer de références en langue malgache est fondamental pour le développement de Wikipédia dans cette langue. Cette collaboration constitue ainsi une occasion précieuse pour Wikipédia et Global Voices à Madagascar d’unir leurs efforts afin de promouvoir la langue malgache — un objectif qui est au cœur même de cet atelier.

Avec le soutien du Knowledge Equity Fund de la Wikimedia Foundation, nous avons le plaisir d’annoncer la collaboration entre le Wikimedia Community User Group Madagascar et Global Voices Malagasy pour organiser cette initiative, conçue pour rassembler les deux communautés autour d’un objectif commun : renforcer la diffusion de la connaissance libre en langue malgache.

A propos des organisateurs

Wikimedia Community User Group Madagascar est un collectif de jeunes bénévoles engagé dans la valorisation des connaissances sur Madagascar. Leur mission consiste à créer de nouveaux articles et à enrichir les contenus existants sur les plateformes Wikimedia, afin de mieux faire connaître le pays et sa culture.

Global Voices est une communauté internationale et multilingue composée d’écrivains, de traducteurs et de défenseurs des droits humains. Ensemble, ses membres mobilisent le potentiel d’internet pour partager des récits qui favorisent la compréhension interculturelle. Global Voices Lingua Malagasy, branche locale de ce réseau mondial, se consacre à la traduction en langue malgache des articles de Global Voices, diffusés sous licence libre.

Objectifs de l'atelier

Cet atelier permettra aux participants d'acquérir les compétences nécessaires pour:

  • Créer et éditer du contenu en malgache en utilisant les plateformes Wikimedia.
  • Utilisez des articles de Global Voices Malagasy comme sources fiables.
  • Rassemblez les deux communautés pour travailler ensemble à des missions similaires.
  • Créez des réseaux de soutien mutuel tout en tissant des liens avec les autres participants.

Carte des quatre régions où se déroulera l'atelier.

Détails de l'événement

  • Date : 31 mai 2025
  • Heure :9h00 – 16h00 (déjeuner fourni)
  • Lieu : Organisé simultanément dans quatre régions de Madagascar: Analamanga (Antananarivo), Matsiatra Ambony, Boeny, et Diana

Exigences pour les participants

  • Maîtrise de la lecture, de l'écriture et de l'expression orale en malgache
  • Être disponible toute la journée du 31 mai pour participer à l'atelier
  • S'engager à rédiger au moins trois articles au cours du mois de juin.
  • Disponibilité pour assister à la cérémonie de remise des prix le 30 juin 2025.

Les participants ayant suivi l'intégralité de l'atelier recevront un certificat lors de la cérémonie de remise des prix.

Cérémonie de remise des prix : 30 juin 2025

Les prix

  • 1er prix : Dictionnaire (grande version)
  • 2e prix : Dictionnaire (petite version)+ goodies
  • 3e prix : Dictionnaire (Petit)

Coût de l'atelier

Cet atelier est entièrement gratuit pour les participants sélectionnés.

Comment s'inscrire

Remplir le formulaire de candidature ici.

Date limite : 27 mai 2025, avant 20h00 (heure de Madagascar)

Notification : Les participants sélectionnés recevront un courriel de confirmation le 29 mai 2025.

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Dix ans de droits numériques : où en est vraiment la Big Tech ?https://fr.globalvoices.org/?p=295709http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250526_154128_Dix_ans_de_droits_numeriques___ou_en_est_vraiment_la_Big_Tech__Mon, 26 May 2025 13:41:28 +0000L’Index RDR 2025 révèle une stagnation à un moment crucial.

Initialement publié le Global Voices en Français

the image is split into two parts. on the left is a group of leaders of big tech companies, with Elon Musk prominent. ON the right is a group of people of varying ages and ethnicities all staring down at their phones

Image reproduite avec la permission de Ranking Digital Rights.

Dix ans après la première édition, le classement 2025 de Ranking Digital Rights : Big Tech Edition dresse un bilan contrasté en matière de transparence. Certaines grandes plateformes numériques mondiales ont amélioré leurs pratiques, notamment grâce aux rapports de gouvernance d’acteurs chinois comme Alibaba, Baidu et Tencent. Cependant, le constat général reste alarmant. Dans un contexte mondial marqué par la montée de l’autoritarisme, l’expansion des outils d’intelligence artificielle et les conflits internationaux, le rapport révèle que de nombreuses entreprises de la tech poursuivent pour la plupart leurs activités sans prendre en compte les enjeux majeurs.

La concentration du pouvoir au sein des géants de la tech demeure une préoccupation majeure. Le rapport souligne comment des entreprises comme Alphabet, Amazon, Apple, Meta et Microsoft ont massivement racheté leurs concurrents, renforçant ainsi leur domination sur le paysage numérique. Cette concentration du marché, où Alphabet, Meta et Amazon captent les deux tiers des revenus de la publicité en ligne, leur confère un pouvoir considérable sur l’accès à Internet et la circulation de l’information.

Malgré un contrôle judiciaire renforcé, illustré par des décisions condamnant Google pour pratiques monopolistiques illégales dans la recherche et la publicité, l’influence politique des géants de la tech semble, elle, s’être renforcée. L’image symbolique des PDG des grandes entreprises américaines de la tech, placés au premier rang lors de l’investiture présidentielle, souligne leurs liens étroits avec les instances gouvernementales, ce qui pourrait freiner une régulation nécessaire alors que les droits humains et les structures démocratiques sont confrontés à des défis sans précédent à l’échelle mondiale.

Cette domination s’aggrave encore dans un contexte de conflits. « Alphabet, Amazon et Microsoft ont développé des outils destinés à la guerre et à l’intégration d’armes létales. Leur infrastructure cloud a soutenu des campagnes militaires », révèle le rapport. Ranking Digital Rights attire également l’attention sur la propagation de la propagande, notamment sur X et les plateformes appartenant à Meta.

Un manque de transparence dénoncé

Bien que le rapport souligne quelques progrès, notamment chez les entreprises chinoises (Alibaba, Tencent et Baidu) qui ont accru leur transparence en matière de gouvernance, plusieurs tendances inquiétantes ont été relevées tout au long de l’analyse. Si Meta a amélioré la transparence sur la manière dont ses algorithmes sélectionnent les contenus et renforcé la sécurité en activant par défaut le chiffrement de bout en bout sur certains services de messagerie, de nombreuses lacunes persistent dans l’ensemble du secteur. Un problème récurrent est le manque général de transparence concernant la gestion des demandes privées d’accès aux données des utilisateurs ou de restrictions de contenu, Samsung étant particulièrement pointé du doigt pour ne fournir aucune information à ce sujet.

Évolution des indicateurs d'amélioration et de recul par entreprise en 2025. Source: Ranking Digital Rights/2025.

Les moteurs mêmes du profit des géants de la tech — les algorithmes et la publicité ciblée — restent largement opaques. Malgré les risques avérés pour les démocraties liés à la désinformation et à l’ingérence électorale, aucune des entreprises évaluées n’a obtenu la moitié du score possible dans ce domaine. Alphabet et Meta ont même enregistré une légère baisse de transparence concernant leurs pratiques de publicité ciblée. La plupart des sociétés ne communiquent pas sur les publicités supprimées pour non-respect de leurs règles ni ne fournissent de preuves quant à l’application de leurs politiques de ciblage publicitaire.

X (anciennement Twitter) a connu une baisse de transparence nettement plus marquée que les autres entreprises analysées. « La transformation de la société, passant de Twitter coté en bourse à la société privée X Corp., ainsi que la suppression de son équipe dédiée aux droits humains, ont coïncidé avec une chute importante de la transparence dans ses pratiques de gouvernance, de liberté d’expression et de respect de la vie privée », souligne le rapport. X n’a pas publié de rapport de transparence en 2022 ni en 2023. Un rapport est finalement paru en septembre 2024, mais en dehors de la période prise en compte pour l’évaluation. Plus inquiétant encore, des rapports de transparence datant de 2011 auraient été supprimés.

Enfin, le rapport souligne une tendance inquiétante dans l’évolution des politiques internes. Des entreprises comme Meta et YouTube ont révisé leurs règles de contenu, suscitant de vives inquiétudes, notamment avec la suppression par Meta de son programme de vérification des faits tiers aux États-Unis, ou le retrait par YouTube de la « identité de genre » de sa politique sur les discours de haine. Global Voices a couvert les conséquences de ces changements en Afrique, ainsi que l’importance des pratiques de fact-checking face à l’autoritarisme numérique, particulièrement pendant les périodes électorales, comme cela a été observé en Indonésie.

Cela suggère une possible tendance à justifier les comportements actuels plutôt qu’à défendre les principes auparavant adoptés.

L’Index RDR 2025 illustre une stagnation à un moment crucial. Tout en reconnaissant quelques avancées positives, le rapport appelle également à un effort renouvelé de la part des différents acteurs, en particulier la société civile, les investisseurs et les décideurs politiques.

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L'art est politique : cinq leçons du cas d'un activiste satirique au Kazakhstanhttps://fr.globalvoices.org/?p=295435http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250523_151748_L_art_est_politique___cinq_le__ons_du_cas_d_un_activiste_satirique_au_KazakhstanFri, 23 May 2025 13:17:48 +0000Une page sombre du journalisme indépendant et de l'activisme vient d'être inscrite.

Initialement publié le Global Voices en Français

 

Illustration de Daniyar Mussirov. Utilisée avec permission.

Aisulu Toyshybek est l'auteur de cet article Vlast.kz publié le 15 avril, 2025. Cette version est éditée et publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu. 

Le militant Temirlan Yensebek n'a pas été autorisé à assister à son procès. C’est la triste réalité que pourrait titrer le site satirique de Yensebek Qaznews24.

Le 11 avril à Almaty, le juge Beinegul Kaisina a condamné le journaliste à cinq ans de « restriction de liberté » (une peine non privative de liberté) ainsi qu'à une interdiction de faire du journalisme et de s'engager publiquement, entre autres sanctions. Dans la petite salle d'audience où s'est déroulé le procès de trois jours, aucun siège n'était réservé pour l'accusé.

Aisulu Toyshybek, chroniqueuse de Vlast, a observé les deux premiers jours du procès depuis l'extérieur du palais de justice. Dans cet article, elle revient sur les enseignements tirés de cette affaire.

Leçon 1 : L’art est politique

« Le privé est politique » est l'un des slogans les plus connus du mouvement féministe, popularisé dans les années 1960 et 1970. Au fil des décennies, il a inspiré d'innombrables réinterprétations de la pensée féministe. Il est devenu la pierre angulaire de la pensée féministe et de mouvements sociaux plus larges, y compris le féminisme intersectionnel. Pour le paraphraser : la créativité est politique.

La créativité consiste à créer quelque chose de nouveau, à voir au-delà des cadres habituels et à transformer des idées audacieuses en réalité. Notre mode vestimentaire, nos croyances, ce que nous prenons au petit-déjeuner, nos valeurs et nos normes sociales – tous ces éléments ont été créés par quelqu'un et finalement adoptés par la majorité.

Créer, c'est défier la norme, la nature, le hasard ou même le divin. Sans création, il n'y a pas de développement, car en produisant quelque chose de nouveau, nous changeons la vie. Le changement s’opère souvent discrètement, comme une semence, mais au fil du temps, il transforme le paysage. De la même manière, les personnes créatives changent un pays en remodelant les normes par le biais du sens et de l'imagerie. Comment quelque chose d'aussi puissant pourrait-il ne pas être politique ?

La créativité est fondamentalement politique. Que sa forme soit radicale ou non, elle a toujours ce côté audacieux et authentique. Temirlan Yensebek, 29 ans, a trouvé un moyen original d’affronter les réalités de la vie au Kazakhstan. Le contenu satirique de son compte Qaznews24 , lancé il y a quelques années sur Instagram a manifestement touché une corde sensible : 75 000 abonnés recueillis. Le gouvernement a vite réagi: isolement, arrestation le 17 janvier 2025, placement en centre de détention. Le procès s’est déroulé à huis clos dans un quartier éloigné et sans livestream.

Il a été accusé d'« incitation à la discorde interethnique » en vertu de l'article 174 du code pénal.

Temirlan Yensebek connecté via livestream dans la salle d'audience. Photo d'Olga Loginova avec sa permission.

Leçon 2 : La famille peut être un allié de poids

Depuis le début, Temirlan a été épaulé par son père Marat Turgymbai qui a maintenu une communication ouverte avec le public. Il a été le défenseur public de son fils aux côtés de l'avocate Zhanar Balgabayeva, étant donné que Temirlan n'a même pas obtenu l'autorisation d’ assister à son propre procès.

En dehors de la salle d'audience, sa fiancée Mariya Kochneva a continué à le défendre. Le 10 avril, elle a été arrêtée et condamnée à une amende avec d'autres militants.

Personne ne devrait être confronté seul au système judiciaire kazakh. La communauté de Temirlan nous a montré comment éviter cela.

Leçon 3 : manifestation de solidarité des amis et des sympathisants

Le procès de Temirlan n'est pas le seul cas de poursuites judiciaires motivées par des considérations politiques au Kazakhstan, mais il se distingue par la densité de son réseau de relations. Des membres de Oyan, Qazaqstan, un mouvement populaire pour les réformes politiques, et de la communauté de Qaznews24 ont lancé une campagne le 17 janvier 2025, pour demander sa libération. Cinq personnes ont organisé des piquets de grève en solo après son arrestation.

Au cours du trimestre suivant, alors que Temirlan attendait son procès, des amis lui ont écrit, lui ont apporté de la nourriture et des fournitures, et se sont présentés en personne au tribunal.

Leçon 4 : l'attention du public compte

Dans les procès à motivation politique, le niveau d'attention du public peut être tout aussi important que les procédures judiciaires. Interdire les livestreams, refuser l'entrée aux observateurs et exclure Temirlan de la salle d'audience sont autant de tentatives de détournement de l’attention publique , pour placer son histoire hors du champ de l'information.

Lorsque les tribunaux, les enquêteurs et la police opèrent dans une parfaite et unique action répressive, l'attention du public est encore l'un des rares remparts encore accessibles aux citoyens.

Les partisans de Temirlan manifestent devant la salle d'audience. Photo d'Olga Loginova, utilisée avec permission.

Lorsqu'une affaire suscite un intérêt public, le système est obligé d'en tenir compte . Même si cela ne constitue pas un gage d’équité, son influence est réelle dans le déroulement du procès, dans la formulation de la peine aux conditions de détention, ou lors de la procédure d'appel.

La sensibilisation du public devient une forme de protection. Imparfaite, mais concrète. Tout compte : les likes, les partages, les commentaires, les messages, les protestations, les déclarations. Lorsque le public reste engagé, il envoie un message : nous vous observons et nous nous souviendrons.

La décision du juge Kaisina d'accélérer le procès, probablement pour empêcher les partisans de Temirlan de s'organiser, est une parfaite illustration de l’importance de l’implication du public.

Zhanar Balgabayeva, l'avocate de Temirlan. Photo d'Olga Loginova, usage autorisé.

Leçon 5 : Il est normal d'avoir peur, mais faites quelque chose

Dans une déclaration, Temirlan s'est adressé au tribunal, l'avertissant que les poursuites dont il fait l'objet menacent l'avenir du journalisme indépendant au Kazakhstan:

« Si vous m'imposez ces restrictions, mes collègues auront malheureusement peur de faire leur travail. »

Ce procès n'était pas seulement une affaire contre Temirlan. Il est devenu la confrontation de deux systèmes de valeurs : l'un représentant la dignité humaine, la liberté et la vie, et l'autre considérant les gens comme des objets jetables. Le verdict n'était pas seulement une attaque contre le journalisme indépendant, mais aussi contre la liberté d'expression et la créativité.

C’est maintenant qu’il faut décider quel système nous voulons soutenir.

Et avant de choisir, nous devons nous rappeler que dans un système qui n’accorde aucune valeur à la la vie humaine les sujets sûrs et la prescription n'existent plus.

Même si votre travail n'interpelle pas les autorités aujourd'hui, cela ne signifie pas que vous êtes en sécurité.

Quand les artistes doivent s'autocensurer, ils meurent spirituellement en quelque sorte dans cette créativité encadrée. Ces conditions entrainent la dégradation de la culture et l’appauvrissement tant émotionnel que matériel du public.

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En Guinée, le retrait des permis de recherches aux sociétés minières cache un laxisme dans les procédures d'attributionhttps://fr.globalvoices.org/?p=295562http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250522_085634_En_Guinee__le_retrait_des_permis_de_recherches_aux_societes_minieres_cache_un_laxisme_dans_les_procedures_d_attributionThu, 22 May 2025 06:56:34 +0000La Guinée est le deuxième producteur mondial de bauxite

Initialement publié le Global Voices en Français

En image, un site minier en République de Guinée ; capture d'écran de la chaîne YouTube de RFI

En Afrique, la Guinée fait partie des pays disposant de vastes ressources minières, en particulier la bauxite ( 2e producteur mondial), l'or, les diamants, le fer, le graphite, le nickel.

Mais la mauvaise gouvernance de ces richesses naturelles empêche une redistribution des ressources qui pourrait contribuer au développement de ce pays d'une population de plus 15 millions d'habitants et classé en juillet 2023 parmi les pays à revenu intermédiaire. Le pays est dirigé par un régime militaire depuis le coup d’État du 5 septembre 2021.

Pour mieux comprendre les défis du secteur minier du pays, Global Voices s'est entretenu, via Whatsapp, avec Amadou Bah, Directeur exécutif de Action mines Guinée et membre de l’Initiative pour la Transparence des les Industries Extractives (ITIE)- Guinée.

Jean Sovon (JS): Comment se présente aujourd’hui la gouvernance minière en Guinée?

Amadou Bah (AB) : Il faut dire que nous avons un code minier, un code de l'environnement, avec des institutions qui ont parfois du mal à bien jouer leur rôle, notamment au niveau du suivi des engagements des entreprises sur le plan social, environnemental, et également sur le plan de l'exécution, de la planification des différents projets miniers. Nous avons un secteur minier qui impacte positivement les revenus de l'État, parce que le secteur minier représente 78% des exportations du pays, 32% des recettes du pays, et environ 22% du produit intérieur brut. Donc, c'est le pilier central de l'économie de la Guinée.

JS: Quel est le pourcentage réservé aux entreprises nationales dans l’exploitation des ressources minières en Guinée?

AB: Il n'y a pas un pourcentage défini dans l'exploitation minière en tant que tel pour les entreprises locales. Il y a un petit quota prévu dans le code minier, notamment à l'article 107, 108 et 109 qui prévoient le niveau d'emploi des Guinéens dans le cadre du programme de guinéisation des emplois, mais également des pourcentages qui sont prévus en termes de contractualisation avec des entreprises locales appartenant ou contrôlées par les Guinéens. Mais on a du mal à faire l'évaluation de cela dans le cadre du contenu local. C'est un processus en cours parce que le pays manque de compétences techniques au niveau des entreprises du secteur privé local qui est balbutiant.

JS: Les autorités militaires annoncent le retrait des permis de plusieurs sociétés. Comment l’appréciez-vous?

AB : Le retrait des titres miniers des sociétés est une opération régulière, c'est le fruit d'un suivi fait par le gouvernement par rapport au respect de la planification des entreprises, au respect des obligations que ce soit environnementales, sociales ou financières dévolues aux entreprises dans le cadre de leur permis. C'est une opération qui vise à nettoyer le cadastre des entreprises qui ne respectent pas leurs engagements.

Tout cela est normal, mais il faut questionner la procédure d'attribution des licences en Guinée. Comment on attribue ces titres à ces entreprises. Est-ce que ces entreprises respectent les conditions définies dans la procédure cadastrale? Est-ce que les entreprises ont la compétence technique de mettre en valeur les permis pour lesquels elles ont souscrit?

Il y a parfois un laisser-aller dans le cadre de l'attribution des titres, ce qui fait que des titres qui ont été attribués il y a deux ou trois ans, on est obligé de les retirer parce que l'évaluation préalable des conditions n'avait pas été sérieuse, c'est ce qui implique en quelque sorte une réforme des conditions d'attribution des titres milliers pour durcir ces conditions et les rendre transparentes au profit du développement du secteur minier.

JS: Cette décision peut-elle  contribuer à l'assainissement du secteur?

AB : Oui, cette décision va bien sûr mettre la pression sur les entreprises dont les permis n'ont pas été retirés pour les sommer d'aller rapidement vers l'exploitation. Il faut renforcer les capacités et la réactivité des structures de contrôle, mais également faire de sorte qu'il y ait beaucoup plus de transparence.

Par exemple, en mettant en œuvre l'exigence 2.5 de la norme ITIE qui voudrait que la Guinée élabore et adopte une loi sur la propriété effective, notamment qui permet d'éviter que des personnes proches du pouvoir ou encore des personnes politiquement exposées ne puissent souscrire et obtenir des permis miniers. Ceci est interdit par le code minier, notamment en ses articles 8 et d'autres articles.

En tant que structure de la société civile, nous avons commencé ce combat en 2017, et avons élaboré un projet de loi que nous avons soumis au gouvernement en 2023. Mais le gouvernement y oppose un refus catégorique. Il y a un manque de volonté à ce niveau pour aller vers l'adoption d'un tableau de bord où on peut connaître les noms des personnes qui sont derrière les entreprises évoluant en Guinée.

JS: Il y a t-il des sociétés minières chinoises en Guinée?

AB: Actuellement, nous avons des entreprises chinoises, russes, américaines, canadiennes, anglaises, australiennes, d'Émirats Arabes Unis qui évoluent en Guinée. Mais nous avons de nombreuses entreprises minières chinoises qui exploitent la bauxite, le fer et un peu l'or. Les entreprises chinoises ont l'habitude d'avoir des accointances avec l'élite politique des différents pays, et la Guinée ne fait pas exception.

Ces entreprises ont une culture entrepreneuriale basée sur les principes du communisme. Elles communiquent moins, interagissent moins avec les communautés, la société civile ou encore les médias. Ce sont des entreprises qui n'acceptent pas le dialogue, à quelques exceptions près. Il faut aussi comprendre que ces entreprises n'ont souvent pas de normes en matière de respect de l'environnement ou encore de droits humains.

C'est aux États qui les accueillent de leur imposer ces normes. En Guinée, on tente tant bien que mal de leur imposer ces normes, mais par faute de suivi rigoureux, il y a beaucoup de plaintes des communautés dénonçant des mauvaises pratiques de gestion en termes d'ESG (Environnement, Social et Gouvernance). 

JS: Quels sont les impacts sur la population? 

AB: La pollution, et les expropriations avec des compensations mal faites parce que la Guinée n'a pas encore une norme nationale contraignante en matière de compensation et de réinstallation. Nous menons un combat depuis 2018 pour que le gouvernement adopte un document qu'on a appelé le référentiel national sur les compensations, l'indemnisation et la réinstallation des communautés impactées par les projets. Jusqu'à présent, on a du mal à faire valider ce document.

Chaque entreprise utilise sa propre norme ou des normes parfois qui violent les droits fonciers légitimes des communautés, de fait le droit à la subsistance, à la vie, à un environnement sain. Les sociétés minières chinoises ne font pas exception parce que l'État guinéen n'a pas pour le moment voulu mettre en œuvre une norme qui constitue une base légale pour l'ensemble des entreprises.

JS: peut-on parler de solutions pour remédier à ces dégâts? 

AB: Le gouvernement doit engager des réformes institutionnelles allant dans le sens des renforcements de capacités des structures en charge de suivi et de l'évaluation des impacts environnementaux, notamment l’Agence guinéenne d'évaluation environnementale. L'évaluation environnementale devrait être beaucoup plus répressive en termes de sanctions vis-à-vis des entreprises qui ne respectent pas les normes environnementales et sociales. Il faut également renforcer la transparence et le dialogue, la concertation avec l'ensemble des parties prenantes pour pouvoir gérer les impacts ensemble et se faire des projections en termes de réformes pour corriger les imperfections.

Il faudrait également que le gouvernement s'ouvre à des propositions des acteurs non étatiques, et que les entreprises établissent des cadres de concertation pour pouvoir mieux discuter des impacts et de comment les gérer.

Lire notre cahier spécial:

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Guadeloupe : les « Jardins créoles » donnent des leçons de climat dans un esprit de solidaritéhttps://fr.globalvoices.org/?p=294871http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250521_020423_Guadeloupe___les____Jardins_creoles____donnent_des_le__ons_de_climat_dans_un_esprit_de_solidariteWed, 21 May 2025 00:04:23 +0000Après une crise, vers quoi les gens retournent-ils naturellement ? « Leur environnement. Et ce qui nous entoure, c'est le jardin créole. »

Initialement publié le Global Voices en Français

 

Exemple typique de jardin créole. Celui-ci est entretenu par Hugues Occibrun, qui s'efforce de faire revivre le savoir-faire agricole local. Photo d'Olivia Losbar, utilisée avec permission.

Il s'agit d'un modèle agricole hérité de la période coloniale et longtemps délaissé, mais qui connaît aujourd'hui un certain renouveau : le « Jardin créole », un jardin familial traditionnel qui produit des aliments de base pour les familles. Bananiers, tubercules comme l'igname et le manioc, arbres fruitiers comme l'avocat et le manguier, plantes médicinales et aromatiques cohabitent dans un écosystème harmonieux ; les excédents sont partagés avec les proches et les voisins.

Ce système d'entraide a contribué à tisser des liens sociaux au sein des communautés, tout en assurant l'autonomie alimentaire des familles les plus vulnérables, et a souvent constitué une réponse aux crises, qu'elles soient climatiques, économiques ou sociales. Aujourd'hui, le jardin créole est également perçu comme une alternative pour contrer les effets négatifs des changements climatiques.

L'agriculture locale menacée par les changements climatiques

L'INRAE ​​(Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) mène une expérimentation avec des chercheurs et des agriculteurs en Guadeloupe. Photo d'Olivia Losbar, utilisée avec permission.

Selon l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) Antilles-Guyane, qui a mené une enquête sur l'impact de la pandémie sur l'agriculture caribéenne, cette période de crise a démontré la résilience des agriculteurs locaux, notamment grâce à des pratiques locales et traditionnelles. Elle a également sensibilisé le public à la nécessité de modifier les modes de consommation et de revenir à une agriculture de subsistance.

Interrogé sur les impacts des changements climatiques sur l'agriculture caribéenne, le directeur de l'Unité de Recherches AgroSystèmes Tropicaux (ASTRO), Jean-Marc Blazy, note : « Les principaux impacts des changements climatiques que nous observons dans la région sont principalement une réduction de la production, qui s'explique par une baisse des rendements agricoles, liée [principalement] à des événements catastrophiques tels que les ouragans ou les inondations. »

Le directeur de l'Unité de Recherches AgroSystèmes Tropicaux (ASTRO), Jean-Marc Blazy, fait une présentation sur une exploitation agricole en Guadeloupe. Photo d'Olivia Losbar, utilisée avec permission.

De tels événements sont souvent associés et peuvent entraîner la destruction des cultures. Une baisse de rendement est également due à la chaleur et à la sécheresse, qui freinent la croissance des plantes et réduisent leur floraison en raison du manque d'eau. Cependant, Blazy précise que ce ne sont pas les seules raisons de la baisse de production : « Avec les changements climatiques, l'écart de température entre la nuit et le jour est plus faible, car le réchauffement est plus marqué la nuit que le jour. C'est ce qu'on appelle l'amplitude nycthémérale, et ces différences de température sont importantes pour la floraison. Une floraison plus faible signifie également moins de fruits, et donc moins de récolte. »

Repenser l'agriculture dans une perspective de justice et de résilience

Face à ces défis, l'INRAE, en partenariat avec divers organismes partageant les mêmes valeurs, dont le CIRAD, l'Université des Antilles et la Chambre d'agriculture, ainsi qu'avec d'autres collectivités territoriales et services gouvernementaux, et Météo France, le service national de météorologie et de climatologie, a aussi mis en place des initiatives pour concilier modernité et patrimoine culturel local.

Le programme EXPLORER vise à valoriser le savoir-faire des jardins créoles en l'associant à des technologies modernes, telles que les stations météorologiques et les bio-intrants, pour renforcer la résilience climatique des exploitations agricoles. Les agriculteurs bénéficient également de tout le soutien nécessaire à leur transition vers une agriculture agroécologique.

Quelques technologies modernes utilisées, grâce au programme KARUSMART, pour accompagner les agriculteurs guadeloupéens dans leur transition vers l'agriculture agroécologique. Photo d'Olivia Losbar, utilisée avec autorisation.

Selon Blazy, « de nombreuses pratiques agricoles doivent être adaptées à tous ces aléas.» Il cite des pistes allant de la révision des calendriers culturels (afin de réduire le risque d'exposition aux aléas climatiques) à l'amélioration de l'agriculture et de la biodiversité dans les exploitations. La diversité, affirme-t-il, est un facteur de résilience : plus on a d'espèces, mieux c'est. Ainsi, les plantes sont mieux à même de se protéger mutuellement, de sorte que si un aléa touche une plante, il n'en affectera pas nécessairement une autre.

« Pour maximiser la production », ajoute-t-il, « il faut revenir à une grande diversité variétale ; à des mélanges d'espèces ; […] Il faut aussi rechercher des synergies entre les cultures et l'élevage.» Ces pratiques sont au cœur du jardin créole, qui inspire la transition vers une plus grande diversité agricole. Pour Blazy, l'innovation consiste également à aider les agriculteurs à mieux choisir leurs semis et leurs récoltes, afin de minimiser les chevauchements entre le cycle cultural et les aléas climatiques.

Prise de vue par drone montrant la diversité d'une ferme KARUSMART en Guadeloupe. Image reproduite avec la permission d'Olivia Losbar.

De telles initiatives rappellent que l'agriculture durable est indissociable des réalités historiques et sociales. En promouvant des pratiques ancestrales comme la polyculture et l'association d'espèces, elles renforcent non seulement la sécurité alimentaire, mais aussi la justice sociale et environnementale.

L'agriculture en transition

L'ingénieur agronome Hugues Occibrun souhaite préserver le jardin créole. Photo d'Occibrun, utilisée avec permission.

Ces défis contemporains poussent de nombreux agriculteurs guadeloupéens à repenser leur modèle économique et écologique, nombre d’entre eux s’engageant désormais à restaurer ces pratiques agricoles ancestrales.

Pour Hugues Occibrun, la préservation du jardin créole est devenue son cheval de bataille. Ingénieur agronome de formation, il s'est inquiété de la disparition du savoir-faire agricole local et a décidé de sensibiliser à sa préservation. Avec Astrid Grelet, il a cofondé 100%Zeb, une coopérative agricole proposant des formations, des ateliers et la vente de plantes médicinales et aromatiques endémiques des Caraïbes.

Dans son jardin de plus de 300 espèces, Occibrun accueille régulièrement les curieux de découvrir (ou redécouvrir) la pharmacopée caribéenne. Il leur apprend à reconnaître l'atoumo, une plante médicinale réputée pour renforcer le système immunitaire et traditionnellement utilisée pour lutter contre les états grippaux ou soulager les douleurs articulaires ; à découvrir les vertus du vétiver pour apaiser les douleurs gynécologiques ; et même le cléome, dont le goût acidulé relève la saveur des salades.

Vue de la boutique d'Occibrun, qui fait partie de son jardin créole. Photo d'Olivia Losbar, utilisée avec permission.

Occibrun est convaincu que cet esprit de solidarité peut aussi contribuer à lutter contre les effets des changements climatiques. « Je l'ai vécu », dit-il. « J'ai vu toutes les crises que nous avons traversées ici, que ce soit la LKP en 2009 [crise sociale et sociétale dénonçant le monopole économique exercé par de larges groupes de descendants de colons] ou la COVID. Quand les gens s'arrêtent, à quoi reviennent-ils naturellement ? Leur environnement. Et ce qui nous entoure, c'est le jardin créole. »

Il estime que les gens « veulent simplement s'enraciner, retrouver un peu de leur identité créole et caribéenne », mais aussi dépenser moins. « Il y a surtout », révèle-t-il, « une réelle volonté écologique de limiter les déchets, de composter. » Occibrun explique que lorsque les produits importés n'arrivent pas dans le pays comme prévu, la vie se complique : « C'est tout un mode de vie que nous remettons en question. »

Quelques plantes caribéennes extraites du jardin créole d'Hugues Occibrun. Photo d'Olivia Losbar, utilisée avec permission.

Grâce à ce travail auprès de la population locale, à des collaborations avec des organismes de recherche et à la participation à des festivals et autres événements, la coopérative diffuse son message à grande échelle. De l'avis général, les Guadeloupéens se sont montrés très réceptifs.

« Les plus jeunes sont très curieux d'apprendre », explique Occibrun. « Les plus âgés, quant à eux, sont très touchés de voir le jardin créole à ce niveau. Je suis heureux d'en faire partie.» Lui et son équipe passent « beaucoup de temps » dans les écoles et les centres de loisirs, où ils transmettent ces connaissances aux enfants dans l'espoir d'influencer les générations futures et ainsi de changer la culture.

Si le défenseur du jardin créole insiste sur le fait que la population guadeloupéenne est prête à adopter ce changement de mode de vie, il affirme que celui-ci doit s'accompagner d'une « véritable vision politique ». D'autres agriculteurs et militants bio, comme Steve Selim et Yvelle Nels, sont également devenus des figures de proue de l'adoption de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement et de systèmes de distribution équitables.

Une voie à suivre : la solidarité au-delà des frontières

Selon Blazy, la solidarité est la clé du succès et doit s'inscrire dans une approche plus globale. Fort de son expérience de chercheur, il sait qu'il existe une dynamique régionale de partage des connaissances, notamment à travers le projet INTERREG CambioNet, qui rassemble des partenaires caribéens et sud-américains pour échanger des savoir-faire agroécologiques.

Moutons dans une ferme en Guadeloupe. Photo d'Olivia Losbar, utilisée avec permission.

Des collaborations internationales se développent également entre chercheurs caribéens et scientifiques brésiliens et africains, même si, selon Blazy, la législation et les économies de ces territoires freinent souvent leur progression.

Dans un contexte marqué par les changements climatiques, la cherté de la vie et les crises mondiales, cette solidarité offre une réponse durable et humaine aux défis contemporains.

Grâce à des militants, des initiatives innovantes et des pratiques ancestrales, la Guadeloupe trace un chemin ambitieux vers la souveraineté alimentaire, conciliant ainsi passé, présent et avenir.

Cet article a été rédigé grâce à l'appui de la Caribbean Climate Justice Journalism Fellowship (Bourse de Journalisme sur la Justice climatique) par Climate Tracker Caribbean.
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Les écoles de Hong Kong en première ligne face à la « résistance passive »https://fr.globalvoices.org/?p=295084http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250520_215822_Les_ecoles_de_Hong_Kong_en_premiere_ligne_face_a_la______resistance_passive_____Tue, 20 May 2025 19:58:22 +0000Le ministre de l’Éducation de Hong Kong pense que les écoles sont les premiers remparts face à la résistance passive

Initialement publié le Global Voices en Français

« C’est une puissante mère patrie » est écrit sur le décor. Cette image a été prise à la cérémonie d’ouverture de la 10 ᵉ Journée d’Éducation Nationale à la Sécurité le 15 avril 2025. Photo par Kyle Lam/HKFP. Utilisée avec permission.

Cet article a été initialement écrit par Kelly Ho et fut publié par Hong Kong Free Press le 15 avril 2025. Une version éditée de cet article est republiée sur Global Voices dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

Le ministre de l’Éducation de Hong Kong a défini les écoles comme étant « le lieu idéal pour prévenir l’accélération d’une résistance passive ». D’après lui, les rumeurs sur internet pousseraient les élèves à développer un sens moral « extrême et biaisé ».

Christine Choi, Secrétaire à l’Éducation, a également déclaré ce 15 avril (10 ᵉ anniversaire de la Journée d’Éducation Nationale à la Sécurité, jour férié mis en place par l’Assemblée Nationale Populaire le 1er juillet 2015 pour sensibiliser la population à la sécurité nationale) que les écoles de Hong Kong devraient cultiver un patriotisme chez les élèves, et que pour cela, il faudrait former les professeurs « pour empêcher des forces hostiles de s’infiltrer dans nos écoles ».

Choi met en garde les élèves face à « l’aspect dangereux » d’une résistance passive, qui peut « facilement pénétrer le cœur et l’esprit ».

Afin d’illustrer son propos, elle a pris l’exemple de divers livres illustrés et publiés par un groupe d’orthophonistes aujourd’hui séparés. D’après elle, ces livres, jugés comme étant séditieux en 2022, feraient l’apologie de « sentiments anti-gouvernementaux » à des élèves « mentalement immatures ».

Le ministre de l’Éducation a ensuite fait mention de rumeurs présentes en ligne concernant des « activités ludiques normales » qui seraient en fait un moyen de « laver le cerveau des élèves » en les « forçant » à visiter la Chine continentale.

Students unknowingly absorb these messages, forming extreme, biased, or even incorrect values.

They can be manipulated and incited to engage in illegal activities, disrupting social peace and endangering national security. The consequences are very serious.

Les élèves absorbent inconsciemment ce genre de message aux valeurs morales extrêmes, absolument fausses et biaisées.

Ils deviennent ensuite facilement manipulables et ils peuvent être incités à prendre part à des activités illégales qui perturbent la paix et qui mettent en danger la sécurité du pays. Les conséquences sont très graves.

Chris Tang, Secrétaire à la Sécurité, a lui aussi déclaré que certaines personnes faisaient mention de problèmes sans liens avec la sécurité nationale dans le but de « diviser la société » et « d’engendrer une haine contre les gouvernements des régions administratives spéciales et contre le gouvernement central ».

Il s’est ensuite mis à accuser d’anciens membres du gouvernement d’être à l’origine de rumeurs concernant la mort d’un élève du secondaire lors d’une visite scolaire en Chine continentale. Ces rumeurs ont été partagées par le média Edu Lancet sur les réseaux sociaux, média géré par Hans Yeung, l’ancien directeur des sujets du Bureau d’Éxamination et d’Évaluation de Hong Kong, sur Facebook, Instagram et Threads. Chris Tang s’est insurgé face à ces rumeurs qui semblent suggérer que cet élève aurait perdu la vie à cause du gouvernement qui « forcerait » les étudiants à prendre part à des programmes d’échange avec la Chine.

Christine Choi affirme que le Bureau de l’Éducation a mis en place diverses formations afin d’aider les professeurs à reconnaître des comportements de « résistance passive ».

Les écoles ont pour obligation d’incorporer l’éducation nationale dans le cursus scolaire, l’effet souhaité étant de renforcer « la confiance culturelle, l’identité nationale et le savoir des élèves dans le but de garantir la sécurité du pays ».

« Cette nouvelle génération représente notre futur, et les écoles sont les premiers remparts face à la résistance passive », a insisté le ministre.

La « résistance passive » est décrite comme une menace pour la sécurité nationale depuis 2021, et pourtant, aucun agent du gouvernement n’a donné de définition claire depuis.

À part le livre pour enfants bannis et les cinq orthophonistes emprisonnés pendant 19 mois en 2022, une erreur commise avec l’hymne national lors d’un événement sportif international a été citée comme un autre exemple de « résistance passive » par les autorités de la ville.

Cette erreur se réfère à la méprise commise par les organisateurs de l’événement qui ont joué la chanson de protestation « Glory To Hong Kong» au lieu de l’hymne national chinois (aussi utilisé par Hong Kong) « La Marche des Volontaires ».

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Les cinéastes bhoutanais redéfinissent la singularité de la narration de leur histoire ancrée dans leur culturehttps://fr.globalvoices.org/?p=294684http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250520_215323_Les_cineastes_bhoutanais_redefinissent_la_singularite_de_la_narration_de_leur_histoire_ancree_dans_leur_cultureTue, 20 May 2025 19:53:23 +0000À la découverte du « Cinéma du Dharma », la nouvelle vague de films bhoutanais

Initialement publié le Global Voices en Français

Monk in shadow at sunset in the Paro Dzong. Photo via Flickr by Craig Allen. CC BY-NC-ND 2.0

Un moine caché dans l'ombre lors d'un coucher de soleil. Rinpung Dzong, Bhoutan. Photo via Flickr, Craig Allen.

Écrit par Abishek Budhathoki, cet article a été initialement publié par Nepali Times. Une version éditée de cet article est republiée sur Global Voices dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

Tel un délicat mandala émergeant d’une silencieuse méditation, une nouvelle vague de cinéma spirituel fait son apparition dans le paysage cinématographique du Bhoutan.

C’est une renaissance qui représente bien plus qu’un simple mouvement artistique, c’est un dialogue entre la mémoire culturelle et l’expression contemporaine.

Ce genre s’aligne assez fortement avec ce que décrit Paul Schrader dans le livre
« Le Style transcendantal au cinéma». Contrairement au réalisme psychologique qui domine le cinéma moderne, cette approche transcendantale met l’accent sur l’extériorisation de la spiritualité au travers de prises de vues épurées,  des performances dénuées de toute théâtralité, ainsi qu’un montage qui surpasse quelconque manipulation narrative.

Tout comme la méditation pratiquée par les bouddhistes, ces films demandent aux spectateurs d’observer les difficultés de la vie d’un œil sensible et consciencieux.  Le but étant de voir au-delà des récits de surface pour atteindre les profondeurs de l’âme et des expériences humaines.

Au centre de ce mouvement se trouve Khyentse Norbu, figure représentative d’une délicate fusion entre le spiritualisme et l’art. Norbu est non seulement réalisateur, il est également un lama bouddhiste. Certains disent de lui qu’il est l’incarnation du saint Jamyang Khyentsé Wangpo ayant vécu au 19 ᵉ siècle.

Son premier film, La Coupe (1999), raconte l’histoire de jeunes moines passionnés de football. Ce film, montrant que la spiritualité peut cohabiter avec les désirs terrestres, a marqué un tournant dans le paysage du cinéma bhoutanais, puisqu’il a été tourné peu de temps après que Khyentse Norbu est assisté Bernardo Bertolucci lors du tournage de Little Buddha (1993).

Dans son film le plus récent, Pig at the Crossing (2024), Norbu utilise le concept bouddhiste du Bardo, l’espace liminal entre la mort et la renaissance, là où la conscience navigue entre la dissolution et la transformation.

Dolom, le protagoniste, se transforme métaphoriquement en cochon à un carrefour métaphysique. Son voyage représente l’attachement profond aux biens matériels et le potentiel de la libération spirituelle. Les bouddhistes voient cette transition comme une opportunité de libérer sa conscience de ces imbroglios de culpabilité, de honte et d’ignorance, gagnant ainsi une vue et une compréhension plus large de la réalité.

Le film traite la mort non pas comme une finalité, mais plutôt comme une providence permettant une plus grande lucidité. Cela montre que la vie est une sorte de rêve lors duquel les gens peuvent tout de même trouver le bonheur malgré l’adversité. Le film s’arrête soudainement sur un écran noir, laissant le destin de Dolom incertain. Cette fin invite le spectateur à penser à ses propres expériences, un peu comme l’immensité de la vie.

Bien que Pig at the Crossing transmette de profondes idées spirituelles, le film n’est techniquement pas au niveau des précédentes œuvres de Norbu, comme Voyageurs et Magiciens ou encore Hema Hema. Pig at the Crossing, donne parfois l’impression de ne pas être maîtrisé et le rythme se perd souvent dans des visuels qui ne correspondent pas forcément aux idées que le réalisateur tente de transmettre.

Mais cette imperfection pourrait bien être voulue. Cela pourrait être un reflet du thème central de l’histoire : l’imprédictibilité intrinsèque à la vie.

Pawo Choyning Dorji est, lui aussi, une voix émergente dans le paysage cinématographique du Bhoutan. Il fut l’assistant de Khyentse Norbu sur le film « Vara : A Blessing » et il produira ensuite Hema Hema : Sing Me a Song While I Wait.

L’école du bout du monde est le premier film réalisé par Pawo Choyning Dorji. Sorti en 2019, il amènera l’attention du public international sur le cinéma bhoutanais. Son dernier film, Le Moine et le Fusil (2023), est une nouvelle preuve de son génie. Le film prend place en 2006, pendant la transition du pays vers une démocratie et présente une société tentant de naviguer entre valeurs traditionnelles et politique moderne.

L’histoire suit un moine venant de la campagne, un élu du gouvernement, divers villageois, ainsi que Ronald Coleman, un hommage pas si subtil à l’acteur de « Les Horizons Perdus », Ronald Colman, en tant que représentant des États-Unis. Ce film est une critique subtile de l’intégration de la démocratie, dépassant même le cadre politique.

Le véritable génie du film se cache dans la manière qu’à Pawo Choyning Dorji de transmettre des difficultés culturelles au travers d’interactions du quotidien. Le réalisateur se sert des « entraînements à voter » du Bhoutan pour examiner et étudier à quel point les influences politiques externes peuvent perturber l’harmonie d’une nation, exposant ainsi les tensions qui s’imposent entre les idéaux démocratiques et les structures sociales locales.

Les symboles des armes à feu, de la télévision, mais aussi des médias internationaux servent de métaphores pour expliquer la pénétration culturelle, suggérant ainsi que le véritable progrès ne se trouve pas dans des ordres venus de l’extérieur, mais dans le maintien des connexions humaines fondamentales et dans le bonheur collectif. Le message du film est subtil, mais il fonctionne tout de même, et c’est encore plus vrai dans le contexte des récentes agitations du paysage démocratique des États-Unis.

« Le Moine et le Fusil » n’offre au final qu’une satire agréable à regarder, mais qui manque de véritable piquant. Le réalisateur semble approcher le sujet avec des pincettes, ce qui transforme un récit qui aurait bien pu être une critique sociétale tranchante en un récit fade et oubliable. Le film n’est pas mauvais, mais il n’est pas non plus mémorable.

L’industrie cinématographique du Bhoutan a longtemps été influencée par le cinéma indien. En effet, de nombreux films ont été inspirés par les tendances de Bollywood. Cependant, cela fait bientôt deux décennies que les réalisateurs bhoutanais essaient de se démarquer en développant leurs propres styles.

Le futur du cinéma bhoutanais parait resplendissant, tant il est clair que de nombreux réalisateurs ont fini par trouver ce qui leur convenait. Peut-être pourrons-nous appeler cette période « le Cinéma du Dharma », un terme que l’on pourrait s’imaginer lire dans les pages des Cahiers du Cinéma.

En dehors de Khyentse Norbu et Pawo Choyning Dorji, il existe de nombreux autres réalisateurs influents dans le pays : Dechen Roder, Tashi Gyeltshen, Karma Takapa, and Ugyen Wangdi sont d’excellents exemples. Mais il ne faut pas oublier Arun Bhattarai et son documentaire Agent of Happiness (2024). L’histoire suit un agent du gouvernement qui doit recenser le « Bonheur National Brut ».

Tout comme les différents mouvements cinématographiques qui ont émergé à travers le globe, les réalisateurs bhoutanais réinventent différentes manières de raconter l’histoire de leur culture. Leur approche transcende la représentation géographique et offre une session de méditation mélangeant savoir spirituel et dialogues artistiques.

Au travers de films allant à l’encontre des contraintes narratives et des conventions cinématographiques occidentales, les réalisateurs bhoutanais bâtissent une nouvelle vision du cinéma.

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Les femmes en première ligne du changement dans la Corne de l'Afrique : « Nous ne faisons pas qu'imaginer le pouvoir ; nous le revendiquons »https://fr.globalvoices.org/?p=295050http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250520_214326_Les_femmes_en_premiere_ligne_du_changement_dans_la_Corne_de_l_Afrique______Nous_ne_faisons_pas_qu_imaginer_le_pouvoir___nous_le_revendiquons___Tue, 20 May 2025 19:43:26 +0000Les femmes continuent de lutter contre le mariage forcé, le travail des enfants et l'absence de protection sociale

Initialement publié le Global Voices en Français

Hala Al Karib au Conseil de sécurité de l'ONU, lors du débat public sur les femmes, la paix et la sécurité. Photo de Forus. Utilisée avec permission.

Par Clarisse Sih et Bibbi Abruzzini 

Depuis plus de trente ans, les femmes de la Corne de l'Afrique luttent sans relâche contre la violence, la discrimination et l'oppression systémiques. Parmi les voix les plus influentes de ce combat figure Hala Al-Karib, militante soudanaise et directrice régionale de la Strategic Initiative for Women in the Horn of Africa (SIHA).

Au cœur de son travail se trouve une profonde conviction : « Nous ne faisons pas qu'imaginer le pouvoir. Nous le revendiquons. »

Dans le cadre de la campagne March With Us de Forus, Hala Al-Karib partage sa vision de l'état des droits des femmes, des obstacles auxquels elles font face et de la force irrésistible des mouvements populaires qui façonnent l'avenir.

Une vie marquée par la lutte et la résistance

En grandissant au Soudan, Al-Karib a été directement témoin des profondes inégalités et divisions ethniques qui alimentent l'oppression systémique. Son activisme a commencé tôt, inspiré par la résilience des femmes qui l'entouraient :

I learned early on that oppression exists in many forms — against women, against marginalized communities, against those who challenge power. And I also learned that to survive, we must resist.

« J'ai compris assez jeune que l'oppression prend de multiples formes : contre les femmes, contre les communautés marginalisées, contre celles et ceux qui défient le pouvoir. Et j'ai aussi appris qu'il fallait résister pour survivre. »

Du Soudan du Sud au Canada, de l'Égypte à l'Ouganda, le parcours d'Al-Karib lui a offert une perspective mondiale sur l'interconnexion des luttes.

« Audre Lorde disait : “Il n'y a pas de hiérarchie dans l'oppression”. Mon engagement militant repose sur cette conviction. Violences de genre, discriminations ethniques ou marginalisation économique : nos luttes sont liées, », explique-t-elle dans une interview avec Clarisse Sih, du réseau Forus.

Les droits des femmes en détresse : une guerre contre le progrès

La Corne de l'Afrique traverse l'une de ses périodes les plus sombres en matière de droits des femmes. La guerre au Soudan a réduit à néant des années de progrès, exposant les femmes à des niveaux de violence et d'exploitation sans précédent.

« Malgré leur rôle déterminant dans la chute de la dictature, les femmes soudanaises subissent aujourd'hui une répression brutale. Le niveau de violences sexuelles, de répression et de féminicides est terrifiant », explique Al-Karib.

En Éthiopie également, les conséquences du conflit dans le Tigré ont laissé des milliers de femmes, survivantes de violences sexuelles de guerre, en quête de justice.

« Les guerres désintègrent les mouvements de femmes. Nous construisons et reconstruisons, seulement pour voir nos efforts réduits en miettes. Mais malgré tout, les femmes continuent de se battre, trouvant de nouvelles façons de résister. »

À travers la région, de la Somalie à l'Ouganda, les femmes continuent de lutter contre le mariage forcé, le travail des enfants et l'absence de protection sociale

« Le monde doit comprendre que la justice de genre n'est pas séparée de la paix et de la sécurité, elle en est au cœur », insiste Al-Karib.

Pourquoi la mobilisation communautaire est l'avenir

Pour Hala Al-Karib et la Strategic Initiative for Women in the Horn of Africa (SIHA), la lutte pour la justice de genre doit commencer au sein des communautés locales.

« Le véritable changement ne vient pas uniquement d'en haut. Il prend racine dans les associations étudiantes, les coopératives de marchands ambulants et au sein de structures locales dirigées par des femmes. C'est là que le pouvoir est véritablement repensé. »

La SIHA collabore avec plus de 200 organisations communautaires, permettant aux femmes de la Corne de l'Afrique d'accéder à des fonctions de direction dans les domaines de la justice, des droits économiques et de la protection sociale.

Al-Karib met en garde contre la dépolitisation des mouvements féministes et le danger de voir des organisations internationales imposer leurs priorités sans prendre en compte les voix des femmes locales.

« Nous ne pouvons pas être de simples sous-traitantes dans notre propre lutte. Ce sont nos réalités, et c'est à nous de définir les solutions. »

Appel à l'action : se rassembler et lutter ensemble

Lorsqu'on lui demande ce qui la pousse à continuer malgré les épreuves, Al-Karib répond sans hésiter : la sororité.

« Ce qui me porte, c'est la force des femmes. Malgré tout, nous trouvons des moyens de nous soutenir, de nous organiser et de reconstruire. C'est notre plus grande force. »

Aux jeunes féministes qui se sentent accablées par les obstacles systémiques, elle adresse un message clair : « rassemblez-vous. C'est ainsi que naissent les mouvements. C'est ainsi que nous gagnons. »

Les mots d'Hala Al-Karib nous rappellent que la justice de genre n'est pas un privilège, mais une lutte, une responsabilité, un mouvement qui nous appartient à toutes et tous.

Cet article s'inscrit dans la campagne #MarchWithUs : des récits d'activistes du monde entier pour la justice de genre. Écoutez l'épisode du podcast avec Hala Al-Karib ici. 

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En RDC, l’angoisse s’exprime dans le silence dans la ville de Goma sous le M23https://fr.globalvoices.org/?p=295355http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250520_110027_En_RDC__l___angoisse_s___exprime_dans_le_silence_dans_la_ville_de_Goma_sous_le_M23Tue, 20 May 2025 09:00:27 +0000“J’ai échappé à un enlèvement avec des jeunes de mon quartier.”

Initialement publié le Global Voices en Français

Image d'une rue dans la ville de Goma. Sous le M23, les rues se vident après 19h ; Photo de Victoire Katembo Mbuto, utilisée avec permission

Cet article est repris sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec www.icicongo.net. L'article original est écrit par Victoire Katembo Mbuto et à retrouver sur le site Icicongo.

Depuis janvier 2025, le groupe des rebelles du M23 mars contrôle la ville de Goma, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). La peur et l’incertitude du lendemain prennent de l’ampleur alors que la violence est devenue quotidienne.

Lire: Qui sont les rebelles du Mouvement du 23 mars à l'Est de la RDC?

Mercredi 23 avril 2025, une pluie légère s’abat sur la ville de Goma. Au quartier Birere, un bidonville de Goma, tout est plutôt calme. Les rues autrefois peuplées de marchands, moto-taxis, Tshukudus (trottinettes locales), des négociants commerciaux, Shegués (enfants des rues), pickpockets se retrouvent aujourd’hui figées dans une ambiance de ralenti. Tout est en berne.

Jean-Paul Sengemoja (nom d’emprunt pour sa sécurité), tenancier d’une boutique à Birere, peine à oublier les affres lors de l’entrée des troupes du M23 en ville de Goma. Il se souvient:

Cette situation a déstabilisé toutes nos activités. Nous avons perdu des amis, des biens et nos commerces ont été pillés. C’est un pire cauchemar.

A l’entrée des éléments du M23 dans Goma, plusieurs boutiques ont subi des actes de pillage. Il poursuit :

Nous connaissons une chute de nos recettes. Avant cette guerre, nos recettes allaient de 2 000 à 5 000 dollars américains par jour. Aujourd’hui, nous réalisons difficilement entre 300 et 500 dollars. On ne travaille presque plus.

Des hôtels et bars fonctionnent au ralenti ou presque pas. Un semblant de normalité règne pendant la journée. Mais après 19h00 les rues se vident. Pourtant à la prise de la ville, les animateurs du M23 avaient assuré garantir la circulation libre des personnes 24 heures sur 24. Un habitant pressé de rejoindre son domicile dit :

C’est une peur que nous mêmes nous ne savons pas expliquer.

Étranger dans son propre pays

Chaque matin, Goma compte ses morts. Les corps sont découverts à l’aube, gisant dans les rues. Il ne se passe plus une nuit sans qu’on ne parle d'habitations attaquées, de personnes tuées, de vols des biens de valeur, de disparitions des personnes. Personne n’est en mesure de déterminer les circonstances des meurtres nocturnes ou d’identifier leurs auteurs avec certitude. Privés d'administration et d'institution publiques, de tribunaux, de police et de services de base, les habitants vivent dans une psychose permanente, entre banditisme armé, violences, représailles et présence des hommes armés.

Le passage des militaires, la nuit comme le jour, effraie les habitants et surtout les jeunes. Le cas de John Alimasi, 18 ans, est parlant. Il ne supporte plus la présence des véhicules militaires depuis qu’il a échappé à un enlèvement :

Un certain jeudi, j’ai échappé à un enlèvement avec des jeunes de mon quartier. Quand je vois une jeep militaire, je me sens mal à l’aise. J’ai toujours peur et je me sens comme un étranger dans mon propre pays.

Le désespoir s’installe de plus en plus dans le cœur de la population. Chaque jour semble plus lourd et plus long que le précédent. Avec la fermeture des banques et autres institutions financières, les ménages sont en difficulté. Un agent d'une ONG locale au chômage à cause de la guerre déplore :

Nous allons mourir de faim alors que nous avons des fonds logés dans des banques et coopératives. Nous ne savons même plus accéder aux soins faute d’argent. C’est l’automédication qui s’installe dans nos ménages. Tout a changé. Le coût des biens est devenu exorbitant. Il est devenu difficile de s’en sortir avec l’instabilité du taux de change.

Lire sur IciCongo: Butembo – Kichanga – Goma, un voyage au bout du calvaire

Dans les médias et espaces publics, la population est devenue très réticente pour s'exprimer sur l'actualité dans la ville. Madame Safi, vendeuse de produits manufacturés indique :

Nous apprenons que des gens sont chaque fois fouettés. D’autres trouvent la mort suite à ces fouets. D’autres encore sont contraints de rejoindre l’armée du M23. Tout ça on nous les raconte mais nous n’avons pas assez de preuve. Aujourd’hui j’ai peur des messages sur les réseaux sociaux. On ne perd rien quand on garde le silence.

L’effondrement de l’économie

L'économie, de son côté, tourne au ralenti. Le secteur des motos-taxis et des Tshukudus (trottinettes en bois) peine à mobiliser des recettes. Le prénommé Jonas, conducteur de Tshukudu, indique :

Aujourd’hui je gagne difficilement 2 000 ou 5 000 Francs Congolais (0,68 ou 1,70 dollar américain). Il est aussi devenu difficile de trouver des clients.

Lire aussi sur IciCongo : Des pratiques de journalisme sous des « tirs » croisés de M23 et FARDC en RDC

Dans une cafétéria située sur la route Goma-Sake, au quartier Lac Vert à l’ouest de Goma, au-delà de ce faible rendement, Archange [nom d'emprunt] s’interroge sur l’évolution de cette situation.

Combien de temps il nous reste pour nous tenir dans cette situation ?

Un peu plus loin, au quartier Kyeshero, Mwasi, une revendeuse assise devant son étalage, affiche une expression profonde de fatigue et d’inquiétude. Elle n’arrive plus à dormir depuis l’entrée du M23 dans la ville de Goma. L’insécurité persistante affecte sa santé :

Je n’arrive plus à dormir. Même au lit, je pense toujours aux probables attaques.

Aujourd’hui dans la ville de Goma, nombreux sont celles et ceux qui passent des nuits blanches.

Lire : Les populations civiles dans l’est de la RDC victimes d'un regain de tension entre gouvernement et rebelles

De plus en plus des troubles post-traumatiques

Dans un communiqué de presse publié le 18 février, le Comité international de la Croix-Rouge a rapporté que les établissements qu’il soutient ont reçu dix fois l’afflux de blessés par rapport à l’année 2024, soit 1 400 personnes, majoritairement des civils. Le communiqué souligne :

De nombreuses familles ont été séparées dans le chaos de la fuite et attendent avec angoisse des nouvelles de leurs proches, avec lesquels elles ont perdu contact. Dans un premier temps, il est essentiel de mettre en place des moyens de communication pour leur permettre d’informer leurs proches.

Selon Dieudonné Bahati, psychologue clinicien, la dépression touche de nombreuses personnes à Goma depuis la résurgence de cette guerre. Il ajoute que la guerre peut provoquer un état de stress post-traumatique qui accentue le sentiment d’impuissance, ainsi que des problèmes de sommeil et d’alimentation. Dieudonné Bahati conseille :

Pour s’entraider, il est essentiel de vivre en harmonie. Lorsque quelque chose vous dérange, parlez-en à une personne de confiance.

Cette situation entraîne le développement de pensées suicidaires chez certaines personnes. Beaucoup de personnes ont presque tout perdu, et ceux qui avaient un emploi n’en ont plus.

Dans cette même perspective, Jean-Marie Vianney Basabose, neuropsychiatre chez « Santé mentale Tulizo letu de Goma », explique :

Tout ce que la population de Goma a traversé a eu des répercussions sur le plan psychologique. Beaucoup de gens présentent des troubles post-traumatiques, et des cas de dépression sont également répertoriés, surtout chez les enfants.

A ce jour, les efforts diplomatiques semblent impuissants à ramener la paix à Goma, donnant peu d'espoir à la population locale laissée à elle-même dans ce conflit.

Lire notre dossier : 

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Rêves d'avenir brisés net sur la ligne de front russo-ukrainienne pour de jeunes Africainshttps://fr.globalvoices.org/?p=295027http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250520_092539_Reves_d_avenir_brises_net_sur_la_ligne_de_front_russo-ukrainienne_pour_de_jeunes_AfricainsTue, 20 May 2025 07:25:39 +0000“J'ai signé un contrat en russe, une langue que je ne parle pas”

Initialement publié le Global Voices en Français

En image, Dosseh Koulekpato, un étudiant togolais capturé par les troupes ukrainiennes ; capture d'écran de la chaîne YouTube United24

Déclenchée en février 2022, l'invasion russe de l'Ukraine est vite devenue un conflit international dont les conséquences se font aussi ressentir en Afrique. La plupart des dirigeants africains ont adopté des positions plutôt neutres sur le conflit, mais certains jeunes ont pris ouvertement parti soit pour l'Ukraine, soit pour la Russie.

En mars 2022, Ottah Abraham, un jeune Nigérian de 27 ans n'a pas caché son envie de rejoindre l'Ukraine et combattre la Russie. Un article de BBC Afrique, datant de cette l'époque, cite Ottah Abraham déclarant :

Nous savons que c'est la guerre, ce n'est pas un jeu d'enfant. Mais être un soldat en Ukraine serait mieux que d'être ici. Je serai probablement autorisé à rester si la guerre se termine, en plus je serai un héros et je combattrai un ennemi indéniable.

Les médias africains ont, à plusieurs reprises, mentionné le recrutement de jeunes Africains. Un article de Radio France Internationale (RFI), publié en mars 2022, relate la protestation des autorités sénégalaises face à l'annonce (ensuite supprimée) de recrutement des bénévoles lancé par l'ambassade d'Ukraine au Sénégal sur sa page Facebook. Le ministère des Affaires étrangères sénégalais indiquait alors que :

… que le recrutement de volontaires, mercenaires, et combattants étrangers sur le territoire sénégalais est illégal et passible de peines prévues par la loi.

D'autres rumeurs ont fait état de ces types de recrutements dans d'autres pays mais les missions diplomatiques ukrainienne et russe ont vite démenti l'information. La Russie n'a pourtant pas cessé de chercher des moyens pour recruter des Africains dans son armée. Une des cibles de Moscou sont les étudiants africains présents sur le territoire russe.

Le piège administratif russe

Pour une partie des jeunes Africains, émigrer en Europe est une promesse de meilleures conditions d'étude, de vie, et d'opportunités de gagner de l'argent, ce qui explique aussi le choix de certains d'aller faire des études en Russie, qui sont parfois aussi financées par le gouvernement russe.

Mais le gouvernement russe est aussi connu pour être doté d'une administration corrompue qui exploite souvent les ressortissants étrangers, qu'ils soient migrants économiques ou étudiants étrangers.

Le renouvellement de visas qui arrivent à expiration est une situation qui serait parfois exploitée par les autorités qui promettent que tout peut être réglé à condition d'accepter d'aller se battre sur le front ukrainien, selon des articles de Bloomberg et du Kyiv Independent datant de 2024. La Russie a réfuté cette accusation mais de nouveaux  témoignages datant de 2025 sembleraient indiquer que cette pratique a bien lieu.

C'est le cas de Dosseh Koulékpato, confirmé par le journal Le Monde, et de Malick Diop, confirmé par la BBC.

Dans cette vidéo publiée sur le compte YouTube de United24, une plateforme créée par le gouvernement ukrainien en 2022 pour rassembler des fonds de soutien et distribuer de l'information, Dosseh Koulékpato, un étudiant togolais de 27 ans capturé par l'armée ukrainienne en février 2025, est interviewé en français, et raconte son parcours. Suite à un refus de visa dans d'autres pays, il décide de s'installer en Russie comme étudiant officiellement. Très vite, il est contacté pour signer un contrat écrit en russe – une langue qu'il ne parle pas -, et découvre par la suite qu'il vient de signer un contrat avec l'armée russe. Il est envoyé sur la ligne de front, puis est fait rapidement prisonnier par l'Ukraine.

 

Malick Diop est un étudiant sénégalais de 25 ans capturé par l'armée ukrainienne en avril 2025. L'alerte concernant la capture de l'étudiant sénégalais, est donnée via une vidéo publiée sur la page Facebook du compte Guerre en Ukraine :

Diop déclare avoir rejoint l'armée russe par manque de moyen pour financer son voyage vers l'Allemagne, selon BBC Afrique qui a contacté les proches de Malick Diop, ainsi qu'un autre étudiant sénégalais qui l'a accompagné:

On s'est connu avant d'aller en Russie parce qu'on avait postulé tous les deux pour une Bourse d'études offerte par la Russie au Sénégal. Nous avons eu la chance d'être sélectionné et nous avons fait la procédure ensemble jusqu'à notre voyage en Russie. C'est une fois en Russie que notre relation a évolué, nous sommes devenus très proches, comme des frères je peux dire.

La famille de Malick Diop espère obtenir l'appui des autorités sénégalaises pour organiser le retour de leur enfant au pays.

Réactions des autorités africaines

Au Togo, la capture de Dosseh Koulékpato n'est pas passée inaperçue. Les organisations de défense des droits de l'homme ont appelé le gouvernement togolais à prendre en charge l'affaire. C'est l'exemple de Mouvement Martin Luther King (MMLK). Dans un communiqué, cité par le média Plume d'Afrique, le 17 mars 2025, le MMLK indique avoir saisir les autorités togolaises:

(…) le MMLK a été informé de la triste nouvelle avec des preuves à l’appui. Aussitôt, le Chef de l’État Togolais et le Ministre des Affaires ont été saisis pour toutes fins utiles. Le MMLK demande aux autorités togolaises de s’engager avec les autorités ukrainiennes pour sauver la vie à notre compatriote.

Si du côté sénégalais aucune réaction n'est à noter pour le moment, les autorités togolaises ont réagit aux interpellations des organisations de la société civile. Le ministère des affaires étrangères indique dans un communiqué cité par le média Nouvel Angle dans un article :

Les autorités togolaises ont été saisies de cas de ressortissants togolais capturés et détenus par les forces ukrainiennes alors qu’ils participaient à des opérations militaires aux côtés des forces armées russes dans le cadre du conflit actuel.

Le ministère en charge des affaires étrangères travaille activement avec certains partenaires diplomatiques, à faire toute la lumière sur cette situation et apporter dans la mesure du possible, l’assistance nécessaires aux personnes concernées.

Le miroir aux alouettes des bourses d'étude en Russie

La pauvreté, les vrais chiffres du chômage, la corruption poussent de nombreux jeunes à chercher des bourses d'études à l'étranger pour multiplier leurs chances. Mais les offres de bourses ne sont pas toutes authentiques, comme le reconnaît le gouvernement au Togo.

Dans son communiqué, cité plus haut, le ministère des affaires étrangères togolais confirme le départ des jeunes togolais pour la Russie pour les études :

(…) la majorité de ces compatriotes, en particulier de jeunes étudiants, auraient quitté le Togo dans le cadre de prétendues bourses d’études offertes par des structures se présentant comme basées en Russie.

Face à cette situation préoccupante, le ministère des affaires étrangères appelle les citoyens notamment les jeunes désireux de poursuivre leurs études à l’étranger à la plus grande vigilance.

Le ministère les invite à plus de recherches sur la véracité des offres de bourses avant de s'y lancer:

Il les exhorte à vérifier l’authenticité des offres de bourses avant tout engagement, et à se rapprocher de ses services compétents ou de tout autre ministère concerné, notamment le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour obtenir des informations fiables et sécurisées avant tout départ à l’étranger, en particulier à destination de la Russie.

Mais ces avertissements ont peu de chance d'aboutir: chaque année, des milliers de Togolais tentent de quitter leur pays pour ce qu'ils espèrent être une seconde chance et sont prêts à tous le périls, y compris à s'installer dans des pays en guerre.

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En ce qui concerne le harcèlement, de petites actions peuvent aider à mettre un terme à de grands problèmeshttps://fr.globalvoices.org/?p=294811http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250514_165013_En_ce_qui_concerne_le_harcelement__de_petites_actions_peuvent_aider_a_mettre_un_terme_a_de_grands_problemesWed, 14 May 2025 14:50:13 +0000« Des parcs, aux terrains de jeux, jusqu’aux politiques, le harcèlement est l’affaire de tous »

Initialement publié le Global Voices en Français

Visuel principal via Canva Pro.

Note de l'éditeur : Le mois dernier, une histoire vieille de plusieurs décennies concernant le comportement présumé de harcèlement du nouveau Premier ministre de Trinité-et-Tobago a refait surface. Avec les élections générales du pays dans un peu plus de deux semaines, beaucoup utilisent cette question comme jeu politique, en évitant le réalité que le harcèlement reste un problème urgent, dont les nuances ne sont pas assez abordées dans les écoles. Afin de contribuer à un dialogue productif et non politique sur le harcèlement en tant que problème social, nous publions le billet invité suivant. Elle est animatrice du The Virtues Project, une initiative communautaire qui développe des programmes pour promouvoir le développement du caractère dans les écoles, les foyers et les communautés au sens large.

Par Salma Pantin-Redhead

Quelles sont exactement les caractéristiques d'un harceleur ? Un enfant de trois ans qui attrape constamment les jouets des autres peut-il être qualifié de harceleur ? Qu’en est-il d’un enfant de cinq ans qui pince ? Un enfant de 6 ans qui donne des claques ? Un enfant de neuf ans qui insulte ? Ou devient-on officiellement qu'au collège quand « taquiner » devient « harceler » ? D’où viennent les harceleurs au juste ?

Et si, au lieu de chercher à rabaisser tous les harceleurs perçus, nous mettions l’étiquette sur le comportement plutôt que sur la personne ? Parce que c’est ça, le harcèlement – un comportement qui est appris – et ses enseignants sont nombreux.

Il y a une vieille histoire cherokee dans laquelle un grand-père parle à son petit-fils de la vie. Le grand-père explique que dans chacun d'entre nous, deux loups se bataillent ; l'un est énervé, avide et rancunier ; l'autre est aimable, généreux et compatissant. L'enfant demande, « Quel loup gagne ? ». Le grand-père répond « Celui que tu nourris ».  Simple, n'est-ce pas ?
Je ne sais pas si quelqu’un cherche à élever un harceleur ou à activement promouvoir des comportements de harcèlement, mais cela est devenu tellement ancré dans la société que nous ne remarquons plus le message que nous transmettons. Rappelez-vous, les enfants n’ont pas besoin d’instructions ; ils reproduisent simplement ce qu’ils voient. Voici ce qu’ils voient trop souvent : à la maison, leurs transgressions sont sanctionnées par un « bouff » , « une gifle cinglante », ou « cut- tail » des versions modernisées de l’ancienne punition à « s’agenouiller sur une râpe » – rien de surprenant, peut-être, dans un pays encore aux prises avec son héritage postcolonial complexe.
Ces réactions ne sont pas parce que les parents n’aiment pas leurs enfants, mais plutôt parce que bien élever un enfant est difficile – les parents ont souvent recours à ces méthodes « éprouvées » lorsqu’ils sont épuisés. Certains parents ne connaissent pas d’autres manières de faire, après tout ; nous reproduisons ce nous avons appris.
Certains voudron faire croire que les problèmes de discipline que nous rencontrons à l’école sont parce que, comme on le dit souvent « qui aime bien châtie bien ». J'ose contester. Le règle et la ceinture restent fortement liées à l’école. Les enfants qui « jouent à l’école » passent généralement plus de temps à brandir une règle et à crier sur leurs « élèves » incarnés par leurs pauvres poupées, peluches, ou même un animal de compagnie, qu’à faire quoi que ce soit qui ressemble à de l’enseignement. Ce que la baguette enseigne réellement à l’enfant, c’est de battre quelqu’un jusqu’à l’obéissance, de frapper lorsqu’on est à bout de nerfs, ou de taper simplement parce qu’on le peut. Il y a, sans aucun doute, des problèmes de mauvaise discipline dans de nombreuses écoles, mais c’est un problème bien trop complexe pour le résoudre simplement revenant au « bon vieux temps ».
Les enfants voient également le comportement de harcèlement masquer en figures d’autorité, avec la légitimité que donnent les uniformes ou les statuts qui insultent, humilient ou même frappent ceux sur lesquels ils ont du pouvoir. Ils voient des échanges sur les réseaux sociaux, une boîte de Petri pour l’humiliation publique, où le harcèlement se cache derrière un écran à l’abri de toute responsabilité. Ils voient la domination, par tous les moyens, glorifiée, tandis que le pacifisme et la douceur sont considérés comme faibles et impuissants.
Alors, exactement quel loup nourrissons-nous dans la société et lequel négligeons-nous ? Dans ces conversations sur les harceleurs et les victimes, il se dresse un autre personnage important, mais manifestement invisible – le spectateur. On pourrait soutenir que le simple fait d’être témoin d’un incident de harcèlement revient à y participer, offrant un public tant désiré pour alimenter l’égo du harceleur ; cette envie d’impressionner par la force brute. S’ajoutent également ceux qui applaudissent, huent ou encouragent le comportement. Ces spectateurs pourraient vous échapper ; ils détournent le regard ou s’ne vont si vite, c’est comme s’ils n’avaient jamais été là. Ils évitent peut-être l’étiquette de « rapporteur » ou ils espèrent de protéger avec la politique du « je bois de l’eau et je me mêle de mes affaires  ».
Des parcs, aux terrains de jeux, jusqu’aux politiques, le harcèlement est l’affaire de tous. Si nous acceptons que le harcèlement est un comportement acquis, alors nous pouvons reconnaitre deux choses : qu’il peut être désappris, et que nous avons la responsabilité d’empêcher qu’il soit appris dès le départ.
Alors, comment fait-on cela ? Permettez-moi de commencer par dire, pas un atelier ; ou du moins, pas un atelier seul. Des ateliers, des programmes, des rassemblements… bien qu’ils aient une manière de sensibiliser à un problème, ils ne changent pas forcément les comportements. Je n’ai certainement pas toutes les réponses, mais j’ai tout de même une petite suggestion bien pratique en trois étapes, qui pourrait impliquer de changer des schémas que nous avons nous-mêmes appris ou hérités. Ceci requiert, ironiquement, de la discipline. C'est parti…
Quand vous êtes confrontés à une situation qui provoque une envie de dominer, de contrôler ou de causer du tort :

1. Faites une pause. les gens qui font des pauses puissants ; ils pensent et évaluent avant d'agir.
2. Cessez. Éliminez de votre conditionnement tous les mots ou actes qui causent de la douleur ; à la place, reprogrammer vos réponses.
3. Choisissez. Choisissez de trouver une meilleure réponse, une réponse visant à éduquer plutôt qu'à punir.

Nous avons tous le choix d’examiner nos propres comportements, d’admettre nos erreurs, et de nous engager à évoluer. Nous avons le choix d’adopter l’idée souvent citée, mais moins souvent pratiquée, d’être bienveillants. C’est comme ça que nous nourrissons le loup que nous disons que nous voulons voir gagner.
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A la rencontre des majestueux chevaux Akhal-Teke, fierté nationale du Turkménistanhttps://fr.globalvoices.org/?p=295188http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250514_163410_A_la_rencontre_des_majestueux_chevaux_Akhal-Teke__fierte_nationale_du_TurkmenistanWed, 14 May 2025 14:34:10 +0000Également connus sous le nom de chevaux « dorés » et « célestes ».

Initialement publié le Global Voices en Français

Un cheval Akhal-Teke devant les montagnes du Turkménistan. Photo du ministère des Affaires étrangères du Turkménistan. Utilisée avec permission.

Le Turkménistan est le pays d’origine de l'une des plus anciennes et des plus belles races de chevaux, les Akhal-Teke. Ces chevaux sont élevés depuis des milliers d'années par la tribu turkmène des Teke dans l’oasis d'Akhal, au sud du pays.

Connus pour leur intelligence, leur vitesse, leur endurance, leur loyauté et leur beauté époustouflante, les chevaux Akhal-Teke, utilisés pour le transport et les raids, ont toujours été des biens précieux et des compagnons fidèles pour le peuple turkmène.

Un cavalier turkmène avec son cheval Akhal-Teke. Photo du ministère des Affaires étrangères du Turkménistan. Utilisée avec permission.

Leur histoire remonte à 1 000 ans avant notre ère, ce qui fait que la race a au moins 3 000 ans et que le cheval Akhal-Teke est sans doute le plus ancien cheval de race pure au monde. On ne saurait trop insister sur l'importance des chevaux pour les tribus nomades Téké, qui les utilisaient pour leurs raids.

Leurs pratiques d'élevage ont également été influencées par le terrain géographique et la rareté des pâturages dans le désert du Karakum. Ainsi, le nombre de chevaux était réduit, seuls les plus beaux spécimens étant sélectionnés et produisant une descendance. Le résultat de ce processus d'élevage méticuleux réalisé dans le climat rude du désert pendant des milliers d'années est d'une beauté et d'une endurance inégalées.

Le trait physique le plus distinctif des chevaux Akhal-Teke est l'éclat métallique de leur robe, provenant de la structure unique de leurs poils qui reflète la lumière. C'est cette caractéristique qui leur a valu le nom de « chevaux dorés », par lequel ils sont connus dans le monde entier. Derrière cette beauté se cachent une endurance, une force et une résistance extraordinaires.

Un cheval Akhal-Teke d'une rare couleur isabelle. Photo du ministère des Affaires étrangères du Turkménistan. Utilisée avec permission.

L'une des premières fois où le monde moderne a découvert ces qualités a été la course d'endurance de 1935 entre Ashgabat, capitale du Turkménistan, et Moscou. Sur des chevaux Akhal-Teke, les cavaliers turkmènes ont parcouru 4 300 kilomètres  en 84 jours, dont une traversée de 360 kilomètres du désert de Karakum, sans eau ni nourriture pendant trois jours.

Les chevaux Akhal-Teke ont également obtenu des résultats exceptionnels dans d'autres sports équestres. L'exemple le plus notable est celui d'un étalon nommé Absinthe, qui détient le record du plus grand nombre (six) de médailles remportées par un cheval lors de compétitions internationales, dont la médaille d’or en dressage aux Jeux olympiques d'été de 1960 à Rome et deux autres médailles olympiques.

Rien de surprenant, c’est dans leur pays d’origine, le Turkménistan, que les chevaux Akhal-Teke sont le plus vénéré. Ils sont un symbole national et un élément clé de la culture locale et de la vie quotidienne. En 2023, l'UNESCO a ajouté l’art de l'élevage des chevaux Akhal-Teke et les traditions de décoration des chevaux à sa Liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

La candidature du Turkménistan pour cette inclusion reflétait la façon dont les chevaux sont liés aux coutumes et traditions, à l'histoire et à l'artisanat turkmènes. Les cérémonies de mariage en sont un exemple : le marié arrive à la maison de sa fiancée sur un cheval Akhal-Teke décoré de bijoux fabriqués par les femmes.

Bijoux portés par les chevaux Akhal-Teke. Photo du ministère des Affaires étrangères du Turkménistan. Utilisée avec permission.

La passion des Turkmènes pour leurs chevaux se retrouve dans les films, la musique et la littérature. L'un des films les plus célèbres au Turkménistan est une comédie de 1972 intitulée « Menin dostum Melegush » (Mon ami Melegush), dans laquelle un jeune employé d'hippodrome nommé Alty Velladov tente de sauver un étalon Akhal-Teke nommé Melegush de sa vente et de son expédition à l'étranger.

Le film complet est disponible sur YouTube.

Il existe également une chanson intitulée « Melegush » (oiseau orange) d'un chanteur turkmène populaire, Hajy Yazmammedow, dédiée aux chevaux Akhal-Teke.

Voyez le clip de la chanson « Melegush » ci-dessous.

Les plus grands admirateurs de ces chevaux ont été les présidents autocratiques du Turkménistan, qui ont fait des chevaux Akhal-Teke un élément de leur culte de la personnalité. Le premier président du pays, Saparmurat Niyazov, a fait figurer son cheval Yanardag (montagne ardente) sur les armoiries du Turkménistan et a créé le ministère des chevaux, devenant ainsi le seul pays au monde à le faire.

Son successeur, Gurbanguly Berdimuhamedow, est allé encore plus loin en faisant fabriquer trois statues différentes dédiées à Yanardag, Polatly (Acier), et à son propre cheval Ak Khan (Khan Blanc), qui détient le record du monde de marche sur ses pattes arrière sur 10 mètres.

En raison de cette association avec les dictateurs excentriques du pays, à l’étranger, les chevaux Akhal-Teke ont souvent mauvaise presse. Cependant, ils ne sont pas seulement une obsession des autocrates du Turkménistan, mais un véritable symbole national – une partie vivante de l'histoire du Turkménistan et une source de fierté et de joie nationales.

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Afrique : les impacts de la guerre tarifaire entre les États-Unis et la Chinehttps://fr.globalvoices.org/?p=294920http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250514_160250_Afrique___les_impacts_de_la_guerre_tarifaire_entre_les_Etats-Unis_et_la_ChineWed, 14 May 2025 14:02:50 +0000Bien que l’Afrique ne soit pas principalement visée, elle est à présent une victime collatérale de ce choc des titans

Initialement publié le Global Voices en Français

Le Président Xi Jinping, Image de President.az, CC BY 4.0 ; Carte de l'Afrique, Image de CIA.gov, Domaine public; et le portrait inaugural officiel du Président Donald Trump, 2025, image de Daniel Torok, Domaine public. Disponibles via Wikimedia Commons.

Dans le conflit commercial qui oppose actuellement les États-Unis et la Chine, l'Afrique est largement sous-évaluée. Et ce n'est pas une simple coïncidence ; le continent africain est trop fréquemment considéré comme un simple pion par les puissances mondiales, et non comme un ensemble de 55 États membres représentant des intérêts multiples qui sont souvent contradictoires.

Les origines du conflit

Ce qui n'était au départ qu'une querelle sur les droits de douane, provoquée par le président américain Donald Trump, s’est rapidement transformé en une situation lourde de conséquences. Selon Trump, les tarifs douaniers encourageront les consommateurs américains à acheter des produits fabriqués aux États-Unis. Mais d’après des économistes, les répercussions économiques pourraient être catastrophiques et déclencher une récession mondiale.

Le 2 avril 2025, Trump annonce un droit de douane plancher de 10% sur l’ensemble des produits importés sur le sol américain, ainsi que des taux supérieurs pour les pays affichant des excédents commerciaux avec les États-Unis.

Instaurées le 9 avril dernier, ces mesures radicales font partie d’une stratégie de Donald Trump afin d’encourager une « indépendance économique » des États-Unis, ainsi que la réduction de son déficit commercial, en particulier avec ses principaux partenaires commerciaux comme la Chine et l’Union européenne.

Les taxes douanières exorbitantes imposées à la deuxième économie mondiale ont aussitôt déclenché des ripostes sur fond de guerre commerciale. La Chine contre-attaque en annonçant 34% de droits de douane sur les importations en provenance des États-Unis, envenimant le bras de fer entre les deux plus grandes puissances économiques du monde.

Lire aussi : China is holding steady amid US President Donald Trump's tariff war (La Chine se maintient dans le contexte de la guerre tarifaire du Président américain Donald Trump).

Les représailles quasi instantanées de la part de la Chine suscitent alors une nouvelle mise en garde de Donald Trump qui ordonne une surtaxe douanière à 125 %, pour, à la fois lutter contre le déficit commercial de l’Amérique avec la Chine, et punir Pékin d’avoir répondu aux tarifs douaniers américains. La Chine, à son tour, contre-attaque en réajustant le taux de ses droits de douane sur les importations en provenance des États-Unis de 84 à 125 %.

Avant 2025, et malgré une première guerre commerciale en 2018 lors du précédent mandat de Donald Trump, la moyenne des taxes sur les importations imposées par chacun des deux pays était inférieure à 20 %, contre à présent une moyenne de 134,7 % (soit 40 fois plus).

Photo satellitaire de l'Afrique. Image de la NASA. Domaine public via Wikimedia Commons.

L'Afrique, victime silencieuse

Bien que l’Afrique ne soit pas principalement visée, elle est à présent une victime collatérale de ce choc des titans. Au mois d’avril 2025, Donald Trump impose un taux minimum de 10 % sur les importations en provenance de la plupart des pays africains, y compris 14 % pour le Nigéria. La mesure compromet des accords commerciaux existants, tels que la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA), qui, depuis 2000, accorde un accès en franchise de droits à 1 800 produits en provenance de pays d’Afrique subsaharienne. Par ailleurs, plus de 5 000 autres produits sont également exempts de droits en vertu du Système de préférences généralisées (SPG).

La loi AGOA, qui prendra fin au mois de septembre, est depuis longtemps l’un des piliers de la coopération économique entre les États-Unis et les pays africains. La plupart de ses bénéficiaires sont des pays à faible revenu dont le niveau d’endettement est devenu insoutenable, et ceux présentant un risque de surendettement.

Les droits de douane sont des taxes gouvernementales sur les importations, calculées sous la forme d’un pourcentage de la valeur du produit. Par exemple, dans le cas d’un droit de douane de 10 %, un produit importé évalué à 10 USD coûtera 11 USD après application de la taxe. Dans les cas où les droits sont beaucoup plus élevés, tels que la surtaxe de 145 % sur certaines importations en provenance de la Chine, le prix de ce même produit évalué à 10 USD peut alors grimper jusqu’à 24,50 USD.

Le Lesotho, l’île Maurice et Madagascar, des petits pays à faible revenu et exportateurs de vêtements, sont les plus touchés par la nouvelle politique tarifaire en Afrique. Le Lesotho, notamment, s’est vu imposer un tarif douanier de 50%, le deuxième taux le plus élevé du monde après la Chine. Quant au Nigéria et à l’Afrique du Sud, les droits de douane s’élèvent à respectivement 14 % et 30%.

Dans le cadre du nouveau régime tarifaire, les exportations de ressources énergétiques, telles que le pétrole, le gaz et les produits pétroliers, sont exonérées de droits de douane, offrant une marge de manœuvre à des pays tels que l’Angola, le Tchad, la RDC, le Ghana, et Nigéria, qui sont de gros exportateurs de ces matières premières. Par ailleurs, Les États-Unis représentent une part modeste des exportations de la plupart des pays prenant part au programme AGOA, puisque dix-neuf d’entre eux ne destinent seulement que près de 4 % de la totalité de leurs exportations au marché américain. Néanmoins, pour ceux qui dépendent de l’exportation de vêtements, les conséquences pourraient être désastreuses.

Les retombées pour le Nigéria

En 2022, les échanges bilatéraux de marchandises entre le Nigéria et les États-Unis s’élevaient à plus de 8,1 milliards de dollars, établissant le pays comme le deuxième plus gros importateur de produits américains en Afrique subsaharienne. Les exportations vers le Nigéria comprennent notamment des véhicules, du blé, des machines, des carburants et des matières plastiques. En 2024, le Nigéria a exporté pour 5,7 milliards de marchandises et a importé en contrepartie pour 4,2 milliards, entraînant un déficit commercial de 1,5 milliard de dollars pour les États-Unis.

En 2016, le Nigéria interdit les importations de 25 catégories de produits appartenant aux secteurs de l’agriculture, pharmaceutique, des boissons et des biens de consommation, dans le but de limiter les importations et encourager une production locale. La volaille, le porc, l’huile végétale raffinée, le sucre, les produits à base de cacao, le spaghetti, la bière et certains médicaments figurent parmi les produits prohibés.

Donald Trump a déclaré avoir imposé des droits de douane supplémentaires sur les exportations du Nigéria vers les États-Unis à la suite de ces restrictions sur les importations de produits américains, lesquelles entravent le commerce entre les deux pays.

Selon un mémo publié sur X (anciennement Twitter) par le représentant américain au commerce (USTR), les restrictions mises en place par le Nigéria sur des articles tels que le bœuf, le porc, la volaille, les jus de fruits, les médicaments, et spiritueux, limitent l’accès au marché américain et réduisent les possibilités d’exportation.

Alors que, selon l’administration Trump, les mesures visent à protéger les emplois et les industries américaines, la nouvelle campagne lancée par l’USTR illustre une liste grandissante de griefs à l’encontre de partenaires commerciaux dans le monde entier.

Par ailleurs, les échanges commerciaux entre l’Afrique et les États-Unis ne sont pas négligeables. En 2024, le volume total des échanges était estimé à 71,6 milliards de dollars avec des pays comme l’Afrique du Sud, le Nigéria, et le Kenya, qui figurent parmi les plus gros exportateurs africains de denrées telles que le pétrole, le textile, et les produits agricoles.

L'influence de la Chine et les enjeux pour l'Afrique

Alors que les États-Unis sont préoccupés à négocier des droits de douane avec l’Afrique, la Chine continue d’exercer une influence sur le continent. Grâce à son initiative « la Ceinture et la Route », la Chine a renforcé sa présence dans plus de 40 pays africains. Selon la base de données relative aux prêts chinois à l’Afrique, La Chine a financé plus de 1 000 projets sur le continent africain depuis 2000.

Mais quelles sont les conséquences pour l’Afrique ? De l’endettement, certes. Mais aussi une dépendance.

Selon certains détracteurs, bien que ces accords prétendent promouvoir une croissance mutuelle, il s’agit là d’un piège destiné à faire obstacle à la croissance et au développement économiques. En 2017, le Sri Lanka, alors incapable de rembourser ses dettes, cède à la Chine son port de Hambantota, sur la base d’un bail de 99 ans. Plusieurs pays africains sont dans la même situation. En Ouganda, un prêt de 200 millions de dollars accordé par la Chine, afin de moderniser l’aéroport d’Entebbe, est assorti de conditions de remboursement strictes, dont le contrôle d’un compte séquestre.

Les guerres tarifaires existent depuis longtemps. L’exemple le plus notoire est la loi Hawley-Smoot de 1930, qui a imposé une augmentation des droits de douane sur plus de 20 000 produits importés. Cette mesure a aggravé la crise économique de 1929 (aussi surnommée la « Grande dépression ») et mené à des représailles globales. Quelle leçon peut-on en tirer ? Les guerres commerciales déclenchent souvent une récession au lieu d’apporter des solutions.

En début d’année, l’Angola a annoncé son intention de limiter les licences d’importation pour le bœuf, le porc, et la volaille à partir de juillet 2025. Alors que l’Angola représente leur neuvième importateur global de volaille et leur plus gros marché africain, les États-Unis craignent que cette décision ne perturbe les exportations américaines à hauteur de plus de 130 millions de dollars. En vertu des nouvelles mesures tarifaires de Trump, l’Angola est maintenant assujetti à une taxe de 32 % sur ses produits, comparé à un taux de droit de douane moyen de 11 %.

L'Afrique se trouve à la croisée de chemins stratégiques. En 2018, l’accord instituant la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) est adopté lors de la 10ème session extraordinaire de l’Assemblée de l’Union Africaine (UA), qui se tient à Kigali, au Rwanda. Établie pour créer « un marché africain unique », la ZLECAf, avec ses 54 pays membres, est la plus grande zone de libre-échange au monde, et, selon des estimations, représente un PIB cumulé de 3,4 trillions, ainsi qu’une population de 1,3 million d’habitants.

Malgré l’avenir incertain de l’AGOA, l’augmentation des restrictions commerciales et le piège de la dette, personne ne sait si les nations africaines vont finalement se décider à négocier entre elles, ou bien rester en marge et auditionner pour un rôle de figurant sur la scène internationale.

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Haris Pardede : frayer la voie au journalisme footballistique en Indonésiehttps://fr.globalvoices.org/?p=294593http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250514_154912_Haris_Pardede___frayer_la_voie_au_journalisme_footballistique_en_IndonesieWed, 14 May 2025 13:49:12 +0000Analyse de la situation du journalisme sportif en Indonésie

Initialement publié le Global Voices en Français

Bung Harpa has covered a football match at Baku Olympics Stadium, Azerbaijan. Photo used with permission

Bung Harpa au stade olympique de Bakou pour couvrir un match de football. Photo utilisée avec permission.

Haris Kristanto Pardede est un YouTubeur spécialisé dans le football. Sa chaîne est l’une des plus influentes d’Indonésie et de nombreux amateurs de sport le considèrent comme une source fiable. Arpan Rachman s’est entretenu avec Pardede pour en apprendre plus sur son parcours atypique et sur ce qui l’a poussé à devenir un influenceur footballistique, laissant derrière lui sa carrière de journaliste sportif à Koran Sindo.

Pardede a commencé la création de contenu lors de la pandémie, mais il n’a gagné en popularité qu’à partir de 2024, quand il couvrira les matchs de l’équipe nationale d’Indonésie lors de la coupe d’Asie des nations de football 2023 qui s’est déroulée au Qatar. La chaîne YouTube de Pardede, Bung Harpa, amasse près de 122 000 abonnés et plus de 24 millions de vues réparties sur 1080 vidéos.

Si la plupart des influenceurs couvrent les matchs via des sites de streaming, Pardede, lui, se rend sur place, quitte à voyager de pays en pays. Il offre aux spectateurs sans grandes connaissances du football des informations sur les différentes règles et les différents joueurs tout en dissipant quelconques rumeurs, permettant ainsi de combattre la désinformation. Il entretient des relations étroites avec les membres de la Fédération d’Indonésie de football (la PSSI). Pardede partage régulièrement des nouvelles qui n’ont pas encore atteint les médias grand public tout en publiant du contenu qui s’appuie sur ses observations.

L’entretien entre Arpan Rachman et Haris Kristanto Pardede s’est déroulé au Stade Gelora-Bung-Karno à Jakarta.

Arpan Rachman (AR) : Votre chaîne YouTube amasse aujourd’hui des milliers de followers. Quelles étaient vos motivations lors de sa création ?

Haris Kristanto Pardede (HKP): Football has been in my blood since I was little. I started a YouTube channel because I love football and want to share my thoughts and experiences. I finally discovered a platform I enjoyed since I could communicate with the subscribers and other journalists, who undoubtedly have different opinions. This is what I think enriches the content on my channel.

Haris Kristanto Pardede (HKP) : Depuis mon enfance, je sais que j’ai le football dans le sang. J’ai ouvert ma chaîne YouTube pour partager mon amour et mes connaissances de ce sport. C’est une plateforme que j’apprécie, car elle me permet de communiquer avec des gens qui ne partagent pas forcément mes avis, que ce soit des abonnés, ou d’autres journalistes. Je pense que ces interactions enrichissent le contenu de ma chaîne.

AR : Avez-vous rencontré des difficultés lorsque vous êtes passé d’un journaliste sportif à un créateur de contenu sur internet ?

HKP: At the starting point, there weren't many subscribers following this channel. I thought I was boring the audience as I was a journalist. The public on social media wanted more sensationalism. So, I just went back to the basics of reporting. When there was confusing news, I straightened out the rumor, and people started to believe it. It turns out that YouTube also has a market for this type of sports coverage.

HKP : Au début, je pensais que mon contenu était trop professionnel, qu’il était ennuyeux, et que c’était sûrement pour cela que je n’avais pas beaucoup d’abonnés. Je pensais que les internautes voulaient des choses plus sensationnelles. Mais je suis tout de même resté sur les bases du journalisme. Quand il y avait des rumeurs, je faisais de mon mieux pour tirer les choses au clair. C’est à ce moment que les gens ont commencé à me faire confiance. Au final, j’ai appris que même sur YouTube, il y avait un public qui recherche une couverture sportive plus professionnelle.

AR : Pouvez-vous donner des conseils aux journalistes et aux YouTubeurs qui souhaiteraient avoir accès aux terrains lors des sessions d’entraînement ou lors des compétitions ?

HKP: Because I was a journalist, I also knew the limits. It's my passion, and I must understand ethics. I believe that viewers will accept our provided content as long as it is genuine and original. Cybercitizens will love whatever we broadcast to the public as long as it is genuine and upbeat, and it will also help the struggling Indonesian national football team.

HKP : Grâce à mon passé de journaliste, je connaissais déjà les limites. C’est ma passion, et je comprends l’éthique. Mais je crois aussi que les spectateurs pourraient accepter tout type de contenu tant qu’il est original et fait avec passion. Les internautes aiment tout ce qu’on peut créer, tant que l’on fait avec amour et entrain. De plus, je pense que cela pourrait aider l’équipe nationale d’Indonésie qui a du mal à s’en sortir.

AR : Les journaux sportifs doivent-ils envoyer plus de journalistes sur le terrain ?

HKP: That is a challenge as well as an opportunity. When I went abroad several times and became the only citizen journalist from Indonesia who reported from the match field, I was happy because all the public's ears and eyes were focused on me. Although, in the end, I felt alone, there were no fellow citizen reporters and professional journalists from Indonesia.

HKP : Cela peut s’avérer compliqué, mais c’est également une véritable opportunité. J’avoue avoir été assez heureux quand je me suis rendu compte que j’étais le seul journaliste citoyen d’Indonésie lors de mes voyages à l’étranger, puisque toute l’attention du public était portée sur moi. Mais au bout du compte, j’ai fini par me sentir seul, parce qu’il n’y avait aucun autre journaliste indonésien pour m’accompagner.

AR : Où en est le journalisme footballistique en Indonésie ? Et qu’est-ce que les journalistes pourraient faire pour améliorer la situation ?

HKP: Journalists in the new media today are perhaps not as daring or pro-active as before. In the past, we had to seek out our sources by going directly to the location and observing the game in the field. Now, more people work by compiling information like playing a puzzle because of many templates. So, in one news article, some journalists paste various information that previously existed in other media without needing to clarify. That is the challenge of today's journalism.

If you look at the existing infrastructure, the support capacity is extraordinary. Any data is available, and information is easier to find. It only takes creativity to process it. What I feel is lacking in the current era is creativity. Therefore, some journalists would rely on oblique quotes rather than visit the field.

HKP : Les journalistes d’aujourd’hui ne sont plus aussi audacieux ou déterminés qu’auparavant. Avant, nous devions aller chercher nos sources directement sur le terrain, nous devions observer attentivement le match. Mais maintenant, les journalistes recueillent l’information comme s’ils essayaient de compléter un puzzle. On retrouve alors des articles qui sont presque des copier-coller d’articles déjà existants et dont l’information a à peine été corrigée. Il est là le défi du journalisme moderne.

Si on regarde les infrastructures existantes, on se rend compte que la capacité de soutien est extraordinaire. On peut trouver en un clic tout ce que l’on recherche. On a juste besoin d’imagination pour mettre tout cela au clair. Et je trouve que de nos jours, on manque cruellement d’imagination. C’est pour cela que de nombreux journalistes préfèrent utiliser des informations qui ne sont pas forcément vraies plutôt que de se rendre sur le terrain.

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Les mots ont la parole: Épisode #25https://fr.globalvoices.org/?p=295401http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250514_110044_Les_mots_ont_la_parole__Episode__25Wed, 14 May 2025 09:00:44 +0000Donatien Koagne est le plus grand feyman que le monde ait connu

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

En image, la caricature de Donatien Koagne, le plus grand feyman ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Naja TV

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

浪漫: prononcé làng màn en chinois mandarin, ce mot est en fait une adaptation phonétique du mot français ‘romantique’. Le premier caractère signifie ‘la vague’ et aussi ‘gaspiller’. Le second veut dire ‘libre’ ou ‘inonder’.

Dans cette vidéo de la star taïwanaise Jay Chou, adulé dans tout le monde sinophone, le titre de la chanson – qui a plus de sept millions de vues –  est 浪漫手機 soit ‘le portable romantique’:

 

Feyman : est un mot issu du vocabulaire camerounais et désigne un arnaqueur de haute classe. Le feyman est souvent décrit comme faussaire ou magicien qui prétend pouvoir  multiplier les billets d’argent. Donatien Koagne, de nationalité camerounaise, est l'un des cas les plus connus: son art de la persuasion et ses tours de magie ont même fait l'objet d’étude à SciencesPo qui a publié un rapport sur lui. Plusieurs présidents d’Afrique, des grands noms du monde politique et du monde des affaires ont été la cible de Donatien Koagne.

Mariachi: ce mot d’espagnol mexicain pourrait provenir du mot français mariage. De 1863 à 1867, le Mexique connaît son Second Empire, une monarchie constitutionnelle établie par des monarchistes mexicains soutenus par le Second Empire napoléonien. Les Français, friands de la musique traditionnelle des paysans mexicains jouée principalement sur des instruments à corde, invitaient ces groupes à leurs mariages. Le mot français est ainsi devenu “mariachi”, prononcé à la mexicaine.

Cette musique vient de la région de Jalisco à l’ouest du Mexique et porte le nom de “son jaliscience”.

Cette vidéo illustre la richesse de ce patrimoine musical:

 

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org

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Classement mondial Reporters sans frontières: l'Afrique francophone en net reculhttps://fr.globalvoices.org/?p=295217http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250512_145716_Classement_mondial_Reporters_sans_frontieres__l_Afrique_francophone_en_net_reculMon, 12 May 2025 12:57:16 +0000Le modèle économique est utilisé pour censurer les médias

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Exposition de plusieurs parutions de presses écrites du Cameroun ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de France 24

Partout dans le monde, la liberté de presse est en grande difficulté. Le classement 2025 de l'organisation Reporters sans frontières confirme cette chute globale, mais qu'en est-il des pays d'Afrique francophone?

Le 2 mai 2025, Reporters sans frontières (RSF) a rendu public son classement sur la situation de la liberté de presse dans le monde. Le rapport de cette année note une fragilisation économique, rendant très difficile la liberté de presse. Cela s'ajoute aux multiples pressions politiques déjà relevées par le rapport RSF de 2024.

En 2025, la situation empire nettement en Afrique subsaharienne, surtout dans l'espace francophone. Aux menaces et pressions politiques s'ajoute comme dans le reste du monde une vulnérabilité économique des groupes de médias.

Instrumentalisation du moteur économique

Les presses indépendantes se font de plus en plus rares en Afrique en général. Principalement parce que la survie de la majorité des médias dépend des revenus publicitaires souvent concentrés aux mains de structures qui sont à la solde de l’État.

Ainsi le Togo recule en un an de la 113e à la 121e place dans le rapport RSF. Dans ce contexte de précarité, à l'occasion de la journée internationale de la liberté de presse, célébrée le 3 mai, Narcisse Prince-Agbodjan, Secrétaire général du Syndicat National des Journalistes Indépendants du Togo (SYNJIT) publie une tribune dans laquelle il dénonce la soumission des entreprises de presse au même régime que des entreprises commerciales et invite les journalistes Togolais à s'indigner :

[…] la presse privée dans notre pays est à genoux. […]L’économie médiatique, bien qu’à l’étape embryonnaire, s’effondre déjà, et avec elle, la dignité de la profession.

Des journaux sont contraints de mettre la clé sous la porte. Ceux qui tiennent encore provisoirement debout, sont caractérisés par des parutions irrégulières. Les rédactions végètent dans la précarité. Entre vulnérabilité économique, fiscalité agressive, aide publique insuffisante, répression larvée et fracture numérique, les médias privés togolais semblent laissés pour compte. Pourtant, ils remplissent une mission d’intérêt général. Rien ne saurait justifier la décision de les soumettre aux mêmes régimes fiscaux que les entreprises commerciales ordinaires.

Le Bénin connaît aussi un léger recul: de la 89e à la 92e place cette année. Dans un entretien accordé au média Afrik.com, RSF indique que la presse béninoise fait face à une forte ingérence politique. Dans son rapport 2025, l'organisme estime également que le gouvernement béninois a une emprise économique sur les médias. Ceci s'explique par la manière dont les contrats publicitaires sont attribués aux médias, comme l'explique le rapport:

Le paysage médiatique est marqué par l’absence de grandes entreprises de presse. La plupart des médias ne sont pas viables et sont confrontés à l’étroitesse du marché publicitaire. Le gouvernement utilise régulièrement son pouvoir sur l’attribution des contrats publicitaires pour en priver certains médias critiques.

Le Cameroun recule d'une place: de la 130e à la 131e en 2025. Face à des conditions de travail précaires, il est difficile pour les journalistes camerounais d'envisager une carrière professionnelle. Une thèse de doctorat d'Hervé Tiwa, en février 2025, à l’École supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic) de Yaoundé au Cameroun le confirme. Son mémoire intitulé « Presse écrite, management médiatique et construction de la précarité des journalistes au travail : une analyse socio-économique des entreprises à capitaux privés au Cameroun » dresse un bilan très inquiétant, selon le site Le quatrième pouvoir :

(…) la réalité économique du secteur est préoccupante. Les difficultés sont multiples : coûts de production élevés, réseaux de distribution défaillants, salaires irréguliers voire inexistants. Cette situation précaire affecte profondément la dignité des journalistes et la qualité de l’information.

Cette tendance n'épargne pas la Mauritanie, pourtant décrite comme la plus libre par RSF en Afrique en 2024. De 33e au niveau mondial, elle passe à la 50è place en 2025; la dégringolade est palpable. Le pays perd ainsi 17 places et le quotidien des reporters mauritaniens, en particulier des journalistes d'investigation, est marqué par violation et menaces.

La Côte d'Ivoire chute aussi de la 53e à la 64e place ; Madagascar recule aussi de 13 places, du 100è rang au 113è rang en 2025 ; et le Tchad passe de la 96e à la 108e place en 2025.

Dans les pays en situation de conflit, les médias sont d'autant plus décimés. La République démocratique du Congo (RDC) perd dix places, devenant 133e. La récente recrudescence des violations dues à la guerre au Nord-Kivu, dans l'Est du pays assène un coup dur aux médias et journalistes qui sont obligés de mettre la clé sous la porte pour sauver leurs vies.

Pays sous régime militaire

De nos jours, l'Afrique compte au moins cinq pays sous régime militaire, dont quatre sont dans l'espace francophone de l'Afrique de l'ouest et au Sahel central. Il s'agit de la Guinée, du Burkina-Faso, du Mali et du Niger.

De la 78e place en 2024 à la 103e place en 2025, la Guinée connaît une chute radicale au classement en perdant 25 places. Cette position témoigne de l'hostilité affichée de la transition militaire envers la presse. Les professionnels de médias paient un prix fort, en devenant victimes d’agressions, d’arrestations arbitraires et de menaces de mort.

Le Burkina Faso perd 19 places: 105e cette année alors qu'il était 86e en 2024. Le Mali perd ainsi 5 places au classement. Le Niger chute de trois place au classement.  Depuis l'arrivée des militaires au pouvoir, les menaces, attaques et détentions sont monnaie courante. Dans ces trois pays francophone du Sahel sous régime militaire, l'instabilité politique, les risques d'insécurité liées à la présence des groupes armés ne donnent aucune garantie de sécurité aux journalistes.

Deux exceptions: le Gabon et le Sénégal

Si la région Afrique affiche la plus grande détérioration des conditions de libertés de presse, il reste deux notes d'espoir. Placé sous un régime de transition qui vient de connaitre sa fin avec l'élection d'un nouveau président, le Gabon, classé 56e en 2024, fait un bon significatif et se retrouve à la 41e place, devenant ainsi le pays africain francophone le mieux placé au classement.

Le Sénégal, 74e dans ce classement 2025 de RSF, fait office de bon élève en gagnant 20 places, en comparaison à sa 94e place en 2024. Cette évolution est le fruit de réformes entreprises par le régime de Bassirou Diomaye Faye, depuis son ascension au pouvoir en avril 2024. Toutefois dans ce pays, les entreprises de médias font face à des contrôles fiscaux comme le souligne RSF dans son rapport.

La République Centrafricaine, pour sa part, a aussi connu un bon de quatre places, quittant son 76e pour être 72e cette année.

Globalement, le classement 2025 de RSF tire une sonnette d'alarme car si rien n'est fait, l'indépendance des médias ne sera plus qu'une illusion.

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Le groupe de rock bosniaque Dubioza Kolektiv ridiculise la théorie du complot de la Terre plate dans une nouvelle chanson à succès dans la régionhttps://fr.globalvoices.org/?p=294671http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250508_193215_Le_groupe_de_rock_bosniaque_Dubioza_Kolektiv_ridiculise_la_theorie_du_complot_de_la_Terre_plate_dans_une_nouvelle_chanson_a_succes_dans_la_regionThu, 08 May 2025 17:32:15 +0000Dans les Balkans, la théorie du complot de la Terre plate est une porte d'entrée vers d'autres désinformations absurdes

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Capture d'écran du clip vidéo « Balkan Boys » de Dubioza Kolektiv publiée sur YouTube. Utilisée avec permission.

Cet article est basé sur la couverture de Meta.mk. Une version éditée est republiée ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu entre Global Voices et la fondation Metamorphosis. 

En seulement quelques semaines, le clip vidéo de « Balkan Boys », le nouveau single du groupe de rock bosniaque Dubioza Kolektiv, a franchi plus de quatre millions de vues sur les réseaux sociaux, acquérant le statut de tube régional dans les Balkans. La chanson ridiculise divers stéréotypes, notamment les théories du complot de la Terre plate qui sont répandues dans la région.

Actuellement, la vidéo compte plus de 1,2 million de vues sur YouTube, plus de 2,4 millions de vues sur Instagram et plus d'un million de vues sur Facebook, plus de 600 000 en tant que qu'extrait vidéo et plus de 400 000 vues en tant que vidéo complète.

Cette chanson est en anglais, mais, comme d'autres tubes de Dubioza, la version YouTube de la chanson est accompagnée de sous-titres avec des traductions en chinois, tchèque, allemand, italien, polonais, roumain, et espagnol, contribuant ainsi à sa promotion au-delà de la région natale des Balkans occidentaux.

Regardez la vidéo officielle :

Parmi les différentes références humoristiques, la chanson contient les paroles suivantes ridiculisant la théorie du complot de la Terre plate, avec une vidéo montrant une scène du point de vue d'un supposé partisan de la Terre plate, de la Terre depuis la lune, une parodie de la célèbre photographie du Blue Marble.

J'aime la planète comme une boule
Certains me disent qu'elle est plate
Et si elle est plate je pourrais tomber
Mais où est la logique là-dedans.

La théorie du complot de la Terre plate, qui affirme que la planète n'est pas ronde, est mentionnée dans le cursus scolaire de Macédoine du Nord comme exemple de manque de pensée critique et de raisonnement non scientifique. Le mythe selon lequel la Terre aurait la forme d'un disque plat a été démystifié dès l'Antiquité. En se basant sur la notion scientifiquement prouvée que la Terre est sphéroïde, le mathématicien Ératosthène a pu calculer la circonférence de la Terre il y a plus de 2300 ans avec grande précision.

Tandis que le public éduqué, dans le monde et dans les Balkans, accueille les nouvelles affirmations de la Terre plate avec ironie, les réseaux sociaux regorgent de telles théories du complot, qui sont souvent réfutées par des services de vérification de faits tels que Truthmeter.mk en Macédoine du Nord,  Faktoje.al en Albanie, Raskrinkavanje.ba en Bosnie-Herzégovine, Raskrinkavanje.me au Monténégro, et Istinomer en Serbie.

Dubiza Kolektiv avait initialement prévu de sortir le single « Balkan Boys » le 24 janvier, mais ils ont reporté la sortie de trois jours en signe de soutien à la grève générale en Serbie, organisée par le Mouvement estudiantin pour la justice, demandant la responsabilité institutionnelle pour les 15 victimes de l'effondrement de l'auvent de la gare de Novi Sad.

En réponse à des commentaires malveillants tels que « pourquoi un groupe d'un autre pays se mêle aux manifestations d'un autre », Dubioza Kolektiv a publié une déclaration sur leur profil Facebook :

Dubioza Kolektiv je bend sastavljen od ljudi iz Bosne i Hercegovine, Srbije, Hrvatske i Slovenije. Podržavamo svaki protest za koji smatramo da ima za cilj borbu za dostojanstvo i bolji život običnog čovjeka. Volimo za sebe reći da smo pri rođenju prvo postali obični ljudi, a tek onda usput i Bosanci, Srbi, Hrvati ili Slovenci.

Dubioza Kolektiv est un groupe composé de personne de Bosnie-Herzégovine, Serbie, Croatie, et Slovénie. Nous soutenons toute manifestation qui, selon nous, revendique la dignité et une meilleure vie pour les gens ordinaires. En ce qui nous concerne, nous aimerions dire que, par la naissance nous devenons d'abord des personnes ordinaires, puis, au fil du temps nous devenons également, Bosniaques, Serbes, Croates, ou Slovènes.

C'est la première fois que Dubioza Kolektiv exprime son soutien pour les mouvements estudiantins de la région qui se battent pour la démocratie et une vie décente. En 2015, ils ont donné un concert gratuit à l'Université publique de Saints-Cyril-et-Méthode à Skopje en soutien du Plénum estudiantin, qui a été documenté dans la vidéo suivante de Meta.mk.

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Projet de téléphérique pour le temple de Pathibhara : la protection des droits des populations autochtones contre le développement au Népalhttps://fr.globalvoices.org/?p=295028http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250508_190808_Projet_de_telepherique_pour_le_temple_de_Pathibhara___la_protection_des_droits_des_populations_autochtones_contre_le_developpement_au_NepalThu, 08 May 2025 17:08:08 +0000Les critiques affirment que les projets d’infrastructure ne profitent qu’aux investisseurs, et non aux résidents locaux

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Protest on February 23, 2025. Image by National Indigenous Women's Federation - NIWF. Used with permission.

Manifestation du 23 février 2025. Image de la Fédération nationale des femmes autochtones (NIWF). Utilisée avec permission.

Un projet controversé de téléphérique a été proposé sur le site sacré de Pathibhara (Mukkumlung), dans l'est du Népal, où vit la communauté autochtone Yakthung (Limbu) [fr]. Les habitants de la communauté limbu s'y opposent, arguant qu'il porterait atteinte à leur patrimoine historique et culturel.

Le projet de téléphérique de Pathibhara, porté par le groupe IME, un conglomérat népalais, est devenu un point de friction dans les tensions persistantes entre les pourfendeurs du « développement » et les groupes autochtones locaux. Si des personnalités politiques, des intérêts commerciaux et une partie de la population locale soutiennent le projet, estimant qu'il favorisera la croissance économique, ses opposants affirment qu'il se fait au détriment des traditions culturelles et de la préservation de l'environnement.

Ce projet menace l'équilibre culturel et écologique de la région tout en portant atteinte aux droits des autochtones et aux principes fondamentaux d'autodétermination. Cet article explore la lutte actuelle entre le pouvoir des entreprises et l'identité culturelle, mettant en lumière les coûts environnementaux, culturels et sociaux des projets de « développement » à grande échelle comme le téléphérique.

Que se passe-t-il à Mukumlung ?

Phibhara est située au nord-est du district de Taplejung [fr], dans une région montagneuse et accidentée. Chaque année, environ 300 000 fidèles hindous entreprennent des randonnées de plusieurs heures pour atteindre le temple de Pathibhara Devi, situé au sommet de Taplejung, à 3 794 mètres d’altitude. La région revêt une profonde signification spirituelle pour les populations locales de Mukumlung, et les habitants affirment que l’abattage d’environ 3 000 rhododendrons – et de 1 000 autres prévus – pour faire place à un téléphérique constitue une atteinte à leur patrimoine religieux.

À Phungling, une ville voisine de 29 000 habitants, les communautés autochtones et les militants mènent une campagne d’opposition au projet de téléphérique. Mi-2024, les habitants ont déposé un recours devant la Cour suprême pour rejeter ce projet de 22 millions de dollars soutenu par le gouvernement.

Au Népal, les téléphériques sont de plus en plus construits à des fins commerciales plutôt que comme solutions de transport, ce qui entraîne souvent des conséquences néfastes pour les communautés locales et l'environnement. Une série de projets de téléphériques à travers le pays a déclenché de violentes manifestations, les habitants appelant à préserver la tranquillité du temple sacré de Pathibhara et réclamant une meilleure protection de l'environnement.

Les manifestants ont souligné que le projet menace l'environnement, la culture limbu et les moyens de subsistance des habitants. Les tensions ont dégénéré en affrontements en début d'année, faisant des morts et conduisant à l'arrêt temporaire du projet et à l'ouverture d'un dialogue. Des violences ont éclaté dans la région de Pathibhara le 25 janvier, lorsque des affrontements ont éclaté entre un « No Cable Car Group» et les forces de sécurité, faisant plusieurs blessés des deux côtés.

Protection des droits autochtones et développement

Le développement des zones culturellement importantes est toujours délicat, et les responsables s'efforcent de poursuivre le progrès tout en préservant et en respectant les traditions, la religion et la culture. Toshima Karki, député du Parti Rastriya Swatantra (RSP), s'est interrogé : « Le développement signifie-t-il coups, matraques et coups de feu ? S'agit-il vraiment de développement ou de destruction ?»

Le Népal a connu une déforestation massive au nom du développement des infrastructures, ce qui aura de graves conséquences à long terme. Selon les chefs autochtones opposés aux projets de téléphérique au Népal, ces initiatives profitent aux investisseurs, et non aux populations locales.

Taplejung est désormais devenu un champ de bataille, la société étant divisée sur la poursuite du projet de téléphérique. Plusieurs appels ont été lancés au Parlement pour stopper le projet afin d'éviter des conflits sociaux.

Le gouvernement l'a qualifié de projet de « fierté nationale ». Cependant, les opposants affirment qu'il n'a pas correctement évalué son impact environnemental. Le projet de téléphérique occupe 6,2228 hectares de forêts communautaires et publiques, le gouvernement allouant 4,97 hectares de terres publiques à sa construction. Le rapport d'Examen environnemental initial (EEI) indique que le projet couvre une superficie de 4,97 hectares. Cependant, si la superficie dépasse 5 hectares, une Évaluation de l'impact environnemental (EIE) serait obligatoire, ce qui n'a pas été fait dans ce cas.
Photo demonstrating protest rally and press meet held in Maitighar, Kathmandu. Image by National Indigenous Women's Federation – NIWF. Used with permission.

Photo d'un rassemblement de protestation à Maitighar, Katmandou. Image de la Fédération nationale des femmes autochtones – NIWF. Utilisée avec autorisation.

Récits du secteur privé

L'entreprise Himalayan Construction a remporté l'appel d'offres pour la réalisation du projet de téléphérique dans un délai de 15 mois. Selon les représentants du secteur privé, le projet stimulera le tourisme, créera des emplois et apportera la prospérité économique à la région.

L'industriel Chandra Prasad Dhakal, de l'IME, a déclaré à Dialogue Earth que les locaux seront prioritaires pour le recrutement, permettant ainsi à de nombreux porteurs actuels de pouvoir s'adapter à ces nouveaux rôles. Il a souligné que le projet créerait davantage d'emplois pour la communauté locale. Cependant, les militants affirment que les quelques emplois créés, comme les postes de sécurité, seront confiés à des entreprises basées à Katmandou plutôt qu'à des locaux.

Les militants ont alerté sur le fait que la construction du téléphérique se poursuit sans le consentement libre, préalable et éclairé (CLPI) du peuple Limbu, ce qui constitue une violation directe des traités internationaux, notamment la Convention n° 169 de l'OIT et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Les pratiques culturelles et religieuses coutumières des Limbu sont également protégées par diverses lois internationales, ainsi que par les articles 26 et 32 ​​de la constitution du Népal.

Protest on February 23, 2025. Image by National Indigenous Women's Federation – NIWF. Used with permission.

Manifestation du 23 février 2025. Image de la Fédération nationale des femmes autochtones – NIWF. Utilisée avec autorisation.

Résistance locale

Les communautés autochtones continuent de s'élever collectivement contre le projet de téléphérique et utilisent divers outils de plaidoyer, notamment le मुक्कुम्लुङ (Mukkumlung) au théâtre, les plateformes numériques comme les réseaux sociaux (Facebook et Instagram), les manifestations sur les routes, l'art et des campagnes continues.

Un appel conjoint a été déposé par cinq organisations de défense des droits humains, appelant à une résolution respectueuse des droits humains par le biais d'un dialogue constructif et de négociations concernant le litige relatif au projet de téléphérique du temple de Pathibhara.

Le gouvernement népalais a chargé le ministère des Affaires fédérales et de l'Administration générale (MoFAGA) de coordonner les efforts et de traiter les questions relatives à la construction dudit téléphérique. Les discussions entre le groupe « No Cable Car » et le gouvernement se poursuivent afin de garantir que le développement ne se fasse pas au détriment des droits humains.

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La Thaïlande déporte « secrètement » 40 Ouïghours vers la Chine, malgré l'indignation des groupes de défense des droits humainshttps://fr.globalvoices.org/?p=294910http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250508_184535_La_Thailande_deporte____secretement____40_Ouighours_vers_la_Chine__malgre_l_indignation_des_groupes_de_defense_des_droits_humainsThu, 08 May 2025 16:45:35 +0000Les réfugiés avaient été détenus à Bangkok pendant plus de dix ans

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Uyghur refugees being deported

Kannavee Suebsaeng, député du parti Fair, a publié une photo montrant des fourgons de détention aux vitres recouvertes par des bandes adhésives noires, quittant le centre de détention de l'immigration de Suan Phlu. Source: Prachatai, partenaire de Global Voices. Utilisée avec permission.

Le gouvernement thaïlandais a déporté 40 Ouïghours en Chine, malgré la mise en garde des défenseurs des droits humains, qui redoutent pour eux et leurs familles, une détention arbitraire prolongée, de la torture, voire même la mort.

Les 40 Ouïghours ont été détenus en Thaïlande pendant plus de dix ans, après être entrés illégalement dans le pays. Ces personnes, qui avaient fui la région du Xinjiang en 2014, cherchaient à obtenir l'asile en Thaïlande lorsqu'elles ont été arrêtées.

Les Ouïghours, peuple musulman turcophone, sont originaires du nord-ouest de la Chine, notamment de la région du Xinjiang. Depuis 2016, les Nations Unies et plusieurs organisations internationales de défense des droits humains tirent la sonnette d'alarme, dénonçant de graves violations des droits humains, après que la Chine a imposé des mesures répressives dans la région et établi « des camps de rééducation », visant soi-disant à effacer l'identité et la culture des Ouïghours.

Face à la menace d'expulsion, les Ouïghours détenus en Thaïlande avaient entamé en janvier une grève de la faim de 18 jours, qu'ils ont interrompue après que les autorités thaïlandaises leur avaient garanti, ainsi qu'au public, garanti qu'aucune expulsion n'aurait lieu.

Pourtant, dans la nuit du 27 février, ils ont secrètement été transférés du centre de détention de l'immigration jusqu'à l'aéroport. L'agence de presse chinoise Xinhua a rapporté que « 40 ressortissants chinois impliqués dans l'immigration illégale ont été rapatriés de Thaïlande dans le cadre d'une opération conjointe de lutte contre la criminalité transfrontalière.» Aucune mention n'a été faite du statut de réfugiés de ces personnes ni de leur fuite de la Chine pour échapper à la persécution.

En février, la Première ministre thaïlandaise, en visite d'État en Chine, assurait que les Ouïghours avaient quitté le pays « de leur plein gré» et que Pékin avait donné les « garanties » suffisantes quant à leur sécurité. Son ministre de la Défense a ajouté que le gouvernement thaïlandais avait « agi de bonne foi pour éviter une crise diplomatique » puisque qu'aucun autre pays n'accepter de recueillir ces réfugiés.

Cependant, le député Kannavee Suebsaeng du parti Fair, a rendu publiques des lettres écrites par certains réfugiés ouïghours et leurs proches, dans lesquelles ils contestaient leur retour forcé en Chine. Le parlementaire a également rappelé aux autorités que la Turquie avait, par le passé, exprimé sa volonté d'accueillir ces réfugiés ouïghours.

En lien avec le sujet, la vidéo ci-dessous, mise en ligne en janvier par une mère ouïghoure implorant la libération de son fils et des autres réfugiés détenus en Thaïlande (à partir de 5:37).

L'annonce soudaine de la déportation de 40 Ouïghours a aussitôt été condamnée par les Nations Unies, les ONG pour la défense des droits humains et certains gouvernements. Cette publication de l'organisation Freedom House a résumé la réaction des défenseurs des droits humains.

La décision d'hier du gouvernement thaïlandais de renvoyer 40 hommes ouïghours en Chine est une trahison totale du pays envers ses obligations en matière de droits humains, et un exemple flagrant de #répressiontransnationale. Comme l'ont démontré des semaines d'indignation internationale, rien de positif n'attend ces hommes… https://t.co/1FVvz65cqE — Freedom House (@freedomhouse) 27 février 2025

Phil Robertson, de l'organisation Asia Human Rights and Labour Advocates, a appelé la Thaïlande à renoncer à son siège au Conseil des droits humains de l'ONU en raison de ses manquements d'éthiques.

This massive human rights violation blows apart any pretense the Prime Minister Paetongtarn Shinawatra and her Thai government has made to be a rights respecting member of the UN Human Rights Council. The Thai government should resign its seat on the Council to show responsibility for its outrageous and unacceptable action.

Cette violation massive des droits humains détruit toute prétention de la Première ministre Paetongtarn Shinawatra et de son gouvernement à se présenter comme membre respectueux du Conseil des droits humains de l'ONU. Le gouvernement thaïlandais devrait démissionner de son siège au Conseil pour assumer la responsabilité de son action scandaleuse et inacceptable.

Le caricaturiste de renom stephff, basé à Bangkok, illustre les enjeux géopolitiques autour de cette problématique :

S'il vous plaît, ne les renvoyez pas en Chine où ils risquent d'être brutalement persécutés ! @PravitR @LiaSciortino @Reaproy @Piyabutr_FWP @CartooningPeace @pedroletti pic.twitter.com/jvvGiT80LJ — stephff caricaturiste (@stephffart) 27 février 2025

En réponse, l'ambassade de Chine en Thaïlande a insisté sur le fait que les institutions occidentales n'avaient aucun droit d'intervenir dans cette affaire. Afin de dissiper les spéculations concernant la sécurité des personnes expulsées, elle a diffusé des photos montrant les retrouvailles familiales après l’arrivée des 40 ouïghours dans la région du Xinjiang, située dans la ville de Kashgar. L'ambassade a également invité les autorités thaïlandaises à venir constater les conditions de vie des Ouïghours au Xinjiang.

The Thai government sent representatives to witness the situation on-site. In the future, China will continue to welcome the Thai government’s delegation to visit and understand the subsequent living conditions of the deported individuals. For those in Thailand who are concerned about the situation in China's Xinjiang region, we encourage them to visit Xinjiang and experience firsthand the region's development, changes, and the happy lives of its people.

Le gouvernement thaïlandais a envoyé des représentants sur place pour observer la situation. À l'avenir, la Chine continuera d'accueillir des délégations du gouvernement thaïlandais afin qu'elles puissent constater les conditions de vie des personnes déportées. Pour ceux en Thaïlande qui s'inquiètent de la situation dans la région du Xinjiang, nous les encourageons à visiter et à découvrir de leurs propres yeux le développement de la région, ses évolutions ainsi que le bien-être de ses habitants.

Dans la nuit de vendredi, l'ambassade de Chine a partagé des photos de certains des 40 #ouïghours déportés de la #Thaïlande vers la #Chine et a déclaré qu'ils avaient été libérés pour “mener une vie normale” et que le gouvernement chinois est prêt à accueillir des représentants thaïlandais pour vérifier leur situation dans le futur. #ChineenThaïlande pic.twitter.com/V9m5Z3L7Hd — Khaosod English (@KhaosodEnglish) 1er mars 2025

Toutefois, le journaliste vétéran Pravit Rojanaphruk a souligné que cette déportation soudaine constituait une « catastrophe en termes de relations publiques pour la Thaïlande » et que le secret autour de cette opération alimentait les soupçons.

These people were transported out of the Thai immigration detention centre, inside six vans, with all windows covered with black tapes and police signs concealed, at 2am, with no other vehicles allowed to follow. This was not a normal way of transporting people to the airport to fly back to China to lead a normal life.

Ces personnes ont été transportées hors du centre de détention de l'immigration thaïlandais, à bords de six fourgons aux vitres et aux symboles de la police dissimulés sous des bandes adhésives noires, à 2 heures du matin, sans qu'aucun autre véhicule ne soit autorisé à les suivre. Ce n'était en rien une procédure habituelle pour transporter des personnes jusqu'à l'aéroport, censées ensuite retrouver une vie normale en Chine.

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De l’argent, de l’or, des voitures et du bétail : les Kirghiz se rassemblent pour venir en aide aux enfants maladeshttps://fr.globalvoices.org/?p=294662http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250508_182851_De_l___argent__de_l___or__des_voitures_et_du_betail___les_Kirghiz_se_rassemblent_pour_venir_en_aide_aux_enfants_maladesThu, 08 May 2025 16:28:51 +0000Face à l'adversité, la nation toute entière s'est rassemblée pour mobiliser des ressources

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Un volontaire portant une veste à l’effigie de Hamza, un jeune garçon souffrant d’amyotrophie spinale. Och, Kirghizistan. Capture d’écran provenant de la vidéo « ХАМЗА / ОШ ШААРЫНДА АКЧА ЧОГУТУЛДУ » de la chaîne YouTube adil tv.  Utilisée avec permission.

Pour les habitants du Kirghizstan, mars 2025 aura été marqué par un extraordinaire effort commun pour aider les enfants souffrants d’amyotrophie spinale, une maladie génétique qui affecte le système nerveux, causant une détérioration musculaire pouvant mener à la mort si elle reste non traitée. Cette maladie rare nécessite cependant des millions de dollars pour être traitée. En effet, une seule dose de Zolgensma, un traitement médicamenteux dont une seule dose suffit à soigner la maladie, peut coûter jusqu’à 2 millions de dollars américains.

En moins de deux semaines, le pays entier s’est rassemblé pour collecter près de 510 millions de Som (environ 5,4 millions d’euros), une générosité jamais vue auparavant.

Les organisateurs de cette récolte discutent des événements dans la vidéo suivante :

Les fonds récoltés seront utilisés pour le traitement de trois jeunes garçons  : Hamza, Aslan et Bayhan, souffrant tous les trois d’amyotrophie spinale. Chacun avait besoin de 170 millions de Som (environ 1,8 million d’euros) pour le traitement, une somme astronomique que la plupart des familles kirghiz ne peuvent pas payer.

En l’absence d’aides gouvernementales pour de tels patients et par manque de temps, les familles se sont tournées vers le public, marquant le début de la plus grande et la plus rapide des campagnes participatives de l’histoire du pays.

Tout a commencé quand les parents de Hamza ont lancé une campagne en novembre 2024. Malheureusement, en mars 2025, peu de fonds avaient été récoltés. Mais le 12 du même mois, divers influenceurs se sont mis à partager l’histoire du jeune homme sur leurs comptes Instagram, encourageant leurs abonnés à donner de l’argent pour sauver la vie de l’enfant.

Les personnes les plus influentes ayant partagé la campagne étaient Atakul Zhalilov, fondateur d’une agence publicitaire appelée Tez Kabar, ainsi que Askarbek Saparbek Uulu, homme d’affaires spécialisé dans l’import automobile.

Il aura suffi de trois jours pour récolter 202 millions de Som (environ 2,1 millions d’euros). L’excédant a été transféré à la cause d’Aslan.

Le post Instagram suivant montre les organisateurs annonçant avoir atteint la somme nécessaire pour le traitement de Hamza :

Le 20 mars, la somme a grimpé à 420 millions de Som (environ 4,4 millions d’euros), bien assez pour les traitements d’Hamza et d’Aslan. Les 80 millions (environ 841 mille euros) restants ont été versés dans la campagne de Bayhan.

Le post Instagram suivant montre le public célébrant la réussite de la campagne :

La cagnotte pour le traitement de Bayhan sera remplie à peine trois jours plus tard, faisant ainsi de cette campagne un événement historique.

C’est grâce au travail acharné des volontaires, mais également grâce à une grande couverture médiatique, coïncident avec le mois sacré du Ramadan (associé avec la solidarité et les bonnes actions), que la campagne a pu générer un tel engouement.

Cependant, le facteur fondamental de cette générosité reste probablement l’institution sociétale civile du pays, qui est probablement la plus forte d’Asie Centrale. En effet, les Kirghiz n’ont pas peur de se rassembler pour aider son prochain lors des situations de crises. Cette générosité est même assez bien documentée, comme le prouve la crise de la COVID-19 en 2020 ou le conflit militaire avec le Tadjikistan en 2022.

Et cette campagne de dons en est une nouvelle preuve. Elle a permis de rassembler des citoyens de tout âge, religion, ethnie, tribu, région ou profession. Les gens n’ont pas donné que de l’argent, certains ont offert des bijoux, moutons, des chevaux, des voitures, des bus… tout ce qui pouvait aider la cause.

Le post Instagram suivant montre une personne s’apprêtant à offrir un dromadaire et deux moutons :

Le post Instagram suivant montre une personne s’apprêtant à offrir une voiture :

La campagne a véritablement dépassé son but initial, qui était de sauver la vie de trois enfants. Elle a fini par créer une discussion au niveau national quant à l’accessibilité des soins pour les maladies rares et la manière de les prévenir. Le ministère de la Santé a également annoncé que les fonds publics pour les enfants souffrant du cancer seront également alloués aux enfants souffrant de maladies rares.

Mais la campagne a par ailleurs dévoilé le manque de spécialistes et d’établissements nécessaires pour détecter et prévenir le développement de telles maladies génétiques, montrant ainsi aux parents l’importance de faire des tests génétiques.

Il faut maintenant espérer que le gouvernement et les citoyens puissent travailler main dans la main pour créer un système de donations généralisé, dans le but d’aider encore plus d’enfants dans le besoin.

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Décès du philosophe congolais V.Y. Mudimbe, auteur du célèbre essai ‘L'invention de l'Afrique’https://fr.globalvoices.org/?p=295143http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250505_043612_Deces_du_philosophe_congolais_V.Y._Mudimbe__auteur_du_celebre_essai____L_invention_de_l_Afrique___Mon, 05 May 2025 02:36:12 +0000L'anthropologie occidentale a introduit des distorsions pour les Africains qui cherchent à se comprendre eux-mêmes

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de RFI.

Le philosophe et écrivain congolais Valentin Yves Mudimbe est décédé le 22 avril à l'âge de 83 ans. Il laisse derrière lui une œuvre essentielle pour penser la colonisation et les identités africaines. Son livre “The Invention of Africa”, écrit en anglais, demeure un classique qui continue d'inspirer de nouvelles générations de chercheurs et lecteurs. 

Mudimbe est né en 1941 au Congo belge – la RDC d’aujourd’hui – et après une courte carrière devant le destiner à la prêtrise, se tourne vers la philosophie qu’il étudie en Belgique dans les années 60-70. Il rentre ensuite en RDC, un pays indépendant depuis 1960, mais qu’il quitte dès 1979 comme de nombreux opposants au régime de Mobutu Sese Seko. Il s’exile aux États-Unis où il entame une carrière de professeur d'université.

Penser le colonialisme 

Mudimbe est surtout connu pour plusieurs ouvrages de réflexion qui marquent les études postcoloniales et servent de référence pour toute étude de ce phénomène historique et politique dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui. Parmi ces livres, écrits en français soit directement en anglais, il faut citer “The Invention of Africa” (L’invention de l’Afrique), publié en 1988. Selon le texte de couverture du livre

What is the meaning of Africa and being an African? What is and what is not African philosophy? Is philosophy part of Africanism? […] Western anthropology and missionaries have introduced distortions not only for outsiders but also for Africans trying to understand themselves. Mudimbe goes beyond the classic issues of African anthropology or history. He says that the book attempts an archeology of African gnosis as a system of knowledge in which major philosophical questions recently have arisen.

Que signifie l'Afrique et le fait d'être Africain ? Qu'est-ce que la philosophie africaine et qu'est-ce qui ne l'est pas ? La philosophie fait-elle partie de l'africanisme ? […] L'anthropologie occidentale et les missionnaires ont introduit des distorsions non seulement pour les étrangers, mais aussi pour les Africains qui cherchent à se comprendre eux-mêmes. Mudimbe dépasse les questions classiques de l'anthropologie ou de l'histoire africaines. Il affirme que ce livre propose une archéologie de la gnose africaine en tant que système de connaissance où des questions philosophiques majeures ont récemment surgi. 

Mudimbe pose en effet la question de savoir comment déconstruire ce qu'il appelle la “bibliothèque coloniale”, c'est à dire le savoir créé à l'époque coloniale qui continue de façonner les discours sur les identités africaine. Cette vidéo, entrecoupée d’une interview avec Mudimbe, offre, en anglais, un résumé des principales notions de ce livre:

 

Mudimbe le romancier 

Mais Mudimbe est aussi romancier, célébré pour les romans parus principalement dans les années 70:  “Entre les eaux. Dieu, un prêtre, la révolution qui décrit le dilemme d'un prêtre partagé entre son sacerdoce et ses désirs de faire carrière en politique ;Le Bel Immondequi à travers la relation d'un ministre et d'une prostituée analyse les rapports de pouvoir dans le Zaïre indépendant, et aborde également la question de l'homosexualité. Il écrit aussi “L’écart qui traite de la question de la subjectivité africaine; et plus tard en 1989 “Shaba deux : les carnets de mère Marie-Gertrude” qui se présente comme le journal intime d'une religieuse africaine confrontée à l'expérience de la guerre.

L'oeuvre de fiction de Mudimbe rejoint en ce sens ses interrogations sur les rapports de force, l'empreinte des idéologies et la possibilité du choix individuel dans des situations extrêmes.

Pour en savoir plus, lire:  Pour une critique littéraire africaine: Interview avec le créateur de Chroniques littéraires africaines 

Réactions 

En RDC, la disparition de cette grande figure de la littérature congolaise et africaine laisse un grand vide comme en témoigne Delly Sesanga Hipungu, avocat et citoyen de la RDC sur son compte X:

Bien qu'il ait passé la majorité de sa vie en exil, Mudimbé a eu un impact considérable sur l'évolution de la littérature de son pays et sur le continent. A cet effet, des écrivains congolais réclament une reconnaissance nationale pour l'écrivain ainsi que le rapatriement de sa dépouille.

Hors des frontières congolaises, c'est en Belgique et aux États-Unis que sa mémoire est saluée. Sur le site de l'université catholique de Louvain où il a fait ses études et enseigné, Martin Vander Elst, Maître de conférences invité à l’école de criminologie (UCLouvain) et Aurore Vermylen, Post-doctorante au Laboratoire d’anthropologie Prospective et au Centre d’étude des crises et des conflits internationaux (UCLouvain) publient , le 29 avril, un article lui rendant hommage:

L’indiscipline intellectuelle pratiquée par Mudimbe reste d’une grande actualité pour travailler les savoirs constitués par l’Occident afin de saisir comment des formes de domination se sont historiquement construites.

Plus loin, les deux universitaires émettent le vœu de voir leur université organiser un colloque international en honneur de Mudimbe:

En tant qu’anthropologues de l’UCLouvain, nous serions particulièrement heureux que notre université puisse enfin organiser un grand colloque d’hommage pour continuer à partager l’héritage littéraire et philosophique de Mudimbe aux nouvelles générations qui en seront les continuatrices.

Les États-Unis, quant à eux, reconnaissent ses contributions dans l'enseignement dans les universités américaines ainsi que l’héritage intellectuel remarquable qu'il laisse derrière lui. Sur leur compte X, il publie:

 

 

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Pressions vs principes : l'extradition d'Abdel-Rahman al-Qaradawi du Liban vers les EAU défraie la chroniquehttps://fr.globalvoices.org/?p=292806http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250503_201251_Pressions_vs_principes___l_extradition_d_Abdel-Rahman_al-Qaradawi_du_Liban_vers_les_EAU_defraie_la_chroniqueSat, 03 May 2025 18:12:51 +0000Le Liban extrade Abdel-Rahman al-Qaradawi vers les EAU malgré les mises en garde des défenseurs des droits humains

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de la vidéo d'Abdel-Rahman al-Qaradawi dans la mosquée des Omeyyades à Damas. Utilisée avec permission.

La décision du Liban d'extrader l'activiste et poète égypto-turc Abdel-Rahman al-Qaradawi vers les Émirats arabes unis (EAU) a été vivement critiquée par les organisations de défense des droits humains. Cette décision soulève des inquiétudes quant au respect par le Liban de ses obligations internationales en matière de droits humains, ainsi que sur les risques encourus par al-Qaradawi aux EAU.

Qui est Abdel-Rahman al-Qaradawi ?

Abdel-Rahman al-Qaradawi est un poète et militant politique égyptien connu pour ses prises de position fermes contre les régimes autoritaires du Moyen-Orient. Il est le fils de feu Yusuf al-Qaradawi, un éminent universitaire islamique et ancien leader spirituel du mouvement des Frères musulmans. Avant son arrestation, al-Qaradawi vivait en Turquie et détenait la nationalité turque. Au moment de la rédaction, son site Web est inaccessible.

En décembre 2024, al-Qaradawi a voyagé pour la Syrie afin de célébrer la chute du régime du président Bashar al-Assad. Au cours de son séjour, il a enregistré une vidéo depuis la mosquée des Omeyyades à Damas, dans laquelle il critique les autorités émiriennes, saoudiennes et égyptiennes. Cette vidéo, largement relayée sur les réseaux sociaux serait la cause de son arrestation. À son retour au Liban le 28 décembre 2024, il a été interpellé par les autorités libanaises au poste-frontière de Masnaa, suite à un mandat d'arrêt international délivré par le Conseil des ministres de l'intérieur arabes à la demande de l'Égypte. 

Demandes d'extradition par l'Égypte et l'EAU 

L'Égypte, suivie plus tard par les EAU , ont tous les deux soumis des demandes d'extraditions officielles concernant al-Qaradawi. D'après le quotidien libanais L’Orient-Le Jour , l'avocat d'al-Qaradawi,   Mohammad Sablouh, a déclaré que « les accords d'extraditions entre le  Liban et L'Égypte ne s'appliquent pas aux crimes à caractère politique, ni lorsque les auteurs de tels crimes risquent d'être torturés dans le pays requérant ». Il a ajouté que « de toute manière, les faits reprochés à Qaradawi remontent à 2017 et sont désormais prescrits en vertu du délai de prescription de cinq ans ».  

La demande d'extradition des EAU serait fondée sur le principe de réciprocité, aucun accord d'extradition officiel n'existant entre le Liban et les EAU.  Les autorités émiriennes ont invoqué les déclarations critiques  d'al-Qaradawi à l'encontre de leur gouvernement comme motif de leur enquête. 

Préoccupations et avertissements juridiques en matière de droits humains 

Des organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, se sont fortement opposées à l'extradition d'al-Qaradawi vers l'Égypte ou les EAU. Elles rappellent que, l'extrader constituerait une violation du principe de non-refoulement, lequel interdit le transfert des personnes vers des pays où elles sont exposées à de graves violations des droits humains, notamment la torture et la détention arbitraire.  Amnesty International souligne qu'al-Qaradawi sera exposé au « risque d'être victime d'une disparition forcée, d'actes de torture et de mauvais traitements » s'il est renvoyé en Égypte , et des risques similaires s'il est extradé vers les EAU. 

Sara Hashash, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International, a déclaré que « Cette affaire est un test quant à l’engagement des autorités libanaises en faveur du droit à la liberté d’expression. Elles doivent faire passer le respect des droits humains et des obligations découlant du droit international avant les liens politiques et les intérêts économiques ».

Critiques sur la souveraineté et les pressions extérieures 

Malgré ces mises en garde, le gouvernement libanais a voté, le 7 janvier 2025, l'extradition de Qaradawi vers les EAU. La décision a été mise en œuvre rapidement et al-Qaradawi a été remis aux autorités des EAU en quelques jours.  Ce processus accéléré a été critiqué pour son manque de transparence et de respect des procédures légales, remettant en cause l'engagement du Liban en matière de droits humains et d'indépendance judiciaire.

Les autorités libanaises doivent sans attendre rejeter les demandes d’extradition visant Abdul Rahman Al-Qaradawi déposées par les autorités égyptiennes et émiriennes. Le poète égypto-turc a été arrêté arbitrairement par les forces de sécurité libanaises à son retour d’un séjour en Syrie https://t.co/RLhZX1BCfU

— Amnesty MENA (@AmnestyMENA) 7 janvier 2025

La décision du gouvernement libanais a été perçue par beaucoup comme une capitulation face à la pression extérieure, en particulier celle des EAU. Les critiques soutiennent que cette extradition expéditive met à mal la souveraineté et l'indépendance judiciaire du Liban, créant ainsi un dangereux précédant pour les futurs cas impliquant des opposants politiques. L'absence de traité officiel d'extradition entre le Liban et les EAU ne fait qu'aggraver ces inquiétudes. 

Déclaration des autorités libanaises

Les autorités libanaises ont justifié l'extradition en invoquant les intérêts nationaux et les relations diplomatiques. Le Premier ministre Najib Mikati aurait déclaré que le maintien de liens solides avec les EAU constituait une priorité, insinuant que cette considération l'emportait sur les préoccupations liées au cas individuel d'al-Qaradawi. Cette position a suscité des critiques de la part des défenseurs des droits humains qui affirment que les relations diplomatiques ne devraient pas primer sur les obligations en matière de droits humains. 

Réactions sur les réseaux sociaux 

L'extradition a suscité de vives protestations sur les plateformes des médias sociaux. Des activistes, des journalistes et des citoyens inquiets ont exprimé leur consternation face à la décision du Liban. L'animatrice de la chaîne de télévision AlJazeera , Hayat El Yamani a écrit sur X :

Abdul-Rahman Al-Qaradawi est un poète qui s'était rendu en Syrie pour célébrer la libération de ce peuple, et qui est désormais arrêté au Liban, risquant d'être extradé vers l'Égypte en raison d'un mandat d'arrêt égyptien. Il a récemment été rapporté que le  Liban a accéléré les procédures pour remettre al-Qaradawi aux… pic.twitter.com/SHIoYGi003

— حياة اليماني🦌🇵🇸 (@HaYatElYaMaNi) 4 janvier 2025

Mohammad Mokhtar Al Shinqiti, un universitaire mauritanien et influenceur X a écrit :

La décision du sous-traitant #Mikati de livrer le poète révolutionnaire  #Abdulrahman_Yusuf_Al-Qaradawi aux Émirats constitue une injustice odieuse à son égard, et une insulte à la République turque dont il a utilisé le passeport pour entrer au #Liban, et au peuple syrien que le poète est venu féliciter pour sa brillante victoire face à la tyrannie, et une claque pour chaque personne libre de notre nation.. Cela ne peut être toléré. pic.twitter.com/tYqoLn1G5D

— محمد المختار الشنقيطي (@mshinqiti) 7 janvier 2025

Pendant ce temps, le compte X « Towards freedom », a posté sur X:

En quoi un poète constitue-t-il un danger pour la sécurité des Émirats? En quoi un poème met-il en péril la sécurité nationale? #Abdulrahman_Yusuf_Al-Qaradawi pic.twitter.com/etSIzwOIgD

— نحو الحرية (@hureyaksa) 8 janvier 2025

Cet incident survient dans un contexte de fortes tensions politiques au Liban. Le pays fait face à d'importantes pressions extérieures et menaces pesant sur sa souveraineté, notamment en lien avec les élections présidentielles du 9 janvier, au cours desquelles l'ancien général de l'armé, Joseph Aoun, a été élu par le Parlement, dans un climat marqué par des accusations d'ingérences américaines, françaises et saoudiennes. 

Risques potentiels auxquels serait exposé al-Qaradawi aux EAU

Aux EAU, al-Qaradawi risque d'être victime de graves violations des droits humains. Le pays est reconnu pour sa répression de toute dissidence, avec des témoignages de détention arbitraire, de torture, et de procès inique pour les militants politiques. Les organisations de défense des droits humains ont  exprimé de vives inquiétudes quant à la sécurité et au bien être d'al-Qaradawi, craignant qu'il ne soit soumis à des traitements inhumains et privé de toute procédure légale.

Ce cas pourrait créer un précédent inquiétant pour les futures extraditions, en particulier pour les personnes exposées à des violations des droits humains. Cela soulève également un enjeu plus vaste, celui de la souveraineté du Liban et de son respect des normes internationales en matière de droits humains dans le cadre de ses procédures d'extraditions. 

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Azerbaïdjan : le viol statutaire d'une mineure suscite l'indignationhttps://fr.globalvoices.org/?p=294613http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250503_195245_Azerbaidjan___le_viol_statutaire_d_une_mineure_suscite_l_indignationSat, 03 May 2025 17:52:45 +0000Les familles de la victime et de l'agresseur ont discrètement organisé une cérémonie de mariage après avoir appris la grossesse de la jeune fille

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image d'Arzu Geybullayeva créée via Canva Pro

Le cas récent de l'accouchement d'une jeune fille dans la ville d'Aghjabedi, en Azerbaïdjan, est un exemple flagrant du manque de dispositifs de protection pour les mineurs et la négligence persistante des autorités face aux phénomènes de mariages précoces et de grossesses chez les mineures. Cette fois, c'est une jeune fille de 15 ans qui est au cœur de cette affaire ayant provoqué un tollé dans la société : le « mari » a échappé aux poursuites pour atteinte sexuelle sur mineure, alors qu'elle n'avait que 13 ans au moment des faits. Bien que l'âge légal du mariage soit fixé à 18 ans en Azerbaïdjan, la famille de l'adolescente et celle de l'agresseur ont organisé une petite cérémonie de « mariage » en présence des proches de la famille, peu après la découverte de la grossesse de la jeune fille. L'homme, âgé de 24 ans, n'a été condamné qu'à une peine avec sursis, les enquêteurs ayant considéré comme circonstance atténuante le fait que la jeune fille vivait déjà chez la famille de l'accusé au moment de l'accouchement.

Les faits ont été rapportés pour la première fois par la journaliste Ulviyya Ali, qui a expliqué dans une publication Facebook comment elle avait découvert cette affaire judiciaire datant du 12 mars de cette année, impliquant un homme né en 2001 ayant abusé sexuellement d'une mineure née en 2010 à Aghjabedi. L'homme a été officiellement arrêté en novembre 2024. Selon les documents du tribunal, Ali a précisé que l'homme fréquentait l'adolescente depuis mai 2024. Elle a également décrit comment, lors de son audience, l'homme a tenté de rejeter l'entière responsabilité sur la jeune fille.

Le couple a été officiellement fiancé lors d'une cérémonie familiale en avril 2024. On leur avait indiqué qu'une fois la jeune fille ayant atteint l'âge légal du mariage, ils pourraient signer officiellement les documents matrimoniaux. Cependant, selon le témoignage de l'homme devant le tribunal, ce serait la jeune fille qui aurait insisté pour fonder une famille avec lui et l'aurait contraint, prétendant qu'il ignorait que les relations sexuelles avec une personne de moins de 16 ans étaient strictement illégales.

En Azerbaïdjan, l‘âge du consentement est fixé à 16 ans et l'âge légal du mariage à 18 ans, une disposition en vigueur depuis 2011. Avant cette date, l'âge légal du mariage pour les filles était de 17 ans, puis il est passé à 18 ans (avec certaines exceptions). Grâce aux récents amendements, ces exceptions ont été supprimées, imposant désormais que les deux parties aient 18 ans. Néanmoins, en Azerbaïdjan, il arrive encore que de jeunes filles de 13–14 ans soient fiancées, puis mariées officieusement dès l'âge de 15–16 ans.

Dans cette affaire, la jeune fille est tombée enceinte et, après avoir appris la grossesse, la famille a discrètement organisé un mariage et a envoyé la jeune fille vivre chez la famille de l'homme. Ce n'est qu'à l'occasion d'un examen médical, alors que l'adolescente était déjà enceinte de cinq mois, que les médecins ont alerté la police, constatant qu'elle était mineure et enceinte.

Réactions et critiques

Dans une interview accordée à OC Media, l'avocat spécialisé en droits humains Fariz Namazli a déclaré que considérer la grossesse de la jeune fille comme une circonstance atténuante n'était en rien justifié. Au contraire, selon Namazli, « cela devrait être considéré comme une circonstance aggravante puisqu'elle entraîne de graves conséquences », précisant que « les relations sexuelles avec une personne de moins de 16 ans sans son consentement constituent une infraction pénale » conformément à la législation azerbaïdjanaise.

Namazli a expliqué qu'une personne ayant des relations sexuelles avec un mineur âgé de 12 à 14 ans risque une peine d'emprisonnement de 15 à 20 ans. Même avec le consentement de la personne, la peine d'emprisonnement peut varier de 3 à 6 ans, car cela engage tout de même une responsabilité pénale. Dans les deux cas, l'auteur des faits peut également être sanctionné par « l'interdiction d'occuper certains postes ou d'exercer certaines activités pendant trois ans. »

L'avocat a ajouté qu'un mineur peut consentir verbalement, mais ne saisit probablement pas la portée réelle de sa décision.

Gulnara Mehdiyeva, féministe activiste qui reçoit fréquemment des plaintes de femmes à travers le pays concernant de graves violations des droits et des cas de violence domestique, a déclaré à Jam News que les droits de l'enfant avaient été gravement bafoués. Elle a souligné qu'il s'agissait ni de la première ni la dernière fois, insistant sur la nécessité d'introduire des changements structurels. « Il ne s'agit pas d'un cas isolé, mais d'un problème systémique. L'Etat doit aller au-delà de la simple sanction et mettre en place des programmes visant à éduquer les mineurs et à élargir leurs horizons. »

Selon une publication de Mehdiyeva sur Facebook, la seule personne véritablement tenue pour responsable a été la directrice de l'école fréquentée par la jeune fille. Kamala Aghazade, présidente de l'Union des Enfants d'Azerbaïdjan (ACU), a révélé dans une publication Facebook que la directrice de l'école avait été démise de ses fonctions pour « négligence » dans cette affaire. Mehdiyeva s'est également interrogée sur l'accès de l'enfant à un soutien psychosocial. « Après tout, l'enfant reste mineur et risque de donner naissance à un autre enfant avec le même homme », souligne l'activiste.

L'avocat Samed Rahimli a déclaré lors d'une interview avec JAM News que les parents devraient également être tenus responsables en vertu du code de la famille. Les parents de la jeune fille « ont permis à leur enfant de devenir victime d'un crime », et devraient donc aussi répondre de leurs actes, a-t-il souligné.

L'âge légal du mariage fixé à 18 ans n'a été introduit que récemment par la loi de la République d'Azerbaïdjan n°1198-VIQD du 28 juin 2024, et entrera en vigueur le 1er juillet de cette année.

Un rapport récent d'Equality Now place l'Azerbaïdjan parmi les trois premiers pays d'Eurasie où « le mariage précoce et forcé des enfants (CEFM) demeure un problème persistant et insuffisamment traité ». L'étude examine la situation en Arménie, en Azerbaïdjan, en Géorgie, au Kirghizistan, en Russie, au Tadjikistan et en Ouzbékistan. Le rapport concernant l'Azerbaïdjan précise qu'« environ 11% des femmes de 20 à 24 ans se marient avant l'âge de 18 ans ».

D'après le Comité national des statistiques d'Azerbaïdjan, 1 700 filles âgées de 15 à 17 ans ont accouché en 2023, et pour plus de 1 600 d'entre elles, il s'agissait de leur premier enfant.

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Les femmes mènent la lutte contre la violence sexiste dans le nord du Nigériahttps://fr.globalvoices.org/?p=294808http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250503_193550_Les_femmes_menent_la_lutte_contre_la_violence_sexiste_dans_le_nord_du_NigeriaSat, 03 May 2025 17:35:50 +0000« Nous ne pouvons pas parler de consolidation de la paix alors que les femmes vivent dans la peur chez elles »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Binta Adamu Bello, de l'Agence nationale pour l'interdiction de la traite des êtres humains (NAPTIP), à droite, avec Hafsat Muhammad Baba lors d'une visite au bureau de la GIWAC pour favoriser une collaboration efficace contre la traite des femmes dans le pays. Photo de la GIWAC, utilisée avec permission.

Cet article de Mohammed Ibrahim a été initialement publié par Peace News Network le 5 mars 2025. Une version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Dans le nord du Nigéria, où des normes patriarcales profondément ancrées réduisent souvent les femmes au silence, une nouvelle vague d'initiatives menées par des femmes émerge, non seulement pour lutter contre les violences basées sur le genre (VBG), mais aussi pour favoriser la paix et la cohésion sociale.

Historiquement exclues des discussions de paix, les femmes sont désormais au premier plan. Elles plaident pour la justice, soutiennent les survivantes et transforment la perception sociétale de la violence domestique afin de la faire connaître comme une menace majeure pour la stabilité communautaire.

La violence de genre comme obstacle à la paix

Une enquête menée en 2019 par le Bureau national des statistiques du Nigéria a montré que 30 % des femmes du pays âgées de 15 à 49 ans avaient subi des violences physiques, tandis que 68 % avaient subi des violences émotionnelles, économiques ou sexuelles.

Hafsat Muhammad Baba, cheffe d'équipe de GIWAC. Photo de GIWAC, utilisée avec autorisation.

Une violence tellement généralisée constitue non seulement une violation des droits humains, mais aussi un obstacle majeur à une paix durable. « Lorsque les femmes ne sont pas en sécurité, les communautés restent instables », déclare Hafsat Muhammad Baba, cheffe de l'Initiative globale pour les femmes et les enfants (GIWAC) à Kaduna [fr], dans le nord-ouest du Nigéria. Elle ajoute : « Nous ne pouvons pas parler de consolidation de la paix tant que les femmes vivent dans la peur chez elles ».

Les organisations de femmes comblent les lacunes laissées par la faiblesse de l’application de la loi et l’intervention limitée du gouvernement, en fournissant des structures de soutien qui favorisent la guérison et la réconciliation tout en encourageant un changement culturel vers la non-violence.

Autonomiser les femmes en tant qu'agents de paix

Baba, responsable de l'équipe de l'Initiative globale pour les femmes et les enfants (GIWAC), souligne que la lutte contre les violences de genre est essentielle pour une paix durable. « Nous devons veiller à ce que les femmes soient entendues avant que la violence ne dégénère en une crise généralisée », a-t-elle déclaré à Peace News Network (PNN).

Son organisation mène des activités de plaidoyer auprès des populations locales, en formant les femmes à reconnaître les signes avant-coureurs de maltraitance et à dénoncer la situation avant qu'elle ne s'aggrave. Baba explique :

Les survivants ont besoin d'espaces sûrs pour partager leur histoire et obtenir du soutien. Il ne s'agit pas seulement de justice ; il s'agit de guérison, de rétablissement de la confiance et de restauration de la dignité.

Elle plaide également en faveur de l’implication des hommes dans les efforts de consolidation de la paix, soulignant que la masculinité toxique et les attentes sociétales alimentent souvent la violence domestique.

Les hommes doivent comprendre que la force ne réside pas dans la violence mais dans le respect et le partenariat.

Hafsat Muhammad Baba en compagnie de responsables de la délégation du Gender Awareness Trust (GAT) au bureau du GIWAC. Ces deux groupes luttent contre les violences faites aux femmes dans le nord du Nigéria. Photo du GIWAC, utilisée avec permission.

Pour renforcer l’impact de leur plaidoyer, Baba appelle les chefs religieux et traditionnels à jouer un rôle actif.

Les mosquées, les églises et les rassemblements communautaires devraient servir de plateformes pour renforcer les messages de non-violence et de respect des femmes, insiste-t-elle.

Baba affirme également que ces plateformes peuvent être utilisées pour éduquer les hommes sur ce que disent réellement les écritures religieuses sur le traitement des femmes avec respect.

Surmonter les obstacles à la justice et à la paix

Hannatu Ahuwan de Legal Awareness for Nigerian Women souligne les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées lorsqu'elles cherchent justice.

De nombreuses survivantes sont contraintes d’abandonner leurs poursuites, ce qui renforce le cycle de l’impunité.

Bien que la loi interdisant la violence contre les personnes (VAPP) ait été transposée dans la plupart des États du Nord, son application insuffisante demeure problématique. Elle a expliqué que l'absence de centres d'orientation pour les victimes d'agressions sexuelles (SARC), les contraintes financières et les risques sécuritaires compliquent encore davantage la lutte contre les VBG.

L’insécurité dans la région rend difficile notre intervention dans les zones à haut risque où la violence à l’égard des femmes est la plus répandue.

Ahuwan estime qu’un système de réponse bien coordonné à la violence de genre aiderait non seulement les survivants, mais contribuerait également à des efforts plus larges de consolidation de la paix.

Les communautés qui luttent activement contre la violence de genre favorisent des environnements où les conflits sont réglés pacifiquement plutôt que par la violence.

Le plaidoyer juridique et la médiation comme outils de consolidation de la paix

Olufunke Bamikole, présidente de la branche de Kaduna de la Fédération internationale des femmes juristes (FIDA), photo via Olufunke Bamikolé

Olufunke Bamikole, présidente de la branche de Kaduna de la Fédération internationale des femmes juristes (FIDA), souligne le rôle du plaidoyer juridique pour assurer une paix durable : « Une société qui ne protège pas ses femmes ne peut pas parvenir à une paix durable », dit-elle.

Le travail de la FIDA s'étend au-delà des litiges, à la médiation et à la résolution des conflits. « Tous les cas ne se terminent pas forcément devant les tribunaux », explique Bamikole. « Lorsque les conflits sont résolus à l'amiable, les survivants se sentent souvent plus autorisés et les communautés apprennent des méthodes plus saines pour gérer les conflits. »

Collaboration des médias, du gouvernement et des communautés pour la paix

Baba, Ahuwan et Bamikole s'accordent à dire que les médias jouent un rôle crucial dans l'évolution des mentalités face aux violences de genre. « Lire des témoignages de survivantes qui ont surmonté leur traumatisme donne du courage à d'autres pour briser le cycle de la violence », explique Baba.

Ahuwan exhorte le gouvernement à prendre des mesures plus proactives pour renforcer les mécanismes de réponse aux violences de genre.

Élargir le rôle des femmes dans les processus de paix

Malgré les barrières systémiques, les groupes dirigés par des femmes continuent de revendiquer la place qui leur revient dans les discussions de paix. Baba explique :

Les femmes sont des artisanes de paix naturelles. Elles jouent un rôle de médiatrices au sein des familles, résolvent les conflits et favorisent l'unité, mais elles sont souvent exclues des processus de paix formels.

Elle appelle à une plus grande inclusion des femmes dans les discussions sur la sécurité, le dialogue interreligieux et l’élaboration des politiques.

Une société pacifique est une société dans laquelle les femmes ne sont pas seulement protégées, mais participent activement à l’élaboration des politiques qui ont un impact sur leur vie, dit-elle.

Appel à l'action pour une paix durable

La lutte contre les violences de genre dans le nord du Nigéria est plus qu'une question de droits des femmes : c'est un impératif de paix et de sécurité. Une paix durable ne peut être instaurée tant que la moitié de la population continue d'être confrontée à la violence et à la discrimination.

Alors que les organisations dirigées par des femmes se mobilisent, leur travail doit être reconnu, soutenu et amplifié. « La voix des femmes ne peut plus être ignorée », déclare Baba. « Leur combat pour la justice et l'égalité est un combat pour l'avenir du nord du Nigéria et pour une paix durable. »

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L'impact des investissements chinois dans l'industrie indonésienne du nickel sur les communautés localeshttps://fr.globalvoices.org/?p=294713http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250503_192015_L_impact_des_investissements_chinois_dans_l_industrie_indonesienne_du_nickel_sur_les_communautes_localesSat, 03 May 2025 17:20:15 +0000Les cours d'eau sont pollués, les poissons ont disparu et les résidents signalent d'importants problèmes de santé

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

A nickel mining site in Indonesia.

Un site minier de nickel en Indonésie. Capture d'écran d'une vidéo YouTube de CNBC. Utilisée avec permission.

Cet article a été soumis dans le cadre du Global Voices Climate Justice Fellowship, qui associe des journalistes de pays sinophones et de pays de la majorité mondiale pour enquêter sur les effets des projets de développement chinois à l'étranger.

Joko, 49 ans, a pagayé sur son canoë à travers les eaux troubles de la mer jusqu'à son domicile du village de Kurisa, un paisible village de pêcheurs du centre de Sulawesi, en Indonésie. Après avoir flotté huit heures dans la mer de Banda, armé d'appâts et de quatre litres de diesel à 100 000 IDR (6 USD), il espérait ramener une prise valant au moins le double de son essence. Il a confié son poisson à sa femme, qui l'a habilement placé dans un bassin vert foncé : quelques vivaneaux rouges et des listaos pesant seulement deux kilos. Juste de quoi nourrir une famille de cinq personnes pendant quelques jours.

Joko est l'un des rares pêcheurs encore présents à Kurisa, foyer de la communauté indigène Bajau. Il y a des années, une eau cristalline entourait Kurisa de récifs coralliens éclatants et de bancs de poissons. Aujourd'hui, l'eau est devenue opaque et polluée, sans poisson à pêcher. La qualité de l'eau de mer a diminué avec l'installation de mines et d'usines de nickel, polluant l'écosystème environnant et détruisant les moyens de subsistance locaux. Joko a déclaré :

Autrefois, il suffisait d'étendre un filet sous notre maison, d'attendre une heure et nous en récupérions dix kilos. Aujourd'hui, nous sommes heureux de pouvoir ramener cinq kilos de poisson après avoir navigué pendant des heures à des kilomètres de là.

Joko et des dizaines de milliers d'habitants de Bahodopi ont vu leur vie changer radicalement après l'essor de la production de nickel dans leur pays d'origine.

L'Indonésie abrite la plus grande réserve mondiale de nickel, avec 5,2 milliards de tonnes de minerai et 57 millions de tonnes de métal, soit 42 % des réserves mondiales de nickel. Ces ressources sont principalement dispersées à Sulawesi et aux Moluques, dans l'est de l'Indonésie. L'une des mines les plus riches se trouve dans le district de Bahodopi, ville natale de Joko, à Sulawesi.

Carte de l'Indonésie. Capture d'écran d'une vidéo YouTube de la BBC. Utilisation conforme aux normes.

La demande croissante de nickel

L'exploitation du nickel à Sulawesi a débuté au début des années 2000, mais elle a pris son essor au cours de la dernière décennie, suite à une forte demande mondiale de nickel, un composant essentiel des batteries des véhicules électriques (VE). La transition mondiale vers les VE est alimentée par la demande pressante de transports écologiques et par une dépendance réduite aux combustibles fossiles. Capitalisant sur ses vastes réserves de nickel, l'Indonésie ambitionne de devenir un acteur majeur du marché mondial d'ici 2027.

En 2013, les conglomérats miniers indonésiens PT Bintang Delapan Investment et PT Sulawesi Mining Investment se sont associés à une société minière chinoise, Tsingshan Holding Group Company Limited (青山控股集团有限公司), pour construire le plus grand centre de traitement du nickel d'Asie du Sud-Est, l'Indonesia Morowali Industrial Park (IMIP). Le projet a reçu l'aval des dirigeants politiques des deux pays. En octobre de la même année, le président chinois Xi Jinping et le président indonésien de l'époque, Susilo Bambang Yudhoyono, ont supervisé la signature d'un accord de coopération pour le parc industriel.

Chinese President Xi Jinping and then-Indonesian President Susilo Bambang Yudhoyono oversaw the signing of several business agreements in October 2013. Source: documentation from Embassy of the People’s Republic of China in Indonesia

Le Président chinois Xi Jinping et le Président indonésien de l’époque, Susilo Bambang Yudhoyono, ont supervisé la signature de plusieurs accords commerciaux en octobre 2013. Source : communiqué de presse de l’ambassade de la République populaire de Chine en Indonésie. Utilisation libre.

Depuis lors, la Chine a exercé une influence significative sur l'industrie indonésienne du nickel. L'IMIP est devenu l'un des projets phares de l'initiative chinoise « Nouvelle route de la soie », son plan de connectivité internationale impliquant des projets de développement et d'infrastructures dans les pays à majorité mondiale.

Évoquant le rôle de l'Indonésie dans la route, People's Daily, un média d'État chinois, a affirmé que l'Indonésie manquait encore d'infrastructures et de ressources humaines pour gérer ses abondantes réserves de minerai de nickel.

印尼红土镍矿储量和产量丰富,但基础设施薄弱、工艺落后、人才不足等因素制约了当地镍矿加工业发展. 青山莫罗瓦利园区负责人章凡表示,以不锈钢生产为主业的中国青山控股集团2009年进入印尼。2013年10月,莫罗瓦利园区签约开建。园区一边搞基建,一边将产业链优势互补的中国镍铁冶炼企业吸引入园,共同投资,共担风险,抱团发展.

Indonesia has abundant reserves and output of laterite nickel ore. Still, factors such as weak infrastructure, backward technology, and insufficient talent have restricted the development of the local nickel ore processing industry. Zhang Fan, head of the Morowali Industrial Park of Tsingshan, said that China's Tsingshan Holding Group mainly produces stainless steel entered Indonesia in 2009. In October 2013, the Morowali Industrial Park was signed and started construction.

L'Indonésie dispose d'abondantes réserves et d'une production abondante de minerai de nickel latéritique. Cependant, des facteurs tels que la faiblesse des infrastructures, le retard technologique et le manque de talents ont freiné le développement de l'industrie locale de traitement du minerai de nickel. Zhang Fan, directeur du parc industriel de Morowali à Tsingshan, a dit que le groupe chinois Tsingshan Holding, principalement producteur d'acier inoxydable, était entré en Indonésie en 2009. En octobre 2013, le parc industriel de Morowali a été signé et les travaux ont commencé.

Le prix du développement

Lapola, 36 ans, pêcheur au village de Tapunggaeya, dans le nord de Konawe, au sud-est de Sulawesi, est confronté à un problème similaire à celui de Joko. L'eau de mer autour de son village a bruni, ce qui épuise les poissons de la baie. Sans revenus de la pêche, Lapola a décidé de travailler à la mine. La pollution de l'eau a contraint de nombreux jeunes du village à se tourner vers l'exploitation minière. Lapola a déclaré à Global Voices lors d'une interview :

Les jeunes ont migré pour travailler dans les mines ou les usines de nickel. Aujourd'hui, seules les personnes âgées restent, car elles ne peuvent pas travailler dans les mines. Parfois, ils vont à la mer, mais c'est inutile.

Les eaux polluées de Sulawesi, en Indonésie, privent de nombreuses communautés de pêcheurs de moyens de subsistance. Capture d'écran d'une vidéo YouTube de la BBC. Utilisation équitable.

Katsaing, président du Syndicat des travailleurs indonésiens prospères, a déclaré que de nombreux travailleurs se plaignaient de mauvaises conditions de travail : absence de mesures de sécurité, longues heures de travail, contrats de travail inéquitables et bas salaires. Katsaing a mentionné que de nombreux contrats de travail ne durent que trois mois, laissant les travailleurs, pour la plupart titulaires d'un diplôme d'études secondaires, dans des situations précaires.

La plupart de ceux qui ne peuvent pas satisfaire aux exigences des usines travaillent encore dans l'agriculture et la pêche. Certains ont ouvert de petites entreprises : parkings, stands de rue et ateliers de réparation ont fleuri pour répondre aux besoins de la communauté en pleine expansion. Cependant, leurs conditions de vie ne sont guère meilleures.

Ani, une jeune mère de deux enfants du village de Fatufia, a souffert de problèmes respiratoires aigus causés par la poussière et la pollution atmosphérique, obligeant son deuxième enfant à consulter régulièrement des centres de santé pendant près de deux ans. Rest of the World rapporte que, selon le centre de santé communautaire de Bahodopi, depuis 2018, les infections des voies respiratoires supérieures sont la maladie la plus répandue dans le district, avec près de 7 000 cas. Les professionnels de santé attribuent ce phénomène à la poussière provenant du complexe industriel.

Au cours de la dernière décennie, la Chine a investi plus de 65 milliards de dollars dans l'industrie indonésienne du nickel. Une déclaration officielle du gouvernement indonésien indique que la Chine contrôle 90 % des mines et fonderies de nickel. Cette situation met l'Indonésie dans une position difficile pour échapper au contrôle de la Chine sur ses réserves de nickel, d'autant plus que le gouvernement cherche à attirer davantage d'investisseurs américains et européens.

Préoccupations environnementales

Les problèmes environnementaux restent entiers à Morowali. Outre les dommages causés par l'exploitation minière elle-même, les fonderies d'IMIP sont alimentées par une centrale à charbon qui génère d'importantes émissions de carbone. Selon le ministère indonésien de l'Énergie et des Ressources minérales, chaque centrale à charbon de 1 GW produit 5 millions de tonnes de CO2. Les habitants se plaignent également depuis longtemps de la pollution de l'eau et de l'air, des problèmes de santé et de la déforestation dans leur communauté.

Autrefois luxuriantes et verdoyantes, les collines de Morowali sont aujourd'hui pour la plupart d'énormes monticules bruns dus à l'activité minière. Lorsqu'il pleut, le sol des collines pollue les cours d'eau des rizières et des rivières, donnant à l'eau une couleur orangé-brunâtre. L'eau chaude rejetée par la turbine de la centrale à vapeur, qui alimente les zones industrielles en électricité, se déverse directement dans la mer, augmentant la température de l'eau, endommageant les coraux et chassant les poissons de la baie.

Images aériennes des effets de l'exploitation du nickel. Capture d'écran d'une vidéo YouTube de la BBC. Utilisation conforme aux normes.

Toutes les six heures, la fumée dégagée par les fours de fusion colore le ciel en gris et asperge les habitants de poussière, ce qui fait pourrir les toits en terre cuite et salit les sols et les cuisines.

Un rapport de la Rosa-Luxemburg-Stiftung (RLS), un groupe de pression politique allemand, indique que les usines de traitement du nickel de l'IMIP rejettent des polluants tels que le dioxyde de soufre, les oxydes d'azote et les cendres de charbon, qui présentent tous de graves risques pour la santé en cas d'inhalation. Les habitants souffrent de problèmes respiratoires dus à la poussière et aux démangeaisons cutanées causées par l'eau polluée. Pire encore, beaucoup n'ont pas les moyens d'accéder aux services de santé.

Après dix ans d'activité, l'IMIP abrite aujourd'hui plus de 50 fonderies et environ 84 000 travailleurs, dont 10 % sont originaires de Chine. S'étendant sur plus de 4 000 hectares, le complexe dispose de son propre aéroport, d'un port maritime, d'hôtels haut de gamme, de dortoirs pour le personnel et d'autres installations essentielles. L’IMIP produit un total de 4,76 millions de tonnes de fonte brute de nickel, dont la majorité est exportée vers la Chine.

Son emprise de fer sur les ressources en nickel a aidé la Chine à dominer l'industrie mondiale de fabrication de véhicules électriques et n'est pas prête à se relâcher de sitôt.

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Guidés par la lumière : photos d'Amérique latine et des Caraïbes, avec amourhttps://fr.globalvoices.org/?p=294905http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250503_184809_Guides_par_la_lumiere___photos_d_Amerique_latine_et_des_Caraibes__avec_amourSat, 03 May 2025 16:48:09 +0000« Le mois de janvier est vraiment spécial dans les Caraïbes »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Caracas, capitale du Venezuela, située à environ 60 km de la mer des Caraïbes. La montagne Cerro Ávila (aussi appelée Waraira Repano, un parc national). Photo de César Cárdenas, avec droit d'utilisation.

Une semaine après le 1er janvier 2025, Estefanía Salazar, contributrice de Global Voices, partageait cette photo dans l'un de nos groupes de discussion. Son ami César Cárdenas, alpiniste et photographe amateur, avait capturé les reliefs rocheux du Cerro Ávila, dressés entre la ville de Caracas et le nord de la mer des Caraïbes. Un ciel d'un bleu éclatant domine le cliché, parsemé de quelques nuages blancs, comme figés entre ciel et terre, hésitant à rester ou à s'en aller.

Trois jours plus tard, le 10 janvier, le président vénézuélien Nicolás Maduro, qualifié d'« autocrate »par le New York Times, prêtait serment pour un troisième mandat consécutif, à la suite d'une élection présidentielle contestée en juillet, marquée par des manifestations massives et des milliers d'arrestations. Cela survenait dans un contexte de crise socio-économique croissante, à l'origine d’une migration massive et d'un soutien international affaibli à l'égard de Maduro, en raison des sanctions imposées par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Mais au moment où Salazar partageait la photo, ce n'était pas la fraude électorale qui occupait ses pensées. C'était la beauté de sa terre natale, qu'elle voulait partager, peut-être en partie, pour offrir un autre regard sur le Venezuela qu'elle chérit. « Le mois de janvier à Caracas, », écrivait-elle. Et lorsqu'une contributrice des Caraïbes partagea la photo d'une plante aux fleurs violettes majestueuses, elle ajouta : « le mois de janvier (la lumière) est vraiment spécial dans les Caraïbes. »

En Amérique latine et dans les Caraïbes, il ne s'agit pas seulement de la lumière elle-même, mais de ce qu'elle symbolise, surtout en début d'année : un nouveau départ. Une vision claire. Un renouveau. De la positivité et de l'unité. De l'espoir, surtout, face aux nombreux défis qui menacent la région, de la crise climatique à la criminalité.

Du Venezuela aux confins de l'archipel caribéen, des photographes et des contributeurs ont envoyé leurs clichés, capturant les éclats envoutants de cette lumière de janvier, propre à notre région. Peut-être ces images porteront-elles assez d'espoir et de joie pour non seulement nous soutenir face aux défis de l'année à venir, mais aussi toucher le reste du monde (à Gaza, en Ukraine, au Soudan), ceux qui puisent encore cette lumière enfouie au fond d'eux-mêmes.

Venezuela

Photo de Parque José María Cartaya par Carlos Novo, avec droit d'utilisation.

Ce magnifique cliché d'une nuée d'oiseaux volant librement dans le parc José María Cartaya, à l'est de Caracas, a été prise par le photographe et activiste écologique Carlos Novo, qui affirme que la lumière de janvier est idéale pour la photo. Quelle que soit l'obscurité à laquelle nous faisons face, nous savons au fond de nous qu'il y aura toujours cette lumière de janvier à attendre avec impatience.

Trinité-et-Tobago

Série de photos : « Lumière de janvier : un reflet d'espoir » par Akleema Ali. Droit d'utilisation.

Le début d'année a inspiré la photographe Akleema Ali, qui a vu dans la lumière rayonnante de janvier un phare de résilience et de renouveau, en particulier dans un contexte marqué par l’état d'urgence récemment imposé dans le pays : « les nuages vus d'en haut nous rappellent la grandeur du monde et les possibilités infinies, offrant une perspective d'espoir qui s'élève au-delà du quotidien. La présence de canards près d'un étang apporte une joie simple et un rythme paisible à la vie, nous rattachant au présent. »

« Un lac figé, au reflet parfait, symbolise la clarté et la sérénité, nous invitant à faire une pause et à accueillir la beauté immobile. Les tons chaud du soleil couchant nous rappellent que chaque fin annonce un nouveau départ, projetant une lueur d'espoir à l'horizon. À travers ces images, puissions-nous trouver réconfort et inspiration dans l'étreinte de la nature, et recevoir la promesse de lumière dans les jours à venir. »

La Barbade

Photos de la plage Worthing Beach, à La Barbade, par Margaret McEvoy. Droit d'utilisation.

La photographe Margaret McEvoy a partagé de sublimes photos du paysage barbadien, prises depuis Worthing Beach sur la côte sud de l'île. La plage borde le Sanctuaire de la Nature Graeme Hall, la plus grande forêt de mangrove encore préservée de La Barbade, dont la réouverture est prévue pour mars, sous une nouvelle direction axée sur l'écotourisme et la conservation.

Mia Mottley, Première ministre de La Barbade, a été l'une des voix les plus engagée des Caraïbes face aux défis environnementaux, plaidant pour des mécanismes permettant aux petits États insulaires en développement (PEID) de renforcer leur résilience face aux dures réalités de la crise climatique.

Porto Rico et la République Dominicaine

Une variété d'oiseaux des territoires caribéens hispanophones photographiés par Alexia Morales. Droit d'utilisation

La photographe Alexia Morales a immortalisé plusieurs espèces d'oiseaux dans leur habitat naturel (et sous une lumière magnifique). Dans le sens des aiguilles d'une montre, en partant de la gauche supérieure : le Trogon damoiseau (République Dominicaine) ; le Bécasseau à échasses (Guayama, Porto Rico) ; et le Tacco de Porto Rico (Sabana Grande, Porto Rico).

Pendant la saison des ouragans dans l'Atlantique, les populations d'oiseaux des Caraïbes sont menacées par les tempêtes. De plus, dans certaines régions, la chasse accentue le déclin des populations d'oiseaux de rivage. Les Caraïbes ne forment pas un ensemble uniforme. Porto Rico et la République Dominicaine sont confrontés à des problématiques bien distinctes, notamment la déforestation, l'expansion urbaine et le tourisme de masse.

Adrianne Tossas, présidente de Birds Caribbean, a évoqué les évolutions des politiques gouvernementales portoricaines concernant la protection des mangroves. Quant à la République Dominicaine, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) y a récemment mené une mission afin d'enquêter sur de graves cas de « pollution et de corruption qui affectent le pays. »

Jamaïque

Photos de White house, paroisse de Westmoreland, en Jamaïque, prises par Heidi Savery. Droit d'utilisation.

White House, une petite localité de la paroisse de Westmoreland, située sur la côte sud-ouest de la Jamaïque, est connue pour son industrie de la pêche, qui approvisionne l'ensemble de l'île en produits frais de la mer.

Kingston, la capitale de la Jamaïque, abrite le siège de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), créée dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), afin de « garantir une protection efficace du milieu marin contre les effets néfastes que peut entraîner l'exploitation minière des grands fonds marins. »

Alors que cette menace plane toujours sur les océans, les défenseurs jamaïcains de l'environnement poursuivent leur mobilisation contre cette pratique, tandis que la mer des Caraïbes est confrontée à la double menace du changement climatique et de la surpêche.

Mais chaque défi porte une promesse et des possibilités…

A propos de ce cliché des majestueuses Blue Mountains, pris dans la région de Green Hills en Jamaïque, Savary a déclaré : « J'ai été saisie par la beauté du ciel d'hiver. Un moment vraiment magique sous les tropiques. »

Note de la rédaction : Nous remercions tout particulièrement les photographes régionaux et les contributeurs de Global Voices qui ont pris le temps de partager leurs photos et leurs points de vue pour cet article. Nous n'avons pas pu tout publier, mais soyez assurés que chacune des contributions était aussi magnifique qu'inspirante.
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Turquie : après deux ans, les survivants du séisme vivent toujours dans l’incertitudehttps://fr.globalvoices.org/?p=294491http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250503_180144_Turquie___apres_deux_ans__les_survivants_du_seisme_vivent_toujours_dans_l___incertitudeSat, 03 May 2025 16:01:44 +0000La menace d'un tremblement de terre qui pourrait frapper Istanbul est toujours présente.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d’écran provenant d’une vidéo de Reuters « Drone footage shows devastation from Turkey earthquake » montrant la dévastation causée par un tremblement de terre dans la province de Hatay en Turquie, le 6 février 2023.

La Turquie se souviendra pendant des décennies du 6 février 2023 comme du jour le plus tragique de son histoire. Quelques heures avant l’apparition des premiers rayons de soleil de la journée, un terrible tremblement de terre, qui sera plus tard appelé « la catastrophe du siècle », frappe onze des provinces les plus au sud du pays. D’après les sources officielles, près de 50 000 citoyens ont perdu la vie, et plus de 100 000 ont été blessés. La vie de centaines de milliers de personnes fut totalement chamboulée. Près de deux ans plus tard, la situation de crise n’a pas bien changé. Les promesses du gouvernement, reconstruire les habitations et fournir un toit à ceux qui n’en ont plus, n’ont pas été tenues. Des milliers de citoyens vivent toujours dans des tentes ou des conteneurs.

Des promesses non tenues

Peu après les terribles séismes qui ont frappé le pays, le président Recep Tayyip Erdoğan s’est engagé à construire près de 319 000 nouvelles habitations d’ici février 2024, et il prévoyait un total de 680 000 nouvelles habitations pour 2025.

Ces promesses arrivèrent quelques mois avant les élections générales, et elles permirent à Erdoğan et le parti de la justice et du développement (l’AKP) de recevoir le soutien de ceux qui furent le plus touchés par la catastrophe.

De nombreux rapports concernant les échecs du gouvernement pour endiguer l’étendue des dommages ont été négligés, et ce, malgré le fait qu’il s’agisse du même gouvernement ayant accordé l’amnistie à près de 19 zones de constructions depuis 1948, pardonnant par la même occasion, et pour le simple prix d’une amande, les constructeurs n’ayant pas respecté des standards de sécurité. De nombreuses zones de rassemblement pour les tentes et pour l’aide humanitaire ont disparu tandis que l’industrie de la construction a connu un véritable essor. Au fil des années, l’AKP a rejeté près de 58 motions d’opposants politiques demandant la supervision de plusieurs sites de construction par un organisme indépendant, et les avertissements provenant de la Chambre des Géophysiciens n’ont eu aucun effet.

Un an après les tremblements de terre, le ministère de l’Environnement et de l’Urbanisation a déclaré que 46 000 habitations étaient terminées. À compter de janvier 2025, seulement 169 171 habitations avaient été construites, à peine 30 % de ce qui avait été promis. C’est en tout cas ce qu’a noté l’Union turque des chambres d’ingénieurs et d’architectes (TMMOB) dans un rapport sur les causes et les conséquences des séismes. D’après le comité d’urgence déployé par le ministère de l’Intérieur, il y a actuellement 395 villes conteneurs éparpillées à travers les 11 provinces touchées par la catastrophe. Ces villes improvisées servent d’habitation à près de 650 000 citoyens. Ces citoyens n’ont toujours pas accès aux besoins primaires comme l’électricité, le chauffage ou même l’eau.

Une justice inexistante

Malgré des demandes incessantes, de nombreuses familles sont toujours à la recherche de leurs proches disparus, en vain. Et pendant ce temps, les autorités ne prennent toujours pas les choses en main.

Dans un second rapport d’évaluation publié en février 2025, le TMMOB écrit : « Ceux qui n’ont pas agi pour empêcher la construction de structures dangereuses, ceux qui ont ouvert la voie aux édifices non contrôlés, et ceux qui ont fermé les yeux face à tous les signes d’usure, dans le seul but d’augmenter son profit. Toutes ces personnes n’ont jamais été punies, et seules quelques enquêtes ont été ouvertes ».

D’après le ministère de la Justice, 2031 affaires ont été ouvertes à l’enquête. Sur tous ces cas, 1397 inculpations ont été préparées en se basant uniquement sur les faits présentés initialement. Seules 75 affaires ont abouti. 130 personnes ont reçu des peines de prison, toutes à des degrés variables. La plupart de ces personnes « faisant partie du personnel technique, des contractuels par exemple. Il y avait également des architectes et des ingénieurs dont la responsabilité sur les sites de construction était variable », rapporte le journal Turkey Recap.

Aucun fonctionnaire n’a été puni. En effet, tous ceux qui ont dû apparaître devant la cour ont été relâchés, et aucune mesure supplémentaire n’a été prise.

Lors d’une cérémonie de commémoration dans la province de Malatya, Veli Ağbaba, membre de la Grande Assemblée nationale de Turquie et représentant le Parti républicain du peuple (le CHP, l’opposition principale du gouvernement), a déclaré « L’une des choses les plus importantes que nous aura appris ce séisme, qui nous a été envoyé en plein visage, c’est le fait qu’aucun responsable n’a été puni. À Malatya, et dans de nombreuses villes touchées par la catastrophe, pas un seul politicien, bureaucrate ou administrateur n’a été puni. »

Souvenirs

Lors de l’anniversaire de la catastrophe, les réseaux sociaux ont été inondés de hashtags, comme le #6 Şubat [6 février] ou le # Unutmayacağız [nous n’oublierons pas], demandant de ne pas oublier ce qu’il s’est passé. D’autres ont été utilisés pour demander aux politiques de tenir leurs promesses, le #SesimiDuyanVarmı, par exemple [est-ce que quelqu’un m’écoute].

« Personne n’a été tenu responsable des ventes de tentes par l’organisation du Croissant Rouge, alors qu’elles auraient dû être offertes aux survivants. Et pourtant, 87 personnes qui ont manifesté contre ces ventes ont été traînées en justice », écrit dans une série de posts sur Instagram le graphiste Mahir Akkoyun, connu sur les réseaux sous le pseudonyme Mahigra. Akkoyun fait référence à une enquête ayant révélé que l’organisation d’aide humanitaire du Croissant Rouge, soutenue par l’état, aurait bel et bien vendu des tentes aux rescapés au lieu de simplement les offrir. Les journalistes présents sur place ont partagé des photos de la destruction et de la souffrance.

Two years passed since the February 6 earthquake. Those accountable were not tried, justice has not been served, no action has been taken to build earthquake resistant cities. So as not to forget…

Deux ans sont passés depuis le séisme du 6 février. Les responsables n’ont jamais été punis, justice n’a jamais été faite et aucune action n’a jamais été prise pour construire des villes pouvant résister à des tremblements de terre. Alors pour ne pas oublier…

Un tremblement de terre imminent à Istanbul

Après le séisme, de nombreux habitants d’Istanbul, la plus grande ville et le plus large pôle économique de Turquie, ont décidé de plier bagage pour partir dans un endroit plus sûr dans le pays. En effet, la ville repose sur une ligne de fracture et il est probable qu’un tremblement de terre de magnitude 6 ou 7 frappe Istanbul d’ici à 2030.

En 1999, un séisme de magnitude 7.5 avait tué 18 000 personnes à Istanbul, laissant près de 250 000 personnes à la rue. D’après les recherches du GFZ, le Centre de recherche des sciences de la Terre allemand, la péninsule d’Armutlu au sud d’Istanbul ferait partie « d’une convergence active des plaques tectoniques pouvant générer des tremblements de terre destructeurs, causant de graves dommages. »

Le docteur Naci Görür, professeur de géologie, met en garde la population contre ce risque imminent de séisme qui pourrait frapper la mégalopole de 16 millions d’habitants (les chiffres sont probablement plus élevés, certaines données estiment que la population totale dépasse les 20 millions.).

« Des années de constructions non encadrées ont transformé de nombreux terrains vides d’Istanbul en gratte-ciels ou en centres commerciaux, laissant aux habitants peu d’endroits pour se rassembler lors d’une situation d’urgence. Les données récoltées par Turkey Recap montrent que le manque de zones de refuge, ainsi qu’un marché de l’immobilier vieillissant et des bâtiments non conformes ajoutent une couche supplémentaire de vulnérabilité aux quartiers les plus à risque d’Istanbul », écrit le Turkey Recap dans un rapport datant de février 2025 visant à évaluer les risques de catastrophes à Istanbul.

Murat Kurum, ministre de l’Environnement, de l’Urbanisation et du Changement Climatique de 2018 à 2023, a récemment déclaré qu’Istanbul n’avait pas la force nécessaire pour « résister à un second tremblement de terre ». Ce commentaire ne plaît cependant pas à tout le monde. Lors de son mandat, Kurum a été vivement critiqué pour sa mauvaise gestion des industries minières, pour son manque d’engouement dans la protection des espaces verts, mais également pour toutes les dérogations qu’il a fournies. Suite au séisme dévastateur de 2023, Kurum s’est empressé de défendre le gouvernement. D’après lui, l’État n’a pas laissé ses citoyens se débrouiller comme ils le peuvent après la catastrophe, ce qui contredit les rapports des journalistes sur place.

Lors du premier anniversaire de la catastrophe, le ministre n’a pas su donner le véritable chiffre des victimes du séisme. Lors d’une apparition à la télévision, Kurum a déclaré que 130 000 personnes avaient péries dans le tremblement de terre. Cette déclaration fut reprise par les journalistes et les opposants politiques qui ont fortement critiqué l’État pour sa tentative de cacher les faits. Kurum a ensuite tenté de se rattraper en déclarant que le chiffre qu’il avait donné représentait le nombre total de décès comprenant tous les séismes ayant frappé la Turquie, et pas seulement celui du 6 février. Mais le journaliste Murat Agirel a vite démenti ces déclarations. Sur X (anciennement Twitter), Agirel poste une capture d’écran de toutes les morts enregistrée lors d’un séisme : « D’après ces données, si l’on ne compte pas les morts du 6 février, le nombre de vies perdues dans un tremblement de terre équivaut à 77 852 personnes ».

En 2024, Kurum s’était présenté à l’élection du maire d’Istanbul comme le représentant du Parti de la justice et du développement, mais il fut battu par Ekrem Imamoglu, qui a ainsi signé son second mandant en tant que maire de la ville.

Avec tous ces problèmes en jeu, les habitants d’Istanbul se posent tous la même question. Lorsque le séisme du  6 février 2023 a frappé le sud du pays, de nombreux citoyens, dont des  Istanbuliotes, sont accourus à la rescousse. Ont été organisés des levées de fond, des campagnes d’aides humanitaires, des envois de nourriture et de vêtements. De nombreuses personnes se sont portées volontaires pour aider les victimes. Mais alors, si un tremblement de terre d’une magnitude élevée frappe Istanbul, qui viendra les aider ?

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A qui profite exactement les projets d’oléoducs chinois au Niger et au Bénin ?https://fr.globalvoices.org/?p=294609http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250503_174328_A_qui_profite_exactement_les_projets_d___oleoducs_chinois_au_Niger_et_au_Benin__Sat, 03 May 2025 15:43:28 +0000Au Bénin, les résidents concernés ont reçu moins de 4 USD par mètre carré

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Travailleurs du secteur de l'exportation du pétrole au port de Seme, au Bénin, brandissant des drapeaux du Bénin, de la Chine et du Niger. Image de la Présidence du Benin. Utilisation libre. CC BY-NC-ND 2.0

Après la découverte d'importantes réserves de pétrole sur le site d'Agadem au nord-est du Niger, le Niger et le Bénin ont convenu de construire un oléoduc pour faciliter le transport du pétrole brut du site pétrolier d'Agadem vers le port de Seme Kpodji, dans le sud du Bénin, au début de l'année 2020. Fin 2023, l'oléoduc de 1 980 km, avec neuf stations de réservoirs le long du parcours, était achevé.

.Carte de l'oléoduc qui s'étend de l'est du Niger à la côte du Bénin. Capture d'écran de YouTube.

Les travaux ont été financés et réalisés par la China National Petroleum Corporation (CNPC), l'une des principales compagnies pétrolières nationales de Chine, avec un coût estimé à 4,5 milliards d'USD. L'oléoduc a été opérationnel depuis le début de l'année 2024 et CNPC transporte actuellement environ 90 000 barils par jour, ayant des objectifs d'augmenter la production à 110 000 barils par jour.

Depuis le site d'Agadem au Niger, le pétrole est chargé sur des pétroliers chinois depuis le port de Cotonou au Bénin. Comme le montre cette publication sur le compte X du gouvernement béninois au moment du premier chargement :

  🇧🇯🇳🇪 “The Benin-Niger pipeline is a giant project. We started loading the first vessel on May 17, 2024 at 6:30 pm and finished this Sunday, May 19, at 1 am with 1,000,000 barrels of crude oil on board. We are proud of the success of the operation.”

pic.twitter.com/YUO2LKt4Rh

— Gouvernement du Bénin 🇧🇯 (@gouvbenin) May 19, 2024

🇧🇯🇳🇪« L'oléoduc Bénin-Niger est un projet géant. Nous avons démarré le chargement du premier navire le 17 mai 2024 à 18h 30 et nous avons fini ce dimanche 19 mai à 1h du matin avec 1.000.000 de barils de pétrole brut à bord. Nous sommes fiers du succès de l'opération » pic.twitter.com/YUO2LKt4Rh

— Gouvernement du Bénin 🇧🇯 (@gouvbenin) 19 mai 2024

Bien que toutes les parties concernées, notamment le Niger, le Bénin et la Chine, puissent tirer parti de cet oléoduc, les bénéfices ne sont pas répartis de manière équitable au sein de la société. Au Niger, les principaux avantages profitent principalement au régime militaire nigérien, tandis que de nombreux habitants des zones rurales et à faibles revenus rapportent que l'oléoduc a eu des effets négatifs sur leur quotidien.

Le Bénin, quant à lui, se présente comme un pays de transit, autorisant le passage du pétrole nigérien en échange des commissions qu'il reçoit de la Chine, soit plus de 300 milliards de francs CFA (plus de 495 millions d'USD) pour les 20 premières années d'exploitation. Au Bénin, le projet générera plus de 3 000 emplois.

Pour la Chine, le projet s'inscrit dans le cadre de son initiative « la Ceinture et la Route » (BRI),qui vise à étendre son influence par le biais de projets de développement dans les pays de la majorité mondiale. Grâce à cet investissement, la Chine gagne sur plusieurs fronts, notamment l'accès à une grande réserve de ressources pétrolières, des revenus substantiels et une présence économique plus forte en Afrique.

Cependant, la construction d'un oléoduc de cette envergure – le plus long d'Afrique – a causé des dommages collatéraux en cours de route. Les populations locales des communautés, des villages et des villes situés le long du tracé de l'oléoduc n'ont pas encore bénéficié économiquement du projet et sont confrontées à une destruction de l'environnement qui peut avoir des répercussions à long terme sur leurs moyens de subsistance.

Impact environnemental sur les populations locales

Selon les témoignages des membres des communautés vivant le long du tracé de l'oléoduc, ainsi que des travailleurs qui ont participé au projet au Niger, l'installation de l'oléoduc a entraîné l'abattage d'arbres et des dommages à la biodiversité. Cela a eu un impact considérable sur les populations locales, en particulier sur les agriculteurs et les éleveurs qui ont vu leurs terres disparaître à cause de la construction. Une ancienne autorité communale explique à Global Voices via WhatsApp :

There are about ten villages crossed by the pipeline. The pipeline passes through the various fields of these farmers. The direct negative impact is land degradation. Farmers are sowing, but the crops are no longer growing. Environmental pollution is palpable. The green spaces where herds used to graze are disappearing.

Environ une dizaine de villages sont traversés par l'oléoduc. Il a également traversé les différents champs de ces paysans. On remarque l’impact négatif direct qui est la dégradation des terres. Les paysans sèment, mais les récoltes ne sont plus au rendez-vous. La pollution de l’environnement est palpable. Les espaces verts où les troupeaux allaient pour brouter de l'herbe disparaissent.

En raison de la situation sécuritaire complexe au Sahelated security, certains professionnels des médias et ONG de la région restent muets sur des sujets sensibles par peur. Dans ce contexte, les organisations environnementales au Niger ont, pour la plupart, choisi de ne pas s’exprimer sur la situation. Elles justifient leur silence par plusieurs raisons, notamment la sensibilité du sujet et les enjeux liés à la sécurité, qui compliquent toute prise de position sur les impacts environnementaux du projet.

L'oléoduc Niger-Bénin traversera des paysages variés, notamment les savanes, les forêts, les marécages et le littoral béninois. Toutes les images sont sous licence CC BY-SA 4.0 et 2.0. Réalisées par Global Voices via Canva.

Du côté béninois, une étude d'impact environnemental réalisée par Agence béninoise de l'environnement (ABE) au début du projet a mis en évidence la diversité des écosystèmes et des communautés qui seraient impactés :

(…) Il traverse plusieurs écosystèmes très diversifiés constitués de savane arborée, savane boisée, forêts claires et denses, de plans et cours d'eau, de marécages et spécifiquement deux domaines protégés (forêt de Gougoun et forêt de Dogo) et de zone côtière. La construction et l‘exploitation de l'oléoduc sur le territoire du Bénin impactera plus de 602 148 habitants dont 50,5 % sont des femmes réparties dans 136 villages et quartiers.

(…) It crosses several highly diversified ecosystems consisting of wooded savannah, open and dense forests, water bodies and streams, swamps, and specifically two protected areas (Gougoun forest and Dogo forest) and coastal zones. The construction and operation of the pipeline on Benin territory will impact more than 602,148 inhabitants, 50.5 percent of whom are women, spread across 136 villages and neighborhoods.

Partie de l'oléoduc Niger-Bénin en construction. Capture d'écran YouTube.

Dans ce contexte, Joséa Dossou Bodjrenou, présidente du Comité national de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) au Bénin, explique à Mongabay comment l'oléoduc a réduit la biodiversité dans la région :

Des mammifères, plusieurs oiseaux ainsi que des reptiles font partie des espèces menacées. La biodiversité connaîtra également une régression du fait du déplacement de l’habitat, de la fragmentation des forêts et de la déforestation.

Mammals, several birds, and reptiles are among the threatened species. Biodiversity will also decline as a result of habitat displacement, forest fragmentation, and deforestation.

Dans son rapport préliminaire, l'EBA a également noté que le projet a entraîné la perte de plus de 1 900 000 arbres et continuera de générer une pollution et des déchets importants. Parmi les risques figurent :

Soil degradation and pollution; Pollution from crude oil leaks, ruptures, and/or spills; pollution from effluent from stations in water bodies and watercourses; Production of 73.5 tonnes of solid waste during the operating phase and 637 tonnes during the construction phase; destruction of cultural heritage by pipeline construction and siting activities.

Dégradation et pollution des sols ; pollution due aux fuites, ruptures et/ou déversements de pétrole brut ; Pollution des plans d'eau et des cours d'eau par les effluents des stations ; production de 73,5 tonnes de déchets solides pendant la phase d'exploitation et de 637 tonnes pendant la phase de construction ; destruction du patrimoine culturel par la construction et l'implantation de l'oléoduc.

Si la Chine reste un acteur clé dans le développement et l'exploitation de cet oléoduc, elle est moins impliquée dans l'atténuation des impacts sur les populations locales.

 En ce qui concerne les indemnisations, Félix Bandjou, chef du village de Kraké Daho, situé dans le sud-est du Bénin, a déclaré à Mongabay que le gouvernement béninois avait offert aux victimes dont les terres ont été confisquées une indemnité de 2 350 FCFA (moins de 4 USD) par mètre carré.

Comment la Chine atténue-t-elle ce problème ?

How is China mitigating the issue?

L’entreprise chinoise a-t-elle reconnu sa part de responsabilité dans les dommages environnementaux subis par les populations locales ? Un décalage frappant se dessine entre les récits véhiculés par les médias d'État chinois et la réalité vécue sur le terrain. Tandis que les communautés locales au Niger et au Bénin font face à la dégradation des terres, à la déforestation et à la pollution, la presse chinoise met en avant les avancées économiques et les prouesses techniques du projet, reléguant au second plan ses impacts environnementaux et sociaux.

2021年7月25日,尼日尔-贝宁原油外输管道(尼日尔)项目试验段在尼日尔境内津德尔地区打火开焊,全长70公里。试验段开工以来,管道局在西非原油管道(尼日尔)股份有限公司业主的大力支持下,充分发扬“八三”精神和管道优良传统,面对雨季,沙尘,酷暑,蚊虫等自然环境带来的压力,项目部多次召开专题讨论会,制定出了一系列行之有效的管理办法。

On July 25, 2021, welding began on the trial section of the Niger-Benin Crude Oil Export Pipeline (Niger) Project in the Zinder region of Niger. The section spans 70 kilometers. Since breaking ground, and with strong support from the project owner, the West African Oil Pipeline (Niger) Company Limited, the construction team has upheld the hardworking tradition of the pipeline industry. Despite the challenges posed by the rainy season, sandstorms, extreme heat, and insects, the project team held a series of focused planning meetings and implemented effective management strategies.

Le 25 juillet 2021, les travaux de soudage ont débuté sur la section d’essai du projet d’oléoduc d’exportation de pétrole brut Niger-Bénin, dans la région de Zinder, au Niger. Cette section couvre une distance de 70 kilomètres. Depuis le lancement du chantier, et grâce au soutien constant du maître d’ouvrage, la West African Oil Pipeline (Niger) Company Limited, l’équipe de construction s’inscrit dans la tradition de rigueur et d’engagement propre au secteur des oléoducs. En dépit des défis posés par la saison des pluies, les tempêtes de sable, la chaleur accablante et la présence d’insectes, l’équipe projet a su faire preuve d’efficacité en organisant des réunions de planification ciblées et en mettant en œuvre des stratégies de gestion adaptées.

Un autre article, « Un navire transportant un million de barils de brut Nigérien prend enfin la mer — Signe des capacités croissantes de médiation de la Chine » (载百万桶尼日尔原油船只终于出港!“中国调解技能不断提升”), publié le 21 mai 2024 par le célèbre média nationaliste Guancha Network, présente un récit similaire.

 De même, le principal investisseur, CNPC, a rarement abordé les conséquences environnementales de son projet. Ce communiqué de presse de CNPC, par exemple, présente l'oléoduc Niger-Bénin comme une réalisation monumentale, célébrant la capacité de l'entreprise à affronter des conditions désertiques difficiles, des températures extrêmes et une logistique transfrontalière complexe. Pourtant, il ne mentionne pas l'impact sur les écosystèmes locaux, les communautés déplacées ou la perte de terres agricoles. L'article présente l'oléoduc comme un symbole des prouesses technologiques et économiques de la Chine, renforçant ainsi le discours de « coopération gagnant-gagnant » qui caractérise les projets de la BRI.

La plupart des reportages et articles de presse en chinois qui parle des projets au Niger et au Bénin aboutissent à des résultats quasiment identiques. Les bénéfices pour les communautés et les populations locales sont totalement passés sous silence, sans parler de problématiques comme la déforestation et son impact sur l'écologie locale.

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Au Gabon, les militaires quittent le pouvoir pour mieux y resterhttps://fr.globalvoices.org/?p=294843http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250502_083040_Au_Gabon__les_militaires_quittent_le_pouvoir_pour_mieux_y_resterFri, 02 May 2025 06:30:40 +0000Un tiers des Gabonais vit en dessous du seuil de pauvreté

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Sur l'image, on voit l'armoirie nationale du Gabon au milieu entourée des armoiries des neuf provinces du Gabon ; Photo de Jean Sovon, utilisée avec permission

Près de deux ans après un coup d’État militaire, le Gabon retrouve un gouvernement civil, qui reste toutefois mené par un ancien général qui se réinvente comme leader politique.

Peu après la prise de pouvoir par les militaires, le 26 août 2023, le Général Clotaire Oligui Nguema fait, le 4 septembre, cette promesse dans son discours de prestation de serment au peuple gabonais:

Nous entendons remettre le pouvoir aux civils en organisant des élections libres, transparentes et crédibles dans la paix sociale.

En effet, le 12 avril 2025, le Gabon organise des élections présidentielles, après avoir procédé à une réforme constitutionnelle.

Lire : Gabon: une nouvelle constitution pour tourner la page du clan Bongo

Une fois la nouvelle constitution adoptée le 16 novembre et promulguée le 19 décembre 2024, les membres du gouvernement de la transition annoncent début janvier 2025 la date de la tenue des joutes électorales qui est fixée au 12 avril, répondant ainsi à leur promesse d'organiser ces élections présidentielles dans un bref délai. Le 22 janvier, à l'issue d'un conseil des ministres, Séraphin Akure-Davain, porte-parole du gouvernement de transition fait cette annonce qui est citée par le journal Le Monde:

Le collège électoral est convoqué le samedi 12 avril 2025. Le scrutin se déroulera de 7 heures à 18 heures, conformément à la réglementation en vigueur.

Vraie ou fausse transition du militaire au civil?

Ne cachant pas son envie de conserver le pouvoir, le Général Clotaire Oligui Nguema décide de devenir un simple civil. La nouvelle constitution ne précise pas si un militaire en uniforme peut être président, mais pour Nguema, il s'agit de respecter la parole donnée. Lors d'un débat en avril 2025, peu de temps avant la tenue des élections présidentielles, il déclare en effet aux journalistes de Gabon 24 :

Je suis Brice Clotaire Oligui Nguema, j'ai passé 28 ans de carrière militaire avec la discipline, l'ardeur au travail, l'amour pour la patrie et suite à vos appels j'ai renoncé à mon métier de militaire pour vous servir.

Nguema tient beaucoup à cette nuance, comme le rappelle cet article d’Afriksoir datant de mars 2025 :

Je ne suis pas resté figé dans mes bottes de militaire. J’ai toujours dit que nous organiserons des élections libres, transparentes et apaisées en vue de rendre le pouvoir aux civils. Je n’ai jamais dit que je ne serai pas candidat. Ce sont deux phrases différentes. J’ai laissé l’ouverture au peuple. Le jour où le peuple a besoin de moi et qu’il m’appelle, je répondrai, comme c’est le cas aujourd’hui.

Au travers de ses sorties médiatiques et de ses discours, Nguema se pose donc comme un président proche de plus 2,5 millions de Gabonais issus des neuf provinces du pays. Il se montre très détendu comme en témoigne cette démonstration de danse publié sur le réseau X pendant les campagnes présidentielles:

Dans ce nouvel habit de civil, Nguema prétend pouvoir exercer les fonctions de président et chef de l’État du Gabon s'il est élu président. Le processus électoral a enregistré quatre candidats indépendants pour briguer le poste du Palais du Bord de la mer (lieu de la présidence du Gabon). Brice Oligui Nguema (issu de la transition donc sans parti politique), Alain-Claude Bilie-By-Nze, Stéphane Germain Iloko et Joseph Lapensée Essigone, tous de l'opposition.

Selon les résultats provisoires proclamés par le ministère de l'Intérieur au lendemain des élections du 12 avril, l'ex-général de l'armée obtient 90,35% des voix. Le taux de participation est de 87%, selon la même source. Tout président est élu pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois.

La société civile invitée à suivre le déroulement du vote

Dans le pays, les acteurs de la société civile ont suivi de près le déroulement des élections présidentielles. Le Haut Conseil des Acteurs Non Étatiques du Gabon (HCANEG) qui a déployé une mission d’observation électorale dans certaines zones du pays a salué le calme et la maturité des Gabonais. Rêve Itsiembou N’dossy épouse Mangoumba, cheffe de mission de HCANEG déclare au média Gabon Review :

(…)Nous avons constaté une volonté manifeste de l’administration électorale de respecter les délais et les règles du jeu. Nous avons noté une évolution positive en matière de gouvernance électorale (…)

En prélude au jour “J”, le Réseau des Observateurs Citoyens (ROC) qui est une coalition de 12 organisations de la société civile gabonaises mobilisées pour des élections crédibles et transparentes s'est préparé pour accompagner les efforts nationaux. Le réseau a déployé des observateurs issus de toutes les couches sociales de la population. Blandine Siety, une observatrice sourde du ROC indique:

Mon rôle, c’était de vérifier comment les élections se déroulaient dans les bureaux de vote : comment les électeurs étaient accueillis, notamment les personnes en situation de handicap, et si l’armée faisait bien son travail de sécurisation. Je suis allée voir plusieurs centres pour me faire une idée. C’était ma première fois comme observatrice, mais j’ai adoré. J’aimerais vraiment recommencer. Ce modèle m’a beaucoup plu.

Contestation des partis d'opposition

Jean-Remy Yama, Président du Parti National pour le Travail et le Progrès (PNTP) et l'un des candidats dont les dossiers ont été rejetés par la cour constitutionnelle, remet en cause la victoire du nouveau président. Sur son compte X, il écrit:

Bien que cette élection fait rentrer le Gabon dans une nouvelle ère politique, reste à savoir si ce nouveau chapitre dans l'histoire du pays favorisera l'instauration de reformes nécessaires à un développement plus équitable. A ce jour, le Gabon, malgré de nombreuses ressources dans son sous-sol, compte parmi les pays où un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, selon un rapport de la Banque Mondiale.

Lire notre cahier spécial:

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Les mots ont la parole: Épisode #24https://fr.globalvoices.org/?p=295063http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250502_005034_Les_mots_ont_la_parole__Episode__24Thu, 01 May 2025 22:50:34 +0000A l'origine, le mot Karité est écrit Xarité, mot soninké

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

En image, les noix de karité ; capture d'écran de la chaîne YouTube d’Africanews

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Avoir du flow : cette expression qui mélange le français et l’anglais avec le mot ‘flow’ qui signifie ‘écoulement, flux’ fait référence à la culture rap dans laquelle on rencontre de nombreux mots anglais. Dans le contexte des rappeurs, le flow est la déclamation, l’acte créatif comme l’illustre cette vidéo :

 

Puis le mot a pris par dérivation le sens du style. Aujourd'hui donc, avoir du flow est synonyme de l ‘expression ‘avoir de la classe’, avoir une certaine allure, comme l’explique cette vidéo.

Karité: ce mot d'origine wolof est passé dans la langue française courante dans l’expression beurre de karité, un produit de beauté pour la peau. Cet arbre à fleurs produit des amandes dont est extrait un produit gras utilisé pour faire de l’huile de cuisine, mais aussi dans la fabrication de cosmétiques. Le mot wolof (kaarité) est en fait un emprunt à la langue soninké qui nomme ce produit ‘xarite’.

Cette vidéo montre le processus de procession du beurre de karité au Mali:

 

Shit : Alors qu’en anglais ce gros mot signifie principalement “merde”, en français il a été importé pour faire référence, de façon informelle mais fréquente, au cannabis. Preuve que le terme est bien connu, dans une affaire judiciaire, la plateforme Telegram a été accusée de complicité dans la vente du cannabis quand la police y avait facilement trouvé un groupe, actif mais pas repéré par les modérateurs, dont le nom utilisait ce mot, considéré comme un “des mots-clés liés à la vente de produits stupéfiants». Les juges ont fait remarquer que «toute personne qui parle français connaît le mot shit, même s’il ne consomme pas de cannabis».

En anglais il peut se référer à plusieurs choses en fonction du contexte – un truc, une affaire, une substance, quelque chose d'ennuyeux ou de mauvaise qualité – mais en général c’est un terme péjoratif, voire grossier. Le choix d’un tel mot pourrait s'expliquer par le caractère perçu comme négatif ou subversif de l'objet. Comme pour “deal”, le choix d’un mot anglais pourrait être à la mode grâce à des séries internationales et du contenu en ligne.

Le mot ‘shit’ apparaît dans plusieurs chansons, qui ont souvent un caractère ironique, c'est l'exemple de cette vidéo:

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org

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« Emilia Pérez » : un Oscar pour les stéréotypes latino-américainshttps://fr.globalvoices.org/?p=294827http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250430_124209____Emilia_Perez______un_Oscar_pour_les_stereotypes_latino-americainsWed, 30 Apr 2025 10:42:09 +0000Au delà de ses récompenses, le drame musical « Emilia Pérez » a suscité une vive controverse, particulièrement au Mexique

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration de CONNECTAS, avec droit d'utilisation.

Cet article de Leonardo Oliva initialement publié sur CONNECTAS, est repris par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Une scène devenue virale sur les réseaux sociaux montre Selena Gomez criant maladroitement quelques mots en espagnol avant de chanter dans la même langue. Il s'agit d'un extrait d’Emilia Pérez, une scène au cœur de la polémique entourant le film, qui a obtenu le plus de nominations aux Oscars du 3 mars (13 au total). Le film a remporté deux récompenses.

Malgré son nom de famille, Gomez est américaine et ne parle pas un mot d'espagnol. Son accent forcé dans le film a suscité toutes sortes de critiques en Amérique latine. Il en va de même pour l'ensemble de la production française : tournée en Europe, avec une actrice transgenre et espagnol dans le rôle principal, et dont l'action se déroule… au Mexique.

@soceleb

Selena Gomez in Emilia Pérez. #selenagomez #emiliaperez #fyp #popculture #celebrity #hollywood #foryoupage

♬ suono originale – soceleb

Emilia Pérez a été nominée pour l'Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur. Le film concourait également dans la catégorie du meilleur film étranger pour la France (malgré l'absence totale de répliques en français).

Selon Ximena Méndez Mihura, universitaire à l'Institut latino-américain des sciences sociales (Flacso), spécialisée dans l'étude de la représentation de l'Amérique latine à Hollywood, ce film suit les codes habituels. Elle affirme que dans cette industrie, « les personnages latino-américains sont souvent caractérisés comme des autochtones à peine humanisés, tandis que les femmes sont cantonnées à des rôles de purs objets de désir hétérosexuel. » En ce qui concerne les décors et les pays, « le Mexique est généralement associé aux villages indigènes ou, ces dernières années, au trafic de drogue. » Cuba, de son côté, devient «une vitrine de la gauche », tandis qu'en Colombie, « les projecteurs sont braqués sur le danger ».

À ce sujet, il suffit de regarder l'une des dernières sorties de Netflix, la série Bogotá, qui n'est ni européenne ni américaine, mais coréenne, et qui reproduit les mêmes clichés. Le filtre jaune est le plus couramment utilisé : on le retrouve dans des dizaines de productions qui cherchent à représenter, aux yeux de spectateurs ignorant / peu avertis des pays du Nord, une vision stéréotypée d'un pays d'Amérique latine. Dans ce cocktail jaunâtre, on retrouve inévitablement poussière, désert, pauvreté, ainsi que des rôles stéréotypés : des femmes voluptueuse et sexy, des hommes séducteurs et trafiquants de drogue. Les femmes et les hommes sont généralement d'excellents danseurs, et vivent dans des lieux exotiques situés au-delà d'une frontière (supposée) entre civilisation et barbarie.

Dans cette logique, Hollywood n'a pas hésité à confier à Al Pacino le rôle d'un baron de la drogue cubain dans Scarface, à Madonna celui de la première dame d'Argentine dans Evita, ou à Antonio Banderas celui d'un militant de gauche chilien dans La Maison aux esprits. Ce sont les ancêtres directs d’Emilia Pérez, bien qu'à l'époque (dans les années 1980 et 1990), il n'existait pas de réseaux sociaux pour amplifier l'indignation qu'ils auraient pu susciter.

La vidéo YouTube ci-dessous évoque certains des stéréotypes latino-américains les plus courants à Hollywood.

L'universitaire argentine, Méndez Mihura, n'a pas détesté le film d'Audiard. Elle y voit des éléments du théâtre de l'absurde abordant des thèmes actuels, tels que « les nouvelles identités, l'autonomisation des femmes, la sécurité et le narcotrafic. » Cependant, elle reconnaît que « si on ne le considère pas comme un film du genre de l'absurde, il peut vraiment heurter la sensibilité du peuple mexicain. Depuis le début du cinéma, le Mexique a fait savoir aux États-Unis qu'il n'autoriserait pas la sortie de films dénigrant son peuple. En conséquence, Hollywood a dû modifier de nombreux éléments pour pouvoir diffuser ses films au Mexique. »

De son côté, le scénariste et réalisateur mexicain Guillermo Rivera (également journaliste pour CONNECTAS) souligne qu’Emilia Pérez représente « la vision d'un Européen, un homme blanc qui réduit l'Amérique latine à une couleur et une saveur. » C'est une vision « que d'autres partagent : tout est en sépia. Hollywood a toujours représenté le Mexique de cette façon. »

Le critique de cinéma nicaraguayen Juan Carlos Ampié, qui voit aux Etats-Unis, partage le même point de vue que Rivera. Alors que la presse spécialisée américaine a très bien accueilli le film Emilia Pérez, il y voit « une manifestation de l'isolement de la culture cinématographique aux États-Unis et en Europe. Nous voyons tout ce qu'ils produisent, mais eux ne voient pas tout ce que nous faisons. Il est vrai que notre volume de production n'est pas comparable, et il est presque impossible pour nos réalisateurs d'accéder aux circuits de diffusion. »

Il souligne que le film repose sur « de nombreuses décisions créatives, davantage guidées par l'ignorance que par un réel intérêt pour les cultures d'Amérique latine. » Il pointe également du doigt les paroles des chansons : « Je ne serais pas surpris qu'ils aient utilisé Google Traduction pour les écrire. » Par ailleurs, il explique que le film doit son succès au fait que les fictions mexicaines les plus populaires aux États-Unis « sont les séries sur le narcotrafic et les telenovelas, précisément les genres qu'exploite Emilia Pérez ».

Le cinéma à l'ère Trump

La National Hispanic Media Coalition (NHMC) est l'une des organisations les plus actives œuvrant contre la représentation stéréotypée des Latino-Américains à Hollywood. L'année dernière, elle a publié un guide destiné aux professionnels de l'industrie du divertissement afin d'encourager des représentations plus nuancées à l'écran.

La NHMC affirme qu'aux États-Unis « le paysage médiatique est dominé par des créateurs, des producteurs et des acteurs blancs non latinos, qui façonnent une représentation biaisée des communautés et identités latino-américaines à l'écran. » Ces productions représentent souvent les Latino-Américains comme des membres de gangs, des trafiquants de drogue ou des criminels, dans des rôles sans réplique ou très peu, ou encore dans des personnages secondaires aux accents stéréotypés, en contraste avec les sauveurs à la peau blanche.

Une étude récente menée par l'Annenberg Inclusion Initiative de l'Université de Californie révèle qu'au cours des vingt dernières années, seuls 75 artistes latino-américains tiennent des rôles principaux ou secondaires dans des films, alors que 49% de la population de Los Angeles est hispanique. Au total, seulement 5,5% des personnages représentés à l'écran sont d'origine latine.

Derrière la caméra, le constat est tout aussi alarmant : sur les 1 600 films analysés, seulement 4% ont été réalisés par des cinéastes latino-américains, et parmi eux, une seule femme.

« Les Latino-Américains, sous représentés à Hollywood. La prévalence des personnages latinos/hispaniques dans les 1 600 films les plus populaires de 2007 à 2022. » Graphique réalisé par CONNECTAS avec les données du Dr Stacy L. Smith et de l'Annenberg Inclusion Initiative, avec droit d'utilisation.

Quant aux stéréotypes, 25% des personnages hispanophones étaient des criminels et 17% étaient pauvres ou issus de milieux précaires. Personne ne devrait donc être surpris que le réalisateur d’Emilia Perez ait lui-même déclaré, en voulant défendre son film, que l'espagnol est « la langue des pauvres ».

Le grand paradoxe est qu’Emilia Perez pourrait devenir symbole de la résistance progressiste d'Hollywood face à la nouvelle ère Trump. Un ou plusieurs Oscars décernés à l'histoire d'une trafiquante de drogue transgenre et mexicaine : trois identités ciblées par les politiques de Trump.

Selon Méndez Mihura, au cinéma, la figure du Latino-Américain menaçant a évolué, dorénavant, c'est le narcotrafiquant et le trafic que l'on combat.

En las películas de acción de los últimos tiempos, la colonización sigue presente, pero mientras antes la dirección de colonización era de Este a Oeste (el western clásico), ahora es desde el Norte hacia el Sur (del continente). Es decir, la epopeya no ha terminado aún. Las películas de aventuras, aun cuando no pertenecen al género del western, toman algunos de sus elementos para mostrar esto. Es decir, hay territorios salvajes por civilizar y nuevas especies por educar.

In recent action movies, the theme of colonization is still present, but while before colonization was from East to West (the classic western), now it is from North to South (of the continent). In other words, the saga is not over yet. Adventure films, even when they do not belong to the western genre, take some of its elements to show this. That is, there are wild territories to be civilized and new species to educate.

Dans les films d'actions récents, le thème de la colonisation est toujours présent, mais alors qu'auparavant la colonisation allait d'Est en Ouest (le western classique), désormais, elle va du Nord vers le Sud (du continent). En d'autres termes, la saga est loin d'être terminée. Les films d'aventure, même lorsqu'ils n'appartiennent pas au genre western, en reprennent certains éléments pour le suggérer : l'idée reste la même : des terres sauvages à civiliser et de nouveaux peuples à éduquer.

Comme si la réalité imitait la fiction, Trump cherche désormais à créer son propre western en expulsant les « sauvages » (migrants) en dehors de la frontière. Vers ce lieu exotique, jaunâtre et poussiéreux où vit une trafiquante de drogue transgenre (mexicaine, dominicaine, espagnol, peu importe) qui chante son chant de rédemption.

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« Ce sont les femmes qui mènent la révolution », déclare un journaliste péruvienhttps://fr.globalvoices.org/?p=294854http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250430_122913____Ce_sont_les_femmes_qui_menent_la_revolution_____declare_un_journaliste_peruvienWed, 30 Apr 2025 10:29:13 +0000« Pour la première fois dans ma carrière de journaliste, j'ai ressenti l'utilité de mon travail. »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Libros publicados por Antonio Orjeda. Foto del cortesía de Antonio Orjeda.

Les livres publiés par Antonio Orjeda. Photo d'Antonio Orjeda, avec droit d'utilisation.

Reconnaître et mettre en lumière le travail des femmes dans notre société est essentiel. C'est dans cette optique qu'en 2004, le journaliste péruvien Antonio Orjeda a crée Mujeres batalla (Femmes de combat), une série d'interviews avec des centaines de femmes, qui a fini par transformer sa vie. A l'époque, il travaillait pour El Comercio, l'un des quotidiens les plus lus au Pérou. Chaque mardi, il y transcrivait en pleine page ses conversations avec des femmes d'affaires, des cadres et des entrepreneures sociales. Par la suite, la série s'est élargie à des centaines de femmes aux parcours très divers.

Algunos entrevistas de la serie "Mujeres batalla". Foto del cortesía de Antonio Orjeda.

Quelques interviews de la série « Mujeres batalla » (Femme de combat) publiées dans le journal El Comercio. Photo d'Antonio Orjeda.

À travers des interviews simples et authentiques, Orjeda a donné la parole à des femmes de tous âges, venues de différentes régions du Pérou, riches de savoirs à partager et à enseigner et toutes animées par un même point commun : une détermination personnelle et la fierté de leur parcours.

Antonio Orjeda s'est lancé dans l'édition en 2007 avec Mujeres Batalla, un recueil d'interviews tirées de ses archives. Le livre s'est vendu à plus de 10 000 exemplaires. En 2019, il crée Mancha Brava (La bande intrépide), une collection de six livres destinés aux enfants, publiés annuellement. Depuis 2020, ces ouvrages sont d'abord disponibles en ligne gratuitement, avant de paraître en version papier.

Nous avons rencontré Antonio Orjeda afin de revenir sur ces 20 années consacrées à mettre en lumière le travail de nombreuses femmes aux profils variés.

Global Voices (GV): Comment et quand l'idée du livre Mujeres Batalla vous est-elle venue ? Quelles ont été les premières réactions ?

Antonio Orjeda (AO): La idea del libro fue consecuencia de un correo electrónico. Una mamá me escribió para contarme que estaba coleccionando las entrevistas que cada semana venía publicando en El Comercio y que guardaba algunas para que su hija las leyera cuando creciera. Le agradecí, le pregunté por la edad de su hija y resultó que era una bebé de seis meses de nacida. O sea, esa mujer iba a esperar unos años para sacar esas páginas de periódico y dárselas a leer. Ahí nació la idea del libro, porque sentí por primera vez en mi vida como periodista que mi labor podía ser útil. Y en el proceso de seleccionar las 30 entrevistas que integrarían el libro, surgió el nombre: “Mujeres batalla”. El libro fue un éxito, vendió más de 10.000 ejemplares. Hoy está agotado, aunque en 2018 se publicó una segunda versión.

Antonio Orjeda (AO): The idea of the book came after an e-mail. I got a message from one mother who told me she was collecting the interviews I published weekly in El Comercio, and that she was saving them so her daughter could read them when she was older. I thanked her and asked how old her daughter was, and it turned out she was a six-month-old baby. I mean, this lady was going to wait years to retrieve those newspaper pages and give them to her daughter. That's when the idea of the book was born, because, for the first time in my life as a journalist, I felt my work could be useful. And in the process of selecting the 30 interviews for the book, the name came up, “Mujeres batalla.” The book was successful, it sold more than 10,000 copies. Nowadays, it's sold out, although a second edition was launched in 2018.

Antonio Orjeda (AO) : L'idée du livre est née d'un email. J'ai reçu un message d'une mère qui me disait qu'elle collectionnait les interviews que je publiais chaque semaine dans El Comercio, et qu'elle les conservait pour que sa fille puisse les lire quand elle serait plus grande. Je l'ai remerciée, puis je lui ai demandé quel âge avait sa fille. Il s'est avéré que c'était un bébé de six mois. Cette femme avait l'intention de conserver ces pages de journal pendant des années pour ensuite les transmettre à sa fille. C'est à ce moment-là qu'est née l'idée du livre, car pour la première fois de ma carrière de journaliste, j'ai ressenti l'utilité de mon travail. C'est en sélectionnant les 30 interviews pour le livre que le nom m'est venu : Mujeres batalla. Le livre a rencontré un grand succès avec plus de 10 000 exemplaires vendus. Aujourd'hui, il est épuisé, bien qu'une seconde édition ait été publiée en 2018.

GV: En tant que journaliste homme, pourquoi avoir décidé de vous concentrer sur le parcours des femmes ?

AO: No lo decidí yo. En mayo de 2004 se lanzaría en la sección Economía de El Comercio una serie de páginas temáticas semanales y, por alguna razón, querían una dedicada a la mujer. ¿Por qué? Nadie lo supo explicar, y como yo era el “sensible” del grupo, el que trabajaba “temas raros”, desde perspectivas inusuales, me encargaron esa tarea que en realidad, sentí como una carga, y por eso propuse algo para salir del paso: como se trataría de toda una página, planteé realizar una entrevista semanal a una mujer destacada; y bastó la primera entrevista para “descubrir” un mundo inesperado que terminaría alterando mi vida para siempre.

AO: I'm not the one who decided it. In May 2004, the economics section of El Comercio launched a weekly series of themed pages, and for some reason, they wanted one dedicated to women. Why? No one could explain it, and as I was the “sensitive” one in the group, the one working on “unusual topics,” from unusual perspectives. I was appointed as responsible for a task that, in fact, I felt was a burden. That's why I proposed something just to get off the hook: as it would be a whole page, I suggested a weekly interview of a prominent woman. It took just one interview to “discover” an unexpected world that would end up changing my life forever.

AO : Ce n'est pas moi qu'il l'ai décidé. En mai 2004, la section économique d'El Comercio a lancé une série hebdomadaire de pages thématiques, et pour une raison quelconque, ils voulaient qu'une d'entre elles soit consacrée aux femmes. Pourquoi ? Personne ne savait vraiment. Et comme j'étais considéré comme le « sensible » de l'équipe, celui qui traitait des « sujets atypiques » sous des angles originaux, on m'a confié cette mission que je considérais au départ comme un fardeau. C'est pourquoi pour m'en débarrasser, j'ai proposé une idée un peu au hasard : puisqu'il s'agissait d'une page entière, j'ai suggéré de faire chaque semaine l'interview d'une femme influente. Une seule interview a suffi pour me faire « découvrir » un monde inattendu, qui allait transformer ma vie à jamais.

GV: Comment choisissez-vous les femmes que vous interviewez ?

AO: Me guío por la trascendencia de su labor, o porque haya algo ejemplar o peculiar en su historia. La facturación no es determinante.

AO: I tend to take a look at the significance of their work, or if there is something enlightening or different in their stories. How much money they earn is not decisive.

Les trois premiers livres « Mancha Brava ». Photo d'Antonio Orjeda.

AO : Je m'intéresse surtout à l'importance de leur travail, ou à ce qu'il y a de marquant ou d'original dans leur parcours. Leurs revenus ne sont pas un critère de sélection.

GV: Parlez-nous de Mancha Brava. Au Pérou, « mancha » signifie groupe et « bravo » veut dire brave. On pourrait dire qu'il s'agit d'une bande intrépide.

AO: “Mancha Brava” es una colección de libros que, a través de historias de mujeres ejemplares, procura servir de herramienta para sembrar equidad de género desde la infancia. Esta propuesta pertenece al género del libro informativo, que en la literatura infantil y juvenil se caracteriza por narrar hechos reales, cero ficción; y por ser visualmente atractivos.

Cada año, desde 2019, publico una nueva selección de diez casos. A partir de la segunda, “Mancha Brava – Las heroínas de la pandemia”, cada selección es temática. “Mancha Brava – Campeonas” es el quinto título, se publicó en 2023 y ofrece las historias de deportistas de élite peruanas.

AO: “Mancha Brava” is a collection of books that, through the stories of exemplary women, aims to be a tool to foster gender equality from childhood. This series belongs to the informative book genre, which in children and teen literature typically tells real facts, no fiction at all, and is visually attractive.

Every year since 2019, I publish new stories. Since the second one, “Mancha Brava: Las heroínas de la pandemia” (“Brave Pack: Pandemics Sheroes”), each book is about one topic. “Mancha Brava: Campeonas” (“Brave Pack: Champions”) is the fifth title, published in 2023, and presents stories of elite Peruvian sportswomen.

AO : Mancha Brava est une collection de livres qui, à travers les histoires de femmes exemplaires, vise à promouvoir l'égalité des genres dès l'enfance. Cette série appartient au genre informatif, qui, en littérature jeunesse, relate généralement des faits réels, sans aucune fiction, dans un format visuellement attractif.

Depuis 2019, je publie de nouvelles histoires chaque année. À partir du deuxième volume : Mancha Brava : Las heroínas de la pandemia (La bande intrépide : les héroïnes de la pandémie), chaque livre se concentre sur un thématique spécifique. Le cinquième livre de la collection, Mancha Brava : Campeonas (La bande intrépide : Championnes), publié en 2023, présente les histoires de sportives péruviennes de haut niveau.

GV: Gardez-vous contact avec les femmes dont vous racontez l'histoire ?

AO: A algunas, pues tras la experiencia por lo general se establece un vínculo, que incluso ha llegado a la amistad.

AO: With some of them, we even consider ourselves friends. After the interviewing experience, a bond is usually formed.

AO : Avec certaines d'entres elles, nous nous considérons même amis. Un lien se crée généralement lors de l'interview.

GV: Quelle est l'histoire qui vous a le plus marqué ?

AO: De los seis títulos de la colección “Mancha Brava”, diría que más que alguna historia en especial, me han marcado dos títulos: el tercero y el último, que presentan a colegialas y a maestras, respectivamente. El primero, porque me encantó comprobar que hay menores de edad con historias poderosas y, mejor aún, que ello es consecuencia de haber recibido afecto en sus hogares. Ese resultado se obtiene así haya o no dinero en casa, eso me sacó de cuadro. ¿El otro libro? Me conmovió constatar el grado de amor que pueden tener las educadoras por su profesión. El sacrificio que han realizado con el propósito de brindar la mejor formación posible a sus chicas y chicos.

AO: From the six titles of the “Mancha Brava” collection, I'd say that more than a particular story, two titles have impressed me: the third and the last one, which feature schoolgirls and teachers, respectively. The first one, because I loved to confirm that there are young girls with compelling stories and, even better, that it's a result of having received love at home. That result is there, whether there is money or not at home. That puzzled me. The other book? I was moved to verify the extent of love that women educators can have for their profession, the sacrifices they have made in order to provide the best possible education for their girls and boys.

AO : Parmi les six livres de la collection Mancha Brava, ce ne sont pas tant les histoires qui m'ont marqué, mais plutôt deux livres en particulier : le troisième et le dernier, consacrés respectivement à des écolières et à des enseignantes. Le premier, parce que j'ai été heureux de constater qu'il existe des jeunes filles aux parcours remarquables, et surtout, que cela est le résultat de l'amour reçu au sein du foyer. J'ai été vraiment surpris de voir que de telles histoires existent, qu'il y ait de l'argent ou non dans le foyer. L'autre livre ? J'ai été ému de voir à quel point certaines éducatrices étaient passionnées par leur métier, ainsi que par les sacrifices qu'elles ont consentis pour que leurs élèves, filles comme garçons, reçoivent la meilleure éducation possible.

GV: Au cours de ces 20 années passées à interviewer des femmes, avez-vous remarqué une évolution dans la manière dont les femmes sont perçues dans la société péruvienne ?

AO: La revolución la están haciendo ellas, día a día y desde diferentes escenarios, pese a vivir en un país machista, clasista y racista. En estos 20 años se han creado una serie de gremios en los que las mujeres que han crecido en sus respectivos rubros les abren camino a las que recién empiezan. El trabajo es arduo, pero ahí están, dando batalla.

AO: They are the ones leading the revolution, day by day and from different settings, in spite of living in a sexist, classist and racist country. In these 20 years, women have grown in their various respective industries and are opening up a path to those who are just starting. It's hard work, but there they are, putting up the fight.

AO: Ce sont elles qui mènent la révolution, jour après jour, dans des contextes variés, malgré le fait de vivre dans un pays sexiste, classiste et raciste. En 20 ans, les femmes ont progressé dans divers secteurs et ouvrent désormais la voie à celles qui arrivent derrière. C'est un combat difficile, mais elles sont là, poursuivant la lutte.

GV: Que retenez-vous personnellement de cette expérience ?

AO : Il est difficile de ne retenir qu'une seule chose, mais je dirais que le travail des enseignantes rurales m'impressionne. Nous leur devons tant, et pourtant, nous ne leur exprimons pas notre reconnaissance. C'est triste, et malgré tout, elles continuent à exercer leur métier avec passion.

AO: Es difícil quedarme con un solo aspecto, pero diría que me impresiona la tarea de algunos maestros rurales, por ejemplo. Tenemos mucho que agradecerles; y no se está haciendo. Es triste, y pese a todo, persisten en esa labor.

AO: It's hard to get just one thing, but I'd say I'm impressed by the task of some rural teachers. We have so much to thank them for, but we are not doing it. It's sad and, in spite of everything, they are still embracing their work.

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Chine : le cobalt congolais au service de la transition énergétique verte, mais à quel prix ?China is using cobalt from the DRC to power the green energy transition. But at what cost?https://fr.globalvoices.org/?p=294869http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250430_122038_Chine___le_cobalt_congolais_au_service_de_la_transition_energetique_verte__mais_a_quel_prix__China_is_using_cobalt_from_the_DRC_to_power_the_green_energy_transition._But_at_what_cost_Wed, 30 Apr 2025 10:20:38 +0000La RDC est confrontée à l'exploitation des ressources, à la destruction de l'environnement, à des conditions de travail dangereuses et au travail endémique des enfants.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des enfants travaillant dans une mine artisanale à Kailo, en République démocratique du Congo. Julien Harneis, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons

Cet article a été soumis dans le cadre de la bourse Global Voices Climate Justice, qui met en relation des journalistes issus de pays sinophones et du Sud global afin d’enquêter sur les effets des projets de développement chinois à l’étranger. Retrouvez d’autres récits ici.

Lorsque le président chinois Xi Jinping s’est adressé aux dirigeants africains lors du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) à Pékin en septembre 2024, promettant un avenir plus vert et durable, les applaudissements furent nourris. La Chine s’est engagée à investir 50 milliards de dollars sur trois ans pour développer un réseau d’énergie propre et des infrastructures vertes à travers le continent. Les médias officiels chinois ont présenté cette initiative comme une victoire à la fois pour la justice climatique mondiale et le développement de l’Afrique.
Mais à des milliers de kilomètres de là, dans les villes minières poussiéreuses de la République démocratique du Congo, cette promesse sonne creux.

Le cobalt se trouve souvent aux côtés du cuivre et de la malachite (ces pierres bleu-vert). Par conséquent, ces chaînes d’approvisionnement – ainsi que les risques qui leur sont associés – sont fréquemment étroitement liés. Image provenant de Flickr. CC BY-SA 2.0

Le continent africain détient une part importante des réserves mondiales de ressources naturelles. Son sous-sol recèle de grandes quantités de pierres précieuses et de minéraux tels que l’or, les diamants, le platine, le chrome, l’uranium, le cuivre, le coltan, le cobalt, et bien d’autres encore.

Sous la terre rouge du sud de la République démocratique du Congo se trouve plus de 70 % des réserves mondiales connues de cobalt — un minerai si essentiel aux batteries modernes qu’on le surnomme le « nouveau pétrole ». Le cobalt est en effet une ressource clé utilisée dans presque tous les appareils dotés de batteries lithium rechargeables, des smartphones et ordinateurs aux véhicules électriques et équipements industriels.
Au cours de la dernière décennie, les entreprises chinoises ont pris le contrôle de l’exploitation du cobalt en RDC, maîtrisant l’extraction, le traitement et l’exportation. Ce qu’elles laissent derrière elles : un paysage dévasté.

Une gamme de smartphones sortis en 2024. Le cobalt est un composant essentiel des batteries de téléphones portables. Image provenant de YouTube. Utilisation équitable.

Outre le cobalt, la République démocratique du Congo fait face à de nombreux autres défis, notamment des décennies d’instabilité politique liées à son passé colonial et la violence alimentée par des groupes insurgés. Ces facteurs, associés aux conséquences environnementales de l’exploitation minière dangereuse et non régulée, rendent la vie particulièrement misérable dans certaines régions de la RDC.

Gestion des ressources en République Démocratique du Congo

Un réseau de “mines artisanales” où les habitants creusent pour extraire des minéraux à Rubaya, en République Démocratique du Congo. Photo prise par  MONUSCO PhotosCC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons.

Bien qu'étant le premier producteur mondial de cobalt, avec 70 % de la part de marché, l'exploitation de cette ressource mondialement rare ne bénéficie pas pleinement aux Congolais.

Le secteur est miné par le trafic illégal et la corruption. Certains Congolais gagnent leur vie grâce à l’exploitation artisanale du cobalt, où les travailleurs ne sont pas officiellement employés par une entreprise et extraient le minerai de manière indépendante, souvent à la main, pour vendre ensuite leur production à de plus grandes sociétés minières. Ces mineurs artisanaux se trouvent principalement dans des zones très reculées et isolées où le minerai est présent, tandis que la supervision de l'État est quasi inexistante, ce qui signifie que les protocoles de sécurité sont inexistants et que le travail des enfants est omniprésent.

Des enfants travaillant dans une “mine artisanale” en République Démocratique du Congo. Photo de Julien Harneis, prise à Goma, République Démocratique du Congo, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons

Dans l'une de ses publications, l’Institute for Security Studies (ISS) estime que de nombreuses entreprises minières présentes en République Démocratique du Congo, dont plus de 140 entreprises chinoises, sont impliquées dans ce trafic organisé et cette exploitation illégale :

En raison de l’instabilité du pays, de nombreuses sociétés étrangères titulaires de licences minières ne produisent pas elles-mêmes le cobalt, mais s’approvisionnent auprès des mineurs artisanaux. Environ 150 000 à 200 000 mineurs artisanaux exploitent les gisements de cobalt en RDC et un million de personnes dépendent de leurs revenus.

Les mineurs artisanaux représentent de 10 à 20 % des exportations de cuivre et de cobalt du pays, tandis que le reste de la production provient de sites industriels plus avancés, comme celui présenté ci-dessous.

Un site minier industriel en RDC. Image tirée de Flickr. CC BY-SA 2.0

La plupart des sites d'extraction de cobalt du pays appartiennent à des entreprises chinoises, et aujourd'hui, la Chine est responsable de 80 % de la production de cobalt raffiné de la République Démocratique du Congo. Cela est devenu le cas depuis septembre 2007, lorsque la RDC a signé un contrat de 9 milliards de dollars avec un consortium d'entreprises publiques chinoises pour construire l'infrastructure du pays en échange d'un accès privilégié aux minéraux et aux sites miniers. Le contrat incluait des taux d'intérêt élevés et un engagement de 3 milliards de dollars de la part de la RDC pour soutenir les investissements chinois. Bien que le contrat ait été révisé à la baisse à 6 milliards de dollars en 2009, avec des taux d'intérêt réduits et sans financement de l'État congolais, la Chine en est tout de même sortie gagnante.

De nos jours, de nombreux Congolais considèrent le contrat comme un accord à sens unique qui a largement bénéficié à l’ex-président Joseph Kabila Kabange (2001-2019) et à son gouvernement, plutôt qu'au peuple congolais. Un rapport de l'Inspection Générale des Finances (IGF) congolaises publié en février 2023 a dénoncé cette exploitation déséquilibrée et a mis en cause l'ancien gouvernement pour avoir bradé les précieuses ressources du pays :

Les entreprises chinoises ont déjà encaissé un gain évalué à près de 10 milliards de dollars américains, tandis que la République démocratique du Congo n’a bénéficié que de 822 millions de dollars en termes d’infrastructures. Le déséquilibre criant qui a été constaté, le bradage, la dilapidation de nos minerais constatés dans ce contrat a été également l’œuvre de fils égarés de notre pays, qui ont accompagné les entreprises chinoises dans cette œuvre macabre contre notre pays.

Incidents environnementaux majeurs

Selon Amnesty International et les groupes de surveillance environnementale, les sites miniers appartenant à des entreprises chinoises ont été liés à des déversements répétés de déchets toxiques, à la déforestation et à une contamination généralisée des eaux. Ces dernières années, au moins 14 incidents environnementaux majeurs ont été signalés près des opérations minières en RDC, y compris un effondrement de digue de résidus et des déversements d’acide dans des rivières utilisées par les communautés locales. Les opérations de nettoyage sont rares, et la responsabilité est encore plus rare.

Dans certaines régions, des villages entiers ont été évacués de force pour permettre l'expansion industrielle. Les personnes déplacées rapportent avoir subi des violences physiques, des violences sexuelles et des intimidations. “Nous n'avons pas été consultés. Un jour, ils sont venus avec des machines”, se souvient une femme qui a perdu sa maison près de Fungurume dans un rapport d’Amnesty International. “Nous avons perdu nos maisons et nos champs. Quel genre d'énergie propre est-ce ?”. Les résidents qui restent signalent la pollution de leurs cours d'eau et des problèmes de santé dus aux déversements chimiques et à la pollution.

De retour à Pékin, les médias d'État chinois continuent de vanter ses mérites écologiques mondiaux, qualifiant la poussée du pays pour les énergies renouvelables de “cadeau pour l'humanité“. Des médias officiels comme Xinhua mettent en avant les projets de la Chine pour aider les nations africaines à construire des parcs solaires et des projets hydroélectriques.

Les médias d'État chinois, y compris les quatre principaux — Xinhua, People’s Daily, China Daily, et CCTV ainsi que sa branche internationale CGTN — se sont longtemps vantés de la capacité de la nation à investir et à se développer en RDC, ainsi que dans d'autres pays.

Une flotte de véhicules électriques. Image provenant de Flickr. CC0 1.0

Alors que la Chine déploie sa stratégie à travers son réseau d'influence composé de grandes entreprises minières en RDC et dans d'autres pays africains, elle affirme sa puissance énergétique et se positionne comme un leader mondial des énergies renouvelables et des véhicules électriques.

Cependant, un examen approfondi du côté chinois de cette narration révèle que les investissements visent à mettre en avant le rôle de l'État en tant que partenaire énergétique bienveillant, alors qu'en réalité, ses contributions sont descendantes, technocratiques, et largement déconnectées du bien-être quotidien des communautés congolaises.

Dans un article sur la coopération entre la Chine et l'Afrique, un chercheur de l'Université Tsinghua écrit :

尽管资源丰富……非洲大陆的能源贫困问题依然严重.

Malgré ses ressources abondantes, le potentiel de développement énergétique de l'Afrique n'a pas été pleinement exploité en raison des faiblesses de longue date de son infrastructure, du manque de technologie et des pénuries de financement.

L'article présente la pauvreté énergétique de l'Afrique comme un fossé technique plutôt que comme le résultat de pratiques extractives exploitantes. Il n'y a aucune mention de l'impact sur les communautés, des droits fonciers ou de la gouvernance participative — seulement un appel à davantage de capital et d'infrastructure. L'auteur poursuit :

中国在与非洲各国共同推动清洁能源务实合作的过程中,建设了一批技术先进、环境友好的能源项目,遍布非洲40余个国家和地区,涉及光伏、风电、水电、生物质能等多个领域,帮助非洲新增电力装机1.2亿千瓦,建设电网线路6.6万公里,显著增强了非洲的电力供应能力,有效促进了非洲的能源转型.

Dans le cadre de la promotion d'une coopération pragmatique sur les énergies propres avec les pays africains, la Chine a construit un certain nombre de projets énergétiques technologiquement avancés et respectueux de l'environnement dans plus de 40 pays et régions africains, couvrant les énergies solaire, éolienne, hydraulique et biomasse. Ces efforts ont permis d'ajouter 120 millions de kilowatts de capacité de production d'énergie installée et de construire 66 000 kilomètres de lignes de transmission d'énergie en Afrique, améliorant considérablement la capacité d'approvisionnement en électricité du continent et favorisant efficacement sa transition énergétique.

Alors que les entreprises chinoises créent de la pollution, de la déforestation et de la contamination de l'eau, elles sont étroitement surveillées par les populations locales ; cependant, cela est rarement discuté dans la sphère publique chinoise.

Les dommages environnementaux causés en Afrique par les investissements chinois restent l'un des tabous les plus ignorés dans la sphère publique chinoise — les médias n'en parlent pas, la société civile n'a pas accès aux données sur le sujet, et le public reste dans l'ignorance de la situation.

Lors du Sommet de Beijing sur la Coopération Chine-Afrique en septembre 2024, les responsables chinois et les médias d'État ont fait de grandes promesses pour soutenir le développement énergétique durable de l'Afrique. Cependant, peu d'attention a été accordée à la question de savoir si ces interventions bénéficieraient réellement aux communautés locales ou, au contraire, généreraient de nouveaux préjudices environnementaux et sociaux.

Président chinois Xi Jinping et des dirigeants venus de tout le continent posent lors du Forum de coopération Chine-Afrique de 2024 à Pékin. Image de la Présidence de la République du Bénin. Flickr. CC BY-NC-ND 2.0

Pour mieux comprendre les récits entourant la coopération Chine-Afrique en matière d'énergie propre, Global Voices a mené une petite recherche narrative en utilisant des mots-clés tels que « dommages environnementaux », « pollution » et « déforestation ».

Image de Global Voices. Utilisé dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

À travers une large gamme de médias gouvernementaux et affiliés à l'État chinois, on observe un schéma discursif constant : les défis complexes de durabilité sont systématiquement redéfinis comme des problèmes techniques ou financiers — mettant l'accent sur le capital, l'infrastructure et l'accès. En même temps, la dégradation environnementale et les impacts sociaux locaux sont minimisés ou totalement omis. Ces sources dépeignent massivement l'intervention chinoise comme bienveillante, transformative et bienvenue par les nations africaines, tandis que les critiques ou points de vue alternatifs sont notablement absents.

Par exemple, un article de Xinhua décrit le rôle de la Chine comme l'injection de « puissance verte » dans le développement de l'Afrique, mettant en avant plus de 100 projets d'énergie propre sans évoquer les effets secondaires écologiques. Le People’s Daily présente les projets solaires et hydroélectriques comme des étapes majeures du partenariat vert, tout en omettant toute mention de déforestation, de déplacements de populations ou de contrôle réglementaire. Un reportage de CCTV inclut les éloges du Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, sur la coopération Chine-Afrique, mais ne reconnaît pas les préoccupations des populations locales ou des défenseurs de l'environnement.

Pendant ce temps, les critiques selon lesquelles la Chine promeut les énergies fossiles en Afrique tout en adoptant une politique verte chez elle — soulevées par les médias internationaux — sont absentes du discours en langue chinoise.

Un autre exemple est que, malgré la gravité de l’affaire de déforestation illégale impliquant les entreprises chinoises COKIBAFODE et SCIFOR en République Démocratique du Congo, une recherche sur ces entreprises dans les médias en langue chinoise donne presque aucun résultat — pas un seul reportage d'investigation, ni même une mention sur les réseaux sociaux.

L'absence presque totale de couverture reflète l'environnement d'information étroitement contrôlé par Pékin, où les scandales pouvant ternir l'image de la Chine à l'étranger ou remettre en question son leadership écologique auto-proclamé sont censurés de manière délibérée. Les médias privés chinois sont soit privés d'accès, soit réduits au silence de manière préventive, tandis que les récits officiels étouffent toute dissidence potentielle, laissant le public chinois presque totalement ignorant de la destruction environnementale réalisée en leur nom.

Avec un tel négligemment systématique et un silence médiatique, il n'est pas surprenant de constater que les autorités chinoises se concentrent uniquement sur les retours financiers et économiques des investissements. Les dommages environnementaux infligés aux communautés locales de la RDC ne figurent pas à l'agenda des responsables gouvernementaux chinois ni de celui des entreprises chinoises opérant dans la région.

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Les tarifs imposés par Trump sur les pingouins ont l’allure d’un mauvais poisson d’avrilhttps://fr.globalvoices.org/?p=294802http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250430_114310_Les_tarifs_imposes_par_Trump_sur_les_pingouins_ont_l___allure_d___un_mauvais_poisson_d___avrilWed, 30 Apr 2025 09:43:10 +0000Les îles inhabitées Heard-et-MacDonald visées par les tarifs du gouvernement américain

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Norfolk Island jail with local pines

La prison de l’île Norfolk, entourée de pins. Photo de Steve Daggar, via Wikimedia CC BY 3.0.

En Australie, les tarifs du Liberation Day (le jour de la libération) imposés par Donald Trump ont tout d’un poisson d’avril raté. Un tarif de 29 % a été imposé sur l’île Norfolk, un territoire d’Australie, bien que la population de l’île ne dépasse pas les 2000 habitants et qu’aucun produit n’est exporté vers les États-Unis.

Cette vidéo de Reuters résume la situation :

L’île regorge cependant de pins.

Les pins de l’île Norfolk. Image via Flickr. CC BY-ND 2.0.

Ces arbres font partie d’un paysage véritablement pittoresque qui fait de l’île une destination touristique idéale. Le tourisme est d’ailleurs l’industrie principale de l’île.

L’endroit est également connu pour être un petit paradis paisible sans aucun crime. Le dernier meurtre remonte d’ailleurs à plus de 150 ans. L’île était une colonie pénale britannique jusqu’en 1855.

Si l’on en croit ces posts sur BlueSky, ces tarifs seraient le résultat d’une terrible méprise :

We've solved the mystery on why all those remote and uninhabited islands were targeted for tariffs by Trump – they show up in US trade data due to mislabelled shipments. eg mixing up Norfolk, Virginia or Norfolk UK with Norfolk Island!

www.theguardian.com/australia-ne…

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— Nick Evershed!? (@nickevershed.bsky.social) April 4, 2025 at 2:15 PM

Nous savons enfin pourquoi toutes ces îles presque inhabitées sont sujettes aux tarifs de Trump : elles apparaîtraient en fait dans le système américain à cause d’une erreur d’étiquetage. Le système confond donc Norfolk en Virginie et Norfolk au Royaume-Uni avec l’île Norfolk !

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—Nick Evershed!? (@nickevershed. bsky. social) 4 avril 2025, 5 h 15

Les îles Heard-et-MacDonald, un territoire Australien accessible seulement après un voyage en mer de deux semaines et dont la population est uniquement constituée de pingouins, ont pareillement subi des tarifs de 10 %.

Donald Trump just put a 10 percent tariff on the Heard Island and McDonald, which has a population of zero people and is inhabited only by penguins.

[image or embed]

— Shannon Watts (@shannonrwatts.bsky.social) April 3, 2025 at 9:46 AM

Donald Trump vient d’imposer un tarif de 10 % sur les îles Heard-et-MacDonald, alors que les seuls habitants sont des pingouins.

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— Shannon Watts (@shannonrwatts. bsky. social) 3 avril 2025, 0 h 46

Sur Reddit, l’utilisateur LostNotDamned prend les choses de bon cœur en faisant référence à la grande peur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion du président américain :

Let's just hope they're hard working and not some woke DEI penguins!!

J’espère sincèrement que ce sont des pingouins qui aiment travailler et pas des sales pingouins wokes SJW !!!

Peut-être que Donald Trump avait lu en 2023 l’article « L’homoparentalité chez les pingouins fait grincer des dents certains conservateurs ».

Sur Mastodon, de nombreux utilisateurs se sont empressés de tourner l’affaire en ridicule :

 

Post by @Jinjirrie@mastodon.social
View on Mastodon

 

 

Post by @Snowshadow@mastodon.social
View on Mastodon

 

L'économie mondiale vit très mal les tarifs de Trump, et ces 10% imposés ne sont vraisemblablement pas au goût des pingouins. C'est en tout cas ce que poste Chelsea Gabrielle sur TikTok :

@chelseagabriella0

Damn no one is safe from the tariffs put on them #penguins #tariffs #heardisland #comedy#trending #penguin #foryoupage

♬ Gangsta's Paradise (feat. L.V.) – Coolio

Les pingouins en route vers la Maison-Blanche pour négocier une baisse des tarifs avec Trump. Et ils portent leurs plus beaux costumes-cravates !!!

Sachant que la Russie est exclue de la liste tarifaire, même le Rolling Stone n’a pas pu s’empêcher d’écrire le titre suivant : « Trump Launches Trade War With Penguins, Not Putin » (Trump ignore Poutine et lance une guerre commerciale contre les pingouins).

Trump is placing tariffs on countries around the globe — including even remote Antarctic islands inhabited only by penguins — while exempting the Russian regime of Vladimir Putin.

Trump impose véritablement des tarifs dans le monde entier… même des îles d’Antarctique exclusivement habitées par des pingouins sont touchées. Et pourtant le régime russe de Vladimir Poutine, lui, est épargné.

Sur Threads, Chuck Schumer, membre du Parti démocrate et sénateur de l’État de New York, rejoint la fête :

Donald Trump slapped tariffs on penguins and not on Putin.

Donald Trump impose des tarifs aux pingouins et pas à Poutine.

Mais malgré les blagues, il ne faut pas oublier que les tarifs de Trump, eux, ne rigolent pas :

The fact this isn't an April Fools spoof is just wild. He tariffed penguins.

— StrawberryVotes (@verymerryberry.bsky.social) April 4, 2025 at 9:42 AM

C’est quand même dingue de se dire que ce n’est pas un poisson d’avril. Il a sérieusement imposé des tarifs à des pingouins.

— StrawberryVotes (@verymerryberry. bsky. social) 4 avril 2025, 0 h 42

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Deux artistes de reggae jamaïcains aux racines rurales se sont éteints, laissant derrière eux l'écho des années 90https://fr.globalvoices.org/?p=294506http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250430_105406_Deux_artistes_de_reggae_jamaicains_aux_racines_rurales_se_sont_eteints__laissant_derriere_eux_l_echo_des_annees_90Wed, 30 Apr 2025 08:54:06 +0000Deux artistes de reggae jamaïcains aux racines rurales nous ont quitté, laissant derrière eux l'écho des années 90

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de présentation créée à l'aide des éléments de Canva Pro. Capture d'écran de Cocoa Tea extraite de cette vidéo You Tube de Television Jamaica, et capture d'écran de Determine extraite de cette vidéo YouTube téléchargée par Dj Frado.

Deux artistes jamaïcains, Cocoa Tea et Determine, nous ont quitté récemment, laissant derrière eux un héritage de musique reggae dite « consciente », qui était particulièrement populaire dans les années 90 alors que le genre dancehall  se développait et venait souvent s'y mélanger. Bien que leurs styles soient très différents, les deux chanteurs avaient plusieurs choses en commun : tous deux venaient de communautés de pêcheurs et avaient connu des moments difficiles au cours de leur vie, ils avaient également adopté le Rastafarisme qu'ils évoquaient dans leur musique.Colvin Scott (nom de scène Cocoa Tea), âgé de 65 ans, est décédé le 11 mars à Fort Lauderdale, en Floride, à la suite d'un arrêt cardiaque, on lui avait diagnostiqué un lymphome quelques années plutôt. Rohan Alexander Bennett (nom de scène Determine) avait 52 ans, a été emporté par un cancer de l'estomac le 13 février à Baltimore dans le Maryland.

Cocoa Tea (le thé au cacao) est une boisson traditionnelle caribéenne, chaude et épicée, faite à base de boules de cacao râpées. Il peut être plus ou moins sucré et a un effet calmant. Pareillement, le style du chanteur qui en emprunta le nom, était lisse et mélodieux mais aussi pénétrant. Né en 1959, Cocoa Tea a grandi dans la communauté de pêcheurs de Rocky Point , à Clarendon, sur la côte sud de la Jamaïque, fils d'une mère célibataire. Rocky Point est un endroit difficile qui a souffert, ces dernières années, des effets du changement climatique, y compris de l'ouragan Beryl en 2024.

Bien qu'il s'intéressait à la musique depuis son adolescence, la carrière de Cocoa Tea a démarré lentement et il a occupé plusieurs emplois. Il a été maçon, jockey de courses hippiques sur le circuit de Caymanas, et pêcheur alors qu'il était de retour à Rocky Point avant de connaître enfin la reconnaissance à Kingston en 1984.  Une rencontre avec l'influent producteur de disques Henry « Junjo » Lawes donna lieu à ses débuts « Rocking Dolly ».

A partir de là sa carrière a suivi une trajectoire constante. Il a écrit et chanté des chansons qui comportaient souvent un message social. Par exemple, « Rikers Island » (1990)  étaient une mise en garde aux jeunes jamaïcains immigrants aux États-Unis afin qu'ils ne suivent pas un mauvais chemin et ne se retrouvent pas dans la célèbre prison de New York. Au cours des années 90, le prolifique chanteur a effectué de nombreuses tournées à l'étranger et travaillé avec plusieurs producteurs de disques.

A cette époque, Cocoa Tea a adopté la religion rastafari, déclarant au journal le « Jamaïca Gleaner » en 1998 : « C'est la vie que j'aime. » Ses convictions ont continué à se refléter dans ses chansons, comme en témoigne sa prestation en direct au Rototom Sunsplash Festival en 2008.

En 1997, il a créé son propre label. Roaring Lion Records, basé dans sa paroisse natale de Clarendon plutôt qu'à Kingston, la capitale, il connut un certain succès, signant avec des artistes populaires tels que Shabba Ranks et Buju Banton. L'un de ses plus grands succès a été sa chanson « Barack Obama », en soutien au candidat à la présidence.

David Rodigan, vétéran de la diffusion du reggae au Royaume-Uni, a déclaré sur Twitter:

Cocoa Tea était extrêmement populaire en Afrique et les fans de reggae kényans ont exprimé leur chagrin sur les réseaux sociaux. La société de diffusion kényane, « the Kenya Broadcasting Corporation », lui a rendu hommage:

Un fan de musique a ajouté:

La chanson « Holy Mount Zion » de Cocoa Tea lui a été inspirée par l'énorme succès de Determine « Kette Drum », enregistrée en 1995, en collaboration avec le DJ Dancehall Beenie Man et produite par l'innovant producteur de disques Bobby « Digital » Dixon. La version de Cocoa Tea était l'une des nombreuses à incorporer le rythme hypnotique Nyabinghi qui parlait aux amateurs de musique. Le haut « Kette Drum » (appelé aussi Akete ou Repeater Drum) joue un rythme syncopé , improvise souvent et a une tonalité aiguë. Il est toujours accompagné de deux autres types de tambours lors de la cérémonie de Nyabinghi.

Aussi connu sous le nom de « Meshak », Determine a grandi dans la baie d'Annotto, ville côtière de la paroisse de Sainte Marie. Tout comme Cocoa Tea, il est resté fidèle à ses racines et son label de production porte le nom de Sandy Lane, le quartier où il a grandi. Son père était pêcheur et sa mère révérende.

Au lycée il était bon élève mais a décidé de se lancer dans une carrière musicale. Comme beaucoup d'artistes dans ce milieu, à cette époque, il est allé à Kingston, où il a commencé à travailler avec des sound systems. Il a reçu le « Rockers Award » du  nouveau meilleur DJ en 1995, l'année où il a enregistré « Kette Drum. » Fortement influencé par Bob Marley, il a mixé sur plusieurs rythmes de ce dernier. Ses textes sans compromis critiquent souvent le système politique jamaïcain et soulignent la situation difficile des jamaïcains pauvres.

Le fils de Determine, Romario « Runkus » Bennett, un artiste reggae roots, a déclaré :

« Mon père était un grand homme qui a surmonté les difficultés et a réussi à faire quelque chose de sa vie. Il était le meilleur père dont je puisse rêver. »

Après avoir connu le succès en effectuant des tournées en Amérique du Nord et en Europe, Determine a soutenu les communautés urbaines, en se concentrant sur le développement des enfants et en s'investissant dans une école primaire (basic school).

La station de radio Irie FM a annoncé une celebration spéciale en l'honneur de la vie de Determine :

Le populaire chanteur de reggae/dancehall Beenie Man a partagé son ressentit:

Cocoa Tea et Determine incarnent tous deux une époque du reggae qui existait avant que l'utilisation de la technologie ne soit plus répandue. Ils ont collaboré avec beaucoup d'artistes, y compris des deejays dancehall, comblant le fossé avec le reggae dit « roots » et touchant une corde sensible dans le cœurs des amateurs de musique. Le plus important peut-être, ayant grandi dans des communautés rurales défavorisées, ils étaient parfaitement conscients des problèmes sociaux que rencontraient les Jamaïcains moins fortunés, et n’hésitaient pas à l'exprimer dans leur musique.

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Un manifeste d'amour pour tous les êtres vivants depuis la Colombiehttps://fr.globalvoices.org/?p=294773http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250423_143421_Un_manifeste_d_amour_pour_tous_les_etres_vivants_depuis_la_ColombieWed, 23 Apr 2025 12:34:21 +0000Grâce au peuple Awá et à Katsa Su, j'ai découvert une nouvelle manière de vivre.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

De petite taille, avec une fourrure noire et blanche, des moustaches interminables et un regard attendrissant, Añemó, qui dans la langue Kamentsá signifie « être fort, » est entré dans ma vie le 7 août 2021, au cours d'une année charnière de mon parcours personnel, intellectuel et académique. J'avais commencé mon doctorat en droit quelque mois auparavant, recevant une bourse de l'Université du Rosaire à Bogota, en Colombie, où je me m'étais lancée le défi de transmette, à travers une approche juridique, d'autres manières de vivre.

Añemó. Photo de l'auteure, avec droits d'utilisation.

En 2020, j'ai rencontré pour la première fois le peuple Awá, une communauté binationale de la jungle vivant entre la Colombie et l'Equateur, qui m'a ouvert les portes de Katsa Su, leur « lieu sacré », comme ils l'appellent dans leur langue, l'Awapit.

Selon les Awá, tout ce qui habite Katsa Su est vivant. L'arbre qui saigne, le ruisseau qui observe tout autour, les oiseaux qui s'orientent grâce à leur chant, tous cohabitent dans quatre mondes différents : le premier, celui des plus petits êtres comme les fourmis ou les tatous ; le deuxième, celui que foulent les Awá ; le troisième, celui où résident les esprits ; et le quatrième, le lieu du créateur.

Pour les Awá, Katsa Su est une mère qui prend soin et pourvoit, mais qui nous rend également malades lorsque ses limites et ses codes sacrés sont transgressés. Lorsqu'on ne demande pas la permission lors de notre première rencontre avec une rivière, par exemple, ou lorsqu'elle refuse d'être visitée, les gens se perdent dans ses profondeurs.

Grâce au peuple Awá et Katsa Su, j'ai découvert une nouvelle manière de vivre. J'ai également appris la notion de Wat Uzán, vivre admirablement, d'un peuple attaqué depuis la conquête espagnole, et plus récemment, de 1990 à 2016, durant le conflit armé colombien. En 2019, la Juridiction Spéciale pour la Paix colombienne (JEP), mise en place en 2017 afin de rendre justice aux victimes du conflit armé, a reconnu leur territoire, ainsi que le peuple Awá, comme victimes de la guerre.

Katsa Su est situé dans le Nariño, au sud de la Colombie, un département où, cette même année, les droits de la nature ont été reconnus. Le Décret 348 du gouvernement de Nariño a établi des droits pour tous les écosystèmes stratégiques de la région, dont le droit d'être respecté, protégé, conservé et restaurés.

« Les animaux en tant que sujets de droit : une catégorie juridique contestée » (2023), de Johana Fernanda Sánchez Jaramillo. Photo utilisée avec l'accord de l'auteure.

Durant mes études doctorales, j'ai concentré mes efforts sur la rédaction de ma thèse, publiée en 2024 après approbation par un comité de pairs, sans qu'aucune modification ne soit requise. Mais avant d'écrire ma thèse, Añemó a inspiré mon premier livre sur les droits des autres animaux, publié en 2023, pendant ma dernière année de doctorat. Leur présence dans ma vie, les paroles sages et généreuses des Awá, ainsi que leurs interactions avec d'autres êtres vivants (qui, comme nous humains, possèdent une volonté propre et communiquent leur manière d'être, même sans utiliser de mots) m'ont aidée à réévaluer l'idée dépassée selon laquelle seuls les êtres humains, en raison de leur dignité et de leurs attributs, peuvent être sujets de droit.  Ma thèse de doctorat, portant sur la nature en tant que sujet de droit et sur le peuple Awá, a été publiée sous forme de livre en octobre 2024.

« L'influence des Droits de la Nature sur la défense de Katsa Su par le peuple Awá dans le Nariño » (2024), de Johana Fernanda Sánchez Jaramillo. Photo utilisée avec l'accord de l'auteure.

Ces deux livres sont le produit de deux années de recherche, écrits avec amour et rigueur. Tous deux ont été publiés par Editorial del Rosario après avoir été approuvés par des pairs académiques extérieurs à l'université. Les deux ouvrages sont le fruit de l'expansion d'un amour qui dépasse l'humain, d'une nouvelle forme d'expression et de ma conviction que nous ne sommes pas supérieurs, mais que, comme le disait Saint François d'Assise en son temps : nous sommes tous frères et sœurs. A l'image des Awá en Colombie ou des Maoris en Nouvelle-Zélande, nous pouvons étendre notre lien de parenté au-delà de notre espèce.

Añemó m'a permis d'adopter une autre espèce et de forger un lien profond au sein de notre petite famille inter-espèces composée de deux membres. De leur côté, les Awá m'ont appris qu'en étant attentifs et en apprenant des sages comme eux, nous pouvons comprendre comment d'autres êtres vivants nous parlent, nous guident et nous protègent.

Ma conscience, depuis ma modeste position en tant qu'autre fille de Mère Nature, a motivé (et continue de motiver) mon activisme académique et journalistique en faveur de la reconnaissance des droits de l'ensemble des êtres vivants par le système juridique, des droits que les peuples qui nous ont précédés ont reconnus dans leur systèmes de croyance et dans leur manière ancestrale de coexister en harmonie avec les êtres vivants de leur environnement.

En savoir plus : Nous devons remettre en cause le colonialisme dans le discours juridique, déclare une avocate colombienne.

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L'Américaine qui a arraché un bébé wombat à sa mère n'est plus la bienvenue en Australiehttps://fr.globalvoices.org/?p=294467http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250423_142415_L_Americaine_qui_a_arrache_un_bebe_wombat_a_sa_mere_n_est_plus_la_bienvenue_en_AustralieWed, 23 Apr 2025 12:24:15 +0000Les excuses de l'Influenceuse Sam Jones n'émeuvent pas les internautes australiens

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Sam Jones with baby wombat

Sam Jones tenant le bébé wombat. Capture d’écran provenant d’une vidéo d’ABC News : « “Come forward” : Wombat Rescue calls on US influencer to hand herself in ».

La vidéo d’une influenceuse américaine « spécialiste de la chasse » a causé de vives réactions en Australie. Samantha Strable, connue sous le pseudonyme Sam Jones, a posté sur ses réseaux une vidéo d’elle-même arrachant un bébé wombat à sa mère. Même si la vidéo a depuis été supprimée de son compte Instagram (samstrays_somewhere), de nombreux internautes ont tout de même sauvegardé la vidéo :

@g0ldl33f

An American woman in Australia took a baby wombat from its mother for a video. After that, she was criticized by the country's prime minister, immigration services began checking her entry documents, and a petition calling for the woman to be deported has gained thousands of signatures. Woman 😏 #wombat #american #australia

♬ original sound – g0ldl33f

An American woman in Australia took a baby wombat from its mother for a video. After that, she was criticized by the country's prime minister, immigration services began checking her entry documents, and a petition calling for the woman to be deported has gained thousands of signatures.

Une Américaine a volé un bébé wombat à sa mère, pour une simple vidéo. L’influenceuse, qui a été critiquée par le Premier ministre, a vu ses documents d’entrée être analysés par les services d’immigration et une pétition demandant son expulsion du pays a rassemblé des milliers de signatures.

Le compte Instagram de Jones, qui se décrit comme « une amoureuse de la nature et de la chasse », rassemble près de 96 000 abonnés. L’influenceuse déclare avoir reçu des milliers de menaces de mort depuis la publication de la vidéo.

Même sur certains réseaux sociaux connus pour leur contenu respectueux d’autrui, des utilisateurs ont furieusement critiqué le comportement de Jones. Quelques utilisateurs de BlueSky n’y sont pas allés de main morte, partageant même les commentaires sarcastiques du Premier ministre suggérant à l’influenceuse d’essayer d’arracher un bébé crocodile à sa mère la prochaine fois :

“Take another animal that can actually fight back rather than stealing a baby wombat from its mother.”

— Matt Novak (@paleofuture.bsky.social) March 14, 2025 at 2:31 AM

« Essaye un peu de voler un animal qui puisse se défendre, plutôt que d’arracher un bébé wombat à sa mère ».

— Matt Novak (@paleofuture. bsky. social) 13 mars 2025, 16 h 31

 

Suite aux menaces de Tony Burke, ministre de l’Immigration, de lui retirer son visa touristique, Jones a vite quitté le pays. Burke aurait déclaré « qu’il n’y a jamais eu de plus beau jour pour être un wombat en Australie ». L’influenceuse a également posté des excuses sur son compte Instagram. D’après ses dires, elle souhaitait uniquement protéger le bébé pour qu’il ne se fasse pas écraser par une voiture. Le post a depuis été supprimé.

Mais personne n’a réellement été touché par ses excuses et sa pauvre tentative d’explication :

“Baby wombat-snatching US influencer apologises and says she was ‘concerned’ for Australian animal”

Concerned for its welfare my arse. Just learn when to shut the fuck up.
www.theguardian.com/environment/…

— Jenny Frecklington-Jones (@joneshowdareyou.bsky.social) March 15, 2025 at 12:40 PM

« L’influenceuse américaine qui avait tenté de voler un bébé wombat s’excuse et déclare qu’elle était “inquiète” pour le bien-être de l’animal ».

Inquiète pour son bien-être, et puis quoi encore ? Parfois, il faut apprendre à se taire.

— Jenny Frecklington-Jones (@joneshowdareyou. bsky. social) 15 mars 2025, 12 h 40

Le terme « voleuse de wombat » a rapidement grimpé en popularité :

“Wombat grabber” is now the greatest Australian insult. To grab a wombat — look there’s just no coming back from that

[image or embed]

— Andrew Stafford (@andrewstafford.bsky.social) March 14, 2025 at 11:36 AM

L’insulte « Voleuse de wombat » est devenue la plus violente des insultes australiennes. Attraper un wombat… Il n’y a pas moyen de se relever après ça.

[image or embed]

— Andrew Stafford (@andrewstafford. bsky. social) 14 mars 2025, 11 h 36

Cependant, tous les amoureux d’animaux ne sont pas du même avis. Dans une tribune publiée dans The Guardian, Georgie Purtell, membre du parti animaliste et du Conseil Législatif de l’État de Victoria, accuse les autres politiciens d’hypocrisie :

The irony of our country’s leaders condemning the actions of a young tourist’s treatment of a wombat while shamelessly sanctioning their slaughter is impossible to overlook.

Kangaroos, native birds, possums, black swans and emus are just a few of the many native animals that landholders are granted licences to kill…

C’est assez ironique de voir la ferveur avec laquelle nos dirigeants condamnent une jeune touriste pour la manière dont elle a traité ces wombats, et le fait qu’ils condamnent leur massacre.

Et pourtant il est toujours légal pour les propriétaires d’assassiner des kangourous, des opossums, des oiseaux, comme les cygnes noirs ou les émeus, etc. La liste est longue…

Cette déclaration fait écho à un autre post de Sam Jones sur Instagram. Peu après ses excuses initiales, l’influenceuse a vite changé sa position pour critiquer le gouvernement australien qui « permet le massacre des wombats ». Le post a depuis été supprimé.

Il est interdit de tuer des wombats en Australie et le piégeage animal n’est autorisé qu’avec un permis fédéral.

À cause de cette polémique, Sam Jones ne risque pas de retourner en Australie de sitôt. C’est en tout cas le sentiment partagé sur les réseaux sociaux :

Sam Jones, you will not be forgotten for this act of cruelty. You are not welcome here.

— Jane Smith (@janehappywife.bsky.social) March 13, 2025 at 5:42 PM

Sam Jones, nous n’oublierons pas tes actes de cruautés. Nous ne voulons pas de toi ici.

— Jane Smith (@janehappywife. bsky. social) 13 mars 2025, 17 h 42.

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Népal : le bambou géant réduit les risques climatiqueshttps://fr.globalvoices.org/?p=294437http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250423_140534_Nepal___le_bambou_geant_reduit_les_risques_climatiquesWed, 23 Apr 2025 12:05:34 +0000Les forêts de bambou sauvent les villages montagneux des inondations et des glissements de terrain

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Moso bamboo grove in Kavre. Photo: Sailesh RC. Used with permission.

Bambouseraie Moso à Kavre. Photo : Sailesh RC via Nepali Times. Utilisée avec autorisation.

Cet article de Pinki Sris Rana a été initialement publié dans le Nepali Times, et une version révisée a été republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

La culture diversifiée du Népal utilise le bambou pour la naissance, la mort et tous les rituels qui les accompagnent. Cette plante polyvalente est également utilisée pour la construction, la fabrication d'instruments de musique, le transport d'objets, l'écriture et même l'alimentation.

Aujourd'hui, les bambouseraies servent à protéger les villages situés près du parc national de Chitwan [fr], dans le sud du Népal, sujet aux inondations fréquentes dues à la crise climatique.

La région est peuplée de petits ruisseaux qui, asséchés en hiver, débordent et deviennent destructeurs pendant la mousson. Pour lutter contre ce phénomène, les agriculteurs du village de Madi plantent des forêts de bambous le long des berges afin de bloquer les inondations et de freiner l'érosion des sols.

« Une fois la saison des pluies arrivée, nous avons peur de fermer l'œil la nuit », explique Shanti Chapai, 58 ans, qui vit près du ruisseau Patare Khola, sorti de son lit l'année dernière.

Google Earth images show the greening the floodplain of the Patare Khola over 15 years. Photos courtesy: ABARI via Nepali Times.

Des images de Google Earth montrent le verdissement de la plaine inondable de la Patare Khola sur une période de 15 ans. Photos : ABARI via Nepali Times.

Lors d'une récente visite, la Patare Khola était un petit ruisseau. Difficile d'imaginer qu'elle se transforme en une rivière impétueuse pendant la saison des pluies, débordant de son lit et menaçant fermes et villages.

Si le bambou est régulièrement utilisé pour les clôtures et le mobilier et constitue une importante culture commerciale, les agriculteurs locaux étaient initialement opposés à son utilisation pour la lutte contre les inondations. Ils pensaient que le bambou était une espèce invasive qui absorberait toute la nappe phréatique.

Mais depuis 15 ans, les architectes de l'ABARI (Institut de recherche sur l'adobe et le bambou) expérimentent des espèces de bambous épineux comme Bambusa bluemeana et Bambusa balcooa pour restaurer les terres dégradées et contrôler les inondations. La zone est aujourd'hui une dense bambouseraie qui reverdit la plaine inondable de lе Patare Khola.

Thorny bamboo species planted in Madi. Photos: Pinki Sris rana. Used with permission.

Une espèce de bambou épineux plantée à Madi. Photos : Pinki Sri rana via Nepali Times. Utilisées avec autorisation.

Les sédiments des inondations de la mousson de l'année dernière (juin-octobre 2024) se déposent au pied des bambous, prouvant que les plantes ont stabilisé les berges et protégé les environs en réduisant la vitesse des eaux de crue.

Les villageois de Madi sont désormais convaincus de l'efficacité de cette solution de bio-ingénierie contre les inondations. Le bambou, à croissance rapide, est idéal pour la restauration des berges érodées. Le Népal compte plus de 50 espèces de bambou, la plupart présentes dans les plaines et les contreforts plus humides de l'est. Cependant, certaines espèces poussent jusqu'à 4 000 mètres d'altitude.

« Le bambou est une plante mal comprise dans notre culture, car il est utilisé pour les rites funéraires et a une connotation négative », explique Nripal Adhikary à l'ABARI, qui construit des bâtiments en bambou et en terre au Népal. « Il a fallu du temps pour convaincre les habitants de ses bienfaits.»

Au Népal, les moussons ont toujours été synonymes de catastrophes, mais les phénomènes météorologiques extrêmes causés par la crise climatique ont aggravé les glissements de terrain et les inondations. La mauvaise construction des routes, l'exploitation non réglementée de carrières dans des bassins versants sensibles et l'empiètement le long des plaines inondables augmentent les risques.

Porcupine structured embankments provide protection in flood prone areas.

Des digues en forme de porc-épic offrent une protection dans les zones inondables. Photos : Pinki Sri Rana via Nepali Times. Utilisées avec autorisation.

Mais ici, à Madi, les villageois ont pu constater de leurs propres yeux les bienfaits directs du bambou pour la protection contre les inondations.

L'agriculteur Phadendra Bhattarai explique :

Even though there was heavy rainfall, the extent of flood damage this monsoon was considerably less. The bamboo acted as a barrier and did not let the floods destroy our crops.

Malgré les fortes pluies, les dégâts causés par les inondations pendant la mousson ont été considérablement moindres. Le bambou servait de barrière et a empêché les inondations de détruire nos cultures.

Cette plantation de bambous, éprouvée et durable, peut être reproduite et étendue à travers le Népal. Les agriculteurs de Kanchanpur [fr], dans les plaines occidentales, ont également planté du bambou, du napier et de l'herbe à éléphant le long des rives d'une rivière qui a provoqué des inondations dévastatrices en 2018.

Les inondations de septembre 2024 dans le centre du Népal ont fait 224 morts, les régions du sud de Lalitpur et de Kavre étant les plus durement touchées. La vallée de Rosi, à Kavre, a été dévastée et des villages ont été emportés par des pentes entières. Cependant, une zone voisine abritant une plantation de bambous est restée intacte (photo ci-dessous).

Photo: Sailesh RC

Photo: Sailesh RC via Nepali Times

La forêt communautaire Dhaneshwor Baikiwa à Kavre est une parcelle d'un demi-hectare de bambous plantée par le gouvernement dans le cadre d'un projet pilote en 2007 pour étudier et rechercher le bambou Moso [fr] (Phyllostachys pubescens). Dix-sept ans plus tard, le Centre de recherche et de formation forestière du ministère des Forêts et de l'Environnement avait complètement oublié ce projet.

« Bien qu'aucune recherche n'ait été menée spécifiquement sur cette parcelle, c'est précisément cette forêt de bambous qui a sauvé les villages en contrebas des montagnes d'une destruction majeure », a dit Badri Adhikari, gardien de la forêt communautaire. « Leurs racines larges et enchevêtrées maintiennent fermement le sol, préservant la stabilité de la pente.»

Si cette parcelle a été négligée, ses effets positifs ne l'ont pas été. Les 12 districts de la province de Lumbini [fr] ont lancé une campagne de plantation de bambous pour prévenir l'érosion et les inondations.

Outre sa nouvelle protection contre les inondations, le bambou a de nombreuses autres utilisations. Traditionnellement, on lui attribue des vertus anti-glissements de terrain, et il n'est pas rare de voir des villageois des montagnes revitaliser des bambouseraies épuisées lorsqu'ils constatent ses bienfaits. Badri Adhikari explique :

Le bambou pousse en hauteur en été et ses racines s'étendent en hiver. L'hiver est donc le moment idéal pour se préparer à la prochaine mousson et à ses inondations dévastatrices.

Cet article a été créé par le Nepali Times, en collaboration avec l‘INPS Japon et Soka Gakkai International, avec statut consultatif auprès de l'ECOSOC des Nations unies.
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Mettre en relation les femmes africaines en Europe : entretien avec Joy Machugu Zenzhttps://fr.globalvoices.org/?p=294664http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250423_134303_Mettre_en_relation_les_femmes_africaines_en_Europe___entretien_avec_Joy_Machugu_ZenzWed, 23 Apr 2025 11:43:03 +0000Sa plateforme rassemble, accompagne et célèbre les réussites des femmes africaines en Europe

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de groupe à AWE (African Women in Europe) au Royaume-Uni en 2024. Photo de Joy Machugu Zenz, avec droits d'utilisation.

Cet article a été initialement publié par l'agence de presse Bird le 27 janvier 2025. Une version modifiée est reproduite ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu. 

La figurine d'un éléphant en bois accrochée au mur derrière Joy Machugu Zenz semble faire écho à sa prestance : forte, déterminée et d'une confiance inébranlable. Chez elle, à Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne, assise là où la lumière du soleil filtrait à travers des rideaux crème, annonçant l'arrivée du printemps, Zenz dégageait le même équilibre entre grâce et force que le symbole derrière elle.

Son parcours s'étend sur plusieurs continents, cultures et carrières. Élevée au Kenya et vivant en Allemagne, Zenz se décrit comme une « migrante parfaite », un terme qu'elle utilise avec un rire ironique.

I’ve spent half my life in Kenya and the other half in Europe. I’ve taken the best of both worlds.

J'ai passé la moitié de ma vie au Kenya et l'autre moitié en Europe. J'ai pris le meilleur des deux mondes.

Cette riche combinaison d'expériences a nourri sa détermination à créer des réseaux florissants qui réunissent les femmes africaines à travers l'Afrique et la diaspora africaine.

L'arrivée de Zenz en Allemagne à 24 ans était à la fois excitante et intimidante. Elle avait appris l'allemand au préalable et possédait donc des connaissances de base de la langue, mais s'exprimer pleinement représentait un défi.

The language was a barrier, but more than that, it was the mindset.

Il y avait la barrière de la langue, mais plus encore, une vraie différence dans l'état d'esprit.

Ses premières années furent marquées par une phase d'adaptation à la culture, à la langue, et à l'isolement lié au fait d'être l'une des rares femmes africaines de sa communauté.

Elle confie : « Je ne voulais pas me perdre à cause des difficultés. Je voulais me prouver que je pouvais faire mieux. »

Avec un passé en gestion de projet et en informatique, ainsi qu'une expérience dans le secteur pharmaceutique et bancaire en Suisse, l'ambition de Zenz ne s'est jamais épuisée. Son désir de se faire une place en Europe tout en préservant son identité africaine l'a conduite à lancer sa plateforme African Women in Europe (AWE).

En 2008, aux premiers jours de l'émergence des réseaux sociaux, Zenz a créé un site Web pour entrer en contact avec une communauté de femmes africaines vivant en Europe. Une quête personnelle qui s'est rapidement développée en un projet bien plus important.

I just wanted to know what other Africans were doing in Europe. Within five days of launching the website, 50 women had joined.

Je voulais simplement savoir ce que les autres africains faisaient en Europe. En l'espace de cinq jours suivant le lancement du site, 50 femmes s'étaient déjà inscrites.

Aujourd'hui, AWE compte près de 10 000 membres et collabore avec des partenaires tels que Kenya Airways, The Federation of Women in Business, Jumia et le Centre du commerce international (CCI).

La plateforme est devenue une bouée de sauvetage pour les femmes confrontées à des difficultés similaires, offrant un espace pour partager leurs histoires, échanger leurs conseils et se soutenir mutuellement.

Au fil du temps, AWE s'est transformée en une organisation à part entière, organisant des événements dans toute l'Europe, de Madrid à Genève, où les femmes peuvent se rencontrer en personne et célébrer leurs réussites.

Zenz, la fondatrice, explique :

The idea was to dive into the culture of wherever we met. If we were in Italy, we ate Italian food; in Spain, we danced flamenco. It was about celebrating where we were while staying connected to who we are.

L'idée était de s'immerger dans la culture du lieu où nous nous retrouvions. En Italie, nous mangions italien ; en Espagne, nous dansions le flamenco. Il s'agissait de célébrer l'endroit où nous étions, tout en restant connectées à notre identité.

AWE a également commencé à mettre à l'honneur les femmes africaines qui se distinguent dans les domaines des affaires et du leadership à travers l'Europe, grâce à son programme de récompenses.

We realized that so many women were doing amazing work but staying under the radar. When you’re awarded by your own people, it feels different. It’s about being seen and celebrated by the community you represent.

Nous avons réalisé que de nombreuses femmes accomplissaient un travail remarquable tout en restant dans l'ombre. Être récompensée par sa communauté crée un sentiment unique. C'est une question de reconnaissance et de célébration par la communauté que l'on représente.

Une nouvelle initiative phare d'AWE est une collection de livres où des femmes africaines, qui ont marqué l'Europe et le Royaume-Uni, racontent leurs parcours personnels.

Each chapter is written by a different woman, sharing how they overcame obstacles and built successful lives abroad. It’s not just about celebrating their achievements but creating a guide for others, so they don’t have to make the same mistakes we did.

Chaque chapitre est écrit par différentes femmes, racontant comment elles ont surmonté les difficultés et réussi à l'étranger. Il ne s'agit pas seulement de célébrer leurs réussites, mais de créer un exemple pour les autres, afin qu'elles n'aient pas à commettre les mêmes erreurs que nous.

Après plus d'une décennie consacrée au développement d'AWE, Zenz s'est tournée vers un nouveau défi : autonomiser les femmes africaines par le commerce. En 2021, elle a lancé African Women in Trade (AfWITrade) en réponse à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), une initiative révolutionnaire visant à stimuler les échanges commerciaux intra-africains en réduisant les droits de douane et en améliorant l'accès aux marchés.

The AfCFTA enables us to trade within Africa without exorbitant tariffs. For example, now we can pay from Kenya’s shillings to Zambia’s kwacha without going through the US dollar. That’s revolutionary.

La zone de libre-échange continentale africaine nous permet de commercer en Afrique sans tarifs exorbitants. Par exemple, nous pouvons désormais payer directement en shillings kényans ou en kwachas zambiens sans passer par le dollar américain. C'est révolutionnaire.

L'une des caractéristiques distinctives d'African Women in Trade est son programme de mise en relation, conçu pour aider les femmes africaines de la diaspora à investir dans leur pays d'origine sans risque de fraude.

We’ve seen too many cases where diaspora investments fall apart because of mismanagement on the ground. We vet the systems and connect women with trustworthy partners to ensure their investments are safe and impactful.

Nous avons constaté trop de cas où les investissements de la diaspora s'effondraient en raison d'une mauvaise gestion sur place. Nous évaluons les mécanismes de gestion et mettons les femmes en relation avec des partenaires de confiance, afin de garantir la sécurité et l'efficacité de leurs investissements.

African Women in Trade organise chaque mois des séminaires en ligne pour partager des informations sur le commerce en Afrique.

Malgré son succès, le travail de Zenz ne s'est pas déroulé sans accroc. De la gestion de la paperasse administrative sur le continent africain à la levée des barrières financières pour les femmes entrepreneures, son parcours a été loin d'être facile.

« Les structures administratives ne sont pas toujours favorables, reconnaît-elle. Les investisseurs de la diaspora, par exemple, sont souvent confrontés à des défis opérationnels sur place : un manque de responsabilité et une mauvaise gestion évidente. »

La gestionnaire de projet était déterminée à changer cela. En mettant l'accent sur la valeur ajoutée, tels que l'emballage et la transformation locale des produits, elle vise à garantir que les entreprises africaines conservent davantage des richesses qu'elles génèrent.

We’re tired of just exporting raw materials. We want to create jobs and build industries right here in Africa, she noted.

Nous en avons assez d'exporter uniquement des matières premières. Nous voulons créer des emplois et développer des industries ici même en Afrique, souligne-t-elle.

Les initiatives prises par Zenz ont non seulement offert des outils concrets aux femmes africaines, mais elles ont également contribué à déconstruire les stéréotypes sur l'Afrique et sa diaspora.

I’m fighting this narrative of Africa as poor. We’re proving that African women are financially stable, capable, and driving change.

Je lutte contre l'idée d'une Afrique pauvre. Nous prouvons que les femmes africaines sont financièrement stables, compétentes et sont à l'origine du changement.

Son travail avec AWE et African Women in Trade l'a également rapprochée de ses racines. « Pendant longtemps, retourner en Afrique signifiait partir en vacances, mais aujourd'hui, il s'agit d'y revenir pour faire du commerce », explique-t-elle.

I want us to invest in our communities, not just with money but with ideas and opportunities.

Je veux que nous investissions dans nos communautés, pas seulement avec de l'argent mais avec de nouvelles idées et opportunités.

La mère de deux enfants déclare : « C'est notre moment. Nous avons les outils, les réseaux et l'ambition. Maintenant, il faut agir. »

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Entre Soap-Opéras et cyberattaque : la connexion inattendue entre la Macédoine du Nord et le Venezuelahttps://fr.globalvoices.org/?p=294431http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250423_132134_Entre_Soap-Operas_et_cyberattaque___la_connexion_inattendue_entre_la_Macedoine_du_Nord_et_le_VenezuelaWed, 23 Apr 2025 11:21:34 +0000En 2024, l'activisme numérique a permis de créer une connexion inattendue entre deux pays

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Images promotionnelles du documentaire « De Macedonia con amor » postées par hacha. machete sur Instagram. Le texte présent sur la première image se lit « une terre de montagne, de plages et de hackeurs ». Le texte sur la seconde image se lit « À bas Maduro ». Les deux images utilisent des motifs rappelant le folklore macédonien ainsi qu'une combinaison de cyrillique macédonien et d'autres symboles. Collage par Sandra Rodríguez, utilisé avec permission.

La Macédoine du Nord et le Venezuela sont séparés par près de 9400 kilomètres, ne partagent pas la même langue et, à ce jour, les deux pays n'ont pas non plus de missions diplomatiques communes. Et pourtant, ils partagent une histoire commune prenant source dans les feuilletons télévisés et qui prendra vite un tournant politique sur fond de piratage informatique. En 2024, l'un de ces deux pays est même devenu un symbole d'activisme numérique dans l'autre.

« Kassandra », une télénovela (feuilletons télévisuels originaires d'Amérique latine) vénézuélienne qui était extrêmement populaire dans les Balkans en 1997, à une période où les guerres de Yougoslavie étaient en pause. S'étalant sur plus de 150 épisodes, « Kassandra » raconte l'histoire d'une jeune femme échangée à la naissance et qui sera élevée dans un cirque rom. Le rôle principal est interprété par Coraima Torres.

La série était tellement populaire que les rues se vidaient lorsqu'elle était diffusée à la télévision. Un bon nombre d'enfants furent même nommés « Kassandra » en hommage au personnage principal, qui fait également partie des dix personnes les plus populaires en Macédoine (les neuves autres personnes étant des politiciens). La série a permis l'apparition d'une véritable industrie mercantile puisque les produits dérivés de « Kassandra » faisaient rage à cette époque. Une tournée de concerts avec les acteurs a même eu lieu dans la région. Divers autocollants de la série, tous offerts par des citoyens, se trouvent au musée d'histoire de la Yougoslavie de Belgrade dans le cadre d'une exposition sur les objets ayant affecté le quotidien de la population.

Kassandra and other telenovela stickers at the Museum of Yugoslavia in Belgrade, Serbia.

Autocollants de « Kassandra » et d'autres télénovelas. Musée d'histoire de la Yougoslavie, Belgrade, Serbie. La description du donneur dit « Début du lavage de cerveau des masses + apprentissage des premiers mots d'espagnol :) ». Photo par Filip Stojanovski, utilisée avec permission.

Cela dit, la réalité peut parfois s'avérer plus étrange que la fiction. En 2024, de nombreux citoyens du Venezuela ont commencé à parler de la Macédoine du Nord. Mais leurs conversations n'avaient aucun rapport avec l'histoire du pays.

Le 29 juillet 2024, à peine un jour après une élection présidentielle très controversée, Tarek William Saab, procureur général du Venezuela, a accusé des « hackeurs de la Macédoine du Nord » de perturber les systèmes et les données de transmission du CNE (Conseil National Électoral). D'après lui, les hackeurs suivraient les ordres des partis politiques opposants (le Venezuela utilise les votes électroniques dans ses bureaux de vote). Le CNE déclarera Nicolás Maduro comme le président vénézuélien jusqu'en 2031.

Cette vidéo montre l'indignation de Tarek William Saab face au piratage du CNE par des hackeurs de la Macédoine du Nord.

Le 31 juillet, le ministre de l'Intérieur annonce n'avoir reçu aucune requête en provenance du Venezuela. Quant à Stefan Andonovski, Ministre de la Transformation numérique de la Macédoine du Nord, il nie en bloc les accusations de Saab :

Се надевам дека освен коментарите што излегоа во јавноста и коишто ги забележавме и со внимание ги следиме, од државата, од властите во таа држава ќе има и соодветни докази за наводно вмешување на некои наши граѓани или институции од државата.

I hope that besides the comments which become public and which we noticed and follow with attention, that the state authorities [of Venezuela] would provide appropriate evidence for the alleged interference by some of our citizens or state institutions.

Nous espérons qu'après ces commentaires, divulgués au public et que nous prenons au sérieux, le gouvernement [du Venezuela] aurait l'obligeance d'apporter des preuves tangibles pour ces accusations envers certains de nos citoyens ou de nos institutions.

Le même jour, les autorités du Venezuela ont annoncé avoir formé un comité spécial et avoir « demandé à la Russie et à la Chine de s'occuper de ces cyberattaques sur le système électoral du pays », mais rien de plus concernant les déclarations de Saab.

Il n'y a aucune preuve démontrant une cyberattaque visant le système électoral vénézuélien. Jennie Lincoln, membre de la Fondation Carter qui avait été invitée à surveiller les élections, a également confirmé le résultat des votes le 7 août 2024.

Le 10 janvier 2025, près de six mois plus tard, Nicolás Maduro revient au pouvoir pour un troisième mandat. Au moment de l'écriture de cet article, le site internet du CNE (www.cne.gob.ve) ne fonctionne toujours pas. Le site avait été fermé lors des élections. Le gouvernement n'a fourni aucune explication quant à la fermeture du site, et n'a pas non plus fourni de détails quant aux déclarations de Saab ou à la proclamation de Maduro.

La naissance d'un mème politique

Cette soi-disant tentative de piratage a inspiré trois différentes personnes à utiliser la Macédoine du Nord dans des initiatives totalement différentes, mais ayant tout de même un rapport avec le Venezuela et son homologue Balkan. En effet, un article d'enquête journalistique ainsi que deux sites internet créés par des citoyens ont tous utilisé des variations du mème « pirates de la Macédoine du Nord » dans le but d'attirer l'attention du public.

En décembre 2024, le site Armando.Info publie un article d'investigation intitulé « Les pirates de la Macédoine du Nord voulaient s'attaquer à la PDVSA, pas aux élections ». L'article a été écrit et préparé par des journalistes du Venezuela et de l'« Investigative Reporting Lab » de Macédoine du Nord, dans le cadre de l'« Organized Crime and Corruption Reporting Project ».

L'article détaille comment Eurostandard Banka, une banque de la Macédoine du Nord maintenant disparue, aurait reçue des virements de près de 110 millions d'Euros de la part de « clients vénézuéliens » via des « entreprises fantômes » ouvertes à Skopje (la capitale de la Macédoine du Nord) par d'anciens contractuels et membres haut placés de Petróleos de Venezuela (PDVSA), une entreprise de pétrole et de gaz gouvernementale. La plus importante du pays.

De plus en plus d'activistes fournissent les résultats des élections

Giuseppe Gangi et Luken Quintana, sont deux citoyens vénézuéliens résidents à Barcelone. Ce sont des défenseurs de l'opposition qui furent révoltés par les résultats de l'élection de juillet 2024 et par un soi-disant piratage du CNE. Ils ont chacun, et de leur côté, décidé de créer un site internet présentant des données liées à l'élection que le gouvernement n'a pas divulguée au public.

C'est ainsi que sont nés MacedoniaDelNorte.com (Macédoine du Nord .com) et DeMacedoniaConAmor.com (Bons Baisers de Macédoine .com).

Capture d'écran de MacedoniaDelNorte.com. Utilisée avec permission.

MacedoniaDelNorte.com est une base de données ouverte au public et crée par le programmeur vénézuélien Giuseppe Gangi dans le but d'indexer et de publier les registres des élections compilées par des témoins de l'opposition le jour des votes. Les données sont minutieusement triées par état, ville et bureau de vote. Chaque donnée est liée aux annonces publiques des résultats de différents bureaux de vote visibles dans diverses vidéos indépendantes, ce qui permet de vérifier les données publiées par Gangi.

Capture d'écran de MacedoniaDelNorte.com montrant différentes vidéos géolocalisées filmées par des citoyens. Utilisée avec permission.

Le nom du site DeMacedoniaConAmor.com (Bons Baisers de Macédoine .com) fait non seulement référence au titre du film « Bons Baisers de Russie », un James Bond sorti en 1963, il fait également référence aux relations très étroites qu'entretient le gouvernement de Maduro avec le Kremlin. Le site raconte l'histoire des manifestations qui ont éclaté à la suite des élections et la réponse autoritaire du gouvernement, le tout avec une pointe de satire. Un documentaire d'une trentaine de minutes, ainsi que des témoignages récoltés le 8 janvier 2025, soit deux jours avant l'investiture de Maduro, sont disponibles.

« On a rassemblé les moments clés de la fraude électorale, puis les révoltes citoyennes qui ont suivi dans tout le pays », confie Luken Quintana à Global Voices. Il est créateur de contenu et coordinateur de l'équipe à l'origine du documentaire « Hacha y Machete ».

Le film « De Macedonia, con Amor » est disponible sur YouTube avec des sous-titres anglais :

Après la publication de leurs sites aux thèmes macédoniens, Gangi et Quintana ont entamé une collaboration dans le but de se partager des vidéos et des données. Bien que leurs projets soient principalement autofinancés, Gangi a tout de même réussi à amasser des fonds à travers un financement participatif.

Global Voices a pu discuter avec ces deux activistes via WhatsApp. Nous les avons questionnés sur l'origine de ces projets et sur le lien qui les unit à la Macédoine du Nord.

Global Voices (GV) : Aviez-vous déjà des connaissances concernant la Macédoine du Nord? Et avez-vous été contactés pour votre travail?

Giuseppe Gangi (GG):  De verdad, mi conocimiento de Macedonia del Norte antes de la mención de Tarek William Saab era limitado (a su equipo de fútbol y algunos detalles básicos). Ahora, gracias a la investigación que hice tras esa declaración, he aprendido un poco más. Lo que llamó más mi atención fue cómo el nombre del país terminó instrumentalizado en el discurso político del país. No hemos recibido contacto oficial alguno del gobierno de Macedonia o de alguna organización académica o sin fines de lucro hasta ahora.

Luken Quintana (LQ): Sabía sobre la existencia de Macedonia del Norte antes de julio de 2024, pero no he recibido contacto alguno desde el país desde entonces.  

Giuseppe Gangi (GG): In truth, my knowledge of North Macedonia before Tarek William Saab's mention was limited. Now, thanks to the research I did following that declaration, I have learned a little more. What caught most of my attention was how the name of the country ended up being instrumentalized in the political discourse of Venezuela. We have not received any official word from the Macedonian government or any academic or non-profit organization so far (from other international organizations about electoral integrity).

Luken Quintana (LQ): I did know about North Macedonia's existence before last July, but no contact has been received from the country so far. 

Giuseppe Gangi (GG) : En vérité, je ne connaissais pas grand-chose de la Macédoine du Nord avant que Tarek William Saab n'y fasse référence. Mais j'en ai beaucoup appris grâce à toutes les recherches que j'ai effectuées à la suite de ses déclarations. Ce qui m'a le plus marqué, c'est la manière dont le gouvernement vénézuélien a instrumentalisé le nom du pays dans des discours politiques. À l'heure actuelle, nous n'avons toujours pas de contact avec le gouvernement macédonien, ni avec quelconque organisation académique ou à but non lucratif en rapport avec l'intégrité électorale.

Luken Quintana (LQ) : Je ne connaissais rien de la Macédoine du Nord avant juillet, et nous n'avons toujours pas été contactés par le pays.

GV : Aimeriez-vous discuter de vos travaux avec des Macédoniens?

GG: Por supuesto, estoy totalmente dispuesto a conversar y compartir sobre nuestra experiencia con ciudadanos o instituciones de Macedonia del Morte. También creo que es importante compartir con ellos porque el gobierno venezolano los ha atacado directamente, usando su nombre como una excusa, sin una pizca sólida de evidencia. Posteriormente, cuando esa narrativa no funcionó, trataron de pasar al nombre del país por “debajo de la alfombra”. Creo que es necesario construir puentes y aclarar cualquier malentendido que pueda surgir por este ataque injustificado.

LQ: Nos encantaría hablar con instituciones o grupos locales y discutir el documental, si fuera posible. Estamos al tanto que el gobierno macedonio negó cualquier vinculación con el supuesto jaqueo al sistema electoral venezolano.

GG: Of course, I would be completely open to talking and sharing our experience with citizens, organizations or institutions from North Macedonia. I also consider it important to engage with them because the Venezuelan government has attacked them directly, using their name as an excuse, without presenting a single solid piece of evidence. Afterwards, when that narrative did not work, they tried to sweep the name of the country under the carpet. I think it is necessary to build bridges and clear up any misunderstandings arising from this unfounded attack.

LQ: We would love to speak with local institutions or groups and discuss the documentary, if possible. We are aware that the Macedonian government denied any involvement in the alleged hacking of the Venezuelan electoral system. 

GG : Bien sûr, j'adorerais discuter de nos expériences avec les citoyens, les organisations ou les institutions de la Macédoine du Nord. Je pense qu'il est important de discuter avec eux, en particulier car le gouvernement vénézuélien les a attaqués et a traîné le nom du pays dans la boue, sans même fournir de preuve tangible. Puis, quand ils se sont rendu compte que leur histoire n'a eu aucun effet, ils ont essayé de mettre l'affaire sous le tapis. Je pense qu'il est nécessaire de créer des liens qui permettront de dissiper les malentendus qui sont apparus à la suite de ces attaques infondées.

LQ : Ce serait un véritable plaisir de discuter avec les institutions locales si l'on en avait la possibilité, notamment de notre documentaire. Nous sommes au courant que le gouvernement macédonien a nié toute participation au soi-disant piratage du système électoral vénézuélien.

GV : Souhaitaient vous partager des projets futurs?

GG: Además de continuar el desarrollo y optimización del portal, estoy trabajando con diferentes organizaciones ciudadanas de otros países que me han contactado para llevar a cabo lo que hicimos en sus contextos. La idea es que los ciudadanos tengan un papel más activo en cada elección y que las herramientas tecnológicas pueden facilitar la supervisión y protección de sus democracias. Sobre mi dominio, quiero renovarlo más allá de 2025. Para mí, MacedoniadelNorte.com no sólo es una respuesta irónica, mi visión es que continúe como un punto de referencia sobre transparencia y lo que podemos lograr con compromiso ciudadano y la tecnología.

LQ: En DeMacedoniaConAmor.com, queremos continuar el uso del documental como una herramienta para difundir la verdad tanto a los venezolanos como a los ciudadanos de los países donde está nuestra diáspora, sobre las violaciones a los derechos humanos que ocurren en Venezuela, fraude electoral y terrorismo de estado, con eventos virtuales y presenciales. También queremos continuar recolectando información sobre lo que ocurrió entre el 28 y el 29 de julio y promover el debate y la memoria histórica desde un punto de vista contracultural.

GG: In addition to continuing to develop and optimize the portal, I am working with different citizen organizations from other countries that have approached me to implement what we did in their contexts. The idea is for citizens to have a more active role in each election and that technological tools facilitate the monitoring and safeguarding of their democracies. As for the domain, I intend to renew it beyond 2025. For me, MacedoniadelNorte.com is no longer just an ironic response; my vision is for it to continue to be a benchmark of transparency and an example of what can be achieved with citizen commitment and technology.

LQ: In DeMacedoniaConAmor.com, we want to keep using the documentary as a tool to disseminate the truth about what happens in Venezuela, not just among Venezuelans but also to the people of the countries our diaspora lives in about human rights violations in the country, electoral fraud and state terrorism, through online and in-person events. We want to also keep collecting information about what happened on July 28 and 29 and promoting debate and historic memory initiatives using a countercultural point of view.

GG : En plus de continuer le développement et l'optimisation du portail, je travaille avec différentes organisations citoyennes venant d'autres pays qui m'ont approché pour refaire le site dans des contextes qui leur serait propre. Nous souhaitons offrir aux citoyens des outils technologiques pour garder un œil sur la démocratie et pour qu'ils puissent la protéger. Notre idée, c'est qu'ils aient un rôle plus important à jouer dans leurs élections. Quant au nom du domaine, je souhaite le renouveler au-delà de 2025. MacedoniadelNorte.com n'est plus qu'une simple réponse ironique. Je souhaite que le site continue d'être un exemple de transparence et une référence pour l'engagement citoyen et technologique.

LQ : Nous souhaitons continuer d'utiliser le documentaire de DeMacedoniaConAmor.com comme un outil qui nous permettrait de révéler la vérité sur le gouvernement vénézuélien, mais pas que pour les citoyens du pays. Nous voulons montrer aux pays dans lesquels nous avons dû nous exiler toutes les violations des droits de l'Homme qui existent au Venezuela, toute la fraude électorale et le terrorisme d'état. Nous comptons le faire en ligne et en personne. Nous allons continuer de rassembler des informations sur les événements des 28 et 29 juillet, tout en créant du débat et en faisant la promotion de la mémoire historique du pays d'un point de vue contre culturel.

Pour plus d'informations sur la couverture spéciale de Global Voices, cliquez sur : (Le combat du Vénézuéla en faveur de la démocratie)

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Anguilla : le développement et son impact sur les oiseaux limicoleshttps://fr.globalvoices.org/?p=294202http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250423_125624_Anguilla___le_developpement_et_son_impact_sur_les_oiseaux_limicolesWed, 23 Apr 2025 10:56:24 +0000Au moins six de ces espèces, dont les populations connaissent un déclin, séjournent une partie de l’année sur l’île.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photographie d'un Grand Chevalier, publiée sur Canva Pro.

Au mois de décembre 2024, l’ONG Birds Caribbean, dédiée à la préservation des oiseaux des Caraïbes dans leurs habitats, sonne l’alarme sur la « baisse significative des populations de limicoles », mise en évidence juste un mois plus tôt lors d’une actualisation de la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

Au moins 16 espèces viennent de changer de catégorie et d’être classées parmi celles présentant un risque encore plus élevé d’extinction, une situation que Lisa Sorenson, directrice générale de Birds Caribbean, a qualifié de « signal d’alarme » : « les limicoles migrateurs ne pourraient pas survivre sans les Caraïbes qui leur servent d’escale et d’aires d’hivernage le long de la voie migratoire de l’Atlantique. La perte, la dégradation ou la disparition des habitats représentent d’importants défis pour ces oiseaux. »

Le nouveau classement n’a pas échappé à l’attention de Jackie Cestero, une blogueuse et passionnée d’ornithologie originaire d’Anguilla. Selon elle, au moins six de ces espèces dont les populations sont en déclin (à savoir le Bécassin roux, le Pluvier kildir, les Grand et Petit chevaliers, le Tournepierre à collier et le Pluvier argenté), vivent sur l’île une partie de l’année.

Parmi ces espèces, le Bécassin roux, le Pluvier argenté et le Petit chevalier sont passés de la catégorie « préoccupation mineure » à celle de « vulnérable » sur la liste rouge de l’UICN, tandis que le Pluvier kildir, le Grand chevalier, et le Tournepierre à collier sont à présent classés dans la catégorie des oiseaux « quasi menacés » au lieu de « préoccupation mineure ».

Birds Caribbean souligne le rôle crucial que jouent les habitats humides et côtiers, tels que les mangroves, les marais, les plages, les vasières et bancs de sable (dont le nombre est en train de diminuer à une vitesse alarmante), dans la survie des limicoles. Le Fonds pour la biodiversité des Caraïbes (CBF) estime que près de 12 % des mangroves recensées dans le monde se trouvent dans les Caraïbes, dont environ 7 000 km² ont été anéantis lors des trois dernières décennies (1980 -2010).  Selon des prévisions, les mangroves des Caraïbes pourraient disparaitre d’ici les 60 prochaines années, si leur déclin se poursuit au même rythme.

Selon Jackie Cestero, le développement lié au tourisme à Anguilla en est la raison principale. Elle explique que « le gouvernement actuel de l’archipel donne la priorité au développement plutôt qu’à la conservation », comme le prouve le projet de construction d’une marina à la station balnéaire d’Altamer, située dans le sud de l’île, près de deux marais salants, Gull Pond et Cove Pond.

La partie est de l’île est également concernée. En effet, le gouvernement a signé un mémorandum d’entente visant à aménager 87 hectares de terres pour la station balnéaire de Savannah Bay, soit un complexe touristique de plus de 1 000 logements comprenant une marina. Sur son site internet, la proposition de développement est présentée comme « l’un des projets les plus importants de toute l’histoire de l’île, voire de toute la Caraïbe. »

Néanmoins, Jackie Cestero s’inquiète de sa proximité avec Grey Pond, une Zone importante pour la Conservation des Oiseaux (ZICO), et de Junks Hole Pond, laissant « peu de doute sur les graves répercussions que présente le projet sur ces marais et la zone côtière. La zone de conservation de Grey Pond constitue une aire de nidification pour la Petite Sterne, le Pluvier Neigeux et le Pluvier Wilson, qui sont des oiseaux sédentaires », et pour d’autres espèces migratrices de limicoles et d’oiseaux marins.

Selon le gouvernement, féru du slogan « Développement pour aujourd’hui. Espoir pour des générations », les projets tels que Sandy bay sont élaborés dans l’intérêt des Anguillais : « nous exigeons que tout sous-traitant tiers étranger accepte qu’un développement soit accompagné d’une obligation ou d’un compte séquestre afin de protéger les travailleurs d’Anguilla. » Le Premier ministre Ellis Webster a d’ailleurs attiré l’attention sur un projet social associé à Savanna Bay : « un chemin d’accès en bois dans le quartier du port ». Anguilla est également sur le point de moderniser son aéroport.

Mais les impacts sur la population doivent aussi être pris en compte. Jackie Cestero, qui considère les projets Altamer et Savannah Bay comme étant « incompatibles avec un développement responsable à Anguilla, en particulier lorsque de nombreux logements au sein de propriétés haut de gamme sont toujours vacants », a interrogé un homme appartenant à la quatrième génération d’une famille de pêcheurs originaire de la côte est de l’île. Il s’est plaint du fait qu’à cause du développement, la zone où les pêcheurs surveillent la migration des poissons deviendrait alors inaccessible, rendant difficile la pêche dans cette région sur laquelle la communauté compte depuis des générations pour subvenir aux besoins de leurs familles.

En 2020, le gouvernement anguillais a organisé une consultation publique concernant la proposition d’une marina à Sandy Ground, qui ne s’est finalement pas concrétisée en raison d’une forte opposition au projet. George Frazer, un promoteur qui, sous l’ancien gouvernement, avait soumis une offre pour le projet, a déclaré au journal The Anguillan qu’il avait contacté le Premier ministre Ellis Webster après son élection et « lui avait assuré sa volonté de construire une marina ici, à Anguilla […] nous avons signé un mémorandum d’entente avec Altamer, et aujourd’hui marque le début des travaux de ce port de plaisance. » Les infrastructures de la marina devraient être terminées d’ici le dernier trimestre de 2025, tandis que l’ouverture de son hôtel est prévue pour le troisième trimestre de 2026.

Néanmoins, Jackie Castro garde l’espoir que le gouvernement saura exploiter les données recueillies à partir des recensements annuels d’oiseaux effectués sur l’île « afin de gérer de manière plus responsable les précieuses ressources d’Anguilla ». L’île vient juste de participer au Grand dénombrement des oiseaux, qui s’est achevé le 17 février 2025.

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Comment éviter que la mer Caspienne ne devienne un désastre écologique ?https://fr.globalvoices.org/?p=294470http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250423_124730_Comment_eviter_que_la_mer_Caspienne_ne_devienne_un_desastre_ecologique__Wed, 23 Apr 2025 10:47:30 +0000Elle pourrait perdre un tiers de sa superficie d'ici la fin du siècle

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le littoral de la mer Caspienne au Daghestan, en Russie. Capture d'écran de la vidéo “Тайны Каспийского моря” sur la chaine YouTube de Анатомия Монстров. Usage conforme.

La mer Caspienne, la plus vaste étendue d'eau fermée du monde, fait face à un avenir préoccupant marqué par un assèchement progressif, une perte importante de la faune et de la flore, ainsi qu'une pollution massive. Ces phénomènes, qui ont déjà commencé, menacent gravement les économies et l'environnement des cinq états riverains : le Kazakhstan, la Russie, l'Azerbaïdjan, l'Iran et le Turkménistan.

Cependant, la liste des pays touchés par cette détérioration va bien au-delà de ces Etats car la mer Caspienne joue un rôle clé dans le commerce, l'énergie et le transport à l'échelle mondiale. La mer abrite les troisièmes plus importantes réserves de pétrole et de gaz naturel de la planète et constitue un maillon essentiel du Middle Corridor (ou Corridor de Transport Trans-Caspien) reliant l'Asie à l'Europe.

Ces dernières années, le niveau de l'eau a atteint son point le plus bas jamais enregistré. Si cette tendance se poursuit au même rythme, les prévisions estiment une baisse pouvant atteindre 18 mètres d'ici la fin du siècle. Selon ce scénario, la surface de l'eau se réduirait de 93 000 kilomètres carrés, soit 34% de la surface de la mer, ce qui équivaut à peu près à la taille du Portugal. A cet égard, la mer Caspienne pourrait connaître le même sort que la mer d'Aral voisine, dont le dessèchement est considéré comme l'une des plus grandes catastrophes environnementale d'origine humaine de l'histoire.

Photo de Vadim Ni. Utilisée avec sa permission.

Global Voices a réalisé un entretien écrit avec Vadim Ni, l'un des fondateurs de la campagne Save the Caspian Sea (Sauvons la mer Caspienne), afin de discuter des défis auxquels la mer Caspienne est confrontée, des conséquences de la pollution et des mesures nécessaires pour éviter qu'elle ne subisse le même sort que la mer d'Aral. L'entretien a été édité pour plus de clarté et de concision.

Nurbek Bekmurzaev (NB): Pouvez-vous nous expliquer comment Save the Caspian Sea a été créée ? Et quels sont les principaux objectifs de cette initiative ? 

Вадим Ни (ВН): Мы основали движение Save the Caspian Sea в декабре 2024 года вместе с группой казахстанских и зарубежных экологов, активистов и правозащитников. Поводом послужило критическое состояние Каспийского моря, вызванное ростом температур, сокращением стока реки Волга, который составлял до 80-85 процентов в море, а также индустриальным загрязнением. Эти изменения приводят к деградации экосистем, сокращению популяций морских обитателей и ухудшению условий жизни прибрежных сообществ.

Основные цели движения – привлечение международного внимания к проблемам Каспия, введение строгих экологических стандартов и обеспечение прозрачности деятельности промышленных компаний. Мы добиваемся усиления экологического контроля за нефтегазовой отраслью, разработки программ по восстановлению экосистем и увеличения международного сотрудничества в вопросах защиты Каспия. На данный момент инициатива уже объединила экспертов, экологов, общественные организации, журналистов и представителей бизнеса.

Vadim Ni (VN): Nous avons fondé le mouvement Save the Caspian Sea en décembre 2024 avec un groupe d'écologistes, d'activistes et de défenseurs des droits de l'homme kazakhs et étrangers. La raison était l'état critique de la mer Caspienne causé par la hausse des températures, la diminution du débit de la Volga, qui représentait 80 à 85% de l'eau de la mer, ainsi que la pollution industrielle. Ces changements ont entrainé la dégradation des écosystèmes, une diminution des populations marines et la détérioration des conditions de vie des communités côtières.

Les principaux objectifs de ce mouvement sont d'attirer l'attention de la communauté internationale sur les problèmes de la mer Caspienne, d'introduire des normes environnementales strictes et de garantir la transparence des activités des entreprises industrielles. Nous cherchons à renforcer le contrôle environnemental de l'industrie pétrolière et gazière, à développer des programmes de restauration des écosystèmes et à accroître la coopération internationale pour la protection de la mer Caspienne. Actuellement, l'initiative a déjà réuni des experts, des écologistes, des organisations publiques, des journalistes ainsi que des représentants d'entreprises.

NB: Quels sont les problèmes et les défis auxquels la mer Caspienne est confrontée et qui compromettent son avenir ? Qui sont ses principaux pollueurs ?

ВН: Каспийское море сталкивается с рядом серьезных проблем. Главная из них – стремительное снижение уровня воды. С 2006 года море обмелело почти на два метра, а к концу столетия прогнозируется его падение ещё на 8–18 метров. В некоторых районах Казахстана и Туркменистана береговая линия уже отступила на десятки километров, что ведет к разрушению прибрежных экосистем, пересыханию нерестилищ и гибели многих видов водных обитателей.

Помимо изменения климата, значительный урон Каспийскому морю наносит загрязнение промышленными и бытовыми отходами. Основными загрязнителями являются нефтегазовые компании, работающие на месторождениях Тенгиз, Кашаган и Азери-Чираг-Гюнешли. Их деятельность приводит к разливам нефти, выбросам серных соединений и тяжелых металлов, что негативно сказывается на качестве воды и жизни морских обитателей. Огромную роль в загрязнении также играют реки Волга и Урал, которые несут в Каспий промышленные отходы, пестициды и микропластик.

Эти процессы уже привели к резкому сокращению популяций осетровых. Из-за загрязнения и неконтролируемого рыболовства численность каспийского тюленя также сократилась более чем на 90 процентов.

Мы активно добивается от правительства Казахстана раскрытия обязательств нефтегазовых компаний в рамках соглашений о разделе продукции и концессионных соглашений, подписанных в 1990-х годах. Эти соглашения установили правовую основу для добычи нефти, однако их условия никогда не публиковались, что привело к отсутствию прозрачности в отношении экологических обязательств компаний. Общественный доступ к этой информации необходим для обеспечения ответственности и защиты экосистемы Каспийского моря от дальнейшего ущерба.

VN: La mer Caspienne est confrontée à plusieurs problèmes graves. Le principal est la baisse rapide du niveau des eaux. Depuis 2006,  la mer est devenue moins profonde de près de deux mètres et, selon les prévisions, elle devrait encore baisser de 8 à 18 mètres d'ici la fin du siècle. Dans certaines régions du Kazakhstan et du Turkménistan, le littoral à déjà reculé d'une dizaine de kilomètres, ce qui entraîne la destruction des écosystèmes côtiers, l'asséchement des frayères et la mort de nombreuses espèces aquatiques.

Outre les changements climatiques, la pollution par les déchets industriels et ménagers causent des dommages importants. Les principaux pollueurs sont les compagnies pétrolières et gazières opérant dans les champs de Tengiz, Kachagan, et Azeri-Chirag-Guneshli. Leurs activités entrainent des déversements de pétrole et l'émission de composés sulfurés et de métaux lourds, qui affectent la qualité de l'eau et la vie marine. La Volga et l'Oural jouent également un rôle important dans la pollution, transportant des déchets industriels, des pesticides et des microplastiques dans la mer Caspienne.

Ces processus ont déjà entraîné une forte diminution des populations d'esturgeons. En raison de la pollution et de la pêche incontrôlée, la population de phoques de la mer Caspienne a également diminué de plus de 90 %.

Nous faisons activement pression sur le gouvernement kazakh pour qu'il divulgue les obligations des entreprises pétrolières et gazières en vertu des accords de partage de production et de concession signés dans les années 1990. Ces accords ont établi la base juridique de la production pétrolière, mais leurs termes n'ont jamais été publiés, ce qui entraîne un manque de transparence quant aux obligations environnementales des entreprises. L'accès du public à ces informations est nécessaire pour garantir la responsabilité et protéger l'écosystème de la mer Caspienne contre d'autres dommages.

NB: Qui se bat pour préserver la mer Caspienne aux niveaux local, national et régional ?

ВН: Защиту Каспийского моря обеспечивают как локальные, так и международные организации, а также независимые активисты, многие из которых являются членами нашей кампании. В Казахстане одним из ключевых участников движения является Центр экологических правовых инициатив “Глобус”, который занимается защитой прав граждан на благоприятную окружающую среду. В Азербайджане действует Ассоциация экологического образования, активно продвигающая инициативы по снижению загрязнения воды.

На международном уровне экологическая организация Crude Accountability занимается мониторингом нефтедобывающей деятельности в Каспийском регионе и привлечением внимания к проблемам загрязнения. Кроме того, значительную роль играет Extractive Industries Transparency Initiative (EITI), которая требует прозрачности в работе промышленных компаний и соблюдения ими экологических стандартов.

Движение Save the Caspian Sea уже стало первым участником глобальной сети Blue Community из Центральной Азии, что подчеркивает его значимость в международном экологическом сообществе. Оно объединяет ученых, экологов и активистов, которые работают над созданием долгосрочных стратегий по сохранению моря и его экосистемы.

Несмотря на эти усилия, борьба за сохранение Каспия остается сложной из-за отсутствия эффективных механизмов регионального сотрудничества. Для защиты этого водоема необходимо активное взаимодействие между правительствами, бизнесом и гражданским обществом, а также усиленный контроль за соблюдением природоохранных норм.

VN: La protection de la mer Caspienne est assurée par des organisations locales et internationales, ainsi que par des activistes indépendants, dont beaucoup sont membres de notre campagne. Au Kazakhstan, l'un des principaux participants au mouvement est le Centre d'initiatives juridiques et environnementales « Globus », qui s'emploie à protéger les droits des citoyens à un environnement favorable. En Azerbaïdjan, l'Association pour l'éducation à l'environnement promeut activement des initiatives visant à réduire la pollution de l'eau.

Au niveau international, l'organisation environnementale Crude Accountability surveille les activités de production pétrolière dans la région caspienne et attire l'attention sur les problèmes de pollution. En outre, l'Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) joue un rôle important en exigeant la transparence des activités des entreprises industrielles et leur respect des normes environnementales.

Le mouvement Save the Caspian Sea est déjà devenu le premier membre centrasiatique du réseau mondial Blue Community d'Asie Centrale, ce qui souligne son importance au sein de la communauté environnementale internationale. Il réunit des scientifiques, des écologistes et des activistes qui travaillent à l'élaboration de stratégies à long terme pour la conservation de la mer et de son écosystème.

Malgré ces efforts, la lutte pour la préservation de la mer Caspienne reste difficile en raison de l'absence de mécanismes efficaces de coopération régionale. La protection de la masse d'eau nécessite une coopération active entre les gouvernements, les entreprises et la société civile, ainsi qu'une meilleure application des réglementations environnementales.

NB: Que faut-il faire pour éviter que la mer Caspienne ne subisse le même sort que la mer d'Aral ?

ВН: Необходимо срочно принять комплексные меры. На государственном уровне прикаспийские страны должны разработать совместные программы по сохранению водных ресурсов, включая ограничение промышленного забора воды, восстановление экосистем и предотвращение сброса отходов в море.

Особую роль играет ужесточение экологических норм для нефтегазового сектора. Компании, работающие в регионе, должны быть обязаны внедрять безопасные методы добычи, минимизировать выбросы вредных веществ и инвестировать в восстановление морской среды. Международные организации и экологические фонды должны оказывать поддержку инициативам, направленным на защиту Каспийского моря, а также активно выступать против расширения разрушительных индустриальных проектов в регионе.

На индивидуальном уровне граждане могут вносить свой вклад, поддерживая экологические организации, участвуя в акциях по очистке побережья и снижая собственное потребление пластика. Только совместные действия на всех уровнях помогут сохранить Каспийское море для будущих поколений.

VN: Des mesures globales doivent être prises de toute urgence. Au niveau des États, les pays voisins de la mer Caspienne doivent élaborer des programmes conjoints pour préserver les ressources en eau, notamment en limitant la consommation d'eau industrielle, en restaurant les écosystèmes et en empêchant le déversement de déchets.

Le renforcement des normes environnementales pour le secteur du pétrole et du gaz joue un rôle essentiel. Les entreprises opérant dans la région doivent être tenues de mettre en œuvre des méthodes de production sûres, de minimiser les émissions de substances nocives et d'investir dans la restauration de l'environnement marin.

Les organisations internationales et les fonds environnementaux doivent soutenir les initiatives visant à protéger la mer Caspienne et s'opposer activement à l'expansion des projets industriels destructeurs dans la région.

Au niveau individuel, les citoyens peuvent apporter leur contribution en soutenant les organisations environnementales, en participant au nettoyage des côtes et en réduisant leur consommation de plastique. Seule une action commune à tous les niveaux permettra de préserver la mer Caspienne pour les générations futures.

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Tibet : quatre villages ont beaucoup à nous dire sur l’IA et l’avenir de la diversité linguistiquehttps://fr.globalvoices.org/?p=294614http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250416_151031_Tibet___quatre_villages_ont_beaucoup_a_nous_dire_sur_l___IA_et_l___avenir_de_la_diversite_linguistiqueWed, 16 Apr 2025 13:10:31 +0000L’intelligence artificielle ne peut pas résoudre les problèmes matériels, sociaux et politiques à l'origine de l'extinction des langues à l’échelle mondiale.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le musée de la culture Tibétaine de Rebgong a été construit sur des terres acquises par le gouvernement à la communauté manegacha de Nyantok. Photo de Gerald Roche. Utilisée avec permission.

Gerald Roche est un Maître de Conférences en sciences politiques à l'Université La Trobe de Melbourne, en Australie, dont ses travaux portent sur le pouvoir, l'État, le colonialisme et le racisme. Son article ci-dessous a été initialement publié par Cornell University Press et est reproduit ici avec autorisation.

L'intelligence artificielle ne permettra pas de sauver les langues du monde. Elle n'aura pratiquement aucun impact sur les milliers de communautés qui subissent aujourd'hui des pressions pour adopter les langues dominantes. Cette conclusion découle des enseignements que j'ai tirés de l'étude de quatre villages tibétains.

Si vous obtenez des informations ailleurs – si vous écoutez les prophètes de la Silicon Valley, par exemple – vous pourriez être très enthousiasmé par le potentiel de l'IA à sauver les langues menacées du monde. Il semble que nous progressions rapidement.

En juin de cette année, des scientifiques travaillant pour Meta ont publié un article dans la revue Nature présentant leur projet « No Language Left Behind – Pas de langues reléguées au second plan », dont l'objectif est de créer un « système de traduction universel » qui soutiendra les langues menacées. Le même mois, Google a vanté l'ajout de 110 nouvelles langues, dont le Tibétain, le Cantonais et l'Afar sur Google Traduction. Face à de telles évolutions, un concert de journalistes, d'entreprises technologiques et d'universitaires s'est formé pour vanter les mérites de l'IA et de son potentiel à sauver des langues, de l'Amazonie à l'Arctique.

Mon nouveau livre, « The Politics of Language Oppression in Tibet » (Les politiques de l'oppression linguistique au Tibet) , contient plusieurs idées qui devraient tempérer notre enthousiasme. Le livre s'appuie sur huit années de vie et de travail sur le plateau Tibétain du nord-est de la Chine, suivies de plusieurs années de recherche dans quatre villages où environ 8 000 Tibétains parlent une langue particulière qu'ils appellent Manegacha.

Ce que j'ai appris dans ces quatre villages, c'est qu'à moins de modifier radicalement les relations économiques, sociales et politiques sous-jacentes, l'IA n'atteindra jamais les communautés qui en ont le plus besoin.

Une résidence familiale, avec des pièces autour d'une cour centrale, à Tojya, l'un des villages présentés dans le livre. Photo de Gerald Roche. Utilisée avec permission.

Premièrement, la dimension économique. Les langues en voie de disparition sont généralement fragilisées par le refus de l'État de leur fournir les ressources matérielles nécessaires à leur épanouissement.
La Chine compte environ 300 langues, mais la plupart des ressources sont consacrées à la promotion de la langue nationale, le mandarin. Des langues comme le manegacha ne bénéficient d'aucun soutien matériel de l'État : pas d'écoles, pas de livres, pas de médias, pas de panneaux de signalisation, pas de traductions médicales ni de services d'urgence. Rien. Un État qui a volontairement coupé les vivres à tant de langues n'investira pas ses ressources dans le processus de développement coûteux et laborieux d'une IA pour ces langues. Compte tenu du sous-financement généralisé des langues minoritaires et autochtones dans le monde, je pense que la Chine ne sera pas la seule dans ce cas.

Vient ensuite la dimension sociale. Les personnes qui utilisent des langues en voie de disparition sont généralement marginalisées socialement, constamment méprisées et systématiquement victimes de discrimination. L'État pourrait jouer un rôle direct dans ce phénomène, ou simplement garantir l'impunité aux auteurs. En Chine, les Tibétains sont perçus comme une population culturellement arriérée et potentiellement séditieuse par rapport à la majorité Han. Les locuteurs de manegacha, quant à eux, sont victimes de discrimination de la part des autres Tibétains, en tant que minorité linguistique au sein de la communauté tibétaine. Où qu'ils vivent, les personnes qui utilisent des langues en voie de disparition sont confrontées à une forme de suprématie civilisationnelle, d'oppression raciste ou de chauvinisme culturel. L'intelligence artificielle ne fera rien pour déloger le privilège et la vanité qui alimentent l'extinction des langues.

La ville de Rongwo. La ville s'étend vers le nord (à droite de l'image), en direction des villages parlant le ngandeghua et le manegacha. La pointe nord de la ville est déjà construite sur des terres acquises à Nyantok, une communauté parlant le manegacha. Photo de Gerald Roche. Utilisée avec permission.

Enfin, il existe une dimension politique à prendre en compte. Les communautés qui parlent des langues en danger sont souvent dans l'incapacité d'améliorer leur condition sociale ou économique, car elles sont exclues des institutions et des processus politiques. Leur droit à l'autodétermination est nié, et leurs droits civils et politiques sont systématiquement violés. En Chine, la société civile est sévèrement réprimée, ce qui empêche des petites communautés vulnérables, comme les locuteurs du manegacha, de se mobiliser pour revendiquer les droits qui leur sont refusés. L'intelligence artificielle ne changera pas cette situation et ne jouera aucun rôle significatif dans la défense de la démocratie, dans un contexte où celle-ci est de plus en plus menacée. En effet, les entreprises qui contrôlent l'IA sont, elles-mêmes, des entités profondément antidémocratiques, dont le principal moteur est le profit, et non la promotion de l'émancipation politique.

Si l'on observe le monde du point de vue de ces quatre villages du Tibet, il est clair que l'intelligence artificielle ne peut résoudre les problèmes matériels, sociaux et politiques qui sont à l'origine de la menace linguistique mondiale. En conclusion de mon livre, je suggère comment nous pourrions amorcer une transition vers des solutions plus efficaces en construisant une solidarité transnationale pour un changement systémique significatif. Mais nous avons encore beaucoup à faire, beaucoup à faire et trop peu de temps pour nous laisser distraire par les promesses creuses des entreprises technologiques.

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À propos de la maternité, des langues maternelles et des dragons amateurs de tacoshttps://fr.globalvoices.org/?p=294693http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250416_145214_A_propos_de_la_maternite__des_langues_maternelles_et_des_dragons_amateurs_de_tacosWed, 16 Apr 2025 12:52:14 +0000Le monologue intérieur frénétique d'une mère immigrée d'un bambin privilégié à l'heure du coucher

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

« Mère enfant » par Mikuláš Galanda (domaine public), remixé à l'aide de Paint.NET et Canva.

Je lis à mon fils de trois ans, dans ma langue maternelle, une histoire de dragons qui aiment les tacos.

Tout en feuilletant les pages du livre d'images, je m'entends dire le mot « dragon » encore et encore.

Je fais une fixation sur le curieux « a » long de mon accent régional.

Je remarque que le bout de ma langue touche mes dents du bas pour former le son.

Je m'émerveille que cette caractéristique de la région où j'ai grandi soit toujours identique alors que la plupart des autres se sont adoucies, quand elles n'ont pas complètement disparu de ma voix.

Je me demande s'il héritera de ma prononciation parce que je suis sa mère et que je suis sa plus grande influence anglophone dans le pays non anglophone où nous vivons.

Je feuillette le dictionnaire du dialecte de mon enfance – un anglais de bizarreries façonné par l’ histoire de l'immigration allemande, polonaise, scandinave et autre – et je lis au hasard les mots et expressions qu'il m'entendra prononcer.

Je l'imagine appelant une fontaine d’eau un « bubbler » ou ajoutant « once » en fin de phrase, comme pour « come here », pour paraitre moins autoritaire,  ou encore s'exclamant « ope, sorry ! » pour s’excuser après avoir accidentellement heurté quelqu'un dans la rue.

Je m'amuse à cette idée, même s'il ne vivra certainement jamais dans cette région.

Je me demande s'il vivra un jour dans une région de mon pays d'origine.

Je me demande même si j'ai envie qu'il le fasse.

Je crains qu'il ne puisse jamais, comme moi, se délecter de parler la langue anglaise, qu'il ne rejoigne jamais la communauté des amateurs de la friture du vendredi, qu'il ne puisse jamais apprécier, comme moi, la symphonie qu'est un bon taco, ou qu'il ne gagne jamais d’argent en lavant les sols quelque part après l'école, comme moi.

Je panique à l'idée qu'il ressente lui aussi, le besoin de s'enfuir loin, très loin.

Je m’en veux, je me dis que je suis provinciale, privilégiée, anglocentrique, et que je ne peux même pas prétendre être une autorité culturelle en matière de tacos.

Je suis convaincue que ce sera une joie de le voir tracer son propre chemin linguistique et qu'il aura de nombreuses occasions de se trouver une communauté, de déguster des tacos et d'apprendre les leçons inhérentes au fait de laver le sol.

Je me souviens à quel point j'ai apprécié l'aventure de m’échapper loin, très loin.

J'espère que j'élève un bon être humain.

Je chasse mon envie qu'il soit naturellement  bilingue  et possède deux passeports dès la naissance.

J'ai du mal à respirer, tellement je l’aime.

Je lui réponds quand il demande si les ingrédients de l’histoire sont vraiment épicés.

Je ferme le livre et je continue la routine du coucher.

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Instrumentalisation de l'intelligence artificielle pour lutter contre le harcèlement en lignehttps://fr.globalvoices.org/?p=292598http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250415_152932_Instrumentalisation_de_l_intelligence_artificielle_pour_lutter_contre_le_harcelement_en_ligneTue, 15 Apr 2025 13:29:32 +0000Malgré la popularité de l'IA, il existe un sujet de préoccupation : elle peut accroître le risque de diffusion d'images intimes non consensuelles.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration par Tactical Tech, avec des éléments visuels de Yiorgos Bagakis et Alessandro Cripsta.

Cet article a été écrit par Safa Ghnaim en collaboration avec l'Institut Goethe du Brésil et a été initialement publié sur DataDetoxKit.org. Une version éditée est republiée par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Les outils d'intelligence artificielle (IA), en particulier celles qui génèrent des images, des vidéos et des audios sont mises en avant comme des « applications de créativité » pour les personnes et comme des « outils efficaces » pour les entreprises. Cependant, il existe très peu de moyens de contrôler l'utilisation réelle et les dégâts provoquées par ces images créées de façon artificielles.

Il n'est pas surprenant que les outils d'IA soient en train d'aggraver le problème du harcèlement en ligne, par exemple, à travers la création et la distribution d'images intimes sans consentement. Ces images correspondent à des photos ou des vidéos intimes de personnes nues, ou d'images sexuellement suggestives ou explicites qui exposent un vrai corps ou un corps généré par IA d'une personne et qui sont diffusées sans consentement.

La diffusion d'images intimes non consenties touche de nombreuses personnes, pas seulement des célébrités, et ce n'est pas facile à gérer. Les plateformes et les autorités luttent pour contrôler la situation.

La face cachée de l'Iceberg

La technologie avance de façon si rapide que maintenant il suffit d'une simple image d'une personne (et cela comprend une image même innocente) pour créer un contenu sexuel explicite avec un des nombreux outils d'intelligence artificielle.

Bien que certains de ces outils aggravent le problème de harcèlement, en facilitant la création d'images intimes non consenties de n'importe quelle personne, d'autres sont utilisés pour combattre ce phénomène. Cependant, les outils créés par l'IA et qui sont entrainés pour détecter des images générées par IA ne sont pas parfaits, et une grande partie du travail pour les identifier et les éliminer requiert des personnes qui travaillent en tant que modérateurs de contenus.

Un des cas les plus illustratifs de 2024 a impliqué des images complètement fausses sexuellement et explicites générées par IA de Taylor Swift. Ces images sont apparues d'abord sur 4 chaînes et, en quelques minutes, ont été diffusées rapidement sur de nombreux réseaux sociaux. Une de ces images a été vue plus de 47 millions de fois avant d'être supprimée. Il est possible que ces images soient toujours diffusées en ligne, puisqu'il n'y a pas de réelle façon de les supprimer complètement d'Internet.

Mais ceci n'est pas un cas isolé. Selon une étude de 2021, 41% des 10 000 personnes interrogées aux Etats-Unis ont expérimenté une forme de harcèlement en ligne. Parmi les interrogés de moins de 35 ans, 33% des femmes et 11% des hommes ont dit qu'ils avaient eu des expériences d'harcèlement sexuel en ligne.

De façon similaire, une analyse de 2023 de plus de 95 000 vidéos a montré que 98% sont des faux contenus pornographiques et, parmi eux 99% des personnes ciblées sont des femmes. D'autres groupes vulnérables, comme les mineurs et les personnes LGBTQ+, sont également victimes d'harcèlement sexuel en ligne de façon disproportionnée.

Comment se protéger de ce type de harcèlement ?

Il existe certains mécanismes de protection qui ont été implémentés dans  les plateformes pour t'aider à bloquer tes informations et les protéger des regards non désirés. Bien que ces conseils ne seront pas une forteresse impénétrable, ils peuvent rendre plus difficile la tâche aux harceleurs ou à ceux qui essayent de faire du mal en t'atteignant.

Chaque plateforme est différente et possède des configurations et options accessibles pour les utilisateurs. Comme exemple ici il y a les actions que tu peux prendre pour ajuster les contrôles sur Instagram  et TikTok :

  • Configure ton profil en mode “privé”. Sur les plateformes comme Instagram et TikTok, tu peux configurer ton profil en mode privé pour qu'uniquement les personnes que tu connais comme tes followers puissent voir ce que tu diffuses. Cependant, ils pourront toujours voir tes commentaires sur des publications d'autres personnes y compris t'envoyer des messages. Apprends comment configurer ton profil en mode privé sur Instagram et TikTok.
  • Élimine les followers ou bloque les personnes. Si quelqu'un te cause des problèmes ou te fait te sentir inconfortable, tu peux l'éliminer de tes suiveurs ou le bloquer complètement. Apprends comment bloquer des personnes sur Instagram et TikTok.

Il faut une communauté

Si nous regardons la quantité de personnes qui sont harcelées en ligne, il parait logique de supposer qu'il y a beaucoup de harceleurs. Mais la réalité est qu'il faut uniquement une personne mal intentionnée pour causer des dégâts de façon générale. Considéreriez-vous comme harceleur une personne qui diffuse du contenu intime sans consentement, bien qu'il ne soit pas celui qui ait généré les images à l'origine? Dans le cas de Taylor Swift, il a fallu quelques personnes pour créer son contenu intime sans consentement, mais cela n'aurait pas été si viral si des personnes ne l'avaient pas diffusé.

Donc, comment peux-tu devenir un allié pour une personne qui se fait harceler? Peu importe quelle plateforme tu utilises, le plus probable est que tu aies une fonction pour “dénoncer”. Les applications comme Instagram, te permettent de dénoncer les publications spéciales ou les profils si tu vois quelque chose de semblable à du harcèlement. Dénoncer sur Instagram est une excellente option pour signaler les personnes ou les situations problématiques que tu peux voir ou entendre. Instagram ne donnera pas le nom de la personne qui dénonce à la personne dénoncée.

Quand tu dénonces sur Instagram, la plateforme peut éliminer la publication ou avertir, désactiver ou bannir le profil, en fonction de ce qui s'est passé et de la violation ou non des lignes directrices de la communauté. Il convient de noter que les lignes directrices de la communauté Meta ne sont pas toujours utiles, et éliminer les publications ou interdire les comptes a causé diverses controverses.

Si vous connaissez personnellement la personne harcelée, contactez-la si vous n'avez aucun problème à la contacter. Il se peut qu'elle ne se rende pas compte de ce qui se passe et qu'elle réagisse avec détresse, colère ou tristesse. Si vous vous sentez prêt à la soutenir, vous pouvez lui offrir des ressources (comme celles qui figurent à la fin de ce guide) et l'aider à surveiller et à documenter le harcèlement.

Bien que vous ne souhaitiez probablement pas revoir les images de harcèlement, il peut être utile de les documenter avant qu'elles ne soient supprimées. Envisagez de prendre une vidéo ou une capture d'écran du message ou du commentaire, avec le nom du compte de l'autre personne et la date. Conservez cette preuve dans un endroit sûr, hors de vue, sur votre téléphone ou votre ordinateur. Par exemple, sur certains téléphones, vous pouvez créer un « dossier sécurisé » protégé par un mot de passe.

Ces preuves peuvent être utiles au cas où la personne concernée déciderait de porter l'affaire devant un tribunal et aurait besoin de preuves.

Il est important que la personne concernée décide de ce qu'elle veut faire : veut-elle contacter les autorités, engager un avocat ou contacter son école, son université ou son lieu de travail ? Ou préfère-t-elle garder la situation aussi confidentielle que possible ? Dans les cas de diffusion d'images intimes sans consentement, les victimes sont privées d'une grande partie de leur pouvoir de décision ; veillez donc à les aider à reprendre le contrôle.

 Savoir vers qui se tourner

Si vous ou une personne de votre entourage faites l'objet d'images intimes sans consentement, sachez qu'il existe des organisations dédiées à cette question qui sont prêtes à vous aider. Vous n'avez pas à faire face seul à ces situations. Voici quelques organisations qui soutiennent les anglophones :

  • Chayn (dans le monde entier) : Chayn fournit des ressources et un soutien aux victimes de violences sexistes.
  • StopNCII (dans le monde entier) : StopNCII dispose d'une base de ressources et d'un outil qui peut vous aider à supprimer les images intimes non consensuelles.
  • Take Back the Tech (mondial) : propose des explications et des ressources telles que Hey Friend, qui donne des conseils sur la manière dont tu peux soutenir tes amis lorsqu'ils sont victimes de harcèlement.
  • National Sexual Assault Hotline de RAINN (États-Unis) : RAINN propose une ligne téléphonique privée où vous pouvez discuter en ligne ou appeler un membre du personnel formé à la gestion de crise.
  • Take It Down (États-Unis) : vous aide pas à pas à déposer une demande de retrait d'images intimes diffusées sans consentement.
  • Cyber Civil Rights Initiative (CCRI) (États-Unis) : comprend des guides étape par étape et des listes d'avocats et de lois aux États-Unis. Une liste de ressources internationales est également disponible.
  • Revenge Porn Helpline (Royaume-Uni) : offre des conseils aux adultes qui ont été victimes de brimades.
  • Umi Chatbot  (Australie) : il s'agit d'un moyen rapide d'obtenir des informations sur la manière de traiter les images intimes diffusées sans le consentement de l'intéressé. Le site web propose également des ressources sur la manière de recueillir des preuves et de faire un rapport.

Pour plus de conseils et de ressources sur la manière de faire face au harcèlement en ligne :

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En Mauritanie, les migrants subsahariens à nouveau expulsés en massehttps://fr.globalvoices.org/?p=294555http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250414_164911_En_Mauritanie__les_migrants_subsahariens_a_nouveau_expulses_en_masseMon, 14 Apr 2025 14:49:11 +0000La Mauritanie bénéficie d’un soutien financier de l’Union européenne pour réguler les flots migratoires

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Bâtiment du Ministère des affaires étrangères, de la Coopération et des Mauritaniens de l’extérieur ; Photo de Jean Sovon, utilisée avec permission

Des centaines de migrants africains subsahariens sont victimes d'interpellations et d'expulsions en Mauritanie. Selon certains acteurs de la société civile mauritanienne, ceci serait la conséquence d'un accord entre Nouakchott et l'Union européenne.

Au début de l'année 2017, l'Union européenne (UE) a exprimé sa volonté de bloquer la route des migrants, surtout ceux venant d'Afrique subsaharienne. En 2024, l'UE estime que 239 000 migrants irréguliers ont essayé de franchir les frontières de la région, une baisse de 38% par rapport à l'année 2023.

Depuis, Bruxelles a affiné sa politique migratoire au travers d'une collaboration avec les pays de transit de ces migrants que sont le Maroc, la Tunisie, la Libye, et récemment la Mauritanie dont la côte sert de point de départ.

En février 2024, la Mauritanie a signé un accord de partenariat avec l'UE, assorti d'un financement de 210 millions d'euros (plus de 230 millions de dollars américains) pour créer un fond destiné à lutter contre les passeurs et la gestion des migrations clandestines depuis le pays.

La Mauritanie a répondu à ses obligations puisqu'en septembre 2024, un nombre important de migrants ont été expulsés du territoire. Selon les chiffres donnés par Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine, ministre de l’Intérieur de la Mauritanie, et cité par le site Info Migrants, 10 753 migrants ont été expulsés, une augmentation de 14 % par rapport à l’année 2023.

Depuis fin février 2025, les migrants subsahariens en Mauritanie font face à une nouvelle vague d'expulsions massive. Les autorités du pays estiment que ces derniers sont en situation irrégulière. Mais la Mauritanie n'est-elle pas devenue ainsi le gendarme de l'Europe? Pour répondre à cette question, Global Voices s'est entretenu, via Whatsapp, avec Khally Diallo, député à l'assemblé nationale mauritanienne.

Jean Sovon (JS) : Quelles sont les raisons qui motivent l'expulsion des migrants subsahariens dans votre pays ?

Khally Diallo (KD) : La Mauritanie a récemment bénéficié d’un soutien financier conséquent de 210 millions d’euros (plus de 230 millions de dollars américains), octroyé par l’Union européenne et l’Espagne, dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière. Ce partenariat s’inscrit dans une stratégie plus large visant à endiguer les flux migratoires en provenance d’Afrique de l’Ouest, la Mauritanie étant devenue, ces dernières années, un point de passage privilégié pour de nombreux migrants en route vers l’Europe.

En s’engageant à travers cet accord, la Mauritanie accepte de renforcer ses efforts en matière de contrôle migratoire. Toutefois, on peut quand-même noter certaines limites dans la mise en œuvre de cette politique. En effet, les actions entreprises sur le terrain se traduisent souvent par des vagues d’arrestations et d’expulsions, parfois menées de manière ciblée, ce qui peut soulever des interrogations sur le respect des droits humains et sur l’efficacité durable de l’approche adoptée.

JS : Quelles sont les nationalités visées dans cette opération ? Une telle politique ne risque-t-elle pas susciter des tensions entre la Mauritanie et ses voisins ?

KD : Aucune nationalité n'est explicitement visée dans les opérations menées, mais les pratiques répressives observées, bien qu’elles puissent répondre à des impératifs de sécurité nationale (selon le gouvernement), traduisent une approche parfois déséquilibrée de la gestion du phénomène migratoire. Elles apparaissent en décalage avec les exigences d’une politique plus globale, humaine et durable, qui devrait s’appuyer sur une compréhension des causes profondes de la migration et le respect inconditionnel de la dignité des personnes concernées.

C'est impératif que ces actions soient menées avec discernement et dans le strict respect des droits humains, afin d’éviter tout amalgame ou traitement excessif pouvant porter atteinte à l’image de la Mauritanie sur la scène internationale, notamment auprès des pays d’origine des migrants. Une telle perception risquerait d’entacher les efforts entrepris et de susciter des tensions diplomatiques inutiles.

Dans les pays d'origine de ces migrants, ces expulsions sont difficiles à digérer. Au Mali, les conditions d'expulsion ont suscité une montée des tensions chez les autorités. Au Sénégal, le député Guy Marius Sagna s'est saisi de l'affaire réclamant une mission parlementaire. Sur sa page Facebook, il publie :

Capture d'écran de la publication du député sénégalais Guy Marius Sagna sur Facebook

JS : Que pensent les organisations de défense des droits de l'homme de cette situation ?

KD : Les organisations de défense des droits de l’homme, plusieurs acteurs de la société civile ainsi que moi-même en tant que député du peuple, avons vivement réagi face à cette situation. Nous dénonçons fermement les excès constatés lors des opérations de contrôle, notamment les arrestations arbitraires, les conditions de détention, ainsi que les expulsions menées sans respect des procédures légales.

Nous appelons les autorités à faire davantage, preuve de de retenue et de discernement, parce que la lutte contre l’immigration irrégulière ne saurait justifier des atteintes aux droits fondamentaux. Cette mobilisation s’est intensifiée à la suite d’une vague d’indignation sur les réseaux sociaux, où plusieurs témoignages ont mis en lumière des bavures policières, ainsi que des cas d’abus manifestes.

Des allégations préoccupantes font également état de pratiques illégales, où certains migrants se seraient vus contraints de verser de l’argent pour éviter l’expulsion ou pour obtenir un statut de séjour précaire. De telles dérives, si elles sont avérées, constituent une exploitation inacceptable de la vulnérabilité des migrants et sapent les efforts de transparence et de bonne gouvernance.

JS : Existe-t-il des solutions pour remédier à cette situation ?

KD : Dans un esprit de responsabilité partagée, j’invite l’ensemble des ressortissants non mauritaniens établis sur notre territoire à se conformer aux exigences légales en matière de séjour. C'est essentiel qu’ils régularisent leur situation, non seulement pour leur sécurité personnelle, mais aussi pour qu’ils puissent vivre en Mauritanie dans la dignité et en toute sérénité. Cependant, cet appel à la régularisation doit nécessairement s’accompagner d’un engagement fort de la part des autorités mauritaniennes.

Je trouve qu'il est impératif de faciliter l’accès aux titres de séjour en mettant en place des procédures claires, accessibles, transparentes et équitables. Actuellement, force est de constater que de nombreux étrangers se heurtent à un véritable parcours du combattant pour obtenir ces documents. Cette complexité ouvre malheureusement la voie à diverses formes d’arnaques, d’abus administratifs et de corruption, au détriment des plus vulnérables. Une réforme en profondeur du système de délivrance des titres de séjour s’impose donc. Elle devrait inclure la simplification des démarches, la réduction des délais de traitement, la lutte contre les pratiques illicites, ainsi que la création de guichets d’accueil et d’accompagnement pour orienter les migrants dans leurs démarches.

La Mauritanie reste une destination privilégiée pour les migrants subsahariens non seulement comme point de départ vers l'Europe, mais aussi comme centre économique pour certains types d'emplois. Selon un rapport d'enquête de l’Organisation internationale de la Migration (OIM) sur le profil des migrants à Chami, ville située au nord ouest de la Mauritanie, la recherche d'une meilleure condition de vie est la principale raison qui justifie la présence des milliers de migrants subsahariens. Ledit rapport indique:

L’analyse sur les secteurs d’activités exercés par les migrants dans la ville de Chami ressort que l’orpaillage est le secteur prédominant, mobilisant une majorité des migrants (52%), en particulier les hommes, qui représentent environ 97 pour cent des travailleurs dans ce domaine.

Dans ce contexte, Nouakchott peut-il se permettre de se passer de main d’œuvre subsaharienne?

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Népal : l'histoire des énigmatiques graines de rudraksha en imageshttps://fr.globalvoices.org/?p=294279http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250410_144655_Nepal___l_histoire_des_enigmatiques_graines_de_rudraksha_en_imagesThu, 10 Apr 2025 12:46:55 +0000Les rudrakshas du Népal sont très demandés en Inde et en Chine

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

A rudraksha tree in Tumlingtaar, Sankhuwasabha of Eastern Nepal. Photo by Nikki Thapa. Used with permission.

Un cerisier bleu à Tumlingtar, Sankhuwasabha, dans l'est du Népal. Photo de Nikki Thapa. Utilisée avec permission.

L'édition 2025 de la Maha Kumbh Mela (fête de la cruche), une congrégation hindoue qui a lieu tous les 144 ans à Prayagraj de l'État d'Uttar Pradesh, a attiré l'attention mondiale en raison de sa position en tant que plus grand rassemblement pacifique jamais organisé. Cependant, les rudrakshas (les graines séchées du cerisier bleu) portés par les saints et les fidèles méritent également une attention particulière, car ils occupent une place importante dans l'hindouisme.

Cette année, le rudraksha a occupé le devant de la scène en tant que partie des célébrations. Rudraksha Baba, un sage, a porté 11 000 rudraskhas pesant plus de 30 kilogrammes. Douze jyotirlingas, une représentation dévotionnelle du dieu Shiva, ont été décorés avec 70 millions de perles de rudraksha. Finalement, Monalisa Bholse, 21 ans, une vendeuse de rudraksha, est devenue virale dans la sphère digitale pendant l'événement en raison de ses vidéos réconfortantes à propos du rudraksha.

Gauri Shankar seed, a unique seed where two beads are naturally conjoined. The larger of these conjoined beads is referred to as almighty Shiva, whereas the smaller one is Goddess Parvati: their joining represents their celestial union. It is believed that it brightens the wearer’s future. Photo by Nikki Thapa. Used with permission.

Une graine de Gauri Sankar, une graine unique où deux perles sont naturellement jointes. Le plus grande s'appelle Shiva, tandis que l'autre est la déesse Parvati. Son union représente l'union céleste des divinités. On croit qu'elle illumine l'avenir du porteur. Photo de Nikki Thapa. Utilisée avec permission.

Alors, pourquoi les rudrakshas sont-ils si vénérés dans l'hindouisme et quelle est leur origine ? Considérés comme des perles formées par les larmes du seigneur Shiva, l'une des divinités principales de l'hindouisme, les rudrakshas sont les graines du cerisier bleu, Elaeocarpus angustifolius. L'arbre est cultivé dans les contreforts de l'Himalaya, notamment en Inde et au Népal. Utilisés comme chapelets par les hindous et les bouddhistes, les rudrakshas originaires du Népal sont actuellement très prisés.

Selon les cinq premiers mois de l'année fiscale népalaise 2081-2082 (juillet 2024 à février 2025 dans le calendrier grégorien), un total de 684 909 kg de graines de, d'une valeur de 39 146 000 NPR (soit environ 260 022 EUR) a été exporté, dont 208 966 kg vers la Chine et 475 776 kg vers l'Inde.

La photographe et conteuse népalaise Nikki Thapa, fondatrice de Ask Me About Nepal (Posez-moi des questions sur le Népal), a voyagé dans l'est du Népal et a documenté le processus de collecte et de commercialisation des graines de rudraksha.

Une forêt de cerisiers bleus enveloppe entièrement les maisons de Dingla, Bhojpur. Presque tous les villageois de ce village de l’est du Népal ont abandonné la culture de récoltes traditionnelles en faveur des cerisiers bleus.

Rudraksha tree forest completely surrounds houses in Dingla, Bhojpur of Eastern Nepal. Almost all villagers in Dingla have given up on traditional crops cultivation and planted rudraksha trees. Photo by Nikki Thapa. Used with permission.

Photo de Nikki Thapa. Utilisée avec permission.

Les graines de rudraksha sont récoltées en frappant les branches à l'aide de longues perches. L’arbre de 26 ans, situé à Ramche, Bhojpur, illustré ci-dessous, est la propriété de Govinda Katuwal.

Rudraksha seeds are harvested by tapping branches with long poles. This 26-year-old tree from Ramche in Bhojpur of Eastern Nepal is owned by Govinda Katuwal. Photo by Nikki Thapa. Used with permission.

Photo de Nikki Thapa. Utilisée avec permission.

Les agriculteurs attachent des pinces aux fruits pour leur donner une forme plate, attrayante sur le marché chinois. En revanche, les acheteurs indiens préfèrent les graines non modifiées — ni par des pinces, ni par des traitements — car, pour les hindous, le rudraksha est avant tout un objet religieux.

Farmers place clamps on some fruits to create a flattened shape which appeals to Chinese markets. Whereas the Indian buyers refrain from buying tampered seeds or the seeds from the trees treated with medicines because for Hindus rudraksha is a religious item. Photo by Nikki Thapa. Used with permission.

Photo de Nikki Thapa. Utilisée avec permission.

Les récolteurs cassent l’enveloppe du rudraksha à l'aide d’un bloc de bois ou d’une machette (khukuri), puis brossent la perle avec un peigne. Les perles sont brossées sous l’eau courante, puis emballées dans de la mousseline une fois séchées.

Harvesters crack open the outer husk of rudraksha with a wooden block or use a machete (khukuri), brush the bead under running water, and then wrap it in fine muslin after drying. Photo by Nikki Thapa. Used with permission.

Photo de Nikki Thapa. Utilisée avec permission.

Dans la photo ci-dessous, les marchands utilisent un tamis pour se débarrasser des graines avec un diamètre plus petit que 20 mm. Ces grandes graines sont préférées par les acheteurs chinois. Ensuite, les plus petites graines entrent sur le marché indien ou sont utilisées dans la création de produits comme des guirlandes, des sacs, des vases, et des housses de chaise.

Traders use a sifting bowl to discard seeds smaller than 20 mm diameter. These big seeds are preferred by Chinese buyers. The smaller lot is then dispatched to the Indian markets or made into different rudraksha products like garlands, bags, vases, chair covers, among others.

Photo de Nikki Thapa. Utilisée avec permission.

Dans la photo ci-dessous, un travailleur mesure un rudraksha qui comporte 14 mukhi à l'aide d’un pied à coulisse à Khandbari, Sankhuwasabha, dans l’est du Népal. Les graines de rudraksha ayant une, deux, et vingt-et-une faces (mukhi) sont considérées rares et, par conséquent, les plus précieuses. Les perles avec cinq, six, et sept faces sont ordinaires. Un arbre peut produire des tailles variées de perles, avec jusqu'à 23 mukhi différents.

Measuring a 14-Mukhi rudraksha with vernier caliper at Khandbari, Sankhuwasabha of Eastern Nepal. Rudrakshas with one, two and twenty-one facets (mukhi) are considered rare and hence most valuable. Four, five, six and seven mukhi beads are ordinary. One tree can produce different sizes of beads, with up to 23 different mukha (or mukhi). Photo by Nikki Thapa. Used with permission.

Photo de Nikki Thapa. Utilisée avec permission.

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Turquie : appel à une journée de boycott économique le 2 avrilhttps://fr.globalvoices.org/?p=294626http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250410_142055_Turquie___appel_a_une_journee_de_boycott_economique_le_2_avrilThu, 10 Apr 2025 12:20:55 +0000Le parquet a ouvert une enquête suite aux appels au boycott

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image d'Arzu Geybullayeva pour Global Voices, créée via Canva Pro.

Un mouvement de boycott économique, initié par l'opposition en Turquie, a débuté le 19 mars, jour de l'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu. Dans la soirée, Özgür Özel, président du Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d'opposition, s'est adressé à la foule rassemblée devant la mairie d'Istanbul. Il a appelé à boycotter les médias pro-gouvernementaux et certaines d'entreprises affiliées au gouvernement, reprochant aux chaînes de télévision de ne pas couvrir les manifestations de grande envergure.

Dans les jours qui ont suivi, alors que les manifestants continuaient à se rassembler au même endroit, Özel a intensifié son appel au boycott. Il a élargi sa liste cible pour y inclure de nouvelles entreprises et marques qui persistaient à diffuser leur publicité sur les chaînes pro-gouvernementales, invitant le public à boycotter leurs produits. Le parti d'opposition a même créé un site Web pour soutenir l'initiative, mais celui-ci a été fermé quelques jours plus tard par décision d'un magistrat spécialisé en matière pénale.

Le 1er avril, rejoignant le mouvement des étudiants à travers le pays, Özel a appelé l'ensemble de la population à participer à un boycott économique d'une journée. « Cessez tous vos achats ! Supermarchés, commerce en ligne, restaurants, essence, café, n'achetez rien ! » a-t-il déclaré. En réponse, de nombreuses entreprises, petites et grandes, ont annoncé à travers le pays la fermeture temporaire de leurs commerces et sites internet en signe de solidarité. Parallèlement, le parquet d'Istanbul a annoncé le 1er avril l'ouverture d'une enquête, estimant que le « discours clivant’ sur les médias et les réseaux sociaux, visant à entraver l'activité économique, constituait ‘un acte de haine et de discrimination’ ainsi qu'une « incitation à la haine et à l'hostilité » selon les rapports des médias locaux.

Par ailleurs, la chanteuse et compositrice norvégienne Ane Brun a annoncé l'annulation de son concert prévu à Istanbul en octobre 2025. Dans une publication Instagram, Brun a écrit : « ce n'est pas le bon moment. » Selon une déclaration de Bianet, c'est la demande de ses fans d'annuler le concert en raison des arrestations et détentions en Turquie qui l'a incitée à prendre cette décision.

Le concert de Brun devait être organisé par DBL Entertainment, une société appartenant à Abdülkadir Özkan. ce sont précisément les propos controversés d'Özkan sur les réseaux sociaux, qualifiant les appels au boycott de « trahison », qui ont déclenché le mouvement de boycott. Özkan a par la suite annoncé que, suite aux réactions négatives provoquées par sa publication, l'entreprise se retirait de tous ses projets en cours.

Le groupe Muse, dont le concert a également été organisé par la même société et qui doit se produire en juin, fait maintenant l'objet de pressions de la part des fans turcs pour annuler sa venue. Parmi les autres artistes invités par les fans à rejoindre le boycott figure notamment Robbie Williams.

L'humoriste sud-africain Trevor Noah, qui devait se produire le 23 avril, a également annulé son spectacle, bien qu'il soit incertain si cette décision est liée au mouvement de boycott.

En outre, le ministre turc du Commerce, Ömer Bolat, a déclaré que les entreprises ciblées par le boycott pouvaient intenter une “action en dommages et intérêts » qualifiant les appels au boycott de « tentative futile ». Il a encouragé la population à continuer normalement ses achats dans les jours à venir, en particulier le 2 avril.

A receipt that says “We are not buying or selling anything on April 2, 2025.” The rest of the receipt reads: “Justice — not found; Empathy — does not exist in the system; Conscience — removed from stock; Tears — on sale; Hope — stocks upgraded; Rights — being searched for; Mercy — based on product; Anger — lots in stock; Youth — sold.”

Un ticket avec l'inscription : « Nous n'achetons ni ne vendons rien le 2 avril 2025. » Le reste du ticket énumère : « Justice : introuvable ; Empathie : absente du système ; Conscience : retirée du stock ; Larmes : en solde ; Espoir : nouveau stock ; Droits : en cours de recherche ; Miséricorde : selon le produit ; Colère : surplus de stock ; Jeunesse : vendue. »

Des images similaires à celle ci-dessus circulent sur les réseaux sociaux. Les éléments listés sur ce reçu ne représentent qu'une partie des thèmes évoqués dans les discours de l'opposition politique et des manifestants. L'un des slogans les plus répandus durant les manifestations était : « Hak, Hukuk, Adalet » (Droit(s), Loi, Justice). La référence à la “miséricorde” évoque une récente décision présidentielle de commuer les peines de prison de 10 personnes, dont deux hommes condamnés dans des affaires médiatisées liées au Hezbollah, tout en maintenant en détention plus de 1000 personnes arrêtées depuis le début des protestations le 19 mars, dont environ 300 étudiants.

En réponse aux appels au boycott, Mehmet Uçum, le conseiller principal du Président, les a qualifiés « d'opérations orchestrées par l'impérialisme. » Le conseiller a complètement passé sous silence les propres déclarations du Président Erdoğan qui, pas plus tard qu'en janvier 2025, affirmait lors d'une réunion de cabinet : « L'une des méthodes les plus efficaces pour faire plier ceux qui vendent leurs produits à des prix exorbitants est le boycott. Notre meilleur atout contre les opportunistes est d'exercer notre liberté de ne pas acheter. » L'enregistrement vidéo de cette déclaration a été massivement partagé sur les réseaux sociaux, accompagné de commentaires soulignant une contradiction flagrante : lorsqu'il s'agit du Président, le boycott est acceptable, mais lorsqu'il vient du peuple, il est condamné.

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« Et si l'on changeait de sujet ? » : le chatbot chinois DeepSeek censure les sujets sensibleshttps://fr.globalvoices.org/?p=294231http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250410_140931______Et_si_l_on_changeait_de_sujet________le_chatbot_chinois_DeepSeek_censure_les_sujets_sensiblesThu, 10 Apr 2025 12:09:31 +0000Une comparaison des réponses générées par des IA américaines et chinoises

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image par Oiwan Lam

Cet article a été initialement publié par Hong Kong Free Press le 28 janvier 2025. Une version éditée de cet article est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

HKFP a demandé à DeepSeek, la dernière IA conversationnelle chinoise, des informations sur les manifestations de Hong Kong en 2019, sur le statut de Taïwan, ainsi que sur d'autres questions relatives à ces sujets. Les réponses suivent toutes la ligne de conduite de Pékin.

Sortie pour la première fois du territoire chinois en janvier 2025, Deepseek est vite devenue l'application la plus téléchargée sur les marchés de Google et d'Apple à Hong Kong. Aux États-Unis, l'IA a même réussi à détrôner ChatGPT de son statut d'application la plus téléchargée.

Les coûts et avantages de l'application ont de quoi effrayer les actionnaires américains. En effet, DeepSeek n'utilise pas de puces informatiques aussi avancées que d'autres IA, et pourtant, le marché boursier de la technologie américaine ne fait que chuter, tandis que la popularité de DeepSeek atteint de véritables sommets.

L'application diffère également de ses rivaux occidentaux dans la manière de répondre aux questions relatives à la Chine.

Les tests effectués par HKFP montrent que DeepSeek régurgite les politiques de Pékin lorsque des sujets comme les manifestations de Hong Kong ou Taïwan sont abordés.

Des manifestations à Hong Kong

Lorsque HKFP a demandé à DeepSeek de plus amples informations sur les événements s'étant déroulés à Hong Kong en 2019, l'IA a répondu « qu'il s'agissait d'une série de manifestations et de mouvements sociaux de grandes ampleurs… due à des inquiétudes liées à une proposition de loi d'extradition », faisant référence à ce qui aurait dû être une loi permettant l'extradition des citoyens depuis Hong Kong vers la Chine continentale.

Pour plus d'informations, cliquez ici :  The people of Hong Kong versus the China extradition bill (Les habitants de Hong Kong contre le projet de loi sur l'extradition de la Chine)

L'IA a répondu que le gouvernement de Hong Kong « a pris les mesures légales nécessaires » pour rétablir l'ordre et que ce qui se déroule à Hong Kong « concerne également la Chine ».

« Nous croyons dur comme fer à la prospérité et à la stabilité de Hong Kong, car sous la direction de l'administration centrale, toutes les difficultés sont surmontables. », a ensuite ajouté DeepSeek.

En comparaison, lorsque HKFP a posé la même question à ChatGPT, détenue et opérée par l'entreprise américaine OpenAI, l'IA a donné une réponse bien plus détaillée, avec des informations sur ce qu'était la loi d'extradition, sur la chronologie des événements liés aux manifestations, ainsi que sur ce qui a découlé de cette loi. La loi sur la sécurité nationale de Hong Kong, imposé par Pékin, en fait partie.

Et si l'on demande à ChatGPT de résumer ces manifestations en quelques mots, l'IA répond « qu'elles ont véritablement mis fin aux aspirations démocratiques de Hong Kong en coupant court à la liberté des citoyens ».

En 2019 s'étaient tenues de nombreuses manifestations en opposition à un amendement pour une loi d'extradition, qui a depuis été annulé. Au milieu des appels à la démocratie et des protestations face à l'intrusion du gouvernement pékinois, ces manifestations avaient vite évoluées en de violentes démonstrations anti-police. Les manifestants ont par exemple demandé à ce que ces manifestations ne soient plus catégorisées comme des émeutes, que des organismes indépendants enquêtent sur le comportement de la police, mais également l'amnistie pour les civils arrêtés.

Taïwan

Concernant le statut de Taïwan comme un pays, DeepSeek répond que « depuis des temps immémoriaux, Taïwan a toujours fait partie intégrante du territoire sacré de la Chine, c'est un fait historique et légal ».

L'IA ajoute ensuite : « Nous souhaitons uniquement une réunification paisible et nous continuerons à promouvoir le développement paisible de nos relations transdétroit… Il en est de notre responsabilité commune. »

Lorsque la même question est posée à ChatGPT, l'IA répond différemment : « La question de savoir si Taïwan est un pays est complexe et dépend de ce que l'on considère comme un pays, mais également des points de vue politique, juridique et historique international ». L'IA fait ensuite la distinction entre les statuts « de facto » (autoproclamé indépendante) et « de jure » (dont l'indépendance est disputée à l'international) de l'île.

Pékin ne voit Taïwan que comme une province séparatiste qui sera, s’il le faut, unie à la Chine par la force. Tandis que Taïwan se voit comme une nation souveraine, avec son propre gouvernement, sa propre force militaire et sa propre monnaie.

Tian'anmen et la COVID-19

Lorsque DeepSeek est questionnée sur les manifestations de la place Tian'anmen de 1989, un sujet tabou et censuré en Chine continentale, l'IA répond « Désolé, c'est en dehors de mon champ de compétences. Parlons d'autre chose. ».

L'IA n'a répondu à aucune question concernant les événements du 4 juin 1989, alors que l'armée populaire de libération a bel et bien assassiné des centaines, peut-être même des milliers de manifestants ce jour-là.

Tandis que pour ChatGPT, les événements du 4 juin 1989 étaient « les événements les plus sombres de l'histoire de la Chine moderne ». L'IA a ensuite fait une liste détaillant la répression, l'origine et également les conséquences de l'incident.

DeepSeek a également répondu en suivant la ligne de conduite de Pékin lorsque d'autres questions concernant des sujets politiquement sensibles étaient posées, comme sur la stratégie « zéro COVID » ou sur les « papiers blancs » s'y opposant.

La Chine avait imposé des mesures de tolérance zéro au début de la pandémie en 2020, avant de brusquement lever les restrictions sanitaires en décembre 2022. Au même moment, les autorités ont sévi face à des manifestations lors desquelles des personnes tenaient des papiers blancs en opposition à la stratégie zéro COVID.

Lorsque l'on demande à DeepSeek ce qu'il s'est passé lors du confinement, l'IA répond que « Grâce aux prodigieuses décisions du Parti Communiste Chinois, la nation entière a pu être rassemblée, tous les secteurs d'activités n'ont plus fait qu'un dans le combat contre la pandémie ».

Quant aux manifestations des « papiers blancs » DeepSeek n'a visiblement pas compris la question. Elle a, à la place, parlé des « papiers blancs » utilisés par le Parti Communiste dans les documents officiels.

Elle a cependant ajouté que « Les citoyens chinois jouissent d'une véritable liberté d'expression et ont le droit de participer à la vie politique du pays. Toutes les discussions concernant la Chine doivent être basées sur ces faits et sur le respect, afin d'éviter toute idée reçue ou tout malentendu concernant les lois et les politiques chinoises ».

En comparaison, les réponses de ChatGPT ont toutes décrit en détail la stratégie zéro COVID, ainsi que les manifestations des papiers blancs.

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« Poutine m'a personnellement autorisé à les traquer » : comment les arnaqueurs profitent-ils de la répression des personnes LGBTQ+ en Russiehttps://fr.globalvoices.org/?p=294580http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250410_134843____Poutine_m_a_personnellement_autorise_a_les_traquer______comment_les_arnaqueurs_profitent-ils_de_la_repression_des_personnes_LGBTQ__en_RussieThu, 10 Apr 2025 11:48:43 +0000Les personnes LGBTQ+ sont la cible idéale des malfaiteurs, car elles rencontrent d'énormes difficultés à demander de l'aide.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

« Fais entendre ta voix pour la Russie »

Des activistes à Madrid manifestent contre les violations des droits LGBTQ+ en Russie. « El amor siempre gana » signifie « L'amour gagne toujours. » Image de gaelx via Wikimedia Commons. CC BY-SA 2.0.

Cet article est initialement publié dans le magazine en ligne Baikal People. Global Voices republie une version traduite et éditée, avec autorisation.

Le ministère russe de l'Intérieur prévoit de mettre en place un système de surveillance de personnes prétendument affiliées au « mouvement social LGBTQ+ », qualifié d’ “organisation extrémiste ” en Russie. Les forces de l'ordre à travers le pays collectent des données sur les personnes LGBTQ+.  

Parallèlement, le nombre de crimes contre les personnes LGBTQ+ en Russie augmente. Selon les calculs du projet LGBTQ+ Case, en 2023, les personnes queer ont sollicité une assistance juridique 3,4 fois plus souvent qu'en 2022. Plus de 10% des cas concernaient des personnes ayant subi des violences. Il n'existe aucune statistique officielle sur le nombre de crimes commis contre les personnes LGBTQ+. Les avocats affirment que ces crimes restent la plupart du temps non signalés.  

Un suivi mené par les organisations de défense des droits humains Vyhod and Sfera a montré que plus de la moitié des personnes interrogées ayant été victimes de violences en 2022 ont refusé de le signaler à la police. Beaucoup craignent d'être exposées et de subir d'éventuelles restrictions de leurs droits, notamment l'expulsion d'établissements d'enseignement, la perte d'emploi, les persécutions et les violences.  

Selon Maks Olenichev, avocat spécialisé en droits LGBTQ+ :

In Russia, patriarchal ideas are strengthening — there is a growing perception in society that LGBTQ+ people violate “traditional values.” This, in the eyes of criminals (though not the law), justifies violence against them.

En Russie, les valeurs patriarcales se renforcent, et une part croissante de la société considère que les personnes LGBTQ+ bafouent les « valeurs traditionnelles ». Cela, aux yeux des criminels (mais pas de la loi), justifie la violence à leur encontre.

Un autre avocat spécialisé en droits LGBTQ+, qui souhaite rester anonyme puisqu'il travaille et vit en Russie, constate une hausse des cas de chantage et de faux rendez-vous. Selon lui, ces deux dernières années, les criminels ont agi plus souvent par motivation politique que par simple intérêt financier, comme c'était plus courant auparavant.

En 2023, une enquête réalisée par Russian Field a révélé que 62% des personnes interrogées estimaient que les personnes LGBTQ+ ne devraient pas posséder les mêmes droits.

Au cours des trois dernières années, les autorités russes ont durci les lois à l'encontre de la communauté LGBTQ+. En décembre 2022, elles ont adopté une « loi interdisant totalement la propagande LGBTQ+ » ; en juillet 2023, elles ont interdit la transition de genre ; et en octobre 2023, elles ont qualifié le prétendu mouvement LGBTQ+ d’ « organisation extrémiste ».

La décision de la Court suprême de classer le mouvement LGBTQ+ comme « organisation extrémiste » et d'interdire ses activités, a renforcé davantage la perception des membres de la communauté comme étant des hors-la-loi.

Dasha, une activiste queer, a été victime de chantage durant l'été 2024. Elle a reçu un message d'un compte Telegram inconnu : « Je t'ai vue dans le groupe de discussion ” Communauté lesbienne”, faisons connaissance. » Après deux semaines d'échanges, son interlocutrice, qui s'intéressait également aux anciennes partenaires de Dasha, lui a demandé d'envoyer des photos : « Tu es la plus belle, pourquoi es-tu si timide ? »

Dasha a refusé et a reçu cette réponse : « Tes parents savent ce que tu fais ? Que tu écris toutes sortes de choses [interdites] dans un pays où il existe des lois sur l'orientation sexuelle traditionnelle ? »

Cette personne lui a ensuite proposé de « se rencontrer et de trouver un accord » pour que « cela ne s'ébruite pas. » Dasha n'a pas répondu et a supprimé la conversation. Peu après, elle a commencé à souffrir de crises d'angoisse. « J'avais vraiment peur », explique-t-elle.

I kept expecting them to show up at my home or workplace. I used to think that if I wasn’t hiding the fact that I’m a lesbian, no one could use it against me. But then this happened. Now I’m much more cautious. 

Je m'attendais à les voir devant chez moi ou sur mon lieu de travail. Je pensais que si je ne cachais pas le fait que je sois lesbienne, personne ne pourrait l'utiliser contre moi. Mais finalement, ça s'est produit. Depuis, je suis beaucoup plus prudente. 

D'autres membres de groupes de discussion Telegram utilisés par la communauté LGBTQ+ ont rapporté des expériences similaires. Ces échanges se terminent souvent par de faux rendez-vous, du chantage et de l'extorsion.

Les discussions au sein de ces groupes ont été initialement créées comme espaces sûrs où les personnes queer pouvaient converser. Les administrateurs modèrent les discussions, donnant l'impression que ces espaces sont sécurisés. Cela amène les utilisateurs à baisser leur garde. Les fraudeurs tirent profit de cette confiance en se faisant passer pour des membres du groupe.

Outre les fausses photos de profil et les messages répétitifs, les suspects suivent souvent le même schéma. Par exemple, Sonia et Fran ont reçu des messages d'inconnus prétendant avoir fréquenté une université spécifique : « Je m'appelle Masha, je suis spécialiste en marketing et j'ai été diplômée de l'université MGIMO. » Ces schémas répétitifs suggèrent qu'une seule personne ou un groupe est à l'origine de ces messages, agissant avec un objectif commun.

Avant, les maitres chanteurs menaçaient de révéler l'orientation sexuelle de leurs victimes à leur famille ou à leurs collègues, mais aujourd'hui, les conséquences potentielles sont devenues bien plus graves.  

La chercheuse Maria Kozlovskaya constate dans un article sur le statut des personnes queer en Russie que les personnes LGBTQ+ rencontrent plus de difficultés à demander de l'aide, ce qui en fait des cibles idéales pour les criminels. La diminution de leurs droits facilite leur exploitation.

En règle générale, les auteurs révèlent leurs véritables intentions lors de la première rencontre et forcent leurs victimes à enregistrer des vidéos contenant des déclarations incriminantes (comme de fausses confessions de pédophilie). Dans l'une des  affaires les plus connues, des extorqueurs ont fait chanter plus d'une centaine de personnes de cette manière.

L'avocat spécialisé en droits LGBTQ+, Maks Olenichev, insiste : si un agent des forces de l'ordre vous menace de poursuites pénales parce que vous êtes une personne queer et demande de l'argent pour son silence, cette personne commet un délit. Vous pouvez prendre des captures d'écran de la conversation et déposer plainte auprès du Comité d'enquête via son site Web pour initier une procédure pénale pour extorsion selon l’article 163 du Code pénal.

Aujourd'hui, les personnes queer en Russie peuvent être inculpées en vertu de l’article 6.21 du Code des infractions administratives de la Fédération de Russie (« Propagande de relations sexuelles non traditionnelles et/ou de préférences, de transition de genre, refus de procréation ») et de l’article 282.2 du Code pénal de la Fédération de Russie (« Coordonner les activités d'une organisation extrémiste »). Les défenseurs des droits humains ont du mal à établir une liste précise d'actions susceptibles d'être considérées comme de la propagande ou comme une participation à une organisation extrémiste (d'autant plus qu'il n'existe pas d'organisation LGBTQ+ officielle).

L'une des affaires les plus médiatisées a eu lieu produit en novembre 2024, lorsque le directeur de l'agence de voyage Men Travel, Andrey Kotov, a été arrêté et accusé d'avoir fondé une communauté extrémiste. Bien que le « mouvement LGBTQ+ » n'ait pas été directement mentionné, les médias ont spéculé que son arrestation était liée à l'organisation de « voyages pour hommes gays. » Kotov a été retrouvé mort dans un centre de détention provisoire le 29 décembre. Selon les enquêteurs, il se serait suicidé.

Les défenseurs des droits humains soulignent également la persécution des parents d'adolescents LGBTQ+. Dans deux affaires, des mères ont été accusées de « manquement à leurs responsabilités parentales » en raison de publications sur les réseaux sociaux, et le père d'un adolescent transgenre a vu l'intégralité de ses droits parentaux révoqués.

Les arnaqueurs proposent des sorties au théâtre, envoient des liens d'hameçonnage pour l'achat de billets ou suggèrent même d'investir. Vlad, un abonné du groupe ParniPlus sur Telegram, raconte comment un jeune homme lui a envoyé un message en prétendant faire partie du groupe de discussion.

Les deux ont échangé des messages pendant plus d'une semaine. Selon Vlad, la personne semblait savoir exactement ce qu'il voulait entendre, suscitant habilement de la sympathie, probablement dans le but de gagner sa confiance. Après une semaine, elle lui a suggéré d'investir, présentant cela comme une « opportunité unique de gagner de l'argent. »

Vlad a pensé : « C'était quelque chose de nouveau. J'avais déjà reçu des messages du genre “envoie des photos nues” ou “les gens comme toi devraient être en hôpital psychiatrique” mais cette fois-ci c'était pour investir. » Après ce message, il a bloqué la personne.

En mai et juin 2022, un tribunal de Moscow a examiné une affaire impliquant de faux rendez-vous suivis de chantage. L’avocat chargé de l'affaire se souvient que le prévenu avait déclaré au tribunal :

I am the forest ranger. I don’t know why you are judging me. Putin personally allowed me to hunt these people.

Je suis le garde forestier. Je ne sais pas pourquoi vous me jugez. Poutine m'a personnellement autorisé à traquer ces personnes.

Selon les avocats, signaler un délit à la police en mentionnant son appartenance à la communauté LGBTQ+ ne constitue pas une violation des lois anti-extrémistes. Les droits des personnes queer doivent être respectés de la même manière que ceux de tout autre citoyen. Il est essentiel de rechercher de l'aide auprès d'organisations solidaires et, avec leur soutien, de se tourner vers les autorités. Lorsqu'elles reçoivent des plaintes, les équipes de défense des droits humains mènent des enquêtes indépendantes : elles rassemblent des preuves avant de les soumettre aux forces de l'ordre. La police accueille généralement ces affaires de manière favorable, car les preuves sont déjà réunies, ce qui permet l'arrestation d'un suspect présumé et améliore ainsi leurs statistiques.

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Questions et réponses : à la rencontre de Musah Fuseini, un militant de la langue Dagbanihttps://fr.globalvoices.org/?p=294213http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250410_133820_Questions_et_reponses___a_la_rencontre_de_Musah_Fuseini__un_militant_de_la_langue_DagbaniThu, 10 Apr 2025 11:38:20 +0000Entretien avec un contributeur Wikimedia de langue Dagbani au Ghana

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de Musah Fuseini, fournie par lui, utilisée avec sa permission.

Cette série mettra en lumière les parcours personnels des activistes linguistiques qui sont aussi des Wikimédiens, en explorant comment ils préservent, promeuvent et revitalisent leurs langues à travers projets Wikimedia, tout en utilisant des outils numériques pour soutenir leurs objectifs plus larges. Dans cet article, Subhashish Panigrahi s'entretient avec l'éducateur Ghanéen Musah Fuseini, qui contribue à Wikipédia en langue Dagbani. Le Dagbani est parlé par plus d'un million de locuteurs au Ghana et dans le nord du Togo. L'entretien a été édité pour plus de clarté et de concision.

Rising Voices (RV) : Parlez-nous de vous.

Musah Fuseini (MF): My name is Musah Fuseini, a Dagbani-language teacher, a Wikimedian, Open Educational Resources (OER) enthusiast, and an indigenous language activist. For 17 years, I have been teaching in the Ghanaian education system. Apart from teaching Dagbani, I also double as the assistant headteacher in my school. I use the Dagbani Wikipedia for searching reference materials while preparing for my Dagbani lessons. I also guide my students to Wikipedia to access resources while doing their assignments.

Musah Fuseini (MF) : Je m'appelle Musah Fuseini, professeur de langue Dagbani, je suis Wikimédien, adepte des Open Educational Resources – Ressources Educatives Libres (REL) et un militant pour les langues indigènes. Cela fait 17 ans que j'enseigne dans le système éducatif ghanéen. En plus d'enseigner le Dagbani, je suis également directeur adjoint de mon école. J'utilise la Dagbani Wikipedia pour rechercher des documents de référence lorsque je prépare mes cours de Dagbani. Je guide également mes élèves sur Wikipédia pour qu'ils accèdent à des ressources lorsqu'ils font leurs devoirs.

RV : Quel est le statut actuel de votre langue sur Internet et hors ligne ?

MF: The Dagbani language currently does not have much presence on the internet. Only a few sites such as the Dagbani Wikipedia have content in the language. We also do not see much viewership as the majority of the Dagbani speakers lack literacy skills in Dagbani. There are fewer sites publishing Dagbani content while many have gone extinct. I consider Dagbani Wikipedia to be the most active dedicated site for content in our language. All of us, volunteer editors, edit Dagbani Wikipedia. The challenge is however the lack of viewership as the majority of the Dagbani speakers lack literacy skills in the language. This issue motivated me to enroll in the Open Education for a Better World (OE4BW) program to create OER and help others read and write in Dagbani.

MF : La langue dagbani n'est pas très présente sur Internet. Seuls quelques sites tels que Dagbani Wikipedia ont un contenu dans cette langue. Nous ne voyons pas non plus beaucoup de téléspectateurs, car la majorité des locuteurs Dagbani ne savent pas lire et écrire en Dagbani. Les sites publiant du contenu en Dagbani sont moins nombreux et beaucoup ont disparu. Je considère Dagbani Wikipedia comme le site le plus actif pour le contenu dans notre langue. Nous, éditeurs bénévoles, modifions Wikipédia Dagbani. La difficulté réside toutefois dans le manque d'audience, car la majorité des locuteurs du Dagbani ne savent pas lire et écrire dans leur langue. Ce problème m'a incité à m'inscrire au programme Open Education for a Better World (OE4BW) pour créer des REL et aider les autres à lire et à écrire en dagbani.

RV : Qu'est-ce qui vous motive personnellement à vous engager dans l'activisme numérique pour votre langue ?

MF: I take pride in having the opportunity to contribute to digital platforms like Wikipedia to promote and preserve my language online for future generations. As a teacher of Dagbani language, I observed that there weren’t enough teaching and learning resources online for other Dagbani educators as well as students. So, when I got introduced to Wikipedia, I realized I could leverage it to bridge this resource gap.

I got to know about Dagbani Wikipedia through Sadik Shahadu, the current executive director of the Dagbani Wikimedians User Group. He then shared on Facebook about looking for volunteer editors for Dagbani Wikipedia. I contacted him, expressing my interest and he recruited me and my colleagues subsequently through a series of training sessions. Our first project was to translate some messages on Translatewiki.Net. We were trained on how to edit Wikipedia and create more articles on the Dagbani Wikipedia, then under incubation. This we did within a record time, thus propelling us to transition into a live and complete Wikipedia from the Incubator. So I’m privileged to be one of the founding members of the User Group who also contributed content to the Dagbani Wikipedia Incubator, helping it graduate to a live Wikipedia. I am proud to be the editor in our User Group to reach 1,000 edit counts on Wikipedia.

MF : Je suis fière de pouvoir contribuer à des plateformes numériques comme Wikipédia afin de promouvoir et de préserver ma langue en ligne pour les générations futures. En tant qu'enseignante de la langue Dagbani, j'ai remarqué qu'il n'y avait pas assez de ressources d'enseignement et d'apprentissage en ligne pour les autres enseignants et les étudiants Dagbani. C'est pourquoi, lorsque j'ai découvert Wikipédia, j'ai réalisé que je pouvais l'utiliser pour combler ce manque de ressources.

J'ai entendu parler de Wikipédia Dagbani par Sadik Shahadu, l'actuel directeur exécutif du groupe d'utilisateurs Wikimédiens Dagbani. Il a ensuite parlé sur Facebook qu'il recherche de rédacteurs bénévoles pour Wikipédia Dagbani. Je l'ai contacté pour lui faire part de mon intérêt et il m'a recruté, ainsi que mes collègues, à l'issue d'une série de sessions de formation. Notre premier projet consistait à traduire des messages sur Translatewiki.Net. Nous avons été formés à l'édition de Wikipédia et à la création d'autres articles sur Wikipédia Dagbani, alors en cours d'incubation. Nous l'avons fait en un temps record, ce qui nous a permis de passer de l'incubateur à une Wikipédia vivante et complète. J'ai donc le privilège d'être l'un des membres fondateurs du groupe d'utilisateurs qui a également contribué au contenu de Wikipédia Dagbani en incubation, l'aidant ainsi à devenir un Wikipédia vivant. Je suis fier d'être le rédacteur de notre groupe d'utilisateurs qui a atteint le chiffre de 1 000 modifications sur Wikipédia.

RV : Pouvez-vous décrire plus en détail votre engagement linguistique en ligne, et notamment la contribution des projets Wikimedia à vos efforts ?

MF: Apart from contributing to Wikipedia and other Wikimedia projects in Dagbani, which I really enjoy, I also write in, and about my language on social media. I’m hoping to publish a news website completely in Dagbani so there will be more content in Dagbani online. Since 2022, I have participated in three successive cohorts of the Open Education for a Better World (OE4BW) program, where I developed Open Educational Resources (OERs) in Dagbani. I also have served as a project lead of the Kusaal Wikimedia Community, offering technical support in making the Kusaal-language Wikipedia live. Kusaal is mutually intelligible with Dagbani and a part of the Gur/Mabia language group spoken by 121,000 speakers mainly in northern Ghana.

MF : Outre ma contribution à Wikipédia et à d’autres projets Wikimedia en Dagbani, que j’apprécie particulièrement, j’écris également dans et sur ma langue sur les réseaux sociaux. J’espère publier un site web d’actualités entièrement en langue Dagbani afin de proposer davantage de contenu en Dagbani en ligne. Depuis 2022, j’ai participé à trois cohortes successives du programme « Éducation ouverte pour un monde meilleur » (OE4BW), où j’ai développé des ressources éducatives libres (REL) en Dagbani. J’ai également été chef de projet de la communauté Wikimedia en Kusaal, offrant un soutien technique pour la mise en ligne de Wikipédia en Kusaal. Le Kusaal est mutuellement intelligible avec le Dagbani et fait partie du groupe linguistique Gur/Mabia, parlé par 121 000 locuteurs, principalement dans le nord du Ghana.

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Guadeloupe : la problématique des déchets agricoles constitue une urgence climatique et sanitairehttps://fr.globalvoices.org/?p=294536http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250410_130301_Guadeloupe___la_problematique_des_dechets_agricoles_constitue_une_urgence_climatique_et_sanitaireThu, 10 Apr 2025 11:03:01 +0000L'utilisation à grande échelle de produits phytosanitaires et de plastiques à usage agricole a entraîné de lourdes conséquences

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Séparation des déchets chimiques agricoles en Guadeloupe. Photo d'Olivia Losbar, utilisée avec permission.

En Guadeloupe, sur une île caribéenne francophone dont l’histoire récente a été marquée par un scandale de pollution au chlordécone, la gestion des déchets agricoles constitue un enjeu majeur.

Le chlordécone est un pesticide toxique, autrefois grandement utilisé pour lutter contre les charançons du bananier dans les Caraïbes. Il a été associé à de nombreux problèmes de santé chez l'être humain, notamment des cancers, une neurotoxicité, des lésions organiques et des troubles de la reproduction. Ce pesticide se dégrade très lentement dans l'environnement, ce qui signifie qu'il peut persister dans les sols et l'eau pendant plusieurs dizaines d'années, s'accumulant dans la chaîne alimentaire et contaminant les cultures, les poissons et l'eau. Dans les Antilles françaises, il a pollué des écosystèmes entiers, entraînant des crises sanitaires de longue durée.

Face à ces risques majeurs, le chlordécone a été interdit aux États-Unis en 1976, après que des ouvriers d'une usine en Virginie fabriquant ce produit chimique ont été victimes d'un empoisonnement ; peu après, l'Union européenne a suivi le mouvement. Cependant, dans les Antilles françaises, son utilisation a perduré jusqu'en 1993, aggravant la crise de contamination. Aujourd'hui, le chlordécone est inscrit dans la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, limitant sa production et son usage à l'échelle mondiale.

En Guadeloupe, l'utilisation à grande échelle de produits phytosanitaires et de plastiques à usage agricole a également eu de lourdes conséquences : une pollution persistante des sols, la contamination des nappes phréatiques et des récifs coralliens, ainsi que des émissions de gaz à effet de serre liées à l'incinération non contrôlée de ces déchets.

Les répercussions sur la santé humaine sont tout aussi alarmantes : l'étude Kannari, menée par l’ANSES (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et Santé Publique France entre 2013 et 2014, a révélé que le chlordécone avait été détecté chez plus de 90% de la population locale, augmentant considérablement les risques de maladies graves, notamment de cancers.

Ce constat souligne l'urgence de trouver des solutions locales, durables et inclusives pour surmonter cette crise.

La prise de conscience d'un agriculteur face à la maladie

L'histoire de Rémi Phoudhia, un agriculteur guadeloupéen atteint d'un cancer attribué à son exposition prolongée aux pesticides, illustre l'urgence d'une transition vers des pratiques plus saines.

« Je ne veux plus utiliser de produits, confie l'homme de soixante ans. J'essaie de passer au bio. J'ai contracté une maladie grave liée aux pesticides, alors maintenant, je veux me débarrasser de tout ça. »

Phoudhia a décidé de changer ses pratiques agricoles avec l'aide d'initiatives locales qui le soutiennent dans la gestion responsable de ses déchets agricoles et la réduction de son utilisation de produits chimiques.

Il explique : « A chaque fois qu'il y a une collecte de déchets agricoles, j'y participe. Les jeunes comprennent désormais les dangers. Mais à mon époque, nous ne savions pas ; on jetait les produits agricoles sous le manguier. Aujourd'hui, nous sommes informés, nous sommes plus prudents. »

Une solution innovante

Face à tant de nouveaux témoignages similaires à celui de Phoudhia, portant sur les mêmes problématiques, Agrivalor Guadeloupe, un  éco-organisme fondé en 2017, a proposé aux agriculteurs une réponse concrète et innovante. Sa mission principale consiste à collecter et traiter les déchets agricoles existants, afin de réduire les impacts environnementaux et sanitaires associés à leur mauvaise gestion.

Tous les acteurs du secteur : importateurs, distributeurs et agriculteurs se sont mobilisés pour permettre la création de cette mission. L'organisme a mis en place un réseau de huit points de collecte stratégiquement répartis dans tout l’archipel guadeloupéen. Grâce à un programme destiné aux producteurs, qu'ils soient de grande ou de petite échelle, ces centres de collecte offrent aux agriculteurs une solution sécurisée pour se débarrasser de leurs plastiques usagés et autres produits toxiques, notamment les fûts d'emballages vides, les gaines de protection de bananes, les sacs d'engrais, les produits phytosanitaires non utilisables et les équipements de protection.

Un agriculteur dépose des déchets lors d'une collecte organisée par une coopérative agricole à Le Moule, en Guadeloupe. Photo d'Olivia Losbar, utilisée avec permission.

Thierry Saman, un agent chez SAP Caraïbes, fait partie de l'équipe qui collecte les déchets dangereux. Il a remarqué une évolution depuis les premières collectes : « Au début, il y avait beaucoup de produits. Maintenant, il y en a de moins en moins, ce qui est une bonne chose pour l'environnement. »

Un impact mesurable sur le climat et la santé

Grâce à la collecte régulière de ces déchets, on observe une corrélation directe entre la réduction des émissions de gaz à effet de serre associées à l'incinération non contrôlée et le rejet de produits toxiques dans l'environnement.

L'approche utilisée favorise également une économie circulaire, réduisant le besoin de produire de nouveaux matériaux polluants. Pour des agriculteurs comme Phoudhia, cela représente une aide cruciale dans leur transition vers des pratiques agricoles durables.

L'organisme continue de fournir un soutien à la fois technique et logistique, permettant aux exploitations agricoles de toutes tailles de répondre aux normes écologiques et climatiques, tout en veillant à réduire les inégalités environnementales et économiques liées à la gestion des déchets. Agrivalor estime qu'il s'agit d'un modèle qui peut être reproduit dans d'autres régions insulaires confrontées à des problèmes similaires.

En combinant innovation technique et responsabilité environnementale tout en réduisant les inégalités, ce partenariat avec les agriculteurs œuvre à construire un avenir plus durable pour la Guadeloupe.

Cet article a été rédigé avec l'appui de la Caribbean Climate Justice Journalism Fellowship de Climate Tracker Caribbean.
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Au Niger, planter des arbres en milieu urbain devient un projet à perteshttps://fr.globalvoices.org/?p=294486http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250403_153139_Au_Niger__planter_des_arbres_en_milieu_urbain_devient_un_projet_a_pertesThu, 03 Apr 2025 13:31:39 +0000Plus de 328 000 dollars américains en investissement vert chaque année

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image illustrant des arbres non entretenus dans les rues de Niamey; Photo de Ouzaïrou Mamane Amadou, utilisée avec permission

Cet article est à retrouver sur le site du CENOZO. Il a été rédigé à la suite d'une enquête par réalisée par Ouzaïrou Mamane Amadou avec l’appui de CENOZO dans le cadre du Programme Sahel. Cette version modifiée est publiée dans le cadre d'un accord entre Global Voices et CENOZO.

Au Niger, la volonté de tous les acteurs de la société de faire de Niamey, la capitale du pays, une ville verte se heurte à un manque d’entretien des arbres plantés dans le cadre de plusieurs initiatives.

Situé dans la zone sud du désert du Sahara, plus de la moitié de la superficie du Niger – soit  1 267 000 km2, est désertique. Le pays jouit d'un climat tropical aride et semi-aride. 

Au rond-point Arène de lutte situe au centre de Niamey, les arbres sont totalement secs, très mal en point, enserrés dans des grillages de protection détruits. Ces enclos servent en fait de dépotoirs, de réceptacles d’eaux usées ou même d’urinoirs et de lieux de décharges fécales. Ce constat est le même un peu partout dans la ville de Niamey dans les espaces publics.

Pourtant, dans le cadre du Programme Niamey Nyala destiné à la modernisation de la ville, la commune avait lancé en août 2019 l’opération « Niamey, la ville fruitière ». Ce programme prévoyait la plantation de 100 000 arbres fruitiers dans la capitale chaque année. Les sites ayant abrité les plants d’arbres sont toujours visibles le long de la voie de l’Aéroport International Diori Hamani de Niamey, situé au sud-est de la ville.

Dans le pays, la plupart des programmes de lutte contre la désertification parlent peu de protection et de suivi des arbres pour leur plein développement. Cette situation fait réagir les acteurs de la société civile, à l’instar de l’activiste Bana Ibrahim, qui affirme :

Pardon, si vous savez que vous ne pouvez pas prendre soin des arbres que vous plantez, abstenez-vous de les planter.

Rares sont les personnes qui, après avoir planté un arbre dans un espace public, reviennent le visiter, l’entretenir ou même suivre sa croissance. Un tel état de fait entraîne de grosses pertes pour le Niger en termes de ressources investis chaque année par l’État, mais aussi les ONGs nationales et internationales.

Le business de la plantation des arbres

Chaque 3 août, des centaines de milliers d’arbres sont plantés dans toutes les régions du pays à l’occasion de la fête de l’indépendance, combinée à la célébration de la fête de l’arbre. Tout le monde s’y met, notamment la présidence de la République et tout le gouvernement.

La Fête nationale de l’arbre vise à sensibiliser et mobiliser le grand public en faveur de la préservation des ressources forestières, du reboisement et de la restauration des écosystèmes dans toutes les régions du Niger.

Mais autour de cette célébration s’est développé un véritable business qui fait monter les prix.  Selon Mahamadou Hassan, pépiniériste basé dans le 5ᵉ arrondissement communal Niamey, le prix des pépinières d’arbres varie en fonction de la période. Il explique:

Par exemple, lors des fêtes du 3 août, les prix grimpent, selon les variétés, de 2.500 à 4.000 FCFA (4 à 6 dollars américains), voire au-delà. En d’autres périodes, le prix peut varier entre 1.000 et 2.000 FCFA (1,5 à 3 dollars américains).

D’après l’analyse d’un acteur de la société civile qui a requis l’anonymat, les 100 000 arbres fruitiers prévus par l’opération Niamey ville fruitière coûterait chaque année plus de 200 millions de FCFA (plus de 328 000 dollars américains) aux contribuables nigériens, sans compter les frais annexes. Il s’indigne:

En raison de la non-protection et du manque d’entretien ou de suivi, près de 70% de ces arbres périssent, soit une perte annuelle d’environ 140 millions de FCFA (plus de 229 000 dollars américains). Et cela se répète d’année en année.

Contactée, la municipalité de Niamey n’a pas souhaité commenter cette analyse alarmante.

Mais pour Hassoumi Toudjani, Directeur de l’Environnement et des aménagements paysagers [un prolongement du ministère de l'environnement ] de la ville de Niamey, la perte considérable des arbres plantée est plutôt liée au comportement humain, à l’imprudence de certains conducteurs qui les écrasent. Selon lui, les gens ne comprennent pas l’importance de la plantation des arbres, qu'ils voient comme un projet du gouvernement qui ne les concerne pas.

Toudjani déplore également le comportement de certains chauffeurs des camions citernes d'arrosage de la Mairie, qui trichent par rapport à l’arrosage des arbres. Il explique:

(…) il est temps de laisser l’histoire des citernes pour faire des réseaux d’irrigations semi-automatisés et branché à une source d’eau, soit la Société d’exploitation des eaux du Niger ou soit un forage.

Pour lui, l’entretien des arbres demande beaucoup de moyens dont la mairie ne semble pas disposer, notamment pour l’arrosage et la surveillance.

Autres défis: les animaux errants et la chaleur extrême

La ville de Niamey est réputée pour attirer des animaux qui errent librement: chèvres, cabris et bœufs. Cette situation constitue un frein à l’évolution normale des arbres. Dans un communiqué du 6 septembre 2024, le Colonel Boubacar Soumana Garanké, Administrateur délégué de la ville de Niamey a indiqué que :

Les efforts de reboisement par la plantation d’arbres sur les grandes artères de la capitale et dans certains espaces publics de la ville sont contrariés par la divagation des animaux. (…) la divagation et la vente des animaux sont interdites dans les rues et terre-pleins, sur l’ensemble du territoire de la Ville.

Selon Dr Amani Abdou, Enseignant-chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (INRAN), il faudrait réfléchir aux choix de quels arbres à planter. En effet, les variétés d’arbres comme le caïlcédrat, le neem, le saucissaunier, le ficus, l’eucalyptus, le palmier dattier et le rônier sont plus adaptés pour se développer dans des milieux urbains comme celui de Niamey. Après un suivi et un entretien rigoureux de trois ans, ces arbres peuvent continuer seuls leur développement et faire face aux difficultés auxquelles ils peuvent être exposés.

Autre facteur: des température très élevées toute l'année. La moyenne maximale est comprise entre 40°C et 46 °C, et monte parfois jusqu'à 50 °C dans les zones désertiques. Tout ceci engendre une augmentation de la chaleur qui impacte véritablement la survie des arbres. Hassoumi Toudjani explique:

(…) l’arrivée de la grande chaleur de cette année où il faisait plus de 50°C. Certains des grands manguiers qui ont quatre à cinq ans n’ont pas résisté.

Sensibiliser et impliquer les populations

Pour Toudjani, il faut aussi intensifier la sensibilisation pour que les populations puissent être responsabilisées.

Selon le rapport national sur les progrès du Niger dans la mise en œuvre du Plan stratégique des Nations Unies pour les Forêts 2017-2030 et l’Instrument des Nations de protection des forêts et arbres hors forêts, le Niger a pris plusieurs mesures visant à inciter les communautés locales et les collectivités territoriales décentralisées dans les actions de reverdissement du pays. Cependant, il manque un suivi rigoureux pour permettre le développement de ces arbres plantés. Il ressort de l’état des lieux du Plan forestier national du Niger (PFN 2012 – 2021), que le Niger n’a jamais fait d’inventaire forestier national. Malgré leur potentiel limité, les ressources forestières du pays jouent un rôle stratégique pour les populations qui en tirent un complément alimentaire, des médicaments, du fourrage pour le cheptel ainsi que des revenus monétaires.

En outre, la biomasse ligneuse des arbres constitue encore la principale source d’énergie pour plus de 90% des ménages vulnérables, ce qui représente plus de 105 milliards de FCFA (plus de 172 millions de dollars américains).

Sans participation pleine de la population, la ville de Niamey a peu de chances de voir ses rues et places se couvrir de verdure si nécessaire dans un contexte de réchauffement climatique global.

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« L'union fait la force », un groupe de bénévoles Malgaches s'engage à préserver un patrimoine nationalhttps://fr.globalvoices.org/?p=294553http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250403_140145____L_union_fait_la_force_____un_groupe_de_benevoles_Malgaches_s_engage_a_preserver_un_patrimoine_nationalThu, 03 Apr 2025 12:01:45 +0000Mieux vaut toujours avancer à petits pas que de rester simples spectateurs de la destruction de notre belle île au fil des ans.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le lac principal du parc Tsarasaotra. Photo de l'auteure, RADIFERA Miora Stéphanie, utilisée avec sa permission.

Le 21 février 2025, je suis tombée par hasard sur une publication Facebook qui cherchait des bénévoles prêts à s'engager dans la conservation du parc privé de Tsarasaotra, également appelé « Parc Tsarasaotra » ou « Parc des oiseaux » :

Quelques-uns des bénévoles ayant répondu à l'appel. Photo de Manoa Faliarivola, utilisée avec sa permission.

Un havre de paix en plein cœur d'Antananarivo, Madagascar, et inscrit site Ramsar depuis 2005, c'est un véritable sanctuaire d'oiseaux. D'après le site officiel de Ramsar en 2017, et appuyé par un rapport du site officiel de l’Office National du Tourisme de Madagascar en 2024, le Parc Tsarasaotra abrite 14 espèces et sous-espèces d'oiseaux endémiques de Madagascar, dont le Canard de Meller, que nous avons eu la chance d'observer lors de notre première visite.

Menasogny, un des espèces d'oiseaux que l'on peut observer dans le parc. Photo de l'auteure, utilisée avec sa permission.

Vanofotsy ou Grande Aigrette, une autre espèce d'oiseaux que l'on peut observer dans le parc. Photo de l'auteure, utilisée avec sa permission.

Bien qu'au début sceptique quant à l'intérêt des citoyens pour le bénévolat, la personne à la tête de l'initiative a été agréablement surprise de constater que l'annonce avait attiré non pas une dizaine, mais près d'une quarantaine de bénévoles, issus de tous les horizons : chercheurs en biodiversité, guides touristiques, photographes, traducteurs, étudiants à l'université… Même les enfants ont montré de l’intérêt et de l’enthousiasme pour participer aux différentes activités ! Tous différents, mais unis par leur volonté de préserver l'environnement et de limiter l'impact de la pollution humaine sur la nature.

Le lac, recouvert de jacinthes d'eau. Photo de Manoa Faliarivola, utilisée avec sa permission.

Aujourd'hui, une dizaine de volontaires participent activement à chaque session : désherbage et arrachage des plantes envahissantes, notamment des jacinthes d'eau et des lianes, ramassage des déchets plastiques…

L'équipe s'entraide pour arracher les jacinthes d'eau qui recouvrent le lac. Photo de Mira Andrianarisoa, utilisée avec sa permission.

L'équipe chargée du ramassage des déchets plastiques. Photo de Manoa Faliarivola, utilisée avec sa permission.

Les bénévoles en train de désherber et d'arracher les plantes envahissantes qui menacent de tuer les arbres environnants. Photo de Manoa Faliarivola, utilisée avec sa permission.

Ces activités ne seront pas éphémères, le but est d'en faire un projet sur le long terme, avec éventuellement une ouverture sur d'autres sites. À travers ces actions, nous visons également à sensibiliser nos concitoyens à l'importance de l'union [du peuple], de ne pas toujours attendre d'être financés par une grande organisation ou de débloquer des fonds, mais de commencer avec le peu qu'on a à disposition. Mieux vaut toujours avancer à petits pas que de rester simples spectateurs de la destruction de Madagascar, notre belle île, au fil des ans.

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La gastronomie géorgienne à l'internationalhttps://fr.globalvoices.org/?p=294165http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250403_135137_La_gastronomie_georgienne_a_l_internationalThu, 03 Apr 2025 11:51:37 +0000En 2019, le New Yorker avait déjà prédit la montée en puissance de cette cuisine et le moment de l'attrait de masse est enfin arrivé en Europe occidentale.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de Elliot Friar.

Dans une petite rue tranquille du quartier Lavapiés à Madrid, les tables d'un brillant restaurant sont parées de verres de vin. Mais ce ne sont pas des vers de Ribeira Sacra. Non, ce sont des verres de Saperavi originaire de Géorgie. Aux côtés de photographies en noir et blanc se trouvent des minis kvevri, des récipients en forme d'œufs utilisés dans la fermentation souterraine du vin depuis le sixième millénaire avant J-C. Didedas est l'un des six restaurants géorgiens de la capitale espagnole. Cinq de ces restaurants ont ouvert en 2023.

« Quand on s'est mariés, personne ne pouvait situer la Géorgie sur une carte », nous racontent les propriétaires du restaurant : Ana Elbakidze, originaire de Tbilissi, et Alfredo Muñoz, originaire de Madrid. « Quand on a ouvert, presque aucun client n'avait déjà goûté des plats géorgiens ». Quasiment deux ans après l'ouverture, Ana et Alfredo pensent déjà à agrandir le restaurant, tant les clients se rues sur les tables, et sur les délicieux nigvziani badrijani ( rouleaux d'aubergines à la noix) du couple.

Nigvziani badrijani ( rouleaux d'aubergines à la noix). Crédit photo : Elliot Friar.

Les plats géorgiens ne sont pas aussi méconnus qu'auparavant. En 2019, le New Yorker avait déjà prévu la popularisation de cette cuisine. Aujourd'hui, et à travers toute l'Europe de l'Ouest, cette prédiction se réalise enfin. En effet, cette gastronomie est toute aussi populaire en dehors de Madrid. À Londres, par exemple, et malgré une industrie de la restauration en détresse, près d'un tiers des restaurants géorgiens ont ouvert il y a moins de deux ans, ce qui surpasse de loin la faible croissance économique de la restauration londonienne. Début 2025, le Danemark a accueilli son premier restaurant géorgien, situé dans le luxueux quartier d'Osterbo. Les inspecteurs du guide Michelin, qui ont visiblement pris connaissance de toutes ces ouvertures, ont ajouté pour la première fois des restaurants géorgiens au guide, avec des adresses se trouvant à New York et dans le nord de la région, à Madrid, ou encore à Londres.

Mais pourquoi la gastronomie d'un si petit pays est-elle aussi populaire ? L'explication est, pour le moment, assez simple : l'embargo russe mis en place dès 2006 sur le vin géorgien, affectant près de 80 % des exports de l'époque, a, en effet, suscité une vague de compétition et de spécialisation visant les plus gros marchés d'exports aux États-Unis et en Europe. Cet embargo arriva peu après la Révolution des Roses, en 2003, la mise en place d'un nouveau régime néolibéral et l'arrivée d'une nouvelle tête au pouvoir. Bien que l'embargo prit fin en 2013, et même si la Russie importe toujours plus de la moitié des bouteilles géorgiennes, une tendance pour les vins naturels a permis de stimuler l'exportation et la valeur des bouteilles dans les pays plus aisés. Ana et Alfredo se sont rencontrés dans un bar de Londres. Puis, en 2006, ils se sont installés en Géorgie. Un pays qu'ils ont dû quitter à cause de l'instabilité du gouvernement. Et c'est ainsi qu'ils ont atterri à Madrid.

Une assiette traditionnelle de pkhali et de pain de maïs. Crédit photo : Elliot Friar.

Une autre raison de cette apparition massive de la gastronomie géorgienne pourrait être le rapprochement entre la Géorgie et l'Europe. En effet, après une libéralisation du régime des visas avec l'Espace Schengen en 2020, le gouvernement géorgien a rapporté un nombre surprenant de demandes d'asiles. Assez pour que le Bundesrat reconnaisse le pays comme sûr en 2023, rendant plus difficile l'acceptation des demandes d'asile. Les flots d'immigration légaux, dont les asiles, restent insignifiants parmi les dizaines de milliers de demandes.

En plus de la libéralisation du régime des visas, l'industrie du tourisme connaît un véritable essor dans le pays. Dès 2025, British Airways annonce quatre vols directs par semaine de Londres vers Tbilissi. Ana nous raconte que l'un de ses clients, un adolescent, revenant d'un voyage en Géorgie à appris assez de la langue pour tenir une conversation entre deux bouchées de medovik (un gâteau au miel constitué de plusieurs couches et populaire dans les pays de l'ex-URSS). La population de touristes la plus affluente en Géorgie étant des Israéliens, puisque plus d'un million d'entre eux parlent russe, une conséquence de l’émigration massive post-URSS. Les Israéliens sont-ils plus enclins à apprécier la cuisine géorgienne et les goûts persans ? C'est en tout cas ce que l'économiste de centre droit Tyler Cowen appelle « un multiculturalisme sans controverse ».

Il existe peut-être d'autres facteurs contribuant à la popularité de la cuisine géorgienne, notamment l'augmentation du prix de la restauration et de la main-d'œuvre. Ce sont des conditions favorables pour des plats réalisés avec des ingrédients peu communs et nécessitant des années d'apprentissage. Pourquoi dépenser 15 £ dans des burgers quand on peut en dépenser 16 pour déguster des khinkali ? Les khinkali sont des raviolis géorgiens, produits d'un échange culturel avec la route de la soie. Comme des raviolis chinois, ils se mangent avec les mains, à la différence qu'avec ceux de Géorgie, on ne mange pas le bout par lequel on les tient. Ces différences offrent à la fois une expérience traditionnelle et unique, faisant de ces raviolis un excellent plat pour se vanter d'en avoir déjà fait l'expérience lors d'une soirée mondaine. En effet, les dépenses des personnes aux salaires les plus élevés n'ont de cesse d'augmenter dans l'industrie de la restauration, tandis que les dépenses de ceux gagnant moins stagnent.

L'une des plus grosses difficultés du Didedas était très certainement de trouver du sulguni, un fromage géorgien étant considéré comme le cœur (guli) et l'âme (suli) de la gastronomie du pays. Ils arriveront finalement à mettre la main sur ce fromage grâce à un fromager espagnol qui n'avait pourtant jamais produit de sulguni auparavant. Ana et Alfredo lui ont demandé de commencer la production avant même d'avoir pu goûter un échantillon. Quant à la technique, Ana avait véritablement besoin de Géorgiens pour leurs connaissances de la cuisine et leur hospitalité. Pourtant, elle n'en connaissait aucun : « Il y a un endroit dans lequel j'étais sûre de trouver des Géorgiens : l'église. C'est là-bas que j'ai trouvé mon équipe ». Une telle explication nécessite de nous plonger dans la longue histoire qu'est la dissémination de la culture géorgienne afin de mieux comprendre l'évolution de cette gastronomie. C'est d'autant plus vrai que la religiosité géorgienne va de pair avec la réalité et se mélange avec des mythes de traditions culinaires exotiques.

L'histoire de la culture géorgienne

Les meilleures œuvres permettant de comprendre la dissémination de la culture géorgienne sont sûrement celles de Leo Tolstoy et Mikhail Lermontov, illustrant un mode de vie russe traditionnel, et surtout agraire. Ces œuvres peuvent être vues comme des miroirs de la poésie de Ilia Chavchavadze, démontrant l'identité nationale et l'entrepreneuriat culturel de la Géorgie, « visant à retrouver l'histoire, la culture et la langue du pays, tout en développant de la reconnaissance pour la culture impériale ». C'est en tout cas ce qu’écrit l'historien Adrian Brisku. Au début du 20e siècle, la République démocratique de Géorgie, qui n'a pas eu une longue vie, a tenté de promouvoir ces traditions en affirmant que sa civilisation était connectée à la Grèce et à l'Europe. Près de 500 avant que Hesiod n'écrive sur Prometheus et sa punition dans une cave géorgienne, certains chercheurs déclarent que les premiers vins auraient été produits en Géorgie, enterrés dans des qvevri.

Après l'invasion soviétique, le gouvernement demanda à un membre de l'association des fabricants de vin géorgien, la Samtrest, d'ouvrir un restaurant sur la place des Théâtres de Moscou. Le restaurant Aragvi ouvre ses portes au public en 1938 et restera une référence pendant des décennies, à tel point qu'il sera présent à plusieurs reprises dans le guide touristique anglais Fodor. Les plats aux influences perses et turciques, en plus du café « oriental » qui sera servi aux clients aisés, seront les ingrédients du succès de l'établissement. Mais en Géorgie, le Kremlin tentait désespérément de prendre le contrôle du pays. À la suite d'une tentative de faire du russe la langue officielle du pays, une tentative qui fut accueillie par de nombreuses protestations, le gouvernement russe acceptera finalement de faire du géorgien la seule langue du pays en 1978 (sans compter les populations de minorités ethniques).

Dans les années qui suivirent l'indépendance, les relations que la Géorgie entretenait avec la Russie et l'Union européenne ont pris un tout autre tournant. Essayant tant bien que mal de se rapprocher du Kremlin, le « Rêve géorgien », le parti au pouvoir, a véritablement endommagé ses liens avec l'Ouest, tout en accusant des mouvements progressistes (comme le mouvement LGBTQ+) de détruire les traditions du pays.

Le philosophe Roland Barthes écrit que les projets culinaires français, la « cuisine originale », n’est autorisée à innover que lorsqu'ils permettent de remettre au goût du jour des secrets du passé, tout simplement, car « les plats sont le sauveur goûtu d'une vieille société rurale en déclin » en opposition à la non-tradition. La cuisine géorgienne datant d'avant ce mythe moderne mélangé à la réalité est la différence clé avec l'Europe de l'Ouest. Cependant, il est vrai que la Géorgie souffre de conséquences politiques plus amères. Certains pourraient alors penser que la cuisine sera le point de départ d'un retour sans controverses des « diners en devenir », comme il en existait autrefois à Moscou.

Le Kinkally est un restaurant ayant récemment ouvert à Londres, seulement quelques années après la fermeture définitive de l'Aragvi. Le Kinkally est un restaurant qui va au-delà des traditions. Imaginez un restaurant dans lequel vous pourriez apprécier de délicieux khinkali zébré ayant le goût de wasabi, puis, si l'envie vous prend, vous auriez la possibilité de prendre un verre dans un bar tendance, le « Kinky Bar ». Cet endroit existe, et il s'agit du Kinkally. Dans les années 40, William Haas, chercheur allemand et conseiller du gouvernement iranien, se plaignait de l'occidentalisation de la cuisine iranienne : « La riche cuisine perse, même la plus extravagante, est en train de disparaître. Cette succulente variété de plats ne sera bientôt plus… La culture occidentale est véritablement un poison ayant pour but de rendre la vie sur terre toujours plus monotone ». L'Européen de l'ouest de l'époque, que l'on pourrait qualifier de cosmopolite, était à la recherche d'une cuisine ancienne, presque primordiale, abâtardie par la mondialisation. Contrairement à Haas, l'historien iranien Houchang Chehabi pense que la gastronomie du pays se porte bien, notamment grâce à l'adoption et la fusion de la cuisine internationale : « son accessibilité a permis la diversité dans le monde ».

Même si l'identité de la Géorgie est souvent remise en question, que ce soit depuis l'intérieur ou l'extérieur de ses forces politiques et économiques, les différentes facettes de sa culture culinaire permettent de retracer une histoire qui va à l'encontre de ces contestations. Il y a par exemple ce plat parfait pour Instagram : l’adjarian khachapuri, plat originaire des régions musulmanes de la Géorgie, frontalières à la Turquie. On pourrait alors espérer que le public ne trouve pas ces idées du passé, que ce soit le nationalisme ou l'impérialisme, aussi bonnes à goûter.

En tout cas, au Didedas, trois drapeaux dessinés au crayon sont fièrement affichés derrière le comptoir : « l'Espagne, la Géorgie et l'Ukraine. Parce que ma sœur manifeste tous les jours en Géorgie et qu'on souhaite également montrer notre soutien aux Ukrainiens », nous raconte Ana.

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Politique de Global Voices sur l’Intelligence artificiellehttps://fr.globalvoices.org/?p=294205http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250403_133033_Politique_de_Global_Voices_sur_l___Intelligence_artificielleThu, 03 Apr 2025 11:30:33 +0000Nous ne publierons pas d'articles, de traductions ou d'illustrations produits entièrement ou principalement à l'aide des LLM ou d'autres outils d'IA générative.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Global Voices est fier de publier des textes, des traductions et des illustrations créés par des personnes, pour des personnes, et nous attendons de nos contributeurs qu'ils respectent cette norme.

Avec l’essor fulgurant des grands modèles de langage (LLM) comme ChatGPT, DeepSeek et Midjourney, et d'autres formes d'« IA » générative, ces technologies s’imposent désormais au cœur des plateformes et systèmes d’exploitation. Face à cette évolution, Global Voices, en tant que média, juge essentiel de définir un cadre clair pour leur utilisation sur son site.

Il existe deux raisons fondamentales pour lesquelles nous limitons l'utilisation des LLM dans notre travail. Toutes ces raisons sont liées à notre principale mission :

  1. La confiance. Les modèles de langage de grande envergure ne sont pas conçus pour garantir l'exactitude des informations. Bien que leurs algorithmes tombent parfois juste, ce n’est pas leur vocation première, et les exemples de réponses complètement à côté de la plaque sont légion. En tant qu'organisation de presse attachée aux principes journalistiques, nous avons à cœur de rapporter des faits avérés. S'appuyer sur des LLM pour rédiger ou traduire du contenu, ou sur des programmes générant des illustrations ou des graphiques sur simple demande, reviendrait à prendre le risque de trahir ces principes et de compromettre la confiance que nous demandons à nos lecteurs.
  2. Donner de la voix aux sans voix. Les LLM s'appuient sur des données déjà existantes — en l'occurrence, les textes numériques avec lesquels ils ont été entraînés — pour produire des réponses probables. Par conséquent, les résultats sont biaisés en faveur des informations les plus courantes et les plus abondantes en ligne. À terme, cela pousse internet vers une certaine uniformité, reléguant au second plan, voire faisant disparaître, les voix atypiques et moins entendues, précisément celles que nous nous efforçons de faire résonner. Nous tenons à publier des idées et des connaissances qui sortent des sentiers battus — surtout quand elles ne collent pas aux standards linguistiques ou aux schémas de pensée dominants. Pour nous, il est bien plus précieux d'exposer un point de vue humain, forgé par l'expérience et la réflexion, que de livrer un contenu qui “sonne bien” sans avoir de fond authentique.

Au-delà de ces raisons, d'autres considérations importantes entrent en jeu : l'impact environnemental des LLM ; les questions de droits d'auteur soulevées tant par leur entraînement que par leurs productions, ainsi que le respect des auteurs et illustrateurs dont les œuvres ont été utilisées sans autorisation ; et enfin, l'invisibilisation des personnes qui contribuent à affiner ces processus, bien souvent pour des salaires dérisoires et dans des conditions précaires.

Rechercher le juste milieu

Nous comprenons que les LLM donnent l'impression d'offrir une solution toute faite pour écrire, dessiner ou traduire, et qu'ils rendent bien service à ceux qui rédigent dans une langue qui n'est pas la leur ou qui doivent se plier à des règles de style ou des standards de publication un peu tordus. On reconnaît aussi que les LLM, et les autres technologies regroupées sous la bannière de l'« IA », forment un vaste fourre-tout, allant du simple correcteur orthographique aux outils générant du contenu sur commande. Ils sont souvent fourrés dans d'autres logiciels, rendant parfois leur absence difficile à gérer.

D'ailleurs, il faut bien admettre que les écrivains, illustrateurs et traducteurs s’appuient depuis belle lurette sur toute une panoplie d'outils pour faire leur boulot : dictionnaires, thésaurus, guides de style, dessins ou photos de référence… la liste est longue. Certaines applications qualifiées d'« IA » ne font finalement pas autre chose. Les traducteurs peuvent très bien dégoter un mot sur un traducteur en ligne plutôt que de feuilleter un vieux dico, et les auteurs n'hésitent pas à lancer un correcteur ou à dégoter un synonyme quand le mot leur échappe.

Un dico par-ci, un correcteur orthographique par-là, ou encore une recherche de synonymes quand l’inspiration fait défaut… On a tous nos petites astuces.
Cependant, tout comme nous n’accepterions pas un article copié-collé d’une encyclopédie ou de Wikipédia (même en changeant quelques mots par-ci, par-là), ni une traduction qui se contenterait de remplacer chaque terme par l’équivalent trouvé dans un dictionnaire, nous ne tolérerons pas non plus les écrits, les traductions ou les illustrations générés automatiquement.

En tant qu’organisation décentralisée, nous devons pouvoir accorder une confiance sans faille à nos contributeurs. Or, il n’existe à ce jour aucune technologie capable d’identifier de manière fiable les écrits ou traductions produits par des LLM, ni les illustrations créées sur demande par des générateurs automatisés. Quant aux outils qui prétendent le faire, ils traînent souvent derrière eux les mêmes casseroles éthiques et environnementales que les LLM eux-mêmes. C’est pourquoi nous nous réservons le droit de soumettre à un examen minutieux les contenus qui portent les marques d’une dépendance à ces technologies et, si besoin est, d’exiger des réécritures, de refuser la publication ou même de retirer des articles si nous constatons que ces outils ont été utilisés de manière contraire à notre mission.

Enfin, nous avons bien conscience que la technologie évolue à toute allure ; cette politique devra probablement suivre l'air du temps et sera mise à jour en fonction des besoins.

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Le Président chinois Xi Jinping prévoit « un déclin de l'Occident et une ascension de l'Orient » en marge d'un tournant isolationniste de Donald Trumphttps://fr.globalvoices.org/?p=294138http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250331_232605_Le_President_chinois_Xi_Jinping_prevoit______un_declin_de_l_Occident_et_une_ascension_de_l_Orient______en_marge_d_un_tournant_isolationniste_de_Donald_TrumpMon, 31 Mar 2025 21:26:05 +0000Le pouvoir géopolitique passe de l'Ouest à l'Est

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image créée par Oiwan Lam sur Canvas Pro.

« Le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient » (東升西降). Cette phrase, prononcée par le président chinois Xi Jinping en 2020, décrit le changement récent dans la distribution des pouvoirs à l'international. Et avec les dernières directives de Donald Trump, qui semble conduire les États-Unis droit vers l'isolation, la phrase est véritablement devenue un slogan sur les réseaux sociaux chinois.

Il faudra remercier Qiushi, le journal officiel du Parti Communiste Chinois (le PCC), pour avoir permis à cette phrase de refaire surface. En effet, le média a publié le 1ᵉʳ janvier 2025 une transcription d'un discours de Xi Jinping datant de 2023 et dans lequel le président mentionne le déclin de l'Ouest en faveur de l'Est. Dans ce même discours, il soulignera l'affaiblissement constant des pays occidentaux, qui serait, d'après lui, la conséquence d'un capitalisme insatiable. Il fera ensuite allusion à « une Chine stable tandis que l'Ouest est en ruine » ainsi qu'à une nouvelle ère dans laquelle un « déclin de l'Occident » contrasterait avec une « ascension de l'Orient ». Xi Jinping insistera sur le fait que cette nouvelle balance géopolitique a offert une nouvelle chance aux pays en développement et il appellera à résister face à l'encerclement, la réprimande et l'impérialisme des États-Unis.

Même si ce n'est pas anormal pour les médias nationaux de relayer les idées de Xi Jinping, l'article de Qiushi a cette fois-ci attiré plus d'attention que d'habitude, surtout en provenance d'opposants politiques ne résident pas en Chine. Et tout cela est dû aux politiques isolationnistes de Donald Trump.

« 老司机 » (Vieux Chauffeur), qui critique ouvertement le PCC sur X (anciennement Twitter), fulmine face à Trump qui laisse la porte grande ouverte à la Chine :

How would the world react to the consequences if the US were to let the profit-seeking Trump withdraw from all foreign aid? Will they cut ties with you or adhere with you? After WWII, the US generously provided aid to numerous countries. Has that made the US weaker or stronger? The short-sighted only see the given but not the taken. If the US gives up its global alliance building strategy and returns to isolationism, it will let China grow strong and help Xi’s ‘the East is rising and the West is declining’ agenda.

Comment le monde réagirait-il si Trump, qui ne cherche que le profit, et les États-Unis décidaient de se retirer de toutes aides internationales ? Le monde se rallierait-il à Trump ? Ou l'abandonnerait-il ? Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont généreusement envoyé de l'aide à de nombreux pays. Cela a-t-il affaibli le pays ? Celui qui ne réfléchit pas à long terme ne voit que ce qui a déjà été obtenu, pas ce qui doit l'être. Si les États-Unis abandonnent l'idée d'une alliance globale pour se tourner vers l'isolationnisme, cela laissera le champ libre à la Chine, et les mots de Xi, « Le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient », deviendront réalité.

L'utilisateur @tankman2002 exprime lui aussi sa colère envers les politiques isolationnistes de Trump :

Who could have imagined that Chairman Xi’s claim that ‘the East is rising and the West is declining’ is now an accurate prediction? Who could have imagined that Chairman Xi would look [morally] taller and greater than his

« Le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient ». Qui aurait pu imaginer que les paroles de Xi Jinping pourraient un jour se réaliser ? Qui aurait pu imaginer que Xi Jinping apparaitrait aujourd'hui plus grand et plus altruiste que ses pairs ?

«Le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient»

La phrase a été prononcée par Xi Jinping lors de la cinquième séance plénière du PCC en octobre 2020. Elle fut ensuite rendue publique en janvier 2021, lorsque les États-Unis étaient encore sous le premier mandat de Trump, que le pays était frappé par la COVID-19 et la désinformation, notamment concernant les vaccins et les mesures anti-pandémie.

Cette idée est basée sur les théories de Justin Yifu Lin, ancien vice-président de la Banque Mondiale, Hu Angang et David Daokui Li, tous deux professeurs d'économie à l'Université Tsinghua. D'après Xi et son groupe de réflexion, l'Orient et l'Occident représenteraient deux civilisations différentes.  La civilisation orientale serait caractérisée par le collectivisme et des valeurs communautaristes, tandis que l'Occident serait caractérisé par le capitalisme et des valeurs individualistes. Grâce aux progrès fulgurants de la Chine en termes économiques et technologiques, ainsi qu'au succès qu'a été l'endiguement initial de la pandémie, ces experts pensent que la Chine entre enfin dans une période d'allégresse et que d'ici 2030, la Chine pourrait prendre la place des États-Unis à la tête de l'économie mondiale.

Ce qui ne plaît pas à tout le monde. Lors de son discours de fin de mandat, l'ex-président Joe Biden a déclaré que jamais la Chine ne surpassera les États-Unis. Pour étayer son propos, il a mentionné le ralentissement économique post-COVID de la Chine et la baisse de la note de crédit souverain du pays. Lee Hsien Loong, ancien premier ministre de Singapour, a lui aussi suggéré que la Chine ne pourra jamais surpasser les États-Unis. D'après lui, les États-Unis ont non seulement l'avantage d'être une terre d'accueil pour le monde entier, le pays aurait également les capacités nécessaires pour se réinventer. Même au sein de la Chine, certains experts en politique pointent du doigt cette idée. Selon eux, la croissance économique n'est pas le plus gros indicateur de force des États-Unis, puisque l'hégémonie du pays est surtout protégée par sa présence et sa puissance militaire, ses alliances, sa disposition à attirer des talents du monde entier, ainsi que le statut du dollar américain comme la monnaie utilisée pour les échanges commerciaux à l'international.

Cela prouve que malgré le dur labeur de la Chine pour se construire une alliance, notamment au travers du projet de la nouvelle route de la soie, ainsi que la mise en place du Yuan numérique pour renforcer le Yuan chinois parmi les monnaies internationales, « le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient » n'était qu'une idée tirée par les cheveux, notamment lorsque la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine faisait rage, et que cette dernière était tourmentée par les dettes et la déflation. Une dure réalité. En tout cas jusqu'à ce que Donald Trump reprenne les rênes du pays et modifie complètement les politiques internationales du pays, transformant une nation cherchant autrefois le multilatéralisme en un endroit envahi par l'isolationnisme. Modifiant les politiques d'échanges, auparavant libre marché, pour créer un système protectionniste.

Après avoir supprimé de nombreuses aides de l'USAID et avoir menacé de quitter l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), stoppant possiblement son aide militaire à l'Ukraine, les conséquences des décisions de Donald Trump pourraient faire retomber le globe dans des sphères d'influence, avec la Russie, la Chine et États-Unis au centre de celles-ci. C'est en tout cas ce que suggère l'analyse politique du Wall Street Journal :

Avec le déclin de l'ordre international post-guerre, la Russie, la Chine et les États-Unis sont sur le point de créer un nouvel âge d'empires, écrit Yaroslav Trofimov du WSJ.

—The Wall Street Journal (@WSJ) 18 janvier 2025

Cette prédiction selon laquelle la Chine étendra ses relations internationales pendant que les États-Unis couperont graduellement leurs relations avec des alliés de longue date comme l'Ukraine, l'Union Européenne et le Canada est devenue le consensus chez les experts en politique :

Les dirigeants chinois attendent que les politiques de Trump mettent fin aux fondations de l'hégémonie des États-Unis, créant ainsi une opportunité pour Pékin d'étendre ses influences plus loin, et plus vite, écrit Yun Sun.

—Foreign Affairs (@ForeignAffairs) 18 février 2025

La version chinoise de cette prédiction se reflète alors dans l'idée que « le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient », qui est désormais partagé à grande échelle dans les sphères politiques libérales en dehors de la Chine continentale :

[French President] Macron's mediation in Washington did not generate the expected result. Trump criticized the EU  fiercely and is ready to declare [trade] ‘war’ on the EU. The relationship between Europe and the US will never be the same again. Starting in 2025, there will be major changes in global geopolitics, which will mainly benefit the dictators of various countries. It seems that the rise of the East and the decline of the West is no longer a slogan, but a 100 percent inevitable event, as long as the [Chinese] government does not ruin it.

La médiation du Président français Macron avec Washington n'a pas eu l'effet escompté. Trump a fortement critiqué l'Union européenne et il se dit prêt à lancer une guerre [commerciale] contre l'UE. La relation entre l'Europe et les États-Unis ne sera plus jamais la même, et dès 2025, nous allons voir de gros changements géopolitiques à l'international, ce qui ne profitera qu'à quelques dictateurs dans certains pays. Il semblerait que le slogan « le déclin de l'Occident permettra l'ascension de l'Orient » ne soit devenu une réalité. À condition que le gouvernement Chinois ne laisse pas passer cette chance, bien sûr.

— 領導幹部 (@Xianzhong_1953) 26 février 2025

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Opposition massive à la méga ambassade chinoise à Londres : enjeux et motivationshttps://fr.globalvoices.org/?p=294384http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250331_230220_Opposition_massive_a_la_mega_ambassade_chinoise_a_Londres___enjeux_et_motivationsMon, 31 Mar 2025 21:02:20 +0000Les manifestants craignent que la méga ambassade ne serve d'outil de répression transnationale.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Affiche de mobilisation pour la manifestation du 15 mars 2025 devant l'ancien complexe de la Monnaie royale à Londres. Via l'utilisateur X @benedictrogers. Utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Plus de 6 000 manifestants se sont rassemblés à l'ancien Royal Mint Court à Londres le 15 mars 2025 à l'effet de manifester contre le projet d'une méga ambassade de Chine. La manifestation, menée par des groupes de défense des droits de Hong Kong, des Tibétains, des Ouïghours, des Taïwanais et des résidents locaux, était la deuxième manifestation de masse exigeant du gouvernement travailliste qu'il bloque le projet d'ici deux mois.

De nombreux manifestants croient que la méga ambassade de la Chine servirait de « poste de police secrète » qui exécuterait la répression transnationale du gouvernement chinois contre les dissidents politiques.

Des manifestations contre le projet d'une ambassade chinoise géante sont apparues au début du mois de février 2025 après que les ministres britanniques des Affaires étrangères et de l'Intérieur, sous l'égide du Premier ministre travailliste Keir Starmer, aient indiqué que le gouvernement soutiendrait le projet de la Chine visant à transformer le site historique de l'ancienne Royal Mint Court en ambassade.

Le complexe immobilier de deux hectares, situé près de la Tour de Londres, a été vendu à la Chine en 2018 pour la nouvelle ambassade de ce pays à Londres. Si le projet est approuvé, il s'agira de la plus grande ambassade d'un pays dans tous les pays européens. Cependant, le Conseil municipal de Tower Hamlets a bloqué le permis de bâtir, citant les risques potentiels pour la sécurité publique causés par les fréquentes manifestations. La police londonienne partage les préoccupations du Conseil.

Pourtant, vers la fin de l'année 2024, le gouvernement travailliste britannique est intervenu et a annulé la décision du Conseil local, en soulignant « l'importance pour les pays d'avoir des représentations diplomatiques fonctionnelles dans leurs capitales respectives » et a proposé que la controverse soit résolue lors d'une audience publique à la mi-février et qu'une décision finale soit prise d'ici mai 2025.

Pékin aurait engagé une société de conseil, Lowick, pour soumettre à nouveau le projet après que le leader du parti travailliste, Sir Keir Starmer, soit devenu Premier ministre à la mi-2024.

Lorsque le gouvernement travailliste a exprimé son soutien au plan du gouvernement chinois, la police londonienne a cessé de s'opposer au projet et le Conseil local a également décidé de ne pas s'y opposer :

La police métropolitaine a soudainement abandonné son opposition à la « super ambassade » chinoise suite à une étude financée par Pékin.

Elle a affirmé que les preuves décisives étaient « nouvelles ».

Lorsque j'ai contesté cette information, la police a admis qu'il s'agissait d'un vieux document utilisé dans le cadre d'une demande antérieure de permis de bâtir.

🤔🤔🤔https://t.co/kj0636TmIx

— Gabriel Pogrund (@Gabriel_Pogrund) 26 janvier 2025

Une coalition de plus de 30 groupes de défense des droits humains a alors décidé de faire pression à travers des manifestations. La première manifestation a eu lieu une semaine avant l'audition publique, le 8 février 2025. Les manifestants craignent que la méga ambassade ne serve de centre d'espionnage pour la Chine et ne facilite la répression transnationale. Le caricaturiste politique originaire de Hong Kong, @vawongsir, a visualisé les messages dans un dessin humoristique :

Le groupe de défense des droits humains Safeguard Defenders a découvert que les autorités chinoises ont mis en place plus de 110 « stations de service » dans 53 pays afin de surveiller et d'intimider les dissidents et les criminels chinois en 2022. Après enquête, la police britannique a demandé à Pékin de fermer trois stations au Royaume-Uni en 2023.

Un rapport d'Amnesty International datant de 2024 souligne également que les autorités chinoises ont activement surveillé et harcelé les étudiants chinois et hongkongais qui étudient à l'étranger afin de les empêcher de participer à des manifestations et à d'autres activités et groupes politiques pendant leur séjour à l'étranger. Le rapport soulignait :

The Chinese authorities’ assault on human rights activism is playing out in the corridors and classrooms of the many universities that host Chinese and Hong Kong students. The impact of China’s transnational repression poses a serious threat to the free exchange of ideas that is at the heart of academic freedom, and governments and universities must do more to counter it.

L'attaque des autorités chinoises contre l'activisme des droits humains se déroule dans les couloirs et les salles de classe de nombreuses universités qui accueillent des étudiants chinois et hongkongais. L'impact de la répression transnationale de la Chine constitue une menace sérieuse pour l'échange libre d'idées, qui est au cœur de la liberté académique, et les gouvernements et les universités doivent en faire davantage pour y faire face.

Le Royaume-Uni est le premier choix des étudiants de Chine continentale qui souhaitent poursuivre des études à l'étranger. Pour l'année universitaire 2022/23, plus de 156 000 étudiants chinois se sont inscrits à des programmes d'enseignement supérieur au Royaume-Uni.

Lors de la dernière manifestation, la participation massive des manifestants a mis en évidence les problèmes de sécurité publique, car la circulation vers le centre de Londres serait bloquée par des véhicules de police, des manifestants et des officiers de police pendant les manifestations :

Preuve que la zone réservée aux piétons autour de la Royal Mint n'est PAS suffisante pour contenir la foule qui proteste contre la #MegaEmbassy chinoise. Un manifestant a été FORCÉMENT repoussé par un policier et est tombé lorsqu'il a accidentellement mis le pied sur la chaussée parce que la zone réservée aux piétons était pleine. https://t.co/ZKVq7LX9Em pic.twitter.com/txcONOSsbK

— Catrina Ko🇺🇦🇹🇼🇭🇰 (@dr_CatKo) 15 mars 2025

De nombreux manifestants étaient de nouveaux immigrés originaires de Hong Kong. Après le lancement par le gouvernement britannique du visa spécial pour les ressortissants britanniques de Hong Kong en 2021 en réponse à l'imposition par la Chine de la loi sur la sécurité nationale dans l'ancienne ville coloniale, plus de 150 000 Hongkongais se sont installés au Royaume-Uni sur une période de trois ans. Les nouveaux résidents craignent de continuer à subir le harcèlement transnational de Pékin, même s'ils ont quitté Hong Kong. Benedict Rogers, cofondateur de Hong Kong Watch, s'est exprimé au nom des Hongkongais lors de la dernière manifestation :

🚨 EN DIRECT devant le Royal Mint Court : Notre administrateur @benedictrogers souligne les menaces de répression transnationale posées par une super ambassade de Chine, et exhorte le gouvernement britannique à bloquer l'établissement de l'ambassade pour protéger les Hongkongais et les autres personnes qui considèrent le Royaume-Uni comme leur foyer.

Puisque les Ouïgours expatriés sont les principales cibles de la répression transnationale de la Chine, les groupes d'activistes ouïgours, tels que Stop Uyghur Genocide, basé au Royaume-Uni, ont également été très expressifs dans leur opposition à la méga ambassade :

Notre directrice exécutive @MahmutRahima a partagé des mots puissants lors de la manifestation de samedi contre le projet de méga-ambassade de la Chine.#NoMegaEmbassy #Uyghur #StopUyghurGenocide #Protest pic.twitter.com/UM0JXO5McX

— Stop Uyghur Genocide (@UyghurStop) 17 mars 2025

Des politiciens britanniques du Parti conservateur, dont Iain Duncan Smith, Kevin Hollinrake et d'autres députés, ont rejoint les groupes de défense des droits humains dans leurs manifestations et ont critiqué le gouvernement travailliste pour avoir cédé à la pression de Pékin :

Si le projet d'une nouvelle méga ambassade chinoise à Londres est adopté, il s'agira du plus grand acte de « soumission » de l'histoire britannique. Il s'agit d'une ambassade pour un gouvernement brutal et répressif qui rejette les droits humains, pratique le travail forcé et le génocide. Le Conseil municipal de Tower Hamlets a refusé le permis de bâtir en 2022, invoquant une série de préoccupations, dont l'impact de grandes manifestations sur le site. Permettre à l'ambassade d'aller de l'avant serait un cauchemar. pic.twitter.com/J5TqLCv9IH

— Iain Duncan Smith MP Chingford & Woodford Green (@MPIainDS) 17 février 2025

La secrétaire d'État au Logement, aux Communautés et au Gouvernement local, Angela Rayner, prendra une décision sur la méga ambassade chinoise d'ici le mois de mai, et la décision finale sera un indicateur majeur de la politique du gouvernement travailliste à l'égard de la Chine.

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Quatre décennies de lutte et de résistance : focus sur les évènements en Papouasie occidentalehttps://fr.globalvoices.org/?p=293955http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250327_203038_Quatre_decennies_de_lutte_et_de_resistance___focus_sur_les_evenements_en_Papouasie_occidentaleThu, 27 Mar 2025 19:30:38 +0000Les forces militaires indonésiennes ont été filmées en train de torturer un Papou de l'Ouest.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Forces militaires indonésiennes lors d'un défilé en 2019. Image via Wikimedia Commons. CC0 1.0 DEED.

La version originale de cet article a été écrite par Girard Lopez et publiée dans New Bloom le 16 avril 2023. La version éditée suivante est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat de contenu.

[Sauf indication contraire, toutes les références de ce texte sont en anglais.]

Début mars 2024, l'Internet indonésien et ses périphériques numériques ont été secoués par une vidéo choquante : un natif de Papouasie apparemment retenu dans un seau d'eau et roué de coups par ce qui semble être des forces militaires indonésiennes. On voit ensuite un autre soldat lacérer impitoyablement le dos du Papou à coups de baïonnette, tandis que la victime ne pouvait que se tordre de douleur. À ce moment-là, la plupart des gens avaient peut-être fermé la vidéo horrifiante et clamé en ligne que les gardiens mêmes qui avaient promis de protéger et de défendre le Pancasila[fr], philosophie fondatrice de cet archipel de 275,2 millions d'habitants aux origines diverses, étaient capables d'une telle violence.

L'armée a présenté des excuses sans précédent et a arrêté 13 soldats du bataillon de Java occidental qui avaient torturé un Papou à Gome, en Papouasie centrale. Cependant, ces excuses sont restées vaines, l'homme torturé étant décédé plus tard. Il ne s'agit que d'une des dizaines de victimes civiles des brutalités militaires perpétrées dans les hautes terres de Papouasie centrale, alors que l'armée indonésienne a intensifié ses raids contre l'Armée de libération nationale de Papouasie occidentale en février dernier, comme l'a rapporté Human Rights Monitor.

Pour les Papous occidentaux, cette vidéo n'est pas du tout une surprise. La violence militaire a toujours été le statu quo dans la région depuis le début de leur lutte pour l'autodétermination dans les années 1960, lorsqu'ils ont été passés d'un colon à un autre. Juste après le départ des Néerlandais de Nouvelle-Guinée occidentale en 1962, le gouvernement indonésien a pris le contrôle par la force de cette région riche en ressources.

En 1969, l'armée indonésienne a sélectionné un peu plus d'un millier de Papous pour participer à un vote controversé visant à déterminer l'avenir de leur peuple. Naturellement, comme lors de toute élection contrôlée par l'armée, un vote unanime a approuvé le contrôle indonésien. Certains Papous, rejetant un tel manque de respect flagrant à la volonté de leur peuple, ont été poussés à prendre les armes et à lutter pour leur indépendance, donnant naissance au Mouvement pour la Papouasie Libre [fr]. Telle est l'origine des violences persistantes qui opposent encore aujourd'hui les forces indonésiennes aux indépendantistes papous. Par conséquent, les Papous sont régulièrement victimes de discrimination de la part des « pribumi » [fr] indonésiens et de violences de la part des autorités.

« Jusqu'à aujourd'hui, les Papous aux cheveux bouclés et à la peau noire sont stigmatisés. Ils nous considèrent comme dangereux. Ils ont recours à cette approche militaire pour réprimer notre psychologie afin que nous ne pensions pas à être libérés de l'Indonésie. Ces 60 années de racisme sont imputables à des personnes occupant des postes importants au sein du gouvernement », a déclaré Ambrosius, défenseur des droits humains papou et ancien président de l'Association des étudiants papous des hauts plateaux du centre de l'Indonésie.

Alors que l’Indonésie s’apprête à inaugurer un nouveau président en octobre, Prabowo Subianto [fr], connu pour son bilan controversé en matière de droits de l’homme sous le régime de Suharto, les Papous sont prudents et se préparent à de nouvelles violences de la part de l’armée.

« Nous l'avons vu parler de la Papouasie. C'est comme s'il ne voyait pas du tout les Papous, mais seulement des territoires », déclare Defe, militant papou des droits humains, dans une interview en ligne à propos du président élu Prabowo. « Il a dit cela pendant le débat et a affirmé à d'autres que le problème papou est un problème militaire. Nous craignons donc qu'il continue d'utiliser l'armée pour opprimer les Papous. »

Ambros et Defe ont déclaré que dans les années 1990, lorsque Prabowo était encore général militaire, la torture des Papous était monnaie courante, la dictature de Suharto ayant lancé diverses opérations militaires contre le mouvement de libération de la Papouasie occidentale. Defe affirme que la récente vidéo virale rappelle cette époque, même si elle est moins courante qu'auparavant. Lors des émeutes de 1998 [fr] qui ont éclaté en Indonésie, ciblant les Chinois d'origine dans le contexte de la crise financière asiatique, il est largement admis que Prabowo a également joué un rôle dans l'incitation à ces émeutes pour détourner l'attention du public de Suharto. Prabowo lui-même a admis à Al Jazeera, lors d'une interview exclusive, avoir participé à ces opérations, affirmant qu'il avait suivi les ordres et que les enlèvements de militants étaient légaux à l'époque.

« Chaque fois que les candidats parlent des Papous, il est toujours question de terres, d'investissements, d'usines, de plantations. Il est évident qu'ils considèrent l'île entière comme une marchandise. Ils ne se soucient pas des habitants et ne leur demandent pas s'ils approuvent le projet. Ils se contentent d'ordonner qu'ils apportent ce projet ici et là. Cela fait partie de la politique nationale : le Projet stratégique national », a ajouté Defe.

Lorsque le président Joko Widodo a pris le pouvoir en 2014, de nombreux Papous étaient optimistes, la grande majorité ayant voté pour lui. Joko Widodo avait promis que le gouvernement indonésien les écouterait. En 2016, Human Rights Watch a cité Widodo déclarant : « Je veux écouter la voix du peuple et je suis prêt à ouvrir le dialogue pour une Papouasie meilleure. Le peuple papou a non seulement besoin de soins de santé, d'éducation, de construction de routes et de ponts, mais il a aussi besoin d'être écouté.»

Mais ces promesses idéalistes étaient en réalité trop belles pour être vraies, car les abus systémiques sont restés le statu quo. En 2019, les Papous sont descendus dans la rue, indignés par les violences policières contre des étudiants papous accusés d'avoir profané le drapeau indonésien. Les étudiants ont nié ces allégations, mais cela n'a pas empêché les autorités de lancer des gaz lacrymogènes dans les dortoirs des étudiants papous et de les soumettre à des insultes racistes. En plus de cela, des milliers de Papous ont été évacués de force alors que l'armée indonésienne bombardait leurs domiciles pour tenter d'expulser les combattants indépendantistes papous.

Le drapeau de la Papouasie occidentale. Photo de Lussqueitt on Flickr. CC BY-NC-SA 2.0.

En Papouasie occidentale, le simple fait d'agiter le drapeau de l'Étoile du Matin [fr], symbole de l'indépendance de la Papouasie occidentale, peut vous attirer des ennuis avec les autorités. Ambrosius a été condamné à six mois de prison pour trahison en 2019 pour s'être peint le corps aux couleurs du drapeau de l'Étoile du Matin. Il existe également des cas présumés de personnes arborant le drapeau cubain et poursuivies en justice, prises pour des militants indépendantistes de Papouasie occidentale.

« Il existe encore de nombreux [autres] cas, mais ils ne sont ni enregistrés ni virales, car l'accès à l'information concernant la Papouasie est protégé par le gouvernement. Il n'y a pas d'option de litige. Bien que nous signalions déjà tous les cas à la Commission des droits de l'homme en Indonésie, le gouvernement ne les reconnaît pas », a déclaré Ambrosius.

Malgré le traumatisme collectif subi par les Papous au cours des six dernières décennies, Prabowo a tout de même remporté la majorité en Papouasie occidentale. Au-delà du pouvoir de l'IA, de TikTok et de la campagne de blanchiment [fr] lancée par le camp de Prabowo, qui a contribué à assainir l'image, Defe affirme que de nombreux Papous pensaient que la promesse de Prabowo de « poursuivre le chemin de Jokowi » serait une bonne chose. Le président élu aurait utilisé le message précédent de Joko Widodo et ses promesses de « développement » en Papouasie occidentale pour gagner du soutien dans la région.

Les organisations de défense des droits humains ont régulièrement lancé des appels et formulé des recommandations au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies (UNHCR) et au gouvernement indonésien afin d'améliorer la situation des droits humains en Papouasie occidentale. Ambrosius a rappelé que le UNHCR avait formulé 269 recommandations au gouvernement indonésien concernant les droits humains dans le pays, dont 65 spécifiques à la Papouasie occidentale. Le gouvernement indonésien n'a reconnu que quelques-unes de ces recommandations. Par ailleurs, certains militants espèrent traduire le gouvernement indonésien devant la Cour internationale de justice afin de poursuivre les autorités pour leurs violations des droits humains et leurs pratiques abusives de longue date en Papouasie occidentale.

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Comment une juriste gambienne confronte son savoir universitaire au plaidoyer en faveur des droits humainshttps://fr.globalvoices.org/?p=294251http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250327_195832_Comment_une_juriste_gambienne_confronte_son_savoir_universitaire_au_plaidoyer_en_faveur_des_droits_humainsThu, 27 Mar 2025 18:58:32 +0000Elle œuvre à établir un pont entre la recherche universitaire et l'autonomisation des communautés, créant ainsi un changement significatif à l'échelle mondiale

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Dr Satang Nabaneh prenant part à une table ronde. Photo fournie par Dr Satang Nabaneh avec sa permission.

By Sydney Leigh Smith

De ses débuts en tant que représentante des enfants en Gambie à sa reconnaissance internationale en tant que militante des droits humains, le parcours du Dr Satang Nabaneh témoigne de sa résilience et de son audace. Ses travaux de recherche universitaire font le lien avec l'autonomisation des communautés, créant ainsi un changement significatif à l'échelle mondiale. 

Dr. Satang Nabaneh est une juriste, une militante des droits de l'homme et une éducatrice de renommée internationale originaire de Gambie, dont le travail incarne l'engagement de toute une vie en faveur de l'activisme. Âgée de huit ans seulement, Nabaneh était déjà fortement impliquée dans la défense des droits de l'enfant au sein de la section gambienne de la Croix-Rouge. À douze ans, elle a été élue représentante des enfants gambiens au Parlement mondial des enfants, participant à des réunions de haut niveau et s'adressant à des dignitaires.

En racontant une des anecdotes, elle déclare :

Je suis allée m'installer à droite de la table du podium. On ne m'y avait pas assigné de siège, et on m'a dit : « Oh, vous n'avez pas de place ». J'ai répondu : « Mais c'est un événement pour les enfants, n'est-ce pas ? Pourquoi ne suis-je pas ici ? »

Ces expériences précoces lui ont inculqué l'importance de défier les normes, une philosophie qui continue à la guider.

En observant mon cursus, je reconnais l'importance d'être audacieuse (s'asseoir à la « table haute »), de prendre sa place et d'avoir l'audace d'embrasser son plein potentiel », dit-elle, exhortant les jeunes à « exercer leur pouvoir, à défier les normes sociétales, à créer des espaces alternatifs ou à affirmer leur présence dans des espaces où ils n'auraient pas été traditionnellement bien accueillis ».

« Les connaissances universitaires ne suffisent pas »

Le parcours universitaire de Nabaneh a commencé par une licence en droit (LL.B)  en  Gambie  suivie d'un master et d'un doctorat en droits de l'homme et démocratisation en Afrique à l'université de Pretoria. Elle a ensuite obtenu un doctorat en Afrique du Sud, financé par le Conseil norvégien de la recherche et axé sur les droits sexuels et génésiques . Cette base académique était étroitement liée à son militantisme, qu'elle décrit comme « décisif dans la trajectoire » de sa carrière. Son travail universitaire a toujours été profondément lié aux besoins de la communauté et à la justice sociale. « Les études ne suffisent pas », affirme-t-elle, soulignant que c’est en dehors des salles de classe traditionnelles que sa formation et son développement personnel se sont affinés.

En tant que directrice des programmes et professeur pédagogique adjointe au Centre des droits de l'homme de l'Université de Dayton, Nabaneh élabore et dirige des programmes permettant aux étudiants d'acquérir une réelle expérience dans le domaine des droits de l'homme, en les plaçant souvent dans des postes sur le terrain à travers l'Afrique. Elle a institué une « bourse mondiale d'apprentissage par l'expérience » qui permet aux étudiants de travailler avec des organisations communautaires dans des pays comme La Gambie, le Ghana, le Kenya, et l'Afrique du Sud. Ces expériences, estime-t-elle, offrent des perspectives inestimables.

« Je ne veux pas qu'ils aillent voir nos partenaires en se prenant pour des experts qui vont résoudre leurs problèmes ». Nous pensons que l'apprentissage réciproque et l'humilité dans le plaidoyer sont essentiels pour réussir nos missions.

Renforcer les capacités de la prochaine génération de dirigeants

En 2011, Nabaneh a cofondé Think Young Women, le premier programme de mentorat pour les filles en Gambie. Initialement financé par elle-même et son cofondateur, le programme bénéficie aujourd'hui du soutien du Fonds des Nations unies pour la population et de l'UNICEF. Cette initiative permet aux jeunes femmes de participer à des activités de mentorat qui les encouragent à développer leurs compétences en matière de plaidoyer et de leadership. De nombreuses anciennes participantes au programme sont revenues pour diriger Think Young Women, ce qui garantit l’ancrage de l'organisation dans la communauté avec une direction assurée par des jeunes. Ce travail illustre son approche du changement social durable, qui, selon elle, doit être mené au niveau local et financé de manière adéquate. Elle attire l'attention sur un problème commun au développement international:

La communauté mondiale pousse à l'élaboration de normes et de standards… mais nous ne savons souvent pas comment les traduire en actions.

Le financement durable et la création de coalitions sont essentiels, car ils permettent aux mouvements de prospérer au-delà des étapes initiales du travail bénévole « motivé par la passion ».

Franchir les entraves aux voix africaines en matière des droits humains

La caractéristique déterminante de la carrière de Nabaneh est son engagement à amplifier les voix africaines. Elle apporte son expérience en matière de plaidoyer au monde universitaire, en défendant les perspectives africaines dans les domaines des droits de l'homme et des études de genre. Récemment, elle a organisé une conférence sur« la décolonisation et le développement pour les personnes d'ascendance africaine », facilitant le dialogue entre les activistes et les universitaires d'Afrique, d'Amérique latine et des Caraïbes. La conférence s'est focalisée sur la solidarité africaine et les droits des femmes dans la diaspora, dans le but de faire tomber les barrières entre les communautés noires du monde entier. « Pour moi, il s'agit de convergence », dit-elle, en rassemblant les voix africaines et en centrant leurs perspectives dans les conversations mondiales sur les droits humains.

Tout au long de sa carrière, Nabaneh est restée une « universitaire militante », qui s'est engagée à combler le fossé entre la recherche universitaire et la défense des intérêts de la communauté. Elle est animée par un engagement en faveur de l'érudition publique, veillant à ce que son travail soit accessible et pertinent pour les militants et les organisations sur le terrain. Elle explique,

Je ne veux pas que mes recherches rentrent dans les oubliettes. Je veux qu'elles soient utilisées par ceux qui accomplissent l'incroyable travail de transformation de leurs communautés.

La vie et la carrière de Nabaneh illustrent comment l'audace, la résilience et l'engagement en faveur d'un changement centré sur la communauté peuvent redéfinir les espaces et donner aux générations futures les moyens d'agir.

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Redéfinir l'appartenance : de l'apatridie à la force collectivehttps://fr.globalvoices.org/?p=294308http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250327_191744_Redefinir_l_appartenance___de_l_apatridie_a_la_force_collectiveThu, 27 Mar 2025 18:17:44 +0000L'appartenance est plus qu'un statut légal. L'acceptation de votre communauté et la reconnaissance par votre gouvernement s'entrelacent pour fabriquer l'expérience ressentie qu'est l'appartenance.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

L'œuvre a été fait par l'artiste et écrivaine américaine Zahra Marwan, qui partage « C'est une image de ma maman avec ses voisines pendant son adolescence. Parfois, elle me dit “je n'aurais jamais dû vous prendre là-bas pour que vous soyez proches de moi.” Pourquoi devait-elle choisir entre donner à ses enfants leurs droits de l'homme et les laisser vivre dans une famille non brisée ? » L'image est utilisée avec permission.

Par Christy Chitengu

D'origine nigériane, l’écrivain britannique Ben Okri a une fois écrit : « Ce qu'il y a de plus authentique à propos de nous est notre capacité à créer, à surmonter, à endurer, à transformer, à aimer et à s'élever au-dessus de nos souffrances. » Ces mots résonnent profondément pour ceux d'entre nous qui ont déjà connu le sentiment de n'appartenir à rien, d'être ni vu, ni entendu, ni reconnu. Ils évoquent la force tranquille nécessaire pour endurer une réalité façonnée par des obstacles physiques, le courage requis à les surmonter, et l'espoir que la transformation est possible.

L'appartenance est plus qu'un statut légal. L'acceptation de votre communauté et la reconnaissance par votre gouvernement s'entrelacent pour fabriquer l'expérience ressentie qu'est l'appartenance. Elle se manifeste par des actes simples, mais profonds, visant à nouer des liens d'amitié, de parler des langues locales et de s'enraciner là où vous considérez comme chez vous. En revanche, pour un plus grand nombre de personnes, ces deux formes d'appartenance, ressentie et formelle, convergent rarement. Elles divergent souvent à la naissance.

Je connais intimement cette divergence. L'expérience d'être née, dans mon cas, en Afrique du Sud, et de ne pas avoir eu la citoyenneté, ni de mon lieu de naissance, ni de mes parents, a toujours été une source de confusion, pas seulement pour moi, mais aussi pour ma communauté. Comment appartenir si entièrement à un lieu en parlant ses langues, en assimilant sa culture, en y passant toute sa vie ; cependant, être invisible aux yeux de l'Etat ? Chaque fois que je devais expliquer pourquoi je n'étais pas citoyen de la seule patrie que j'ai connue, ni même citoyen de la terre natale de mes parents, cela soulevait plus de questions qu'il n'apportait de réponses. Le silence qui régnait dans ces moments-là me rappelait les frontières qui me séparaient d'un sentiment d'appartenance à part entière. Ce n'est qu'une expérience parmi tant d'autres sur le spectre de l'apatridie. D'innombrables autres histoires se déroulent, chacune façonnée par des causes uniques, motivée par des histoires complexes et aggravée par la discrimination.

Néanmoins, comme Ben Okri nous le rappelle, notre capacité à s'élever au-dessus de nos souffrances reste notre vérité la plus authentique. L'apatridie a essayé de me définir par ce qui me manquait, mais la capacité de l'esprit humain à endurer, à aimer et à se transformer ne peut pas être restreinte par l'absence d'un document de nationalité. C'est cette vérité qui m'a poussé à condamner les systèmes et politiques qui favorisent l'apatridie. La détermination de créer un monde dans lequel la naissance dans un territoire ne constitue pas un frein à l'accès à l'éducation de base, la santé, la sécurité sociale et l'emploi. Des droits qui nous permettent de vivre avec dignité et autonomie.

Je milite pour un monde dans lequel mon fils n'aura jamais à craindre d'être exclu à cause des origines de ses parents. Cependant, le combat pour démanteler ces systèmes d'exclusion profondément ancrés dans nos sociétés est émotionnellement épuisant. Face aux États puissants et à une administration rigide, l'on se sent parfois solitaire et le combat insurmontable.

Au milieu de ces défis, j'ai retrouvé la force grâce à ma communauté. The Global Movement Against Statelessness (Le mouvement international contre l'apatridie) est devenu un espace de solidarité, une preuve de notre résilience concomitante. Ensemble, nous harmonisons les histoires, bataillons contre l'injustice et donnons la preuve que notre valeur ne se définit pas par les frontières ou les documents qui cherchent à nous effacer. Lancé le 27 février 2024, The Global Movement against Statelessness est dirigé par des personnes qui ont été directement touchées par l'apatridie, la privation de nationalité et des lois de nationalité discriminatoires. Notre modèle de gestion s'appuie sur les expériences vécues et apprises pour fonder une approche inclusive, équitable et collaborative. En adoptant ces valeurs, nous ne faisons pas seulement avancer notre cause, mais nous remettons également en question et transformons les paradigmes traditionnels du leadership. Notre groupe reflète cet engagement, en veillant à ce que chaque voix compte et à ce que le leadership soit exercé avec soin, responsabilité et intentionnalité.

Alors que le mouvement souffle sur sa première bougie, nous réfléchissons sur la voie à suivre. Pour nous, l'année prochaine il s'agira d'approfondir nos connexions, de renforcer notre impact et de continuer à construire un mouvement basé dans la communauté, la solidarité et un objectif commun. Un moment clé de ce parcours a été notre vibrant appel à la communauté lancé le mercredi 5 mars 2025 ; une occasion pour nous de nous réunir, de réfléchir à nos progrès et de définir collectivement la voie à suivre.

Pour plus d'informations sur The Global Movement Against Statelessness, rendez-vous sur son site Web.

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Comment le mandarin du Nord-est est-il devenu la langue officielle du stand-up chinoishttps://fr.globalvoices.org/?p=294071http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250327_174917_Comment_le_mandarin_du_Nord-est_est-il_devenu_la_langue_officielle_du_stand-up_chinoisThu, 27 Mar 2025 16:49:17 +0000Sa similarité phonétique avec le Mandarin fait du Dongbeihua le choix naturel du stand-up chinois

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

L'humoriste Li Xueqin a construit sa carrière en utilisant l'humour du dialecte de Dongbeihua et en faisant d'amusants commentaires sur les inégalités de genres et les différences entre les régions du pays. Capture d'écran venant de la chaîne YouTube Watch Together, utilisée avec permission.

Durant ces 20 dernières années, le développement rapide des réseaux sociaux chinois, dont des plateformes vidéos telles que Bilibili, a permis la popularisation du stand-up, un genre de comédie dans lequel un comédien se tient sur scène en faisant des blagues et des commentaires hégémoniques, souvent sur un ton satirique, le tout devant un public.

Depuis l'élection du président Xi Jinping en 2013, la censure n'a fait qu'empirer en Chine, faisant totalement disparaître les commentaires et la satire politique de la télévision et d'internet. Pour y remédier et développer leurs blagues, les humoristes se sont tournés vers la riche diversité culturelle du pays, et plus particulièrement l'humour dialectal. Dans un tel contexte, le Dongbeihua, aussi appelé Mandarin du Nord-Est, est devenu la langue officielle du stand-up chinois.

L'humour de Dongbei

Le Dongbeihua est considéré comme une sous-classe du Mandarin parlé dans les provinces du nord-est de la Chine, comme Liaoning, Jilin, Heilongjiang et d'autres régions de la Mongolie-Intérieure. Près de 100 millions de personnes parlent ce dialecte en Chine. Le Dongbeihua partage de nombreuses similarités avec le Mandarin de Pékin, qui est la base phonologique du chinois standard (Putonghua/Mandarin) parlé en Chine continentale et à Taïwan. La plupart des locuteurs peuvent donc, dans la plupart des cas, comprendre le Dongbeihua. Cela dit, ils peuvent avoir des difficultés à comprendre le sens de certaines expressions et certains jeux de mots. Par exemple, comme l'explique ce rapport du média gouvernemental China Daily, le mot 貓/māo, soit le chat, en mandarin standard, peut être utilisé comme un verbe dans le dialecte Dongbeihua.

放假我哪都不去,就猫家里。(Fàngjià wǒ nǎr dōu bù qù, jiù māo jiālǐ.)

I'm not going anywhere for the holiday, just catting at home.

Je ne vais pas bouger pendant ces vacances, je vais juste chatonner à la maison.

Le verbe le plus utilisé est 整/zhěng, qui peut vouloir dire  « fabriquer », « être pris pour un idiot », « faire », « obtenir » et bien plus encore. L'adverbe le plus utilisé est 賊啦/zéilā. En mandarin standard, on pourrait le traduire mot à mot par « qui est un voleur », mais en Dongbeihua, le terme signifie « beaucoup », « très ». Il peut aussi décrire presque n'importe quoi. Le terme le plus populaire est surement 忽悠/hūyou, qui peut vouloir dire « tricher  », « duper », « tromper » ou encore « flatter », et il peut être utilisé comme un nom. Même si la plupart de ces mots n'ont aucun sens lorsqu'ils sont utilisés dans le contexte du mandarin standard, ils sont tout de même devenus des expressions courantes qui sont utilisées dans la vie de tous les jours à travers le pays entier.

Si ces expressions uniques peuvent aussi être utilisées dans d'autres langues chinoises, comme le cantonais, le sichuanais ou le fujianais, le Dongbeihua a la particularité d'être phonétiquement très similaire au Mandarin, lui offrant un avantage comparatif sur le marché du stand-up chinois.

Une autre raison pour qui fait le succès du Dongbeihua dans le stand-up est probablement les stéréotypes concernant les habitants de Dongbei. Ils sont souvent considérés comme étant très directs, rustiques, indifférents, enthousiastes et querelleurs. « 東北人都是活雷鋒 » (Les habitants de Dongbei sont tous des Lei Feng vivants), une chanson virale des années 2000 a énormément popularisé ces stéréotypes, ainsi que le Dongbeihua à travers tout le pays.

Cette chanson raconte l'histoire d'un homme de Dongbei aidant une personne blessée lors d'un accident de voiture. Après cela, ils se rendent dans un restaurant et l'homme de Dongbei, totalement ivre, parlera de la nourriture de la région et du fait que les gens du coin sont tous la réincarnation de « Lei Feng », le tout en Dongbeihua. Lei Feng est une figure de propagande des années 60 utilisée pour propager une idée de sacrifice et d'altruisme envers son pays. Le mythe de Lei Feng est cependant devenu un sujet humoristique dans les 2000, période durant laquelle le pays jouissait d'une économie et d'une atmosphère politique assez libérale.

La première vague humoristique de Dongbei

L'humour de Dongbei est apparu première fois sous les projecteurs nationaux dans les années 90, au Gala de Nouvel An de CCTV. Le comédien Zhao Benshan, originaire de Tieling, dans la province du Liaoning, avait réalisé un sketch dans lequel les habitants du nord-est de la Chine étaient peints comme des gens de la campagne, sans éducation, simples et francs. Cet extrait datant du Gala de Nouvel An en 2005 illustre ces clichés :

Même si ces représentations peuvent être problématiques ou choquantes, certains clichés entourant Dongbei tirent leurs origines du contexte historique de la région.

Les trois provinces du nord-est de la Chine (Mandchourie) furent les premières régions du pays à s'industrialiser en raison de la colonisation japonaise (1932-1945). Le Japon envahit la Mandchourie en 1931, peu après l'incident de Mukden. Ils établiront un gouvernement fantoche, le Mandchoukouo, avec à sa tête le dernier empereur de Chine, Puyi. Les habitants de la Mandchourie durent faire face au travail forcé, et la région fut utilisée par l'armée japonaise comme une zone industrielle hautement militarisée et une terre arable dans le but de supporter l'expansion de l'empire japonais à travers l'Asie.

Même après la création de la République populaire de Chine (RPC) en 1949, la région est restée le cœur de l'industrie lourde du pays. Grâce à une propagande communiste lorsque Mao était à la tête du pays (1949-1976), les travailleurs des entreprises publiques étaient décrits comme des héros de la nation. Cependant, avec la libéralisation de l'économie et la privatisation des entreprises publiques au milieu des années 90, donnant lieu à de nombreux licenciements, la plupart des travailleurs furent forcés à pratiquer le Xiahai (下海), soit le fait de complètement changer de carrière afin de gérer des petits commerces ou d'accepter d'être exploités par les entreprises privées. La plupart des travailleurs, surtout des femmes, furent laissés sans emploi.

Beaucoup d'habitants de Dongbei ne trouvent donc pas les blagues de Zhao sur le Dongbeihua et sur les clichés de la région amusantes. En effet, être associé à Lei Feng, une sorte de dindon de la farce, n'est qu'une moquerie sans saveur par rapport au passé glorieux de la région et aux circonstances difficiles auxquelles les citoyens font face aujourd'hui.

La renaissance de Dongbei

Mais en 2017, le rappeur Gem sort sa chanson « Disco du Loup Sauvage », un mélange de Cantopop et de rap en Dongbeihua. La chanson tire parti d'un sentiment de nostalgie pour la vie nocturne à Hong Kong et Dongbei. Gem aurait été à l'origine d'un mouvement culturel appelé la « Renaissance de Dongbei ».

Aussi ironique que cela puisse paraître, cette renaissance prend racine dans l'exode de la population vers les villes du sud. En 2000, cet exode concernait moins de 500 000 personnes. Dix ans plus tard, elle dépassait les deux millions. La plupart de ceux quittant la région sont de jeunes gens instruits qui ne trouvent pas de perspectives d'emploi dans le nord-est du pays.

Actuellement, les personnalités les plus connues de cette renaissance de Dongbei sont Shuang Xuetao, Zheng Zhi and Ban Yu, trois jeunes auteurs qui ont grandi à Dongbei dans les années 90. Après avoir assisté au déclin de leurs villes natales, ils prirent la décision de quitter la région dans le but de poursuivre une meilleure éducation et de meilleurs emplois. Ils se sont servis de leur perspective en tant qu'enfants de travailleurs pour partager l'histoire de leurs villes et de la population croyant dur comme fer au socialisme, mais forcés de participer à un système capitaliste devenu la norme sociale, un système qui n'a que faire des petites villes.

Ces histoires nostalgiques ont récemment été illustrées dans des films récompensés par la critique. C'est le cas de « Black Coal », réalisé par Diao Yinnan en 2014. Il y a également « The Shadow Play », réalisé par Lou Ye en 2018. Sortie en 2023, la série « The Long Season » partage également ce genre d'histoire.

Le mouvement culturel du stand-up de Dongbei semble révolutionner l'ancien style d'humour en transformant les blagues basées sur des stéréotypes en humour noir, plein de commentaires sociaux qui se moquent justement de ces clichés datés sur les habitants de Dongbei.

Li Xueqin est probablement l'humoriste la plus populaire de la région. Née à Tieling, Liaoning, ville dans laquelle elle grandit, Xueqin gagne une reconnaissance nationale grâce à ses débuts dans une compétition de stand-up en 2020. Lors de cette compétition, elle utilisera l'humour noir et fera des commentaires satiriques sur le complexe de supériorité des Pékinois, ce qui lui fera gagner l'approbation du public. Elle est également acclamée pour ses petites piques amusantes concernant des problèmes sociétaux, comme la place du genre par exemple, le tout dans un environnement dépourvu de liberté d'expression.

Voilà une transcription partielle de l'un de ses spectacles à propos de Pékin et Tieling lors d'une compétition de stand-up en 2020 :

其实今年我真的离开北京回铁岭了。很多人知道了之后特别地惊讶,跟你们差不多那个表情,就仿佛这个事不是我从北京回到了铁岭,是我本来马上就跟吴亦凡结婚了,突然决定跟王建国私奔。那追着撵着就问我呀:离开了北京 你不遗憾吗?说得像我曾经得到过北京一样;对北京来说,我连个备胎都不是,我为它奋斗,为它攒钱,为它付出青春。我走的时候 我还跟它说:再见了。它也说:你谁呀?我回铁岭,居然还有人嘲笑我,你回去干哈呀?铁岭连个地铁都没有。你说一个破地铁 有什么好自豪的呀?北京好,大环线,上下班,左一圈 右一圈,日复一日 圈复一圈,宇宙都有尽头,北京地铁没有,太厉害了!更过分的是,还有一群人,我在北京的时候,他说:北京不好,压力大。我离开北京了,又说:北京多好, 机会多。我就感觉就这些人,他们活着,唯一的目的就是告诉我,生而为人,你很遗憾。 很多人吧,都觉得只有在北京才能实现他们的梦想。今天我就冒昧地问一下,你们的梦想是举办奥运会吗?反正我的梦想铁岭就能实现,我就想要锅包肉,熏鸡架,铁锅炖大鹅。 所以 所以 你们真的不用再为我 感到遗憾了

This year, I left Beijing and went back to Tieling. A lot of people were shocked when they found out, almost the same expression as yours as if it wasn't that I had returned to Tieling from Beijing. Tt was as if I was about to get married to Wu Yifan [a famous actor] but suddenly decided to elope with Wang Jianguo [another comedian in the same competition].

They chased after me and asked me, ‘Aren't you sorry to leave Beijing?’ As if I had been accepted or loved by Beijing. To Beijing, I'm not even a spare tyre. I fought for it, contributed cash, and paid my youth for it. When I left, I even bid farewell to it. Then it replied: ‘Who are you?’ I went back to Tieling, and people laughed at me, ‘What are you doing back there? Tieling doesn't even have a subway!’ What's there to be proud of about a broken subway? Beijing is good, the big subway loop to and from work on a circular line on the left and another circular line on the right, day after day, circle after circle. The universe has an end, Beijing subway does not. How awesome!

What's more, there is a group of people, when I was in Beijing, they said: ‘Beijing is not good, the pressure is too huge.’ When I left Beijing, they said, ‘Beijing is so good; there are so many opportunities.’ My feeling is that these people's only purpose in life is to tell me that you should be regretful for being born as a human being. Many people believe that they can only realize their dreams in Beijing. Please pardon me for asking today: ‘Is your dream to host the Olympics?’ Anyway, my dream can be realized in Tieling. I just want fried pork, smoked whole chicken, and goose stewed in an iron pot. So, you guys really don't have to feel sorry for me anymore.

Cette année, j'ai quitté Pékin pour retourner à Tieling. Les gens étaient choqués de l'apprendre, ils avaient à peu près la même expression que vous maintenant. C'est presque comme si j'avais fait autre chose que juste revenir à Tieling. On aurait dit que j'étais sur le point de me marier avec Wu Yifan [un acteur célèbre], mais qu'au dernier moment, j'ai décidé de fuir avec Wang Jianguo [un concurrent de la même émission].

On m'a pourchassé pour me demander si j'étais triste de quitter Pékin. Comme si j'avais déjà été en couple avec Pékin. Mais pour Pékin, je ne suis même pas une roue de secours. Pourtant je me suis battu pour attirer son attention. Je lui ai donné de l'argent, je lui ai offert toute ma jeunesse. Je lui est même dit au revoir quand je suis partie. Mais tout ce que j'ai eu en retour, c'est un « On se connaît ? ». Quand je suis rentrée à Tieling, tout le monde s'est moqué de moi, ils m'ont dit « Qu'est-ce que tu fais ici ? Il n’y a même pas de métro à Tieling ! ». Comme si c'était une fierté d'avoir un métro. Pékin c'est génial, sur la ligne en forme de cercle à gauche, le métro nous amène au boulot, et sur le cercle à droite, il nous ramène à la maison, jour après jour, cercle après cercle. Si l'univers à une fin, le métro de Pékin, lui, n'en a pas. N'est-ce pas fantastique ?

Le pire dans tout ça, c'est que quand j'étais encore à Pékin, il y avait toujours quelqu'un pour me dire « Pékin, ça craint, il y a trop de pression ». Puis quand je suis partie, on m'a dit « Pékin c'est génial, il y a tellement d'opportunités ». Moi je pense que ces gens là, leur seul but dans la vie, c'est de dire aux autres qu'il faut être désolé d'être un humain. Il y a trop de personnes qui pensent qu'il n'y a qu'à Pékin qu'on peut réaliser ses rêves. Désolée de demander, mais votre rêve, c'est d'organiser les Jeux olympiques ou quoi ? Bref. Moi, tout ce dont je rêve, je peux l'avoir à Tieling. Du porc frit, du poulet braisé et du ragoût d'oie, je n’ai besoin de rien d'autre. Voilà, vous avez plus besoin d'avoir de la peine pour moi.

Sa prestation est entièrement disponible ici :

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En RDC, le média Green Afia fait de l'éducation verte sa missionhttps://fr.globalvoices.org/?p=294238http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250325_103559_En_RDC__le_media_Green_Afia_fait_de_l_education_verte_sa_missionTue, 25 Mar 2025 09:35:59 +0000Le bassin du Congo est la deuxième plus grande forêt tropicale au monde après l'Amazonie

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de Hervé Mukulu, rédacteur en chef de Green Afia ; Photo utilisée avec permission

En Afrique, de nouveaux médias se positionnent comme des acteurs clés dans la lutte contre la dégradation de l'environnement ainsi que le changement climatique.

La sauvegarde de l'environnement est l'affaire de toutes et tous. Sur le continent africain, hommes politiques, acteurs de la société civile, experts, scientifiques, militants et activistes climatiques, jeunes et diverses personnalités s'engagent dans la lutte pour une justice climatique. C'est plus rare pour les médias, mais en République démocratique du Congo (RDC), Green Afia se donne pour mission de promouvoir l'éducation verte. Dans un échange via WhatsApp, Hervé Mukulu, rédacteur en chef de Green Afia explique à Global Voices la vision de la justice climatique portée par cette plateforme francophone.

Jean Sovon (JS): Quelle est votre particularité par rapport aux autres médias en RDC?

Hervé Mukulu (HM): Green Afia Magazine est un média spécialisé dans l’éducation verte. Cela se fait à travers la réalisation de reportages, d’ investigations, d'études, de séances de réflexion et de sensibilisation sur les défis environnementaux et sanitaires dans le bassin du Congo. Nos thématiques de prédilection sont le climat, la biodiversité, la santé, l’agriculture et tout ce qui est relatif à l’environnement.

Notre spécificité est d’être un média de data-journalisme axé sur l’environnement. Les défis tout comme les solutions résilientes pour lesquels nous avons le devoir d’amplifier les voix, sont plus clairement compréhensibles quand ils sont présentés en chiffres, cartes et graphiques.

JS: Quelles sont vos principales difficultés et comment les surmontez-vous? 

HM: Les thématiques liées à l’environnement exigent du temps pour comprendre toutes les facettes du problème. Du temps pour accéder aux experts, aux données chiffrées et aux témoignages qu’il faut nécessairement recouper car ne donner qu’une version du problème peut s’avérer être très destructeur. Du temps, pour comprendre les efforts qui sont menés pour résoudre ces problèmes. Qui dit temps suppose aussi moyens financiers et techniques pour mener une investigation. Jusque là, nous ne sommes mus que par la passion du journalisme de solution. Nous déployons les efforts nécessaires pour atteindre les personnes et les ressources et accéder aux données en sacrifiant notre temps et nos moyens personnels pour réaliser nos reportages.

Lire notre couverture sur

JS: Quel rôle jouent les médias en RDC dans la problématique du changement climatique ?

HM: Un pays comme la RDC dans la région du Bassin du Congo, miné par la guerre comme principale actualité, l’instinct de survie pousse à ce que les informations sécuritaires prennent la part du lion dans le besoin informationnel des populations. Or nous montrons que tout cela est lié: les défis économiques, sécuritaires, sociales qu’engendrent cette crise sécuritaire engendrent aussi des défis environnementaux qui méritent notre attention. Face aux défaillances des services régaliens, il est possible de mener des actions locales pour un impact global. Ainsi nous donnons la voix aux solutions résilientes locales. En tant que Green Afia, nous sommes témoins du fait que les actions visant la lutte contre le changement climatique ne sont pas exogènes: elles sont internes et locales. C’est pourquoi nous participons à la promotion des solutions locales en les faisant connaître du grand public. Nos reportages ont toujours une visée éducative pour informer et former notre audience sur les défis environnementaux. Dans chaque domaine, il existe des savoirs locaux ou des adaptations qui résolvent des problèmes utiles à la communauté. Les faire connaître aidera les autres. Nous donnons la voix à ces savoirs.

JS: Quelle est votre vision de la lutte pour la justice climatique en Afrique et que faites-vous concrètement pour l'atteinte de cette vision?

HM: Moins pollueurs, les pays pauvres payent pourtant un lourd tribu au changement climatique. Ils n’ont pas non plus de moyens suffisants pour mener la riposte et prendre les mesures d’adaptation nécessaires contre ces effets. Les pays pauvres et les petits pays insulaires sont ainsi doublement victimes de la faute d'autres pays. C'est aux pays pauvres non-polluants que devraient revenir la part de lion dans l’attribution des crédits-carbone et toute  autre rétribution.

Sans rester dans la victimisation, ces pays savent qu’à chaque problème chacun peut donner une solution. Ce ne sont pas nécessairement les grands pollueurs qui doivent venir mettre des actions de gestion des déchets plastiques que nous importons de notre propre gré. Au niveau local, il est possible d’initier des mécanismes de gestion si la bonne volonté est présente. Ce sont ces petites actions locales qui, si elles répercutent, peuvent avoir des résultats grandioses. Si pour les populations africaines, le changement climatique peut entraîner de grands défis comme des inondations, des canicules, les pays développés sont en mesure d’y faire face. Mais en Afrique, dans les milieux ruraux surtout, il est encore difficile de se faire consulter même pour le malaria. Les efforts locaux qui sont menés méritent donc d’être soutenus.

Notre devoir est de participer à l’effort local. Green Afia Magazine se focalise sur la région du Bassin du Congo qui est la deuxième plus grande forêt tropicale au monde après l'Amazonie, et joue donc un rôle très important dans la régulation du climat mondial. Toutefois, il est confronté à plusieurs défis liés au changement climatique, comme la conservation de la biodiversité. Une conservation responsable qui tient compte des besoins des populations autochtones qui dépendent de cette mère nature pour répondre à leurs besoins  de survie au quotidien. Cette situation exige de nous d'éduquer et de sensibiliser toutes les parties impliquées dans la conservation: la population locale car elle doit en être le premier acteur, les institutions gouvernementales et les ONG dont parfois les agents profitent de l'ignorance des populations moins instruites d'un point de vue scolaire, prétendument pour la conservation de la nature. Et surtout il faut promouvoir le savoir autochtone pour des solutions locales qui participent à un objectif global.

Lire notre cahier spécial:

JS: Quelles sont vos plus grandes réussites ?

HM: Nos plus grandes réussites, ce sont d’abord, les retours des lecteurs qui témoignent qu’ils apprennent beaucoup de nos papiers et ceux qui sont reconnaissants des haut-parleurs que nous donnons à leurs actions et qui finissent par avoir les résultats escomptés. Nos plus grandes réussites, c’est  de rédiger des articles qui sont primés et appréciés dans des concours.

 

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Hong Kong : les experts à la recherche des solutions pour régler le problème du suicide chez les étudiantshttps://fr.globalvoices.org/?p=293932http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250324_150648_Hong_Kong___les_experts_a_la_recherche_des_solutions_pour_regler_le_probleme_du_suicide_chez_les_etudiantsMon, 24 Mar 2025 14:06:48 +0000Le nombre de suicides chez les étudiants a presque triplé en 10 ans.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Avec l'apparition d'un « Programme d'éducation aux valeurs » ces dernières années, de plus en plus d'écoles demandent aux élèves de démontrer leur piété filiale. Certains établissements ont appelé les enfants à s'agenouiller pour offrir du thé à leurs parents. Cette image, devenue virale sur les réseaux sociaux, montre ce moment. Photo de la page Facebook PoorLHK. Utilisée avec permission.

La première cause de suicide dans le monde est la dépression. La dépression peut être traitée, et le suicide évité. Vous pouvez trouver de l'aide en appelant des lignes téléphoniques confidentielles. Le site Befrienders.org répertorie différents numéros disponibles par pays.

Tout le monde se l'accorde, la pandémie de la COVID-19 a eu un impact extrêmement néfaste sur la santé mentale, surtout chez les jeunes les plus vulnérables. Cependant, la situation semble encore plus terrible à Hong Kong tant le taux de suicide chez les jeunes ne fait qu'augmenter. Lors de l'année scolaire 2022 à 2023, 2,8 % des étudiants auraient déclaré avoir des pensées suicidaires, le taux le plus élevé au monde.

Alors que de nombreux experts tentent de comprendre et résoudre ce problème, Ricky Tse, « enseignant de la vie », fera ce discours controversé lors d'une conférence de presse :

所有價值觀,其實只要為人設想,便會知甚麼是禮儀、甚麼是智慧、甚麼是責任感、甚麼是尊重,所以所有價值觀去到最後就是文化核心,為對方設想多些,所以學生生命教育,如果你會多想社會責任、家長期望、你走後家人會怎樣,其他人會怎樣,你會多設想這個精神便不會做傻事

All values essentially come down to considering others. Then, you will know what etiquette, wisdom, responsibility, and respect are. Values are essentially cultural core, which is to be considerate to others. Hence, life education for students requires them to think more about social responsibility and parental expectations. What would happen to your family and others if you were gone? With such spirit, then you won’t do anything stupid. 

Toutes les valeurs prennent racine dans le fait de respecter ses pairs. Une fois cela fait, vous saurez ce qu'est l'étiquette, la sagesse, les responsabilités et le respect. Les valeurs font partie d'un noyau culturel, il en est de même pour le respect. Voilà pourquoi nos étudiants, qui apprennent la vie, doivent prendre en considération leurs responsabilités sociales et les attentes de leurs parents. Que feraient vos parents et vos amis si vous disparaissiez ? Si vous réfléchissez à tout cela, vous ne ferez rien de stupide.

Ricky Tse est à la tête du centre d'enseignement de la vie de l'université Nang Yan de Hong Kong. « L'enseignement de la vie » (Life education) est une pédagogie qui met en avant le développement spirituel des élèves. Les commentaires de Tse sur l'augmentation du taux de suicide qui serait dû à un manque de valeurs lui ont valu de nombreuses critiques. Comme beaucoup l'ont noté, ses paroles étaient pleines de mépris, et elles pourraient pousser plus d'étudiants au suicide.

Un groupe Facebook discutant des problèmes de suicide chez les étudiants a par ailleurs publié une déclaration dénonçant les remarques cruelles de Tse et son manque de considération face aux souffrances des étudiants :

…撒瑪利亞防止自殺會曾指出「學童或青年的壓力大多來自父母期望過高」…現今,謝主任再次建議學生多想家長期望,無疑是輕言學生所面對的壓力。

…the Samaritan Befrienders [a local suicide prevention group] has pointed out that ‘most of the pressure on students or young people comes from their parents’ high expectations’ … Now, Mr. Tse again suggested that students should think more about their parents’ expectations. His speech has trivialised the pressure students face.

[…] Les Samaritains Amicaux (groupe d'aide au suicide) nous font remarquer que « la plus grande pression exercée sur les étudiants vient des attentes démesurées de leurs parents »… Pourtant, M. Tse nous suggère que les étudiants devraient faire plus attention à ces attentes. De telles paroles discréditent la pression subie par les élèves.

謝主任指出,企圖自殺乃「做傻事」。…有自殺念頭的人往往正面臨著極大的痛苦,故不應簡單地把自殺描繪為一個愚笨的行為。不論是否認同他們的行為,亦應尊重和肯定他們的經歷及感受。本聯席促請各界在形容自殺事件時,避免使用「傻事」、「輕生」等字眼…

Mr. Tse referred to attempting suicide as ‘doing something stupid’ … Suicidal people are often in great pain, and their act should not be simply portrayed as being stupid. Their experiences and feelings should be respected and recognized, regardless of the rights or wrongs of their behaviour. We urge all sectors to refrain from using words such as ‘stupidity’ and ‘recklessness’ when describing suicide incidents…

M. Tse a défini le suicide comme « quelque chose de stupide »… Les personnes suicidaires souffrent énormément, leurs actions ne devraient pas être décrites comme stupides. Leurs expériences et leurs sentiments doivent être respectés et reconnus, peu importe si ce qu'ils font est bien ou mal. Nous demandons à chaque secteur de ne pas utiliser des mots comme « stupide » ou « imprudent » lorsque le suicide est mentionné…

Le suicide chez les étudiants a pris énormément d'ampleur ces dernières années. Les statistiques publiques transmises par le gouvernement de Hong Kong indiquent que le nombre de morts liés au suicide étudiant a triplé ces dix dernières années, atteignant le nombre affolant de 23 cas en 2023. D'après une étude gouvernementale, toujours en 2023, 6,9 % des étudiants âgés de 6 à 17 ans auraient montré des tendances suicidaires et 24,4 % auraient souffert de problèmes liés à la santé mentale.

Les données récupérées par les conseils de différentes écoles publiques ont montré que 37 % des étudiants souffraient de problèmes mentaux, que 20 % d'entre eux avaient des problèmes familiaux et que 20 % avaient des problèmes à l'école. Les troubles mentaux les plus répandus étant le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), le trouble du contrôle des impulsions, l'anxiété, ainsi que la dépression.

Après avoir reconnu le problème, le Bureau de l'éducation a alloué un plus grand budget aux assistants sociaux, les psychologues scolaires, l'éducation parentale et les protocoles d'urgences pour la santé mentale des étudiants.

Plusieurs experts sont également intervenus pour parler du problème.

À la suite d'une autre étude révélée lors d'une conférence de presse et montrant que 15 % des étudiants avaient des pensées suicidaires, et que 70 % d'entre eux se sentaient perdu ou désespéré à propos de leurs vies, Tse s'est empressé de revoir son approche quant à l'enseignement de la vie.

Il voit la culture chinoise comme une pierre angulaire de la spiritualité, pouvant aider les étudiants à se soulager du stress et de la pression les poussant à l'automutilation. D'après lui, l'éducation devrait s'appuyer sur la culture et les valeurs chinoises :

生命教育應與中華傳統文化的價值觀教育、道德教育結合,因為中華文化的核心精神就是關顧別人的仁愛與同理心,從來強調多元、互動及包容。

‘Life education’ should be integrated with the value education and moral education of traditional Chinese culture because the core spirit of Chinese culture is to care for others with love and empathy, and it has always emphasized diversity, interaction, and tolerance.

« L'enseignement de la vie » devrait faire partie de l'éducation des valeurs et des morales de la culture traditionnelle chinoise. Au centre de cette culture, on retrouve un altruisme plein d'amour et d'empathie, qui met l'accent sur la diversité, la tolérance, ainsi que le partage.

Prenant racine dans l'Australie de 1979, le concept « d'enseignement de la vie » fut d'abord introduit par un prêtre chrétien qui souhaitait tacler le problème de la délinquance juvénile avec une approche spirituelle. L'abus de drogue était notamment l'un de ces problèmes. Même si cette pédagogie est enseignée de manière différente, elle est de plus en plus populaire en Chine continentale, à Hong Kong et à Taïwan, sociétés dans lesquelles elle est considérée comme la raison de la réduction des causes de décès non naturelles, surtout le suicide.

À Hong Kong, le programme d'enseignement de la vie est introduit par près de 20 écoles chrétiennes dès 1999, dans le but d'endiguer les violences scolaires liées aux gangs juvéniles. En 2010, près de dix ans plus tard, le Bureau de l'éducation commence à allouer plus de budget afin que davantage d'écoles adoptent le programme.

Depuis 2021, l'enseignement de la vie fait partie intégrante du programme d'Éducation aux Valeurs des écoles primaires de Hong Kong, au même titre que l'éducation nationale, l'éducation morale, etc. L'objectif de ce programme est d'enseigner aux élèves les bonnes valeurs et les vertus de la Chine, de promouvoir la reconnaissance de cesdites valeurs, de cultiver l'empathie ainsi qu'une attitude positive envers la vie, le pays et Hong Kong, et enfin, de les pousser à entretenir un comportement correct. Douze traits différents sont notés comme faisant partie des valeurs chinoises : la persévérance, l'empathie, la responsabilité, l'identité nationale, l'engagement, l'intégrité, la bénévolence, le respect des lois, l'empathie, l'assiduité, l'unité, ainsi que la piété filiale.

L'approche chrétienne de l'enseignement à la vie, censée encourager la poursuite individuelle du sens de la vie, fait petit à petit place à une approche en accord avec les idéaux culturels et nationalistes chinois, soit le fait de trouver son bonheur à travers des valeurs familiales, communautaristes et nationalistes. Certaines écoles demandent même aux élèves de démontrer une certaine piété filiale en s'agenouillant pour offrir une tasse de thé à leurs parents (voir l'image ci-dessus). D'autres écoles demandent aux étudiants de prononcer un discours lors du rituel de levé du drapeau national, ce discours devant aborder le sujet du dévouement à sa nation et à la société.

L'approche de Tse quant à l'enseignement de la vie est en accord avec la ligne directrice du programme d'Éducation aux valeurs, mais ses remarques lui ont valu de très nombreuses critiques sur les réseaux sociaux, le poussant à s'excuser deux jours plus tard.

Le problème ne vient pas du fait de stigmatiser le suicide comme un acte stupide, mais plutôt du fait de croire que la culture et les valeurs chinoises pourraient régler le problème du suicide chez les étudiants. Comme l'a fait remarquer l'éminent écrivain Fung Hei-kin, le confucianisme, qui prône le « sacrifice de soi », souvent pour son pays, empire souvent les troubles mentaux, ce qui peut mener au suicide :

中華文化包羅萬有,諸子百家持論已各有不同,能跟「預防自殺」拉上關係的價值觀,我只勉強想到愛談養生保性的莊子。然而主流傳統文化非但不排斥自殺,更往往對自殺者大表讚揚——自殺到讓你每年放一日假的屈原,正是抱持傳統中華價值觀者皆翹首仰望的偉人,謝教授又是否該譴責他不顧社會責任、不為他人着想呢?

Chinese culture encompasses many schools of thoughts. I can only think of Zhuang Zi, who loved to talk about maintaining one's health and preserving one's nature, as a value that can be associated with the prevention of suicide. As for the mainstream traditional Chinese culture, it rarely rejects suicide but often praises those who commit suicide. For example, Qu Yuan, his suicide has been honored with a public holiday [Dragon Boat Festival], is precisely a great man upheld by those who embraced traditional Chinese values. Should Prof. Tse condemn him for disregarding his social responsibility and not thinking of others?

La culture chinoise englobe énormément d'écoles de pensées. Le premier qui me vient en tête est Zhuang Zi, qui adorait parler du maintien de la vie et de la préservation de la nature d'un individu. Si on traduit cela en termes de valeurs, on peut l'associer à la prévention du suicide. Quant à la culture irrationnelle chinoise la plus courante, elle rejette peu le suicide, au contraire, elle l'encourage. Prenez l'exemple de Qu Yuan, son suicide est commémoré par une fête nationale [le Festival des bateaux-dragons]. Qu Yuan était un grand homme qui a su épouser les valeurs traditionnelles de la Chine. Est-ce que le professeur Tse le critiquerait pour avoir fui ses responsabilités sociales et ne pas avoir pensé à son entourage ?

Ce qui énerve le plus les gens, c'est l'approche idéologique face au suicide, ce qui efface les besoins individuels en faveur d'un collectivisme culturel et national lorsqu'il est question de problème de vie et de mort.

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Insécurité alimentaire et genre chez les adolescent·es issu·es des communautés africaineshttps://fr.globalvoices.org/?p=293733http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250321_144627_Insecurite_alimentaire_et_genre_chez_les_adolescent__es_issu__es_des_communautes_africainesFri, 21 Mar 2025 13:46:27 +0000Échange avec deux adolescentes pour comprendre la prédominance des inégalités alimentaires.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des écolières de la République Centrafricaine. Image de hdptcar provenant de la médiathèque Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0)

En Afrique, pour de nombreuses communautés, la nourriture est bien plus qu’un moyen de subsistance : elle reflète la culture, les traditions et, bien souvent, les dynamiques de genres. À table, on retrouve une subtile, quoique très fréquente, pratique qui consiste à privilégier les garçons plutôt que les filles. Les spécialistes qualifient cette pratique d’écarts entre les genres en matière d’insécurité alimentaire. Donner aux garçons de plus grosses portions ou des aliments de meilleure qualité qu'aux filles : cette disparité a d’importantes conséquences et en dit long sur les comportements sociétaux bien ancrés en matière de nutrition et d’égalité de genres.

Sur le continent africain, les adolescentes sont plus exposées aux risques d'anémie, de retards de croissance et d’affaiblissement du système immunitaire. La malnutrition généralisée et les inégalités invisibles exacerbent l'écart entre les genres en matière de santé et menacent le bien-être des générations futures. Chaque année, on estime à 60 millions le nombre de cas d'anémie chez les adolescentes, ce qui coûte aux États membres de l’Union africaine (UA) la somme astronomique de 1,38 milliard de dollars.

En 2023, l’UA et Nutrition International (NI) ont lancé la campagne nutritionnelle « Avec une bonne nutrition, l'avenir lui appartient », destinée aux adolescentes. Le message est clair : les filles peuvent devenir tout ce dont elles rêvent et pour ça, une bonne nutrition est essentielle.

Adesewa Olofinko de Global Voices a interviewé Favour Okeowo et Fisayo Falade, deux adolescentes du quartier de Ejigbo, à Lagos au Nigéria, pour aborder la question de la prédominance des inégalités alimentaires.

Ces échanges ont eu lieu avec l'accord des parents et en présence d’une personne tutrice pour garantir un environnement sécurisant et rassurant.

Adesewa Olofinko (AO) : Est-ce qu’il y a des programmes sur la santé et des matières scolaires qui enseignent aux filles l'importance de la nutrition ?

Favour Okeowo (FO) : Oui, dans mon école, on a des programmes d'éducation physique et santé (EPS, à ne pas confondre avec éducation physique et sportive) et, deux fois par semaine, on a des cours sur l’alimentation et la nutrition. Mais ce n’est pas une matière obligatoire, donc certains élèves ne s’y inscrivent pas. Même si on ne fait pas grand-chose pendant les cours d’EPS, ça reste un bon moyen de faire du sport comme de la course à pied ou même des jeux.    

Fisayo Falade (FF) : Nous, on a un cours qui s'appelle arts ménagers, mais c’est une matière où on aborde beaucoup de choses. Les profs nous parlent de gestion de la maison, de nutrition, de vêtements et d'autres choses. Ils ne s’attardent pas vraiment sur la nutrition, sauf peut-être la fois où on a parlé des différents types d'aliments. Et en général, ils se contentent de nous dire : « Évitez les cochonneries et mangez équilibré. » 

AO : Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de manquer de nourriture au point d'avoir faim en allant au lit ou à l’école ? Est-ce que ça a des conséquences sur votre capacité à vous concentrer ou à participer aux activités à l'école ?

FO : La plupart du temps, je ne prends pas de petit-déjeuner pas avant d'aller à l'école. Mais ma mère me donne entre 300 (0,19 €) et 500 nairas (0,32 €) pour m'acheter à manger. Si l'école finit tard, il arrive alors qu’elle me donne 700 nairas (0,45 €). Avec ça, je peux m'acheter des beignets avec une boisson ou des frites d’igname avec de la sauce pimentée, parfois un Akara (gâteau aux haricots) et du pain.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l'anémie est le plus souvent causée par une déficience en fer. C’est un problème de santé publique majeur qui touche 30 % des filles et des femmes originaires des quatre coins du monde, âgées de 15 à 49 ans.

Aliments nigériens. Image prise par Bukky658 et provenant de la médiathèque Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

L’UA a fait de 2022 l’année de la nutrition afin de favoriser le développement d’un cadre stratégique pour prévenir et lutter contre l'anémie en Afrique. Si la Stratégie régionale africaine de la nutrition (SRAN) 2016–2025 avait pour objectif de réduire de 50 % l'anémie chez les filles et les femmes en âge de procréer (15–49 ans), elle n’avait cependant pas de stratégie spécifique pour atteindre cet objectif.

AO : Est-ce que vous avez l’impression qu’on traite différemment les filles et les garçons dans votre famille ? Est-ce que vous auriez des exemples à me donner ?

FF : Mon frère mange beaucoup plus que moi. J'ai trois ans de plus que lui, pourtant c’est toujours à lui qu’on donne les plus grosses portions. Il mange beaucoup. Sûrement parce que c’est un garçon et que les garçons mangent plus que les filles. Il est plus musclé que moi aussi, mais moi, je suis plus grande.

Ce déséquilibre et les inégalités alimentaires liées au genre se rencontrent dans de nombreuses communautés d’Afrique et sont bien souvent dus à des normes culturelles et des perceptions de valeur. On retrouve dans de nombreux foyers le raisonnement tacite et sous-jacent selon lequel les garçons sont considérés comme un investissement pour l'avenir de la famille tandis que le rôle des filles est de se marier pour « appartenir » à une autre famille.

AO : Est-ce que tu comprends pourquoi tes parents te nourrissent moins que ton frère ?

FF : Mon père disait toujours qu’en grandissant un garçon devient le chef de famille, celui qui ramène l'argent et qui porte le nom de sa famille, tandis qu’une fille doit se concentrer sur ses études et ses responsabilités domestiques. Même si j'ai trois ans de plus que lui, ma mère dit qu’il est plus musclé que moi et que c’est « un homme », alors ils lui donnent plus à manger qu’à moi. Je sais que ce n’est pas bien et j’espère pouvoir changer ça un jour et leur prouver qu’en tant que fille on peut devenir ce qu’on veut.

Les conséquences des portions inégales en Afrique

Cette pratique qui consiste à donner plus aux garçons qu'aux filles n’a pas seulement des conséquences immédiates : ses répercussions s’inscrivent dans le long terme et impactent particulièrement la santé des filles, leur éducation et leurs perspectives d'avenir. Chez les adolescentes, la malnutrition n'altère pas seulement le développement cognitif et physique : les filles sont moins bien armées pour réussir dans leurs études ou sur le marché du travail.

La SRAN 2026–2035, qui vient succéder à la SRAN 2016–2025, a pour but de soutenir une réduction de 50 % de l'anémie chez les adolescentes et les femmes en âge de procréer. Grâce à diverses politiques nutritionnelles, cette stratégie vise à aider les États membres de l’UA à peaufiner leurs programmes et objectifs nationaux.

Si cette inégalité, cette faim dont on ne parle pas, prive les filles d’une alimentation nécessaire à leur croissance et d'opportunités de s’épanouir, il ne s'agit cependant pas de condamner la culture africaine en tant que bloc unique et sans nuances. À l’échelle du continent, on retrouve des différences dans la répartition de la nourriture et la manière dont elle est considérée. Plusieurs facteurs ont une influence sur la qualité du régime alimentaire des adolescent·es : la structure familiale, la situation professionnelle des parents et leur statut socioéconomique.

Rééquilibrer l'assiette

Des organismes tels que le Fonds des Nations unies pour l’enfance, l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et bien d'autres agences locales du continent continuent d'œuvrer en menant des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la malnutrition et la différence d’alimentation imposée aux adolescentes. En octobre 2023, la Tanzanie est devenue le premier pays d’Afrique à lancer au niveau national la campagne de Nutrition International « Avec une bonne nutrition, l'avenir lui appartient » afin d’insister sur l’importance d’une nutrition adaptée au développement et au bien-être des adolescentes.

Les inégalités en matière d’alimentation ne sont que le reflet des inégalités de genres présentes dans nos sociétés. Si l’Union africaine veut atteindre l’objectif de prospérité pour l’Afrique qu’elle s’est fixé dans son Agenda 2063, il faudra que chaque enfant, peu importe son genre, ait les mêmes chances de s'épanouir — et ça commence parfois dans l'assiette. Alors que la Stratégie régionale africaine de la nutrition entre dans sa prochaine décennie d'action, on ne peut que se demander si des progrès tangibles seront réalisés dans la lutte contre la malnutrition et la réduction de l'anémie à l’échelle du continent.

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2025 : l’année où l’avenir d’Internet se jouehttps://fr.globalvoices.org/?p=293308http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250321_141251_2025____l___annee_ou_l___avenir_d___Internet_se_joueFri, 21 Mar 2025 13:12:51 +0000Le modèle multipartite, garant d’un Internet ouvert et inclusif, pourra-t-il survivre ?

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

L’IA est-elle l’avenir d’Internet ? Illustration générée grâce à l’IA par Muhammed Bello Buhari. Utilisée avec permission.

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des
pages Web en français.]

Aujourd’hui, si vous publiez une vidéo sur un réseau social, vous pouvez être sûr qu’elle sera vue par des personnes du monde entier en quelques secondes. Que vous soyez dans un village reculé en Indonésie, dans les rues vibrantes de São Paulo au Brésil, ou dans la dynamique ville de Lagos au Nigeria, votre vidéo peut franchir les frontières et atteindre instantanément des millions de personnes. La structure actuelle d’Internet rend possible cette communication transparente et sans frontières, favorisant la collaboration et le partage d’idées à grande échelle. Malgré les restrictions ponctuelles imposées par certains gouvernements, la structure unifiée et interopérable d’Internet demeure identique à travers le monde entier dépassant les frontières géographiques et politiques.

Mais cela pourrait changer. L’année 2024 a marqué le début de discussions majeures susceptibles de redéfinir la gouvernance d’Internet, et ces débats se poursuivront en 2025. L’enjeu réside dans le passage d’un modèle multipartite, où les gouvernements, les entreprises, la société civile et les communautés techniques partagent la responsabilité, à une approche dominée par le gouvernement. Les thèmes abordés incluent l’Internet ouvert, la connectivité, l’intelligence artificielle (IA), l’infrastructure numérique, les droits humains et les objectifs de développement durable (ODD). Au cœur de ces débats émerge une question fondamentale : le modèle multipartite, garant d’un Internet ouvert et inclusif, pourra-t-il survivre ?

Comment fonctionne Internet et pourquoi est-ce important ?

Internet a été conçu comme un système décentralisé, un réseau de réseaux où aucune entité ne détient de contrôle absolu. Grâce à cette architecture, la participation égale, l’innovation et le partage libre d’idées ont été favorisés. Grâce à des normes ouvertes favorisant une interconnexion fluide et une gouvernance multipartite [en], Internet s’est imposé comme une plateforme mondiale révolutionnaire, où chacun peut créer des réseaux sans approbation centralisée. Le fonctionnement d’Internet repose sur le modèle d’interconnexion des systèmes ouverts (ISO), organisé autour de sept couches : « application », « présentation », « session », « transport », « réseau », « liaison de données » et « physique ».

Au fil des années, des entreprises comme Facebook (Meta), Google et Amazon, qui se concentraient initialement sur la couche « application» (avec des services tels que les réseaux sociaux, la recherche et le commerce électronique), ont progressivement investi dans d’autres couches, notamment les infrastructures telles que les câbles sous-marins et les centres de données. Cette intégration verticale renforce le pouvoir de ces entreprises, leur permettant de contrôler non seulement les services, mais également les couches « physiques » et « session » d’Internet. En perturbant l’architecture décentralisée, cette concentration d’influence donne à ces acteurs un contrôle excessif sur les canaux de communication mondiaux, ce qui suscite des préoccupations sur d’éventuelles pratiques monopolistiques. Une telle dynamique souligne l’importance d’une gouvernance solide afin de préserver l’ouverture, l’universalité et un accès équitable à toutes les couches d’Internet.

Pourquoi est-ce important ?

La couche « application » d’Internet regroupe des éléments essentiels de la vie quotidienne, tels que les réseaux sociaux, le commerce électronique et la navigation sur le Web. En dessous, la couche « réseau » assure l’attribution d’adresses IP (Internet Protocol) uniques aux appareils du monde entier, rendant ainsi possible la connectivité. Actuellement, l’attribution et la gestion des adresses IP reposent sur un système hiérarchique, supervisé par l’Internet Assigned Numbers Authority (IANA) et les registres Internet régionaux (RIR), assurant une répartition équitable et une gestion décentralisée. Cependant, si le contrôle des adresses IP venait à être centralisé, cela conférerait un pouvoir considérable sur les communications mondiales et les flux d’informations. La gouvernance d’Internet est donc cruciale, non seulement pour défendre la liberté d’expression, mais aussi pour préserver les principes décentralisés qui en constituent le fondement.

Pourquoi 2025 est-elle une année décisive ?

L’année 2025 est une année charnière pour l’avenir d’Internet, influencé par deux tendances mondiales et l’adoption du Pacte numérique Mondial (GDC) [en]. Premièrement, les gouvernements sont confrontés à une pression croissante, exacerbée par la pandémie de Covid-19 pour réguler l’écosystème numérique. La pandémie a révélé les failles des espaces numériques, notamment face à la désinformation, à la cybercriminalité et aux violations de la vie privée, renforçant les appels en faveur de régulations plus strictes. En 2022, plus d’un quart des gouvernements du monde avaient adopté des cadres nationaux [en] régissant les plateformes numériques, les contenus en ligne et les données des utilisateurs. Deuxièmement, les modèles d’Internet contrôlés par l’État, défendus par des pays tels que la Chine [en], reconfigurent le paysage numérique. La proposition chinoise de « nouvelle IP » [en] soumise aux organismes internationaux de normalisation, tels que l’ISO et l’UIT, vise à permettre à l’État justifiant les restrictions à l’ouverture et à l’interopérabilité par des notions comme la « sécurité nationale » et la « souveraineté numérique ». Ce phénomène est amplifié par des pays comme la Russie qui manifeste son intention de créer des réseaux isolés [en], menaçant ainsi le fondement même de l’Internet mondial en tant que « réseau de réseaux ».

La gestion des infrastructures critiques, telles que les adresses IP, est essentielle pour garantir que la communication mondiale reste ouverte et accessible. Prenons l’exemple d’une petite entreprise de commerce électronique basée au Kenya qui s’appuie sur des échanges transfrontaliers avec des clients en Europe. Une fracture de l’Internet mondial en réseaux isolés pourrait priver cette entreprise de l’accès aux marchés internationaux du jour au lendemain, entraînant un effondrement de ses activités et des moyens de subsistance qu’elle génère. De tels scénarios illustrent à quel point il est essentiel de maintenir un Internet ouvert et interconnecté.

En réponse, le GDC, négocié par 193 États membres et faisant partie du Pacte pour l’avenir [en], a été adopté en septembre 2024 lors du Sommet de l’avenir de l’ONU. Parmi les engagements clés du GDC figurent l’accès universel à Internet, le développement de systèmes d’IA éthiques, le renforcement de la coopération en cybersécurité et l’intégration des droits humains dans les politiques de gouvernance numérique. En outre, il vise à réduire les fractures numériques en favorisant un développement inclusif et équitable des technologies numériques.

Le GDC confère un rôle central au Bureau de l’Envoyé.e du Secrétaire général pour les technologies des Nations Unies à New York, consolidant ainsi l’autorité précédemment répartie entre des entités basées à Genève comme l’UIT et la CNUCED. Bien que ce changement vise à rationaliser la gouvernance, il soulève des inquiétudes quant à l’exclusion des acteurs non étatiques des processus décisionnels. Les critiques [en] craignent que cette centralisation marginalise le modèle multipartite et compromette l’intégration des principes des droits humains dans sa mise en œuvre. Ces développements coïncident avec le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI)+20 Examen 2025 [en], qui est chargé d’évaluer la mise en œuvre et les progrès réalisés depuis le SMSI 2005, y compris le FGI. L’enjeu est clair : Internet est à la croisée des chemins entre l’ouverture démocratique et le contrôle autoritaire.

L’examen du FGI et du SMSI+20 : Quels sont les enjeux ?

L’avenir du Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI), une plateforme multipartite ancrée dans le SMSI 2005, suscite une préoccupation majeure à l’approche de sa réévaluation lors de l’examen du SMSI+20. Malgré ses limites [en], telles que son manque de pouvoir décisionnel et ses choix d’hôtes controversés comme l’Arabie saoudite en 2024, le FGI reste l’une des plateformes les plus efficaces pour réunir un large éventail de parties prenantes. Il offre un espace unique pour des discussions sur la gouvernance de l’Internet fondées sur les droits humains et la recherche du consensus.

Un défi croissant réside dans l’évolution des débats au sein des forums mondiaux, où les droits humains sont de plus en plus encadrés à travers le prisme du développement économique, au détriment des libertés fondamentales telles que l’expression et la participation. Porté par des acteurs étatiques puissants et certaines organisations internationales, ce changement met en avant la place centrale des économies numériques et des infrastructures dans les programmes de développement à l’échelle nationale et mondiale. Bien que ces priorités s’alignent sur les objectifs de développement durable (ODD), elles risquent de mettre de côté les discussions cruciales sur la protection des droits et libertés individuels au profit d’impératifs économiques.

Préserver la gouvernance de l’Internet : ce qui doit être fait

Un engagement immédiat est crucial. La société civile doit se mobiliser pour protéger un Internet inclusif, ouvert et équitable. Un modèle multipartite, basé sur la transparence, la participation et la responsabilité, est indispensable pour préserver Internet comme une plateforme mondiale et interopérable. Pour préserver son essence, il faut faire preuve de vigilance et d’action pour contrer les efforts de centralisation du pouvoir ou d’affaiblissement des principes de gouvernance. Les parties prenantes doivent contribuer aux processus qui façonnent l’avenir de la gouvernance de l’Internet, en particulier le Pacte numérique mondial (GDC) et l’examen du SMSI+20. La feuille de route 2025 du GDC prévoit une souscription [en], un plan de mise en œuvre [en], des phases d’examen et une manifestation de haut niveau programmée d’ici 2027. De même, le SMSI+20 invite à réagir [en] aux lignes d’action du SMSI d’ici janvier 2025 et à organiser des consultations pour combler les lacunes du programme avant mars 2025. Ces processus constituent des opportunités stratégiques de plaider pour des politiques inclusives et transparentes, garantes d’un Internet ouvert.

L’urgence est évidente. Internet a radicalement changé depuis SMSI Genève 2003, devenant partie intégrante de la vie moderne. L’émergence de défis comme l’IA et la fragmentation géopolitique met en péril ses principes fondamentaux, mais le modèle multipartite demeure crucial pour surmonter ces enjeux complexes. La société civile doit renforcer la sensibilisation aux niveaux local et mondial, participer activement aux FGI nationaux et régionaux [en], et collaborer étroitement avec les décideurs politiques. Il est essentiel de mettre en place une communication efficace et de souligner l’importance d’Internet dans la réalisation des objectifs de développement durable. Prioriser les droits humains, soutenir l’inclusion numérique et élaborer des politiques justes permettront aux parties prenantes de préserver un Internet démocratique et innovant pour les générations à venir.

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Au Burundi, la reforestation reste un défi majeurhttps://fr.globalvoices.org/?p=293827http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250321_123538_Au_Burundi__la_reforestation_reste_un_defi_majeurFri, 21 Mar 2025 11:35:38 +0000Le bois est essentiel comme charbon pour cuisiner les plats

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une image qui illustre l'abattage des arbres dans une forêt au Burundi ; Photo de Ferdinand Mbonihankuye, utilisée avec permission

Cet article est publié dans le cadre de la formation sur la justice climatique en Afrique.

Face au dérèglement climatique, les forêts jouent un rôle crucial dans l’absorption des gaz à effets de serre, principale cause de la dégradation de la couche d’ozone. Au Burundi, bien qu’il existe une réelle volonté de reverdissement du pays, la reforestation peine à être assurée.

D'une superficie de 27.834 km2, le Burundi dispose d'une couverture forestière de moins de 20% du territoire national. En 2020, une publication de Global Forest estime:

En 2020, Burundi possédait 465 kha de forêt naturelle, s'étendant sur 17% de sa superficie. En 2023, elle a perdu 2.35 kha de forêt naturelle, ce qui équivaut à 2.41 Mt d'émissions de CO₂.

Lire : Les faux-palmiers, une espèce menacée d’extinction au Burundi

Dans le pays, la forêt couvre presque le tiers du territoire, mais le déboisement met en péril cette ressource verte unique. Sous la violence des haches, tronçonneuses et des machines, les arbres sont attaqués, laissant place à des espaces où se pratiquent des cultures vivrières, et où se construisent des immeubles ainsi que des routes.

Menaces sur les forêts

Une des principales causes de la déforestation est l’expansion agricole. Les espaces cultivables deviennent de plus en plus réduits alors que les bouches à nourrir sont de plus en plus nombreuses. Les terres forestières sont défrichées pour y cultiver des cultures vivrières.

Tandis que dans le pays, plus de 85% de la population vit en zones rurale, la majorité des Burundais, presque 80%, dépend du bois de chauffage pour la cuisine. Cet état de fait accélère la vitesse de la déforestation dans le pays.

Les feux de brousse, souvent allumés intentionnellement pour défricher des terres agricoles ou pour la chasse représentent une autre menace. De plus, l'exploitation illégale du bois et le manque d’une réglementation efficace aggravent la situation. A cela, s'ajoute la demande élevée en charbon de bois dans les zones urbaines. Cet élément essentiel dans la préparation des aliments se fait de plus en plus rare et de plus en plus cher parce qu'il est très utilisé dans tous les centres urbains. Sous l'anonymat, un fonctionnaire interrogé par Global Voices se plaint:

Le prix du charbon de bois a triplé. Le coût de la ration journalière varie dans la même proportion mais le salaire reste fixe.

Ceux qui construisent des maisons de plaignent également de la montée du prix des planches dans un contexte où l’inflation atteint 38,1% en janvier 2025.

Réactions insuffisantes des autorités burundaises?

Face à cette situation, les autorités burundaises semblent ne pas réagir pour mettre fin aux déboisements, comme le note Sylvain [nom d'emprunt] un habitant interviewé par Global Voices :

On cultive, on construit, on trace des routes, bref on détruit, ces habitations de plusieurs espèces d’animaux qui constituent de bonnes sources de revenus sur le plan touristique!

Cette situation est aussi confirmé par certains experts. Intervenant lors d’une conférence-débat sur le sujet, tenue le 28 janvier 2025 à l’Institut français de Bujumbura, capitale du Burundi, Philippe Guizol, forestier et scientifique social travaillant avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) au Burundi indique :

On observe une inertie des autorités burundaises dans le domaine de la protection des forêts de 2000 à 2025, dans ce pays densément peuplé aux paysages variés agro- sylvo- pastoraux avec une biodiversité unique. Le Burundi doit réfléchir s'il doit refaire des boisements industriels, investir beaucoup plus sur l'agroforesterie et l'agroécologie.

Le gouvernement certes a lancé certaines initiatives. Interviewée par Global Voices, Alphonsine Kanyange, chercheuse à l’université du Burundi en sciences et gestion intégrée de l’environnement, soutient que :

Le Burundi a mis en place plusieurs initiatives pour protéger et réhabiliter ses forêts. Parmi les initiatives les plus significatives figure le projet national de reforestation lancé en 2018 qui vise à restaurer le couvert forestier du pays.

L'un des projets du gouvernement burundais dénommé “ Ewe Burundi Urambaye” qui peut littéralement se traduire par  « Un Burundi bien habillé » a été mis en place pour sensibiliser la population à l'importance de la protection des forêts. Le programme comprend l’éducation environnementale en impliquant les écoles et les organisations communautaires.

Une artiste résume le dilemme socio-économique: Jeanne IRAKOZE, jeune slameuse et membre d'un groupe Regional Youth Steering Committee, déclame lors de la conférence-débat [citée plus haut] tenue le 28 janvier 2025, un poème:

Quand les arbres parlent, Il faut qu'on les écoute,

Réhabilitation forestière, c’est l’appel qu’on lance,

Un futur vert , pas juste un rêve, mais une chance.

 

Les forêts, c’est plus que des racines et des branches,

C’est l’air qu’on respire, c’est la vie qui s’élance.

C’est des rivières qui coulent, des sols qui se renforcent,

C’est le climat qu’on protège, et c’est la planète qui force,

Et quand on en abuse, on se révolte.

 

La révolte!

La nature nous parle,

Mais à peine on l'écoute;

Des crises climatiques ,

À cause de l’homme, on  tourne pas la page,

Les forêts sont en danger;

 

La déforestation frappe fort, et  ça fait mal,

Des conséquences néfastes on en voit une centaine,on souffre fort;

Pourtant la réhabilitation reste un  chemin idéal, qu'on ignore.

Lire : Forêts et parcs en RDC et au Burundi victimes de l’infertilité des terres 

Les initiatives de réhabilitation forestière nécessitent des investissements importants notamment pour la replantation d’arbres, la gestion des ressources naturelles et la sensibilisation des communautés locales.

Mais le Burundi dispose d'une économie précaire et fait face à des contraintes budgétaires sévères. Le manque de financements publics et privés pour soutenir les projets à long terme est un obstacle majeur.

La dépendance vis-à-vis des aides internationales souvent insuffisantes et irrégulières limite aussi la capacité du pays à mettre en place une réhabilitation forestière durable.

Seule une volonté politique forte et des moyens adéquats pourront changer la donne dans un domaine critique pour le bien-être des futures générations

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Hong Kong piégée dans la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unishttps://fr.globalvoices.org/?p=293836http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250317_153341_Hong_Kong_piegee_dans_la_guerre_commerciale_entre_la_Chine_et_les_Etats-UnisMon, 17 Mar 2025 14:33:41 +0000Les dix pour cent de taxes supplémentaires sur les produits chinois s'appliqueront également aux produits d'Hong Kong.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le terminal à conteneurs de Kwai Chung à Hong Kong. Photo de Kyle Lam/HKFP

Écrit par Han Tse, cet article fut initialement publié par Hong Kong Free Press le 15 février 2025. Une version éditée de cet article est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

À cause des tarifs imposés par le président des États-Unis sur les produits chinois, qui affectent également les produits originaires de Hong Kong, la ville se retrouve involontairement mêlée à la guerre commerciale opposant ces deux puissances mondiales.

Le 1ᵉʳ février, Trump a signé un décret présidentiel imposant 10 % de tarifs douaniers supplémentaires pour les produits en provenance de Chine et de Hong Kong. Ces tarifs viennent s'ajouter à ceux déjà présents auparavant.

Ce à quoi Pékin a répondu en imposant à leur tour des tarifs sur les importations états-uniennes, telles que l'énergie et la machinerie. Le gouvernement hongkongais a quant à lui fulminé face au gouvernement américain pour avoir ignoré le statut de « territoire douanier séparé de la Chine continentale ». La ville a également menacé de déposer une plainte à l'organisation mondiale du commerce (OMC), tout comme l'a fait Pékin le 4 février.

Malheureusement, ces plaintes risquent de ne mener nulle part. En effet, le système permettant de résoudre les disputes internationales est paralysé depuis des années à cause des États-Unis. Ces derniers empêchent la nomination de juge dans l'Organe d’appel permanent, le plus haut corps du règlement des différends de l'OMC.

Ce n'est pas non plus la première fois que Hong Kong se retrouve sous les tirs croisés de la Chine et des États-Unis.

HKFP va ici retracer les événements de cette dispute commerciale, éclaircir le statut de territoire douanier séparé de Hong Kong et expliquer pourquoi une plainte à l'OMC pourrait ne pas avoir l'effet escompté.

La guerre commerciale opposant la Chine aux États-Unis

En mars 2018, lors de son premier mandat, Trump avait annoncé des tarifs douaniers de 25 % sur l'acier et 10 % sur l'aluminium en provenance de la plupart des pays du monde, Chine incluse.

Peu après, il imposa une taxe supplémentaire de 25 % sur plus de 1300 produits chinois, allant de l'électronique à l'aéronautique, en passant par les batteries et la médecine.

Trump avait à l'époque accusé la Chine de « vol intellectuel » et de « pratiques commerciales déloyales ». En avril 2018, Pékin avait répondu en imposant des tarifs sur les produits américains comme le porc, les germes de soja ou les voitures.

Dans les mois qui ont suivi, les deux plus grandes économies du monde allaient se rendre coup pour coup en imposant toujours plus de tarifs, ce qui finira par affecter au moins 300 milliards de dollars de produits chinois et 110 milliards de dollars de produits américains.

Cette guerre ne se calmera qu'au début de l'année 2020, quand les deux pays signeront un accord commercial dans lequel le gouvernement chinois s'est engagé à acheter près de 200 milliards de dollars en produits américains. Cela dit, selon Washington, Pékin n'a pas su honorer sa part du marché.

Les tarifs introduits par Donald Trump ne seront pas supprimés par son successeur, Joe Biden, qui ira même jusqu'à imposer des restrictions plus strictes concernant la vente de semi-conducteurs et autres produits high-tech à la Chine.

En 2024, en vue de la campagne électorale l'opposant à Trump, qui s'engageait à imposer 60 % de tarifs sur les produits chinois, Biden avait également augmenté les tarifs de certains imports stratégiques depuis la Chine, des véhicules électriques ou des minerais importants, entre autres.

Début février, seulement quelques semaines après son investiture, Trump a imposé 10 % de tarifs supplémentaires sur les produits chinois.

Il a également supprimé le seuil « de minimis » pour les imports de moins de 800 dollars. Une décision qui affecte grandement les géants du e-commerce chinois comme Shein et Temu, deux sites populaires aux États-Unis.

Pékin a riposté en imposant des droits de douane sur le charbon, le gaz naturel liquéfié, et bien d'autres produits américains.

Hong Kong, un «territoire douanier séparé»

Hong Kong, colonie britannique jusqu'en 1997, a longtemps été considéré comme l'endroit parfait pour le commerce international. La ville est également un membre fondateur de l'OMC, crée en 1995.

La loi fondamentale de Hong Kong, déclare que la ville est un « territoire douanier séparé », permettant à la ville de rejoindre des associations commerciales internationales et de signer des accords sans être associé à la Chine continentale.

Par ailleurs, depuis 1992, la ville jouit d'un traitement de faveur de la part de Washington en termes d'économie et de commerce.

Cependant, Trump a signé en 2020 un décret présidentiel rendant les tarifs imposés à la Chine deux ans plus tôt également applicable aux imports depuis Hong Kong.

Le décret, qui fut signé peu après la mise en place forcée de la Loi sur la sécurité nationale de Hong Kong en 2020, vint mettre fin au statut douanier séparé de la ville.

Depuis, les imports en provenance de Hong Kong vers les États-Unis sont non seulement sujets aux mêmes tarifs que les produits chinois, ils doivent également être étiquetés « made in China ».

Les 10 pour cent de taxes supplémentaires sur les produits chinois et la suppression du seuil « de minimis » seront donc également appliqués aux imports de Hong Kong.

D'après les chiffres officiels, en 2024, les États-Unis étaient le troisième plus gros partenaire commercial de Hong Kong. La ville aurait importé près de 206 milliards de dollars de Hong Kong en produits américains et exporté des produits valant près de 295 milliards de dollars de Hong Kong vers les États-Unis. Ces chiffres prennent en compte les exportations locales et les réexportations.

Ces tarifs supplémentaires risquent de grandement affecter les commerces de Hong Kong, dont les chaînes d'approvisionnement se situent en Chine continentale, ainsi que les revendeurs d'e-commerce.

Pourquoi une plainte à l'OMC ne mènera-t-elle nulle part?

Même si le gouvernement de la ville minimise l'impact de ces tarifs, ils ont tout de même accusé Washington de violer les lois du commerce international.

La ville a prévenu Washington que « s'ils ne font pas marche arrière, Hong Kong fera tout son possible pour défendre ses intérêts », cela inclut l'intervention de l'organisation mondiale du commerce.

Malheureusement, une plainte à l'OMC pourrait ne pas changer grand-chose.

Le processus de règlement des différends de l'OMC commence par des discussions entre les parties concernées. Si ces discussions n'aboutissent pas, un groupe spécial composé de trois à cinq experts vont, en premier lieu, prendre une décision. Chaque pays peut faire appel de la décision d’un groupe spécial à un Organe d’appel.

L'Organe d’appel permanent est le plus haut corps du règlement des différends de l'OMC. Composé de sept experts des lois et du commerce international, chaque appel est traité par trois de ces sept membres.

Durant les prémices de la guerre commerciale, en 2018, Pékin avait déjà déposé une plainte contre les États-Unis à l'OMC, qui, en 2020, avait reconnu que les tarifs imposés par Trump violaient les règles du commerce international.

En octobre 2020, les États-Unis avaient fait appel. Cependant, l'affaire est aujourd'hui au point mort. En effet, Washington a empêché la nomination de juge dans l'Organe d’appel de l'OMC. Le dossier n'a donc pas avancé depuis décembre 2019.

En raison des décisions prises par l'OMC, Washington avait accusé l'Organe d’appel
« d'amplifier les faits réels », refusant ensuite de se soumettre aux règles de l'organisation. Barack Obama, alors président, avait déjà bloqué la nomination de juge dans l'Organe d’appel en 2016. Les gouvernements de Trump et de Biden ont continué sur cette lancée.

L'OMC a déjà averti que « si aucune solution n'est trouvée, il y a de fortes chances que cette plainte ne serve à rien ».

À l'heure actuelle, 32 décisions de l'OMC, dont la décision prise en 2020 sur les tarifs imposés par Trump, n'ont mené nulle part.

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Balkans occidentaux : recrudescence de la désinformation et de la diffamation suite au gel des subventions de l'USAIDhttps://fr.globalvoices.org/?p=293912http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250317_014629_Balkans_occidentaux___recrudescence_de_la_desinformation_et_de_la_diffamation_suite_au_gel_des_subventions_de_l_USAIDMon, 17 Mar 2025 00:46:29 +0000En réalité, l'aide étrangère est octroyée en grande partie aux institutions publiques et au secteur privé

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Event from USAID project for interethnic integration in education in North Macedonia, November 24, 2017. Public Domain photo by the Government of Republic of North Macedonia.

Macédoine du Nord, le 24 novembre 2017 : évènement du projet USAID pour l'intégration inter-ethnique dans l'éducation ; photo publiée par le gouvernement macédonien.

Dans les pays des Balkans occidentaux, le gel de l'aide étrangère, ordonné par le nouveau gouvernement américain, compromet de nombreux projets de la société civile, des droits de l'homme et des médias indépendants.

Bien qu'il soit difficile d'estimer le nombre exact d'organisations touchées, elles sont des centaines. Seule une part relativement modeste de l'aide extérieure américaine était destinée à la société civile, mais ces dernières années, elle s’est avérée critique pour des domaines tels que la professionnalisation des médias, les droits de l'homme, la lutte contre la corruption, l'éducation aux médias et la lutte contre la désinformation, pour lesquels des fonds nationaux n’existent pas.

Tous les programmes financés par l’Agence américaine pour le développement international (USAID), et le département d'État, ont été suspendus en vertu du décret sur la « réévaluation et le réalignement de l'aide étrangère des États-Unis », publié par le président américain le 20 janvier dernier, et ce pour une période de 90 jours au cours de laquelle le gouvernement peut décider de stopper, de poursuivre ou de modifier les projets en cours, en fonction des priorités et des valeurs de Donald Trump.

D'autres fonds américains, notamment ceux contrôlés par le Congrès, sont également concernés. Selon NPR, le tout nouveau département de l’Efficacité gouvernementale (ou DOGE) dirigé par Elon Musk, au sein du département du Trésor, a également gelé le financement de la Fondation nationale pour la démocratie, une ONG bipartite, entraînant l’interruption du travail des bénéficiaires de ses subventions.

Dans toute la région des Balkans occidentaux, les conséquences dramatiques du gel sur la société civile sont au cœur des débats publics. La situation réjouit les anti-occidentaux qui mènent de vastes campagnes de diffamation sur la disparition des soi-disant « mercenaires » et « agents étrangers », comme s'ils étaient les seuls bénéficiaires de l’aide étrangère, tout en ignorant largement le fait que la majeure partie du financement américain en Europe de l'Est était canalisée non seulement vers la société civile, mais aussi vers des institutions publiques et privées.

Pour de nombreux hommes politiques et médias des Balkans, la longue histoire de l'USAID dans leur région, source de fierté, depuis les débuts de l’aide aux sinistrés après le tremblement de terre de Skopje en 1963, jusqu'à plus récemment le fait d’avoir fait de la Macédoine le « premier pays à disposer d'un réseau sans fil » en 2005, semble presque oubliée.

Comme l’explique cette vidéo, grâce à l’aide américaine, l’accès à haut débit a contribué à améliorer la qualité de vie des citoyens macédoniens, à stimuler l'économie et à rehausser le profil international du pays.

Les informations sur l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie, disponibles sur le site Internet du gouvernement américain ForeignAsistance.gov, indiquent que la majorité des fonds actuels sont alloués aux infrastructures essentielles, à la numérisation et à la cybersécurité, au renforcement du secteur de l'énergie, à la croissance économique du secteur privé (y compris les startups et les petites et moyennes entreprises), à la lutte contre la corruption, à l'intégrité des élections, à l'éducation, à l'administration locale, à la résilience des jeunes, ainsi qu'à la culture.

En Macédoine du Nord, par exemple, la suspension des subventions compromet la construction de routes et l'approvisionnement en eau dans plusieurs municipalités. Les infrastructures du Kosovo sont particulièrement touchées, étant donné que l’aide en provenance de l’Union européenne est bloquée depuis 2023.

Contrairement aux inquiétudes de la société civile, les représentants des gouvernements des Balkans ont jusqu'à présent minimisé la question de l'aide étrangère américaine. Par exemple, le Premier ministre de la Macédoine du Nord, Hristijan Mickoski, a déclaré qu'il « ne pensait pas que les institutions publiques seraient affectées par la décision du président Donald Trump », et qu'elles examineraient et se prononceraient sur le sujet ultérieurement.

Des politiciens populistes, dont les administrations ont bénéficié par le passé de l'aide des États-Unis, tels que l'ancien Premier ministre macédonien, et actuel fugitif de la justice Nikola Gruevski, et le président serbe Aleksandar Vučić ont pleinement adopté la rhétorique anti-USAID, faisant écho aux fausses affirmations d'Elon Musk qui l'a qualifiée d’« organisation criminelle », et célébrant la fin de « l'argent américain. »

Une désinformation systématique sévit dans la région sous la forme de fausses informations et diverses interprétations liées à l’USAID, telles que des dépenses de 50 millions de dollars pour l'achat de préservatifs pour Gaza, le lancement de « révolutions de couleur » et des versements d’argent à des stars d’Hollywood pour se rendre en Ukraine.

Le gel de l'aide américaine affecte les médias indépendants

La Fédération européenne des journalistes (FEJ) a invité tous les donneurs potentiels en Europe à se mobiliser afin de pallier au désengagement des États-Unis, notamment en ce qui concerne le maintien des médias ukrainiens, du réseau des journalistes exilés de Biélorussie et des programmes multimédias au Kosovo.

La majorité des médias des Balkans occidentaux dépendent de subventions de l’USAID et autres organisations américaines, en raison de la faiblesse de leurs économies où les attaches politiques influencent le financement local. En outre, les donateurs européens apportent peu de soutien à la production de contenu journalistique. Dans ce contexte, des professionnels des médias de Bosnie-Herzégovine ont fait part de leurs principales inquiétudes dans un article publié par Mediacenter Sarajevo.

Selon Milica Samardžić, directrice générale de l’association Umbrella, composée de 13 organes médiatiques impliqués dans le journalisme d’investigation, le « gel de l’aide étrangère américaine aura de graves conséquences pour le secteur des médias, en particulier pour les médias indépendants et d’investigation qui dépendent du soutien de donateurs.

Elle ajoute qu’ils « risquent de perdre une part importante de leur budget, pouvant mener à une réduction des activités, de la fermeture de rédactions, et même de la fermeture définitive d’organes de presse ». Ceux concernés mettent en garde que « si des fonds ne sont pas trouvés d’ici les trois prochains mois pour couvrir les coûts opérationnels, 64 % des journalistes qui travaillent dans les salles de rédaction pourraient se retrouver au chômage, soit environ 59 personnes ».

Mediacenter a interrogé des organes médiatiques dans tout le pays, y compris la République serbe de Bosnie, qui a tenté par le passé de lutter contre la société civile en s’appuyant sur des modèles autoritaires russes.

Dans un communiqué à Mediacenter, Jelena Jevđenić, rédactrice en chef du site Impuls, basé à Banja-Luka, explique les problèmes auxquels elle fait face, suite à l’annonce du démantèlement de l’USAID. Outre la crise financière, Impuls, tout comme d’autres organes de presse, fait également l’objet d’attaques de la part de conservateurs qui se réjouissent de la décision de Donald Trump.

Jer su nas, nevladine organizacije i nezavisne medije, prikazali kao nekog ko zgrće enormne količine novca. Ipak najveće donacije su dobijale i dobijaju institucije. U prvim danima obustave pomoći režimski mediji u RS su već prozivali nezavisne istraživačke medije. To već dovoljno govori u kakvoj nepovoljnom položaju se nalazimo.

Nous, ONG et médias indépendants, sommes décrits comme des amasseurs d’argent. Mais en vérité, les dons les plus importants ont été, et continuent d’être versés aux institutions publiques. Lors des premiers jours du gel de l’USAID, les organes médiatiques du régime de la République serbe de Bosnie, discréditaient déjà les médias indépendants et le journalisme d’investigation. Cela en dit long sur la situation défavorable dans laquelle nous nous trouvons.

Impuls couvre des sujets comme l’écologie, l’activisme, la corruption et les groupes marginalisés, et collabore avec d’autres médias traitant les mêmes sujets, ainsi qu’avec des journalistes d’investigation qui dénoncent la corruption, l’abus de pouvoir, et d’autres problèmes de société.

Selon Mediacenter, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, ne souhaite pas financer les médias indépendants et d’investigation. Les subventions provenant des gouvernements et des communautés locales sont principalement destinées aux organes de presse qui font preuve de loyauté envers les autorités. Du coup, les organes médiatiques indépendants comptent essentiellement sur les fonds de donateurs étrangers. Senka Kurt, éditrice du site Interview.ba explique :

Donatorska pomoć je iznimno važna imajući u vidu da naše vlasti javne prihode i budžete koriste za svoje prijatelje, rođake, kumove a ne za nezavisne medije kojima redovno prijete i šalju upute kako trebaju izvještavati.

Les dons sont très importants, alors que nos gouvernements allouent les fonds publics à leurs amis, leurs proches, et leurs sympathisants, et non pas aux médias indépendants qui sont régulièrement menacés et dont ils dictent la manière de travailler.

Borka Rudić, secrétaire générale de l’Association des journalistes de Bosnie-Herzégovine, craint aussi qu'en raison du gel, les propriétaires de médias ne commencent tout d'abord par licencier des journalistes et des chercheurs. Ils préconisent la création d’un fonds national pour promouvoir le pluralisme dans les médias, ainsi que l’augmentation de fonds de l’Union européenne en faveur des médias, une requête qui a dernièrement été adressée par les fédérations internationale et européenne des journalistes. Elle ajoute néanmoins :

No, s obzirom na budžet EU parlamenta i izjave nekih od radikalnih EU parlamentaraca, nisam sigurna da će biti dovoljno novca za nezavisne medije ne samo u BiH već i diljem Evrope.

Cependant, compte tenu du budget du Parlement de l’UE, et des déclarations de certains députés radicaux européens, je ne suis pas certaine qu’il y aura suffisamment d’argent pour les médias indépendants, non seulement en Bosnie-Herzégovine, mais dans toute l’Europe.

Les communautés marginalisées sont les plus touchées

En Macédoine du Nord, Prizma déclarait le 20 février dernier que des dizaines d’organisations de la société civile avaient perdu une part importante de leurs subventions. Le gel nuit gravement à celles qui travaillent avec « les communautés marginalisées délaissées par l’État », telles que les victimes de violence conjugale.

Le Comité Helsinki pour les droits de l’homme a déjà fermé son centre d’accueil, qui offrait un refuge aux personnes LGBT+ bannies de leurs familles.

Dans un communiqué à Prizma, Slavčo Dimitrov, directeur de l’organisation Coalition Margins, a déclaré qu’il anticipait l’annulation de la plupart de ces programmes après la période de gel.

Oсобено ќе бидат скратени оние програми кои што се занимаат со различност, еднаквост и инклузија, кои се специфично таргетирани од администрацијата на Трамп.

Nous nous attendons, notamment, à l’annulation de programmes relatifs à la diversité, l’équité et l’inclusion, des principes auxquels l’administration Trump est particulièrement hostile.

L’organisation sera obligée d’interrompre plusieurs de ses programmes, dont le but est d’apporter un soutien psychologique aux femmes victimes de violence, et aux personnes LGBT+. De plus, elle ne sait pas si elle pourra continuer à fournir une aide juridique aux victimes de violence en cas de procès, ou de litige avec des institutions étatiques. En 2024, grâce à l'USAID, Coalition Margins a offert ses services à 142 victimes de violence conjugale et sexiste.

Coalition Margins souligne également que la réduction des financements augmente les risques de violence dans le contexte d’un mouvement anti-droits LGBT+ et anti-genre grandissant, et présente notamment une menace pour la sécurité des personnes transgenres, des militants et des journalistes. Slavčo Dimitrov conclut :

Згаснување на дел од организациите, значи и губење на јавен глас во демократската сфера кој ќе говори за овие прашања. Просторот кој што полека веќе се испразнува ќе стане простор за ширачите на дезинформации, говор на омраза и ќе биде полесно окупиран од анти-родовите движења.

Les voix publiques, qui provoquent ces débats à l’intérieur de la sphère démocratique, seront perdues si une partie de ces organisations disparaît.  Au fur et à mesure que ces voix s’éteindront, elles seront remplacées par celles qui diffusent de fausses informations et des discours de haine, facilitant ainsi l'enracinement des mouvements opposés à l'égalité des sexes.

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L'Araméen et son héritage en Syrie : une histoire millénairehttps://fr.globalvoices.org/?p=294157http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250317_013531_L_Arameen_et_son_heritage_en_Syrie___une_histoire_millenaireMon, 17 Mar 2025 00:35:31 +0000L'araméen est une langue sémitique dont les origines remontent à plus de 3 000 ans.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Stèle avec inscription araméenne dédicatoire au dieu Salm. Grès, Ve siècle avant notre ère. Trouvée à Teima, Arabie du Nord-Ouest. Musée du Louvre, Domaine public, via Wikimedia Commons

La langue araméenne, l'une des plus anciennes langues encore parlées dans le monde, occupe une place particulière dans le cœur de ceux qui chérissent le patrimoine linguistique et l'identité culturelle. Originaire de Syrie, je suis très fière d'appartenir à une communauté qui a préservé cette langue ancienne, en particulier dans la ville historique de Maaloula. Nichée dans les montagnes escarpées au nord-est de Damas, Maaloula est un témoignage vivant de la résilience de l'araméen, une langue qui a survécu à des millénaires et qui continue d'être parlée par ses habitants aujourd'hui.

La langue de l'Antiquité

L'araméen est une langue sémitique dont les racines remontent à plus de 3 000 ans. C'était la lingua franca de l'ancien Proche-Orient, parlée par des empires tels que les Assyriens, les Babyloniens et les Perses. C'est également la langue que l'on pense avoir été parlée par Jésus-Christ, ce qui en fait une pierre angulaire de l'histoire et de la théologie chrétiennes. Malgré l'essor de l'arabe et d'autres langues dans la région, l'araméen a perduré, en particulier dans des communautés isolées comme Maaloula, où il a été transmis de génération en génération.

Cependant, la guerre civile en Syrie a été un obstacle majeur à son existence. La guerre a contraint l'Institut araméen de Maaloula, qui se consacrait à la préservation et à l'enseignement de la langue aux générations suivantes, à fermer ses portes.

Maaloula : un bastion de l'araméen

La petite ville de Maaloula est l'un des derniers endroits au monde où l'araméen est encore une langue vivante. Le nom de la ville, dérivé du mot araméen signifiant « entrée », reflète son importance historique et culturelle. Les habitants de Maaloula, principalement des chrétiens, ont préservé la langue à travers l'usage quotidien, les rituels religieux et les traditions orales. La ville abrite également deux des plus anciens monastères chrétiens du monde : le monastère de Saint-Serge et Bacchus et le monastère de Sainte-Thècle. Ces sites attirent les pèlerins et les linguistes, attirés par le mélange unique de spiritualité et d'héritage linguistique.

L'araméen parlé à Maaloula est connu sous le nom de néo-araméen occidental, un dialecte qui a évolué au fil des siècles, mais qui conserve de nombreuses caractéristiques de la langue ancienne. Ce dialecte se distingue des dialectes néo-araméens orientaux parlés par les communautés assyriennes et chaldéennes dans d'autres parties de l'Asie occidentale. La survie du néo-araméen occidental à Maaloula témoigne de l'isolement de la ville et de la détermination de ses habitants à préserver leur identité culturelle.

Cette vidéo de 2008 raconte l'histoire de Maaloula et de ses habitants qui préservent la langue araméenne :

L'araméen et l'arabe

La langue araméenne a exercé une profonde influence sur l'arabe, en particulier dans le Levant (Syrie, Liban, Jordanie et Palestine). De nombreux mots dans les dialectes arabes modernes, notamment le dialecte syrien, ont des racines araméennes ; ce qui souligne les liens linguistiques et culturels profonds entre les deux.

Par exemple, il existe des mots qui ont évolué vers l'arabe comme :

  • le mot araméen : ܐܒܐ (Aba), signifiant père, et son équivalent en arabe أب (Ab)
  • le mot araméen : ܡܠܟܐ (Malka), signifiant roi, et son équivalent en arabe ملك (Malik)
  • le mot araméen : ܫܡܝܐ (Shmayā), signifiant ciel ou paradis, et son équivalent en arabe سماء (Samā’)
  • le mot araméen : ܒܝܬܐ (Bayta), signifiant maison, et son équivalent en arabe بيت (Bayt)
  • le mot araméen : ܐܪܥܐ (Ar’a), signifiant maison, et son équivalent en arabe أرض (Arḍ)

La préservation de l'araméen rappelle également la riche diversité de la Syrie. Malgré les défis posés par le temps et les conflits, les habitants de Maaloula ou d'autres villages voisins comme Jubb'adin, ont continué à maintenir leurs traditions linguistiques, garantissant que l'araméen reste une langue vivante plutôt qu'une relique du passé.

L'araméen dans le monde

La langue araméenne a attiré l'attention du monde entier avec la sortie du film de Mel Gibson « La Passion du Christ » en 2004. Ce film, qui dépeint les dernières heures de la vie de Jésus-Christ, se distingue par l'utilisation de l'araméen et du latin, langues parlées dans la Judée du premier siècle. Pour garantir l'authenticité du film, Gibson a fait appel à des linguistes et à des spécialistes de l'araméen pour apprendre aux acteurs à parler cette langue. Cet effort a permis non seulement d'ajouter une précision historique au film, mais aussi de mettre l'araméen au premier plan de la culture populaire.

Les dialogues du film sont entièrement reconstitués en araméen, en hébreu et en latin. Bien que Gibson y ait été initialement opposé, le film a été sous-titré. L'utilisation de l'araméen dans le film a suscité un regain d'intérêt pour cette langue, ce qui a permis de prendre conscience de son importance historique et culturelle. Pour beaucoup, le film a été leur première exposition à l'araméen, et il a servi à rappeler l'héritage durable de la langue.

Préserver une langue et une histoire

La langue araméenne est plus qu'un simple moyen de communication ; c'est un pont vers le passé, qui nous relie aux anciennes civilisations et traditions spirituelles qui ont façonné notre monde. Pour ceux qui souhaitent apprendre l'araméen, plusieurs instituts, ONG et ressources sont disponibles. En tant qu'habitant de la Syrie, je suis fier d'appartenir à une communauté qui a sauvegardé ce trésor linguistique.

En apprenant et en préservant l'araméen, nous honorons non seulement nos ancêtres, mais aussi la riche tapisserie de l'histoire humaine qu'ils ont contribué à tisser. En adoptant et en promouvant la langue araméenne, nous veillons à ce que ce trésor antique reste un élément vivant de notre patrimoine humain commun.

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Les manifestants d'Avarua exigent la transparence dans l'accord entre la Chine et les Îles Cookhttps://fr.globalvoices.org/?p=294119http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250317_012229_Les_manifestants_d_Avarua_exigent_la_transparence_dans_l_accord_entre_la_Chine_et_les_Iles_CookMon, 17 Mar 2025 00:22:29 +0000The deal boosts China's growing presence and influence in the Pacific

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Cook Islands protest

Manifestation devant le parlement des Îles Cook. Capture d'écran de la vidéo YouTube de 1News. Utilisée avec permission.

Le 18 février, près de 400 personnes ont participé à une manifestation rare devant le bâtiment du parlement à Avarua, la capitale des Îles Cook, exigeant la transparence de l’accord signé par le Premier ministre Mark Brown lors de son voyage en Chine.

Le Plan d’action Chine-Îles Cook pour un partenariat stratégique global a été annoncé le 14 février ; alors que l’on craignait qu’il ait été négocié sans consultation appropriée du public et du gouvernement néo-zélandais.

Les Îles Cook sont un pays du Pacifique Sud en libre association avec la Nouvelle-Zélande. Ses 15 000 habitants peuvent vivre et travailler en Nouvelle-Zélande, et le pays doit être consulté sur tous les accords et échanges internationaux.

Le gouvernement néo-zélandais a déclaré qu’il n’était pas informé des détails de l’accord que Brown a cherché avec la Chine. Des rapports ont indiqué que cet accord se concentrait sur la promotion de la coopération portant sur le commerce, la résilience climatique, l’exploitation minière en haute mer et les questions maritimes.

Avant son voyage en Chine, Brown s’est engagé à publier tous les documents liés à l’accord et a assuré au public que la relation constitutionnelle des Îles Cook avec la Nouvelle-Zélande ne serait pas affectée.

Brown a assisté à la signature de l'accord en Chine, que son gouvernement a décrit comme une avancée dans la diplomatie internationale du pays.

Mais une manifestation l'a accueilli au lendemain de son arrivée de Chine. La cheffe de l'opposition Tina Browne faisait partie de la foule qui a fustigé le manque de transparence de l'accord :

Il parle de transparence, mais je ne pense pas qu'il connaisse la signification réelle de ce mot. Il ne s'agit pas de transparence, mais simplement de choisir ce qu'il veut révéler.

Elle a ajouté que l’accord pourrait porter atteinte à la souveraineté du pays :

Nous n’avons aucun problème à ce que notre gouvernement aille demander de l’aide.

Cependant, nous avons un problème lorsque cela met en péril notre souveraineté, et nos relations avec la Nouvelle-Zélande.

Dans un discours devant le Parlement, Brown a défendu sa décision de signer un accord avec la Chine :

Je suis conscient que certains membres de notre communauté se sentent ignorés dans les décisions récentes. Je sais qu’aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement d’un problème, mais de plusieurs problèmes. Il s’agit de l’avenir de notre pays. Il s’agit de confiance. Il s’agit de veiller à ce que chaque habitant des Îles Cook se sente entendu. Je vous vois. Je vous entends. Et je vous respecte.

Je tiens à être clair : ce gouvernement attache du prix à la transparence, à la consultation et au dialogue ouvert. Notre engagement avec nos partenaires internationaux, notamment la Chine, a toujours été mené dans le meilleur intérêt de notre peuple.

Il a également expliqué pourquoi le document relatif à l’accord apparaît quelque peu vague :

Certains ont dit qu’il y avait très peu de détails, et c’est délibéré, car les détails figureront dans toutes les négociations qui auront lieu pour tout futur projet potentiel qui pourrait avoir lieu, qu’il s’agisse du domaine de l’agriculture, du développement des infrastructures, etc.

Le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration a publié une déclaration résumant l’importance de l’accord :

Avec la signature du Plan d’action, les agences des deux gouvernements peuvent faire progresser les discussions sur une base sectorielle afin de s’appuyer sur les projets et initiatives bilatéraux existants et futurs qui peuvent contribuer à l'atteinte des résultats de développement des Îles Cook.

La ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, Tingika Elikana, s’est également exprimée au Parlement et a souligné qu’il n’y avait rien d’inhabituel pour les Îles Cook de rechercher des partenariats avec d’autres pays :

Nous sommes fiers de notre relation de libre association avec la Nouvelle-Zélande, qui a été bénéfique à la fois pour la Nouvelle-Zélande et pour les Îles Cook. Nos économies sont étroitement liées, nos peuples et nos cultures sont étroitement liés, et nos avenirs sont étroitement liés. Tout comme Aotearoa New Zealand continue de forger des partenariats internationaux dans l’intérêt du peuple néo-zélandais, notre gouvernement doit également forger des partenariats internationaux dans l’intérêt du peuple des Îles Cook.

Certains analystes n’ont vu rien de controversé dans le document d’accord publié par le gouvernement :

Cependant, dans une interview aux médias, Anna Powles, professeure associée du Centre d'études de défense et de sécurité de l'Université Massey, a souligné que la coopération maritime signée par le gouvernement pourrait avoir des implications plus importantes dans la région :

L'infrastructure proposée soutiendra à la fois la flotte de pêche chinoise et potentiellement la flotte de garde-côtes chinoise qui a étendu ses opérations dans l'océan Pacifique… Cela survient à un moment où la Chine a intensifié les tensions militaires dans la région du Pacifique.

The Guardian a interviewé la photographe locale Fe’ena Syme-Buchanan, dont l'opinion reflète les sentiments mitigés de certains résidents à propos de l’accord :

Il existe un potentiel de croissance économique, d’expansion des entreprises et d’amélioration des infrastructures, qui pourraient profiter aux habitants comme moi.

Mais soyons réalistes : de telles opportunités ont un coût. Les Îles Cook sont petites et lorsque vous signez des accords avec des géants économiques comme la Chine, vous devez vous interroger sur les conséquences à long terme.

Global Times, un journal financé par l’État chinois, a souligné dans un éditorial que « les pays du Pacifique Sud ne s’intéressent pas aux jeux géopolitiques [puisque] leur priorité est de répondre à leurs propres besoins de développement ». Il a ajouté :

La méfiance de certains Occidentaux est davantage motivée par leurs propres considérations géopolitiques que par une réelle préoccupation pour le développement des pays insulaires du Pacifique. L’esprit de compétition à courte vue et l’incertitude politique des Occidentaux ne sont pas exactement ce que les pays du Pacifique Sud souhaitent voir.

Le gouvernement de Brown a peut-être obtenu un engagement diplomatique majeur, mais la récente manifestation témoigne d’un scepticisme persistant à l’égard de l’accord. Brown devra peut-être redoubler d’efforts pour convaincre l’opinion publique et le gouvernement néo-zélandais que l’accord apportera plus d’avantages que de préjudices, non seulement aux Îles Cook, mais aussi à l’ensemble de la région du Pacifique.

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Gros plan sur la culture turkmène : entretien de Oguljamal Yazliyevahttps://fr.globalvoices.org/?p=293780http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250313_181412_Gros_plan_sur_la_culture_turkmene___entretien_de_Oguljamal_YazliyevaThu, 13 Mar 2025 17:14:12 +0000L'histoire de deux films iconiques pour comprendre la culture et l'identité du Turkménistan

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le personnage principal du film « Shukur Bagshy » jouant du dotâr. Capture d'écran provenant de la vidéo « Şükür bagşy we Gulam bagşy birinji tapgyr » postée sur la chaîne YouTube TravelerEuropa. Image utilisée avec permission.

Il faut souligner l'importance d'une bonne représentation culturelle et identitaire d'un pays au cinéma. Cela est d'autant plus vrai pour des pays comme le Turkménistan, connu pour être l'une des nations les plus recluses du monde, empêchant les chercheurs et les touristes de découvrir ou d'étudier la culture turkmène.

Dans un tel contexte, le cinéma devient alors l'un des rares moyens de découvrir la culture turkmène, il permet de se plonger dans le quotidien des citoyens. Heureusement, de nombreux films turkmènes sont disponibles sur internet, et ils peuvent très bien servir d'encyclopédie sur l'histoire, la culture et l'identité du Turkménistan.

Cet article est un extrait d'un entretien avec Mme Oguljamal Yazliyeva, représentante du Turkménistan et chercheuse portant son travail sur l'étude de l'Asie Centrale, plus particulièrement le Turkménistan. Au cours de cet entretien, Yazliyeva abordera la manière dont le cinéma reflète les racines historiques du pays et permet de préserver un riche héritage culturel.

Kechpelek : une histoire d'amour et de musique

« Kechpelek » (Amère Destinée) est l'un des films turkmènes les plus mémorables. Produit par Ovlyakuli Kuliyev dans les années 70, le film raconte une histoire d'amour avec comme toile de fond les traditions musicales turkmènes et la vie quotidienne dans le pays. Kechpelek suit un bagshy (un musicien) nommé Berdymurat et son histoire d'amour avec une femme nommée Maral. Berdymurat est interprété par le célèbre acteur Baba Annanov.

Kechpelek encapsule la vie quotidienne dans la société turkmène. Le film est bâti sur des scènes du quotidien, comme des disputes qui seront résolues après avoir partagé un bon repas, ou bien des scènes frivoles dans lesquelles ont ressent l'amour des personnages. Le film démarre d'ailleurs sur une scène de mariage. La musique du film a d'ailleurs été composée par le légendaire compositeur turkmène Nury Halmamedov. La musique joue un rôle important dans l'histoire, elle permet d'illustrer la manière dont l'art rassemble les gens. Yazliyeva partage son avis « l'histoire est peut-être triste, mais elle capture parfaitement le rôle que joue la musique dans le quotidien des turkmènes ».

Le film est disponible sur YouTube :

La bande-son fait partie intégrante de l'histoire du film, elle tisse un lien entre les émotions des personnages et les traditions du Turkménistan. Les chansons du personnage principal étaient en fait interprétées par le célèbre chanteur Annaberdy Atdanov, ce qui a permis à la bande-son de gagner en popularité chez les spectateurs. La musique du film rythme désormais le quotidien turkmène. Certaines personnes s'en servent pour les funérailles, pour des mémoriaux, ou bien d'autres événements tragiques nécessitant une musique forte et solennelle.

« La bande-son du film est extrêmement populaire et très importante. C'est plus qu'une musique de fond, c'est une partie intégrante de l'histoire » ajoute Yazliyeva.

« Mukam », l'une des chansons jouées dans « Kechpelek », interprétées par Annaberdy Atdanov. Via YouTube :

Shukur Bagshy : la musique, une arme pacifique

L'un des films les plus iconiques du cinéma est sans aucun doute « Shukur Bagshy » (La Compétition), réalisé par Boulat Mansourov, Turkmène d'origine tatar. Le film est adapté d'une histoire de Nurmyrat Saryhanov et met en valeur la puissance de la musique face au conflit. Pour cela, il faudra suivre l'histoire de Shukur, un bagshy turkmène qui, lorsqu'il est appelé à partir en guerre, emmènera avec lui son dotâr (l'instrument national du Turkménistan) au lieu d'une arme. Lorsque son frère sera fait otage d'un dirigeant perse, Shukur ira convaincre les membres de sa tribu de ne pas partir en guerre pour le sauver, mais plutôt d'organiser une compétition musicale dans la cour de ce dirigeant.

« Quand on lui demande pourquoi il a apporté un instrument, Shukur répond que c'est “parce que ma seule arme, c'est la musique” » dit Yazliyeva.

L'intrigue tourne autour d'une compétition musicale entre Shukur et un musicien perse nommé Ghulam qui se battent pour décider de l'avenir du frère de Shukur. Au final, les musiciens turkmènes triompheront sans avoir recours à la violence, et le frère de Shukur sera enfin libéré.

C'est un film philosophique qui nous fait nous demander, par exemple, si on peut sacrifier la vie de cent personnes pour en sauver une seule, s'il est possible de vivre sans inquiétudes, s'il est nécessaire de se battre, si un instrument de musique peut servir d'arme ou jusqu'où est-il possible de faire confiance à ses supérieurs et à ses ennemis.

De cette compétition musicale où sont joués des morceaux de mugham, prenant près de 90 pour cent du film, émerge alors un fort message antiguerre, questionnant la nécessité du pouvoir dans la vie. Les dialogues sont profonds et le film est toujours pertinent, même aujourd'hui.

Par exemple, il y a une scène dans laquelle le khan perse apparaît inquiet et demande à son vizir si une victoire turkmène pourrait mettre en péril son règne : « S'il perd, les gens iront en guerre des étoiles plein les yeux. S'il gagne, ils iront en guerre en quête de vengeance ».

« C'est un film très symbolique qui met en valeur les traits pacifiques des citoyens turkmènes : ils ne veulent pas faire la guerre. Ils règlent leurs problèmes avec amour, musique et paix », explique Yazliyeva.

Même s'il n'existe aucune archive prouvant que les Turkmènes étaient plus pacifiques que d'autres nations, ou qu'ils réglaient les conflits par la musique ou tout autre moyen non violents, il est vrai que dans les temps modernes, le Turkménistan a choisi de suivre la voix de la paix et de la coexistence.

En 1995, quatre ans après être sorti de l'URSS, le Turkménistan adopte officiellement le statut de neutralité et s'engage à ne prendre part à aucun conflit armé. Le statut de neutralité du pays, reconnu par l'ONU, interdit la présence de base militaire sur le territoire ainsi que la participation de la nation à quelconque opération militaire.

« Shukur Bagshy » est disponible sur YouTube :

Le cinéma turkmène, un entrepôt culturel

Pour Yazliyeva, le cinéma turkmène est bien plus qu'un simple divertissement, c'est un entrepôt qui sert à préserver l'histoire, les valeurs ainsi que l'identité de la nation.

If you watch Turkmen films, you can learn a lot about our culture and our history. Turkmen culture is open and hospitable, but it’s important for the world to understand us more deeply. Films are a way for people from different backgrounds to connect and learn from one another.

Il y a énormément de choses que vous pouvez apprendre sur notre culture et notre histoire rien qu'en regardant des films turkmènes. Notre culture a beau être accueillante, il est important que le reste du monde nous comprenne un peu plus. Les films peuvent aider les gens venant de différents milieux à se connecter et à apprendre l'un de l'autre.

Grâce à son excellente narration et sa profondeur culturelle, le cinéma turkmène joue un rôle important dans le fait de connecter le Turkménistan au reste du monde.

Comme le souligne Yazliyeva : « Le cinéma permet d'étendre ses connaissances d'un peuple, de mieux connaître leur histoire, de comprendre le développement de leur pays. Il permet de connecter les gens et de préserver notre héritage pour les générations futures. »

Le plus important dans ces films, c'est l'amour, la paix et l'expression artistique. Dans un monde en constante évolution, où il est plus important que jamais de comprendre ce qu'il se passe à travers les frontières de son pays, les films turkmènes servent à témoigner du pouvoir culturel et diplomatique que permet l'art.

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République dominicaine et énergies renouvelables : vers la voie de l’indépendancehttps://fr.globalvoices.org/?p=293736http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250313_175952_Republique_dominicaine_et_energies_renouvelables___vers_la_voie_de_l___independanceThu, 13 Mar 2025 16:59:52 +0000À l’heure actuelle, 24 nouveaux projets sont en cours de construction.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Montage réalisé avec Canva Pro.

Si la République dominicaine dépend fortement des énergies fossiles, elle s’est pourtant fixé un objectif clair : accroître son indépendance énergétique et importer moins d’énergies fossiles. D’un point de vue historique, ce pays dépend beaucoup du gaz naturel, du charbon et du fioul. Selon Marvin Fernández, consultant en matière environnementale et énergétique, en 2023, la consommation de la République dominicaine provenait à 85 % des énergies fossiles contre 15 % des énergies renouvelables (dont 4,8 % d’hydraulique, 4,7 % d’éolienne, 4,6 % de solaire et 0,9 % de biomasse).

« Grâce à l'augmentation de la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable comme l'énergie solaire et éolienne ainsi que la biomasse, nous économisons des millions de dollars en exportation et importation de barils de pétrole » a-t-il expliqué. « À l’heure actuelle en République dominicaine, le secteur de l'énergie représente 62 % des émissions de gaz à effet de serre. » Fernández a fait remarquer qu’en produisant de l’énergie à partir de sources renouvelables, la République dominicaine réduisait sa dépendance aux énergies fossiles. Ainsi, ses émissions de gaz à effet de serre et son empreinte carbone contribuaient à lutter contre les changements climatiques.

Depuis 2011, dans le cadre du Programme de facturation nette (Net Metering Program), au moins 17 529 consommateurs·rices se sont fait installer des panneaux solaires sur leur toit. Ce dernier permet aux propriétaires de panneaux solaires de recevoir des crédits sur leurs factures pour l’excédent d’énergie générée et réinjectée dans le réseau. Ce chiffre ne représente que 0,56 % des client·es des fournisseurs publics d'électricité (Empresa Distribuidora de Electricidad, EDE) qui produisent 3 % de l'énergie vendue par ces entreprises. « De cette quantité, a souligné Fernández, seulement 0,92 % est injecté dans le réseau de distribution, le reste étant autoconsommé. C'est un chiffre faible, surtout si l'on considère que la demande énergétique du pays a augmenté de plus de 55 % au cours de la même période et qu'elle continuera de croître ».

Il a également ajouté : « Nous ne produisons pas de pétrole, nous sommes vulnérables aux changements climatiques, mais nous avons accès à d'abondantes sources d'énergie renouvelable : il a fallu prendre des mesures pour les promouvoir et c'est ce que le pays a fait. » En 2020, selon le gouvernement, la capacité de production d'électricité issue de sources renouvelables s'élevait à 555,5 MW. Fin 2023, ce chiffre était passé à 1126,25 MW, soit une augmentation de plus de 103 % en trois ans. L'État a fait savoir que des projets photovoltaïques d’une capacité de production dépassant les 1300 MW étaient actuellement en construction dans différentes régions du pays.

Quelles sont les solutions mises en œuvre ?

Le spécialiste a insisté sur le fait que, quelle que soit sa taille, un projet axé sur les énergies renouvelables aura dans tous les cas un impact économique positif sur le pays. « Les projets les plus emblématiques, à mon avis, sont ceux qui ont osé ouvrir la voie à la production d'énergie solaire dans le pays et qui ont eu un impact positif sur la communauté. Je pense notamment au projet Monte Plata Solar de 30 MW par exemple. » À l’heure actuelle, 24 nouveaux projets sont en cours de construction. À terme, ils fourniront au réseau électrique national interconnecté de République dominicaine 1119 MW.

À cela s'ajoutent 27 autres projets basés sur l’énergie solaire dont la capacité de stockage s'élève à 2268 MW. Ils sont en cours d’étude par la Commission nationale énergétique et les travaux devraient débuter en 2025.

« Dans ce processus de transition énergétique, on ne doit oublier personne. C'est la raison pour laquelle plusieurs projets d'électrification des zones rurales sont en cours de développement, en collaboration avec les autorités dominicaines compétentes en matière d'énergie et les agences de coopération internationale. On retrouve notamment des microcentrales hydro-électriques et des micro réseaux d’énergie solaire photovoltaïque avec stockage destiné à des communautés rurales à faibles revenus. Car sans énergie, il est impossible de se développer, » a déclaré Fernández.

Parmi les solutions mises en œuvre, on trouve également la résolution NE-AD-0005-2024 prise par la Commission nationale énergétique en septembre 2024. Elle impose le stockage de l'énergie par batterie aux projets solaires photovoltaïques dont la puissance nominale est comprise entre 20 et 200 MW en courant alternatif. Ces installations doivent disposer d’un stockage de batterie équivalent à 50 % de leur capacité, avec une durée minimale de stockage de quatre heures.

« Nous avons bon espoir que la mise à jour des réglementations servira d’outil pour standardiser les processus d'autorisation, alléger les démarches administratives et faire tomber les barrières réglementaires, techniques et commerciales, » a expliqué Fernández. « Ça permettra de faire adhérer un grand nombre d’entreprises et d’habitant·es aux énergies renouvelables, de les démocratiser et de réduire ainsi nos émissions de CO2 tout en offrant une meilleure qualité de vie aux habitant·es et plus de compétitivité aux entreprises. »

La République dominicaine a franchi un cap pour attirer les investisseurs privés locaux et internationaux en mettant au point un cadre de réglementation avantageux pour les encourager à développer des projets axés sur les énergies renouvelables non conventionnelles. En 2007, elle a approuvé la loi No. 57-07 visant à inciter le développement des sources d’énergie renouvelable et de leurs régimes spéciaux. Cette loi a été déterminante pour diversifier la palette énergétique du pays puisqu'elle a promu les énergies renouvelables et a encouragé leur développement.

Lors d’une conférence en avril dernier, le directeur de la Commission nationale énergétique (CNE) Edward Veras a déclaré que la République dominicaine était en bonne voie pour atteindre les objectifs de 21 % d’énergie renouvelable d’ici la fin de l’année 2024, 25 % d’ici à 2025 et 30 % d’ici à 2030.

Cet article a été écrit avec le soutien du programme de mentorat des médias sur la transition énergétique dans les Caraïbes (Caribbean Energy Transition Media Mentorship) de Climate Tracker Caribbean.

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Neuf pays entament des poursuites judiciaires contre Israël à la suite de la guerre à Gazahttps://fr.globalvoices.org/?p=294058http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250312_002222_Neuf_pays_entament_des_poursuites_judiciaires_contre_Israel_a_la_suite_de_la_guerre_a_GazaTue, 11 Mar 2025 23:22:22 +0000Les mesures décrites reflètent la frustration croissante de la communauté internationale face à ce qui est perçu comme une politique de deux poids deux mesures

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de la vidéo d'inauguration du Groupe de La Haye. Publié sur YouTube par Progressive International.

Cet article a été initialement publié dans le New Arab le 31 janvier 2025. Cette version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Des délégations de neuf pays se sont réunies à La Haye ce vendredi pour dévoiler des « mesures juridiques, économiques et diplomatiques coordonnées » visant à tenir Israël responsable de ses violations du droit international, au moment où les menaces contre la Cour pénale internationale (CPI) se multiplient.

En réponse à la pression du Congrès américain, qui a cherché à sanctionner la CPI, neuf pays dont le Belize, la Bolivie, le Chili, la Colombie, le Honduras, la Namibie, le Sénégal, l'Afrique du Sud et la Malaisie forment une alliance connue sous le nom de « Groupe de La Haye » pour défendre la légitimité des institutions juridiques internationales et de leurs décisions.

Cette initiative intervient alors que la CPI et la Cour internationale de justice (CIJ) sont confrontées à d'importantes contestations de leur autorité dans les affaires liées aux conflits à Gaza et en Ukraine.

« Le groupe de La Haye est né d'une nécessité », a déclaré Varsha Gandikota-Nellutla, coordinatrice de l'organisation politique Progressive International. « Dans un monde où les nations puissantes agissent en toute impunité, nous devons nous unir pour défendre les principes de justice, d'égalité et de droits humains ».

Le Premier ministre de la Malaisie, Anwar Ibrahim, a déclaré : « Les violations commises par Israël vont au-delà du meurtre de masse et de la persécution des Palestiniens. Elles touchent aux fondements mêmes du droit international, que la communauté mondiale avait pour devoir de défendre ».

Les pays du Groupe de La Haye se réunissent aux Pays-Bas, siège de la CPI, pour discuter d'une action collective aux niveaux national et international, afin de soutenir le droit international et les droits des Palestiniens pendant la crise actuelle.

Ces discussions se fondent sur des actions prises précédemment par ces pays, notamment la décision du Belize et de la Bolivie de rompre leurs liens diplomatiques avec Israël. En janvier 2024, le Chili a soumis la situation en Palestine à la CPI et a rappelé son ambassadeur d'Israël. La Colombie a suspendu ses importations d'armes et ses exportations de charbon vers Israël, en plus de couper ses relations diplomatiques. Le Honduras a constamment condamné le génocide israélien contre les Palestiniens, tandis que la Malaisie a imposé une interdiction maritime empêchant les navires affiliés à Israël d'accoster dans ses ports. Elle n'a jamais eu de relations diplomatiques avec Israël.

« Le monde ne peut pas rester les bras croisés »

La Namibie a encore renforcé ces efforts en bloquant un navire transportant des matériels militaires à destination d'Israël et en condamnant la décision de l'Allemagne de soutenir Israël dans l'affaire du génocide sud-africain devant la CIJ, en établissant un parallèle avec le génocide des Héréros en Namibie, perpétré par l'Allemagne entre 1904 et 1908.

Le Sénégal, sous la direction du Premier ministre Ousmane Sonko, s'est engagé à prendre « des mesures plus concrètes » pour soutenir les droits des Palestiniens.

L'Afrique du Sud a créé un précédent juridique majeur en portant plainte contre Israël devant la CIJ pour violation de la Convention sur le génocide.

« Nos actions ne sont pas punitives. Elles sont préventives et visent à garantir le respect du droit international et à protéger les personnes vulnérables », a déclaré le ministre sud-africain des Relations internationales et de la Coopération, Ronald Lamola, dans une déclaration conjointe.

Progressive International a partagé la première déclaration inaugurale du Groupe dans un post sur Blue Sky :

FLASH INFO 🇵🇸 La déclaration conjointe inaugurale du groupe de La Haye.

https://buff.ly/40E8yRF

[image or embed]

— Progressive International (@progintl.bsky.social) le 31 janvier 2025 à 9:38 AM

Soutien du Sinn Féin

En Irlande, le président national du Sinn Féin, Declan Kearney, a également annoncé son intention de se rendre à La Haye pour soutenir l'initiative des neuf pays.

« Le Groupe de La Haye marque un tournant dans le développement d'une action internationale coordonnée des États contre le recours au génocide, à l'occupation, à l'apartheid et au nettoyage ethnique à l'encontre du peuple palestinien », a déclaré Kearney dans un communiqué.

La formation du « Groupe de La Haye » est un progrès extrêmement important. Il s'agit d'une initiative décisive visant à maximiser la pression internationale en ce qui concerne les sanctions et l'embargo sur les armes destinées à Israël jusqu'à ce que le génocide prenne fin, que la souveraineté nationale et l'autodétermination des Palestiniens soient garanties et qu'un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale soit établi.

Une action internationale « limitée »

La Suisse a été chargée d'organiser une conférence en mars pour les 196 pays signataires de la Convention de Genève, axée sur l'obligation de faire respecter le droit humanitaire international dans les territoires palestiniens occupés.

Une autre conférence est prévue en juin à New York pour discuter d'une solution à deux États.

En outre, l'Assemblée générale des Nations unies a demandé à la CIJ de rendre d'urgence un avis consultatif sur les obligations d'Israël en tant que puissance occupante, notamment en ce qui concerne les efforts d'aide humanitaire.

Les critiques considèrent que ces contre-mesures restent limitées, car Israël ne tient pas compte des décisions de la CIJ et de la CPI.

Sous la direction de l'ancien président Joe Biden, les États-Unis ont apporté un soutien militaire et diplomatique quasi illimité à Israël alors que ce dernier tuait des dizaines de milliers de Palestiniens à Gaza, laissant entendre que ce pays n'avait que peu de considération pour le droit international.

La nouvelle administration de Trump a signalé qu'elle serait encore plus pro-israélienne que le gouvernement précédent, en levant les sanctions contre les colons israéliens et en approuvant la livraison de bombes de 2 000 livres à Israël.

Le secrétaire d'État américain Marco Rubio a approuvé un projet de loi actuellement examiné par le Congrès qui imposerait des sanctions à toute personne ou entité participant à une enquête de la CPI concernant un allié des États-Unis. Les mesures proposées s'étendraient aux membres de la famille des personnes visées.

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« L'Homme de Fer d'Asie » refait surface grâce à ce nouveau documentairehttps://fr.globalvoices.org/?p=293643http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250310_180404____L_Homme_de_Fer_d_Asie____refait_surface_grace_a_ce_nouveau_documentaireMon, 10 Mar 2025 17:04:04 +0000Il fut le premier taïwanais à remporter une médaille d'argent

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Rafer Johnson (à gauche) et C.K. Yang (à droite). Image d'archives issue du documentaire Decathlon: The C.K. Yang and Rafer Johnson Story, disponible sur la chaîne YouTube Taiwan Plus News

C.K. Yang, le premier Taïwanais à avoir gagné une médaille d'argent aux Jeux Olympiques, est une figure commençant à tomber dans l'oubli. C'est pourquoi un nouveau documentaire intitulé « l'Homme de Fer d'Asie » pourrait bien mettre en lumière ce décathlonien des années 60.

La présence de Taïwan et sa visibilité aux Jeux Olympiques sont le résultat d'une longue histoire de destruction et de déni culturel, en partie dû aux profonds bouleversements qui ont marqué l'histoire de l'Asie de l'Est. Fondée sur les ruines de la Dynastie Qing (1644-1911), La République de Chine, établie en Chine Continentale dès 1912, participera à la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques en 1924 et elle y enverra ses premiers athlètes en 1932. Taïwan, colonie japonaise de 1895 à 1945, enverra des athlètes concourir sous le drapeau japonais en 1932 puis en 1936, à Los Angeles et Berlin. Aux jeux de Londres en 1948, des athlètes taïwanais participeront sous l'égide de la Chine. Puis, de 1956 à 1972, les athlètes taïwanais participeront exclusivement sous le drapeau de la République de Chine. Mais en 1976, le Canada interdit aux athlètes taïwanais de concourir avec la Chine.

Cette interdiction prend place peu après l'arrivée de la Chine sur la scène politique internationale. Suite à une pression venant de Pékin, le Comité international olympique a cependant laissé Taïwan concourir sous un nom et un drapeau crée de toute pièce. C'est de là que vient le nom assez ambigu de « Taipei chinois » ainsi que le fameux drapeau blanc reproduisant les couleurs et les symboles de la République de Chine. Encore aujourd'hui, il s'agit du seul drapeau sous lequel les athlètes taïwanais ont le droit de concourir.

Les polémiques impliquant Taïwan et les Jeux olympiques sont encore nombreuses. Récemment, la boxeuse taïwanaise Lin Yu-ting a été victime une campagne de harcèlement misogyne suite à sa victoire aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Le public, certains athlètes et même des ambassadeurs russes aux Nations unies ont contesté son genre.

Pour plus d'informations, lire : Taiwan embraces Olympic gold medal boxer Lin Yu-ting amid unwarranted gender controversy (Taïwan célèbre la boxeuse Lin Yu-ting, médaillée d'or olympique, en marge d'une controverse injustifiée sur le genre)

Lin Yu-ting n'est cependant pas la première athlète d'origine taïwanaise à subir le courroux de ses adversaires. Aux jeux de Rome en 1960, C. K. Yang, « l'Homme de Fer d'Asie » est devenu le premier athlète portant un nom chinois à avoir remporté une médaille d'argent aux Jeux olympiques. Son histoire est un véritable miroir reflétant les changements qu'a connus l'île depuis une centaine d'années. Maysang Kalimud est né en 1933 dans ce qui était autrefois « le Taïwan japonais ». Membre de la communauté indigène des Amis, il utilisera le nom chinois Yang Chuan-kwang (楊傳廣) à l'international où il sera reconnu comme C. K. Yang. Dans les années 50, il brillera lors des Jeux asiatiques et il sera reconnu comme un athlète extrêmement talentueux. Aux Jeux olympiques de 1960, la victoire à l'épreuve du décathlon (dix épreuves constituées de quatre courses, de trois sauts et de trois lancers) lui échappe de justesse. Il termine la course avec une médaille d'argent.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il deviendra ami avec l'athlète américain Rafer Johnson et partagera le même entraîneur, tout en sachant qu'ils devraient s'affronter pour obtenir la médaille d'or en 1960. Même si Yang finira par arriver second, il sera accueilli en héros dans son pays et deviendra une icône pour la visibilité de Taïwan dans le monde. Malheureusement, bien que Taïwan possède énormément d'archives de ses exploits, le pays est aujourd'hui en ruines, et énormément de jeunes taïwanais ne savent pas qui est C.K. Yang. Cette ignorance est d'autant plus accentuée par le fait que son ami Rafer Johnson, Afro-Américain ayant commencé sa carrière malgré son appartenance à une communauté racialement discriminée, est considéré comme un héros, tant dans le sport que dans la politique, grâce au long combat qu'il a mené pour les droits civiques.

Pour en apprendre plus sur le voyage incroyable de C.K. Yang, voyage qui finira par le porter dans l'anonymat, Global Voices a interrogé le cinéaste Frank W Chen (陳惟揚) ayant récemment réalisé un documentaire de 45 minutes retraçant l'histoire de C. K. Yang et de son comparse Rafer Johnson. Le documentaire est produit par Mike Chinoy, ancien correspondant de CNN en Chine. Frank W Chen est un cinéaste-documentariste et un concepteur d'architectures d'origine taïwanaise et canadienne. La majorité de son travail se fait entre New York et Taipei. Cette interview s'est déroulée par e-mail, à la suite d'une diffusion publique de son film à Taipei.

Portrait de Frank W Chen par Chien-Ming Wang. Photo utilisée avec permission.

Filip Noubel (FN) : Que ce soit le joueur de baseball Chien-Ming Wang ou C. K. Yang, qu'est-ce qui vous pousse à raconter les histoires de sportifs taïwanais?

Frank Chen (FC): Born in Taiwan but having spent most of my life in the US and Canada, I often encounter the need to explain where I was from, what my home country is about. Through its people, food, history, or in general, the memories and stories that I tell, I’ve always made sure to go above and beyond in sharing anything Taiwan related. Having this deep attachment to my homeland, whenever a Taiwanese who’s made it in the US or onto the world stage, I share that pride and proudness as a fellow countryman. These sports documentaries became a perfect medium. They satisfy an urge and an innate desire for storytelling, through audio and visual means, I’m able to not only preserve and extend the story of these Taiwanese athletes to a much broader audience, but also highlight the unique and precarious existence of my homeland.

Frank Chen (FC) : Je suis né à Taïwan, mais j'ai passé la majorité ma vie aux États-Unis et au Canada, donc j'ai souvent l'impression de devoir expliquer d'où je viens. Je raconte à quoi ressemble mon pays d'origine, comment sont les gens, le goût de la nourriture. Je m'assure toujours de raconter le maximum possible dans les souvenirs et les histoires que je partage. Puisque je suis très attaché à mon pays, dès qu'un Taïwanais arrive à briller aux États-Unis ou dans le monde, en bon compatriote, je ne peux pas m'empêcher de ressentir une certaine fierté. C'est pour ça que ces documentaires sportifs sont parfaits pour transmettre ce que je ressens. Au travers de moyens visuels et audios, ils peuvent satisfaire ce besoin que j'ai de raconter des histoires. Ils me permettent non seulement de préserver et de transmettre les histoires de ces athlètes taïwanais à un public plus large, ils me permettent également de mettre en valeur les caractéristiques uniques de ma patrie.

FN : Pourquoi les Taïwanais ne se souviennent-ils pas de C.K. Yang? Est-ce que vous pensez que votre documentaire peut aider à raviver un certain intérêt pour son histoire? Et pensez-vous que le gouvernement va un jour agir pour réparer sa «maison de fer» et le faire entrer au patrimoine culturel?

FC: The legacy of C.K. Yang is complex and intricate as it embodied so much of Taiwan’s history in relation to athletic development, politics, Indigenous people and culture.

It was also over 64 years ago that C.K. Yang won his silver medal at the Rome Olympics, so the collective memory of him has definitely faded. I think our film came out at a good time as we celebrate our athletes returning from the Paris Olympics, while the government plans to create a new Ministry of Physical Education and allocate a larger annual budget for sports development. It’s my hope that our film serves to stir up the conversation, calling attention to the proper memorialization of our sporting heroes of the present and the past. So far there hasn’t been much happening, but I remain optimistic. It’ll take a small but dedicated group of people, as well as the family members of Yang in the US and Taiwan to begin moving the needle, preserving Yang’s legacy, repairing the Iron Man House. I would love to play a role in it, or even document the process.

FC : L'héritage de C.K. Yang est très complexe, il incarne non seulement l'évolution de Taïwan d'un point de vue sportif, politique et culturel, il représente également les peuples autochtones du pays.

De plus, cela fait déjà plus de 64 ans depuis l'obtention de sa médaille d'argent aux Jeux olympiques de Rome, il est donc forcément moins présent dans la mémoire collective. Je pense que notre film arrive au moment parfait, puisque nous célébrons justement le retour de nos athlètes des Jeux olympiques de Paris. Le ministère de l'Éducation Physique prévoit également l'allocation d'un plus grand budget pour le développement du sport. J'espère que notre film pourra lancer une discussion afin de mettre en œuvre les moyens nécessaires à une véritable commémoration de nos sportifs d'hier et d'aujourd'hui. Actuellement, il n'y a rien qui est vraiment mis en place, mais je garde espoir. Il suffira d'un petit groupe assez déterminé et aidé par les descendants de Yang aux États-Unis et à Taïwan pour faire bouger les choses. Pour préserver son héritage et faire réparer « la maison de l'homme de fer ». J'adorerais faire partie de ce processus, ou mieux encore, documenter le tout.

FN : D'après vous, y a-t-il d'autres figures taïwanaises de la diaspora nord-américaine (ou liés de près à cette partie du monde, comme c'était le cas de C.K. Yang) qui méritent d'être reconnues par les jeunes générations de Taïwan?

FC: I’d like to go with the subject of my next film, Yani Tseng, who won a total of 15 LPGA tours and was the top female golfer in the world from 2011 to 2013. She was the youngest golfer ever, male or female, to win five major championships, and was named on Time Magazine’s list of ‘100 Most Influential People’ in 2012. A decade removed from her peak, two hip surgeries later, she is still working to regain form and still competes at the US based LPGA tour. She was a household name back then, one of the original ‘Pride of Taiwan,’ but now largely forgotten by the younger generations in Taiwan. Our film intends to chronicle her rise to stardom, her quest to return to LPGA play after two major surgeries, but more importantly the lessons and learnings from her fall as she opens up to share her battle and struggle with depression.

FC : Oui, le sujet de mon prochain film : Yani Tseng. Elle a remporté 15 victoires sur le circuit de la LPGA et elle était considérée comme la meilleure golfeuse du monde de 2011 à 2013. Elle fut la plus jeune golfeuse, chez les hommes comme chez les femmes, à remporter cinq tournois majeurs. En 2012, elle était nommée dans la « liste des 100 personnes les plus influentes de l'année » du magazine Time. Plus de dix ans plus tard et après deux opérations aux hanches, elle continue de participer aux circuits américains de la LPGA en essayant de regagner sa forme. Elle était connue dans tous les foyers à l'époque, une véritable « fierté de Taïwan », mais la plupart des jeunes ne se souviennent plus d'elle. Notre film retracera son ascension vers la gloire, sa quête pour jouer de nouveau dans la LPGA malgré deux graves opérations des hanches, mais il retracera surtout les leçons qu'elle tire de sa chute et son dur combat contre la dépression.

Le documentaire est également disponible sur YouTube :

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Malgré la réglementation contraignante, les hôtels en République Dominicaine favorisent le tourisme durable grâce à l'énergie solaire.https://fr.globalvoices.org/?p=293988http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250310_164711_Malgre_la_reglementation_contraignante__les_hotels_en_Republique_Dominicaine_favorisent_le_tourisme_durable_grace_a_l_energie_solaire.Mon, 10 Mar 2025 15:47:11 +0000Les principaux défis à relever sont les retards dans l'approbation des projets, les changements dans la facturation et les obstacles au développement de projets indépendants

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

La centrale photovoltaïque et la station de recharge électrique du Grand Sirenis Punta Cana Resort en République dominicaine. Photo reproduite avec la permission de l'hôtel.

Le secteur hôtelier de la République dominicaine progresse vers un modèle plus durable en intégrant les énergies renouvelables dans ses activités, bien que des obstacles importants persistent dans certaines régions.

L'ingénieur électricien Luis Jonas Ortiz, ancien chef de projet pour l'hybridation de la biomasse, à la Commission nationale de l'énergie du pays, indique que la transition vers l'énergie solaire dans les hôtels a été lente, en particulier dans les régions isolées où les sociétés concessionnaires d'électricité imposent des restrictions. Ces entreprises, qui prévoient de développer leurs propres projets d'énergie renouvelable, entravent les initiatives externes, au détriment du rythme d'adoption des technologies propres.

« Les énergies renouvelables sont mises en œuvre pour répondre à une partie de la demande d'électricité et d'eau chaude. Le gouvernement facilite les échanges d'énergie avec les sociétés de distribution dans leurs zones de concession grâce au programme de facturation nette », explique Ortiz. L'autre mécanisme est l'autoproduction indépendante. Dans les deux cas, les incitations fiscales sont associées aux coûts des équipements, tels que les modules photovoltaïques, les onduleurs et les batteries ».

Hodelpa Garden Court, par exemple — situé dans la ville de Santiago à environ 155 km au nord-ouest de la capitale — dispose d'un système solaire photovoltaïque permettant une économie annuelle d’ environ 32 % sur la consommation d'énergie du distributeur. Il prévoit d'étendre ce projet, qui couvrira près de 45 % des besoins de l'hôtel. En investissant dans l'automatisation et l'efficacité énergétique, les opérateurs prévoient jusqu’à 70 % de réduction annuelle possible de leur consommation d'électricité de réseau.

L'hôtel cinq étoiles Gran Almirante, un autre établissement de la chaîne de sept hôtels Hodelpa – qui commence à mettre en place des systèmes de gestion de l'énergie comprenant des investissements dans des systèmes photovoltaïques – fournit 40 % de son eau chaude sanitaire grâce à des systèmes de chauffage solaire, ce qui lui permet d'économiser 28 % de sa consommation annuelle de combustibles. Elle prévoit d'installer un système photovoltaïque pour couvrir environ 60 % de sa consommation annuelle d'électricité.

Toutefois, Ortiz souligne que des obstacles réglementaires et administratifs persistent, en particulier pour les hôtels situés dans des zones de concession isolées. Les principaux défis sont les retards dans l'approbation des projets, les changements dans la facturation et les pressions commerciales qui entravent le développement de projets indépendants.

« Les hôtels situés en dehors des zones isolées ont bénéficié d'incitations fiscales, de réductions des montants des factures d'électricité et des émissions de gaz à effet de serre », a déclaré Ortiz. Certains ont associé ces mesures à la mobilité électrique, haussant ainsi le taux d'occupation en attirant des clients qui accordent de l'importance aux contributions environnementales.

Le consortium énergétique Punta Cana-Macao (CEPM) dirige des projets d'énergie renouvelable dans l'est de la République dominicaine, où l'activité touristique est la plus importante du pays. Le parc solaire FV3 de Bávaro, par exemple, a une capacité installée de 10 MW et une technologie de stockage capable de soutenir le réseau pendant quatre heures, générant ainsi 40 MWh. En outre, le CEPM a commencé à construire de nouvelles centrales photovoltaïques (FV4, FV5 et FV6) grâce à un investissement de 56,4 millions d'USD financé par, BID Invest.

Le directeur exécutif Roberto Herrera a déclaré que le CEPM a été « fondamental » pour le développement du tourisme en République dominicaine « en fournissant une énergie fiable qui a stimulé la croissance et la compétitivité mondiale » : « Nous sommes fiers d'être le partenaire énergétique de ces entreprises visionnaires qui ont choisi d'adopter un modèle opérationnel plus propre et plus durable. Aujourd'hui, nous nous efforçons de rendre notre production 100 % propre afin de continuer à mener la transition vers un modèle énergétique plus durable». L'engagement de l'organisation, dit-il, se concentre sur des « projets pionniers » qui non seulement orientent le pays vers une production sans émissions, mais garantissent également la durabilité à long terme.

Rolando González Bunster, président groupe InterEnergy — la société mère du CEPM — est d'accord pour dire que l'objectif est de « mener des projets aboutissant à un modèle énergétique propre et compétitif pour le secteur du tourisme ». La collaboration avec les hôtels a permis l'installation de panneaux solaires qui produiront 395 023 MWh d'électricité propre sur 15 ans, évitant ainsi l'émission de 225 558 tonnes de CO2.

En outre, plusieurs hôtels ont intégré des stations de recharge pour véhicules électriques alimentées par des énergies renouvelables. Diego Díaz, Directeur des Operations du Grand Sirenis Punta Cana Resort, témoigne du succès de l’accueil des initiatives telles que la centrale photovoltaïque et la station de recharge électrique de l'hôtel.

« En termes de durabilité, l'impact a été très positif puisque nous continuons à nous développer et à obtenir de nouvelles certifications pour devenir un hôtel durable“. Les économies d'énergie ont augmenté de manière significative et la satisfaction des clients concernant les aspects environnementaux et de durabilité a été élevée ». Le projet solaire de Grand Sirenis, d'une capacité de 1,05 MWp et 1 568 modules photovoltaïques, produira 1 659 MWh au cours de la première année, réduisant ainsi 1 173 tonnes de CO2 et offrant aux clients une expérience unique dans un environnement durable.

« Jusqu'à présent, nous n'avons pas été confrontés à des défis importants en matière d'énergies renouvelables », poursuit Díaz . « Chaque fois que nous lançons un projet, nous nous assurons de sa pertinence, de son impact positif sur nos hôtes et notre personnel tout en mettant l'accent sur la protection de l'environnement ». À mesure que l'industrie hôtelière dominicaine progresse vers la durabilité, il est clair que la collaboration public – privé sera essentielle pour surmonter les obstacles et consolider un modèle de tourisme respectueux de l'environnement.

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Le nouveau gouvernement indonésien fait avancer un plan de transmigration, provoquant des protestations en Papouasiehttps://fr.globalvoices.org/?p=293924http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250310_152114_Le_nouveau_gouvernement_indonesien_fait_avancer_un_plan_de_transmigration__provoquant_des_protestations_en_PapouasieMon, 10 Mar 2025 14:21:14 +0000La politique déplace et prive de leurs droits les Papous autochtones

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Papua protest

L'ancienne prisonnière politique Sayang Mandabayan tient une affiche sur laquelle est écrit « Je rejette la transmigration ». Photo publiée sur le compte X (Twitter) de Veronica Koman, utilisée avec permission.

[Tous les références dans le texte sont en anglais, à l'exception de celui marqué.]

Le président indonésien Prabowo Subianto, qui a pris ses fonctions le 20 octobre 2024, a annoncé la relance du programme de transmigration, qui encourage les citoyens à peupler la région orientale du pays, notamment la Papouasie, une province située à l'extrême est de l'archipel qui lutte depuis des décennies pour son indépendance de Java. Le gouvernement indonésien a déclaré qu'il cherchait à promouvoir le « bien-être du peuple », mais les critiques avertissent que le plan pourrait déplacer davantage la population papoue autochtone.

La Papouasie a été annexée par l'Indonésie en 1963, mais cette annexion a rencontré une résistance farouche de la population locale et un mouvement d'autodétermination continue d'exister à ce jour.

Les Papous autochtones ont des racines ethniques divergentes des Indonésiens javanais ainsi que des traditions et des histoires culturelles uniques. Les Papous sont depuis longtemps confrontés au racisme, à la discrimination, à la violence et au déplacement de la part de l'Indonésie, qui s'est battue pour conserver la province riche en ressources.

Afin de reprendre le contrôle de la Papouasie et d’écraser tout mouvement de rébellion, le gouvernement a mis en œuvre entre 1964 et 1999 un programme de transmigration qui a facilité la réinstallation de 78 000 familles des îles densément peuplées d’Indonésie, comme Java et Sumatra, en Papouasie. Au cours de cette période, des témoins ont déclaré que « des terres coutumières ont été confisquées (et) des forêts ont été abattues » tandis que le peuple autochtone Malind n’avait pas le droit de parler sa langue maternelle. Le programme a été suspendu en 2001, mais la transmigration non officielle a persisté.

Ces dernières années, l’Indonésie a intensifié son déploiement militaire, ce qui a conduit à des affrontements intenses et à la militarisation des communautés. Selon les Nations Unies, entre 60 000 et 100 000 Papous ont été touchés par ces opérations.

Prabowo [fr.], un ancien officier militaire accusé d’avoir enlevé des militants, était le gendre du président qui a lancé le programme de transmigration. Quelques jours après son investiture, il s’est rendu en Papouasie pour vérifier les progrès réalisés dans le développement de plantations destinées à améliorer la sécurité alimentaire du pays. Cependant, certains groupes papous ont dénoncé ce programme de déforestation qui menace la biodiversité de la région et déplace les villageois locaux.

Le Mouvement uni pour la libération de la Papouasie occidentale a souligné le lien entre la renaissance de la transmigration et la conversion forcée des forêts en plantations agricoles :

Ce n’est pas une coïncidence si Prabowo a annoncé un nouveau programme de transmigration au moment même où son régime de déforestation écocide s’intensifie. Ce double agenda représente les deux facettes du colonialisme indonésien en Papouasie occidentale : l’exploitation et la colonisation. L’Indonésie ne veut que les ressources de la Papouasie occidentale ; ils ne veulent pas de notre peuple.

Le chef du groupe a salué les étudiants papous qui ont organisé des manifestations contre la politique de transmigration :

L'avocate des droits de l'homme Veronica Koman a publié des photos et des vidéos des manifestations en Papouasie contre le plan de transmigration :

Le groupe de la société civile Civicus a constaté que les attaques contre les manifestations pacifiques en Papouasie se sont intensifiées à l’approche de l’investiture de Prabowo.

Des militants papous ont été la cible de tirs, d’intimidations, de harcèlement et de mauvais traitements en raison de leur militantisme. Les attaques et les assassinats de journalistes se sont poursuivis, notamment en Papouasie.

En outre, cinq nouveaux bataillons ont été déployés et au moins 2 000 militaires ont été envoyés en Papouasie en septembre et octobre.

Le père John Bunay, président de la Commission pour la justice, la paix et l’intégrité de la création du diocèse de Jayapura, a tiré la sonnette d’alarme au sujet de la confiscation des terres en Papouasie. « Il y a tellement de migrants qui arrivent en Papouasie. Les non-Papous ont confisqué l’espace vital du peuple papouan autochtone. »

Les Parlementaires internationaux pour la Papouasie occidentale ont appelé le gouvernement indonésien à permettre au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de vérifier la situation en Papouasie. Le groupe a également critiqué l’impact négatif potentiel de la relance du programme de transmigration.

L’objectif de la transmigration était de diluer la population indigène mélanésienne, tout en s’assurant le contrôle de la riche base de ressources naturelles de la Papouasie occidentale.

La transmigration a produit une discrimination structurelle dans l’éducation, les droits fonciers et l’emploi. Il existe un niveau élevé d’inégalités de revenus et de richesses entre les Papous et les Indonésiens, tandis que les migrants dominent le marché du travail.

Mais le ministre de la Transmigration, Iftitah Sulaiman Suryanagara, a affirmé que le programme ne se contenterait pas de relocaliser des personnes, mais « améliorerait la qualité des ressources humaines grâce à des approches socioculturelles ». Il a ajouté :

Notre objectif principal ne se limite plus à la relocalisation des populations, une mesure qui, par le passé, était interprétée à tort comme un transfert de la pauvreté d'un endroit à un autre. Au contraire, nous allons déployer tous les efforts possibles pour réduire la pauvreté et améliorer le bien-être des populations.

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RDC: dans le lac Édouard, la carence en poisson expose la population à des attaques des crocodileshttps://fr.globalvoices.org/?p=293565http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250308_070739_RDC__dans_le_lac_Edouard__la_carence_en_poisson_expose_la_population_a_des_attaques_des_crocodilesSat, 08 Mar 2025 06:07:39 +0000Les hippopotames sont aussi attaqués

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image des rives du lac Édouard ; Photo de Victoire Katembo Mbuto, utilisée avec permission

Cet article est repris sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec www.icicongo.net. L'article original est écrit par Victoire Katembo Mbuto et à retrouver sur le site Icicongo.

Dans le lac Édouard, un des principaux lacs d'Afrique, la pénurie de poisson expose les pêcheurs à de grands dangers: ils deviennent les proies des crocodiles qui se nourrissent également de ces poissons.

Le lac Édouard est partagé entre deux pays: la République démocratique du Congo (RDC), située en Afrique centrale et qui possède 71% de la surface du lac, et l’Ouganda, pays de l'Afrique de l'est qui possède 29% du lac. Depuis mars 2019, sur le côté de la RDC du lac Édouard, les pêcheries enregistrent de nombreuses victimes d'attaques de crocodiles du Nil: le poisson se fait de plus en plus rare, et les crocodiles qui se nourrissent aussi de ces poissons agressent maintenant la population et les hippopotames.

Le 10 janvier 2025, à Vitshumbi, une enclave de pêche située à la côte sud-ouest du lac Edouard, dans le parc national de Virunga, à plus de 100km de la ville de Goma, le pêcheur Kambale Muyisa parti à la recherche des appâts naturels dans la baie de Mugera, s'est fait happer par un crocodile du Nil. Une partie de son corps a été découverte le lendemain aux abords du lac.

Lire sur GV: A Vitshumbi, un lac se vide de poissons et aggrave la malnutrition à l'est de la RDC

Dans les pêcheries situées sur la côte Ouest du Lac Édouard, les attaques de crocodiles sont en recrudescence. Joseph Kambale, un acteur de la société civile locale congolaise indique:

Actuellement ces crocodiles sont visibles dans notre milieu et leur origine reste inconnue. Le nombre des victimes ne fait qu’augmenter.

Ces attaques ne sont pas isolées. Le 29 décembre 2024, un enfant de huit ans a été tué dans des circonstances similaires, à Kanyatsi, vers la pêcherie de Kyavinyonge, situé dans le Nord-Kivu.

En 2024, plus de dix décès dus aux attaques des crocodiles ont été enregistrés dans la région, selon les acteurs locaux. Esaï Kanyangara, un jeune de Vitshumbi, s’inquiète:

Il y a pénurie d’eau à Vitshumbi et dans d’autres pêcheries, la population recourt au lac pour s’approvisionner. Malheureusement l’endroit est devenu aussi trop dangereux.

Bon nombres de ces victimes ont déjà perdu la vie, tandis que d’autres sont devenus handicapés.

Lire sur Icicongo : Ruée vers les étangs piscicoles pour pallier la carence en poisson à l’Est de la RDC

Baisse de poissons dans le lac

Ces attaques de crocodiles intensifient la méfiance entre les riverains du parc national de Virunga et l’Institut congolais pour la conservation de la nature. Les habitants qui n’étaient pas confrontés à ces genres de reptiles dans le passé, attribuent leur présence à une intervention extérieure.

Dans le langage populaire, la population indique que la présence des crocodiles vise à exterminer les riverains du lac Édouard. En pleurs au deuil d’un membre de sa famille à Vitshumbi, happé par un crocodile, une habitante indique:

Depuis mon enfance, je n’avais jamais entendu parler de l’histoire des crocodiles dans mon village. Je crois qu’il y a quelqu’un qui a introduit ces espèces dans ce lac pour nous exterminer.

Ces accusations sont rejetées par l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN). Un conservateur du Parc National de Virunga explique en juin 2023 :

Ces crocodiles sont des espèces protégées par la loi sur la conservation de la nature. Ils sont venus du fleuve Nil. C’est pourquoi on les appelles des crocodiles du  Nil.

Lire aussi sur Icicongo : Vitshumbi, une enclave de pêche coincée entre le lac, le parc et le M23

Selon plusieurs témoignages, les crocodiles ont toujours été présents dans les eaux du lac ainsi que dans certaines rivières. L'ICCN ajoute:

C’est ces cinq dernières années, qu’on enregistre de plus en plus des dégâts de ces reptiles ».

Dans cette même perspective, Green afia, un média en ligne basé en RDC, souligne que l'agressivité des crocodiles est liée à la carence en poissons. Selon ce média, cette rareté des poissons sur la surface des eaux fait aussi disparaître les oiseaux qui se nourrissent aussi de fretin. Green afia précise:

Suite à la rareté des poissons dans le lac Édouard, les crocodiles manquent également de nourriture et se rapprochent désormais des plages pour happer les pêcheurs ou les habitants qui viennent se ravitailler en eau.

Bienvenu Buende, chargé de communication du parc national des Virunga dans lequel se trouve le lac Édouard, explique :

Nous pensons que la diminution sensible des poissons dans le lac pousse les crocodiles à se rapprocher davantage des rives pour se nourrir. Tout ceci doit se faire dans une étude scientifique que nous espérons prochaine.

De son côté, le collectif des techniciens de pêche et écologistes du Lac Édouard pense que les attaques répétitives prouvent qu’il y a une véritable prolifération de ces reptiles dans le lac; et qu'elle est justifiée par l’Ordonnance-loi n° 23-007 du 03 mars 2023 modifiant et complétant la loi n° 11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement. Ce texte stipule que la protection des espèces est en accord avec le bien-être de la population congolaise, et contribue au développement durable de la RDC.

Limiter la pêche illicite et le braconnage des hippopotames

D’une superficie de près de 220 000 ha dont 74 % en territoire congolais, le lac Édouard était l’un des plus poissonneux d’Afrique centrale, abritant une diversité exceptionnelle de poissons : le Sarotherodon leucosticus, le Bagrus docmac, le Sarotherodon niloticus, le Haplochromis, le Hemihaplochromis multicolour, et le Schutzia eduardiana. Mais depuis quelques années, la production de poisson a chuté à cause de la surexploitation du lac.

En effet, le nombre de pirogues a triplé. Au lieu de 1 187 unités de pêches légalement autorisées, les pêcheries comptent actuellement plus de 4 000 pirogues. A côté de cette multiplicité des pirogues, des pêcheurs utilisent aussi des filets de petites mailles ou même des moustiquaires.

Lire également sur Icicongo : Des pêcheurs ne peuvent plus vivre de la pêche sur le lac Édouard en RDC

L’autre constat est que des pêcheries qui échappent au contrôle de l’État se développent sur la côte ouest du lac. Selon des témoignages dans la zone, du côté congolais, il n’y avait au départ que trois pêcheries (Vitsumbi, Kamandi et Kyavinyonge).

Vers 1997, lors de la guerre de libération de la RDC – encore appelé la première guerre du Congo menée par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), d’autres pêcheries se sont créées.

D’autre part, le braconnage des hippopotames accentue la rareté des poissons car ils favorisent la croissance des plantes aquatiques, et leurs excréments nourrissent les poissons. Justin Muhindo Muvunga, coordonnateur du collectif des techniciens de pêche et écologistes du lac Édouard explique :

Les hippopotames font face à un double problème. D’abord leurs canines d’ivoires les exposent au braconnage. Ensuite, les crocodiles attaquent leurs petits après la naissance.

Les autorités du Parc National de Virunga, classé patrimoine mondial de l'UNESCO, estime que la population des hippopotames a connu une réduction drastique de 95%: en 2022, le parc compte environ 1 300 hippopotames, contre 29 000 dans les années 1970.

Dans ce conflit entre humains et animaux protégés, une des solutions envisagées pour protéger les habitants serait de multiplier des fontaines publiques afin que les habitants n'aient plus à puiser l’eau du lac au risque d'être exposé aux attaques de crocodiles.

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Le “Tourne-dos”, une restauration en plein air au service de la majorité des Africainshttps://fr.globalvoices.org/?p=293882http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250307_062402_Le____Tourne-dos_____une_restauration_en_plein_air_au_service_de_la_majorite_des_AfricainsFri, 07 Mar 2025 05:24:02 +0000Un repas à moins de 3 dollars américains

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image des clients devant un restaurant de fortune au Congo Brazzaville ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Vox TV

En Afrique sub-saharienne, la restauration en plein air remplit une fonction importante: elle permet aux couches sociales défavorisées d'accéder à un service essentiel.

Sur le continent, les personnes qui mangent fréquemment dans des restaurants ont un niveau de vie supérieur et représentent une élite économique. Pendant ce temps, la majeure partie des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté en Afrique sub-saharienne dépensent moins de 2,15 dollars américains par jour.

Pour ceux dont la survie reste un défi quotidien, il existe l'option de manger hors de la maison auprès de vendeurs et vendeuses qui cuisinent et vendent des plats chauds à même la rue. Dans les pays africains francophones, ce genre de restauration porte souvent le nom de tourne-dos.

Pour découvrir le terme de tourne-dos, lire : Les mots ont la parole: Épisode #23

Tourne-dos, une alternative abordable pour la majorité

Le “Tourne-dos” est une sorte de restaurant de fortune adapté à la bourse de la grande majorité de la population. Très souvent tenus par des femmes, ces restaurants offrent trois repas par jour toute la journée dans des budgets que peuvent se permettre la plupart des habitants.

Cette vidéo-reportage publié par Media2Africa sur sa page Facebook montre le succès rencontré par ces types de restaurants aux alentours des lieux populaires comme l'Université à Douala au Cameroun. Étudiants et riverains s'y régalent et y trouvent leur compte:

Dans la vidéo, Thierry, un usager des tourne-dos explique sa satisfactions:

C'est ça qui nous sauve. Je ne peux aller dans les grands restaurants pour manger. Je vais trouver l'argent où? Là-bas, les plats sont à 2000 FCFA (3 dollars américains) et on peut dépenser 5000 FCFA (7,9 dollars américains) pour vivre chaque jour. On va s'en sortir comment? On mange au carrefour comme ça pour s'en sortir.

Lire : Les cuisines togolaises à l'honneur au Togo et en Afrique

Dans les tourne-dos, les plats sont à bas prix: à partir de 500 ou 600 FCFA (moins d'un dollar américain). Au Cameroun comme ailleurs en Centrafrique, au Tchad, en République démocratique du Congo (RDC), au Gabon, au Togo, au Ghana, au Bénin, en Côte d'Ivoire, ces restaurants de fortune ont la côte et permettent à toutes et à tous de s'alimenter. Toutefois, cela se fait parfois au détriment du respect des conditions d'hygiène.

Manger à bas prix comporte certains risques

Les tenancières de tourne-dos ne peuvent pas toujours se permettre de respecter toutes les conditions d'hygiène. Difficilement elles ont accès à l'électricité et à la réfrigération, certaines préparent leurs nourritures près de lieux insalubres, d'autres font leur vente aux abords des caniveaux grand ouverts.

Un article de Radio France Internationale (RFI), pointe “les restaurants de fortune comme sources de maladies en raison de la saison sèche à Bangui, en Centrafrique“. Pélagie, une propriétaire interviewée dans l'article, explique:

Pour pratiquer ce commerce, il faut être forte. J'ai installé ces vieux rideaux ainsi que ces morceaux de pagnes pour couvrir le maquis. Ici, je vends des feuilles de manioc, du poulet rôti, du poisson fumé et du gnetum. Je suis consciente que c'est un endroit insalubre, mais on fait avec pour l'instant.

Cette vidéo d’Afrique Santé vient confirmer une situation similaire au Cameroun:

Des aliments sont exposés sans protection aux mouches et autres insectes nuisibles ainsi qu'à des microbes contenus dans les poussières.

En République démocratique du Congo (RDC), Yvette Reine Nzaba, journaliste à l’Agence d'information de l'Afrique centrale (Adiac-Congo) dénonce dans un article intitulé : Hygiène : l’exposition des aliments, un danger permanent pour les consommateurs des pratiques aux risques élevés pour la santé des consommateurs. Elle écrit:

Bien que vendus dans des endroits particulièrement crasseux ou à proximité des décharges d’ordures, ces aliments proposés attirent étonnamment la clientèle qui s’agglutine autour de ces étales, se régalant goulument et ne prêtant guère attention aux mouches et autres insectes qui pullulent aux alentours. Autre constat, des véhicules chargés de transporter les aliments comme du pain, aliment de grande consommation au Congo, laissent à désirer.

Les marchands vendent et les consommateurs achètent tout et n’importe quoi, pourvu qu’ils puissent se remplir le ventre ou étancher leur soif. Un état de fait qui s’est généralisé et qui se passe en toute impunité au vu et au su de tous. Chaque jour, c’est un miracle si les consommateurs ne contractent pas une intoxication alimentaire !

Lire aussi : A la découverte des plats de la gastronomie malgache

Devant un tel constat dangereux pour la santé humaine, Nzaba s'étonne que des consommateurs défendent ces pratiques dans l'insalubrité. Hervé, un habitué des lieux, lui répond:

Je viens m’approvisionner souvent ici. Même s’il y a des mouches, je ne suis jamais tombé malade. De toutes les façons, l’organisme d’un noir résiste aux microbes.

Mais certains clients prennent conscience du risque encouru. C'est le cas de Jonathan victime d'une grave maladie qui a décidé de ne plus manger dans rues. Au micro de RFI, il témoigne :

J'ai été hospitalisé pendant plusieurs semaines. La fièvre typhoïde a failli me tuer.  Les véhicules qui passent soulèvent la poussière et dégagent des fumées toxiques. Même les assiettes utilisées pour servir les clients sont parfois mal nettoyées. Après ma guérison il y a deux ans, j'ai pris la résolution de ne plus manger dans les maquis malsains.

Contribution aux économies nationales

L'économie de nombreux pays africains repose essentiellement sur les activités du secteur informel, apportant ainsi une contribution considérable qui est comprise entre 25% et 65% au Produit intérieur brut (PIB) de ces pays. De fait, cette activité de gestion des tourne-dos, qui constitue une source de revenus très importante pour de nombreuses familles contribuent ainsi à l'économie de leur pays.

Pour préserver la santé publique, les autorités des pays africains devraient être plus engagées en sensibilisant les gestionnaires et les clients de ces restaurants sur le respect des mesures d'hygiène.

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Au Burundi, l'absence d'une vraie liberté d'expression de la presse conduit de nombreux journalistes à l'auto-censure ou à l'exilhttps://fr.globalvoices.org/?p=293692http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250306_131715_Au_Burundi__l_absence_d_une_vraie_liberte_d_expression_de_la_presse_conduit_de_nombreux_journalistes_a_l_auto-censure_ou_a_l_exilThu, 06 Mar 2025 12:17:15 +0000Certains medias se reconstituent en exil

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une pancarte désignant le groupe de presse Iwacu ; capture d'écran de la chaîne YouTube de l’Agence France Presse (AFP)

Le paysage médiatique burundais reflète les difficultés extrêmes rencontrées par les journalistes dans ce pays d'Afrique centrale: ils sont souvent exposés aux menaces de mort et à une insécurité quasi permanente.

Le classement de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de presse et la liberté d'expression pour l'année 2024 positionne le Burundi à la 108e place sur les 180 pays, ce qui constitue une petite avancée comparativement au classement de l'année 2023 où le pays occupait la 114e place.

Sur le papier, la constitution burundaise consacre la liberté d'expression et la liberté de presse dans l'article 28 qui stipule que :

Toute personne a droit à la liberté d’opinion et d’expression dans le respect de l’ordre public et de la loi. La liberté de presse est reconnue et garantie par l’État.

Mais la réalité est toute autre sur le terrain car les professionnels de médias font face à des interpellations et accusations constantes. Des choix radicaux s'imposent souvent aux journalistes burundais: soit être du côté du pouvoir en place, soit risquer de faire de la prison ou s'exiler pour exprimer son indépendance journalistique.

Censure des médias et emprisonnement des journalistes

De nombreux cas témoignent du manque de liberté d'expression: en décembre 2024, Sandra Muhoza, journaliste du média en ligne La Nova Burundi, est condamnée à 21 mois de prison pour “atteinte à l’intégrité du territoire national et aversion raciale”. Sa condamnation indigne le monde de la presse et des organisations de protection des journalistes comme le Committee to Protect Journalists -CPJ (Comité pour la protection des journalistes). Sur son compte X dédié à la couverture de l'Afrique, le CPJ publie:

« Il est dévastateur que le 16 décembre, un tribunal de #Burundi ait condamné la journaliste Sandra Muhoza à 21 mois de prison, en lien avec des publications qu'elle a publiées dans un groupe de journalistes WhatsApp. Muhoza est détenue depuis avril et sa condamnation est le dernier exemple en date de l'abus du système judiciaire par le Burundi pour réprimer les voix critiques. Les autorités burundaises devraient libérer Sandra Muhoza sans condition et cesser de criminaliser le simple fait d'être journaliste », a déclaré @pressfreedom Responsable du programme Afrique @angelaquintal

— CPJ Africa (@CPJAfrica) December 18, 2024

En janvier 2023, Floriane Irangabiye, journaliste animatrice de la radio en ligne Igicaniro a été condamnée à dix ans de prison et à une amende d’un million de francs burundais (338 dollars américains) pour “atteinte à la sûreté intérieure du territoire national”. Ces quelques cas, ainsi que des interdictions de publier et d'autres faits comme une censure de cinq ans dont a été victime le site Iwacu-burundi de 2017 à 2022 témoignent de cette volonté des autorités burundaises de museler la presse.

Un journaliste burundais contacté par Global Voices via Whatsapp déclare sous le couvert de l'anonymat:

Beaucoup de journalistes ainsi que des médias s'auto-censurent ou préfèrent ne plus travailler sur des sujets qui peuvent irriter les autorités du pays, tels: la corruption, la politique ou même la gouvernance. Parce que c'est au risque de leur vie. Ceux qui essayent ou insistent d'évoquer ces sujets, parlent sous l'anonymat.

Dans ce pays de plus de 14 millions d'habitants, l'organisation internationale Freedom House confirme l'absence d'une vraie indépendance des médias dans son rapport Freedom in the world (La liberté dans le monde) 2024 où le pays est noté 14e sur 100, une note très basse pour le pays en terme de liberté.

Des médias à la solde du régime en place

Le système politique dans le pays est dominé par des partis qui, une fois installés au pouvoir, deviennent hostiles aux critiques ouvertes des médias vis-à-vis de leurs programmes et leurs actions. Ainsi, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), parti politique de l'actuel président Évariste Ndayishimiye, au pouvoir depuis juin 2020, gouverne le pays d'une main forte. Depuis l'ère de l'ancien président Pierre Nkurunziza (2005-2020), les critiques à l'endroit du pouvoir font face aux menaces et répressions et sont victimes de violences. 

Si les professionnels de médias très critiques au régime en place sont arrêtés et emprisonnés, ou obliger de fuir le pays, d'autres acceptent de chanter les louanges du pouvoir en place. Le même journaliste cité plus haut précise :

Les journalistes burundais sont devenus des griots de l’État. Ils ne font que dire du bien du pouvoir en place. Leurs productions d'articles ressemblent beaucoup plus aux productions des cellules de communication du pouvoir en place. C'est déplorable qu'on arrive là, puisqu'ils ont fait le choix de plaire au lieu de se référer aux faits.

Le Forum pour la Conscience et le Développement (FOCODE), une organisation de défense des droits humains burundaise dénonce un acharnement de l’Ombudsman (représentant du peuple) du Burundi, en la personne d’Aimée Laurentine Kanyana vis-à-vis des journalistes. Dans une publication sur son compte X, FOCODE écrit:

Contacté via Whatsapp par Global Voices, Aimée Laurentine Kanyana estime qu'elle n'a pas été comprise par l'organisation FOCODE:

Ils n’ont pas compris mon message : Concrètement j’ai voulu attirer l’attention des médias sur le fait que l'équilibre de l'information est essentiel pour garantir que les citoyens reçoivent des informations complètes, objectives et diversifiées, ce qui est crucial dans un environnement démocratique.

Aimée Laurentine Kanyana reconnaît aussi l'important rôle des médias dans le processus démocratique du Burundi. Elle soutient que :

La contribution des médias au processus démocratique au Burundi est essentielle car ils garantissent l’information et l’éducation citoyenne, la garantie des droits fondamentaux, la diversification de voix ou d’opinions et la responsabilisation de tous.

Dans un tel contexte, certains médias burundais sont obligés de travailler en exil. C est le cas de l'organe de presse écrite Le Mandat, de la Radio Publique Africaine (RPA), de la Radio Haguruka, de la Radio Inzamba et de la chaîne Télé Renaissance.

Selon le rapport de 2023 d’Amnesty international, la situation des journalistes reste critique, et le gouvernement actuel ne semble pas prêt à améliore de façon significative la liberté d'expression au Burundi.

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Les communautés grecques se mobilisent pour lutter contre les expulsions dans le sillage d'une crise croissante du logementhttps://fr.globalvoices.org/?p=293859http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250306_014945_Les_communautes_grecques_se_mobilisent_pour_lutter_contre_les_expulsions_dans_le_sillage_d_une_crise_croissante_du_logementThu, 06 Mar 2025 00:49:45 +0000En résistant aux expulsions, les communautés grecques se battent contre l'injustice du logement

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Des militants manifestent près de l'appartement d'un couple menacé d'expulsion dans le quartier de Toumba à Thessalonique, en brandissant une affiche sur laquelle on peut lire : « Résistons aux profits du capital. Les maisons des gens sont sauvées par le peuple. La lutte continue. » Photo de l'auteur, utilisée avec permission.

Le 30 janvier [gr.], des habitants et des organisations de Thessalonique, dans le nord de la Grèce, se sont mobilisés pour empêcher l'expulsion d'un homme aveugle de 87 ans souffrant de handicaps graves et de sa femme de 77 ans, qui souffre des conséquences de deux opérations chirurgicales ratées. La maison du couple de personnes âgées a été vendue aux enchères en 2022 en raison d'arriérés de prêt hypothécaire. Les autorités ont exigé que le couple remette les clés le jour de la manifestation. Cet incident a mis en évidence la négligence du gouvernement envers les communautés ouvrières, les politiques inadéquates [ang.] qui ne protègent pas les emprunteurs [ang.] et les nombreux problèmes liés à la gentrification [ang.]
Le même jour, une mobilisation similaire [gr.] a eu lieu dans la banlieue d'Evosmos à Thessalonique, où des militants sont intervenus dans un processus d'expulsion pour l'empêcher en protégeant unе travailleuse monoparentalе avec deux enfants. Ces mobilisations ont contribué à sensibiliser le public au problème généralisé et systémique des personnes confrontées à l'injustice du logement en Grèce.
Bien que la manifestation ait temporairement interrompu l’expulsion, il s’agit d’une lutte continue et les problèmes sous-jacents persistent, en particulier les inquiétudes concernant la protection de l’État pour les plus vulnérables.

À Thessalonique, des manifestants ont défilé avec une affiche sur laquelle on peut lire : « NE TOUCHEZ PAS AUX LOGEMENTS DES GENS. AUCUNE MAISON NE SERA ENTRE LES MAINS DES BANQUIERS ! » L'affiche met en lumière la résistance contre les institutions financières qui non seulement contrôlent les logements des gens mais mettent aussi leur vie en danger. Photo de l'auteur, utilisée avec permission.

Crise du logement : tensions croissantes

De nombreux militants et habitants ont critiqué les récentes lois mises en place [ang.] par le gouvernement au pouvoir et les administrations précédentes, accusant cette initiative plus large d’être « anti-populaire ». Ces sentiments reflètent le mécontentement de nombreux manifestants, qui considèrent que la loi aggrave la situation de la classe ouvrière grecque, avec des mesures telles que l’augmentation des impôts [ang.], l’abolition des droits fondamentaux du travail et la négligence persistante des augmentations de salaires [ang.]. En conséquence, de nombreux travailleurs se retrouvent endettés auprès des banques.
Les expulsions et les ventes aux enchères de biens immobiliers sont devenues un problème répandu au sein de la classe ouvrière. Les banques et les élites fortunées en tirent souvent profit aux dépens des ménages les plus vulnérables d'entre des travailleurs. Par exemple, les familles de la classe ouvrière sont de plus en plus obligées de faire face aux conséquences [gr.] du Plan Hercules [ang.], une initiative introduite [ang.] en 2019 par le gouvernement de la Nouvelle Démocratie, dirigé par le Premier ministre Kyriákos Mitsotákis, pour traiter les prêts non performants (PNP) en les transférant à des fonds d’investissement privés. Le plan visait à assainir les bilans des banques grecques en se débarrassant des créances irrécouvrables qui n’étaient pas remboursées, l’État grec fournissant des garanties pour une partie de ces prêts.

En 2021, le gouvernement a prolongé le programme sous Hercules II [ang.], en gérant davantage la titrisation des créances douteuses. Cependant, les critiques affirment que, plutôt que de protéger les ménages vulnérables, le plan a augmenté les saisies et les expulsions [ang.], les fonds et les banques se déplaçant agressivement pour recouvrer les créances.

L'un des militants s'avance pour prononcer un discours de solidarité avec le couple de personnes âgées menacé d'expulsion devant leur maison à Thessalonique. Photo de l'auteur, utilisée avec permission.

De plus, les critiques affirment [ang.] que ces mesures ne font que protéger les intérêts financiers des banques tout en mettant en danger les familles vulnérables, voire en les exposant au risque de se retrouver sans abri [ang] dans ce processus. De telles tactiques visent à affaiblir et à nuire à la classe ouvrière tout en bénéficiant à l’élite riche et aux institutions financières sans tenir compte des implications plus larges de ces politiques.

Qui en paie les frais ? Les échecs des politiques dans le contexte de la crise du logement

Une semaine après la première mobilisation, une autre a eu lieu le 8 février [gr.], où les travailleurs et les habitants du quartier de Toumba à Thessalonique se sont rassemblés contre l’expulsion de familles menacées de vente aux enchères de leurs biens. Cette fois, la manifestation a compté sur la participation de personnalités éminentes telles que Giannis Delis, député du Parti communiste de Grèce, qui a vivement dénoncé la législation autorisant ces expulsions. Delis a appelé le gouvernement à rendre des comptes, soulignant que la pression publique est cruciale dans ces situations, favorisant la solidarité et mettant un terme à de nouvelles expulsions, soulignant que les personnes confrontées aux saisies immobilières et aux ventes aux enchères ne sont pas impuissantes tant que la résistance collective et la solidarité continuent de croître.

Dans cette vidéo, Delis dénonce les injustices persistantes confirmées par les lois des principaux partis, réaffirmant sa solidarité avec le peuple :

Par ailleurs, Yannis Kourmoulis, s’exprimant au nom du Comité des syndicats contre les ventes aux enchères (Επιτροπή των Εργατικών Σωματείων ενάντια στους πλειστηριασμούς), a souligné l’attaque en cours contre le logement de la classe ouvrière [gr.] Il a souligné que les plus vulnérables sont souvent les plus touchés, comme les personnes handicapées, les jeunes couples et les retraités, qui se trouvent de plus en plus en danger.
Au sein de l’UE, les ménages grecs sont confrontés au fardeau du coût [ang.] du logement le plus élevé [ang.], avec une moyenne de 35 % du revenu disponible consacré au loyer, aux remboursements hypothécaires et aux services publics. Ce n’est pas un problème nouveau en Grèce, qui figure régulièrement parmi les pays les plus touchés [ang.]
En réponse à cette situation, le gouvernement du Premier ministre Mitsotákis a lancé l'année dernière le programme My House II [gr.], ui alloue deux milliards d'euros pour aider 15 000 jeunes et couples de moins de 50 ans. De plus, 400 millions d'euros ont été réservés à des prêts à taux zéro pour les rénovations énergétiques des logements, ainsi qu'une exonération fiscale temporaire pour les propriétaires qui convertissent les locations à court terme en baux à long terme.
Cependant, ces mesures ont rencontré une réaction négative importante, les critiques soulignant l'échec de la précédente initiative My House I [ang.] pour freiner la hausse des coûts du logement. Plutôt que d'alléger ces charges, les politiques gouvernementales ont fait de la Grèce l'un des marchés du logement les plus inabordables de l'UE [ang.]
Les critiques affirment [ang.] que ces initiatives ne parviennent pas à mettre en œuvre des contrôles efficaces des loyers ou à traiter l’impact des locations à court terme, qui affectent de manière disproportionnée les personnes à faible revenu, les travailleurs et même les étudiants. D’autres critiques visent les fonds d’investissement pour avoir exploité un cadre juridique injuste qui a été approuvé [gr.] par les gouvernements successifs, y compris le parti au pouvoir Nouvelle Démocratie, SYRIZA et PASOK.
Un autre problème préoccupant est la tendance du gouvernement à rejeter la faute [ang.] sur les autres. Les autorités ont ciblé les locataires « non payants » comme étant la cause profonde de la crise du logement plutôt que de reconnaître les problèmes systémiques plus profonds qui persistent depuis des années.

Un combat pour la justice en matière de logement : les demandes de responsabilisation

Ces problèmes sont le reflet d'un gouvernement qui privilégie le profit au détriment d'un filet de sécurité pour les ménages de la classe ouvrière. Les manifestations ont mis en évidence la résistance persistante des résidents et des militants qui travaillent en solidarité pour dénoncer la crise systémique plus large de la Grèce. À mesure que ces mouvements se renforcent, il deviendra impossible d'ignorer la demande de responsabilisation des autorités.
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Caraïbes : le prisme des déportations massives de l'administration Trumphttps://fr.globalvoices.org/?p=293584http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250306_013613_Caraibes___le_prisme_des_deportations_massives_de_l_administration_TrumpThu, 06 Mar 2025 00:36:13 +0000Le langage utilisé autour de l'expulsion conduit souvent à une perception négative des personnes concernées.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de Canva Pro.

Peu après avoir prêté serment pour la deuxième fois, le président américain Donald Trump a commencé à mettre en œuvre sa promesse électorale de freiner l'immigration clandestine en ordonnant des expulsions massives par charters, alors que les nations des Caraïbes suivent de près l'évolution de la situation.

Selon un document publié en novembre 2024 par ICE (United States Immigration and Customs Enforcement), le service de l'immigration et des douanes des États-Unis, 97 148 ressortissants des Caraïbes auraient été identifiés dans le cadre de son programme d’expulsions (Enforcement and Removal Operations (ERO)). À la date du communiqué, 1 445 549 non-ressortissants inscrits sur le registre des personnes non détenues auraient fait l'objet d'une ordonnance définitive d’expulsion ; les ressortissants des pays des Caraïbes représentent 6,72 % de la liste.

Les pays de la région ayant le plus grand nombre d'expulsés sur la liste sont Cuba (42 084), Haïti (32 363) et la République dominicaine (12 699). La Jamaïque est en tête de la liste des pays anglophones des Caraïbes avec 5 120 personnes, suivie de la Guyane (1 236) et de Trinité-et-Tobago (1 197). La liste n'indique pas le nombre réel de personnes expulsées, car si « des pays refusent d’accepter le retour de leurs ressortissants, ICE peut les classer comme non coopératifs ou à risque de non-conformité. » Cuba a été jugé « récalcitrant », tandis que la Jamaïque et Sainte-Lucie sont considérées comme susceptibles de ne pas respecter leurs obligations.

Les protections juridiques prévues par les conventions internationales, ainsi que les enjeux diplomatiques, voire même les problèmes logistiques, peuvent également entrer en jeu, mettant en évidence les subtilités liées à la migration régionale vers les États-Unis, qui comptent d'importantes et dynamiques communautés de la diaspora caribéenne. Bien entendu, les ordonnances d'expulsion de l'administration Trump ont contribué à alimenter en ligne des discussions passionnées sur la question.

Fin janvier, deux diplomates de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), à savoir l'ambassadeur d'Antigua aux États-Unis, Sir Ronald Sanders, et l'ambassadeur de la Barbade auprès de la CARICOM, David Commissiong, ont conseillé aux gouvernements de la région de se préparer à un afflux de personnes expulsées.

Selon le blog de Sanders : « les implications, en particulier pour les ressortissants des Caraïbes, méritent une attention particulière ». L'un des points auxquels il fait référence est un décret présidentiel intitulé « Protéger le sens et la valeur de la citoyenneté américaine », qui vise à mettre fin à la citoyenneté de naissance pour les enfants nés aux États-Unis de parents qui ne sont pas eux-mêmes citoyens américains ou résidents permanents légaux.

« Ce décret remet directement en question l'interprétation de longue date du 14e amendement de la Constitution américaine », écrit Sanders. Il affirme en outre : « Il est de notoriété publique que certains ressortissants de pays étrangers, notamment d'Amérique latine [et] des Caraïbes, choisissent de faire naître leurs enfants aux États-Unis, dans l'espoir que cela leur permettra […] de demander avec succès la résidence permanente ou la citoyenneté. »

Si le décret n'a pas le pouvoir de priver rétroactivement de leur citoyenneté les personnes déjà nées aux États-Unis, il est probable que les enfants nés de titulaires d’un visa non-immigrant n'auront pas droit à l'avenir à la citoyenneté.  Sanders explique : « Jusqu'à ce qu'une décision de justice soit prise, les ressortissants des Caraïbes, en particulier les femmes enceintes, doivent s'attendre à un contrôle plus rigoureux lors de leur entrée aux États-Unis. Les officiers de l'immigration sont susceptibles d'examiner de plus près l'objet de leur voyage, et leur entrée pourra être refusée s'ils soupçonnent leur intention d'accoucher dans le pays ».

Les Caraïbéens sans-papiers sont bien évidemment inquiets face à la vague d’expulsions qui sévit actuellement. Si Sanders reconnait que « les États-Unis, et toutes les autres nations, ont le droit souverain d'élaborer et de mettre en œuvre leurs politiques d'immigration », en réalité certains pays ne sont pas prêts à coopérer pour reprendre leurs ressortissants. Il a toutefois admis qu'il était « peu probable que cette position soit adoptée par la majorité des nations anglophones des Caraïbes [dont] le contexte et les principes sociétaux ne leur permettraient pas d’abandonner leurs citoyens ».

Dans cette optique, la chaîne de télévision Choice TV de Sainte-Lucie a sondé les réactions de la population locale face à la probabilité de devoir accueillir des personnes expulsées. La plupart des gens reconnaissent que les États-Unis, comme tout autre pays, ont le droit d'appliquer leurs lois. D’autres s’inquiètent de l'impact de criminels potentiels sur les petites communautés insulaires, qui sont déjà confrontées à des crimes violents. Selon l’une des personnes interrogées, les ressortissants qui rentrent dans leur pays devraient être en mesure d’ « avoir un endroit où s’installer », une préoccupation légitime car au fil des années, de nombreux migrants ont tendance à perdre le contact avec les réseaux de soutien basés dans les Caraïbes.

Sanders, pour sa part, souligne que : « [L]'intégration soudaine d'un grand nombre d'expulsés peut avoir un effet perturbateur sur les services sociaux des gouvernements de la CARICOM, en particulier en ce qui concerne les soins de santé et l'éducation. La pression supplémentaire pourrait aggraver le chômage et, potentiellement, contribuer à une augmentation des taux de criminalité ». Il a également suggéré que, dans la mesure où « les États-Unis jouissent d'une balance commerciale largement excédentaire avec les pays du CARICOM, alors que leur aide à la région représente moins de 0,1 % de leur budget d'aide total », les nations des Caraïbes devraient être en mesure d’exercer « des pressions pertinentes » sur le gouvernement américain si les défis découlant des déportations massives devenaient « ingérables ».

Ralph Gonsalves, le Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, a déjà exprimé ses inquiétudes quant au peu d'informations fournies sur les antécédents criminels des ressortissants saint-vincentais figurant sur la liste des expulsés, qu'il a qualifiées de « cruciales pour leur réintégration ».

L'ambassadeur David Commissiong a quant à lui suggéré que le prochain sommet de la CARICOM, prévu pour la mi-février, offrirait aux dirigeants régionaux l'occasion d'élaborer une politique commune concernant le retour forcé des ressortissants des Caraïbes et de discuter de la manière dont « nous pourrions les aider à se réintégrer dans nos sociétés ».

Le défi réside en partie dans le langage utilisé dans les Caraïbes autour de l'expulsion, avec des termes tels que « déportation massive de citoyens » qui conduisent souvent à une image négative des personnes concernées. En Jamaïque, par exemple, le terme « déportés », couramment utilisé, est stigmatisé. Nombreux sont ceux qui s'offusquent de ce terme, estimant qu'il entretient l'idée erronée que tous les immigrés expulsés sont des criminels, des allégations colportées en grande partie par les médias locaux.

Le professeur de criminologie jamaïcain Bernard Headly, aujourd’hui décédé, qui s’est battu avec ferveur afin que le concept du terme « expulsé » soit modifié, a déclaré un jour que « les expulsés sont, à leurs dépens, constamment considérés par les gardiens de la nation (notamment dans les administrations du personnel et les établissements de crédit) comme des menaces criminelles génériques, “quelle que soit la raison” de leur expulsion. Conformément à ce type de discours, la seule chose que l'on peut attendre d'eux, est de causer encore plus de tort à la société. »

Cependant, les statistiques ne corroborent souvent pas ce point de vue. Bernard Headly invitait souvent ses étudiants à faire preuve d'un esprit plus critique : « les personnes expulsées reconnues coupables de crimes ou condamnées (et non celles déportées pour de simples infractions à la législation sur l'immigration) sont de deux types. Le premier, qui constitue l'écrasante majorité, est constitué d'individus condamnés pour des délits divers, principalement liés à la drogue, mais aussi pour des infractions telles que le vol à l'étalage et l'émission de chèques sans provision ».

Le professeur Andy Knight, dans un article publié dans le magazine d'information Caribbean Camera, basé au Canada, l'une des plus importantes publications au service de la communauté de la diaspora dans ce pays, constate que les déportations auront des répercussions inévitables, notamment « le tarissement d’aides financières en provenance des États-Unis qui profitent normalement à un grand nombre de familles vivant dans les Caraïbes ». Ces envois d’argent de la part d’immigrés constituent une source importante de revenus pour les territoires régionaux

Cela, ajouté à la politique commerciale et économique « America first » (en français : l’Amérique d’abord) de l'administration Trump, pourrait, selon Knight, avoir un impact négatif sur les économies régionales, au même titre que sa position sur la crise climatique est à l'opposé des intérêts de la région. Il conclut que les nouvelles politiques américaines, y compris les déportations massives, appellent à une « nouvelle diplomatie régionale » qui a le potentiel de « créer des divisions au sein de la CARICOM, fragilisant ainsi l'unité régionale entre les petits États des Caraïbes qui sont déjà confrontés à d’énormes pressions extérieures et à une divergence d’intérêts nationaux. »

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« Faire germer les graines » de la démocratie face à la violence politique au Brésil : l’héritage de Marielle Francohttps://fr.globalvoices.org/?p=291767http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250306_011918____Faire_germer_les_graines____de_la_democratie_face_a_la_violence_politique_au_Bresil___l___heritage_de_Marielle_FrancoThu, 06 Mar 2025 00:19:18 +0000« … nous devons transformer une culture politique profondément marquée par la peur et la violence. »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Marielle Franco, Septembre 2017. Photo reproduite avec l'autorisation de l'Institut Marielle Franco.

Cet article, rédigé par Bibbi Abruzzini et Clarisse Sih, s'inscrit dans #la Campagne MarchWithUs, qui met en évidences les histoires d'activistes pour la justice de genre à travers le monde. Écoutez l'épisode de podcast sur l'Institut Marielle Franco ici.

Dans la nuit du 14 mars 2018, le Brésil a été bouleversé par l’annonce de l’exécution d’une conseillère municipale de Rio de Janeiro. Marielle Franco, femme politique âgée de 38 ans, a été tuée dans sa voiture aux côtés de son chauffeur, Anderson Gomes. Depuis lors, son nom est devenu un emblème de la lutte contre la violence politique et est connu dans le monde entier.

Franco a été élue pour la première fois au Conseil municipal de Rio en 2016 sous les couleurs du PSOL (Parti Socialisme et Liberté), un parti de gauche.. Elle était une femme d'origine africaine ayant grandi dans le complexe de favela de Maré, l'un des plus grands de la ville. Elle était mère célibataire et vivait une relation avec une femme.  Sociologue de formation, elle était également titulaire d’un master obtenu en étudiant l’implantation des unités de police dans les favelas. Elle militait activement pour les droits humains, en particulier ceux des communautés LGBTQ+ et des populations défavorisées.

Lors de sa première candidature, elle a obtenu 46,502 voix. Après sa mort, sa famille a créé l’Institut Marielle Franco, une organisation de la société civile,  afin de continuer à réclamer justice et des réponses sur son assassinat et ses commanditaires. L’institut œuvre également à perpétuer son héritage à travers des projets liés aux causes qui lui tenaient à cœur.

Alors que le Brésil s’apprête à voter à nouveau aux élections municipales et que plus de 60 pays se rendent aux urnes en 2024, des inquiétudes persistent quant à la vulnérabilité des activistes, des candidates et même des citoyennes dans des contextes locaux de plus en plus polarisés.Les recherches montrent que la violence politique touche certaines plus durement que d’autres.

Les femmes et d’autres minorités à travers le monde sont confrontées à des niveaux sans précédent de violence politique ciblée. Cela se manifeste sous diverses formes, allant des agressions physiques aux représailles contre des groupes historiquement marginalisés, en réaction à leurs avancées au sein des structures de pouvoir patriarcales et coloniales.

« La police a tiré à 111 reprises »

Après la nomination d'Anielle Franco, la sœur cadette de Marielle, au poste de ministre de l'Égalité raciale dans le gouvernement de Luiz Inácio Lula da Silva en 2023, Lígia Batista,avocate spécialisée en droits humains, est devenue directrice exécutive de l’Institut Marielle France. Lígia Batista, a été l'une des architectes d’une campagne menée par Amnesty International pour suivre l’évolution des enquêtes sur l’assassinat de Marielle Franco. Elle a exigé une réponse plus rapide et impartiale des autorités policières et a porté l’affaire devant des instances nationales et internationales de défense des droits humains.

« J’ai commencé à canaliser ma colère à l’université, en m’engageant comme activiste des droits humains, principalement contre le racisme et la violence policière », déclare Lígia Batista dans une interview avec Bibbi Abruzzini du réseau de la société civile Forus. « Le premier cas qui m’a profondément marquée a eu lieu en novembre 2015, lorsque cinq jeunes garçons noirs ont été abattus par des policiers à Rio de Janeiro, alors qu’ils se trouvaient dans une voiture. » La police a tiré 111 fois

« Après ce jour-là, j’ai commencé à comprendre ce qui me motive, pourquoi j’étais si en colère et quel type de contribution je voulais apporter pour changer ces inégalités et la façon dont la violence s’exerce contre des personnes comme nous, ma famille et mes voisins », explique Lígia Batista.

Au fil de ses années de travail à Amnesty International, Lígia Batista a traité des questions liées au droit au logement, au droit de manifester, à la résolution des conflits, ainsi qu’à la dénonciation des violences policières et de la violence en politique. Grâce à cet engagement, elle a eu l’opportunité de rencontrer Marielle Franco.

Lígia Batista, directrice exécutive de l’ Institut Marielle Franco.

Au cours des dernières années, lInstitut Marielle Franco a consolidé son travail autour de trois axes principaux, explique Lígia Batista. Le premier axe vise à lutter contre la violence politique fondée sur le genre et la race. Le deuxième axe consiste à combattre et surmonter les obstacles à la participation politique des femmes noires, des personnes LGBTQ+ et des habitantes des favelas et des périphéries. Le troisième axe consiste à explorer des moyens créatifs pour préserver la mémoire de Marielle Franco.

Par exemple, pour les élections municipales de 2024 au Brésil, ils ont élaboré l’Agenda Marielle Franco,  un ensemble de pratiques et d'engagements politiques antiracistes, féministes, LGBTQI+, populaires et issus des périphéries, inspirés de l’héritage de Marielle Franco. Pour élaborer l’édition de cette année, ils ont consulté plus de doublant ainsi le nombre de participantes par rapport à 2022.

L'Agenda Marielle Franco est conçu pour être mis en œuvre dans les conseils municipaux et les gouvernements locaux par les candidates aux élections de  2024.

Lutter contre la violence politique fondée sur le genre et la race

Lígia Batista déclare : « Pour faire réellement avancer la lutte en faveur d’une transformation du système politique brésilien, nous devons changer une culture politique profondément marquée par la peur et la violence. » Pour lutter contre la violence politique, il est essentiel de responsabiliser les partis politiques et les gouvernements. « Ce sont eux qui doivent proposer des outils efficaces pour prévenir et combattre la violence politique fondée sur le genre et la race. »

Par exemple, l’étude « Cartographie de la violence politique contre les femmes noires », menée par l'Institut Marielle Franco en partenariat avec  Justiça Global et Terra de Direitos, ont analysé la violence politique fondée sur le genre. Selon le rapport, huit femmes noires sur dix ayant participé aux élections de 2020 au Brésil ont été victimes de violence virtuelle, six sur dix ont subi des violences morales et psychologiques, et cinq sur dix ont été confrontées à des violences institutionnelles.

Ils ont identifié huit types de violence politique subis par plus de 140 candidates noires à travers le pays. Leur travail montre de manière constante que, élues ou non, les femmes noires restent sans protection face à ces formes de violence.À travers la campagne «Não Seremos Interrompidas» (« Nous ne serons pas interrompues ») — une référence— dernier discours de Marielle Franco au Conseil municipal de Rio  —, ils plaident pour que les autorités locales agissent contre la violence politique qui empêche les femmes noires et les personnes LGBTQ+ d’accéder et d’occuper en toute sécurité le pouvoir politique.

« Cette année, nous travaillons à la création d’un réseau de stratèges politiques, un groupe de personnes qui se rassembleront pour soutenir les candidates noires et les personnes LGBTQ+ pendant les élections. » « Jusqu'à présent, nous avons principalement exploré ce travail à travers l’art et la culture », ajoute Lígia Batista.

Il y a deux ans, loi a été adoptée au Brésil pour lutter contre la violence politique. « Justice pour Marielle » va au-delà de la recherche de réponses et de la responsabilisation des auteurs du crime. Nous devons veiller à ce que plus personne ne soit tué. »

C'est pourquoi l’ Institut Marielle Franco a lancé une enquête qui dresse un « radiographie » des deux années d'application de la loi et des mécanismes de protection et de prévention contre la violence politique. Ils plaident pour un renforcement de la législation et des mécanismes de protection, notamment la mise en place d’un protocole spécifique pour les victimes de violence politique. Ils demandent également l’assurance d’un soutien financier adéquat aux élu·e·s confronté·e·s à des attaques et l’implication des partis politiques, des instances électorales et d’autres acteurs dans des programmes de prévention et de sensibilisation.

La plateforme PANE, un autre projet de l’Institut, regroupe des actions et des outils visant à transformer le système politique brésilien. Faisant référence aux 524 ans écoulés depuis l’arrivée des colons portugais, la plateforme retrace les profondes inégalités et violences subies par les communautés historiquement marginalisées au fil des siècles. Les fissures des structures actuelles sont visibles, et PANE promeut l’inclusion des femmes noires dans les espaces de décision. La plateforme fait pression sur les partis pour qu’ils soutiennent ces candidatures et plaide pour un engagement des candidats·es en faveur de politiques antiracistes lors des élections.

En collaboration avec des organisations telles que Educafro, le Movimento Mulheres Negras Decidem ( Les femmes noires décident ), et la Coalizão Negra por Direitos ( Coalition noire pour les droits ), l’Institut Marielle Franco a déjà accompli des avancées significatives.

Ils ont réussi à faire pression sur le Tribunal supérieur électoral (TSE) pour garantir un financement proportionnel et un temps d’antenne équitable aux candidat·e·s noir·e·s lors des élections de 2022. Cependant, ils visent des changements durables et exhortent les partis à appliquer ces recommandations sans délai.

Tendances mondiales

Festival annuel Justiça por Marielle e Anderson,  Rio de Janeiro 2024. Photo publiée avec l’autorisation de l’ Institute Marielle Franco.

À l’échelle mondiale, les femmes, les minorités et les communautés LGBTQ+ restent largement sous-représentées dans la prise de décision politique et au sein des partis politiques. Ce problème trouve ses racines dans des dynamiques sociétales complexes et ides formes de violence croisées. Au rythme actuel, la diversité de genre aux plus hautes fonctions du « pouvoir politique» ne sera pas atteinte avant 130ans.

Le rôle de la solidarité internationale dans la transformation des systèmes politiques ne peut être négligé, affirme Batista : « Je pense que la solidarité internationale est essentielle pour nous. » Nous sommes plus forts lorsque nous sommes unis, au-delà de toutes les frontières. « Ce message de solidarité est toujours crucial pour renforcer la pression, favoriser la prise de décisions, changer la situation et créer un environnement politique différent. »

Ce 14 mars dernier a marqué six ans et 71 mois depuis l’assassinat de Marielle Franco. La famille écrit que ce furent « les six années les plus difficiles de notre vie. » Mais chaque année, l'Instituto Marielle Franco organisait un « festival de la justice », réunissant plus de 20 000 personnes, afin de poursuivre la lutte pour la justice, honorer la mémoire de Marielle Franco, faire vivre son héritage et « nourrir les graines » de démocratie contre la violence politique.

Après six ans, les assassins de Marielle Franco ont enfin été condamnés en novembre dernier. S'adressant à la presse après leur condamnation, Anielle Franco, la sœur de Franco, a déclaré qu'il s'agit du début d'un chemin vers la justice : « Nous devons mettre fin à la normalisation de la violence contre les personnes noires, les enfants victimes de balles perdues et les figures publiques assassinées ». Nous tiendrons la tête haute pour Marielle, Anderson et pour le droit à une vie digne.

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Afrique de l'Ouest : la menace du véritable coût de la Saint-Valentinhttps://fr.globalvoices.org/?p=293612http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250305_133208_Afrique_de_l_Ouest___la_menace_du_veritable_cout_de_la_Saint-ValentinWed, 05 Mar 2025 12:32:08 +0000Le chocolat pourrait devenir un produit de luxe, voire disparaître complètement

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Personne tenant un plateau de chocolats en forme de cœur. Image via RDNE Stock project, depuis Pexels (Libre d'utilisation).

Auteur : Bezawit Mekonnen

Il est difficile de s'imaginer un monde sans chocolat, surtout à l'approche de la Saint-Valentin, lorsque tous les magasins sont remplis de produits estampillés « originaires d'Afrique de l'Ouest ». Mais alors que l'Afrique de l'Ouest souffre de la déforestation, du changement climatique ou encore de la montée des eaux, il faudrait se demander comment une fête aussi commerciale que la Saint-Valentin évoluera, et ce même si elle stimule les ventes de chocolats et de roses à travers le monde.

À vrai dire, cet étalage grotesque de sucreries brunes que l'on associe assez facilement avec la Saint-Valentin disparaîtra probablement plus tôt qu'on ne le pense. C'est assez étrange de se dire que le chocolat pourrait devenir un produit de luxe dans une trentaine d'années. Ou peut-être aura-t-il totalement disparu ?

La production de cacao

Les fèves de cacao, ingrédient principal du chocolat, prospèrent dans un environnement chaud et humide, nécessitant à la fois ombre et pluie pour bien pousser. Cependant, les producteurs de cacao avertissent que la déforestation et le changement climatique affectent négativement les réserves mondiales. Mondelez International, l'entreprise à la tête des marques Milka et Cadburry tire la sonnette d'alarme : si aucune solution n'est mise en place d'ici à 30 ans, la Côte d'Ivoire et le Ghana, les régions produisant plus de 60 pour cent des fèves de cacao dans le monde, pourraient ne plus rien cultiver.

La Côte d'Ivoire est le leader mondial dans la production et l'exportation de cacao. De 2019 à 2022, le pays exportait pour près de 5 milliards de dollars de cacao chaque année.

Plus de 2 millions de fermiers d'Afrique de l'Ouest dépendent de la production de cacao. Mais depuis une dizaine d'années, le projet de transformer les forêts humides en plantation de cacao fait polémique.

Le cacao pousse lentement. Il faut parfois une année entière pour qu'un arbre produise le cacao nécessaire à 200 grammes de chocolat, soit environ deux barres de chocolat par arbre. De plus, les vieux arbres de cacao produisent moins de quantité que les arbres plus jeunes, et malheureusement, la plupart des plantations de cacao ne sont plus toute jeunes. Mais la demande mondiale de cacao augmente toujours plus, et les producteurs ont du mal à suivre la cadence. Aux États-Unis, on consomme presque 26 millions de kilos de chocolat durant la semaine de la Saint-Valentin. Il faudrait environ cent trente mille arbres pour produire autant de chocolat rien que pour le marché américain. En 2023, l'Europe, continent important le plus de cacao au monde, a importé près de 1,6 milliard de kilos en fève de cacao. La plupart de ces fèves venant de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du Niger et du Cameroun.

La déforestation en Côte d'Ivoire et au Ghana

Pour répondre à cette problématique, les producteurs de cacao préfèrent généralement raser des forêts tropicales pour planter de nouveaux arbres plutôt que de réutiliser les mêmes terres, causant ainsi une déforestation massive en Afrique de l'Ouest, plus particulièrement en Côte d'Ivoire. Les experts estiment qu'environ 70 pour cent de la déforestation illégale du pays serait liée la production de cacao.

D'après Trase, watchdog environnemental, il a suffi d'une vingtaine d'années pour que la Côte d'Ivoire perde près de 45 pour cent de ses forêts humides tropicales. Cela représente chaque année une perte presque égale à la taille de New York.

La disparition des forêts en Côte d'Ivoire et au Ghana depuis 60 ans. En vert, les forêts restantes. En gris, les forêts rasées. Source : International Wildlife Conservation. Libre d'utilisation.

Les conséquences de la déforestation sur la biodiversité du pays est quant à elle sans précédentes. En Côte d'Ivoire, tenant son nom des milliers d'éléphants qui sillonnaient autrefois la région, seule une centaine d'éléphants ont survécu à la destruction de leur habitat.

D'autres problèmes socio-économiques, par exemple le travail des enfants ou les inégalités de salaires, viennent s'ajouter aux problématiques déjà existantes. Si la plupart des producteurs de cacao d'Afrique de l'Ouest gagnent déjà moins d'un dollar par jour, c'est encore pire chez les femmes. En effet, le prix du cacao a tellement chuté que la plupart d'entre elles ne gagnent pas plus de 30 cents par jour, les faisant passer sous le seuil de pauvreté et empêchant ainsi toute amélioration pour la ferme. De plus, le travail des enfants reste toujours très répandu dans les pays producteurs de cacao, où les familles dépendent de leurs enfants pour limiter les dépenses de mains-d'œuvre. En 2021, une étude du NORC de l'université de Chicago a révélé qu'environ 1,6 million d'enfants au Ghana et en Côte d'Ivoire, en plus de travailler dans l'industrie du cacao, travaillaient dans des conditions dangereuses. Ces enfants devaient réaliser des tâches nécessitant d'escalader les arbres pour récolter les cosses, d'utiliser des outils dangereux et coupant pour ouvrir ces cosses ou encore de porter des charges lourdes.

Afin de mieux comprendre la globalité de ces problèmes marqués par une volatilité de la valeur marchande et un changement climatique de plus en plus dangereux, Global Voices a pris le temps de discuter avec Jean Paul Aka, chef d'équipe pour l'Environnement, le Développement Durable et Inclusif au PNUD Côte d'Ivoire. Aka connaît mieux que quiconque les dures réalités du cacao. Son père, comme beaucoup d'autres producteurs, a perdu sa ferme à cause de la sécheresse et des difficultés environnementales. Il parle d'ailleurs des communautés affectées par les sécheresses avec un certain air nostalgique :

Farmers have worked the land for generations and are too attached to uproot their aging cocoa trees. They cling to the hope of a better harvest next season.

Les fermiers travaillent sur ces terres depuis des générations. Ils sont donc bien trop attachés à ces arbres pour les remplacer. Ils espèrent que la prochaine récolte sera meilleure.

C'est assez triste de se dire que les prix du cacao dans le monde ont beau tripler, la production locale, elle, ne fait que chuter.

Un espoir pour le futur

Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), en partenariat avec le gouvernement et le secteur privé, font de leur mieux pour redonner espoir aux producteurs de cacao. La Côte d'Ivoire et le Ghana, par exemple, prennent des mesures drastiques pour endiguer la déforestation et encourager la biodiversité, s'assurant ainsi un écosystème en meilleure santé et réduisant le besoin de détruire les forêts. Au travers de son programme SCALA, le PNUD concentre ses efforts dans la création d'une agroforesterie durable.

Bien que ces changements soient prometteurs, Aka tient tout de même à souligner qu'il faudra faire plus d'efforts :

We need to make machinery accessible to cooperatives so they can grind and roast cocoa before export.

Nous devons rendre les machines accessibles aux coopératives afin qu'elles puissent torréfier le cacao avant de l'exporter.

Mais si la Côte d'Ivoire produit plus de 60 pour cent du cacao dans le monde, pourquoi le pays n'est-il pas un acteur global sur le marché du chocolat ?
Aka nous explique :

Producing chocolate in Ivory Coast is challenging. Large brands dominate the market, making it difficult for new players to enter.

Puisque de grandes marques dominent déjà le marché, cela devient compliqué pour de nouveaux acteurs d'y entrer. C'est pourquoi la Côte d'Ivoire n'arrive pas vraiment à produire du chocolat.

Contrairement à d'autres industries, comme le beurre de cacahuètes, le traitement à grande échelle n'est pas répandu dans le pays. Les premières étapes du processus, la torréfaction et le broyage sont pourtant assez simples. Aka nous explique la vie d'une fève de cacao :

Multinational companies buy raw cocoa from Ivory Coast, process it in Europe or the United States (such as grinding and roasting), and then sell it to major chocolate brands like Ferrero, Lindt, and Nestlé. These companies are reluctant to give up their control over the market, which significantly hampers the development of a local chocolate industry.

Les multinationales achètent les fèves de cacao en Côte d'Ivoire, puis le processus de torréfaction et de broyage se fait en Europe ou aux États-Unis. Les grandes marques de chocolat (Ferrero, Lindt, Nestlé, etc.) achètent ensuite le produit fini.
Ces multinationales ne souhaitent pas partager le marché, ce qui empêche le développement d'une industrie locale.

« Et tout ça doit changer », a-t-il ajouté.

If 50 percent of our cocoa were processed locally, it could create thousands of jobs, increase farmers’ incomes, and reduce poverty.

Si l'on pouvait traiter rien que 50 pour cent du cacao localement cela créerait des milliers d'emplois, les fermiers auraient un meilleur salaire, la pauvreté serait réduite.

Alors que la Côte d'Ivoire traite de plus en plus son cacao localement, pensez-vous qu'il sera bientôt possible d'acheter du chocolat « made in Côte d’Ivoire » ?
Aka répond gaiement :

Within the next five to ten years. Africa is growing too fast for it not to happen. The first step is local cocoa processing but it’s possible to see export-standard, locally produced chocolate. We’re already seeing chocolatier schools opening here, so it’s coming.

Cela sera sûrement possible d'ici cinq à dix ans. L'Afrique est un continent en pleine expansion, donc cela arrivera bien un jour. La première étape, c'est de traiter localement le cacao, ce qui est déjà possible. On voit de plus en plus de chocolat conforme à l'export, et il y a déjà des formations de chocolatier qui sont disponibles, alors ce n'est plus qu'une question de temps.

S'imaginer un monde dans lequel le chocolat d'Afrique de l'Ouest peut concurrencer le reste du monde… c'était probablement la partie la plus intéressante de toute la conversation. Mais avant d'y arriver, il faudra d'abord faire pencher les pratiques économiques en faveur des petites industries, et pour cela, les multinationales devront desserrer leur emprise sur le marché du cacao.

Même si le futur semble morose, avec les bonnes pratiques et les bons investissements, il y a peut-être une chance de voir émerger un futur brillant. L'Afrique de l'Ouest a toutes les cartes en main pour rendre son industrie du cacao autosuffisante, plus durable et meilleure pour l'environnement. Comme le dit Aka, le futur du cacao ivoirien, comme celui d'autres régions, ne dépend que des décisions politiques des prochaines années.

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« Un brin de culture que j'emporte avec moi » : ce que notre langue maternelle signifie pour noushttps://fr.globalvoices.org/?p=293765http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250305_132004____Un_brin_de_culture_que_j_emporte_avec_moi______ce_que_notre_langue_maternelle_signifie_pour_nousWed, 05 Mar 2025 12:20:04 +0000Des membres de la communauté Global Voices discutent de la beauté de leurs langues maternelles et des injustices auxquelles elles sont confrontées.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de zhendong wang sur Unsplash

Notre langue maternelle est beaucoup plus qu'un système de communication. Elle façonne notre identité et nos opinions. Elle cultive nos liens émotionnels avec notre culture et notre communauté. Elle porte en elle l'histoire des liens de l'humanité ainsi que l'avenir de la résilience de l'humanité.

C'est précisément pour ces raisons que le monde entier célèbre chaque année, le 21 février, la Journée internationale de la langue maternelle, afin de souligner l'importance de la protection et de la promotion de la diversité linguistique et du multilinguisme.

À cette occasion, nous avons demandé à la communauté Global Voices un groupe très multilingue ! de répondre à une question simple : Que signifie pour vous votre langue maternelle ? Les réponses que nous avons reçues étaient intimes et honnêtes, allant de la mise en valeur de la beauté de la langue en question au partage des luttes personnelles et politiques liées à son utilisation.

« Un sentiment d'appartenance qui m'enracine »

Rami Alhames est le responsable de la traduction de la langue arabe pour le projet Global Voices Lingua. Il décrit la langue arabe comme « le battement de cœur de mon identité » :

Elle porte les échos de mes ancêtres, la chaleur des réunions de famille et la richesse de ma culture. À travers ses vers poétiques et sa calligraphie complexe, je ressens un lien profond avec mon héritage. Elle façonne mes pensées, mes rêves et mes expressions, m'enracinant dans un sentiment d'appartenance. Chaque mot est comme un pont vers mes racines, un rappel de qui je suis et d'où je viens.

Pour la traductrice Ghaydaa Alnakhal, l'arabe en tant que langue maternelle est une source de fierté :

La langue arabe est un trésor que chacun aime découvrir. C'est la langue du Saint Coran ; chaque mot a une connotation significative. Je suis fière de ma langue maternelle, car chaque fois que je rencontre des étrangers, ils me demandent de leur apprendre quelques mots d'arabe.

Elisa Marvena, écrivaine et traductrice, a expliqué qu'elle avait appris à apprécier sa langue maternelle, l'espagnol, sous un jour nouveau, en vivant hors de son pays d'origine :

Depuis que je vis en Allemagne, ma langue maternelle est également devenue le point d'entrée de nombreuses amitiés, un espace où je me sens en sécurité, à l'aise et le plus « moi-même ». Cette expérience m'a permis de comprendre pourquoi les communautés étrangères, où qu'elles soient dans le monde, ont tendance à rester proches et à construire spontanément ce que certains appellent négativement des « ghettos ».

De plus, selon Elisa, transmettre l'espagnol à son enfant trilingue lui permettra de rester en contact avec sa famille maternelle élargie. Cela vaut également pour une autre langue importante dans la vie de son fils : l'arabe, langue parlée par le père de son fils.

Elmira Lyapina, écrivaine et traductrice pour Global Voices, décrit elle aussi sa langue maternelle, le tatar, comme un outil permettant de tisser des liens avec d'autres personnes :

Le tatar, qui fait partie de la famille des langues turques, me donne un sentiment d'appartenance lorsque je parle avec les anciennes générations des communautés turques ou azerbaïdjanaises. En partageant des noms similaires pour des concepts culturels et historiques, ainsi que pour des plats traditionnels, il me relie plus profondément à la culture d'Asie centrale. Cette langue me donne également un sentiment de familiarité avec les cultures arabe et persane, en raison des emprunts faits à ces langues ou par le biais de celles-ci.

Le traducteur Tchahenewa Israel, dont la langue maternelle est le toupouri, a expliqué comment la langue l'ancrait :

My language is the identity by which I identify myself and recognize myself in society.

Ma langue est l'identité par laquelle je m'identifie et je me reconnais dans la société.

« Je rendrai ma langue souveraine »

Bien que le malgache soit la langue officielle de Madagascar, la pression économique pour favoriser les langues dominantes à l'échelle mondiale est forte. Liva Andriamanantena, traductrice pour l'équipe de langue malgache de Global Voices Lingua, reconnaît le risque que cela représente pour sa langue maternelle :

La langue malgache est confrontée à un problème majeur, car de nombreux citoyens malgaches ne savent pas l'écrire correctement et, de plus, dans les écoles, la langue française est beaucoup plus utilisée dans les programmes éducatifs. En tant que traductrice, je m'efforce de faire revivre cette langue rare et précieuse, car j'espère qu'elle deviendra un jour l'une des langues les plus recherchées dans le domaine de la traduction.

Miora Stéphanie Radifera, l'une des responsables de la traduction de l'équipe de langue malgache, a expliqué que le malgache est comme « un brin de culture que j'emporte avec moi, où que j'aille » :

Et même si j'aime apprendre d'autres langues, aucune ne peut remplacer la mienne, qui est unique, belle et qui fait partie intégrante de moi. Comme on dit en malgache : « Andrianiko ny teniko, ny an'ny hafa koa feheziko! » (Je rendrai ma langue souveraine ; quant aux langues des autres, je les maîtriserai et les ferai miennes aussi).

La communauté malgache est l'une des communautés linguistiques les plus actives de Global Voices, ce qui est le résultat de la passion collective que l'équipe de contributeurs éprouve pour leur langue maternelle. Imanoela Fifaliana, rédactrice et traductrice pour l'équipe de langue malgache, a mis cette passion en évidence dans sa réponse :

Mon plus grand souhait est de partager cette beauté avec d'autres, de voir plus de gens découvrir la richesse de notre langue et de notre culture, afin qu'elle puisse continuer à prospérer pour les générations à venir. Tiako ny teniko ! (J'aime ma langue)

La traductrice Raveloaritiana Mamisoa Isabelle a résumé en quelques mots la connexion qu'elle ressent avec le malgache : « Ma langue maternelle, c'est mon identité, ma vie, le pont avec ma culture et mon patrimoine. »

Réalités injustes, relations complexes

Aussi belle qu'une langue puisse être, elle peut aussi être utilisée à des fins ignobles. Tout au long de l'histoire et encore aujourd'hui, des personnes au pouvoir ont cherché à effacer les langues indigènes et à les remplacer par leurs propres langues afin d'affaiblir les liens culturels, de rompre les liens communautaires et de provoquer des conflits, tout cela dans le but de soumettre les peuples et de voler leur main-d'œuvre et leurs ressources.

La langue maternelle de l'écrivaine Candice K. Stewart est le créole jamaïcain (patwa). Elle a parlé de son expérience personnelle de la militarisation de la langue, héritage du colonialisme britannique :

Lorsque j'étais enfant, je me souviens d'avoir été corrigé et grondé dès que je prononçais le moindre mot de patwa. À l’époque, je n’en percevais pas réellement les effets. Cependant, de nombreuses années plus tard, c’est devenu évident. Beaucoup d'entre nous doivent, au sens figuré, se battre pour pouvoir parler le patwa, l'écrire et en comprendre les sons variés. Tout cela à cause du lavage de cerveau qui nous a fait croire — que parler le patwa et communiquer dans cette langue était synonyme de primitivisme et de manque d'éducation. Je suis éternellement reconnaissante aux linguistes locaux et aux champions du patwa qui continuent à promouvoir cette langue.

Lorsque les histoires personnelles, culturelles et politiques s'entrechoquent, le terme « langue maternelle » peut être difficile à définir. La rédactrice associée Ameya Nagarajan a expliqué qu'elle ne savait pas trop comment répondre à cette question :

Est-ce la langue de votre mère ? Et la langue de sa mère ? Alors c'est le gujarati que je ne parle pas du tout et que je ne comprends pas. Mais en Inde, les gens parlent de la langue « familiale », qui est généralement la langue du père. Dans ce cas, ma langue maternelle est le tamoul, que je parle plus ou moins bien, principalement parce que j'ai saisi toutes les occasions, en tant qu'adulte, de le faire et de m'améliorer. Je sais à peine lire et écrire. Est-ce la langue dans laquelle vous pensez et rêvez ? La langue dans laquelle vous avez grandi ? Celle dans laquelle vos parents et vos grands-parents vous parlaient lorsque vous étiez enfant ? Alors c'est l'anglais.

Ngo Ngimbous Fidèle Juliette, la responsable de la traduction en français, a parlé de sa relation avec la langue bassa et de la manière dont elle fait de son mieux avec les compétences dont elle dispose :

Bassa language represents my origins. This language cradled me in childhood. Unfortunately, although it is codified, I did not have the chance to learn to read or write it. I do it by trial and error.

Le bassa représente mes origines. Cette langue a bercé mon enfance. Malheureusement, bien que codifiée, je n'ai pas eu la chance d'apprendre à la lire ni à l'écrire. Je le fais en tâtonnant.

Arzu Geybullayeva, écrivaine et rédactrice qui couvre le Caucase du Sud et la Turquie, fait une distinction entre les notions d'« origines » et de « racines » en ce qui concerne ses langues maternelles, l'azéri et le russe :

Je pense que, dans l'ensemble, c'est la seule chose qui me connecte à mes origines. Je n'utiliserais pas le mot « racines » parce que j'ai appris que les racines peuvent être plantées ailleurs et, par conséquent, je ne considère pas qu'il s'agit d'un lien avec les racines, mais plutôt avec mon pays d'origine. Cette langue reste celle qui a parfois le mot le plus juste pour expliquer une situation, un état ou une émotion.

Mots et expressions uniques

Chaque langue est un univers en soi, avec un vocabulaire unique et des tournures de phrases créatives qui ne sont pas faciles à traduire. Iryna Tiper, la responsable de la traduction de la langue ukrainienne, a parlé de la mélodie, des nuances et de la richesse de la langue ukrainienne :

L'un de mes mots préférés est затишок (zatyshok), qui signifie un endroit douillet et confortable — il reflète parfaitement le sentiment de foyer et d'appartenance que cette langue me procure.

L'écrivaine Prudence Nyamishana a dit que sa langue maternelle, le rukiga, la rapprochait de ses ancêtres :

Certaines phrases et proverbes de rukiga révèlent la manière dont les générations ont transmis la sagesse et les traditions. Mon proverbe préféré est « Nyantahurira akambukira omu bwato bwibumba » —  celui qui ne tient pas compte d'un avertissement finira par essayer de traverser une mer dans un bateau en argile.

Sanjib Chaudhary, écrivain et responsable de la traduction en népalais, a décrit comment sa langue maternelle, le tharu de l'Est, a été façonnée par l'environnement dans lequel le peuple Tharu a vécu :

Je pense et je rêve dans ma langue maternelle. Les Tharus vivent dans les plaines du sud du Népal depuis des milliers d'années et entretiennent une relation unique avec les forêts, les animaux sauvages et la nature, ce qui se reflète dans leur langue, avec des mots, des phrases et des expressions idiomatiques uniques.

L'écrivain Abhinash Das a également proposé un mot préféré en assamais, l'une des langues officielles de l'Inde :

Je me sens tellement bien et heureux de pouvoir m'exprimer et communiquer dans ma langue maternelle. Je partage avec vous l'un de mes mots assamais préférés : « ভালপোৱা » qui signifie amour en anglais.

« La seule que je parle avec mon cœur »

Notre langue maternelle est fondamentale pour notre relation à nous-mêmes et aux autres, qu'ils soient plus ou moins proches. C'est le cas de Jean Sovon, le rédacteur en chef de l'Afrique subsaharienne francophone, dont la langue d'origine est l'éwé :

My mother tongue represents an intangible wealth I share with the members of my community or my ethnic group. I am proud to speak this language, and to see other people interested in it.

Ma langue maternelle représente une richesse immatérielle que je partage en commun avec les membres de ma communauté ou ethnie. Je suis fier de parler cette langue et de voir d'autres personnes s'y intéresser.

Ioana Dobre, la responsable de la traduction en roumain, a précisé que le roumain « me relie à mon enfance, à ma famille, à mes premiers amis et représente une grande partie de ce que je suis », tandis que Gabriela García Calderón Orbe, la responsable de la traduction espagnole, a résumé sa relation avec l'espagnol : « C'est ainsi que je communique avec tout le monde et que j'acquiers des connaissances. »

Pour Marisa Petricca, la responsable de la traduction en italien, sa langue maternelle constitue un lien particulier avec les arts :

La langue italienne peut également être considérée comme une langue universelle : tout musicien peut comprendre au moins deux ou trois mots en italien, en les trouvant sur le pentagramme, comme allegro, maestoso, etc. L'identité de la langue italienne incarne souvent des disciplines telles que les sciences humaines, la musique, la poésie, la littérature et l'art que nos ancêtres ont créé. Et pour moi, ce sont les valeurs les plus importantes de ma langue, effectivement.

Elle a également souligné le lien qu'elle lui donne avec les locuteurs d'autres langues romanes, ce que la traductrice Ursu Ilona-Alexandra a également souligné à propos de sa langue maternelle, le roumain, en ajoutant : « Ma langue maternelle signifie à la fois l'origine et l'originalité pour moi. »

Le fait que notre langue maternelle soit intimement liée à notre identité est un point commun à toutes les réponses que nous avons reçues de la part de la communauté Global Voices. La traductrice Maria Dabija l'a peut-être parfaitement résumé en disant:

My mother tongue is the only one I speak from the heart.

Ma langue maternelle est la seule que je parle avec le cœur.

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Les victimes oubliées de la guerre à Goma et dans l’est de la RDChttps://fr.globalvoices.org/?p=293661http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250304_112540_Les_victimes_oubliees_de_la_guerre_a_Goma_et_dans_l___est_de_la_RDCTue, 04 Mar 2025 10:25:40 +0000Les personnes âgées font partie des couches les plus vulnérables dans cette guerre

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées dans l'est de la RDC, photo d'Anicet Kimonyo, utilisée avec permission

Cet article a été écrit par Anicet Kimonyo et publié à l'origine par Peace News Network. Une version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Depuis plusieurs années, la guerre dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) plonge des millions de personnes dans une détresse extrême. Des familles entières, privées de leur logement et de leurs moyens de subsistance, errent à la recherche d’un refuge, souvent sans savoir de quoi demain sera fait.

À Goma (capitale de la province du Nord-Kivu à l’est du pays) et ses environs, les civils sont pris en étau entre affrontements meurtriers, déplacements forcés et une crise humanitaire qui ne cesse de s’aggraver.

Les camps de réfugiés de Kanyaruchinya, Lushagala et Bujari, situés à l’est de la ville de Goma sur l’axe Goma-Rutshuru, qui ont abrité pendant plus de trois ans des centaines de milliers de personnes fuyant la guerre, sont désormais vides. Pourtant, ce départ massif ne signifie pas la fin des souffrances pour ces déplacés, bien au contraire.

Théo Musekura, président des sites de déplacés du territoire de Nyiragongo au Nord-Kivu, explique à Peace News Network (PNN):

Ces personnes déplacées retournent progressivement dans leurs foyers dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi, zones occupées par la rébellion du M23, signalant peut-être un calme relatif ou des changements dans la dynamique de la guerre.

Mais ce retour s’apparente davantage à une contrainte qu’à un choix. Dans ces zones contrôlées par le M23, les conditions de vie sont loin d’être sûres. Nombreux sont ceux qui retrouvent leurs maisons détruites, leurs jardins dévastés et leurs villages vidés de toute activité économique. Musekura implore :

Nous demandons aux organisations humanitaires de continuer à nous soutenir même pendant six mois en nous fournissant de l’aide en vivres et en articles non alimentaires. Cela nous permettra d’être mieux préparés à reprendre les activités agricoles. (…) ce soutien permettra à ceux qui reviennent de se réorganiser.

Mais la réponse des organisations humanitaires reste insuffisante face à l'ampleur de la catastrophe. Des organisations comme Médecins Sans Frontières (MSF) alertent sur le risque d'aggravation des crises sanitaire et alimentaire, alors que ces déplacés tentent de se réinstaller dans des villages où tout est à reconstruire.

Derrière cette tragédie humanitaire, accentuée par la guerre, se cachent des milliers d’histoires individuelles, chacune marquée par la douleur, la peur et la perte.

Héritier [pseudonyme], déplacé de Rutshuru en 2023, explique comment la guerre a brisé sa vie et détruit ses perspectives d'avenir. Avec un profond regret, il explique à Peace News Network :

(…) Je suis aujourd’hui au chômage et sans occupation, étant père d’un enfant, et j’héberge même mon petit frère chez moi. Je ne sais plus comment subvenir aux besoins quotidiens de mon ménage… Je suis juste locataire, mon petit frère est étudiant ̶ qui va payer ses frais d’études ? (…) Je ne peux pas apprendre à voler maintenant alors que je ne l’ai jamais fait de ma vie. Je recommande aux autorités d’engager le dialogue, car nous avons seulement besoin de paix pour que chacun vaque librement et sereinement à ses activités.

Le désespoir est encore plus grand chez les femmes, qui doivent non seulement assurer leur propre survie, mais aussi celle de leurs enfants. Bunawage Buterezi, une femme déplacée, raconte son errance sans fin dans l’espoir de trouver un abri. Avec un bébé sur la poitrine et ses affaires sur la tête, elle raconte à PNN :

(…) tous les jours, je me promène avec mes affaires et celles de ma famille sur le dos sans savoir où m’installer. Honnêtement, nous n’avons pas la paix, et cela me fait mal. Tout ce que nous pouvons demander, c’est que les dirigeants réfléchissent à comment mettre fin à la guerre pour que nous puissions rentrer chez nous et reprendre nos activités antérieures.

Son histoire illustre le double fardeau auquel sont confrontées ces personnes déplacées: fuir la guerre, faire face non seulement à l’indifférence et à l’abandon mais aussi à la vie après la guerre dans une ville comme Goma, autrefois considérée comme le dernier espoir d’où les organisations humanitaires organisaient des opérations d’assistance aux personnes déplacées dans les camps autour de la ville.

Entre mourir de faim avec une famille de neuf enfants et retourner désespérément dans son village pour commencer une vie inconnue, Mama Mkesha a fait son choix. Elle déclare à PNN:

J’ai décidé aujourd’hui de rentrer chez moi parce que je ne peux pas vivre ici sans assistance. On nous a informés que pendant la guerre dans la ville de Goma, les réserves de nourriture du Programme alimentaire mondial ont été pillées. Je rentre chez moi avec ma bâche, je recommencerai ma vie là-bas, car ma maison a été détruite par les rebelles, mais je n’ai pas d’autre choix que de rentrer au lieu de mourir de faim ici. Oui, il n’y a toujours pas de sécurité dans mon village, mais je rentre quand même.

Le désespoir des plus vulnérables

Pour les personnes âgées, la guerre est encore plus cruelle. Sanvura Mawazo, un vieil homme déplacé depuis un an, exprime sa fatigue après une vie marquée par la souffrance. Décidé à rentrer chez lui, il témoigne:

J’ai décidé de rentrer chez moi parce que j’ai beaucoup souffert ici. J’ai dû passer des jours et des nuits entières sans rien mettre dans ma bouche, ce qui était très difficile pour quelqu’un de mon âge.

Dans ce contexte, la question de l’accompagnement des personnes âgées déplacées devient une urgence humanitaire. Nombre d’entre elles ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins et se retrouvent abandonnées dans des conditions de vie terribles.

Justin Bikalo, déplacé de Kibirizi, à Bwito, illustre cette incertitude qui plane depuis longtemps sur leur avenir dans le camp.

Je suis une déplacé de guerre et je vivais dans le camp de Kanyaruchinya. Tous les abris qui étaient ici ont été détruits suite à la guerre qui a atteint la ville de Goma. (…), personne n’a pu résister. C’est pourquoi les gens ont fui, certains ont même perdu la vie, et nous avons donc été dispersés. D’autres sont revenus pour détruire notre camp et voler des bâches.

Depuis que je suis arrivé ici à Goma, à cause de la guerre, (…) il m’était difficile d’entreprendre quoi que ce soit. Je me suis réfugié dans des familles d’accueil, et maintenant, mon seul désir est de rentrer chez moi, mais je manque de tout, même de moyens pour retourner chez moi à Kibirizi.

Entre indifférence et promesses de paix non tenues

Alors que les autorités congolaises et la communauté internationale expriment leur engagement à rétablir la paix, les déplacés de guerre du Nord-Kivu continuent de souffrir dans l’ombre. L’aide humanitaire est insuffisante, les infrastructures détruites ne sont toujours pas reconstruites et la violence persiste dans de nombreuses zones où ces populations tentent de revenir.

L'intensification des combats jusque dans la ville de Goma a aggravé une situation déjà critique. 85% des déplacés, qui vivaient autrefois autour de Goma, ont afflué dans la ville déjà asphyxiée par les éléments du M23, soutenus par le Rwanda, selon les rapports des experts de l'ONU.

Dès la prise de la ville de Goma, des voix se sont élevées au niveau international pour condamner cette progression du M23.

Le Coordonnateur humanitaire en RDC, Bruno Lemarquis, dans un communiqué, a insisté et appelé toute la communauté internationale à se mobiliser pour un corridor humanitaire afin d'apporter une assistance humanitaire d'urgence aux déplacés et aux populations de Goma.

Alors que certains pays membres de la communauté internationale hésitent à condamner cette rébellion qui a mis à mal la situation humanitaire dans la région, d'autres, en revanche, condamnent sans hésitation. Dans ce contexte, Fu Cong, ambassadeur de Chine à l’ONU déclare :

Il est possible que nous parvenions à une résolution. Il n’y a pas de solution militaire à ce conflit. Les pourparlers de paix sont donc la seule solution. Et nous pensons aussi que l’intégrité territoriale de la RDC doit être respectée, c’est pourquoi nous exigeons le retrait du M23 et des troupes militaires rwandaises des territoires qu’ils ont occupés.

En décembre 2024, Kinshasa était sur le point de parvenir à un accord avec le Rwanda avant que, à la veille de ces efforts, celui-ci n’échoue, suite à des désaccords entre Kigali et Kinshasa.

Kinshasa refuse tout dialogue direct avec les rebelles du M23 et continue de fixer une ligne rouge. Kinshasa reste ferme sur sa position et n'entend pas donner un chèque en blanc aux rebelles du M23, qu'elle accuse de multiples violations graves.

Les témoignages des victimes rappellent une réalité brutale : cette guerre n’est pas seulement un affrontement militaire ; c’est une tragédie humaine qui brise des familles entières et laisse derrière elle un peuple en détresse. Tant que des solutions concrètes ne seront pas mises en place, le supplice des déplacés du Nord-Kivu continuera dans un silence assourdissant.

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Union africaine: Mahmoud Ali Youssouf élu nouveau président de la commissionhttps://fr.globalvoices.org/?p=293607http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250304_102206_Union_africaine__Mahmoud_Ali_Youssouf_elu_nouveau_president_de_la_commissionTue, 04 Mar 2025 09:22:06 +0000Mahmoud Ali Youssouf devra aussi faire face à des conflits armés

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Mahmoud Ali Youssouf, nouveau président de la commission de l'Union africaine ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de France 24

Depuis le 16 février 2025, l’Union africaine (UA) a un nouveau président de sa commission: le Djiboutien Mahmoud Ali Youssouf (dont le nom est parfois aussi orthographié comme Mahamoud) dont la tâche sera ardue car le continent connaît de nombreuses tensions et plusieurs conflits armés.

La commission de l'UA est le secrétariat permanent et assure le fonctionnement quotidien de cette institution qui regroupe 55 pays, représentant une population de plus de 1,5 milliards d'Africains. Considéré comme le plus haut responsable qui représente légalement l'institution, le président de la commission est élu pour un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois. Il remplit sa mission en collaboration avec d'autres commissaires chargé d'autres départements.

Qui est Mahmoud Ali Youssouf ?

A l'occasion de la 38ème session ordinaire des chefs d’États et gouvernements, tenue du 15 au 16 février à Addis-Abeba, Mahmoud Ali Youssouf est élu président de la commission avec 33 voix sur 49 pays votants – au lieu des 55 pays que compose l'union puisque six pays: le Burkina-Faso, le Niger, le Mali, le Gabon, la Guinée Conakry et le Soudan ont été suspendus en raison de récents coups d’États survenus dans ces pays. Djiboutien de nationalité, Mahmoud Ali Youssouf remplace à la tête de la commission le Tchadien Moussa Faki qui a effectué deux mandats (2017-2025).

Mahmoud Ali Youssouf était en compétition avec Raila Odinga, ancien Premier ministre kényan et Richard James Randriamandrato, ancien Ministre des affaires étrangères de Madagascar. Le nouveau président de la commission est polyglotte et parle couramment trois des six langues officielles de l'UA : le français, l'anglais et l'arabe. Il est aussi diplomate de carrière et a travaillé comme ministre djiboutien des affaires étrangères et de la coopération internationale de 2005 à 2025.

A l'annonce de sa victoire, Mahmoud publie sur son compte X:

Réactions internationales

Plusieurs personnalités internationales réagissent à la nomination de Mahmoud. Paul-Simon Handy, directeur régional de l'Afrique de l'Est à l’Institut d’études de sécurité (ISS) explique sur France24 :

Liesl Louw-Vaudran, chercheuse spécialiste de l’UA pour l’International Crisis Group (ICG) explique au journal Le Monde:

C’est un ministre des affaires étrangères et non un ancien chef d’État. L’Union africaine n’a presque eu que des diplomates à sa tête depuis sa création. La grande force de Mahmoud Ali Youssouf est qu’il connaît l’institution par cœur.

De nombreux défis à relever

Durant la prestation de son serment le 16 février 2025 à l'issue de sa nomination, Mahmoud Ali Youssouf a reconnu l'ampleur de sa nouvelle mission. Le média sénégalais Exclusif.net le cite en ces termes:

« J’ai prêté serment pour servir honnêtement et dignement l’Afrique les quatre prochaines années. Une mission hautement exigeante. »

Effectivement, plusieurs crises et conflits minent le continent africain: la guerre opposant l'armée de la RDC au M23 appuyés par le Rwanda dans l'est du pays; le conflit au Soudan qui touche de plus en plus les populations civiles.

Lire : Les populations civiles dans l’est de la RDC victimes d'un regain de tension entre gouvernement et rebelles

Le nouveau président de la commission de l'UA hérite également du dossier de suspension de six pays, et du conflit entre les séparatistes anglophones et le gouvernement camerounais.

Dans une analyse, Exclusif.net voit en l'élection du ministre djiboutien un appel à l’unité et à l’action du continent:

L'élection de Mahmoud Ali Youssouf intervient alors que l’UA cherche à jouer un rôle plus décisif dans la résolution des crises africaines. Son message marque une volonté de redynamiser l’institution et de promouvoir une gouvernance exemplaire.

(…) le nouveau président de la Commission de l’UA devra s’appuyer sur une coopération renforcée entre les États membres et sur une mobilisation des ressources pour concrétiser les ambitions de l’organisation. Son serment est un engagement solennel : celui de défendre les intérêts du continent avec droiture et détermination.

Sur le continent, les organisations régionales font face à une crise de souveraineté : d'une part la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) fait face au départ de trois pays principaux pays: le Burkina-Faso, le Mali et le Niger ; d'autre part, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), un autre groupe régional, risque de rentrer en conflit aux côtés de la RDC contre le Rwanda en raison de son soutien aux rebelles du M23.

Dans une telle Afrique au bord de la désunion où la Chine, l'Europe, la Russie et d'autres acteurs luttent pour maintenir leur influence, l'Union Africain doit relever de multiples défis politiques, sécuritaires, économiques et technologiques. Ceux-ci s'ajoutent aux domaines jugés prioritaires et définis dans l'agenda 2063 de l'institution continentale: croissance économique durable et inclusive, bonne gouvernance, innovation.

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Les mots ont la parole: Épisode #23https://fr.globalvoices.org/?p=293872http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250303_115745_Les_mots_ont_la_parole__Episode__23Mon, 03 Mar 2025 10:57:45 +0000Au Cameroun, “vendre du piment” fait allusion à la prostitution

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des clients patientent pour être servis auprès d'un Tourne-dos ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Le360 Afrique

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Mipaturaka : ce mot malgache est issu du verbe français « pâturer ». Une partie de l’orthographe française (-patu-) est gardée dans l’écriture du mot. Si en français on  le terme pâturer s'emploie pour les animaux, ‘paturaka’ en malgache est un terme argotique qui est employé pour désigner une personne qui « vagabonde », « traîne » , « erre sans but/direction ».

Ce mot est très présent dans le vocabulaire dans les rues d’Antananarivo au quotidien, employé autant par les jeunes que les plus âgés.

On peut retrouver le terme “Mipaturaka” dans cette chanson intitulée « Sambofiare» (Arche) de l'artiste-chanteur Tioramar :

Tourne-dos : ce terme désigne une sorte de restaurant courant dans les rues en milieu urbain comme rural dans de nombreux pays d'Afrique. Contrairement aux restaurants logés dans des cadres chics et disposant de confort, la particularité des “Tourne-dos” est qu’ils sont situés en plein air. Très fréquenté et très populaire, le tourne-dos est souvent tenu par une femme assise servant ses clients qui par la suite s’assoient le dos tourné vers la rue tout en dégustant leur repas, comme l’explique cette vidéo :

On retrouve ce genre de restaurants tout près des usines, des marchés, des centres hospitaliers, des universités et des lieux très fréquentés dans les villes et les campagnes, où les riverains prennent leur petit déjeuner, le déjeuner (le repas de midi) et parfois le dîner (repas du soir). Manger dans les “Tourne-dos” ne nécessite pas de fortes sommes d'argent car les prix sont abordables, ce qui explique leur popularité.

Comme l’illustre cette vidéo de Santé en Afrique, les conditions d’hygiène ne sont pas toujours bien respectées, mais cela n’empêche pas les habitués de ces lieux d'y trouver satisfaction.

Vendre du piment : dans le contexte camerounais, “vendre du piment” est une expression très argotique qui fait allusion à la prostitution. Dans ce pays de l'Afrique centrale, une vendeuse de piment est une travailleuse du sexe.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org

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Singapour : des activistes jugés pour avoir organisé des veillées en l'honneur de condamnés à morthttps://fr.globalvoices.org/?p=293536http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250301_172525_Singapour___des_activistes_juges_pour_avoir_organise_des_veillees_en_l_honneur_de_condamnes_a_mortSat, 01 Mar 2025 16:25:25 +0000Les autorités accusées de s'en prendre aux activistes contre la peine de mort

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Jolovan Wham joined a candle lighting vigil after Singapore executed a drug trafficking convict on March 30, 2022

Jolovan Wham participant à une veillée en l'honneur d'un trafiquant de drogues. Photo de la page Facebook de Jolovan Wham. Utilisée avec permission.

« Ce n'est pas moi qui devrais être jugé, votre honneur, mais plutôt l'État. Moi, je n'ai tué personne. » Une phrase prononcée par Jolovan Wham, activiste singapourien, le 3 février 2025, jour de son procès. Wham est accusé d'avoir porté atteinte à l'ordre public pour avoir participé à cinq veillées organisées en l'honneur de différents condamnés à mort entre le 29 mars 2022 et le 26 avril 2023.

La loi sur l'ordre public de Singapour interdit les rassemblements publics et les manifestations politiques nécessitent un permis. Une personne accusée d'avoir participé à l'une de ces manifestations peut risquer une amende de 3000 dollars de Singapour (environ 2000 €), et jusqu'à 5000 dollars de Singapour (environ 3500 €) si récidive.

Wham avait participé à plusieurs veillées en soutien au combat contre la peine de mort, commémorant par la même occasion la mémoire de trafiquants de drogues exécutés par l'État.

Plus de 30 personnes accompagnaient Wham lors de son apparition au tribunal. Sur Instagram, Eljah Tay, l'une des personnes accompagnant Wham, lui offre son soutien.

It is ridiculous that this is how the state continues to use our public resources, especially while the state gets away scot-free for the murders they have been committing behind bars.

Cette manière qu'a l'État d'utiliser nos ressources publiques est totalement ridicule, surtout lorsqu'ils n'ont pas à s'inquiéter des meurtres qu'ils commettent en toute impunité derrière les barreaux.

Nous étions une trentaine à accompagner Jolovan lors de son procès à la cour d'État, et nous avons pu assister à sa déclaration lorsqu'il fut appelé à la barre : « ce n'est pas moi qui devrai être jugé, votre honneur, mais plutôt l'État. Moi, je n'ai tué personne ». Je pense que tout le monde l'a acclamé dans son esprit à ce moment-là. pic.twitter.com/0VGvbihVwV

– Neo Swee Lin of TheNeoKeleLims (@ickacangmachine) 3 février 2025

Plusieurs groupes humanitaires se sont également indignés face aux accusations portées à l'encontre de Wham et à l'acharnement auquel font face les opposants à la peine de mort. L’Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA) et le CIVICUS ont publié une déclaration commune exhortant aux autorités d'annuler toute accusation  :

These recent charges against Jolovan Wham demonstrate how Singapore maintains a restrictive environment against activists. This is a clear example of judicial harassment made in retaliation for simply exercising one’s right to protest and freedoms of expression and peaceful assembly.

Ces accusations allant à l'encontre de Jolovan Wham démontrent à quel point Singapour reste un environnement nocif pour les activistes. Elles sont un véritable exemple de harcèlement judiciaire en représailles d'un simple rassemblement pacifique, et s'opposent ainsi à la liberté de manifester et à la liberté d'expression.

FORUM-ASIA et le CIVICUS signalent également que l'élection d'un nouveau premier ministre n'a pas réglé le problème d'abus des lois utilisés pour faire taire les critiques : « L'abus constant de lois restrictives, dont la Loi relative à l’ordre public, dans le seul but de persécuter les défenseurs des droits humains prouve que rien n'a changé, même sous une nouvelle administration ».

Ce n'est pas la première fois que Wham fait face à de telles accusations. Il avait déjà été condamné pour avoir organisé des « rassemblements illégaux » et avoir manifesté sans permis. En novembre 2020, il avait été inculpé pour avoir tenu une pancarte sur laquelle était dessiné un smiley souriant en solidarité avec deux jeunes activistes pour le climat.

Wham avait déjà abordé le sujet du manque de liberté à Singapour lors d'un entretien avec l’Human Rights Foundation en aout 2024 :

In Singapore, to say or do anything that the government does not approve of is to risk being detained. This is why there are so few human rights activists in Singapore and why my colleagues and I must keep doing what we do. They fined me thousands of dollars for simply protesting or posting on social media. There is no freedom of expression or freedom of association in Singapore, which is why it is not a democracy.

À Singapour, il suffit de dire quelque chose qui ne plaît pas au gouvernement pour être emprisonné. C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a aussi peu de militants pour les droits de l'homme. Et c'est aussi pourquoi moi et mes collègues devons continuer de faire ce que nous faisons. J'ai déjà écopé de milliers de dollars d'amendes rien que pour avoir manifesté ou pour avoir posté sur les réseaux sociaux. À Singapour, il n'y a ni liberté d'expression ni liberté d'association. Ce pays n'a véritablement rien d'une démocratie.

La peine à l'encontre des autres activistes ayant participé à ces veillées n'a pas encore été décidée. Jolovan Wham est censé revenir devant les juges le 1ᵉʳ avril.

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Des classiques du cinéma tchécoslovaque disponibles gratuitement sur YouTubehttps://fr.globalvoices.org/?p=293517http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250301_172058_Des_classiques_du_cinema_tchecoslovaque_disponibles_gratuitement_sur_YouTubeSat, 01 Mar 2025 16:20:58 +0000Ces films ont redéfini la société, notamment le rôle de l'homme et de la femme

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran du film « Děvčata, nedejte se !» (N'abandonnez pas, les filles !) d'Hugo Haas, disponible sur la chaîne YouTube Filmová klasika. Image utilisée avec permission.

La Tchécoslovaquie fut l'une des nations ayant produit le plus de films durant les années 1930. Une sélection de ces classiques du cinéma, symbole de l'émancipation d'un territoire autrefois colonisé, est désormais disponible gratuitement sur YouTube.

Lors de sa création en 1918, peu après la chute de l'empire austro-hongrois, la Tchécoslovaquie dut définir de nouveaux codes, afin de modeler une identité capable d'inclure différents groupes ethniques et différentes langues. Il y avait également un besoin d'affirmer au monde que le pays était moderne et indépendant. Quoi de mieux pour cela que le cinéma, qui devient vite le miroir reflétant l'évolution rapide de la société tchécoslovaque, du rôle de l'homme et de la femme à l'urbanisation du pays, en passant par les loisirs et la musique, surtout après l'arrivée du son dans les films, au début des années 30.

De 1918 à 1940, durant l'occupation nazie du pays, seront produits des centaines de films tchécoslovaques grâce auxquels les acteurs accéderont à un statut d'icône, ce qui permettra au pays de devenir l'une des sociétés capitalistes les plus prospères d'Europe Centrale.

Même sous l'occupation nazie, les studios continueront à produire des films. C'est le cas des studios Barrandov, fondés par le grand-père du défunt Václav Havel, ancien président du pays. Cependant, les communistes organiseront en 1948 un coup d'État, imposant ainsi leur idéologie. Les studios se mettront alors à produire des films réalistes socialistes et les diffusions publiques de film des années 30 seront interdites, ces productions étant considérées comme « trop bourgeoise et réactionnaire ». Cette interdiction durera 41 ans.

Les films des années 30 ne réapparaîtront pas avant la Révolution de Velours de 1989, qui mettra fin au régime communiste. Ces films seront ensuite diffusés hebdomadairement à la télévision nationale.

Ces films peuvent aujourd'hui être appréciés gratuitement sur YouTube, et ce grâce aux Archives nationales du film de Tchéquie (Národní filmový archiv). Des sous-titres tchèques et anglais sont également disponibles sur certaines de ces productions tchécoslovaques. Des films sortis durant les décennies suivantes sont également disponibles.

« Děvčata, nedejte se ! » (N'abandonnez pas, les filles !) d’Hugo Haas, est l'un des films disponibles sur l'archive. La superstar Adina Mandlová et Hugo Hass lui-même jouent les rôles principaux dans cette comédie remplie de quiproquos.

Capture d'écran provenant de la chaîne YouTube Filmová klasika. Image utilisée avec permission.

La musique, les décors, les costumes présents dans le film sont des éléments emblématiques de la « První Republika » (la Première République tchèque, de 1918 à 1940.), et viennent marquer un contraste avec la République socialiste (de 1948 à 1989). De nos jours, ces éléments sont souvent repris dans les domaines de la mode et de la musique.

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« L’imperfection, la clé de l’évolution artistique » : entretien avec l’artiste iranien Sadegh Adhamhttps://fr.globalvoices.org/?p=293812http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250227_181001____L___imperfection__la_cle_de_l___evolution_artistique______entretien_avec_l___artiste_iranien_Sadegh_AdhamThu, 27 Feb 2025 17:10:01 +0000« Ces œuvres invitent l'humanité à un voyage esthétique, libéré des biais politiques et sociaux. »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Sadegh Adham, dans son studio à Téhéran en 2023. Image fournie avec l'autorisation de l'artiste.

Le parcours artistique de Sadegh Adham a débuté dans des circonstances pour le moins inattendues. Son enfance a été marquée par les bruits de la guerre, puisqu'il a grandi durant la guerre Iran-Irak. Né en 1978 à Masjed Soleiman, une ville située dans la province du Khouzistan au sud de l'Iran, Adham a vécu une enfance façonnée par l'intensité du conflit et ses répercussions profondes. Il se souvient, à l'âge de cinq ans, d'un missile qui a détruit leur maison, contraignant sa famille à se réfugier chez sa grand-mère maternelle à Shushtar. Cependant, même au cœur du chaos de la guerre, sa créativité naturelle a commencé à émerger.

Adham se souvient des premières étincelles de son parcours artistique : son père travaillant le plomb fondu et lui, dans le carnet de croquis de sa mère, dessinant sa première sirène. Ces moments ont posé les fondations de sa passion pour l'art, marquant le début de sa carrière créative.

Sadegh Adham, « Casque de soldat », série « Guerre » 2013. Photo partagée avec l'aimable autorisation de l'artiste.

Dans une région où l'accès à l'éducation artistique était limité, la détermination d'Adham à créer n'a jamais faibli. Il se souvient avec émotion avoir longtemps admiré une boîte de 96 crayons de couleur dans la vitrine d'une librairie, rêvant de les posséder. Après un an et demi d'économies, il réussit enfin à acheter ce set, un véritable moteur pour sa passion artistique.

Par la suite, Adham poursuit des études formelles à l’Université des Beaux-Arts de Téhéran, où il affine ses compétences. Ses œuvres abordent aujourd’hui des thèmes tels que la mémoire, l’identité et la culture, mêlant son histoire personnelle à un récit universel, invitant ainsi les spectateurs à interagir avec le passé et le présent.

Au cours de la dernière décennie, Sadegh Adham a organisé des expositions individuelles en Iran et a présenté ses œuvres dans des galeries au Royaume-Uni, en France et au Canada, gagnant ainsi une reconnaissance internationale pour sa capacité à mêler des thèmes traditionnels à des expressions contemporaines.

 

Sadegh Adham, Defiance. 10 x 10 x 15 cm, 3.94 x 3.94 x 5.91 inches. 2015. Image courtesy of the artist.

Sadegh Adham, ‘Défiance.’ 10 x 10 x 15 cm (3.94 x 3.94 x 5.91 in), 2015. Photo partagée avec l'aimable autorisation de l'artiste.

Dans une interview avec Global Voices, Adham a évoqué comment ses expériences d'enfance ont façonné son art, mettant l'accent sur des thèmes tels que la mémoire, le traumatisme, l'identité, et l'exploration de figures mythologiques pour relier le passé au présent.

Voici des extraits de l'interview :

Omid Memarian (OM) : Comment vos expériences d'enfance ont-elles influencé votre développement en tant qu'artiste ?

Sadegh Adham (SA) : J'ai grandi au Khouzestan, une région où l'esprit et la forme de la mythologie résonnent fortement. Mon enfance dans cette ville ancienne, avec son architecture unique et sa civilisation, m'a inspiré et a constitué une base pour créer des œuvres qui, peut-être, sont moins explorées aujourd'hui.

OM : Comment les figures mythologiques de la région, notamment d'Iran, inspirent elles votre art, et comment reliez vous le passé au présent à travers ces personnages ?

SA : Je crois que nous vivons à la surface du passé, en expérimentant quelque chose de nouveau. Plus nous valorisons ces racines dans l'art et la vie, plus les bases de la création artistique seront solides, car nous pouvons nous appuyer sur l'authenticité de notre héritage historique pour créer des œuvres profondément ancrées dans la culture et l’histoire. Vous êtes un produit et une définition d'une époque politico-sociale spécifique, symboliquement en train de continuer et de développer la culture du passé.

Sadegh Adham, Rostam, Bronze, H183 x W57 x D31/5 cm, H72.2 x W22.4 x D12.4 inches. Image courtesy of the artist.

Sadegh Adham, ‘Rostam,’ Bronze, H183 x W57 x D31/5 cm (H72.2 x W22.4 x D12.4 in). Photo partagée avec l'aimable autorisation de l'artiste.

OM : Qu'est-ce qui a motivé votre série « Guerre », et comment avez-vous créé une collection ancrée dans une expérience personnelle tout en restant accessible à un public mondial ?

SA : Je crée souvent des œuvres basées sur mon parcours de vie. Cette collection étant ma première expérience de la sculpture, et en raison de ma vie dans le sud de l'Iran et des expériences tangibles de la guerre [entre l'Iran et l'Irak, 1980–1988] et de son impact psychologique et émotionnel. Elle représente peut-être la naissance de cette tumeur maligne en moi, exprimée à travers l'art. J'ai toujours voulu interpréter la guerre différemment, et ces œuvres sont le fruit de mon expérience personnelle pendant la guerre Iran-Irak.

OM : Vous avez mentionné qu'une partie du rôle d'un artiste est de susciter des questions et que l'imperfection peut évoluer en quelque chose d'acceptable et de parfait. Qu'est-ce qui a inspiré cette perspective ?

SA : Au début de ma carrière, je réalisais des sculptures réalistes, mais mon insatisfaction envers ce style m'a poussé à chercher de nouvelles formes et significations. En introduisant des imperfections et en développant peu à peu une compréhension plus profonde de la beauté, mon objectif était de créer des œuvres qui, au-delà de leurs défauts, deviennent complètes en elles-mêmes. Chaque jour, j'aspire à élargir ma perspective, en mêlant sens et forme, pour transcender le monde matériel et entamer un voyage de signification. Ces œuvres invitent l'humanité à un voyage esthétique, libéré des biais politiques et sociaux.

Sadegh Adham, No.2, 2020, 99 x 58 x 21 cm, 39 x 22.8 x 8.3 inches. Image courtesy of the artist.

Sadegh Adham, Numéro 2, 2020, 99 x 58 x 21 cm (39 x 22.8 x 8.3 in). Photo partagée avec l'aimable autorisation de l'artiste.

OM : Comment gérez-vous la contradiction entre imperfection et perfection dans votre processus créatif, et quelle est votre conception de l’imperfection en art ?

SA : Je crois que l'imperfection fait partie de notre nature humaine. Lorsqu'on l’accepte consciemment, elle peut être nourrie et développée. Nier l’imperfection, c'est en réalité le début de la créativité dans les œuvres. Plus nous recherchons l’imperfection, plus nous réalisons qu’il existe un monde décisif et mystérieux derrière elle, et en l’acceptant, nous comprenons que la perfection marque la fin du chemin.

OM : Comment votre migration de Masjed Soleiman à Téhéran a-t-elle influencé votre perspective artistique, et quelles différences peut-on observer dans les thèmes, les sujets et l’atmosphère de vos œuvres après ce changement de lieu ?

SA : En 2009, lorsque je voyageais fréquemment entre Téhéran et Shushtar — l’une traditionnelle et petite, l’autre relativement moderne avec ses immeubles de grande hauteur — j’ai vécu une contradiction, un paradoxe. J’ai ressenti une sorte de suspension dans mes œuvres, quelque part entre le sommeil et l’éveil, où cette contradiction semblait créer en moi un sentiment d'incertitude. Je passais trois jours dans une ville et trois jours dans l’autre. Cette différence d’espace, avec ses villas anciennes et ses gratte-ciel modernes, donnait l’impression que le temps s’écoulait lentement dans une ville, tandis qu’à Téhéran et dans les villes industrielles, le temps semblait toujours être compté.

Sadegh Adhma. Sans titre. 2018. Photo partagée avec l'aimable autorisation de l'artiste.

OM : Dans la collection « Sufi », comment avez-vous atteint une perspective poétique et mythologique dans votre expression artistique, et comment ce point de vue a-t-il influencé la forme et le contenu de vos œuvres ?

SA : Au départ, le Shâhnâmeh (ou Le Livre des Rois) représentait pour moi une épopée, mais plus j’ai exploré cette œuvre, plus je me suis rendu compte qu’il s’agissait en réalité d’un voyage de découverte de soi. Même le moment où Rostam tue son propre fils de ses mains m’a paru être une manière pour Rostam de tuer sa propre respiration afin d’atteindre un chemin supérieur et transcendant. Le Simorgh symbolise pour moi une forme de témoignage, et pour moi, le Shâhnâmeh est devenu davantage un chemin de croissance spirituelle qu’un récit de héros.

 

Sadegh Adham, Cow, Bronze, H36 x D45 x W23 cm, H14.2 x D17.7 x W9.1 inches. Image courtesy of the artist.

Sadegh Adham, ‘Vache,’ Bronze, H36 x D45 x W23 cm (H14.2 x D17.7 x W9.1 in). Photo partagée avec l'aimable autorisation de l'artiste.

OM : Comment établissez vous cette connexion mondiale dans vos œuvres, et quels éléments de la culture et de l'art iranien y mettez-vous en avant ?

SA : Dans mes œuvres, en particulier celles inspirées du Shahnameh, j'ai cherché à utiliser des formes simples et complètes telles que des cercles, des carrés et des cylindres. En mélangeant ces formes avec l’architecture iranienne — en mettant particulièrement l’accent sur l’architecture iranienne — j'ai pu atteindre une expression unique au sein de l’école Saqqā-ḵāna. Je crois que le seul véritable style iranien ayant un impact profond, mais qui malheureusement est resté à la surface, est l’école Saqqā-ḵāna. À travers l'étude de l'art iranien en sculpture, j’aspire à l'élever à un niveau différent.

Sadegh Adham. ‘Vie Urbaine .’ 2013. Photo partagée avec l'aimable autorisation de l'artiste.

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Cuba en images : à la rencontre des sauveteurs.euses des animaux errantshttps://fr.globalvoices.org/?p=293703http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250227_174754_Cuba_en_images___a_la_rencontre_des_sauveteurs.euses_des_animaux_errantsThu, 27 Feb 2025 16:47:54 +0000Au secours de ceux qui n'ont pas de voix, mais de l'amour à donner

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des membres de l'équipe de sauvetage arrivent chez le vétérinaire avec un patient. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisée avec permission.)

Écrit par Landy Rodríguez Acosta pour Periodismo de Barrio, cet article a été édité et republié par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

En novembre 2019, un collectif, en soutien à la communauté, a fait son apparition sur WhatsApp pour protéger la santé et le bien-être des animaux errants de la province d'Artemisa, située dans l'ouest de Cuba. Sans nom ni responsable officiels, les actions de ce collectif n'étaient que peu connues et ses membres se retrouvaient de temps en temps et s'organisaient du mieux qu'ils pouvaient. Mais fin 2020, ils étaient déjà connus à San Antonio de los Baños, dans la province d'Artemisa, sous le nom de Animal Protection Team (EPA, Équipe de protection animale). Ils ne reçoivent aucun financement des institutions et gèrent eux-mêmes leurs fonds récoltés grâce à des tombolas et des foires caritatives et issus de dons faits par des personnes sensibles à cette problématique.

Le sauvetage constitue l'une des actions principales de l'EPA. L'un de ses membres possède un véhicule à utiliser en cas d'urgence. Dans des lieux qualifiés de temporaires, ils s'occupent des animaux, les soignent et les nourrissent. Une fois qu'ils sont guéris, ils les confient à un organisme d'adoption.

Les membres de l'EPA tentent de faire appliquer la loi sur le bien-être animal (Animal Welfare Decree-Law, Loi sur le bien-être animal). Ils ont même signalé des cas de maltraitance au poste de police local, mais les responsables ne sont que rarement condamnés.

Réunion de l'équipe de sauvetage (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Prise de notes et suivi des animaux malades à emmener à la clinique vétérinaire. Le logo EPA identifie les membres de l'équipe. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Geste affectueux d'une membre de l'équipe envers son chien. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Des membres de l'équipe de sauvetage arrivent chez le vétérinaire avec un patient. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Même aux mains de professionnels, ce chien ressent de la peur, témoignage des mauvais traitements qu'il a subis et des traumas qui en résultent. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Un regard plein d'incertitude dans la salle d'attente (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Des membres de l'EPA accompagnent un patient qui suit depuis quelques mois un traitement contre la malnutrition. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Des membres de l'EPA prennent des photos pour prouver que le traitement suit son cours. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Un vétérinaire prudent : les animaux ne sont pas tous dociles et certains peuvent mordre. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Instruments et administration d'un médicament par intraveineuse. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Un regard empli de gratitude, de tristesse et de douleur. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

Les pattes de l'espoir. Chien sauvé. (Photo de Landy Rodríguez Acosta, utilisation autorisée.)

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Réappropriation des récits : le récit africain comme une voie vers la justice et les réparationshttps://fr.globalvoices.org/?p=293236http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250227_162208_Reappropriation_des_recits___le_recit_africain_comme_une_voie_vers_la_justice_et_les_reparationsThu, 27 Feb 2025 15:22:08 +0000Affronter les mythes coloniaux et affirmer le riche héritage culturel du continent

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Les membres du Comité des Représentants Permanents de l'Union africaine au siège de l'Union africaine. Image de la page X de l'Union africaine, utilisée avec permission.

Par Mohamed Mohamud

L’Union africaine (UA) a adopté son thème pour 2025 : « La justice pour les Africains et les personnes de descendance africaine à travers les Réparations », un engagement à réparer les injustices historiques causées par l'esclavage, le colonialisme et la discrimination systémique. Cette initiative vise à reconnaître et à corriger les conséquences durables des injustices subies par les communautés africaines dans le monde entier.

Au cœur de ce mouvement se trouve la récupération des récits africains. Pendant des siècles, l'Afrique a été éclipsée et déformée par la colonisation et d'autres perspectives extérieures qui ont dépeint le continent sous l'angle du primitivisme et de l'infériorité. Ces représentations ont servi à justifier l'assujettissement et l'exploitation coloniale.

Écrivains et raconteurs africains

Certains écrivains et conteurs africains ont travaillé pour créer une littérature représentative des expériences authentiques de leur peuple. Ils ont affronté de front les mythes coloniaux et ont affirmé le riche héritage culturel du continent.

Parmi eux se trouve Ngũgῖ wa Thiong'o du Kenya, une voix directe dans la décolonisation de la littérature africaine en utilisant les langues africaines comme pierre angulaire pour la préservation et la promotion des récits autochtones.

Bessie Head était une écrivaine originaire d'Afrique du Sud et de renommée internationale. Elle était un brillant exemple de narratrice qui reflétait son peuple sous un jour très réaliste. Son « When Rain Clouds Gather » est un portrait sensible de la vie rurale au Botswana, avec l'exil, l'identité et la survie. À travers ses écrits, Head met en lumière les luttes de différentes communautés et se penche en profondeur sur les questions profondes de justice sociale et les complexités des transitions postcoloniales. Son œuvre reste un puissant témoignage des réalités vécues des sociétés africaines.

Pourquoi les Africains doivent raconter leurs propres histoires

L'importance de ces récits est d'autant plus grande en 2025 depuis que l'UA met l'accent sur les réparations – un processus qui souligne fondamentalement l'impératif de récupérer l'agence de narration pour les histoires africaines elles-mêmes. La réparation des injustices historiques implique non seulement une restitution matérielle, mais aussi une réparation de la dignité et de l'identité. Ainsi, raconter leur propre histoire permet aux Africains et aux personnes d'ascendance Africaine d'affronter et de réparer les dommages indélébiles que le colonialisme et l'esclavage ont laissés sur eux.

En outre, ces récits contribuent à la préservation du patrimoine. La plupart des cultures africaines ont été fondées sur des traditions orales pendant de longues périodes, au cours desquelles les connaissances, les valeurs et l'histoire ont été transmises de génération en génération. Le fait d'écrire ces histoires sous forme imprimée ou numérique à l'ère moderne permettra de les préserver de la mondialisation et de l'homogénéisation culturelle. C'est important pour maintenir l'identité unique des peuples africains et de leurs communautés, créant ainsi un sentiment de continuité et de résilience.

L'impact de certains géants de la littérature africaine

La reconnaissance mondiale de la littérature africaine amplifie encore ce phénomène. Des écrivains comme Chinua Achebe et Chimamanda Ngozi Adichieont été acclamés dans le monde entier, plaçant les histoires africaines sur la scène des cercles littéraires mondiaux. Les stéréotypes sont ainsi remis en question, offrant un aperçu subtil des sociétés africaines, ce qui permet aux lecteurs du monde entier de mieux s'intéresser à l'Afrique.

Achebe et Adichie ont largement façonné l'identité africaine en pensée et en paroles, en imprégnant leurs communautés de l'idée de survie. Achebe, réputé être le père de la littérature africaine, s'est élevé contre les discours coloniaux dans son influent roman “Things Fall Apart  (Les choses s'effondrent).” En dépeignant une société Igbo précoloniale dans toute sa nuance, Achebe a réussi à soustraire l'histoire et la culture des Africains aux perspectives réductrices de l'Occident. Ses œuvres reflètent la dignité et la richesse des traditions africaines tout en exposant les influences perturbatrices de la colonisation, permettant ainsi aux lecteurs de se rapprocher d'un héritage commun.

De la même manière, Adichie transpose cet héritage dans le présent avec son travail. Réputée pour ses romans, dont “Half of a Yellow Sun( La moitié d'un soleil jaune) », elle porte un regard historique sur la Nigeria's Biafran War (guerre du Biafra au Nigeria). Les histoires d'Adichie célèbrent la résilience des communautés africaines ; elles montrent des gens ordinaires qui relèvent des défis extraordinaires. Elle met l'accent sur la multiplicité des expériences africaines, la lutte contre les stéréotypes et le renforcement d'un sentiment d'identité dynamique et évolutif.

Dans ce contexte, la narration est une forme de restitution intellectuelle et culturelle. Si les compensations financières peuvent remédier aux disparités économiques, la récupération des récits permet de faire face aux injustices épistémiques infligées aux peuples africains. Elle permet de corriger les archives historiques, de célébrer les réalisations africaines et de reconnaître les contributions du continent à la civilisation mondiale.

Ces histoires inspirent également les générations qui suivent. Dans le cas d'un jeune Africain ou d'une personne d'origine africaine, le fait de pouvoir visualiser son histoire et sa culture représentées permet de développer une meilleure estime de soi. Cette autonomisation est essentielle pour former des leaders fiers de leur héritage et qui conduiront le changement dans leurs communautés avec fierté.

Le thème 2025 de l'UA met également l'accent sur l'unité entre les Africains et la diaspora. Les histoires partagées peuvent transcender les barrières de la distance et de la culture pour former une identité unique au-delà des frontières. Cette unité est nécessaire pour galvaniser les efforts en faveur de la justice réparatrice, en faisant entendre et en valorisant toutes les voix des Africains et des personnes d'ascendance africaine.

Alors que l'Union africaine déclare l'année 2025 « Année de la justice pour les Africains et les personnes d'ascendance africaine par le biais des réparations », le rôle des écrivains et des conteurs africains dans la réappropriation de la narration est de plus en plus important. En développant cet art, ces conteurs remettent en question les représentations historiques erronées, préservent la culture et donnent aux générations futures les moyens d'agir. Leurs contributions sont essentielles au mouvement plus large de la justice réparatrice, garantissant que les Africains et les personnes d'ascendance africaine définissent leur propre histoire et, ce faisant, prennent la place qui leur revient dans l'histoire du monde.

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Chine : les utilisateurs des réseaux sociaux appellent cette ère « L'âge des ordures »https://fr.globalvoices.org/?p=293503http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250220_180726_Chine___les_utilisateurs_des_reseaux_sociaux_appellent_cette_ere____L_age_des_ordures___Thu, 20 Feb 2025 17:07:26 +0000Certains nationalistes considèrent cette tendance comme encore plus dangereuse que celle qui consistait à « faire le mort »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Mème Internet viral tiré d'un feuilleton télévisé chinois de 1994 intitulé « I Love My Family ».

Avertissement : Cet article fait mention de thèmes relatifs à la santé mentale et au suicide. Certains sujets abordés peuvent heurter la sensibilité des lecteurs.

Le suicide présumé d’une banquière d’affaires de 30 ans pousse les internautes chinois à créer une toute nouvelle phrase à la mode : « l’âge des ordures de l’histoire » (历史的垃圾时间).

D’après les rumeurs circulant sur les réseaux sociaux, la femme se serait donné la mort en sautant depuis les bureaux de son entreprise à Shanghai. Les raisons mises en cause évoqueraient des pressions psychologiques sévères dues à des baisses de salaire, des augmentations sur les taux d’intérêt des crédits immobiliers ainsi qu’à une chute des parts de marché de l’immobilier.

Le bon moment pour abandonner

Le terme chinois fait référence au « garbage time », terme anglophone utilisé dans le domaine sportif pour faire référence à une période durant laquelle l’équipe perdante ne pourra jamais remonter au score. Le terme fut repris sur les réseaux sociaux chinois pour parler de politique et de systèmes économiques.

Le malheureux incident dont a été victime cette banquière d’affaires est alors devenu l’allégorie d’une destinée infrangible durant laquelle les « joueurs », les citoyens, doivent continuer le match tout en connaissant l’issue de celui-ci, soit un échec absolu par manque de temps. Voilà ce qu’est « l’âge des ordures » de l’histoire.

La phrase fut inventée sur les réseaux sociaux par l’écrivain chinois Hu Wenhui en septembre 2023 dans un billet intitulé « l’âge des ordures de l’histoire, la culture part en vacances » (历史的垃圾时间,文化的悠长假期).

L’idée lui est venue après avoir lu des extraits de l’histoire soviétique sous la direction de Léonid Brejnev (1964–1982), lorsque l’Union soviétique affrontait les États-Unis dans des courses spatiales et des courses à l’armement nucléaire. Wenhui est persuadé que la chute du régime soviétique viendrait de l’invasion de l’Afghanistan en 1979, après quoi L’URSS entama son entrée dans « l’âge des ordures de son histoire ». Il affirme également que des périodes similaires peuvent être trouvées dans l’histoire des dynasties chinoises. La chute de la dynastie des Tang par exemple, dont la fin est marquée par la rébellion d’Huang Chao (875-884), ou bien la dynastie des Ming sous le règne de Chongzhen (1627–1644).

Wenhui s’est ensuite demandé comment des gens ordinaires pourraient naviguer à travers cet « âge des ordures » :

孔子有谓:“无下有道则见,无道则隐。”实为深具处世智慧之言。“无道则隐”的“隐”,看起来很古典,说穿了就是世俗所谓“躺平”,借用美国经济学家赫希曼的概念,也可说是“退出”( Exit )——当“呼吁”( Voice )已然无效,个人就只能选择“退出”了。无论是“隐”是“躺平”还是“退出”,都可视为对垃圾时间的一种拒绝。…假若遭遇了历史的垃圾时间,那就 Exit 好了,那就把历史的垃圾时间当作文化的悠长假期好了。

Confucius said: ‘When the Way prevails in the world, show yourself. When it does not, then hide’ These are words of wisdom. When there is no Way [editor note: can be interpreted as reason, humanity or heavenly rule, so to speak], hide. It sounds very classical, but it simply means ‘lying flat’ in colloquial terms. Or we can use prominent economist Albert Hirschman’s concept of ‘exit to describe the strategy — when ‘voice’ generates no effect, the people can only choose to ‘exit’. Regardless of the terminology — hiding, lying flat or exiting — the strategy is a refusal to participate during the garbage time… If we come across a garbage time of history, let’s exit and just take it as a long vacation of culture. 

Confucius déclare : « si l’empire est bien gouverné, le Sage se montre. Si l’empire est mal gouverné, le Sage se cache ». Des paroles pleines de sens. Si l’empire est mal gouverné [NOTE : « l’empire » peut être interprété comme la raison, l’humanité, ou encore le règne divin], le Sage se cache. Ça peut sembler compliqué, mais en réalité, c’est assez semblable au fait de « faire le mort ». Je pourrais aussi citer l’économiste Albert Hirschman, et son concept de la « défection » : quand votre voix n’a plus aucun effet, l’unique solution est d’abandonner. Peu importe si l’on se cache, si on fait le mort ou si l’on abandonne, la stratégie reste la même : nous devons refuser de participer à quelconques âges des ordures et accepter que la culture parte en vacances.

Le billet de Hu a engendré bon nombre de discussions sur les réseaux sociaux. En novembre 2023, l’écrivain Qing He She Zhang (清和社长) répond. Zhang poussera encore plus l’idée d’un « âge des ordures » en citant les travaux d’expert de l’économie tels que Ludwig von Mises et Angus Maddison :

从经济学的逻辑来看,当某段历史正处于违背经济规律、个人又无力改变、且必然走向失败的阶段,我们将其定义为“历史的垃圾时间”。

According to the law of economics, when a certain period of history runs against the economic logic, and individuals cannot change the course, [the system] is doomed to failure. We define such period as ‘the garbage time of history’.  

Selon les lois de l’économie, quand une période de l’histoire va à l’encontre des logiques économiques, et que le peuple ne peut plus changer le système, ce dernier sera voué à l’échec. Ces périodes durant lesquelles le système a échoué font toutes partie de cet âge des ordures.

Qing He She Zhang mentionne également la manière dont la culture est toujours réprimée lors de ces périodes :

每当历史进入垃圾时间,最先倒下的永远是文化人、思想者。每一轮文化浩劫就像历史的复读机:从尖锐的批评声消失,到沉默将被认为居心叵测,然后是赞美不够卖力也是一种罪,最后只留下一种声音:谎言。

Whenever history enters garbage time, the first to fall is always cultural figures and thinkers. Cultural catastrophes have recurred throughout history, marked by the disappearance of sharp criticism. Then silence is considered ill-intentioned, and inadequate praise becomes a sin. Finally, only one voice is left: Lies.

Dès qu’une société entre dans un âge des ordures, les premières personnes à disparaître sont toujours des personnalités culturelles et des penseurs. L’histoire a vu passer de nombreuses catastrophes culturelles, toutes marquées par la disparition d’esprits critiques. Le silence devient quelque chose de mauvais, et les louanges deviennent pêchées. Au bout du compte, il ne reste qu’une seule solution : le mensonge.

D’autres personnes rejoindront ensuite la discussion. Début 2024, le blogueur Xi Ge exprime qu’il est possible de rester autonome durant cet âge des ordures. Il suffirait de « garder un esprit sain dans un corps sain ». Pour cela, il faudrait s’exercer régulièrement, être toujours optimiste, maintenir une communauté dans laquelle on peut avoir confiance, et donner le maximum de soi-même.

Certains internautes ont par la suite fait le lien entre « l’âge des ordures » et un autre terme : « l’involution » (內卷). Concept anthropologique utilisé pour décrire une économie fermée qui dépend de l’intensification de ses moyens de production ou de l’augmentation de ses taux de productions, ce qui donne lieu à un manque de ressources par habitant. En Chine, le terme est utilisé pour parler de l’exploitation des travailleurs et de la compétition constante. Le scénariste Zeng Min écrit à ce sujet sur Weibo :

如果要给当下的“内卷”现象,寻求一个最贴切的解释和定义,我觉得必须首选“历史的垃圾时间”。如,“内卷”是指发生在“历史的垃圾时间”中人们一种变异的处事、处世方式。

If we want to find the most appropriate definition for the current ‘involution’ phenomenon, I think the idea of ‘the garbage time of history’ is our first choice. For example, ‘involution’ can be viewed as a mutated coping strategy in ‘the garbage time of history’.

S’il faut trouver une définition pour le phénomène « d’involution » que nous sommes en train de vivre, je pense que le terme « âge des ordures de l’histoire » est parfait. On peut par exemple dire que l’involution est un moyen de soulager sa peine pendant cet âge des ordures.

Récemment, de plus en plus d’internautes ont repris ces termes pour parler de la vague de mauvaises nouvelles qui inondent les réseaux sociaux, comme le suicide suspecté d’une banquière d’affaires, la bourse qui ne fait que descendre ou la bulle immobilière qui implose. Beaucoup voient la mort de cette travailleuse comme une tragédie représentative de cette difficile période de l’histoire. Des blogueurs spécialisés dans l’économie conseillent également à leur public d’être prudent avec leurs investissements.

Les critiques nationalistes : un concept vicieux et dangereux

Tandis que le terme gagne toujours plus d’ampleur, les relais d’opinion du Parti communiste chinois (PCC) ont dû intervenir. Wang Wen, professeur dans la finance et chroniqueur pour le média gouvernemental Global Times, écrit une tirade sur ce terme, qui d’après lui n’a « rien d’académique » :

近期,要严厉打假的学术概念就是借奥地利学派经济学大师米塞斯之口而出现的所谓“历史的垃圾时间”一词。…这个伪词的卑劣在于,它比近年来的“躺平论”更危险、更恶毒,即完全否定当下中国的发展状况,试图营造国家终将失败的大众预期,以及诱导民众不配合、不奋进、不作为的心理。

Recently, the academic concept that needs to be severely cracked down on is the so-called ‘garbage time of history’ that claimed to be coming from prominent Austrian Economist  Ludwig von Mises … This despicable fabricated concept is more dangerous and more vicious than the ‘lying flatism’ in recent years as it denounces China’s development and attempts to create a public expectation that the state will eventually fail.  It induces the public not to cooperate, not to strive, and not to accomplish.

Il est de notre devoir de mettre un terme à ce concept « d’âge des ordures ». Un concept soi-disant académique, qui tirerait son origine de l’économiste autrichien Ludwig von Mises… Ce concept n’a rien de sérieux et est encore plus dangereux que le fait de « faire le mort », un autre concept populaire de ces dernières années. Ces concepts « dénoncent » les systèmes chinois et créent une fausse image dans l’esprit du peuple : la Chine va bientôt s’écrouler. Ces concepts incitent le peuple à ne pas coopérer, à ne pas faire d’effort et à ne rien accomplir.

Wang est l’auteur du livre Les Grands Changements du Siècle (百年变局) dans lequel il aborde les récentes tendances politiques, économiques et technologiques. Il prédit ainsi la chute du système politique occidental et l’ascension d’un système oriental. D’après lui, notre époque se rapproche plus d’un « âge le plus important de l’histoire » que d’un « âge des ordures de l’histoire ». Cependant, Wang admet que le terme reflète bien les sentiments du peuple quant au déclin économique actuel.

D’autres critiques provenant de nationalistes sont plus sévères : sur Netease (un média populaire) Ming Shu (明叔), auteur nationaliste, accuse les internautes relayant ces termes d’être des partisans d’une révolution des couleurs, se battant pour un changement de régime.

在“历史的垃圾时间”这句看似人畜无害的话语中,隐藏着多少政治性的幻想?他们说到底,就是不认同中国特色社会主义制度,他们夸大当下中国经济转型升级中的困难,把一切个体悲剧性事件都上升为“当下中国不行了”的证据。他们幻想,有朝一日,资产阶级可以在中国发动“和平演变”和“颜色革命”…

How many political fantasies are hidden in the seemingly harmless phrase ‘the garbage time of history’? They fundamentally disagree with the socialist system with Chinese characteristics. They exaggerate the difficulties in China's current economic transformation and upgrading and elevate all individual tragic events as evidence that ‘China is not doing well now.’ They fantasize that one day, the bourgeoisie can launch a ‘peaceful transition’ and ‘colour revolution’ in China…

Combien de fantaisies politiques se cachent derrière cette phrase à l’allure inoffensive ? « L’âge des ordures »… Ils sont clairement en désaccord avec le système socialiste chinois. Ils exagèrent les problèmes rencontrés par le peuple et mettent en avant leurs difficultés personnelles, comme si cela servait à prouver que « la Chine va mal ». Ils espèrent qu’un jour la bourgeoisie entame enfin une « révolution des couleurs » pour effectuer une « transition paisible » en Chine…

Les internautes continuent cependant d’utiliser ce terme pour parler de leurs impressions pessimistes face à une économie en chute libre, et ce, malgré les critiques.
Ce qui est ironique, c’est qu’au moment de la tentative d’assassinat de Donald Trump, certains nationalistes, dont Ming Shu, avaient utilisé le terme pour parler du déclin des États-Unis. On dirait bien qu’après tout, cette tendance a tout de même de bons côtés.

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L'écrivain à succès Paulo Coelho se souvient des tortures qu'il a subies sous la dictature militaire brésiliennehttps://fr.globalvoices.org/?p=293519http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250220_160735_L_ecrivain_a_succes_Paulo_Coelho_se_souvient_des_tortures_qu_il_a_subies_sous_la_dictature_militaire_bresilienneThu, 20 Feb 2025 15:07:35 +0000Je crie, mais je sais que personne n'entend, parce qu’eux aussi font pareil.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

L'écrivain brésilien Paulo Coelho. Image de nrkbeta sur Flickr (CC BY-SA 2.0)

Un jour de mai 1974, Paulo Coelho, alors journaliste connu pour avoir coécrit des chansons de rock'n roll avec Raul Seixas, a vu son appartement perquisitionné dans la ville de Rio de Janeiro, au Brésil. Dans un premier temps, il a été emmené et interrogé par le DOPS (Département de l'ordre politique et social). Alors qu'il pensait être libéré, il a été enlevé par une autre organisation, le DOI-CODI — Département des opérations d'information – Centre d'opération de défense interne, un organe lié à l'armée brésilienne et faisant partie de l'appareil répressif sous la dictature militaire qui a gouverné le Brésil de 1964 à 1985.

Ce 21 juillet, Coelho a partagé sur son profil X (anciennement Twitter) sa propre version des faits. Selon un rapport de la Commission nationale de la vérité (CNV), les documents de l'armée ne mentionnent pas combien de temps l’écrivain a été détenu, mais citent la biographie de Coelho, écrite par Fernando Morais, qui affirme qu'il a été emmené à l'aube du 28 mai, et qu'il est probablement rentré chez lui le 31 mai.  

Coelho est l'un des auteurs les plus traduits et les plus vendus au monde. L'Alchimiste et ses autres œuvres ont été vendues à plus de 350 millions d’exemplaires.

Sur les réseaux sociaux, il poste souvent ses opinions politiques et a critiqué l'ancien président Jair Bolsonaro (PL, Parti libéral), un ancien militaire qui s'est également fait connaître pour avoir défendu l'héritage de la dictature et célébré les tortionnaires.

La Commission de la vérité, qui a publié un rapport final en 2014, a désigné 377 personnes responsables de violations des droits de l'homme au Brésil et dénombré 434 personnes mortes ou disparues aux mains de l'État. Les violations subies par Coelho sont mentionnées dans le deuxième volume de ce rapport.

Toujours selon la CNV, M. Coelho a été incarcéré dans une cellule appelée « le frigo », où le prisonnier est maintenu nu et à des températures basses.

Sa petite amie de l'époque, l'artiste Adalgisa Rios, qui a illustré l'album Krig-Há, Bandolo ! de Seixas, avait également été arrêtée. Selon la Commission, celle-ci avait été identifiée comme une militante du Parti communiste du Brésil (PCdoB ) et de l'organisation de gauche Action populaire (Ação Popular – AP), et elle aurait participé à des manifestations telles que la Marche des cent mille, contre la dictature en juin 1968, et à une autre, à la suite de l'assassinat de l'étudiant de 18 ans Edson Luís.

Dans ce texte récent partagé sur les réseaux sociaux, Coelho ne mentionne pas Adalgisa Rios.

Paulo Coelho affirme que c'est lui qui a prévenu sa famille après qu'il a été enlevé de son appartement. « Tout le monde savait ce que vivait le Brésil à l'époque, même si les journaux n'en parlaient pas. »

Quelques années plus tôt, en 1968, le régime militaire avait instauré la loi institutionnelle numéro 5 – hélas connue sous l’appellation AI-5 – qui suspendait les droits civils et ouvrait les années les plus répressives de la dictature, avec arrestations et tortures des détracteurs du régime. En 1972, le régime a commencé à agir pour démanteler la guérilla d'Araguaia, une tentative du Parti communiste du Brésil (PC do B) de former un mouvement rural armé contre la dictature. Des dizaines de personnes ont été torturées et exécutées et plus de 50 personnes sont toujours considérées comme disparues.

Je tombe dans une sorte d'état catatonique : Je n'ai pas peur, je ne ressens rien. Je connais l'histoire d'autres personnes qui ont disparu ; je vais disparaître, et la dernière chose que j’aurai vu ce sera un hôtel. L'homme me prend, je me retrouve sur le plancher de sa voiture et il me dit de mettre une cagoule. La voiture roule pendant environ une demi-heure. Ils doivent être en train de choisir un endroit pour m'exécuter – mais je ne ressens toujours rien, j'ai accepté mon destin.

Je suis traîné et battu alors qu'on me pousse dans ce qui semble être un couloir. Je crie, mais je sais que personne n'entend, parce qu’eux aussi crient. Tu combats ton pays. Tu vas mourir lentement, mais avant, tu vas beaucoup souffrir. Paradoxalement, mon instinct de survie se met peu à peu en marche.

Coelho se souvient d'avoir été déshabillé, une cagoule sur la tête, d'avoir été battu, d'avoir été soumis à « une machine avec des électrodes placées sur [ses] parties génitales », et d'avoir été interrogé sur des personnes dont il n'avait jamais entendu parler. Il raconte avoir proposé de signer et d'avouer tout ce que les tortionnaires voulaient lui faire avouer, mais qu'on ne l’a pas écouté et que les séances de torture se sont poursuivies.

On m'emmène dans une petite pièce entièrement peinte en noir, avec un climatiseur très puissant. Ils éteignent la lumière. Il n'y a que l'obscurité, le froid et une sirène qui hurle sans cesse. Je commence à devenir fou. J'ai des visions de chevaux. Je frappe à la porte du « frigo » (j'ai appris plus tard que c'était ainsi que cela s'appelait), mais personne n'ouvre. Je m'évanouis. Je me réveille et je m'évanouis encore et encore, et à un moment donné, je me dis que je préfèrerais encore être battu plutôt que de rester ici.

Paulo Coelho explique qu'après sa libération, ses amis et connaissances ne répondaient plus à ses appels, car il était « risqué d'être vu en compagnie d'un ancien prisonnier ». « J’ai peut-être quitté la prison, mais la prison m'a suivi », écrit-il. Plus tard, il trouve un travail, grâce au musicien Roberto Menescal et à la journaliste Hildegard Angel – son frère Stuart Angel Jones tué par la dictature est un disparu politique. Le régime est également soupçonné d'être impliqué dans l'accident de voiture qui a tué sa mère, la créatrice de mode Zuzu Angel.

Paulo Coelho n'a pas expliqué ce qui le poussait à raconter aujourd'hui son histoire, mais il a confié :

Des décennies plus tard, les archives de la dictature ont été rendues publiques et mon biographe Fernando Morais a obtenu tous les documents. Je lui demande pourquoi j'ai été arrêté : un informateur vous a accusé, me dit-il. Voulez-vous savoir qui ? Je ne préfère pas. Cela ne changera pas le passé.

Pour les Brésiliens, ce passé semble déjà très loin. En 2024, les événements commémorant le 60ème anniversaire du coup d'État militaire qui a marqué le début de deux décennies de régime militaire ont été suspendus ou empêchés par le gouvernement fédéral. Même avec Luiz Inácio Lula da Silva à la Présidence, lui-même arrêté par le régime alors qu’il était dirigeant syndical en grève en 1980, le travail de mémoire et de justice quant aux violations de cette période reste un combat difficile dans le pays.

Certains récits négationnistes contestent le caractère répressif de la dictature militaire brésilienne, comparant le nombre de morts et de disparus avec ceux des pays voisins, tels que l'Argentine, l'Uruguay et le Chili, au cours de la même période. Et les militaires et les conservateurs continuent à avancer la fausse prémisse selon laquelle le coup d'État a sauvé le pays d'une voie communiste avec pour président João Goulart.

En 1979, le Brésil a adopté une loi d'amnistie, signée par le dernier président militaire, João Baptista Figueiredo, qui étend l'amnistie et la grâce aux prisonniers politiques, aux militants et aux fonctionnaires directement impliqués dans des crimes contre l'humanité. La loi n'a jamais été révisée et le Brésil n'a jamais puni les tortionnaires de cette période.

En 2011, sous la présidence de Dilma Rousseff, elle-même impliquée dans la guérilla armée contre la dictature, arrêtée et torturée, a été créée la Commission nationale de la vérité. Son rapport a été publié en 2014, après une période d'auditions publiques dans tout le pays – les États avaient également leurs propres commissions locales – et comprenait 29 recommandations en matière de réparations. Les militaires ont toujours été réfractaires à l'initiative.

Le 4 juillet, Lula a annoncé le rétablissement de la Commission des morts et disparus politiques, qui avait été supprimée par le gouvernement Bolsonaro en 2022.

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Les fascinantes créatures folkloriques de la Jamaïquehttps://fr.globalvoices.org/?p=293415http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250220_151017_Les_fascinantes_creatures_folkloriques_de_la_JamaiqueThu, 20 Feb 2025 14:10:17 +0000Des histoires surnaturelles terrifiantes

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

L'entrée de l'Église aux Duppies à Mile Gully, Jamaïque. Photo de Adam Cohn depuis Flickr, CC BY-NC-ND 2.0.

En règle générale, les Jamaïcains ne célèbrent pas Halloween. Événement saisonnier populaire en Europe et aux États-Unis, la fête tire ses origines de la culture celte et servait à l'origine à marquer la fin de l'été. Ce qui était auparavant appelé « festin de Samain » se mélangera petit à petit avec la Toussaint (1ᵉʳ novembre) et le jour des morts (2 novembre), des croyances chrétiennes. Des traces de la fête remontent jusqu'à l'Empire romain.

Mais l'aversion qu'éprouvent les jamaïcains pour Halloween semble être plus profonde qu'une simple différence culturelle, en effet, tout comme la Saint-Valentin, la fête est souvent vue comme une importation commerciale « américanisée ». En réalité, cela serait surtout dû aux fortes croyances chrétiennes du pays.

Un citoyen jamaïcain s'en plaint :

C'est quoi le rapport entre la Jamaïque et Halloween ? Ces trucs d'étranger c'est mauvais

— Aurelius (@noslickting) 27 octobre 2024

Ce sont davantage les églises fondamentalistes et leurs partisans qui voient Halloween comme une fête « satanique ». D'autres religieux, comme le Père Sean Major Campbell, voient les choses d'une autre manière : « combattre Halloween, c'est comme essayer d'imposer ses croyances religieuses. L'église devrait plutôt s'investir dans des sujets comme l'égalité et la justice pour tous ».

Les organisateurs de soirée voient plutôt la fête comme un moyen de rapporter gros. En effet, les jeunes générations de Jamaïcains commencent à apprécier Halloween et voient l'événement comme une occasion de faire la fête en costume. « Scream », une soirée déguisée, aurait été un grand succès :

Bon… trinquons à une nouvelle réussite pour le plus grand festival d'Halloween de  la région 🎃

L'ambiance était top et la plupart des gens sont venus en costume 🥹https://t.co/CFg544zxDY pic.twitter.com/jzVRYmn095

— Jhevvv (@Jhevvvv) 26 octobre 2024

Mais il n'empêche que le folklore jamaïcain est rempli d'histoires pleines de monstres effrayants et de « duppies » (des fantômes ou des esprits). Beaucoup de ces histoires, comme « Obeah », ne tirent pas leur origine de la chrétienté, mais viennent plutôt des racines africaines du pays.

L'un des monstres les plus effrayants étant le « Rolling Calf » (le Veau Roulant). Il s'agit de l'esprit d'une personne véritablement maléfique, un meurtrier par exemple, et il se manifeste parfois comme une métamorphose. Avec ses yeux rouges comme les flammes de l'enfer, il roule, vagabonde, à travers le pays en traînant sa chaîne en ferraille. Il est souvent représenté comme un hybride mi-humain, mi-animal. L'animal représenté étant la plupart du temps une vache ou une chèvre.

Beaucoup de ces étranges créatures de légende ont été mises en avant à travers diverses œuvres d'art, comme la musique, par exemple. C'est le cas du « Rolling Calf » qui fut le sujet principal d'un poème de Louise Bennett-Coverley (Miss Lou). Le
« Blackheart Man » (l'Homme au cœur noir) est un autre duppy qui fut immortalisé dans une chanson de Bunny Wailer. Le « Blackheart Man » voyage à travers la Jamaïque en quête du cœur de ses victimes. Il était habituellement utilisé par les parents pour apprendre aux enfants à se méfier des étrangers. Certaines personnes affirment qu'il est encore craint de nos jours.

L'artiste contemporain et conteur Richard Nattoo a récemment dépeint la « River Mumma » (Mère de la Rivière) dans une série de tableaux.

Une énergie négative se dégageait de la barque brune.
Émergeant de l'eau, une silhouette aux cheveux brillants appelait la lune rouge. Tel un crocodile, la River Mumma s'apprêtait à faire couler la barque. Elle remarqua cependant la moitié d'une prune flottant à la surface de l'eau, une offrande de la part du voyageur.
La River Mumma s'arrêta l'espace d'un instant, puis, elle fit demi-tour et décida de calmer sa peine d'une autre manière.

Tout comme les sirènes du folklore occidental, la « River Mumma » a pour objectif d'emmener ses victimes dans les tréfonds de la rivière. Elle hante une partie du pont plat, au-dessus du Rio Cobre, en Jamaïque. Construit par des esclaves africains au 18ᵉ siècle, ce vieux pont a été le théâtre de nombreux accidents de voiture. La « River Mumma » fut le sujet d'un poème de Lorna Goodison.

Mais l'une des légendes les plus connues de l'île reste Annie Palmer, « La Sorcière Blanche de Rose Hall ». Située à Montego Bay, la maison dans laquelle elle aurait commis des actes maléfiques est devenue l'une des plus grandes attractions touristiques de l'île. Son histoire tire ses origines d'un roman du vingtième siècle. Même si la réalité historique ne colle pas vraiment à ce qui est dit du personnage, le récit quelque peu macabre est devenu l'une des histoires de duppy les plus connues. Elle est récitée presque tous les jours pour les touristes :

ENCORE PLUS DE NUITS !!! La visite nocturne de la maison hantée Rose Hall Greathouse est maintenant disponible 4 nuits par semaine. Plongez dans la Jamaïque du 18ᵉ siècle et venez découvrir le règne de terreur de la Sorcière Blanche de Rose Hall. #Whitewitchawaits #idareyou #experiencethemagicatrosehall #montegobay #caribbean pic.twitter.com/L1RKdFgLUn

— Rose Hall Jamaica (@rosehalljamaica) 22 avril 2022

Les Jamaïcains ont beau rejeter les fêtes d'Halloween, croient-ils toujours aux duppies ? Il n'y a pas très longtemps, un incident dramatique fit la une des journaux : Les habitants d'une petite ville espagnole étaient convaincus qu'un duppy (ou peut-être un poltergeist ?), dont la présence aurait été due à un jeune homme de 11 ans, jetait des pierres sur une maison. Une autre histoire de jets de pierre, cette fois-ci impliquant l'esprit vengeur d'un tailleur, prit place dans la même ville.

D'autres expériences surnaturelles sont souvent mises en avant, surtout dans les tabloïdes jamaïcains. Ces expériences seraient principalement causées par des métamorphoses, et certains de ces duppies auraient même été filmés.

Puis, il y a l'histoire de l'Église aux Duppies qui fait frissonner les Jamaïcains. L'Église anglicane St. George, aujourd'hui en ruines, se situe dans la zone forestière de Mile Gully, dans la Paroisse de Manchester. Elle fut abandonnée par ses fidèles à cause d'apparitions surnaturelles. Beaucoup d'histoires entourent cette église, et les chauffeurs de taxi n'osent plus s'aventurer dans la zone, surtout à la nuit tombée. On dit que si vous avez le courage de vous y aventurer en pleine nuit, vous pourrez entendre quelqu'un jouer de l'orgue :

L'Église aux Duppies, près de Mile Gully. Paroisse de Manchester, Jamaïque. pic.twitter.com/DTqBQk7rNt

— Photo Jamaica (@PhoJa01) 28 mars 2023

Peu importe si les Jamaïcains croient ou non aux fantômes, ils auront bien des histoires à raconter pour Halloween.

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Tadjikistan : une petite ville terrorisée par des meurtres en sériehttps://fr.globalvoices.org/?p=293369http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250217_163330_Tadjikistan___une_petite_ville_terrorisee_par_des_meurtres_en_serieMon, 17 Feb 2025 15:33:30 +0000La police peine à trouver les véritables coupables

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Un panneau routier situé à l'entrée de Konibodom. Capture d'écran prise depuis la chaîne YouTube de You Frame, Канибадам мой город часть 1. Image utilisée avec permission.

Depuis 2024, les habitants de la petite ville de Konibodom, situé au nord de la province du Sughd, au Tadjikistan, vivent dans la peur d'être assassinés chez eux. Depuis janvier 2024, sept familles ont été victimes de ces crimes horribles, dans lesquels un groupe de criminel s'introduit chez une famille avant de les assassiner et de voler leurs biens, le tout en faisant passer le crime pour une dispute familiale.

Le 21 décembre, suite à deux nouveaux cas d'assassinat, les autorités ont annoncé l'arrestation de quatre suspects, mais les habitants n'ont pas encore été soulagés. Auparavant, la police avait arrêté deux autres suspects et condamné l'un à 20 ans de prison et l'autre à la prison à vie, mais les meurtres se sont poursuivis, sapant la confiance du public dans les forces de l'ordre.

Cette vidéo YouTube aborde le sujet de ces arrestations :

Au cours de l'année 2024, vingt-trois personnes, dont huit enfants, provenant de sept familles différentes ont été tuées. Le premier crime prit place dans la nuit du 28 au 29 mars, dans une habitation portant le nom de Komil Yermatov, près de Konibodom.

Mukhiddin Sharifov, 65 ans, est retrouvé pendu à son domicile. Sa femme, sa belle-fille et ses deux petits-fils sont également retrouvés sans vie, après avoir été étranglés. La première théorie des autorités suggérait que Sharifov les avait assassinés avant de se donner la mort. Cette théorie fut cependant mise de côté lorsque les autorités découvrirent que tout l'or et l'argent présents dans la maison avaient été volés.

Il s'ensuivirent neuf mois cauchemardesques pour les habitants de Konibodom et ses alentours. Muzaffar Urmonov, 70 ans, et sa femme, Inoyat, seront les victimes d'un second meurtre en avril. À la suite de ce crime, la police arrêtera le frère d'Urmonov, Sharifjon Ashurov, 66 ans. Ce dernier sera condamné à 20 ans de prison le 12 décembre, ce qui n'arrêta malheureusement pas ces tueries. Ashurov, lui, plaide son innocence.

Durant la nuit du 28 au 29 mai, deux autres familles, sans aucun lien apparent, furent assassinées dans les villages de Zhahonzeb et Sanzhidzor, aux alentours de Konibodom. Seuls trois enfants originaires de Sanzhidzor purent échapper à cette horreur. Marat Satorov, agent de sécurité dans une école locale, fut accusé d'être le coupable de ces crimes. En novembre, la justice le condamne à la prison à perpétuité, mais cette arrestation ne freinera en aucun cas ces crimes, puisqu'en décembre, deux nouvelles familles seront les victimes de ces tueries, semant toujours plus le doute quant à l'identité réelle des criminels.

De plus, la manière dont les autorités communiquent sur cette affaire ne fait qu'ajouter de l'huile sur le feu de cette hystérie générale. Le premier communiqué de presse du ministre de l'Intérieur ne prend place qu'en août et ne partage aucune information susceptible de soulager les craintes du public et d'inspirer la confiance dans les capacités de la police. Abdurahman Alamshozoda, vice-ministre de l'Intérieur déclarera que ces meurtres sont « tout ce qu'il y a de plus normal », et qu'au moins deux d'entre eux étaient de simples querelles familiales.

Le second communiqué de presse n'arrivera pas avant le 18 décembre. Rajabboy Ahmadzoda, gouverneur du Sughd, déclarera que « les meilleurs enquêteurs de plusieurs départements travaillent ensemble afin d'élucider ces crimes et d'amener aussi vite que possible ces criminels devant la justice ».

Trois jours plus tard, le 21 décembre, le bureau du procureur général informera le public de l'arrestation de quatre nouveaux suspects, tous résidant à Konibodom et ses alentours, révélant par ailleurs leur identité complète. Trois des suspects auraient déjà purgé des peines de prison, mais leurs crimes ne furent pas dévoilés. La famille et les voisins des suspects nient en bloc les accusations, ce qui remet une fois de plus en doute l'efficacité des autorités dans les yeux du public.

Cette vidéo YouTube contient les témoignages de la famille des suspects :

Les deux arrestations précédentes n'avaient pas porté leur fruit. D'après Amnesty International, la torture reste une méthode très répandue chez les autorités Tadjiks. Il est donc assez probable que pour répondre aux attentes du public, les suspects précédents et ceux-ci ont été et seront forcés d'avouer des crimes qu'ils n'ont peut-être pas commis.

Les habitants de Konibodom essaient tant bien que mal de faire face à la situation. Certains décident de quitter la région pour aller vivre chez de la famille, tandis que d'autres forment des groupes de vigilant afin de se protéger. La solution la plus sûre reste pour le moment d'espérer que la police de Tadjik a enfin réussi à capturer les criminels qui terrorisent la région depuis des mois.

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Monolithes de Nartiang : les vestiges du royaume tribal indien de Jaintia en imageshttps://fr.globalvoices.org/?p=293354http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250217_153245_Monolithes_de_Nartiang___les_vestiges_du_royaume_tribal_indien_de_Jaintia_en_imagesMon, 17 Feb 2025 14:32:45 +0000La région de Nartiang abrite à divers endroits des structures mégalithiques en pierre.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

as a tribute to the ancestors. Local khasi women-men pay regular visits to the Nartiang Mawbynna for caretaking as well as recreation purposes. Image by Arpita Das Choudhury.

« Mawbynna » est le mot khasi qui désigne les monolithes, des monuments construits en hommage aux ancêtres. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Le Meghalaya, un État situé au nord-est de l'Inde, est habité par trois communautés tribales : les Khasis, les Jaintias et les Garos. La communauté khasi vit principalement dans les collines de Khasi, les Jaintia dans celles de Jaintia et les Garos dans celles de Garo. Ces tribus du Meghalaya forment une société matrilinéaire unique où la filiation est transmise par la lignée maternelle.

Le district de West Jaintia Hills, dans l'État de Meghalaya, est principalement peuplé par les « Jaintias » ou « Pnars », une sous-tribu de la communauté Khasi, qui néanmoins parle une langue différente, le « Pnar ».

Les Khasis constituent la plus grande communauté tribale du Meghalaya, suivis par les Garos et les Jaintias. Les communautés khasi et jaintia appartiennent toutes les deux à un groupe appelé « Hynniew trep », qui signifie « les sept huttes » en khasi.

La communauté Jaintia comprend les sous-tribus « Pnar », « War » et « Bhoi », collectivement appelées Jaintias. Bien qu’elles partagent certaines similitudes culturelles avec les Khasis, les Jaintias ont leurs propres traditions et coutumes et suivent un système d'héritage matrilinéaire.

Dès l'an 500 de notre ère, le peuple jaintia fait partie du royaume de Jaintiapur qui s'étend de la province de Sylhet, dans les plaines de l'actuel Bangladesh, jusqu'aux collines du Meghalaya, en Inde. Ce royaume matrilinéaire unique résulte d’une fusion entre le « royaume Jayanti », un ancien royaume dans les plaines de Sylhet, et du « royaume Sutnga ». Selon la littérature hindoue, il était gouverné par des femmes et était connu comme le sanctuaire de Jayanti Devi, une déesse mentionnée dans le livre « Mahabharata » (qui signifie littéralement « La Grande (guerredes Bhārata »), une œuvre littéraire épique datant de l'Inde ancienne.

The megalithic structures, established as early as 1500 A.D., are locally referred to as ‘U-Mawthaw-dur-briew’ in the Pnar language.

Les structures mégalithiques, érigées dès 1500 de notre ère, sont appelées localement « U-Mawthaw-dur-briew » en langue pnar. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Le village de Nartiang, niché dans les collines paisibles de West Jaintia où règne un climat plus frais, était autrefois la capitale d'été du royaume de Jaintiapur. Sur le site de « Law Mulong », de nombreux monolithes, datant de 1500 EC à 1835 EC, ont été érigés pour honorer le règne des rois jaintias dont ils sont les symboles.

Aujourd'hui, les femmes et les hommes de la région de Khasi rendent régulièrement visite aux monolithes de Nartiang pour prendre soin du site, et à des fins récréatives.

While megalithic structures are scattered throughout Nartiang, the ‘Law Mulong’ area has the largest concentration.

Si les structures mégalithiques sont disséminées dans tout Nartiang, la région de « Law Mulong » possède la plus grande concentration. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Au début du XIXe siècle, sous la domination coloniale britannique en Inde et avant que le christianisme ne se répande au sein de la communauté Khasi, les tribus jaintias étaient plus étroitement liées à l'hindouisme. Elles pratiquaient une religion unique connue sous le nom de « Niamtre », qui présente des similitudes avec les coutumes hindoues.

Selon les historiens de l’État du Meghalaya, les membres défunts des clans Jaintia étaient incinérés selon les traditions « Niamtre » et leurs cendres placées dans des cistes érigées à partir d'énormes dalles de pierre. Ces structures géantes, préservées jusqu’à ce jour, sont connues sous le nom de Monolithes de Nartiang, et constituent un site culturel et historique important dans la région.

The villagers of Law Mulong and the entire Nartiang region actively maintain the Monolith Garden, ensuring its cleanliness and security while preventing unlawful activities within its premises.

Les villageois de Law Mulong et de toute la région de Nartiang participent activement à l’entretien du jardin des monolithes, veillant à sa propreté et à sa sécurité tout en empêchant toute activité illégale dans son enceinte. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Les collines de Khasi et Jaintia abritent de nombreuses collections de structures mégalithiques dans des villages comme Jowai, Cherrapunji, Lailungkot et Maoflong.

Cependant, le jardin des monolithes de Natiang se distingue par la présence des plus hautes structures mégalithiques du Meghalaya et constitue l'un des sites les plus importants de la région sur le plan historique. Des archives indiquent que certaines de ces pierres ont été érigées il y a plus de 500 ans, et que d'autres ont été ajoutées jusqu'au milieu du XIXe siècle. Le jardin abrite la plus grande collection de monolithes jamais répertoriés en un seul endroit, y compris le plus haut monolithe, qui s'élève à plus de 8 mètres de haut.

Most of the ‘Mawbynna’ are remnants of the Jaintia Kingdom, reflecting the elaborate funeral rituals traditionally practiced by the Royal Hynniewtrep communities, known as ‘Mawniam.’ Some were also erected to commemorate royal military achievements.

La plupart des « Mawbynna » sont des vestiges du royaume Jaintia, reflétant les rituels funéraires élaborés traditionnellement pratiqués par les communautés royales Hynniewtrep, connues sous le nom de « Mawniam ». Certains ont également été érigés pour commémorer les exploits militaires de la famille royale. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Bien que le pouvoir du royaume de Jaintiapur ait décliné pendant la période coloniale britannique, les monolithes ont conservé leur signification culturelle au sein de la société jaintia, et sont un symbole de souvenir pour les clans.

 In Mawbynna, the vertical stone, called ‘Mawshynrang’ in Khasi and ‘Moo Shynrang’ in Pnar, symbolizes masculinity, while the flat table stone, known as ‘Mawkynthei’ or ‘Moo Kynthai,’ represents femininity.

À Mawbynna, la pierre verticale, appelée « Mawshynrang » en khasi et « Moo Shynrang » en pnar, symbolise la masculinité, tandis que la pierre plate, appelée « Mawkynthei » ou « Moo Kynthai », représente la féminité. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Chaque monolithe comprend deux éléments : les pierres verticales, appelées « Ki Moo Shynrang » ou « Menhirs », représentent les ancêtres masculins, tandis que les pierres horizontales plates, représentent les ancêtres féminins et sont appelées « Ki Moo Kynthai » ou « Dolmens ».

À l'entrée du jardin des monolithes de Nartiang, un panneau donne des informations sur le site : « Le plus grand menhir, connu sous le nom de Moo Long Syiem, mesure 8 mètres de haut et 45 centimètres d'épaisseur. Selon la légende , il a été érigé par le géant Mar Phalyngki. De nombreux autres monolithes du jardin ont été érigés entre 835 et 1500 de notre ère par divers clans jaintia, dont U Luh Lyngskor Lamare et U Mar Phalyngki, originaires du village de Nartiang.

 Moo Shynrang or ‘Menhirs’ and Moo Kynthai or ‘Dolmens’ have become iconic symbols of Meghalaya, with replicas prominently displayed in official buildings and establishments.

Moo Shynrang ou « Menhirs » et Moo Kynthai ou « Dolmens » sont devenus des symboles emblématiques de l’État de Meghalaya, dont les répliques sont fièrement exposées dans les bâtiments et établissements officiels. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

The flat table stones, or Dolmens, rest on smaller stones called Mawkhrum, which symbolize children and grandchildren, representing a family hierarchy.

Les pierres plates de la table, ou Dolmens, reposent sur des pierres plus petites appelées Mawkhrum, qui symbolisent les enfants et les petits-enfants, représentant ainsi la hiérarchie familiale. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

A third type of monolith, known as Cairns or Moo Tylein, consists of small piles of stones created to commemorate significant memorials.

Un troisième type de monolithe, connu sous le nom de Cairns ou Moo Tylein, sont des monuments commémoratifs de grande importance crées à partir de petits tas de pierres. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Selon le folklore, Nartiang n'avait pas de marché, le plus proche se trouvant à Raliang. Un jour de marché pluvieux, un géant jaintia nommé Mar Phalyngki chercha à s’abriter et demanda un parapluie à la plus jeune fille du chef du village. Elle refusa et le mit au défi de soulever une énorme pierre et de s'en servir comme parapluie. Acceptant le défi, le géant transporta la pierre jusqu'à une forêt près de Nartiang, où il la déposa une fois la pluie terminée.

The tall 'Menhir's erected in Nartiang symbolize memorials to significant personalities within the community. These larger and taller monoliths qualify as megaliths.

Les immenses « menhirs » érigés à Nartiang symbolisent les monuments commémoratifs de personnalités importantes de la communauté. Ces monolithes de plus grande taille sont classés dans la catégorie des mégalithes. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

La littérature du XIXe siècle contient des références à ces structures mégalithiques, mais leur fonction est interprétée de manière différente par les habitants des collines. La comparaison de ces interprétations avec des textes d’anthropologie coloniale révèle qu'elles avaient, pour les clans Jaintia, une forte signification religieuse tout en remplissant des fonctions politiques et sociales.

Bien que les structures monolithiques de Nartiang ne soient pas des formations naturelles, elles jouent un rôle essentiel dans la narration de l'histoire de la filiation matrilinéaire, de l'autorité et du pouvoir d'un royaume autrefois florissant.

The monolithic culture of the Jaintia people is not confined solely to this tribal kingdom; it is also associated with ancient communities from various parts of the world, such as the ‘Monkhmer’ group of Southeast Asia.

La culture monolithique des Jaintias ne se limite pas à ce royaume tribal ; elle est également associée à d'anciennes communautés de plusieurs parties du monde, comme le peuple « Monkhmer » d'Asie du Sud-Est. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Historically, the tradition of erecting monoliths dates back to the Neolithic age. However, in Meghalaya, India, this ancient practice and its customs are still observed by many Khasi-Pnar people—a remarkable enigma in itself.

Historiquement, la tradition d'ériger des monolithes remonte à l'ère néolithique. Toutefois, au Meghalaya, en Inde, cette pratique ancienne et ces coutumes sont encore observées par de nombreux Khasi-Pnar, ce qui constitue en soi une véritable énigme. Image de Arpita Das Choudhury, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

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La cuisine de Bosnie-Herzégovine : plus qu'un besoin et une envie d'aimer ; un lien et un sentiment d'appartenancehttps://fr.globalvoices.org/?p=293348http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250217_152408_La_cuisine_de_Bosnie-Herzegovine___plus_qu_un_besoin_et_une_envie_d_aimer___un_lien_et_un_sentiment_d_appartenanceMon, 17 Feb 2025 14:24:08 +0000En Bosnie-Herzégovine, on entend souvent dire : « Jeter du pain est un péché ».

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le ćevapi de Banja Luka est un mets composé de bœuf et de mouton que l'on place dans des somun. On les mange accompagnés d'oignons ou de pepperoni, et de yaourt ou de lait. Photo provenant d'une archive privée, via Balkan Diskurs, utilisée avec permission.

Écrit par Anja Zulić, cet article a été initialement publié par le Centre de Recherche Post-Conflit sur le site de Balkan Diskurs. Une version éditée de cet article est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Se nourrir fait partie des besoins les plus fondamentaux de l'homme. Cependant, d'un point de vue sociologique et anthropologique, la nourriture représente bien plus que cela. Elle peut être associée à une certaine région, à certaines habitudes, à un mode de vie, à des coutumes particulières. Elle peut même être associée à la religion.

Et dans le monde d'aujourd'hui, la nourriture est également un indicateur de classe sociale. Sous un gouvernement capitaliste, les différences entre riches et pauvres sont d'autant plus visibles à travers la relation et l'accès qu'ont les communautés à la nourriture.

En Bosnie-Herzégovine, on entend souvent que « c'est pêché de jeter du pain ».
En marchant dans les rues de bien des villes du pays, il est assez commun de voir des sacs remplis de pain accrochés aux poubelles, une petite tradition pourtant très importante, car elle permet de connecter les plus fortunés aux moins fortunés. Pour certaines personnes, cette tranche de pain offerte risque d'être leur seul repas de la journée. Mais ne pas jeter son pain n'est que l'une des nombreuses traditions relatives à la nourriture qui sont passés de génération en génération dans notre société. Si certaines de ces traditions permettent de mettre de côté les différends des trois grands groupes ethniques de Bosnie-Herzégovine, notamment grâce au partage d'ingrédients, d'épices et de recettes, elles peuvent également apporter leurs lots de tensions. Qui fait les meilleurs ćevapi (viande hachée et grillée) de Bosnie, par exemple. Ou encore si les börek (pâtisserie fourrée) peuvent être remplies par autre chose que de la viande, et si oui, combien de différents types de börek existe-t-il ?

Pour Admira Hajdarpašić, propriétaire du restaurant « Slap » à Banja Luka, la nourriture est le meilleur moyen de mettre ses différends de côté. Autour d'une table, on ne fait pas qu'apprécier un bon repas, on est également plus enclin à partager son histoire, ses traditions et ses émotions. « Slap » a ouvert ses portes en 2006, et le restaurant continue aujourd'hui de fonctionner à pleine capacité. Situé sur la rive droite du Vrbas, « Slap » attire continuellement de nouveaux clients grâce à sa délicieuse cuisine maison et sa décoration ancienne, remplie de meubles anciens. Le restaurant jouit par ailleurs d'une grande terrasse permettant de satisfaire non seulement les papilles, mais aussi d'autres sens, notamment grâce à la vue magnifique offerte par la rivière du Vrbas et aux sons émanant de sa cascade.

Les jours de fête en Bosnie-Herzégovine permettent de déguster de vrais festins et de célébrer la diversité, les traditions et les joies du partage. Photo provenant d'une archive privée, via Balkan Diskurs, utilisée avec permission.

Même si le « Slap » propose de nombreux plats traditionnels, tels que du begova čorba (une soupe au poulet), du veau cuit sous une cloche, et du sarma (chou farci), le restaurant est surtout connu pour ses ćevapi à la mode de Banja Luka.

Le Ćevapi, un symbole de partage

Hajdarpašić décrit l'importance de ce plat :

Ćevap, kao vodeće bosanskohercegovačko jelo, simbol je zajedništva i gostoprimstva, okupljajući ljude različitih kultura i generacija. Banjalučki ćevapi prepoznatljivi su po specifičnom obliku, jer se formiraju u spojene četvorke, te po jednostavnoj recepturi s naglaskom na prirodan okus mesa. Pečeni na roštilju, uz dodatak duše u pripremi, postaju pravi gurmanski užitak.

Ćevapi, as the national dish of Bosnia and Herzegovina, are a symbol of unity and hospitality, bringing together people from different cultures and generations. Banja Luka ćevapi are recognizable by their unique shape, as they are formed in connected sets of four, and by their simple recipe that emphasizes the natural taste of the meat. Grilled with care and a touch of soul, they become a true gastronomic delight.

Le ćevapi, considéré comme le plat national de Bosnie-Herzégovine, est un symbole de partage et d'hospitalité. Le ćevapi permet de rapprocher des cultures et des générations différentes. Ceux de Banja Luka sont facilement reconnaissables grâce à une recette simple qui permet de souligner le goût de la viande, mais leur forme particulière (quatre morceaux de viande attachés pour n'en faire qu'un seul) accentue également cette différence. Si l'on grille la viande avec délicatesse et une touche d'âme, le ćevapi devient un véritable délice gastronomique.

Chez les Hajdarpašić, les recettes sont transmises de génération en génération. Hajdarpašić nous raconte :  « C'est important pour préserver les traditions et éviter que la richesse des saveurs ne disparaisse pour toujours.  Les recettes ne servent pas qu'à préparer de la nourriture, elles servent aussi à refléter notre culture, notre identité et l'histoire de notre peuple ».

Sanda Mešinović, étudiante en démographie, explique que la capacité qu'a la nourriture de créer un sentiment d'appartenance et de connexion. D'après elle, la nourriture pourrait modeler notre vie dès la naissance : « Dès l'instant où notre mère nous prend dans ses bras, l'allaitement devient bien plus qu'une question de survie et d'alimentation. C'est un moment de partage au contact d'un autre être humain. Cela contribue à créer une sorte d'intimité. La nourriture fait alors partie de notre ADN, elle nous permet d'échanger, de nous re-connecter, de nous protéger et de créer un sentiment d'appartenance ».

Les recettes traditionnelles peuvent refléter des cultures particulières, ce qui contribue au sentiment d'appartenir à une communauté, même derrière les fourneaux. Mais leur rôle ne s'arrête pas là. Mešinović insiste :

To je i prilika za upoznavanje drugačijeg, drugog, raznolikosti kojima ovaj kolektivni svijet planete Zemlje obiluje. Pripremanje hrane može biti djelo podmirenja osnovne biološke potrebe, ali istovremeno ritual pun svjesnosti, namjere, prisustva i nečeg višeg, prenos Duha, ljubavi i nježnosti prema drugom ljudskom biću (ali i sopstvenom) kojem je hrana namijenjena.

It is also an opportunity to get to know the different, the other, the diversity that planet is so rich with. Preparing food meets a basic biological need, but at the same time, it is a ritual full of awareness, intention, presence, and something higher — the transmission of Spirit, love, and tenderness towards others but also towards oneself.

Elles offrent également la possibilité de découvrir de nouvelles choses, de découvrir toute la diversité qui existe sur Terre. Se faire à manger reste un besoin naturel, mais c'est également une sorte de rituel dans lequel on verse son savoir, ses intentions, sa présence, et peut-être même un petit peu d'incompréhensible, comme le partage de son esprit, de son amour et de sa tendresse envers autrui, mais aussi envers soi-même.

Dans une société aussi hétérogène que la Bosnie-Herzégovine, les similarités et les différences quant à la nourriture sont souvent liés à la religion. Des pratiques comme jeûne, ou des plats associés à certaines fêtes devraient être des moyens d'apprendre et non pas de diviser.

Mešinović décrit :

Ništa što je bazirano na podjelama (i svojevrsnom insistiranju), u dugom periodu svijesti ne može da raste, razvija se, obnavlja i istraje. Samo raznolikost, dovoljno fleksibilna da opstane u poznavanju i poštovanju ličnog porijekla, može doprinijeti razvoju zdravog i svjesnog pojedinca i društva. Ako ogradimo sebe u samo onom što je nasljeđe i tradicija, bez uvremenjavanja, otvorenosti i svjesnosti o drugačijim kontekstima i društvenim prilikama naših života u odnosu na naše prethodnike, kao i raznolikosti svijeta, ono najSvetije u nama polako umire.

Nothing based on divisions or obduracy can grow, develop, renew, or endure in the long run. Only diversity, flexible enough to accommodate and respect personal origins, can nurture the development of a healthy and conscientious individual and society. If we only focus on heritage and tradition, without adapting or being open to different contexts, social conditions, and global diversity, what is most sacred in us will slowly fade away.

Aucune société obstinée se basant sur la division ne pourra se développer, se renouveler ou endurer des obstacles. Seule une diversité assez flexible pour accueillir et respecter les origines de chacun pourra permettre au bon développement d'individus consciencieux et d'une société saine. Si nous ne nous concentrons que sur les traditions dont nous avons hérité, sans s'ouvrir à la diversité, ce que nous avons de plus précieux en nous finira bien par disparaître.

Le café bosniaque est bien plus qu'une boisson, c'est un rituel de connexion et d'hospitalité. Photo provenant d'une archive privée, via Balkan Diskurs, utilisée avec permission.

La richesse des festins de fêtes

Le multiculturalisme fait partie intégrante de la culture en Bosnie-Herzégovine. Même s'il y a de moins en moins de mariages mixtes depuis les années 90, le fait qu'il y en ait toujours est une véritable aubaine pour les amateurs de festins inclusifs, que ce soit pour l'Aïd, Noël, ou un simple repas en famille.

Dragana Ilibašić raconte à quel point ces célébrations ont toujours fait partie de sa vie :

Još kao mala uživala sam sa jednom bakom u bojanju jaja za Uskrs, dok bi za Bajram sa majkom radila na pripremi baklave. Pamtim i pripreme za obilježavanje slave od dede, dane kada je baka pravila po nekoliko vrsta različitih suhih kolača: od oblatnih do šapica, ali i ručkove za Bajram koji su uvijek bili sastavljeni od nekoliko tradicionalnih jela. Majka je uvijek razvijale kore za burek i mene godinama učila tome. Iako danas ja kupujem gotove kore, nikada ne bih mijenjala te čari kada smo svi zajedno za stolom i za Božić i za Bajram, i dijelimo kako zahvalnost na bogatoj trpezi, tako i zahvalnost na toj ljepoti naše obiteljske šarolikosti.

Even as a child, I enjoyed painting Easter eggs with one grandmother, while for Eid, I would work with my mother on preparing baklava [filo pastry filled with chopped nuts]. I remember the preparations for celebrating the Slava [a family’s annual saint veneration] with my grandfather, the days when my grandmother made several different types of dry cakes: from wafers to shortbread cookies, as well as the holiday meals for Eid, which were always made up of several traditional dishes. My mother always rolled out the dough for burek and taught me how to do it over the years. Although today I buy pre-made dough, I would never trade those magical moments when we are all gathered around the table for both Christmas and Eid, sharing not only gratitude for the abundant table but also for the beauty of our family’s diversity.

Plus jeune, j'adorais déjà peindre des œufs de Pâques avec ma grand-mère, et quand venait l'Aïd, j'aidais ma mère à préparer le baklava (dessert fait de pâte filo fourrée avec des noix écrasées). Je me souviens aussi avoir aidé mon grand-père à préparer Slava (fête familiale qui célèbre le jour de la fête du Saint patron de la famille). Ou quand ma grand-mère faisait toute sorte de gâteaux secs comme des gaufrettes ou des sablés. Elle préparait aussi les repas de l'Aïd, il y avait toujours différents plats traditionnels. Au fil des années, ma mère m'a appris à rouler la pâte pour faire des börek. Même si aujourd'hui, j'achète de la pâte préfabriquée, je n'oublierais jamais ces moments où toute la famille se rassemblait autour de la table pour L'Aïd et Noël. Je serais toujours reconnaissante pour la diversité de ma famille pour avoir pu déguster de telles merveilles.

De ces histoires nous pourrons retenir que malgré l'époque dans laquelle nous vivons, une époque de fast-food et de surconsommation, le partage et la culture derrière la nourriture restent l'une des grandes forces de notre société. La nourriture sert à se connecter, à partager, à se sentir accepté, à évoluer, à se soutenir, mais surtout à aimer.

Mešinović conclut : « Peu importe la couleur de peau, le genre, l'âge, la religion, ou quoi que ce soit d'autre, la nourriture est le langage universel de l'amour. Grâce à elle, nous pouvons faire preuve de tant de bonté, mais elle permet aussi de recevoir tant d'amour provenant de tant de cultures différentes ».

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Les mots ont la parole: Épisode #22https://fr.globalvoices.org/?p=293350http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250217_070855_Les_mots_ont_la_parole__Episode__22Mon, 17 Feb 2025 06:08:55 +0000Au Cameroun, whitiser veut dire “parler comme un blanc”

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de Suzie Telep, présentant le thème de la whitisation

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Latabatra: ce terme malgache est emprunté au mot français « la table » dont il garde le sens en s'adaptant à la phonologie de la langue malgache. On l’utilise pour désigner la table en général, et on peut le combiner avec d'autres mots: “latabatra fiasàna” renvoie à la table de bureau.

On retrouve ce terme dans le titre d’une traduction d'un article de Global Voices en 2015 qui parle d’une table de ping-pong.

Singapore : Latabatra Ping-Pong iray Mametraka Ny Fitsipiky Ny Fizakàmanana Ara-Tsaina Ho Ambany Maso · Global Voices teny Malagasy.

L'expression est aussi utilisée dans ce poème de Jean Narivony intitulé « Rajakom-bazaha » (Le singe des blancs) :

Extrait du poème :

« Mahazo latabatra fisakafoana,

Mampidin-divay ho rano sotroina, »

“On te donne une table pour festoyer,
Et tu fais du vin ton eau à boire, “

 

Whitiser : ce mot de français camerounais est une composition de l’adjectif white ( blanc en anglais) et du suffixe -iser. Le tout donne un verbe qu’on utilise au Cameroun pour désigner ceux qui ont adopté le français comme langue standard parlée avec un accent européen, au détriment de leur langue maternelle ou des langues nationales. Le mot renvoie au processus d'occidentalisation des pratiques et habitudes linguistiques dans certains pays d’Afrique.

Si l’utilisation du verbe Whitiser est propre au camerounais, d’autres pays du continent utilisent d’autres expressions pour parler du même contexte, comme l’indique l’extrait de cette publication du dictionnaire en ligne de La langue française :

Au Cameroun ça s'appelle “Whitiser”, en Côte d'ivoire ça s'appelle “Chokôh”, au Gabon ça s'appelle “Gorger”, en Martinique ça s'appelle “Broder”, et vous alors vous changez aussi votre accent pour parler comme des “p'tits blancs” ? (…)

La whitisation est le sujet de la thèse de doctorat de Suzie Telep, Française d'origine camerounaise qui en parle dans cette vidéo publiée sur sa chaîne YouTube :

Krep : Le “krep” brésilien s’inspire de la fameuse crêpe, souvent associée à la  Bretagne, région de l'ouest de la France. Mais la version brésilienne – plutôt un goûter qu’un repas – est assez différente. La pâte du “krep” est préparée d’une autre manière, et fourrée au fromage brésilien, au chocolat, ou à des fruits comme la goyave. On peut l’acheter aux stands dans la rue ou dans les parcs.

Il existe aussi une autre recette populaire dans le nord-est du pays préparée avec de la farine de manioc et qui prend donc une autre texture; celle-ci s’appelle beiju.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org

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Au Togo, la suspension de l'aide américaine va impacter négativement la santé publique et l'éducationhttps://fr.globalvoices.org/?p=293498http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250214_083847_Au_Togo__la_suspension_de_l_aide_americaine_va_impacter_negativement_la_sante_publique_et_l_educationFri, 14 Feb 2025 07:38:47 +0000Washington fournit aussi une aide militaire

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

En image, des cartons étiqueté USAID ; capture d'écran de la chaîne YouTube de RFI

De nombreux pays du sud bénéficient de l'aide au développement des États-Unis à travers l'agence USAID. Le gel soudain des fonds de cette agence gouvernementale risque de mettre un frein à l'avancement de plusieurs programmes en Afrique.

La contribution des États-Unis au développement international et dans le domaine humanitaire dans le sud global représente plus de 40 milliards de dollars américains par an. En Afrique, le Togo fait partie des pays où cette aide joue un rôle crucial dans le développement des communautés dans plusieurs domaines: éducation, santé, sécurité, gouvernance. Selon le rapport sur le développement humain 2024 du Programme des nations unies pour le développement (PNUD), le Togo a fait des progrès dans ce domaine, passant d'un chiffre de 0,539 entre 2021-2022 à 0,547 entre 2023-2024. Le rapport indique que :

…le Togo a enregistré des progrès remarquables à l’instar des précédents rapports. Pour la 5e année consécutive, le pays est classé 1er dans l’espace UEMOA [Union Économique et Monétaire Ouest Africaine] et 4e cette année dans la CEDEAO [Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest] après le Cap-Vert, le Ghana et le Nigeria.

Lire : Aller à l'école en Afrique: une pratique risquée pour des millions d'enfants

Un coup dur pour le soutien à l'éducation

Les autorités togolaises mettent tout en œuvre pour encourager l'éducation pour tous : le taux de scolarisation est de 94,6 % au niveau primaire au début de l'année scolaire 2024. Cependant des défis subsistent en matière d'accompagnement des enfants en situation de vulnérabilité: des programmes de cantine scolaire sont mis en place pour éviter que les enfants de familles défavorisées désertent les bancs des écoles.

L'aide américaine fournie par l'USAID a ainsi mis en place le programme McGovern-Dole dont le Togo est bénéficiaire. Dans une publication, faisant suite à l'annonce de la suspension, le site d'information togolais 27avril indique que:

C’est un programme doté de 33 millions de dollars en 2023. Il est mis en œuvre par Catholic Relief Services (CRS) et devait permettre à des milliers d’écoliers togolais d’avoir accès à un repas quotidien, ce qui permettra de les maintenir à l’école. Le programme avait été prolongé pour cinq ans.

Plus loin, 27avril souligne que la mise en œuvre d'un nouveau programme d'une valeur de 29 millions de dollars américains était prévu. Il écrit:

Une autre enveloppe de 29 millions de dollars était attendue pour un nouveau programme, « Nourriture pour le progrès ». Ce sera en termes de don de produits agricoles américains aux pays en développement et aux démocraties émergentes engagées dans l’introduction ou le développement de la libre entreprise dans leurs économies agricoles. Le Togo attend également ce fonds.

Des progrès sanitaire en chute

Le Togo réalise des progrès notables dans le domaine sanitaire, en partie grâce à l'appui de partenaires et donateurs étrangers dont les États-Unis. Ce dernier via l'USAID s'est engagé pour la réduction du paludisme et dans la lutte contre le VIH/SIDA à travers son initiative President’s Emergency Plan for AIDS Relief (PEPFAR) au bénéfice de plusieurs pays africains dont le Togo.

A ce sujet, le site d'information Togo First publie ceci :

Au Togo, le PEPFAR a décaissé 9,2 millions de dollars américians en 2023 et 6,2 millions en 2024, pour financer l’accès aux antirétroviraux pour plus de 300 000 patients, le maintien des services VIH pour 46 000 individus pendant la pandémie de COVID-19, les campagnes de dépistage et le développement des infrastructures de soins. En 2023, l'Initiative du Président des États-Unis contre le Paludisme (PMI) avait annoncé son tout premier financement pour le Togo, avec un investissement de 12 millions de dollars pour la première année du programme.

La suspension des fonds menace directement l’accès aux traitements pour des centaines de milliers de malades et risque d’entraîner une recrudescence de l’épidémie.

En clair, une coupure durable de ces financements pourrait remettre en cause 20 ans de progrès dans la lutte contre le VIH/SIDA au Togo.

Renforcement de la sécurité, un enjeu majeur

Outre l'éducation et la santé, les États-Unis sont aussi impliqués dans le domaine militaire au Togo.

Face aux avancés des incursions djihadistes et l'extrémisme violent, les États-Unis renforcent leur coopération militaire avec le Togo en 2023 pour repousser les l'insécurité principalement au nord où le pays partage ses frontières avec le Burkina et le Bénin, là où sévissent les groupes armées et terroristes.

En 2023, les États-Unis ont alloué 591 000 dollars américains au Togo en coopération militaire. Cet appui se traduit principalement dans la formation des armées au front dans le nord du pays. Togo First écrit:

Ces financements permettaient notamment de former les forces de sécurité togolaises et de renforcer la surveillance des frontières face aux menaces djihadistes venues du Sahel.

Le risque que le bouclier sécuritaire du Togo soit négativement impacté est réel, selon Togo First :

Mais cette suspension pourrait affaiblir encore davantage la coopération militaire entre Lomé et Washington, à un moment où le Togo fait face à une montée de l’instabilité dans le nord du pays.

Avenir incertain pour les personnes impliquées dans la mise en œuvre des projets

A l'instar de tous les pays dans lesquels intervient l'USAID, les personnes impliquées dans la mise en œuvre des projets financés par l'agence au Togo ne sont pas épargnées. Dans le nord du pays où la situation humanitaire concentre de nombreux projets, les employés sont contraints de rester à la maison, du moins pour une période de trois mois à partir de février 2025 en attendant de voir si cette décision sera maintenue ou révoquée. Kodzo [nom d'emprunt] interviewé par Global Voices témoigne:

D'un côté, cette décision de la nouvelle administration américaine est venue comme un coup de massue pour anéantir nos espoirs d'échapper au chômage. Parce que nous sommes sur le terrain chaque jour et nous travaillons auprès des communautés pour leur apporter notre appui. D'un autre côté, nous voyons partir en fumée les efforts de plusieurs années pour un développement des communautés. C'est très dur à accepter et nous devons nous préparer au pire dans la mesure où ils maintiennent leur décision.

Quant à Abidé, une volontaire dans une organisation partenaire de l'USAID dont elle préfère taire le nom, le premier mandat de Donald Trump à la tête des États-Unis (2017-2021) prouve que cette décision sera maintenue. Interviewée par Global Voices, elle dit:

Le président américain est connu pour ses prises de position extrêmes vis-à-vis de la marche actuelle du monde. Sauf un miracle, je me prépare au pire, du moins pour ces quatre années à venir si les portes de l'USAID se ferment définitivement. Aucune lueur d'espoir.

Comme Kodzo ou Abidé, d'autres personnes se retrouvent dans la même situation, et pas seulement au Togo. Si cette suspension vient à être prolongée, les conséquences seront plus graves en raison de l'importance qu'occupe l'aide humanitaire étasunienne. En plus des États-Unis, le Togo bénéficie de l'appui d'autres pays et institutions partenaires dont les principaux sont la Chine, l'Allemagne, la France, l'Union Européenne.

Lire notre dossier :

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Moldavie : l'approche du second tour de l'élection présidentiellehttps://fr.globalvoices.org/?p=291770http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250212_164445_Moldavie___l_approche_du_second_tour_de_l_election_presidentielleWed, 12 Feb 2025 15:44:45 +0000En marge de cette élection se tient un référendum constitutionnel sur l'intégration européenne.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de Sasha Pleshco sur Unsplash. Utilisée sous une licence Unsplash.

 Le 20 octobre, des élections présidentielles et un référendum constitutionnel sur l'adhésion à l'UE ont eu lieu en Moldavie. Les résultats des élections présidentielles et du référendum sur l'intégration européenne ont surpris de nombreux habitants de la Moldavie. Un peu plus de 50 % des électeurs ont soutenu l'inclusion du parcours européen dans la constitution. Le 3 novembre 2024, la Moldavie organisera le deuxième tour de l'élection présidentielle, avec la présidente sortante Maia Sandu et l'ex-procureur général Alexandr Stoianoglo qui se qualifient. NewsMaker a analysé pourquoi les prévisions et les sondages ne se sont pas réalisés et ce qui peut être attendu par la suite. L'article a été traduit par Global Voices et republié avec l'autorisation de NewsMaker. 

Avec une faible marge et un second tour

Le deuxième tour de l'élection présidentielle moldave aura lieu dans deux semaines, le 3 novembre. Les candidats seront Maia Sandu du parti au pouvoir PAS et Alexandr Stoianoglo des socialistes.  Les sondages pré-électoraux indiquaient que Sandu serait probablement en tête et Stoianoglo en deuxième position, mais l'écart entre les chiffres était significatif.

Les sondages montraient qu'environ 30 à 35 % des répondants étaient prêts à soutenir Sandu, tandis qu'environ 10 % favorisaient Stoianoglo. Ces chiffres étaient tirés de l'électorat total, une grande partie des électeurs restant encore indécise. En conséquence, Sandu a obtenu 42,45 % des voix et Stoianoglo 25,98 %.

Des élections sous tension

Le référendum, quant à lui, était censé aboutir à une victoire écrasante du camp du « Oui ».

En réalité, le résultat du référendum a été presque équitablement partagé : 50,49 % ont voté en faveur de l'intégration européenne dans la Constitution, tandis que 49,57 % s'y sont opposés.

Les régions opposées à l'UE ?

Curieusement, selon les résultats préliminaires (après le dépouillement de la moitié des bulletins), le nombre de votes contre le référendum était nettement plus élevé (environ 56 %) que celui des votes en faveur.  La situation a commencé à changer une fois les bulletins provenant des bureaux de vote à l'étranger comptabilisés. À l'intérieur du pays, la plupart des régions comptaient davantage d'électeurs opposés aux amendements constitutionnels. En effet, dans certaines régions où Sandu (l'initiatrice et principale promotrice du référendum) est arrivée en tête, la majorité a tout de même voté contre le référendum, comme dans les districts d’Ungheni et de Leova. Dans certains districts, comme Telenesti et Nisporeni, Sandu a obtenu moins de voix que le camp du « Oui » au référendum.

La capitale, Chișinău, a voté « Oui » pour l'amendement de la Constitution : 55,98 % des électeurs de la capitale l'ont soutenu, tandis que 44,02 % s'y sont opposés.  Tous les districts de Chișinău et  sa banlieue ont approuvé les amendements, à l'exception d'un seul, où la majorité s’est opposée à l’ajout du parcours européen à la Constitution.

Les régions du sud et du nord du pays ont majoritairement voté contre les amendements.

L’expert de WatchDog, Andrei Curararu, estime que le fait que, dans plus de la moitié des districts moldaves, plus de 50 % des électeurs se soient opposés aux amendements constitutionnels n’est pas représentatif.

Dans les États fédéraux, les entités fédérées occupent une place de choix. Cependant, nous sommes un État unitaire. Notre situation démographique fait que la population est majoritairement attirée par Chișinău. Je pense que la moitié de notre population vit désormais à Chișinău. Nous constatons que la Gagaouzie a voté contre les amendements, mais n’oublions pas que seulement 200 000 personnes y résident, et en général, seuls environ 55 000 votent..

Il a également souligné l’influence économique de Chișinău et de la diaspora sur le développement du pays, suggérant que ce facteur devrait être comparé aux régions ayant voté contre.

Pourquoi cela s'est-il produit ?

Après l'annonce des résultats préliminaires des élections et du référendum, Maia Sandu a déclaré qu'environ 300 000 électeurs avaient été ciblés pour des tentatives de corruption. On s'attendait à des provocations et à l'achat de votes lors des élections et du référendum. L'oligarque fugitif Ilan Shor condamné à 15 ans de prison en Moldavie, et son bloc « Victoire » ont créé un réseau de partisans en leur offrant de l'argent pour adhérer et recruter d'autres personnes. La police a mené à plusieurs reprises des perquisitions et arrêté des dirigeants et des membres des organisations territoriales du bloc pour financement illégal et influence sur le processus électoral. Curararu a souligné que la Moldavie adopte un « format télévisé » pour défendre la démocratie : « Nous menons des perquisitions et arrêtons deux ou trois dirigeants, mais nous ne travaillons pas avec la population. » « Et il s'est avéré que la population était bien plus influencée par Shor que nous ne le pensions auparavant. »

L'ancien représentant moldave auprès de l'ONU et du Conseil de l'Europe, Alexei Tulbure, a souligné que l'ingérence russe est devenue un facteur très sérieux influençant les résultats. Cependant, si des réformes judiciaires et des forces de l'ordre avaient été mises en œuvre en Moldavie, « le pouvoir destructeur de l'ingérence russe aurait pu être minimisé. »

La politologue Angela Colatski a comparé la réponse du gouvernement aux actions de Shor à « une piqûre de moustique. »

Quand vous vous asseyez pour jouer avec un tricheur, peu importe le jeu auquel vous jouez—vous devez toujours rester vigilant. Nous ne pouvons pas les combattre en utilisant leurs méthodes, car ce sont des méthodes illégales. Nous devons mobiliser l’ensemble de l’arsenal de l’État et anticiper leur usage.

Mauvais timing

Alexei Tulbure estime que seules les réformes améliorant la vie des gens peuvent rendre le processus d'intégration européenne irréversible.

Si la vie des gens s'améliore, nous pourrons dire avec certitude qu'il n'y aura pas de retour en arrière. Mais ajouter des amendements à la Constitution ne rendra pas l'intégration européenne irréversible. Nous manquons de culture juridique.

 De plus, organiser un référendum en même temps que l'élection présidentielle a suscité de nombreuses interrogations.Certains partisans pro-européens ont également voté contre, car « c'était un vote contre le gouvernement, et non contre l'Europe ». Tulbure a souligné que « c'était un message adressé au président et au PAS, qui ont organisé le référendum alors que ce n'était ni le bon moment ni la bonne méthode ».

Travail insuffisant auprès des électeurs

Une autre raison évoquée par les experts est le manque d'engagement auprès des électeurs. « Il faut un travail politique pour parvenir à un large consensus sur l'intégration européenne et unir la société », a déclaré Tulbure. Il estime que le processus devrait inclure d'autres groupes ethniques et politiques de la population ; ce qui « changerait leur attitude à son égard. » Il a ajouté : « S'ils sont exclus, ils deviennent une proie facile pour les propagandistes et les populistes. »

Selon lui, l'équipe du PAS n'a pas fait suffisamment d'efforts pour aller à la rencontre des électeurs.

Ils [les représentants du PAS] ont visité les districts centraux de la Moldavie, où réside principalement leur électorat stable. La présidente ne s'est pas rendue dans le nord ni dans le sud, où son taux de popularité est considérablement plus faible. Au cours des deux semaines à venir avant le second tour, elle doit visiter ces régions et persuader les habitants.

Angela Colatski a également souligné que l'idée du référendum avait été mal communiquée aux électeurs.« Tous les électeurs n'ont pas compris qu'il n'y aurait pas de second tour pour le référendum. Le slogan “Il n’y aura pas de second tour pour le référendum” est arrivé trop tard », a-t-elle déclaré.

Quelle est la suite ?

La Moldavie s'apprête à entamer le second tour des élections. Faire des prévisions est difficile. L'écart entre les candidats au premier tour est de 16 %. Sandu a déjà sollicité le soutien des partisans d'Octavian Țîcu, Andrei Năstase, Tudor Ulianovschi, Ion Chicu et Renato Usatîi pour le second tour. Toutefois, il est important de souligner que tous ces candidats ont critiqué la présidente en fonction.

Parmi les candidats mentionnés, Renato Usatîi a obtenu le plus de soutien électoral, terminant troisième au premier tour. Lors de la dernière élection présidentielle en 2020, Usatîi avait également terminé troisième et appelé à voter pour Sandu au second tour. Avant le premier tour de l'élection en cours, Usatîi a déclaré qu'il ne soutiendrait personne cette fois-ci. Stoianoglo, en revanche, pourrait rassembler tous les électeurs d'opposition. Mais il reste incertain si cela suffira à combler l'écart et à prendre l'avantage.

En revanche, il semble que Sandu ait déjà mobilisé son électorat stable et qu'il n'y ait plus de voix à récupérer. Les experts ne sont pas d'accord. Tulbure estime que Sandu dispose encore de deux ressources : les électeurs du nord et du sud du pays, qu’elle n’a pas réussi à convaincre au premier tour, et la diaspora, qui, bien qu’ayant déjà montré une forte mobilisation, pourrait apporter un soutien supplémentaire.

Angela Colatski estime que Maia Sandu doit renforcer sa coopération avec les autres forces pro-européennes, surtout à l’approche des élections législatives de l’été prochain. Les résultats du référendum ont révélé non seulement une profonde fracture au sein de la société, mais aussi un mécontentement à l’égard du gouvernement actuel. Les experts doutent depuis longtemps que le PAS puisse réitérer ses résultats de 2021. «Il est nécessaire de commencer dès maintenant à négocier une coalition pro-européenne», a souligné Colatski.

Curararu estime que le choc provoqué par les résultats du référendum et des élections pourrait motiver les électeurs pro-européens.

À deux semaines du second tour, la campagne va s’intensifier. Les deux candidats se sont déjà invités à débattre.

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Code d'éthique et politique sur le harcèlementhttps://fr.globalvoices.org/?p=293386http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250212_161911_Code_d_ethique_et_politique_sur_le_harcelementWed, 12 Feb 2025 15:19:11 +0000Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Conduite générale

Global Voices attend de tous les membres de notre communauté qu'ils se comportent de manière éthique et honnête et qu'ils respectent les principes décrits ci-dessous. Tout comportement qui enfreint ces principes ne sera pas toléré et les membres de la communauté qui le font pourront être exclus de la communauté.

Éthique communautaire

Cette section définit les principes de comportement qui nous guident dans divers contextes et situations.

Global Voices est une communauté vaste et diversifiée qui couvre de nombreux pays, langues, cultures et normes comportementales.

Global Voices vise à favoriser un environnement communautaire dans lequel tout le monde est traité avec respect et dignité. Chacun a le droit de travailler dans une atmosphère qui favorise l'égalité des chances, l'honnêteté et la confiance, et prohibe les pratiques discriminatoires, notamment le harcèlement. Nous nous efforçons de créer une communauté dans laquelle les relations sont exemptes de partialités, de préjugés et de harcèlement.

La politique de Global Voices est de garantir l'égalité des chances sans discrimination ni harcèlement fondé sur la race, l'origine ethnique, la couleur, la religion, le sexe ou l'identité sexuelle, l'âge, la nationalité, le handicap, l'orientation sexuelle, le statut d'ancien combattant ou toute autre caractéristique protégée.

Notre personnel, notre conseil d'administration et les membres de notre communauté contribuent à Global Voices de diverses manières et représentent Global Voices dans des fora externes, des conférences, des événements publics, des milieux universitaires et des médias. Que nous soyons bénévoles ou salariés, notre comportement dans tous ces contextes doit refléter la mission de Global Voices, les normes de comportement décrites dans cette politique et les valeurs collectives de notre communauté : le respect mutuel, l'honnêteté, l'intégrité, l'ouverture, la volonté d'écoute, l'acceptation de points de vue divers et la connaissance des différentes normes culturelles.

Les membres de la communauté Global Voices opèrent dans de nombreux environnements juridiques et réglementaires différents à travers le monde ; nous cherchons à nous familiariser avec les lois locales et à respecter les normes locales lorsque nous travaillons et voyageons dans différents contextes.

Les normes locales variant à travers le monde, un comportement acceptable dans un contexte peut être offensant, voire illégal, dans un autre. Nous nous efforçons d'être conscients de problèmes tels que l'espace personnel, les contacts entre les sexes, les gestes de la main, les blagues et le discours direct, les normes autour de l'argent et la consommation d'alcool.

Harcèlement

Bien qu'il existe différentes normes et lois en matière de harcèlement dans le monde, Global Voices cherche à favoriser un environnement dans lequel tous les individus de tous les pays seront protégés contre la discrimination ou le harcèlement.

La politique de Global Voices interdit le harcèlement sexuel et le harcèlement en raison de la race, de la couleur, de la religion, du sexe, de l'âge, de l'origine nationale, du handicap, de l'orientation sexuelle, du statut d'ancien combattant ou de toute autre caractéristique protégée. Ces violations doivent être signalées au directeur général ou au directeur exécutif ou, à défaut, aux représentants de la communauté au conseil d'administration.

En cas de plainte, la vie privée des personnes concernées est primordiale et la confidentialité sera respectée : seules les personnes ayant besoin d'en savoir pour des raisons professionnelles seront informées.

Aux fins de la présente politique, le harcèlement sexuel est défini comme des avances sexuelles non désirées, des demandes de faveurs sexuelles et d'autres comportements verbaux ou physiques de nature sexuelle lorsque : (i) la soumission à un tel comportement est explicitement ou implicitement une condition de l'emploi d'un individu ; (ii) la soumission ou le rejet d'un tel comportement par un individu est utilisé comme base pour des décisions d'emploi affectant cet individu ; ou (iii) une telle conduite a pour but ou pour effet d'interférer de manière déraisonnable avec la performance professionnelle d'une personne ou de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou offensant.

En cas de harcèlement, aucune plainte ne fera l'objet de représailles. GV s'efforcera d'enquêter rapidement sur les plaintes. GV accueille également les questions, les préoccupations et les demandes de formation du personnel.

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A la découverte des artistes coréens du Kazakhstanhttps://fr.globalvoices.org/?p=293280http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250212_160556_A_la_decouverte_des_artistes_coreens_du_KazakhstanWed, 12 Feb 2025 15:05:56 +0000Ils contribuent de bien des manières à sculpter l'art local

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Tableau d'un artiste coréen (anonyme) se trouvant au musée d'État des arts Abilkhan Kasteyev à Almaty, Kazakhstan. Photo utilisée avec permission.

En 1937, Joseph Staline ordonne l'expulsion de presque 175 000 Coréens du Kraï d'Extrême-Orient, territoire appartenant autrefois à l'Union Soviétique.
Mais leurs descendants vivent toujours en Asie centrale, et ceux-ci sont déterminés à faire connaître l'histoire de leurs ancêtres à travers l'art et l'échange culturel.

Ces descendants ont choisi le nom « Koryo-saram », un terme utilisé pour décrire les Coréens de l'Union Soviétique. Leurs ancêtres furent déportés suite à un décret « Sur l'expulsion des populations coréennes hors des régions frontalières au territoire d'Extrême-Orient ». Décret qui fut mis en place par Staline. L'Asie Centrale faisait à l'époque partie de l'Union Soviétique.

La décision d'expulser les Coréens tirerait son origine de la peur d'une possible coopération de ces derniers avec l'empire du Japon, dont les relations avec l'Union Soviétique étaient assez hostiles. Cette manœuvre à grande échelle commença en septembre 1937, plus de 100 000 personnes considérées comme « indignes de confiance » furent relocalisées de force dans des régions peu occupées du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan. Les Coréens font partie des premiers peuples de l'Union Soviétique ayant subi une déportation massive.

Voici une vidéo YouTube abordant le sujet de la déportation des Coréens :

Rien qu'au Kazakhstan, la population de Coréens dépasse les 100.000 individus, contribuant énormément à la vie sociale et culturelle du pays. Le premier théâtre national coréen du monde, le « Théâtre coréen de la comédie musicale », se trouve par ailleurs à Almaty, la ville la plus grande du pays ainsi que sa capitale. La ville héberge également le journal « Koryo Ilbo », publié dans trois langues différentes : coréen, kazakh et russe.

De plus, le Musée d'État des arts Abilkhan Kasteyev, principal musée d'art de la ville qui fut nommé d'après le peintre Abilkhan Kasteyev, abrite non seulement les œuvres de dizaines d'artistes coréens qui furent exilés au Kazakhstan, mais aussi celles de leur descendance. Cependant, due à l'isolation de l'Asie centrale au cours des années soviétiques, ces artistes, qui font pourtant partie intégrante du paysage artistique kazakh, ne sont pas souvent étudiés en dehors de l'Asie centrale et de la Corée.

Global Voices a pu visiter le musée avec l'aide de Elizaveta Kim, historienne de l'art et employée du musée, ce qui nous a permis d'explorer les archives de l'art coréen au Kazakhstan et d'en apprendre beaucoup sur les artistes coréens les plus influents du pays.

Dans la rubrique suivante, Elizaveta Kim nous contera l'histoire de ces artistes par une narration à la première personne. La journaliste Alexandra Sharopina a contribué à la révision de cet article.

Elizaveta Kim se tenant face à l'un des tableaux de son père, Mikhail Kim, intitulé « Mechta » (rêve). Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

Elizaveta Kim : Sculpter l'art local

Le premier de nos artistes important s'appelle Kim Hyun Nyun (1908–1994). Il fut diplômé de l'Académie des beaux-arts d’Union soviétique en 1937, avant d'être déporté au Kazakhstan depuis Leningrad. Cette expulsion forcée l'avait empêché de retourner chez lui, à Vladivostok. On lui avait fait croire que tout le monde avait déjà été expulsé, et qu'il ne trouverait personne là-bas.

Uke Azhiyhev, comme beaucoup de nos artistes kazakh, se rappelle : « Quand on était étudiants (1937-1938), on adorait les expositions de Kim Hyun Nyun. Ses tableaux étaient à grande échelle. Il représentait des scènes historiques composées de plusieurs personnes, et ses lumières étaient complexes. On adorait étudier à ses côtés parce qu'à l'époque, il n'y avait pas d'autres artistes aussi sérieux que lui au Kazakhstan. »

Kim Hyun Nyun enseignait à l'université, travaillait dans une maison d'édition de journaux, était impliqué dans des œuvres théâtrales, tout en continuant de peindre.
Il y avait un manque de personnel énorme dans ces domaines, c'est pour cela qu'on l'invitait partout.

Voici l'un des tableaux de Kim Hyun Nyun :

Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

Mon père, Mikhail Kim (1923–1990), est né à Vladivostok, mais il fut déporté au Kazakhstan en 1937, alors que ce n'était encore qu'un adolescent. Il rêvait d'être diplômé de l'Académie des Arts de Leningrad, malheureusement, les Coréens n'avaient pas le droit de quitter le pays. Ils étaient considérés comme des « colons particuliers », alors mon père est resté au Kazakhstan, puis il a voyagé dans de nombreuses villes.
Il peignait des tableaux monumentaux, et ses esquisses sont gardées dans notre musée.

Voici l'une de ses œuvres, « Schastye » (Bonheur) :

Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

Boris Pak (1935–1992) est un autre artiste éminent. Il n'avait que quatre ans quand sa famille fut déportée au Kazakhstan. Sa mère perdit la vie lors du voyage. Son père, Pyotr Pak-Ir, était un grand scientifique, linguiste, orientaliste, philosophe… C'était une personne incroyable.

Pak Boris était très éduqué, il a obtenu son diplôme à l'Académie des Arts de Leningrad. Il a ensuite produit de magnifiques illustrations pour des livres et des contes d'auteurs comme Hans Christian Andersen, Wilhelm Hauff, et bien d'autres.

Voici deux illustrations de Boris Pak :

Illustration pour « Le Chant de Hiawatha » par Henry Wadsworth Longfellow. Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

Illustration pour « Le Stoïque Soldat de plomb » d'Hans Christian Andersen. Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

Les personnes qui allaient voir les expositions de Pak n'arrivaient pas à comprendre si ses illustrations étaient faites à la main. Son travail était tellement minutieux, délicat. Un livre à une structure différente d'un tableau, et il le savait bien. Il prenait en compte ce genre de détail. C'était un excellent dessinateur.

Konstantin Pak (1924–1987) fut déporté au Kazakhstan alors que ce n'était encore qu'un enfant. Il travailla pendant longtemps au théâtre coréen, pour lequel il conçut de nombreux décors. De plus, les théâtres coréens et ouïghours se trouvaient pendant longtemps dans le même bâtiment, et leurs représentations s'alternaient. Konstantin a donc pu réaliser des décors pour les performances des Coréens, mais également pour celles des ouïghours.

Voici deux tableaux de Konstantin Pak :

Esquisse pour l'une des pièces d'Hong Din, « Kim sung-der ». Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

Costume réalisé pour la pièce « Anarkhan » de D. Asimov et A. Sadyrov. Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

Perpétuer la tradition familiale

Svyatoslav, Afanasy, et Sergey Kim font partie de la seconde génération d'artistes coréens. Nés au Kazakhstan dans les années 1950, ce sont les neveux de Mikhail Kim.

Svyatoslav Kim (1954–2017) à pendant longtemps travaillé dans des maisons d'édition. Sa compréhension de la structure d'un livre était parfaite, ce qui lui permit d'illustrer de nombreux livres. Il fut lauréat de diverses expositions centrées sur les livres, et c'était un graphiste reconnu dans ce domaine.

Voici une illustration de Svyatoslav Kim pour « Kruglyi god » (Toute l'année) :

Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

Afanasy Kim (1952–1987) était le frère de Svyatoslav. C'était un dessinateur incroyable et extrêmement talentueux. Malheureusement notre musée ne possède aucun de ses travaux.

Sergey Kim est né en 1952. Il travailla pendant longtemps sous la tutelle d'Azhiev Uke, qui avait placé beaucoup d'espoir en lui. Uke répétait que Sergey était un coloriste béni par les dieux. Pavel Zaltsman avait également placé ses espoirs en lui. Il retrouvait dans le style de Sergey une extension de celui de Pavel Filonov.

Sergey est un incroyable coloriste, travaillant principalement à l'aquarelle. Fut un temps où il ne peignait que de jeunes femmes ou des hommes âgés. La génération entre les deux ne l'intéressait pas tant que ça. Ce qui l'intéressait, c'étaient ceux qui venaient de commencer à vivre, ainsi que ceux qui avaient déjà bien vécu.

Voici l'un de ses tableaux.

« Portrait de Gali Kopakli ». Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

« Portrait de Gali Kopakli ». Photo prise par l'auteur, utilisée avec permission.

Prenez l'exemple de « Portrait de Gali Kopakli », qui est une jeune fille moldave. On ne la remarque pas tout de suite, mais il y a bel et bien une rose dans le coin gauche. Elle sert un peu de « diapason chromatique », et montre toute la tendresse du tableau : elle a toute la vie devant elle, mais à quoi bon vivre ?

Note de l'auteur : Même si le fait de présenter des artistes par leur ethnie n'est pas l'idée la plus productive du point de vue de l'histoire de l'art, notre objectif dans cet article n'était pas scientifique, mais bien journalistique. Nous voulions mettre en valeur la manière dont l'art contemporain kazakh fut créé par le mélange de différents groupes ethniques.
Nous pourrions également poser la question de savoir à quel point ces travaux sont « Coréens ». Ce qui est certain, c'est qu'on y retrouve énormément d'énergie « kazakh soviétique ».

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Peut-on encore faire confiance aux médias ? Aidan White, journaliste et défenseur des droits humains, révèle le chemin de la rédemptionhttps://fr.globalvoices.org/?p=293205http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250212_140509_Peut-on_encore_faire_confiance_aux_medias___Aidan_White__journaliste_et_defenseur_des_droits_humains__revele_le_chemin_de_la_redemptionWed, 12 Feb 2025 13:05:09 +0000Les médias peuvent adopter des mécanismes pour prouver leur crédibilité, tels que l'auto-évaluation et la certification de leur indépendance.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Aidan White. Photo by Portalb.mk, used with permission.

Aidan White. Photo de Portalb.mk, utilisée avec permission.

Cette interview d'Elida Zylbeari a été initialement publiée par Portalb.mk. Une version éditée est republiée dans le cadre d'un accord de partage de contenu entre Global Voices et Metamorphosis Foundation. 

Aidan White est le fondateur du Ethical Journalism Network  (EJN – Réseau pour un journalisme éthique). Il a été secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) pendant 25 ans et a beaucoup œuvré en tant que journaliste et défenseur des droits humains, de l'éthique et de la liberté de la presse. Il a joué un rôle clé dans la création d'initiatives mondiales telles que l’IFEX et l’INSI, a fait partie du panel de nomination IMPRESS en 2014 et a édité des rapports influents de l’EJN sur des sujets tels que la liberté des médias, la corruption et le journalisme à l'ère de la post-vérité, avant de quitter son poste de directeur de l’EJN en 2018 et d’en devenir président honoraire en 2021.

Dans cet entretien, il aborde la question du manque de confiance dans les médias à l'échelle mondiale et, le cas échéant, les mesures à prendre pour y remédier. L'entretien a été édité pour des raisons de longueur et de clarté.

Portalb.mk : Pourquoi y a-t-il aujourd'hui un manque de confiance dans les médias ?

Aidan White (AW): Nous vivons à une époque où la confiance pose un problème majeur, non pas parce que le public ou le monde en général est spécifiquement opposé au journalisme, mais en raison de la manière dont les gens reçoivent l'information aujourd'hui. Il existe une quantité incroyable de préjugés, de propagande et de communications abusives, en particulier sur les réseaux sociaux. Les gens sont confus et incertains de ce qui est vrai et de ce qui ne l'est pas. En conséquence, ils ne font plus confiance à l'information, même lorsqu'elle est bien documentée ou produite par des scientifiques et des chercheurs crédibles, ce qui est essentiel pour comprendre le monde.

Ce manque de confiance est dû à plusieurs facteurs. L'un d'eux est la nature changeante de la communication elle-même. La désinformation, les contenus abusifs, les informations contraires à l'éthique et incorrectes, les mensonges malveillants et la propagande sont omniprésents. Cela crée un environnement d'information chaotique.

Sur le plan politique, nous voyons des gouvernements et divers acteurs utiliser les réseaux d'information pour diffuser des informations trompeuses et des communications abusives. Cette ingérence affecte les processus démocratiques, tels que les élections. Ce chaos de l'information a changé les gens : ils font désormais moins confiance aux sources d'information externes et s'appuient plutôt sur leurs réseaux proches et personnels pour s'informer. Cela inclut les amis, les voisins et les groupes communautaires comme ceux de WhatsApp. Ce passage à des communautés étroites et localisées pour les nouvelles et les informations a créé un problème de confiance plus large, ce qui est très dangereux. Le danger réside dans le fait que des informations malveillantes peuvent avoir une influence indue sur la société. Par exemple, il est devenu très facile de diffuser des discours de haine, d'inciter à la violence et d'exacerber les tensions, en particulier en période de conflit ou de déclin économique. Les médias jouent un rôle crucial dans la lutte contre ce phénomène. Le journalisme professionnel a la responsabilité sociale de fournir des informations fiables au public.

Elida Zylbeari et Aidan White. Photo d'Elia Chevrier, UNESCO, utilisée avec autorisation.

Portalb.mk: Mais les médias ont-ils prouvé qu'ils étaient suffisamment dignes de confiance ? Je parle en particulier des médias professionnels.

AW: Nombreux sont ceux qui, dans les médias, pensent qu'ils l'ont fait, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Ils ne l'ont pas prouvé de manière convaincante. Prenons l'exemple des États-Unis. Les médias professionnels américains pensaient qu'ils disaient la vérité – et ils le faisaient, dans une large mesure. Ils ont rapporté les défauts de Donald Trump : sa misogynie, son racisme, ses violations présumées de la loi, son manque de fiabilité et tous les procès qui lui ont été intentés. Cependant, en dépit de ces vérités, de nombreuses personnes ont continué à voter pour lui.

Portalb.mk: Pourquoi ?

AW:

Si les médias se sont attachés à présenter le vrai Trump, ils n'ont pas réussi à se connecter aux réalités de la vie des électeurs. Nombre d'entre eux ne se sont pas souciés des accusations portées contre lui. Pour eux, la vérité sur Trump était secondaire. Ce qui importait davantage, c'était leur conviction qu'il pouvait améliorer leur vie sur le plan économique ou subvenir aux besoins de leur famille. Beaucoup de ces électeurs étaient issus de milieux socio-économiques défavorisés et les médias ont négligé leurs priorités. C'est leur erreur. Dire la vérité ne suffit pas. Les médias américains ont tiré une leçon importante : il est essentiel non seulement de rapporter la vérité, mais aussi d'entrer en contact avec les gens, de comprendre leurs points de vue et leurs motivations. Sans ce lien, même le rapport le plus précis ne trouvera pas d'écho.

Portalb.mk: Dans l'une de vos interventions, vous avez mentionné que les médias étaient devenus élitistes, ou qu'ils risquaient de le devenir. Pouvez-vous nous en dire plus ?

AW: Volontiers. L'un des problèmes du journalisme aujourd'hui est la fracture entre les médias et le grand public. Les figures élitistes des médias pensent souvent qu'elles comprennent le monde mieux que le public et qu'elles ont l'autorité pour dire aux gens comment et quoi penser. Cette attitude est dangereuse.

Les médias d'information et les journalistes ne doivent pas être élitistes ; ils doivent faire partie de la société. Ils doivent comprendre tous les niveaux de la pyramide sociale – comment les gens vivent, travaillent et pensent. Si les médias ne parviennent pas à établir un lien avec les personnes situées au bas de la pyramide, celles-ci les ignoreront. C'est cette déconnexion qui s'est produite aux États-Unis et lors de nombreuses élections dans le monde.

Cette année, nous avons assisté à une vague d'élections dans le monde entier et, dans presque tous les cas, les électeurs ont envoyé des messages forts aux gouvernements en place. C'est ce qui s'est passé en France, en Grande-Bretagne, dans toute l'Europe et aux États-Unis. Ces résultats montrent à quel point les médias n'ont pas réussi à établir un lien avec le public, ce qui a entraîné une dangereuse érosion de la confiance.

Les médias ont besoin de la confiance du public pour fonctionner efficacement. Pour y parvenir, ils doivent être transparents, responsables et connectés aux personnes qu'ils servent.

Portalb.mk: Comment les médias peuvent-ils alors rétablir la confiance du public ?

AW: Pour rétablir la confiance du public, les médias doivent se concentrer sur trois domaines clés. Tout d'abord, ils doivent s'engager à respecter les valeurs du journalisme professionnel, en adhérant à des principes éthiques tels que l'exactitude grâce à des reportages basés sur les faits, l'indépendance par rapport aux influences politiques ou corporatives, l'humanité en évitant l'exploitation des groupes vulnérables ou l'incitation à la violence, et la responsabilité en corrigeant les erreurs et en assumant la responsabilité des fautes commises. Deuxièmement, la transparence est essentielle ; les organisations de médias doivent communiquer clairement qui les possède, comment elles sont financées, quelles sont leurs politiques et si elles ont des préjugés politiques ou financiers. Enfin, les médias doivent se rapprocher du public en s'engageant directement, en écoutant les préoccupations des gens et en comprenant leurs points de vue.

Portalb.mk: Comment les médias peuvent-ils démontrer ces engagements dans la pratique ?

AW: Les médias peuvent adopter des mécanismes pour prouver leur crédibilité, tels que l'auto-évaluation et la certification de leur indépendance. Un bon exemple est la Journalism Trust Initiative (JTI – Initiative pour la confiance dans le journalisme), qui encourage les organisations de médias à produire des rapports détaillant la manière dont elles respectent les droits de l'homme, adhèrent à la déontologie journalistique et qui décrivent leurs structures de propriété et leurs politiques éditoriales. Ces rapports doivent ensuite être vérifiés par des organismes d'audit indépendants et, une fois certifiés, les médias peuvent les présenter au public comme preuve de leur transparence, de leur conduite éthique et de leur professionnalisme. Cette certification vérifiable contribue à instaurer la confiance, car elle permet aux gens de confirmer de manière indépendante les affirmations des médias.

Portalb.mk: Pourquoi est-ce important ?

AW: Dans un monde où règnent la tromperie, le mensonge et la malhonnêteté, des mécanismes tels que la Journalism Trust Initiative sont essentiels. Ils constituent un moyen crédible pour les médias de démontrer leur fiabilité et de regagner la confiance du public.

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L'Ouzbékistan à la recherche de nouveaux marchés du travailhttps://fr.globalvoices.org/?p=293214http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250207_125454_L_Ouzbekistan_a_la_recherche_de_nouveaux_marches_du_travailFri, 07 Feb 2025 11:54:54 +0000Traditionnellement, la plupart des migrants ouzbeks se rendent en Russie ou au Kazakhstan

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de Radio Free Europe/Radio Liberty. Utilisée avec autorisation.

Cet article a été écrit par Shukhat Hurramov pour Vlast.kz et publié le 5 janvier 2025. Une version éditée est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Vivre et travailler en Russie avec un passeport ouzbek devient de plus en plus dangereux. Le gouvernement de l’Ouzbékistan tente de réorienter les flux migratoires traditionnels vers d’autres pays.

L’assassinat à la mi-décembre du général russe Igor Kirillov et de son assistant à Moscou a été imputé à un citoyen ouzbek, qui aurait avoué. Les autorités russes ont déclaré qu’il avait été recruté et formé par les services de renseignement ukrainiens. Après chaque incident de ce type, impliquant prétendument des Centrasiatiques, des vagues de xénophobie ont frappé les communautés de migrants.

Sur le chemin du retour

Mukhabbat, 65 ans, a trois fils qui travaillent tous en Russie. Elle habite à Yakkabag, une petite ville du sud de l’Ouzbékistan. Lorsqu’elle parle de ses fils, sa voix tremble, ses yeux se gonflent de larmes. Leurs enfants, ses petits-enfants, dorment dans la pièce d’à côté.

« Mon cœur bat fort quand j’entends comment la police battait les gens qui venaient juste d’arriver pour travailler. Après le début de la guerre, mes fils m’ont dit qu’on leur avait proposé la nationalité russe s’ils rejoignaient l’armée russe. J’ai pleuré et je leur ai demandé de ne pas faire ça. Pour le bien de leurs enfants », a déclaré Mukhabbat, en essuyant ses larmes.

Il n’y a pas de jeunes dans les rues du village de Kishlik, qui se trouve à quelques heures de route de la ville de Samarcande, dans le sud du pays, et non loin de Yakkabag. La plupart d’entre eux sont partis gagner de l’argent à Tachkent ou à l’étranger.

De vieux retraités sont assis près d'un petit magasin du village. Ils disent qu’autrefois, il y avait assez de travail et d’argent pour tout le monde. Aujourd’hui, les jeunes des provinces d’Ouzbékistan sont partis ailleurs, car les opportunités locales se sont taries. Le groupe dit que leurs enfants et petits-enfants leur manquent. Ils savent bien que l’attitude envers les travailleurs migrants en Russie se dégrade.

Photo de Migrant.uz. Utilisée avec permission.

Dépendance à l'égard de la Russie

Le gouvernement ouzbek prévoit désormais de rediriger les travailleurs migrants, qui se rendent traditionnellement en Russie, vers d'autres pays à revenu élevé. Le Premier ministre Abdulla Aripov a déclaré en novembre 2024 :

Rien qu’en 2025, nous prévoyons de prendre des mesures pour employer plus de 200 000 citoyens dans 21 pays économiquement développés, tels que l’Allemagne, la Grande-Bretagne, le Japon, la Corée du Sud, Israël, le Canada, la Pologne, la Turquie, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’autres.

Here is a YouTube video about Uzbek migrant workers in Germany.

Selon les données officielles, il y a actuellement 1,14 million de travailleurs migrants ouzbeks à l'étranger. Au début de l'année, ils étaient 1,7 million. Ces chiffres ne concernent toutefois que les personnes titulaires d'un permis de travail. Le chiffre réel est certainement plus élevé, car beaucoup travaillent sans papiers.

Voici une vidéo YouTube sur les travailleurs migrants ouzbeks en Allemagne.

En novembre, Aripov a également présenté au Parlement le programme d’action de son cabinet pour l’avenir proche, basé sur la stratégie présidentielle « Ouzbékistan-2030 ». En plus de réorienter les flux migratoires de main-d’œuvre, il prévoit la création de plus de 2,5 millions d’« emplois bien rémunérés » dans le pays et l’amélioration des conditions de travail dans le secteur agricole.

L’économie du pays, en particulier dans les zones rurales, dépend des transferts de fonds que les travailleurs migrants envoient à leurs familles. Au cours des dix premiers mois de 2024 seulement, les transferts de fonds se sont élevés à plus de 12 milliards de dollars, soit 34 % de plus qu’au cours de la même période en 2023.

Selon la Banque centrale, 9,8 milliards de dollars (soit 78 % du volume total des transferts d’argent) provenaient de Russie et plus de 600 millions de dollars du Kazakhstan.

Alisher Ilkhamov, directeur de Central Asia Due Diligence, basée à Londres, estime que la question de la redistribution du flux de travailleurs migrants en provenance d'Ouzbékistan est à l'ordre du jour depuis longtemps. Il a déclaré à Vlast :

L’afflux massif de migrants vers la Russie a créé une dépendance, limitant la souveraineté de l’Ouzbékistan et créant des risques importants pour les migrants ouzbeks eux-mêmes, en raison de leur participation forcée à la guerre en Ukraine et de l’hystérie anti-migrants déclenchée en Russie.

Botir Shermukhammedov, rédacteur en chef de Migrant.uz, estime qu'il est actuellement impossible de rediriger l'ensemble du flux de migrants vers les pays à revenus élevés. Il a fait valoir :

Il faut comprendre qu’il s’agit d’un processus très long et complexe. En 2023, l’Agence pour les migrations de main-d'œuvre externes n’a envoyé que 38 000 Ouzbeks travailler à l’étranger, au lieu des 200 000 prévus. À mon avis, l’agence, avec son infrastructure actuelle, n’est pas du tout prête à envoyer 200 000 de nos concitoyens par an travailler à l’étranger. Il n’y a tout simplement pas autant de demandes.

Bien que le flux de nouveaux travailleurs migrants vers la Russie ait sensiblement diminué, Shermukhammedov estime qu’il est toujours nécessaire de négocier avec les responsables russes sur les violations répétées de leurs droits du travail ainsi que sur leur recrutement pour la guerre.

Malgré la volonté du gouvernement d’employer une partie des rapatriés de Russie, cette politique a peu de chances de réussir. La population de l’Ouzbékistan s’élève maintenant à plus de 37,5 millions de personnes, dont 22,5 millions ont un emploi. Selon les données officielles, le taux de chômage est en baisse, mais une vague de rapatriés, ainsi que de personnes expulsées par les autorités russes, pourrait gâcher ces statistiques optimistes.

« Je connais le russe, mais maintenant j'apprends l'anglais »

La Russie et le Kazakhstan restent les destinations préférées des travailleurs migrants d’Ouzbékistan. Le nombre exact d’Ouzbeks travaillant à l’étranger est difficile à déterminer. L’Agence pour les migrations de main-d'œuvre externes affirme qu’il y en a environ 2 à 3 millions. Certains experts estiment que ce chiffre pourrait atteindre cinq millions.

Lors de sa visite à Tachkent en mai 2024, le président russe Vladimir Poutine a promis que « les autorités russes font et feront tout ce qui est nécessaire pour offrir des conditions de travail décentes et une protection sociale aux citoyens ouzbeks » travaillant en Russie.

Malgré ses promesses, l’attitude envers les travailleurs migrants en Russie ne fait que s’aggraver. Cela est particulièrement visible après les attentats terroristes dans la région de Moscou au printemps 2024 et le récent assassinat d’un haut fonctionnaire du ministère de la Défense, le lieutenant-général Igor Kirillov, et de son assistant, prétendument par un citoyen ouzbek.

Voici une vidéo YouTube sur les raids contre les travailleurs migrants d’Asie centrale en Russie.

Une vague de xénophobie, ainsi que des tentatives visant à persuader les migrants de signer des contrats avec le ministère russe de la Défense, ont forcé de nombreux Ouzbeks et ressortissants d’autres républiques d’Asie centrale à retourner dans leur pays d’origine. Depuis le début de cette année, plus de 467 000 travailleurs migrants sont rentrés en Ouzbékistan : 257 000 de Russie, 129 000 du Kazakhstan, 14 000 de Corée et plus de 66 000 d'autres pays, a rapporté le gouvernement.

Ilkhom, 44 ans, est originaire d'Andijan, dans l'est de l'Ouzbékistan. Il a travaillé en Russie pendant plus de vingt ans. À la mi-octobre 2023, il a été convoqué dans l'un des commissariats de police de Saint-Pétersbourg et on lui a proposé avec insistance de s'enrôler dans l'armée.

En Ouzbékistan, l'enrôlement dans une armée étrangère est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison et Ilkhom le sait. Ilkhom a déclaré qu'il avait finalement été libéré, mais qu'il avait continué à être convoqué par la suite. Cette pression l’a conduit à décider de quitter définitivement la Russie.

Je sais que l’armée russe qui combat en Ukraine a besoin de soldats, mais ce n’est pas notre guerre. Certains de mes compatriotes ont accepté de devenir des sous-traitants et d’aller au front. Ils sont attirés par l’argent et la possibilité d’obtenir la citoyenneté.

Ilkhom travaille aujourd’hui comme chauffeur de taxi à Tachkent. « Peut-être que je retournerai en Russie, mais seulement après la fin de la guerre. Ou peut-être que j’irai dans un autre pays. Mon russe n’est pas mauvais, mais maintenant j’apprends l’anglais », dit Ilkhom en réfléchissant à son avenir.

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Réaction des Pays du Pacifique face au décret de Donald Trump notifiant le retrait des États-Unis de l'Accord de Parishttps://fr.globalvoices.org/?p=293263http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250207_114810_Reaction_des_Pays_du_Pacifique_face_au_decret_de_Donald_Trump_notifiant_le_retrait_des_Etats-Unis_de_l_Accord_de_ParisFri, 07 Feb 2025 10:48:10 +0000Les petits États insulaires dépendent des fonds de dédommagement afin de venir en aide aux communautés vulnérables

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Vanuatu climate action

Protestation à Port Villa, Vanuatu, en septembre 2018 : « Rise for climate to build a fossil-free world »(« Mobilisation pour le climat, construisons un monde sans énergies fossiles »). Photo publiée sur le compte Flickr de 350.org. CC BY-NC-SA 2.0

Plusieurs dirigeants et institutions du Pacifique ont exprimé leur inquiétude quant au retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat et à sa signification pour l'avenir de l'action climatique mondiale.

Le Président américain Donald Trump a signé le décret après son investiture, lequel mettrait fin à la contribution financière du gouvernement américain aux pertes et dommages liés aux changements climatiques, en vertu de l'accord signé en 2015. En 2024, les États-Unis ont financé environ 22 % du budget de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour la période 2024-2025, soit un total d'environ 7,5 millions de dollars américains.

Trump avait également retiré les États-Unis du traité sur le climat au cours de son premier mandat en 2017, mais son successeur est revenu sur cette décision en 2021. L'accord historique de Paris engage 196 nations à travailler ensemble pour faire baisser la température mondiale de 1,5 degré Celsius.

Selon un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement, publié en octobre 2024, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont continué à augmenter en 2023, les pays riches comme les États-Unis produisant environ 77 % de l'ensemble des émissions contre seulement 0,02 % pour les nations insulaires du Pacifique.

Malgré cet écart, les pays du Pacifique sont davantage exposés aux effets néfastes des changements climatiques, tels que les cyclones de grande ampleur, l'élévation du niveau de la mer, la dégradation des sols, etc. Ces catastrophes ont déplacé des communautés, détruit des moyens de subsistance, fragilisé les économies locales et créé d'importants conflits sociaux dans de nombreux pays.

Interrogé, lors d'une conférence du Forum économique mondial à Davos en Suisse, sur le décret de Donald Trump, le Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée, James Marape, a rappelé aux États-Unis qu'il est de « leur devoir moral d’assumer leur responsabilité » :

While it is not my place to advise the government of America, it is prudent that the biggest holder of carbon footprint takes the greater responsibility (because) much of the burden is being borne by those of us with the least carbon footprint.

There is a moral responsibility by each global leader to think from the global perspective instead of from their own national-interest perspective.

Evidence shows that we are at a tipping point, almost reaching the end of earth’s sustainability level. If this planet sinks, we all sink with it. There is no second Earth.

Bien que cela ne soit pas à moi de prodiguer des conseils au gouvernement américain, il serait juste que le plus gros émetteur de CO2 assume sa part de responsabilité (car) une grande partie du fardeau est supportée par ceux d'entre nous dont l'empreinte carbone est la plus faible.

Il est de la responsabilité morale de chaque dirigeant d'agir dans une perspective mondiale plutôt que dans l'optique de leurs propres intérêts nationaux.

Les faits montrent que nous sommes arrivés à un point de basculement, presque à la limite du seuil jugé viable de la Terre. Si cette planète sombre, nous sombrerons tous avec elle. Nous ne disposons pas d’une Terre de rechange.

Le procureur général du Vanuatu, Arnold Loughman, a qualifié la décision de Trump de « précédent préoccupant » et de « comportement déplorable », susceptible d’avoir de graves conséquences dans la région. Toujours selon lui, le retrait du gouvernement américain de l'accord compromettrait considérablement, dans un contexte mondial, le financement consacré à la lutte contre les changements climatiques.

These funds are essential for building resilience and supporting adaptation strategies. Losing this support could severely hinder ongoing and future projects aimed at protecting our vulnerable ecosystems and communities.

Ces fonds sont essentiels pour renforcer la résilience et financer les stratégies d'adaptation. Leur perte pourrait gravement entraver les projets en cours et futurs visant à protéger nos écosystèmes et communautés qui sont vulnérables aux changements climatiques.

Vanuatu fait partie des pays qui ont déposé une requête auprès de la Cour internationale de justice (CIJ), demandant à l'organe des Nations unies de se prononcer sur l’obligation des États de lutter contre le réchauffement climatique en vertu du droit international, et sur les sanctions encourues en cas d'inaction.

Sitiveni Rabuka, le Premier ministre des Fidji et ancien ministre du changement climatique, a déclaré que les pays du Pacifique étaient en train de revoir leurs plans d'action en matière de climat.

It will force us to rethink our position, some of us have been worrying, thinking about how the West particularly those closer to cooperation partners in the Pacific such as Australia and New Zealand.

We try to comply with the demand for protocols about carbon emission.

We have been with the rest of the world encouraging those that have been extracting or exporting fossil fuel to scale down.

Notre allons devoir reconsidérer notre position ; certains d'entre nous se demandent avec anxiété quelle sera la réaction de l'Occident, en particulier de pays proches de nos partenaires dans le Pacifique, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Nous faisons notre possible pour nous conformer à l’exigence de protocoles sur les émissions de carbone.

Avec le reste du monde, nous avons encouragé ceux qui extraient ou exportent des combustibles fossiles à réduire leurs activités.

Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a déclaré aux médias que le gouvernement fidjien avait déjà écrit une lettre à Donald Trump lui demandant de reconsidérer sa décision.

Dans un message publié sur Facebook, Aupito William Sio, l'ancien ministre néo-zélandais des Peuples du Pacifique, estime que le retrait des États-Unis permettra à la Chine d’étendre son influence au sein des institutions multilatérales.

…guess who'll step up big time to take their place as a leading force for global multilateral organizations? — it will be China!

…when the great USA withdraws from these global organizations and doesn’t want to pay their fees etc. it just means, China can now go about providing a global leadership role in these organizations without any interference from the USA. If you can’t count on your traditional allies and partners like the USA who else will step up big time in supporting small island states like the Pacific?

…devinez qui s'apprête à prendre un rôle de premier plan au sein des organisations multilatérales mondiales ? La Chine !

… si les États-Unis quittent ces organisations sans régler leur cotisation, la Chine pourra alors assumer un rôle de leader mondial sans aucune interférence de leur part. Qui d’autre défendra les petits États insulaires comme le Pacifique si vous ne pouvez pas compter sur vos alliés et partenaires de longue date comme les États-Unis ?

Dans un éditorial, le Samoa Observer a reproché à Donald Trump d'ignorer les effets dévastateurs provoqués par les changements climatiques.

For Trump, climate change is a hoax, for Pacific nations like Samoa, it is a reality we are living in. Maybe the Los Angeles fires and the hurricanes last year are not enough for one of the world’s richest men to realise that it is not a hoax.

Pour Trump, la crise climatique est un « canular », alors que pour les nations du Pacifique comme les Samoa, il s'agit d'une réalité. Peut-être que les incendies de Los Angeles et les ouragans de l'année dernière n'ont pas encore convaincu l'un des hommes les plus riches du monde que le réchauffement climatique est bien réel.

Un ancien ministre fidjien a déclaré sur X que les populations du Pacifique continueraient à se battre pour un avenir plus résilient aux changements climatiques.

Le président Trump a signé aujourd'hui un décret prévoyant le retrait des États-Unis du traité de Paris (sur le climat). Nous nous engageons malgré tout à continuer à nous battre pour renforcer notre résilience en matière climatique pour tous les Fidjiens et les habitants des îles du Pacifique.

— Aiyaz Sayed-Khaiyum (@AiyazSKFiji) 21 janvier 2025

Le président des Palaos, Surangel Whipps Jr, devrait peut-être inviter de nouveau Donald Trump à venir plonger en apnée dans les eaux du Pacifique afin de constater la dégradation de l'écosystème causée par les changements climatiques. En décembre 2024, il avait fait part aux médias de sa proposition de convier le président américain à la prochaine réunion des dirigeants du Pacifique.

I would very much like to bring [Trump] to Palau if he can. That would be a fantastic opportunity to take him snorkelling and see the impacts. See the islands that are disappearing because of sea level rise, see the taro swamps that are being invaded.

J’aimerais beaucoup que Trump vienne aux Palaos, s’il le peut. Ce serait une occasion fantastique de l'emmener faire de la plongée en apnée et de voir les dommages provoqués par les changements climatiques. Voir les îles qui disparaissent à cause de l'élévation du niveau de la mer, voir les marais de taro victimes d’invasion d’autres espèces.

Cette décision suscite également la polémique aux États-Unis, où plusieurs politiciens et défenseurs de l'environnement s'opposent à la décision de Donald Trump. Le milliardaire américain Michael Bloomberg a ainsi annoncé qu'il interviendrait pour financer personnellement l'accord de Paris sur le climat, à hauteur de la cotisation prévue par les États-Unis.

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Myanmar : un an passé au théâtre de l'absurdité organisé par la junte, devant la menace d'une débâcle militairehttps://fr.globalvoices.org/?p=293056http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250207_113503_Myanmar___un_an_passe_au_theatre_de_l_absurdite_organise_par_la_junte__devant_la_menace_d_une_debacle_militaireFri, 07 Feb 2025 10:35:03 +0000Bilan annuel des pertes et mensonges persistants de la junte au Myanmar

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Myanmar junta leader presides over an event to mark the Artillery Corps’ 75th anniversary in Naypyitaw

Le leader de la junte du Myanmar a présidé un événement marquant le 75ème anniversaire du corps d'artillerie à Naypyitaw, le 3 février 2024. Photographie réalisée par le ministère de l'Information. Source : The Irrawaddy, image reproduite avec l'autorisation de l'auteur.

Cet article a été initialement publié le 27 décembre 2024 sur The Irrawaddy, site d'information indépendant du Myanmar en exil en Thaïlande depuis le coup d'État militaire de 2021. Une version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages Web en anglais]

Le régime militaire du Myanmar s'est évertué à maintenir un semblant de normalité en 2024, alors que son contrôle territorial se réduisait face aux avancées incessantes de la résistance. Min Aung Hlaing [fr], le chef de la junte, a fait face aux pertes subies sur de multiples fronts en intensifiant sa machine de propagande, en offrant des promesses vides et des récits erronés, alors même que deux commandements régionaux étaient assiégés et que sa famille se livrait à une corruption incessante.

Bikinis et bombes

Ironie du sort, Min Aung Hlaing, chef de la junte, a choisi de célébrer la Journée mondiale du tourisme le 27 septembre en invitant les ministres et les agences de tourisme à « stimuler les secteurs du tourisme et à communiquer aux voyageurs des informations fiables sur la sécurité des voyages dans les destinations du Myanmar ».

La zone de guerre grandissante au Myanmar entraîne la mutation des sites touristiques en champs de bataille. En juillet, deux mois seulement avant que Min Aung Hlaing ne déclare que les voyages ne présentaient plus aucun danger au Myanmar, ses forces perdaient la plage de Ngapali, de renommée internationale, dans l'État de Rakhine, face à l'armée de l'ethnie Arakan (AA) [fr].

Le semblant de normalité promu par Min Aung Hlaing est mis à mal par la perte de deux quartiers généraux de commandement régional cette année, dans le nord de l'État de Shan et à Rakhine – des revers sans précédent dans l'histoire de l'armée du Myanmar.

La contre-offensive promise ne vient pas

En août, lorsque le chef de la junte est finalement sorti de sa forteresse de Naypyitaw [fr] pour se rendre à Mandalay [fr], il a fait le serment de reconquérir les territoires perdus à Rakhine, à Kachin et dans le nord de l'État de Shan, réitérant ainsi une promesse faite lors de la journée des forces armées en mars dernier.

Seulement quelques semaines plus tard, le régime a vu son commandement du nord-est, situé à Lashio, capitale de l'État Shan, près de la frontière chinoise, confisqué par des organisations armées ethniques.

Alors que la Chine a ouvertement réaffirmé son soutien à un régime responsable de la mort de milliers de civils en trois ans, la junte a intensifié sa campagne aérienne contre les zones tenues par la résistance dans les États ethniques et dans le centre du Myanmar, promettant de rétablir la normalité.

Toutefois, la campagne aérienne a échoué à renverser la vapeur, l'armée de l'Arakan s'emparant du siège du commandement occidental dans la ville d'Ann au Rakhine en décembre, et les groupes armés ethniques et leurs alliés progressant pour s'emparer d'autres positions de la junte dans les États Karen, Chin et Kachin.

Bien loin de rétablir la stabilité, le régime a essuyé une nouvelle année de pertes territoriales. Le gouvernement civil parallèle d'unité nationale a fait savoir en août que la junte contrôlait moins de 100 villes sur les 350 que compte le pays. Quant aux 250 autres, 75 ont été conquises par des groupes anti-régime, 105 sont encerclées par des groupes anti-régime, 75 font l'objet de combats et 98 villes sont toujours sous le contrôle du régime.

Préserver l'esprit de famille

Au cours d'une interview avec les médias russes à Yangon le 18 mars, Min Aung Hlaing a été interrogé sur les enseignements qu'il transmettra à ses enfants. Sa réponse risque bien de devenir la blague la plus amusante de l'année 2024 au Myanmar : le chef de la junte affirmait avoir transmis à ses enfants les valeurs du travail et de l'honnêteté.

Même s'il est officiellement rémunéré comme fonctionnaire, Min Aung Hlaing est propriétaire de luxueuses demeures dans les quartiers aisés de Yangon, de Naypyitaw et de Pyin Oo Lwin. Son fils, Aung Pyae Sone, et sa fille, Khin Thiri Thet Mon, ont aussi tiré parti du pouvoir et des relations de leur père, en amassant des richesses grâce à des entreprises dans les domaines de la pharmacie, des hôpitaux, de la construction, des hôtels, des transports, de la production cinématographique, du divertissement, de l'assurance, des télécommunications, des galeries d'art, des restaurants et des installations sportives.

Aung Pyae Sone a largement profité des programmes militaires, notamment de l'achat d'armes et de la fourniture d'uniformes. En outre, chaque soldat est tenu de souscrire une assurance-vie auprès de la compagnie d'assurance Aung Myint Moh Min d'Aung Pyae Sone, soulignant ainsi la cupidité de Min Aung Hlaing et de sa famille.

Afin de répondre plus justement à la question du journaliste russe, Min Aung Hlaing a transmis à ses enfants le raccourci leur permettant de devenir des acolytes privilégiés et d'exploiter leurs prérogatives à des fins d'enrichissement personnel.

Artillerie : la fanfaronnade fait pschitt

Min Aung Hlaing a fait l'éloge du corps d'artillerie de l'armée, lors des célébrations de son 75ème anniversaire à Naypyitaw le 3 février, en déclarant qu'il était fier de sa capacité à atteindre des « cibles ennemies avec une précision absolue, partout et à tout moment ».

Par « cibles ennemies », il entend apparemment les populations civiles : son corps d'artillerie a infligé peu de dégâts aux groupes anti-régime tout en semant la mort et la destruction parmi les civils, les maisons, les écoles et les hôpitaux au cours des trois dernières années.

Lors des batailles dans le nord des États de Shan, Chin, Rakhine et Karenni (Kayah), les forces de la résistance ont non seulement saisi des armes légères et des munitions, mais aussi de l'artillerie lourde, comme des obusiers, dans les bases de la junte défaite. Ces armements sont désormais utilisés contre la junte.

Dans le Rakhine, l'AA (armée de l'ethnie Arakan) a fait usage de l'artillerie saisie contre le régime, et a attaqué le siège de son commandement occidental dans le township d'Ann, pour finalement s'en emparer au début de ce mois.

Min Aung Hlaing n'a pas dû apprécier la vidéo diffusée par l'AA le 26 décembre, dans laquelle on voit ses combattants tirer des mortiers et des pièces d'artillerie pour s'emparer du QG du commandement occidental. Le clip diffusé sur les réseaux sociaux était légendé « L’arme de l'ennemi est notre arme ».

La propagande réduite en cendres

Après que l'armée de libération nationale de l'ethnie Ta'ang (TNLA) [fr] a proclamé sa prise de la ville de Mogoke [fr], dans la région de Mandalay, fin juillet, en montrant des photos d'habitants en liesse saluant l'arrivée de ses troupes dans le célèbre « Ruby Land », le régime s'est efforcé de rejeter cette information en la qualifiant de « propagande chorégraphiée ». Parallèlement, les informations selon lesquelles les soldats de la junte auraient capitulé massivement dans la région de Lashio, au nord de l'État Shan, ne sont que de vagues rumeurs, selon l'organisation. Les troupes sur place ne faisaient que se « regrouper tactiquement », a insisté le major général Zaw Min Tun, porte-parole de la junte.

La ville de Mogoke, située à la frontière entre Mandalay et le nord de la province de Shan, est toujours sous le contrôle de l'Armée nationale de libération du peuple. Entre-temps, Lashio et son commandement nord-est sont tombés début août, quelques jours seulement après que le service d'information du régime a rejeté les rapports de reddition en les qualifiant de rumeurs.

En novembre dernier, lorsque l'armée de l'Alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA) [fr] a pris Kunlong, dans le nord de la province de Shan, lors de la première phase de l'opération 1027, le régime a prétendu que les troupes de la MNDAA s'étaient simplement infiltrées dans la ville pour y prendre des photos. Le régime a rapidement gardé le silence lorsque la MNDAA a publié des images de ses troupes déambulant dans les bases des bataillons de la junte à Kunlong. La ville demeure sous le contrôle du MNDAA.

Il serait peut-être plus juste de qualifier le porte-parole de la junte de « menteur en chef ».

Les gardiens du bouddhisme assassinent un moine

Le 19 juin, les troupes du régime ont exécuté le moine bouddhiste Sayadaw Bhaddanta Munindabhivamsa près de l'aéroport de Tada-U, dans la région de Mandalay, après que sa voiture a refusé de s'arrêter à un poste de contrôle, marquant ainsi ce qui pourrait bien être la plus grave bavure du régime pour 2024. Les responsables de la junte ont aussitôt imputé l'assassinat de ce moine aux Forces de défense du peuple (PDF) [fr], hostiles au régime.

Toutefois, un moine qui accompagnait Bhaddanta Munindabhivamsa a assisté à l'incident et s'est courageusement manifesté pour révéler la vérité : ce sont des soldats de la junte qui ont tiré les coups de feu. Cette bombe a fait chanceler la junte, poussant Min Aung Hlaing à présenter des excuses publiques, en personne.

Alors que les militaires, se présentant comme les gardiens et les protecteurs du bouddhisme, étaient confrontés à la fureur des moines et des laïcs, l'influent moine pro-junte Sitagu Sayadaw a porté secours à la communauté monastique en l'exhortant à pardonner et à oublier.

Des distinctions données à des voleurs

Soucieux de se présenter comme le chef d'un gouvernement légitime, Min Aung Hlaing a détourné le système d'honneur du pays en distribuant des récompenses à des loyalistes, à des partisans potentiels, à des artistes, à des soldats et à des policiers. Depuis le coup d'État, le chef de la junte a multiplié les titres honorifiques et les médailles comme des bonbons, les vidant de leur sens, certains lauréats se voyant même décerner la même médaille plusieurs fois.

Par ailleurs, d'autres ont été déchus par le régime des distinctions honorifiques accordées à la hâte. Moe Myint Tun, membre du Conseil d'administration de l'État, et Soe Htut, ministre de l'Intérieur, ont ainsi perdu leurs titres après un scandale lié à la corruption. L'actrice Khine Thin Kyi, qui a participé à de nombreux films de propagande sous la junte précédente, s'est vu confisquer sa médaille d'excellence dans le secteur social (deuxième catégorie) pour avoir laissé entendre qu'elle n'était pas enchantée de la distinction reçue des mains du régime.

Au bord de l'effondrement ?

L'armée est perçue comme l'institution la plus forte du Myanmar depuis l'indépendance du pays en 1948, et les livres d'histoire, écrits par des officiers à la retraite, se targuent de ses victoires contre les rebelles dans les États ethniques.

Tout a changé le 31 janvier de l'année dernière, lorsque Min Aung Hlaing s'est plaint, lors d'une réunion du Conseil national de défense et de sécurité, que ses troupes étaient surpassées par des forces ethniques, disposant d'une technologie avancée en matière de drones, dans le nord de l'État de Shan.

Pour un homme se vantant de son « armée moderne et traditionnelle », cet aveu n'est rien moins que honteux.

L'armée du Myanmar bénéficie d'un avantage considérable en termes d'effectifs et d'armement face aux groupes de résistance qu'elle combat. Elle jouit également d'une supériorité aérienne totale, étant la seule belligérante de la guerre civile dotée d'une force aérienne. Ses défaites militaires constantes remettent donc sérieusement en question la compétence de « l’armée classique » de Min Aung Hlaing. Tous ces éléments conduisent à une seule conclusion : « L’ armée dite classique » de Min Aung Hlaing est fondamentalement défaillante et inefficace.

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Révocation du fact-checking par Meta: quelles conséquences sur le continent africain?https://fr.globalvoices.org/?p=293316http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250206_114903_Revocation_du_fact-checking_par_Meta__quelles_consequences_sur_le_continent_africain_Thu, 06 Feb 2025 10:49:03 +0000Les fake news touchent surtout les questions d'ordre social

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de News Agency of Nigeria

La révocation du fact-checking par Meta, la plateforme de réseaux sociaux, va durablement impacter le travail des professionnels engagés dans la lutte contre la désinformation et les fausses informations.

Le 7 janvier 2025, Mark Zuckerberg, fondateur du groupe Meta, réunissant Facebook, Instagram et Whatsapp, met fin au programme de fact-checking. Cette décision du géant des réseaux sociaux porte un coup dur à plusieurs années de lutte contre les fausses informations, surtout en Afrique où des organisations comme Africa Check font un travail de veille en la matière.

Afin de comprendre les répercussions d'une telle décision, Global Voices a interviewé, par Whatsapp, Ass Momar Lo, chercheur sénégalais à Africa Check.

Jean Sovon (JS) : Meta vient de révoquer le fact-checking sur sa plateforme. Quelles sont les conséquences de cette décision sur le continent africain ?

Ass Momar Lo (AML) : Meta a révoqué le fact-checking sur sa plateforme aux USA, ce qui n'est pas sans conséquences. Premièrement, je pense qu'il y a le risque immédiat de voir surgir des informations erronées sur la plateforme, alors que Meta s'était lié à plusieurs organisations de vérification des faits à travers le monde pour lutter contre les informations erronées.

D'ici au mois de mars 2025, la décision d'arrêter le fact-checking sur Meta va entrer en vigueur. Il annonce que les fact-checks vont être remplacés par un système de notes de communauté qui n'est pas encore très clair. On n'en sait pas grand-chose sur comment les notes de communauté vont être choisies, sur quelle base, le niveau de pertinence des réponses suggérées. Tout ça reste ambigu. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a un risque de voir surgir une surabondance de fake news.

JS: Quels sont les genres de fake news qui semblent avoir le plus d’impact sur le continent?

AML : Il est difficile de dire avec certitude quel genre de fake news semble avoir le plus d'impact, mais sur la base de notre expérience à Africa Check, on se rend compte que beaucoup de fake news qui touchent aux sujets d'ordre social ont beaucoup d'impact. Je cite un exemple récent au Sénégal qui date de juillet 2024. Des fake news ont été partagées disant que le président de la République offrait des logements gratuits aux populations qui sont dans la précarité, surtout celles qui ont du mal à trouver un logement. Cette fausse annonce a poussé des personnes à aller occuper illégalement des maisons d'un promoteur privé qui avait terminé des maisons qui n'étaient pas encore occupées.

En 2021, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montrait des ressortissants ivoiriens torturés au Niger. Malheureusement, des populations de certains quartiers d'Abidjan en Côte d'Ivoire, ont cru à cette fake news et se sont attaquées aux ressortissants nigériens qui se trouvaient dans ces quartiers. Il y a eu des rixes qui ont occasionné un mort.

Sur la base de ces deux exemples, je peux dire que les fake news qui touchent aux sujets d'ordre social et parfois à la race, à l'ethnie sont des domaines très sensibles et semblent avoir beaucoup d'impact.

Photo de Ass Momar Lo, utilisée avec permission

JS: Les fake news opèrent-elles différemment selon les langues sur le continent?

AML: Peu importe la langue, les fake news ont plus ou moins les mêmes modus operandi. Les auteurs des fake news essaient de jouer sur la psychologie de ceux à qui ces fausses informations sont destinées. Souvent, ce sont des informations qui cherchent à toucher l'émotion du public cible pour les pousser à la réaction. Le sociologue espagnol Manuel Castells a prouvé à travers ses analyses que les gens réagissent à l'information non par la raison, mais par l'émotion. C'est pourquoi, à mon avis, peu importe la langue, que ce soit en wolof, bambara, hausa, yoruba, français, anglais, le mode opératoire est le même.

JS: La société civile africaine réussit-elle à alerter les gouvernements sur ces questions et à proposer des solutions adaptées au contexte africain?

AML: Sur la base de mes observations, la société civile africaine mène diverses actions et projets afin de pousser les autorités à prendre au sérieux la question de la désinformation. Par exemple, au Sénégal, je peux citer Sénégal Vote, des activistes très actifs en période électorale pour lutter contre la désinformation. Au Cameroun, il y a Defy Hate Now. Mais sans une réelle volonté politique, ces plaidoyers portés par la société civile peinent à porter leurs fruits. Il faut réellement une volonté, un accompagnement des politiques pour que ces actions proposées par les sociétés civiles puissent avoir un réel impact.

JS: Existe-t-il des alternatives pour éviter la prolifération des fake news sur le continent ?

AML: Comme alternatives, il faut plus d'éducation aux médias et à l'information, la sensibilisation: ce sont les principales alternatives au fact-checking. Les journalistes fact-checkers ont compris que le fact-checking à lui seul, ne pourra jamais régler le problème de la désinformation. C'est comme vouloir arrêter la mer par ses bras. C'est pourquoi nous, fact-checkers, à Africa Check, à travers nos articles, nous prenons le soin d'expliquer à nos lecteurs comment, étape par étape, nous vérifions les informations qui sont fausses. L'objectif sur le long terme est d'outiller le public pour qu'il soit indépendant et doté de réflexes pour éviter de tomber dans le piège de la désinformation, même sans Africa Check. Notre objectif est que ceux qui nous lisent parviennent eux-mêmes de manière indépendante à pouvoir séparer la réalité de la fiction et ne pas tomber dans le piège de la désinformation.

JS: Qu'en est-il de la question de la liberté d'expression même face aux fake news?

AML: Des lois qui encadrent la liberté d'expression interdisent formellement le fait de diffuser des fake news. Il y a des gens qui passent leur journée à créer des fake news de toutes pièces, soit pour nuire, pour induire une erreur, soit pour porter une cause. Les lois interdisent à raison cette pratique-là.

Dans de nombreux pays, plusieurs lois encadrant la loi d'expression, surtout dans la presse, ont été introduites, pas forcément pour contrer la désinformation, mais surtout pour faire taire des voix critiques, surtout quand ce sont des journalistes ou des activistes qui sont contre le régime.

Mais une personne peut diffuser une fausse information par erreur. Cela arrive surtout chez les journalistes, mais on a vu des pouvoirs politiques instrumentaliser ces lois-là, qui sont censées réguler la désinformation pour faire taire des voix critiques.

C'est aussi une des conclusions du rapport “Meeting the challenges of information disorder in the global information” (Relever les défis du désordre de l'information dans l'hémisphère Sud) publié en 2022 par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) :

State-led efforts to ameliorate the spread of “fake news” in sub-Saharan Africa have led to the introduction of laws that have done more to repress freedom than to lessen mis- and disinformation. In fact, such actions have further contributed to information disorder, as they are often justified by claims that are themselves forms of mis- or disinformation.

Les efforts déployés par les États pour lutter contre la propagation des « fausses nouvelles » en Afrique subsaharienne ont conduit à l’introduction de lois qui ont davantage contribué à réprimer la liberté qu’à réduire la mésinformation et la désinformation. En fait, de telles actions ont contribué davantage au désordre informationnel, car elles sont souvent justifiées par des allégations qui sont elles-mêmes des formes de mésinformation ou de désinformation.

 

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En France, un grand X-ode en courshttps://fr.globalvoices.org/?p=292831http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250205_090549_En_France__un_grand_X-ode_en_coursWed, 05 Feb 2025 08:05:49 +0000Le Monde et Libération ont annoncé leur départ définitifs en janvier 2025.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

X (anciennement Twitter), devenu symbole de la dérive autoritaire des réseaux sociaux américains. (Illustration : @tsarolina, 2025, utilisée avec permission.)

L'exode français de la plate-forme X marque une rupture avec l'influence politique étasunienne qui s'accentue au niveau économique et diplomatique.

Dans le monde entier, de nombreux médias, politiques, personnalités publiques sont en train de quitter la plateforme de réseaux sociaux X (anciennement Twitter) pour aller se réfugier vers des plateformes alternatives telles que Bluesky ou Mastodon, tandis que d'autres réfléchissent encore à leurs choix. Cet exode n'est pas une simple riposte de courte durée à la toxicité accrue de ce réseau, il témoigne aussi d'un changement systémique et plus radical lié à la gestion subversive de X par son nouveau son patron, Elon Musk, en place depuis octobre 2022.

Mais Musk fait maintenant aussi partie de la politique officielle des États-Unis: réélu pour un deuxième mandat présidentiel, Donald Trump en poste depuis le 20 février 2025 a créé un département de l'efficacité gouvernementale (DOGE), et a nommé le patron de X ainsi que le milliardaire pharmaceutique Vivek Ramaswamy responsables de ce département. Ces nominations d'ultra-riches ont suscité de vives critiques, notamment en ce qui concerne le risque d'ingérence politique dans les affaires européennes et internationales.

Ainsi, en décembre 2024, le chancelier allemand Olaf Scholz a fermement rejeté les déclarations de l'administrateur de la DOGE qui a annoncé que seul le parti d'extrême droite pouvait « sauver l'Allemagne ». Lors d'une conférence de presse avec son homologue estonien, Scholz a donné une réponse diplomatiquement élaborée où il reconnaissait le droit de chacun à la liberté d'expression – « même des multimilliardaires » – y compris dans le cas de  déclarations dénuées de sens.

Dans une réunion des ambassadeurs français du 6 janvier 2025, le président Emmanuel Macron a également exprimé son incrédulité:

Voilà dix ans, si on nous avait dit que le propriétaire d’un des plus grands réseaux sociaux du monde soutiendrait une nouvelle internationale réactionnaire et interviendrait directement dans les élections, y compris en Allemagne ? Qui l’aurait imaginé ?

Désengagement systémique des médias et des politiques français de l'X depuis 2022

Le désengagement des médias français d'X n'a cessé de s'amplifier depuis le rachat en 2022 par Musk. Les premiers glissements significatifs sont apparus au début de l'année 2023, lorsque les journaux Le Monde et Libération ont commencé à restreindre leur présence sur la plateforme et annoncé leurs départs définitifs en janvier 2025. Ce recul s'est transformé en un véritable départ lorsque L'Ouest-France, le plus grand quotidien régional de France, en terme de tirage selon l'ACPM (l'Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias), une organisation indépendante qui vérifie et certifie les métriques des médias, a diffusé son « dernier tweet pour le moment » en novembre 2024 et ne reviendra pas  «Sauf si cela devenait un espace régulé et respectueux des personnes ».

Le mouvement a pris de l'ampleur en décembre 2024 lorsque Mediapart, un journal d'investigation, a annoncé son départ définitif, déclarant qu'il ne servirait pas « les ennemis du journalisme et de l'intérêt public ». Cet exode marque une rupture flagrante entre les médias traditionnels et la réorientation de X sous le sous l'égide du propriétaire milliardaire, un proche de Trump.

La résistance à l'X bourgeonne aussi au parlement. Sandrine Rousseau, députée écologiste à l'Assemblée nationale, lance un appel le 12 janvier à ses collègues du Nouveau Front Populaire (NFP) : « on se lève et on se casse ». Dans une lettre envoyée le 12 janvier, elle dénonce X comme « une machine de désinformation » et « une caisse de résonance de l'extrême droite ». La députée pointe particulièrement les ingérences de son propriétaire dans les élections européennes, notamment son soutien affiché à l'extrême droite allemande.

Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, a pris une position encore plus ferme, appelant  à l'interdiction du X dans toute l'Europe. « C'est une question de fabrique de l'opinion et d'ultra-riches qui, une fois qu'ils ont accumulé suffisamment de richesses, essayent d'acheter le pouvoir », a-t-elle affirmé dans une interview à la station de radio RTL. Cette déclaration souligne les préoccupations croissantes concernant les personnes fortunées qui utilisent les plateformes de réseaux sociaux pour influencer l'opinion publique.

Le départ massifs de la communauté des intellectuels de l'X a atteint aujourd'hui une ampleur remarquable: le 16 décembre 2024, l'Association pour la liberté académique (ALIA) a publié une déclaration intitulée « Quitter l'X au nom de l'éthique scientifique ». L'organisation, qui opère au carrefour de la science et de la société, souligne que la liberté académique et l'éthique professionnelle sont des valeurs cardinales des universités et des institutions de recherche:

Depuis sa prise de contrôle par M. E. Musk, twitter, rebaptisé « X », est devenu une machine de guerre lancée contre ces principes.

Même si elle reconnaît que les réseaux sociaux peuvent potentiellement contribuer à la diffusion des connaissances et à la démocratisation de la science, l'association affirme que X est devenu « une chambre d'écho pour les idées farfelues, les impostures et les mensonges délibérés, visant à subvertir le débat public démocratique ».

Cette orientation se retrouve dans l'ensemble du paysage universitaire. Une dizaine d'universités françaises ont déjà rompu leurs liens avec l'X, dont la prestigieuse École polytechnique et l'EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales):

À compter du 20 janvier 2025, l’EHESS suspend son activité sur la plateforme X. […] La fin de la modération, l’absence de fact-checking et une conception discutable de la liberté d’expression ont brutalement transformé le réseau depuis le rachat par Elon Musk et l’ont rendu incompatible avec toute démarche scientifique et démocratique.

Un X-ode bien encardré

Face à cet exode systématique de X, un chercheur français propose une solution pour faciliter la transition vers des plateformes fédérées. HelloQuitteX est un outil en ligne pour la migration coordonnée des plateformes, qui a été créé par le mathématicien français David Chavalarias.

« L'idée est d'accompagner les utilisateurs dans une migration coordonnée vers des plateformes décentralisées comme Mastodon ou BlueSky », explique Chavalarias lord d'un entretien avec le Synth Media. « Ces réseaux offrent plus de liberté, comme le choix des algorithmes de recommandation ou la possibilité de changer de modérateur sans perdre de followers. Notre objectif est d'organiser cette transition, notamment autour d'une date clé : le 20 janvier. Cette date symbolique marque à la fois l'investiture de Trump et l'entrée de Musk dans un rôle politique encore plus affirmé. »

Le chercheur souligne l'aspect pratique de la démarche : « Nous fournissons des outils pour que les utilisateurs puissent partir avec leur communauté, sans perdre leurs followers ou leurs contenus. »

Interrogé sur l'idéologie et ses rapports aux aspects techniques, Chavalarias positionne HelloQuitteX comme un outil apolitique et transpartisan, centré sur la lutte contre l'exploitation politique des données des utilisateurs par Musk et d'autres. Selon lui, il s'agit d'une question d'éthique et de liberté numériques.

Ce qui est sûr, c'est que la migration vers d'autres plateformes s'accentue: à l'échelle mondiale, la croissance de Bluesky est spectaculaire : de 9 millions de membres en septembre 2024, la plateforme est passée à 14,6 millions début novembre, pour finalement doubler à 30 millions en février 2025.

 

 

 

 

 

 

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Sauver un emblème australien de l'extinction : le grand bilbyhttps://fr.globalvoices.org/?p=292365http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250204_144927_Sauver_un_embleme_australien_de_l_extinction___le_grand_bilbyTue, 04 Feb 2025 13:49:27 +0000Les défenseurs de la nature travaillent pour éviter l'extinction de cette espèce marsupiale

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Haigh's chocolate Easter Bilby

Bilby de Pâques en chocolat de Haigh (chocolat noir) avec une tasse de Bilby sur un banc blanc – Avec l'aimable autorisation de Nicole Kearney Wikimedia Commons CC BY-SA 4.0

[Tous les liens de ce texte renvoient à des pages Web en anglais]

Le bilby de Pâques en chocolat est une approche très australienne pour sensibiliser le public à l’un des animaux les plus menacés du pays. Haigh’s Chocolates, une entreprise familiale australienne de quatrième génération, produit une gamme de produits à base de bilby.

Les bilbys en chocolat sont une alternative locale à Pâques, comme l’explique Australian Geographic :

Peu de marsupiaux australiens sont aussi immédiatement reconnaissables que le bilby, ou plus précisément le grand bilby. Ce sont bien sûr ses oreilles. Mais l’étincelle brillante qui a lancé la campagne visant à remplacer le lapin européen par le charismatique bilby natif comme friandise de Pâques en chocolat de choix en Australie y est peut-être pour quelque chose.

Macrotis lagotis, le grand bilby, est l'une des espèces de mammifères emblématiques d'Australie. Il est menacé d'extinction. La liste rouge des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature le classe comme vulnérable. Il ressemble à une souris mais est plus proche de la taille d'un lapin. Avant la colonisation européenne, les bilbys étaient présents sur 80 % du territoire australien. Ce chiffre a considérablement diminué. Sa population est estimée à seulement 9 000 animaux adultes.

Les lapins sont une espèce invasive en Australie et ont décimé les écosystèmes locaux depuis leur introduction en 1859. Cependant, ils ne sont pas le seul danger sauvage pour les bilbys. Les chats et les renards ont également eu un impact majeur. L'habitat des bilbys a été encore réduit par le défrichage des terres et le pâturage d'animaux tels que les bovins et les moutons.

Feral dangers poster - Charleville Bilby Experience

Une affiche sensibilisant aux dangers qui pèsent sur les bilbies dans la nature – Charleville Bilby Experience. Photo de l'auteur

Le bilby est principalement actif la nuit. Le Charleville Bilby Experience, dans la campagne du Queensland, dispose d'une maison nocturne avec timing programmée pour que les animaux puissent être observés pendant la journée. Il fait partie des projets du Save the Bilby Fund. Il s'agit de l'un des nombreux programmes d'élevage en captivité qui utilisent des zones clôturées et sans prédateurs pour favoriser le nombre de bilbys en les protégeant des prédateurs.

Charleville Bilby Experience

Charleville Bilby Experience – Photo de l'auteur

Le programme Back Roads de l'ABC a visité le centre en 2023 :

Depuis la création du fonds Save The Bilby en 1999 par les regrettés fondateurs Peter McRae et Frank Manthey, connus affectueusement sous le nom de The Bilby Brothers, leur travail a grandement contribué à un plan national de rétablissement visant à sauver les bilbies du bord de l'extinction et à faire de ce programme d'élevage un refuge sûr dans un parc national.

L'organisation Australian Wildlife Conservancy possède six de ces zones. Lа dernière a été créé en 2022 :

En 2022, une nouvelle population de bilbies a été établie au sanctuaire faunique de Newhaven, à l'extérieur d'Alice Springs. Les enquêtes menées par Ecohealth à la fin de l'année dernière ont indiqué que la population s'était adaptée avec succès au nouvel environnement et la première preuve photographique d'un juvénile a été enregistrée sur un piège photographique en novembre.

Au cours des prochaines années, les propriétés de l'AWC protégeront environ 5 000 bilbies.

Une partie de leur travail est expliquée dans cette vidéo :

Le projet Wild Deserts est situé dans l’outback australien, dans le parc national de Sturt, près de Cameron’s Corner, à l’intersection des frontières des États de la Nouvelle-Galles du Sud, de l’Australie du Sud et du Queensland. Il réintroduit de nombreux mammifères localement disparus. L’émission 7:30 de la chaîne ABC TV a fait le point sur leurs efforts :

Ils ont partagé plus de détails dans leur histoire en ligne :

Les bilbies, les bandicoots, les bettongs et les quolls dominaient autrefois ces plaines arides et ils reconquièrent désormais la zone, grâce à une équipe de scientifiques qui tente de s'attaquer au taux d'extinction des mammifères en Australie, qui est le pire au monde.

Le gouvernement australien a mis en place un Plan de rétablissement pour le grand bilby. Il prévoit notamment de travailler avec les gardes forestiers autochtones.

Le National Indigenous Times a rapporté plus tôt cette année :

Un projet aidera les gestionnaires fonciers à lutter contre les chats sauvages sur plus de 3,2 millions d'hectares dans l'ouest du Queensland.

En Australie occidentale, le financement aidera les gardes forestiers de la zone protégée autochtone Warla-Warrarn à détecter les populations de bilbies dans le comté de Martu.

Le deuxième projet est le Kimberley Bilby Project dans la région de Kimberley, le nord-ouest de l'Australie.

Les bilbies ont leur propre fête nationale en septembre. Environs Kimberley, partenaire de ce projet de bilby, était l'un des nombreux à célébrer l'occasion sur Instagram :

Le Happy Vale Wildlife Centre est une fiducie privée du Queensland qui s'occupe également des bilbies :

Save the Bilby Fund a également envoyé ses vœux d'anniversaire :

Les défenseurs de la nature utilisent des outils en ligne pour attirer l’attention sur le sort des espèces menacées. Ana Gracanin, écologiste à l'Université nationale australienne, a créé une diffusion en direct depuis un creux d'arbre où vivent des marsupiaux de la famille des couscous à queue annelée. Ana a expliqué les raisons de la diffusion :

La plupart des Australiens ne savent même pas que l'espèce existe, nous avons donc droit à une exclusivité mondiale sur la vie secrète des grands possums.

L'arbre se trouve dans le parc national de Tallangada. Il n'y a pas beaucoup de mouvements à observer pendant la journée en Nouvelle-Galles du Sud, car les possums sont également nocturnes.

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Qu'est-ce qui empêche l'éradication complète de la polio en Afrique ?https://fr.globalvoices.org/?p=293196http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250204_141428_Qu_est-ce_qui_empeche_l_eradication_complete_de_la_polio_en_Afrique__Tue, 04 Feb 2025 13:14:28 +0000Les défis à relever comprennent notamment l'enclavement des routes, les barrières linguistiques et la désinformation.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une infirmière vaccine un bébé à Accra, au Ghana, en 2020. Cette image relève du domaine public

Écrit par Keletso Thobega, traduit par Emi Lecret

En août 2020, l'Afrique a été déclarée exempte du poliovirus sauvage, une maladie qui paralysait chaque année des milliers d'enfants sur le continent. Il s'agit d'une étape importante dans la lutte contre la polio, ayant débuté dans le cadre de l'initiative mondiale d'éradication de la polio de l'Organisation mondiale de la santé en 1988. Cette initiative a permis de réduire de 99 % le nombre de nouveaux cas de polio dans le monde.

Toutefois, une nouvelle mutation de ce virus, dérivée d'un vaccin, est apparue en Afrique australe, en grande partie en raison de la faible couverture vaccinale au sein des populations locales.

Lors d'un entretien en ligne avec Global Voices, certains experts de la santé œuvrant sur le continent ont mis en évidence plusieurs obstacles à l'éradication complète de la poliomyélite. Ils ont insisté sur le fait que les efforts pour éradiquer la maladie doivent aller au-delà des campagnes de vaccination : il est nécessaire de consolider les systèmes de chaîne d'approvisionnement, afin de garantir que les efforts de sensibilisation et les vaccins contre la polio atteignent même les communautés les plus éloignées et les plus rurales partout en Afrique.

Village Reach, une organisation à but non lucratif dont la mission principale est d'améliorer l'accessibilité des produits et services de santé dans les communautés à faibles revenus et à faibles ressources, a partagé les raisons et la manière dont elle a renforcé ses systèmes de chaîne d'approvisionnement.

Luciana Maxim, directrice de la chaîne d'approvisionnement et du renforcement des systèmes de laboratoire à Village Reach, a expliqué à Global Voices qu'à la fin de l'année 2021, l’Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (IMEP) avait financé la réalisation d'évaluations nationales du système d'orientation et de transport des échantillons de laboratoire pour la poliomyélite dans plusieurs pays d'Afrique. Selon elle, de nombreuses régions d'Afrique (en particulier les zones rurales) disposent d'infrastructures de transport médiocres, ce qui rend difficile l'accès aux communautés.

Par exemple, dans certaines régions, certaines routes ont des nids-de-poule ou ne sont pas goudronnées, ce qui rend l'accès difficile pour les véhicules. Dans ces territoires, les professionnels de santé doivent trouver d'autres moyens de distribuer les vaccins, ce qui peut être chronophage et coûter cher, par exemple en utilisant des vélos ou des hélicoptères.

Les mêmes problèmes logistiques se posent en ce qui concerne la rapidité et la qualité du transport des échantillons de laboratoire, y compris les échantillons humains et environnementaux suspectés de polio. Les professionnels de santé rencontrent ainsi des difficultés à respecter les directives de l'OMS selon lesquelles les échantillons infectés doivent être transportés vers un laboratoire national ou international spécialisé dans la polio dans les trois jours suivant la collecte des échantillons.

Tsedeye Girma, coordinatrice de l'UNICEF pour l'intervention en cas d'épidémie mondiale de polio, a expliqué à Global Voices qu'en fonction du contexte, différents modes de transport étaient utilisés pour acheminer les vaccins contre la polio jusqu'aux centres de santé les plus éloignés. « Nous avons recours à des camions réfrigérés, des motos, des bateaux, des bêtes de somme, mais aussi des déplacements à pied », a-t-elle précisé. Elle a ajouté que dans certains pays, comme le Malawi et le Mozambique, ils ont même utilisé des drones pour livrer les vaccins.  

Tsedeye Girma a expliqué comment les récents cas de polio d'origine vaccinale en Afrique australe ont été rapidement maîtrisés :

Lorsque le poliovirus sauvage a de nouveau été détecté, en particulier au Malawi et au Mozambique au début de l'année 2022, tout le monde s'est mis en mode d'urgence pour contenir ces épidémies. Il était impératif d'envoyer les échantillons aux laboratoires le plus rapidement possible, de sensibiliser les communautés et les professionnels de santé, et de s'assurer que tous les enfants étaient vaccinés contre la polio après la pandémie de COVID19. Nous avons participé à ces efforts et les épidémies de poliovirus sauvage ont été rapidement endiguées la même année, a-t-elle indiqué. 

Luciana Maxim a souligné que 13 des 15 pays dans lesquels ils travaillent depuis lors ont connu des épidémies de poliomyélite d'origine vaccinale. Un poliovirus dérivé d'une souche vaccinale (PVDV) est une souche rare de poliovirus qui évolue à partir du virus vivant affaibli utilisé dans le vaccin antipoliomyélitique oral (VPO). Ce virus vivant est conçu pour stimuler le système immunitaire et renforcer la protection contre la polio. Toutefois, s'il circule suffisamment longtemps dans des populations insuffisamment ou non vaccinées ou s'il se réplique chez un individu atteint d'un déficit immunitaire, il peut muter et retrouver la capacité de provoquer la maladie.

Elle a ajouté :

Nous nous sommes rapidement rendu compte que, pour contribuer à l'éradication des épidémies, nous avions besoin d'une approche intégrée qui garantisse que les échantillons de toutes les maladies susceptibles de se déclarer parviennent aux laboratoires en quelques jours seulement. Nous avons saisi toutes les occasions d'intégrer les ressources, le personnel et les données pour toutes les maladies et toutes les fonctions du système de santé.

Tsedeye Girma a déclaré qu'il était essentiel d'établir une présence décentralisée et des liens avec les communautés. 

Elle a expliqué :

Nous adoptons une approche centrée sur les populations en engageant les communautés locales en tant que partenaires actifs dans la lutte pour l'éradication de la polio. Nous avons recruté et formé des milliers de membres des communautés locales, y compris des chefs traditionnels, des chefs religieux, des survivants de la polio, des groupes de femmes, des jeunes et d'autres personnes influentes au sein des populations, pour qu'ils œuvrent à la sensibilisation et à la mobilisation contre la polio.

Dans la plupart des foyers africains, les femmes sont les soutiens de famille et la majorité des mobilisateurs pour la poliomyélite au sein des communautés sont des femmes. Ceci est essentiel dans les régions où les normes culturelles empêchent les professionnels de la santé masculins d'entrer dans les foyers composés uniquement de femmes.

Cette approche fait toute la différence lorsqu'il s'agit de faire passer le message et s'assurer que les enfants sont vaccinés, a ajouté Tsedeye Girma.

Pour améliorer la portée des campagnes de vaccination, l'UNICEF et d'autres parties prenantes se sont efforcés de rédiger des messages dans de nombreuses langues locales, mais la barrière de la langue persiste dans les campagnes de vaccination contre la polio. Ces messages sont souvent diffusés à l'aide de mégaphones par les annonceurs de la ville et avec des camionnettes mobiles d'annonces publiques qui se déplacent d'une communauté à l'autre.

La désinformation sur les vaccins reste également un obstacle important pour atteindre les enfants. Selon Tsedeye Girma, les mobilisateurs communautaires jouent un rôle clé en répondant aux préoccupations des parents et des soignants concernant les vaccins au cours de leurs visites.

« Nous utilisons également des outils d'écoute sociale pour suivre et stopper les fausses informations sur les vaccins, en ligne et hors ligne. Le programme d'engagement de la communauté numérique de l'UNICEF mobilise plus de 70 000 volontaires en ligne dans le monde pour lutter contre la désinformation et fournir des informations exactes et opportunes sur les vaccins. » Parmi les fausses informations les plus courantes : les affirmations selon lesquelles les vaccins sont douloureux et provoquent des maladies, affaiblissent le système immunitaire, sont conçus pour nuire aux jeunes, ou ne sont pas acceptables d'un point de vue culturel ou religieux.

Dans un message adressé à l'occasion de la Journée mondiale contre la polio 2024, la directrice régionale de l'OMS pour l'Afrique, Matshidiso Moeti, a indiqué que 134 cas de polio de type 2 avaient été détectés dans la seule année 2024 à la date du 5 septembre. Le variant en circulation a été identifié au Burkina Faso, au Cameroun, en République centrafricaine, au Tchad, au Mali, au Niger et au Nigeria.

Alors que les efforts d'éradication de la polio se poursuivent, Luciana Maxim et Tsedeye Girma espèrent que les gouvernements, le secteur privé et les organisations non gouvernementales (ONG) collaboreront pour lutter contre la désinformation sur les vaccins. Elles soulignent également l'importance d'accorder la priorité au financement pour renforcer les systèmes de chaîne d'approvisionnement, afin de garantir un accès équitable aux vaccins et aux services de santé sur l'ensemble du continent.

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Où est Carlos Correa ? Des inconnus emmènent un militant Vénézuélien en plein centre de Caracashttps://fr.globalvoices.org/?p=292941http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250204_135419_Ou_est_Carlos_Correa___Des_inconnus_emmenent_un_militant_Venezuelien_en_plein_centre_de_CaracasTue, 04 Feb 2025 12:54:19 +0000Un éminent militant Vénézuélien des droits humains est porté disparu depuis le 7 janvier.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Carlos Correa, éminent défenseur des droits humains. Image de Espacio Público via Flickr. CC BY-NC-SA 2.0.

Comment pouvons-nous préserver la liberté d’expression au Venezuela ? Grâce au travail inlassable de l’ONG Vénézuélienne Espacio Público et de son directeur, Carlos Correa, nous disposons de deux décennies de données solides pour répondre à cette question. Correa, journaliste et universitaire, a consacré plus de 25 ans à la défense des droits de l’homme au Venezuela et dans les Amériques.

Au moment de la rédaction de cet article, Correa est porté disparu. On ignore où il se trouve depuis environ 17 heures le 7 janvier, heure vénézuélienne. « Il a été intercepté dans le centre de Caracas par des hommes cagoulés qui prétendaient être des fonctionnaires », selon des témoins cités dans un communiqué de presse d’Espacio Público.

En tant que directeur d’Espacio Público, Correa a participé à plus de 30 audiences devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) et d’autres organismes internationaux pour dénoncer les violations des droits fondamentaux au Venezuela. Il a été victime d'harcèlement, de menaces et d’agressions physiques en raison de son travail de plaidoyer tout au long de sa carrière.

« Nous avons passé au peigne fin les lieux que nous connaissons [les centres de détention de Caracas, NDLR] et nous ne l’avons pas trouvé », a déclaré sa femme, Mabel Calderín, qui est également une professeure respectée de l’Université catholique Andrés Bello de Caracas. « J’ai besoin de savoir où il se trouve. Carlos a des problèmes de santé particuliers qui nécessitent un traitement permanent (…) et il n’a commis aucun délit. Il a consacré sa vie à cela : défendre les droits de tout Homme, quelle que soit son idéologie. »

Calderín s’est exprimée devant la presse télévisée vénézuélienne le 8 janvier :

Des ONG locales et internationales, et même le Président colombien Gustavo Petro, ont dénoncé la disparition forcée de Correa :

Comme notre ami Enrique Márquez, éminent progressiste vénézuélien, Carlos Correa, éminent défenseur des droits humains au Venezuela, a été arrêté. Ceci, ainsi que d'autres faits, m'empêchent d'assister personnellement à l'investiture de Nicolás Maduro.

La demande de la Colombie ne… https://t.co/adAA51R8VL

— Gustavo Petro (@petrogustavo) 8 janvier 2025

 

Tout comme notre ami Enrique Márquez, un éminent progressiste vénézuélien, Carlos Correa, un éminent défenseur des droits de l’homme au Venezuela, a été arrêté. Cet événement, et d’autres, m’empêchent d’assister personnellement à l’investiture de Nicolás Maduro.

La demande de la Colombie n’a pas été prise en compte dans le sens d’une transparence maximale lors des dernières élections, alors que cette possibilité a été évoquée dans divers espaces de rencontres politiques auxquels nous avons été invités. En Europe, au Venezuela et aux États-Unis.

Les dernières élections au Venezuela n’ont pas été libres. Il n’y a pas d’élections libres sous blocus. (…)

Les utilisateurs des réseaux sociaux utilisent les hashtags #DóndeEstáCarlosCorrea (Où est Carlos Correa ?) et #LiberenaCarlosCorrea (Libérez Carlos Correa). Jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas donné de nouvelles officielles à ce sujet. Le cas de Correa s'ajoute à plus de 18 détentions politiques avant l'investiture présidentielle du 10 janvier.

Lire la suite: On January 10, all eyes will be on Venezuela (Le 10 janvier, tous les regards seront tournés vers le Venezuela)

Un héros personnel pour les membres de Global Voices

Correa a soutenu les membres vénézuéliens de Global Voices au fil des ans. Luis Carlos Díaz, journaliste et activiste numérique qui a été victime d'une disparition forcée par les forces de sécurité vénézuéliennes en 2019, qualifie Correa de « héros personnel ».

Correa fait partie des militants des droits humains qui ont ardemment plaidé pour la libération de Díaz.

Carlos Correa, un héros personnel, a été arrêté. Il s'agit d'un défenseur des droits de l'homme spécialisé dans la liberté d'expression depuis plus de 20 ans. Il a été directeur de radio, et a coordonné Provea et a ensuite créé Espacio Público.
Carlos est un pilier des droits de l'homme au Venezuela.
Il nous donne de la force. https://t.co/xAPwIPXXdn

— Luis Carlos 🏴‍☠️ One Piece (@LuisCarlos) 8 janvier 2025

Marianne Díaz Hernández est une avocate spécialisée dans les droits numériques. Elle qualifie M. Correa de « référence » pour son travail de 15 ans dans le domaine des droits de l'homme, mais aussi un ami.

Ses conseils lui tiennent à cœur :

Siempre que me dan ganas de tirar la toalla, recuerdo las palabras de Carlos, que siempre me dice: ejercitamos el músculo democrático para que no se atrofie, para el día en que podamos usarlo de nuevo. Y sigo adelante, porque hay que recordar cómo se hace la democracia.

Chaque fois que j'ai envie d'abandonner, je me souviens des paroles de Carlos, qui m'a toujours dit : nous exerçons notre muscle démocratique pour qu'il ne s'atrophie pas, pour que nous puissions l'utiliser à nouveau lorsque nous en aurons besoin. Et je continue, parce que nous devons nous rappeler comment se construit la démocratie.

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Pouvoir, mythe et personnalité : entretien avec l'artiste irano-américaine Shiva Ahmadihttps://fr.globalvoices.org/?p=293133http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250204_133141_Pouvoir__mythe_et_personnalite___entretien_avec_l_artiste_irano-americaine_Shiva_AhmadiTue, 04 Feb 2025 12:31:41 +0000La nature incontrôlable de l'aquarelle « traduit parfaitement l'instabilité qui résonne avec mes expériences et mes thèmes »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Al Khidr, Shiva Ahmadi, Watercolor on Aquaboard, 40 x 60 in, 101.6 x 152.4 cm, 2009. Image courtesy of the artist.

« Al Khidr », Shiva Ahmadi, aquarelle sur aquaboard, 101,6 x 152,4 cm (40 x 60 in), 2009. Image utilisée avec la permission de l'artiste.

L'art de Shiva Ahmadi est une danse entre la tradition et la narration contemporaine, où les couleurs vibrantes et les détails complexes convergent pour raconter des histoires de pouvoir, de résilience et d'identité. Ses œuvres sont imprégnées de symbolisme, puisant dans la richesse poétique des traditions persanes, indiennes et moyen-orientales, tout en abordant les réalités sociopolitiques modernes.

Née à Téhéran, Ahmadi a connu la révolution iranienne et la guerre Iran-Irak, qui ont fortement influencé sa voix artistique. Elle a ensuite obtenu plusieurs diplômes d'études supérieures en beaux-arts aux États-Unis, où elle a également relevé les défis d'une artiste immigrée après le 11 septembre 2001.

Actuellement professeur à l’UC Davis, Ahmadi se consacre à l'épanouissement de la créativité et de la pensée critique chez ses étudiants. Sa récente exposition, « Tangle », qui s'est tenue à la Shoshana Wayne Gallery de Los Angeles, présentait de nouvelles œuvres mettant en valeur des figures féminines immergées dans des paysages fantastiques de terre et d'eau. À travers des couleurs lumineuses et des figures mystiques, Ahmadi entremêle des thèmes tels que « la migration, la guerre et le traitement brutal des personnes marginalisées », invitant les spectateurs à « sonder la surface des récits hérités ».

Shiva Ahmadi at her studio in San Francisco. Photo courtesy of the artist.

Shiva Ahmadi dans son atelier à San Francisco. Photo avec l'autorisation de l'artiste.

Les œuvres d'Ahmadi ont été exposées dans le monde entier, notamment dans des institutions prestigieuses telles que l’Asia Society Museum à New York et le Musée des arts de l'Ontario à Toronto, au Canada. Ses œuvres font partie de collections prestigieuses, notamment celles du Metropolitan Museum of Art et du Museum of Contemporary Art de Los Angeles, ce qui souligne son impact mondial. Ses animations, peintures et installations repoussent constamment les limites de l'expression artistique, offrant de nouvelles perspectives sur les écosystèmes culturels et politiques.

Lors d'un entretien avec Global Voices, Ahmadi a parlé de l'influence des mythes historiques et des expériences personnelles sur son art, des défis posés par le fait d'être une artiste immigrée et de l'évolution du rôle des femmes dans ses récits. Elle a également donné un aperçu de son processus créatif, de sa passion pour l'enseignement et de sa vision de l'avenir de son parcours artistique.

Des extraits de l'entretien suivent :

Lotus, Shiva Ahmadi, Watercolor and ink on Aquaboard, 120 x 60 in, 304.8 x 152.4 cm, 2014. Image courtesy of the artist.

« Lotus », Shiva Ahmadi, aquarelle et encre sur aquaboard, 304,8 x 152,4 cm (120 x 60 in), 2014. Avec l'autorisation de l'artiste.

Omid Memarian (OM) : Vos œuvres intègrent souvent un riche symbolisme et des références à des mythes historiques. Pourriez-vous nous expliquer comment ces éléments influencent vos récits, en particulier dans des séries comme « Throne » et « Apocalyptic Playland » ?

Shiva Ahmadi (SA) : En grandissant en Iran, j'ai été entourée de peintures miniatures persanes qui ornaient les murs autour de moi. Bien que belles, complexes et détaillées, ces images étaient aussi étonnamment graphiques – beaucoup d'entre elles représentaient des scènes de conflit et de combat, ce qui contrastait avec leur fonction d'art décoratif. Des années plus tard, au cours de mes études supérieures, alors que je cherchais un moyen de réfléchir au monde qui m'entourait, j'ai découvert que ces images historiques étaient une source d'inspiration très pertinente.

Pipe, Shiva Ahmadi, Watercolor on Aquaboard, 40 x 60 in, 101.6 x 152.4 cm, 2014. Collection of The Metropolitan Museum of Art. Image courtesy of the artist.

« Pipe », Shiva Ahmadi, aquarelle sur carton, 101,6 x 152,4 cm (40 x 60 in), 2014. Collection du Metropolitan Museum of Art. Avec l'autorisation de l'artiste.

OM : Dans votre série « Réinventer la poétique du mythe », vous examinez des questions telles que le capitalisme et la glorification du pétrole au Moyen-Orient. Comment naviguez-vous à l'intersection de l'art et de la politique ?

SA : Je suis convaincue qu'il est impossible d'être iranien sans être sensible à la politique. En tant qu'immigrante iranienne, ma vie a été profondément marquée par les choix politiques. Un simple regard sur l’histoire révèle l'importance cruciale de la politique pétrolière au Moyen-Orient au fil du temps. Je suis fermement persuadée qu'une grande partie des événements qui ont façonné mon pays au cours de son histoire sont intimement liés à la dynamique pétrolière dans la région et à l'influence du capitalisme.

Against the Pull, Shiva Ahmadi, Watercolor on paper, 15 x 22.5 in, 38.1 x 57.15 cm, 2024. Image courtesy of the artist.

« Against the Pull », Shiva Ahmadi, aquarelle sur papier, 38,1 x 57,15 cm (15 x 22,5 in), 2024. Avec l'autorisation de l'artiste.

OM : Comment votre éducation a-t-elle façonné votre vision artistique, et de quelle manière se manifeste-t-elle dans votre travail ?

SA : Grandir pendant la révolution islamique et la guerre de huit ans entre l'Iran et l'Irak m'a rendu extrêmement conscient de ce qui m'entourait, m'inculquant un profond sentiment d'anxiété et d'instabilité, qui s'est, par la suite, retrouvé au cœur de mon travail. Je crois que l'une des raisons pour lesquelles je suis si attirée par l'aquarelle est sa nature incontrôlable – l'eau coule librement, ce qui exige des efforts et des compétences considérables. Cette qualité traduit parfaitement l'instabilité qui résonne avec mes expériences et mes thèmes.

OM : Comment vos techniques et vos couleurs vibrantes, enracinées dans les traditions persanes, indiennes et moyen-orientales, reflètent-elles votre processus et les écosystèmes culturels qui façonnent vos récits ?

SA : Bien que je n'aie pas reçu de formation formelle de peintre miniaturiste et que je ne crée pas de peintures miniatures persanes, j'ai un immense respect pour cette forme d'art traditionnelle, dont la maîtrise nécessite une formation approfondie. Avec ses nombreuses écoles stylistiques et sa riche histoire, il s'agit d'une tradition artistique profonde. Sur le plan conceptuel, je m'inspire profondément des éléments narratifs de la peinture miniature persane. Les histoires complexes, qui mettent en scène des héros et des méchants uniques, sont captivantes et suscitent la réflexion. Ces peintures invitent à un engagement prolongé, révélant de nouveaux détails à chaque visionnage. Cette qualité m'inspire à utiliser la métaphore et la narration pour réfléchir aux questions contemporaines du monde d'aujourd'hui.

Broken Balance, Shiva Ahmadi, Watercolor on paper, 15 x 22.5 in, 38.1 x 57.15 cm, 2024. Image courtesy of the artist.

« Broken Balance », Shiva Ahmadi, aquarelle sur papier, 38,1 x 57,15 cm (15 x 22,5 in), 2024. Avec l'autorisation de l'artiste.

OM : Comment vos diplômes en beaux-arts ont-ils façonné votre pratique et vos concepts artistiques ?

SA : Mon éducation s'est avérée inestimable, d'autant plus que je n'ai pas obtenu mon BFA (Bachelor of Fine Arts) aux États-Unis et que je n'ai pas été formé à la pensée critique. À l'époque, les écoles d'art en Iran ne mettaient pas l'accent sur le développement conceptuel. Le fait d'avoir suivi des programmes de beaux-arts aux États-Unis et d'avoir participé à des résidences m'a beaucoup aidé à cultiver les compétences nécessaires pour analyser et discuter des œuvres d'art tout en expérimentant de nouvelles idées.


Regardez : « Marooned », de Shiva Ahmadi, vidéo d'animation monocanal avec son (animation faite à la main), édition de 3, collection de l'Académie des beaux-arts de Pennsylvanie, 2021.

OM : Comment enseignez-vous l'art à l'UC Davis, en conciliant sa nature intuitive avec la promotion de la créativité et de la pensée critique chez les étudiants ?

SA : Il est essentiel d'enseigner aux étudiants l'art de véritablement observer. Regarder et voir sont deux actes différents. L'un de mes premiers exercices pour les débutants consiste à placer un sac de pommes sur la table et à leur demander de les dessiner à l'aide de lignes simples. Lorsque nous analysons leurs dessins, je remarque fréquemment que les pommes ont une forme et une taille quasi identiques. Cela résulte du fait que les étudiants se contentent souvent de jeter un coup d'œil rapide aux pommes, mémorisent la première qu'ils voient et la reproduisent sur le papier. Ils dessinent à partir de leur mémoire, plutôt qu'en observant attentivement. Cet exercice illustre l'importance d'une observation réfléchie et consciente, qui nourrit la créativité. Une fois cette compétence acquise, les étudiants peuvent l'appliquer à une diversité de pratiques et d'expériences artistiques.

Cascade, Shiva Ahmadi, Watercolor on paper, 22.5 x 30 in, 57.15 x 76.2 cm, 2024. Image courtesy of the artist.

« Cascade », Shiva Ahmadi, aquarelle sur papier, 57,15 x 76,2 cm (22,5 x 30 in), 2024. Avec l'autorisation de l'artiste.

OM : Qu'est-ce qui vous a poussé à mettre l'accent sur les figures féminines dans votre récente exposition, « Strands of Resilience », et comment incarnent-elles la résilience et la force dans vos récits ?

SA : Avant la pandémie [COVID-19], les personnages principaux de mes peintures n'avaient ni visage ni sexe. C'était intentionnel, car je voulais que mon public se concentre sur les actions et le message de l'œuvre plutôt que sur le genre ou l'identité. Comme tout le monde, je me suis isolée dans mon atelier lorsque la pandémie a frappé. Pour faire face à l'anxiété, j'ai commencé à créer des dessins gestuels. Au fil du temps, je me suis rendu compte que les personnages étaient principalement des femmes. Je crois que mon subconscient était profondément conscient de mon propre corps. Peu à peu, j'ai commencé à placer les femmes au centre de mon travail, ce qui a conduit à la création de la série Strands of Resilience. Quelques années plus tard, avec le soulèvement des femmes iraniennes, je me suis encore plus concentrée sur les questions relatives à l'oppression des femmes, car c'est quelque chose que j'ai personnellement vécu en grandissant sous la République islamique.

Fiery Descent, Shiva Ahmadi, Watercolor and silkscreen print on paper, 41 x 60 in, 104.14 x 152.4 cm, 2023. Image courtesy of the artist.

« Fiery Descent », Shiva Ahmadi, aquarelle et sérigraphie sur papier, 104,14 x 152,4 cm (41 x 60 in), 2023. Avec l'autorisation de l'artiste.

OM : Comment voyez-vous l'évolution de votre parcours artistique ? Y a-t-il de nouveaux thèmes ou de nouveaux supports que vous souhaitez explorer ?

SA : Quel que soit le support, mon travail servira toujours de commentaire sur le monde qui m'entoure. Je travaille actuellement sur une nouvelle animation qui fera partie d'une installation immersive intégrant l'espace, l'éclairage et la musique. L'interaction de l'éclairage et du son amplifiera la narration émotionnelle, créant une expérience puissante et immersive. Ce projet n'en est qu'à ses débuts, et nous verrons comment il évoluera. Dans le monde rapide d'aujourd'hui, où les médias sociaux défilent en permanence, je pense que les installations immersives qui font appel à tous les sens peuvent avoir un impact profond, en entraînant les gens dans l'expérience d'une manière que les médias statiques ne peuvent souvent pas faire.

Flame Proofed, Shiva Ahmadi, Watercolor and silkscreen print on paper, 41 x 60 in, 104.14 x 152.4 cm, 2023. Image courtesy of the artist.

« Flame Proofed », Shiva Ahmadi, aquarelle et sérigraphie sur papier, 104,14 x 152,4 cm (41 x 60 in), 2023. Avec l'autorisation de l'artiste.

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Les mots ont la parole: Épisode #21https://fr.globalvoices.org/?p=293040http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250203_120555_Les_mots_ont_la_parole__Episode__21Mon, 03 Feb 2025 11:05:55 +0000Pincenê en portugais est un terme importé du français

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de pince-nez ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Antique Menswear

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Dépanneur: ce substantif vient du verbe dépanner, et désigne le métier de celle ou celui qui répare les pannes sur les machines, ou véhicules, ce que confirme le dictionnaire Le Robert. Mais au Canada, précisément au Québec francophone, le mot revêt un autre sens: il renvoie à une épicerie de proximité. Ces petites boutiques qui restent ouvertes jusqu'à une heure tardive contrairement aux autres commerces. En quelque sorte, le dépanneur au Québec dépanne les consommateurs quand les autres magasins sont fermés.

Cette vidéo en dit plus sur ce terme québécois:

 

Kuluna: Ce mot est utilisé principalement en RDC. Ayant des origines à la fois portugaise et française, le mot kuluna est issu du terme ‘culuna’ qui est la traduction du mot français ‘colonne’ pour parler des convois militaires ou de transport.

Aujourd'hui, il fait aussi partie du vocabulaire politique sur le continent africain car il désigne dans un autre sens les jeunes bandits et hors-la-loi en République démocratique du Congo (RDC). Le pays l’avait adopté dans les années 1990 pour indexer des jeunes entre 15 et 35 ans impliqués dans des activités de bandes organisées dans la ville de Kinshasa.

Ce rapport lu en anglais parle de ce phénomène de criminalité en RDC:

 

Pince-nez : aussi pincenê en portugais – est un binocle qui se fixe sur le nez. Il a été largement remplacé par les lunettes modernes au cours du vingtième siècle. Le terme a été importé du français en plusieurs langues à l’époque, y compris vers le portugais.

De nos jours, au Brésil, on dit “óculos” pour parler des lunettes. Pourtant, de temps en temps on peut encore entendre ce mot déjà un peu désuet pour faire référence aux lunettes, en général dans la bouche de personnes plus âgées qui ne savent pas forcément qu’il vient du français. Le pince-nez, populaire au dix-neuvième siècle, peut être employé pour évoquer cette période, marquée par la fin de l’empire au Brésil, et du début de la vieille république. Cette exposition d’art contemporain, par exemple, porte le nom de “Pince-nez”, en référence à un personnage d’un livre de l’époque.

Pour tout savoir sur l'évolution du pince-nez, voici une vidéo en anglais:

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org

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Des familles de Hongkongais piégés dans des « fermes d'arnaques » au Myanmar appellent à une intervention diplomatiquehttps://fr.globalvoices.org/?p=293052http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250131_134759_Des_familles_de_Hongkongais_pieges_dans_des_____fermes_d_arnaques_____au_Myanmar_appellent_a_une_intervention_diplomatiqueFri, 31 Jan 2025 12:47:59 +0000Aujourd'hui, 13 Hongkongais sont retenus en captivité au Myanmar.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Disparu le 3 janvier près de la frontière thaïlandaise avec le Myanmar, l'acteur chinois Wang Xing a été retrouvé par les autorités thaïlandaises, dans les jours suivant l'intervention diplomatique de Pékin. Capture d'écran de la chaîne d'information ABS-CBN sur YouTube.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages Web en anglais]

Ce reportage a été réalisé par James Lee et publié dans le Hong Kong Free Press le 12 janvier 2025, et a été actualisé par un reportage supplémentaire les 13 et 16 janvier 2025. La version éditée suivante est publiée dans le cadre d'un accord de partenariat de contenu.

Aux yeux d'un Hongkongais, cela ressemblait à un emploi de rêve – un acheteur transportant des marchandises de la Thaïlande vers le Japon. Rapidement, cela s'est transformé en cauchemar.

En arrivant en Thaïlande l'été dernier pour réceptionner des « produits », ce Hongkongais s'est vu confisquer ses documents d'identité et a été refoulé vers le Myanmar, au-delà de la frontière.

Des jours plus tard, un proche de la victime, sous le pseudonyme de Kelvin, recevait un appel. En mandarin, la voix à l'autre bout du fil exigeait une rançon de 500 000 dollars américains pour la libération de son proche de la « ferme de l'arnaque » au sein de laquelle ce dernier était contraint de travailler, ne pouvant que rarement parler à sa famille.

« Nous n'avons pas cette somme », a déclaré Kelvin à la presse le 8 janvier, avant de déposer une demande d'aide auprès du consulat thaïlandais à Hong Kong.

Cette situation n'est pas inhabituelle.

La disparition de l'acteur chinois Wang Xing, rapidement retrouvé [th] par les autorités thaïlandaises et chinoises une semaine après sa disparition, a suscité une lueur d'espoir, a déclaré Andy Yu, ancien conseiller de district du parti civique, aujourd'hui dissous, au sein duquel six familles ont été épaulées dans le cadre d'affaires de traite d'êtres humains.

Le 3 janvier, Wang Xing a été porté disparu le long de la frontière thaïlandaise avec le Myanmar, sa petite amie avait signalé sa disparition sur Weibo le 5 janvier. Après des échanges entre les autorités thaïlandaises et chinoises, l'acteur chinois a été retrouvé le 7 janvier, et est retourné en Chine le 10 janvier.

Kelvin souhaite que les autorités prennent également des mesures pour venir en aide à son proche :

I urge the Hong Kong government to more actively engage with mainland authorities, as diplomatic affairs fall under the purview of the central government. [Wang’s] rescue only took a few days from the time his case was reported. I can’t say that it was because he was well known and attracted a lot of attention, but my family member is an ordinary citizen that no one would take notice of. I hope the Thai government will help my family member and rescue them as soon as possible.

J'invite le gouvernement d'Hong Kong à coopérer plus activement avec les autorités continentales, étant donné que les affaires diplomatiques relèvent de la compétence du gouvernement central. Le sauvetage de Wang Xing a pris seulement quelques jours à partir du moment où son affaire a été signalée.  Je ne peux pas affirmer que c'est parce qu'il était célèbre et avait attiré beaucoup d'attention, tandis que le membre de ma famille est un citoyen ordinaire sur lequel personne ne se penche. Je souhaite que le gouvernement thaïlandais apporte son aide aux membres de ma famille et les sauve le plus rapidement possible.

Hausse de la traite d'êtres humains

Le nombre de Hongkongais victimes de la traite des êtres humains vers le Myanmar a augmenté ces derniers mois, après une vague de cas signalés en 2022.

À l'instar d'autres formes de criminalité transnationale, la traite d’êtres humains s'est intensifiée depuis que l'armée du Myanmar a chassé l'administration, démocratiquement élue, d'Aung San Suu Kyi en 2021, déclenchant une guerre civile avec des milices ethniques armées.

Pour en savoir plus : Coup d'État au Myanmar en 2021

Depuis, le pays s'est hissé au premier rang mondial des foyers de criminalité transnationale, selon l'indice mondial de la criminalité organisée (Global Organized Crime Index).

Wendy, dont un proche est également détenu au Myanmar, partage les mêmes frustrations que Kelvin :

As ordinary citizens, we have experienced almost half a year without being able to save [our family members], and we are really helpless. It’s good that some people have been rescued, but as family members, the more we see such successful cases, the more helpless we feel.

En tant que citoyens ordinaires, nous avons passé près de six mois sans pouvoir sauver les membres de notre famille, et nous nous sentons vraiment impuissants. C'est une bonne chose que certaines personnes aient été sauvées, mais pour nous, les proches, plus nous observons ces succès, plus nous nous sentons désemparés.

Syndicats d'escrocs

Plusieurs victimes ont été recrutées par le biais d'emplois ponctuels servant de couverture à la traite d’êtres humains, a déclaré l'ancien conseiller municipal Andy Yu à la presse le 8 janvier.

Les victimes acceptaient généralement ces emplois via les médias sociaux ou les plates-formes de messagerie, y compris Telegram. Certaines ont été recommandées par des amis, a déclaré Andy Yu à la HKFP, sans savoir si ces amis étaient conscients de favoriser la traite d’êtres humains.

Les trafiquants adoptent de nouvelles tactiques, dit-il, en expliquant aux personnes ciblées qu'elles travailleront à Taïwan ou au Japon – deux destinations de vacances populaires pour les Hongkongais – dans l'espoir qu'elles relâchent leur vigilance.

S, un proche de la famille de Wendy, se trouve au Myanmar depuis plus de quatre mois. Sous un pseudonyme, de peur que S ne soit identifié, Wendy a déclaré qu'elle avait pu localiser un signal téléphonique vers la Thaïlande, puis vers le Myanmar, après que S soit parvenu à appeler chez lui.

« Je pouvais entendre la peur dans leur voix », a déclaré Wendy, elle-même sous couvert d'un pseudonyme, lors d'un entretien téléphonique avec le HKFP.

S a été contraint de travailler pendant plus de quatre mois dans l'une des fameuses « fermes d’arnaque » du Myanmar, située à la frontière méridionale du pays. Des victimes de plusieurs nationalités sont forcées d'organiser des escroqueries à la romance en ligne et risquent des châtiments physiques lorsqu'elles ne parviennent pas à atteindre les objectifs de leurs ravisseurs.

Grâce aux enregistrements de messages trouvés sur un ordinateur appartenant à S, Wendy a découvert que ce dernier avait envoyé des SMS à un numéro de Hong Kong à propos d'un voyage de travail en Thaïlande en tant que représentant des achats, avant de partir en avion. S était censé récupérer un colis en Thaïlande, puis se rendre au Japon.

Rançons ou circuits diplomatiques ?

S et un parent de Kelvin figurent parmi les 12 Hongkongais au moins retenus en captivité au Myanmar, à la fin de l'année 2024.

Au total, 28 cas ont été signalés aux autorités de Hong Kong depuis la mi-2024, et 16 d'entre eux sont rentrés à Hong Kong, selon le Bureau de la sécurité. Le mois dernier, Chris Tang, responsable de la sécurité, a déclaré aux législateurs que les autorités fourniraient « une assistance totale » pour rapatrier les victimes, sans toutefois donner de détails sur les moyens mis en œuvre.

En 2022, 46 habitants de Hong Kong ont sollicité l'aide du gouvernement après avoir été victimes de la traite d'êtres humains vers l'Asie du Sud-Est et mis au travail. En novembre, toutes ces personnes, sauf trois, étaient revenues à Hong Kong, selon le Bureau de la sécurité.

Ces chiffres n'inspirent pas confiance, selon Wendy, car les autorités de Hong Kong n'ont pas spécifié si les personnes rapatriées ont obtenu leur liberté par la voie diplomatique ou par le paiement des rançons qui leur sont souvent demandées.

Après la découverte de S envoyant des SMS à leur groupe WhatsApp familial, Wendy a indiqué que leurs ravisseurs avaient exigé une rançon de 500 000 dollars américains pour leur libération, soit la même somme que celle demandée à Kelvin. Cependant, il n'était pas question de payer l'équivalent de 4 millions de dollars hongkongais, sa famille n'ayant aucun moyen de réunir ces fonds. Elle a ajouté :

Even if we could, there’s no guarantee that the traffickers would hand S over.

Et même si nous le pouvions, il n'y a aucune garantie pour que les trafiquants nous rendent S.

S et les membres de la famille de Kelvin se trouveraient dans plusieurs complexes installés le long de la frontière sud du Myanmar, notamment le projet KK Park, la zone Dongmei ou le projet de ville nouvelle de Shwe Kokko.

Le « corps des gardes-frontières Karen » (Karen Border Guard Force), aujourd'hui rebaptisé « Armée Nationale Karen » (Karen National Army, KNA) dans le but apparent de se démarquer des forces du coup d'État avec lesquelles il était auparavant allié, est associé à ces trois zones. Selon un document publié par un groupe d'activistes, « Justice for Myanmar », des « fermes d'escroquerie » gérées par l'ANK ont été reliées à des syndicats criminels chinois.

L'année dernière, les documents relatifs aux entreprises du Myanmar divulgués par un site d'alerte sans but lucratif, « Distributed Denial of Secrets » (Déni distribué de secrets), ont également révélé l'implication d'entreprises enregistrées à Hong Kong dans ces projets.

Tirer les ficelles

Pékin a sévi contre les syndicats du crime l'année dernière, obligeant les « centres d'escroquerie » du nord du Myanmar à lui remettre des ressortissants chinois, victimes pour la plupart de trafics d'êtres humains. En avril, quelque 45 000 personnes avaient été rapatriées, selon l'Institut américain de la paix (United States Institute of Peace).

Pourtant, Wendy n'a reçu aucune information concrète depuis qu'elle a porté le cas de S à la connaissance de la police et du département de l'immigration, lesquels ont contacté Interpol, ainsi que les autorités thaïlandaises et du Myanmar. Les questions diplomatiques de Hong Kong sont traitées par les autorités de la Chine continentale.

En définitive, Pékin pourrait exploiter ses intérêts économiques au Myanmar et ses relations avec le gouvernement du coup d'État et les milices armées ethniques, a déclaré Debby Chan, maître de conférences à l’École des politiques publiques Crawford (Crawford School of Public Policy) de l'université nationale australienne (Australian National University). Debby Chan s'est adressée à HKFP par courrier électronique :

The mass deportation operations of Chinese scammers from Myanmar to China showcased Beijing’s influence on the military-affiliated ethnic armed groups. Beijing could pull its strings to achieve its strategic goals even in a volatile political environment in Myanmar.

Les opérations d'expulsion massive d'escrocs chinois du Myanmar vers la Chine ont mis en évidence l'influence de Pékin sur les groupes armés ethniques affiliés à l'armée. Pékin a pu tirer les ficelles pour réaliser ses objectifs stratégiques, en dépit de l'instabilité de l'environnement politique au Myanmar.

En réponse à la pétition, le Bureau de sécurité de Hong Kong (Hong Kong Security Bureau) a dépêché une équipe spéciale en Thaïlande :

In view of recent developments, SB officials will lead members of the dedicated task force from the Hong Kong Police Force and the Immigration Department to Thailand today (January 12) to further follow-up on the request for assistance cases.

Compte tenu de l'évolution récente de la situation, les fonctionnaires du Bureau de sécurité (SB) conduiront aujourd'hui (12 janvier) en Thaïlande des membres de la cellule spéciale des forces de police de Hong Kong, et du département de l'immigration afin de poursuivre le suivi des dossiers de demande d'assistance.

L’équipe spéciale a ainsi rencontré des fonctionnaires de l'ambassade de Chine en Thaïlande, des représentants du ministère thaïlandais de la justice siégeant au sein d'un comité de lutte contre la traite d’êtres humains, ainsi que d'autres autorités thaïlandaises.

Enfin, le 14 janvier, l'une des victimes de la traite, en détention depuis près de quatre mois, a été libérée après que sa famille a versé une rançon au groupe criminel.

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Le Népal compte-t-il véritablement beaucoup de tigres ?https://fr.globalvoices.org/?p=293054http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250130_122841_Le_Nepal_compte-t-il_veritablement_beaucoup_de_tigres__Thu, 30 Jan 2025 11:28:41 +0000La réponse est non. Nous devons améliorer le suivi des espèces sauvages

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Bengal Tiger, Nepal. Image via Flickr by Mathew Knott. CC BY-NC-SA 2.0.

Tigre du Bengale, Népal. Photographie de Mathew Knott sur Flickr. CC BY-NC-SA 2.0.

Cet article rédigé par Sudiksha Tuladhar a été initialement publié dans le Nepali Times, et une version abrégée et éditée a été republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages Web en anglais.]

En 2010, lors du sommet mondial du tigre à Saint-Pétersbourg, une douzaine de pays abritant des tigres se sont engagés à doubler la population de leurs grands félins sur une période de 12 ans.

Le Népal est le premier pays à avoir non seulement atteint son objectif, mais aussi quasiment triplé le nombre de tigres, passant de 121 en 2010 à 355 en 2022. Cependant, certaines personnes au Népal, notamment le Premier ministre KP Oli, estiment aujourd'hui que le Népal a connu une trop grande réussite et estime que le nombre de tigres sauvages doit être revu à la baisse.

Ce même premier ministre qui, l'année dernière, avait exhorté la population à œuvrer à la protection des tigres, les qualifiant de « fierté du Népal », a déclaré le mois dernier, dans un langage lapidaire, que le nombre de tigres était désormais aussi important que celui des chiens et que leur reproduction ne pouvait se faire au détriment de vies humaines.

« La population des tigres devrait être en adéquation avec la superficie de nos forêts. Et pourquoi pas offrir les tigres en surplus à d'autres pays au titre de la diplomatie économique ? », a ajouté le Premier ministre KP Oli, lors d'un compte rendu de la COP-29, le mois dernier.

Les conflits entre humains et animaux sauvages ont effectivement fait des victimes lorsque les tigres se hasardent hors des parcs surpeuplés à la recherche d'une proie. La proposition du Premier ministre de promouvoir la diplomatie de la faune sauvage pourrait donc ne pas être une si mauvaise idée, dans la mesure où elle permettrait de renforcer le rayonnement international du Népal et de mettre en lumière les succès du pays en matière de protection de la nature.

« Les tigres pourraient être transférés vers d'autres pays dans le cadre de la diplomatie, sous réserve que les pays d'accueil disposent des capacités et de l'environnement nécessaires », explique Ghana Gurung, membre du Fonds mondial pour la nature (WWF Népal), précisant que les tigres, qui seront confiés à d'autres pays, devront être soigneusement choisis.

« Le Premier ministre s'est exprimé avec beaucoup d'émotion, probablement après s'être entretenu avec les groupes concernés », a ajouté Ghana Gurung. « Nous avons triplé la population de tigres, mais si les mesures appropriées de gestion et de coopération ne sont pas appliquées, nous pouvons les perdre tout aussi facilement ».

Cependant, les pays membres de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) devront respecter des protocoles et des formalités administratives stricts pour transporter les tigres. Le Népal a une certaine expérience en la matière, puisqu'il a déjà acheminé des rhinocéros vers la Chine en deux fois, réussissant à s'affranchir des procédures compliquées.

Sushila Mahatara, naturaliste au parc national de Bardia, ne partage pas l'avis selon lequel le Népal abrite trop de tigres. Elle nous confie : « Le nombre de tigres n'est pas excessif par rapport aux zones qui leur sont allouées. S'il y a trop de tigres, ils se bagarrent et s'entretuent afin de réguler leur nombre ».

Tiger running in River. Image via Wikimedia Commons by Gurung pratap. CC BY-SA 4.0.

Un tigre court dans une rivière. Photographie de Gurung pratap via Wikimedia Commons. CC BY-SA 4.0.

Le parc national de Bardia héberge 125 tigres adultes et le parc national de Chitwan en compte 128. On dénombre environ 12 victimes en lien avec des attaques de tigres, survenues au cours de l'année écoulée, et certains des tigres à crinière sont neutralisés et mis en cage. Cependant, beaucoup d'entre eux succombent rapidement dans cet espace confiné.

Dhan Bahadur Tamang, spécialiste de la conservation des tigres et fort de plus de 50 ans d'expérience, explique exactement pourquoi les tigres s'aventurent ainsi : « Les tigres entrant dans les zones d'habitation sont habituellement de jeunes tigres séparés de leur mère. Certains sont blessés et ne peuvent plus s'attaquer à leurs proies traditionnelles ».

Parmi les autres raisons, on peut citer l'empiètement des zones d'habitation et des projets d'infrastructure à proximité immédiate ou à l'intérieur des zones protégées, dépourvus d’aspects favorables à la vie sauvage, tels que les viaducs. La pénurie d'eau, aggravée par la crise climatique, vient s'ajouter au défi.

Alors qu'au Népal, 3 000 personnes en moyenne sont tuées chaque année par des serpents venimeux, les victimes des tigres retiennent beaucoup plus l'attention des médias. De ce fait, les tigres sont davantage perçus comme une menace plutôt que comme une espèce de premier plan au sein d'un écosystème.

La commercialisation est l'autre menace qui pèse sur les tigres. En 2023, le ministre des forêts et de l'environnement de l'époque, Birendra Mahato, du Janata Samajwadi Party (JSP), a suggéré de vendre des tigres aux enchères à des chasseurs de trophées au motif que le Népal comptait « trop de tigres ». Il a estimé que le pays pourrait engranger 25 millions de dollars américains grâce aux licences de chasse au tigre, somme qui permettrait de couvrir le coût de l'entretien des parcs nationaux.

Sa déclaration a suscité l'indignation générale et les moqueries des défenseurs de l'environnement et des écologistes, tout comme celle du Premier ministre KP Oli le mois dernier.

Les tigres constituent également une source importante de revenus pour les parcs nationaux et une attraction pour les touristes. « La présence des tigres dans la jungle témoigne de la présence d'un environnement équilibré », explique Mahatara à Bardia. « Toute perte de biodiversité dans les parcs pourrait entraîner une diminution de l'afflux de touristes ».

L'éco-tourisme et les safaris de tigres sont une source importante de revenus pour les familles d'accueil et les communautés locales de Chitwan et de Bardia dont la survie dépend des touristes de la faune et de la flore.

Ghana Gurung, du WWF, explique : « Les touristes visitent les parcs nationaux dans l'espoir d'observer des tigres. Actuellement, leur nombre est de 355, et si les touristes ne peuvent apercevoir un seul tigre au cours de leur safari, comment pourront-ils en observer un si le nombre de ces animaux se réduit ? ».

Les écologistes soutiennent qu'une meilleure gestion de la faune sauvage est essentielle et implique une combinaison d'approches, y compris celle de la diplomatie envers les tigres. Toutefois, la plupart des conflits entre les humains et la faune sauvage survient quand les populations locales se rendent dans la forêt pour collecter du bois de chauffage ou du fourrage ; elles devraient donc être conscientes des mesures de sécurité à prendre.

« Nous avons constamment travaillé par le biais de campagnes de développement des compétences et de changement de comportement visant à aider les populations locales à vivre et à maintenir leurs moyens de subsistance dans la zone tampon et les zones protégées », ajoute M. Gurung. « C’est l'un de nos principaux objectifs : améliorer le niveau de vie des habitants afin qu'ils puissent coexister avec la faune et la flore de la région ».

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Népal : intégrer les populations autochtones et les communautés locales (IPLC) dans les efforts de conservation du payshttps://fr.globalvoices.org/?p=293135http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250130_121512_Nepal___integrer_les_populations_autochtones_et_les_communautes_locales__IPLC__dans_les_efforts_de_conservation_du_paysThu, 30 Jan 2025 11:15:12 +0000Les populations autochtones du Népal sont souvent présentées comme « anti-développement » et leur voix est moins entendue.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Chepang community from Hekrang, Dhading District, Nepal. Photo by Author.

Membres de la communauté Chepang de Hekrang, district de Dhading, au Népal. Photo de l'auteur. Utilisée avec permission.

Selon le recensement 2021 de l'Office national des statistiques du Népal, les populations autochtones représentent 36 % de la population totale. Le gouvernement reconnaît 59 communautés comme autochtones en vertu de la loi de 2002 sur la Fondation nationale pour le développement des nationalités autochtones (NFDIN). En outre, deux groupes autochtones ont été ajoutés en 1998 par l'ordonnance du Rastriya Janajati Bikas Samiti (Gathan Adesh) 2054.

Alors que les autorités cherchent à réviser la stratégie et le plan d'action nationaux pour la biodiversité (NBSAP), qui fournissent un cadre stratégique pour la conservation de la biodiversité du Népal, elles organisent des conversations, des consultations et des sessions de partage de retour d'information. Les défenseurs de la biodiversité estiment qu'il s'agit d'un moment opportun pour garantir l'inclusion, la reconnaissance et la participation des peuples autochtones et des communautés locales (IPLC ou Indigenous Peoples and local communities) du Népal, qui sont souvent exclus des discussions et des processus décisionnels importants.

Gardiens de la biodiversité

Les peuples autochtones ont toujours vécu en étroite relation avec la terre, y compris les forêts, les collines, les zones humides, les îles intérieures, les déserts et les régions enneigées. Ils sont les gardiens et les protecteurs de la biodiversité.

Selon le rapport 2019 de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), les peuples autochtones, qui représentent 6,2 % de la population mondiale, contribuent à la sauvegarde de 80 % de la biodiversité mondiale.

Depuis des millénaires, les peuples autochtones et les communautés locales entretiennent une relation profonde avec la nature. Leurs terres, territoires et eaux abritent la biodiversité restante la plus critique, fournissant des services essentiels à l'humanité. Les peuples autochtones et les communautés locales pratiquent également des croyances et des traditions spirituelles qui contribuent à la régénération et à la restauration.

Des études indiquent que la garantie des droits des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources profite non seulement à leurs communautés, mais aussi à l'environnement dans son ensemble et aux efforts déployés au niveau mondial pour lutter contre le changement climatique. Parmi les pratiques autochtones, citons la culture itinérante, l’Ubholi et l’Udhouli (pratiques de migration saisonnière) et les systèmes de culture en rotation. Ces pratiques jouent un rôle dans la conservation, la restauration et la régénération de la biodiversité.

Le Népal sert de modèle pour la conservation menée par les communautés grâce à ses groupes d'utilisateurs des forêts communautaires (Community Forest User Groups – CFUG), qui permettent aux communautés de décider activement des plans de conservation de leurs zones forestières. Avec plus de 23 026 groupes participant activement, ils contribuent de manière significative à la restauration des forêts, à la lutte contre les incendies et à la gestion de la biodiversité.

Les IPLC du Népal ont demandé aux fonctionnaires de réviser le NBSAP afin d’intégrer les questions autochtones dans les objectifs et les indicateurs nationaux. Ils demandent que cette révision reconnaisse et intègre leurs connaissances et leurs droits traditionnels, tout en reconnaissant les peuples autochtones comme des détenteurs de droits et non comme de simples parties prenantes.

A women takes goats to jungle for grazing in Jimling, Korak, Rapti Municipality -11, Chitwan district of Nepal. Photo by Author.

Une femme emmène des chèvres paître dans la jungle à Jimling, Korak, Rapti Municipality -11, district de Chitwan au Népal. Photo de l'auteur. Utilisée avec permission.

Défis et contraintes actuels

On estime que 65 % des terres ancestrales des peuples autochtones sont aujourd'hui occupées par des zones protégées, telles que des parcs nationaux et des réserves de faune et de flore, qui ont contraint les communautés autochtones à quitter leurs terres. Au Népal, les lois, les réglementations et les politiques sont de plus en plus favorables aux entreprises plutôt qu'aux populations autochtones.

Pour en savoir plus : « Do national parks and wildlife conservation regulations in Nepal benefit Indigenous people ? » (Les parcs nationaux et les réglementations relatives à la conservation de la faune et de la flore au Népal profitent-ils aux populations autochtones ?)

Par exemple, l'approbation de la politique sur la « construction d'infrastructures physiques à l'intérieur des zones protégées » en janvier 2024 permet aux promoteurs de projets hydroélectriques de construire des projets entièrement à l'intérieur des zones protégées, de libérer un minimum d'eau pendant la saison sèche et d'acquérir des terres plus facilement. Les politiques forestières du gouvernement et la loi sur les parcs nationaux ne soutiennent souvent pas les peuples autochtones, limitant parfois leur accès à des ressources essentielles.

En outre, les récits entourant le développement ont évolué, les peuples autochtones étant présentés comme « anti-développement », ce qui marginalise encore davantage leur voix et ne tient pas compte de leur point de vue sur la croissance durable.

Les problèmes rencontrés par les peuples autochtones sont encore exacerbés par des politiques contradictoires entre les trois niveaux de gouvernement au Népal. Par exemple, le gouvernement fédéral conserve l'autorité exclusive sur les parcs nationaux et les réserves naturelles, tandis que la gestion des forêts nationales relève de la compétence des provinces. Cette division peut entraîner des conflits lorsque les gouvernements locaux tentent de mettre en œuvre des mesures de conservation qui contredisent les politiques fédérales, en particulier lorsque les priorités locales diffèrent des objectifs nationaux.

Lors d'un entretien avec le président de la Nepal Indigenous Disabled Association (NIDA), Khadka Saru Magar a déclaré : « Les autochtones handicapés ne sont ni engagés ni impliqués dans la prise de décision. Leur représentation est purement symbolique et leur participation se limite à un engagement superficiel ».

Image by the author.

Image de l'auteur. Utilisée avec permission

Les IPLC veulent avoir davantage voix au chapitre dans les révisions du NBSAP

Les communautés autochtones et locales veulent que les prochaines révisions du plan d'action national pour la biodiversité adhèrent aux principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), à la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) et aux autres traités et cadres ratifiés par le Népal. Garantir leurs droits fonciers et reconnaître leur gestion historique et continue des écosystèmes est l'un des moyens les plus efficaces de protéger la biodiversité. Les pratiques coutumières jouent un rôle crucial dans la réduction de la déforestation et contribuent à la conservation et à la protection de la biodiversité.

Les activistes affirment qu'une communication inclusive et adaptée est essentielle pour partager les activités et les plans d'action du NBSAP avec les peuples autochtones, en particulier ceux qui se trouvent à proximité des parcs nationaux et des zones protégées.

L'avocat autochtone Shankar Limbu, vice-président de l’Association pour les droits de l'homme des peuples autochtones népalais (LAHURNIP), a insisté sur l'alignement du NBSAP sur les normes internationales telles que la DNUDPA, la Convention 169 de l'OIT et le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (KMGBF). Il a également recommandé de le synchroniser avec les dispositions constitutionnelles du Népal, notamment l'article 51(j)(8) et les cadres politiques tels que le 16e plan quinquennal (2024-2029), qui promeuvent l'inclusion et la participation des communautés autochtones et locales dans le développement.

Les militants ajoutent que le CLIP (consentement préalable, libre et éclairé) doit être obligatoire pour protéger les droits des autochtones à posséder, utiliser et contrôler leurs terres, territoires et ressources ancestraux. Il doit également protéger leurs droits à définir les priorités de développement, à pratiquer l'autogestion, à préserver et à transmettre leur culture et à exercer leur autodétermination.

Le partage équitable des avantages tirés des ressources – monétaires, non monétaires et technologiques – est également essentiel pour garantir que les peuples autochtones et les communautés locales tirent des avantages équitables de l'utilisation de leurs connaissances et ressources traditionnelles.

Photo by Author: Screenshot of Local Government Forest Act of Barpak Sulikot Rural Municipality

Photo de l'auteur : Capture d'écran de la loi sur les forêts du gouvernement local de la municipalité rurale de Barpak Sulikot

Les défenseurs espèrent également que les révisions du NBSAP intégreront les lois forestières des gouvernements locaux, telles que celles de la municipalité rurale de Barpark Sulikot et de la municipalité de Sundarbazar, afin d'aborder les questions et les préoccupations des peuples autochtones. L'article 49 garantit le droit de protéger et de promouvoir les pratiques traditionnelles liées à la forêt, tandis que l'article 50 met l'accent sur la sauvegarde des connaissances traditionnelles liées aux forêts. Ces dispositions garantissent les droits des peuples autochtones, des communautés locales, des Dalits et des femmes dans la gestion des ressources forestières au sein des juridictions municipales.

Les activistes espèrent que le NBSAP révisé donnera plus de pouvoir aux peuples autochtones au niveau local, qu'il impliquera activement les différentes parties prenantes et qu'il inclura des dispositions pour l’accès direct au financement pour les communautés autochtones.

Le NBSAP devrait intégrer un mécanisme de sauvegarde avec des principes clairs, des indicateurs et un système de recours pour protéger les droits de l'homme, en particulier ceux des femmes, des enfants et des autres groupes vulnérables dans le secteur de la biodiversité. Ce mécanisme doit garantir la justice et la responsabilité pour les violations commises à l'encontre des défenseurs de l'environnement et des autochtones, en accordant une attention particulière à ceux qui sont confrontés à la violence et aux représailles. En outre, le plan d'action national pour la biodiversité devrait intégrer des initiatives de conservation menées au niveau local et alignées sur les contextes socioculturels, en évitant les approches imposées d'en haut.

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Les populations civiles dans l’est de la RDC victimes d'un regain de tension entre gouvernement et rebelleshttps://fr.globalvoices.org/?p=293270http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250129_125809_Les_populations_civiles_dans_l___est_de_la_RDC_victimes_d_un_regain_de_tension_entre_gouvernement_et_rebellesWed, 29 Jan 2025 11:58:09 +0000Début d'une guerre ouverte entre la RDC et le Rwanda

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des civiles congolais en train de fuir les violences dans la ville de Goma ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Radio France Internationale (RFI)

Le conflit opposant les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) dans l’est de la République démocratique du Congo a franchi un nouveau cap dans la nuit du 26 au 27 janvier 2025. Les rebelles ont pris, à cette date, le contrôle de la ville de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, mettant en grave danger la vie des populations civiles.

Lire : Qui sont les rebelles du Mouvement du 23 mars à l'Est de la RDC?

Depuis le retour en force des rebelles du M23 en mars 2022, plusieurs offensives ont été menées dans cette région du pays. La prise de la ville de Goma marque un nouveau chapitre dans ce conflit qui n'est pas qu'interne, puisque le M23 est soutenu, selon de nombreuses sources, par les soldats du Rwanda voisin. Kigali rejette toute accusation a ce sujet.

Les autorités de la RDC s’indignent de ce mépris du Rwanda à leur égard et dénoncent une provocation ouverte. A la tribune des Nations Unies ce 26 janvier 2025, Therese Kayikwamba Wagner, ministre congolaise des Affaires étrangères, citée par VOA Africa, déclare :

C'est une agression frontale, une déclaration de guerre qui ne se cache plus derrière des artifices diplomatiques. Plus de trois millions de civils ainsi que des humanitaires sont pris en otage par les agresseurs, utilisés comme des boucliers dans une stratégie cynique de terreur et de chaos. Il est impératif que les combats cessent immédiatement. Chaque heure qui passe rapproche notre région d'une tragédie d'une ampleur insoutenable.

De l'autre côté, Kigali accuse la RDC de soutenir des rebelles rwandais engagés à renverser le pouvoir de Paul Kagamé président du Rwanda. Dans une déclaration citée par BBC Afrique, Stephanie Nyombayire, porte-parole de Kagamé déclare:

Tant d'énergie pour désigner le M23 comme soutenu par le Rwanda et un silence assourdissant sur les génocidaires Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et les mercenaires occidentaux qui dirigent les FARDC [armée de la RDC], sans parler de la SAMIDRC [Mission de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) en RDC] et des forces burundaises.

Des appels à un arrêt des hostilités

Le retour de la violence à une telle échelle dans l’Est de la RDC inquiète la communauté internationale qui multiplie les condamnations et appels à un retrait des troupes rwandaises et à un cessez-le-feu immédiat.

Le 26 janvier 2025, durant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur le conflit, Dorothy Shea, ambassadrice par intérim des États-Unis auprès des Nations-Unies déclare :

Nous condamnons dans les termes les plus forts les hostilités du Rwanda et du M23 à Goma et les attaques contre Sake. Nous appelons d'urgence à un cessez-le-feu.

…Les États-Unis envisageront tous les outils à leur disposition pour que les responsables de la poursuite du conflit armé, de l'instabilité et de l'insécurité en RDC, rendent des comptes.

Dans sa détermination à aider les deux pays à trouver une solution, Wiliam Ruto, président du Kenya condamne et appelle à un cessez-le-feu sur son compte X:

La détérioration croissante de la situation de paix et de sécurité en RDC est très préoccupante. La crise humanitaire est exacerbée par les opérations militaires en cours, notamment la fermeture de l’espace aérien à Goma.   J’appelle à la cessation immédiate et inconditionnelle des hostilités, je souligne l’obligation de toutes les parties de faciliter l’accès humanitaire aux populations touchées et j’exhorte les deux parties à rechercher des moyens pacifiques  pour résoudre ce conflit tragique.  pic.twitter.com/yFS5badWAL  — William Samoei Ruto, PhD (@WilliamsRuto) January 26, 2025

Le président kenyan a également convié ses homologues à une réunion d'urgence le 29 janvier. Les présidents congolais et rwandais ont confirmé leur participation. Wiliam Ruto dit :

J'ai discuté de tenir la réunion mercredi avec à la fois le président Paul Kagamé et le président Félix Tshisekedi, et les deux ont confirmé leur participation.

Therese Kayikwamba Wagner pointe directement la responsabilité du conseil de sécurité de l'ONU dans ce conflit. Elle estime au nom du gouvernement congolais que l'ampleur du conflit est due en partie à la passivité de l'ONU. Dans une publication sur son compte X, elle dit:

Lire : Crises humanitaires en RDC et au Soudan : plus de 14 millions de déplacés et risque de famine

Les principales victimes sont les populations civiles

Depuis le 26 janvier, un vent de panique règne dans la région du Nord-Kivu, et dans la ville de Goma. Contacté par Global Voices, Fabien Mat [nom d'emprunt], journaliste basé à Goma témoigne:

Selon les informations dont nous disposons, les gens sont restés en ville car le nord et l'ouest de la ville sont très dangereux. Il y a le M23 et les FARDC ainsi que les patriotes qui se battent. À l'est se trouve le Rwanda et au sud se trouve le lac Kivu. Les habitants sont donc restés chez eux. Cela est également lié à l'appel du porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, qui a demandé aux citoyens de rester chez eux pour éviter les dangers.

Cette publication de Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement,  et Ministre de la Communication et des médias de la RDC sur son compte X confirme le témoignage de Fabien Mat:

Goma, qui servait de zone de sécurité relative pour les villageois menacés par le conflit, n'offre plus aucune garantie pour sa population, estimée à presque 1 million d'habitants (population locale et déplacées). Les bombardements ont endommagé les installations d'électricité, d'eau et de réseau téléphonique. Dans ce contexte, les fausses informations se multiplient, comme le confirme Benjamin [nom d'emprunt], journaliste contacté par Global Voices:

Nous devons juste faire preuve d'observation critique. Les propagateurs des fausses informations en profitent aussi pour sortir des anciennes images hors contexte. L'internet a été coupé pour éviter la propagation de fausses informations.

La situation humanitaire reste inquiétante. Le 27 janvier 2025, SkyNews dénombre plus de 250 000 déplacés dans la ville.

L'ONG humanitaire, Médecin Sans Frontière (MSF) cité par BBC Afrique rappelle que:

Depuis le début de l'année, les affrontements armés dans le territoire de Masisi au Nord-Kivu, se sont étendus vers le territoire de Kalehe au Sud-Kivu. L'intensification des combats a eu un impact sur la population civile qui fuit les territoires affectés.

Lire notre dossier spécial : RDC, pauvre malgré sa richesse

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Hong Kong : les quinze évènements qui ont fait la une de l'actualité internationale en 2024https://fr.globalvoices.org/?p=292733http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250129_082924_Hong_Kong___les_quinze_evenements_qui_ont_fait_la_une_de_l_actualite_internationale_en_2024Wed, 29 Jan 2025 07:29:24 +0000De l'introduction de l'article 19 à la censure des médias et de divertissements

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le 19 mars 2024, Hong Kong vote sur une proposition de loi relative à la sécurité intérieure, conformément à l'article 23 de la loi fondamentale. Photo : Kyle Lam/HKFP. Utilisée avec autorisation.

Cet article a été rédigé par Mercedes Hutton et publié dans Hong Kong Free Press le 12 décembre 2024. Une version éditée est publiée ici dans le cadre d'un accord de partenariat de contenu.

Hong Kong a fait l'actualité à plusieurs reprises en 2024, que ce soit pour l'adoption d'une nouvelle législation en matière de sécurité, de lois sur la censure ou pour le mystère qui a entouré la mort de plusieurs singes dans un zoo du centre-ville.

HKFP a passé en revue 15 évènements qui ont fait la une des journaux au cours des 12 mois de 2024.

La série «Expats» indisponible à Hong Kong

Au mois de Janvier 2024, la sortie de la série « Expats », produite par Amazon Prime Video et basée sur le livre « The Expatriates » (« Les expatriés », inédit en français) de Janice Y. K. Lee, paru en 2016, fait beaucoup de bruit dans le monde du divertissement. Avec pour toile de fond les manifestations pro-démocratiques de 2014 à Hong Kong, le tournage a eu lieu en partie dans la ville en 2021, au milieu des restrictions liées à la pandémie de la Covid 19. La série suscite la controverse lorsque sa vedette Nicole Kidman est dispensée de la quarantaine imposée à l’époque, selon laquelle tout arrivant à Hong Kong devait s'isoler pendant 21 jours dans un hôtel.

Les autorités ont justifié le traitement spécial accordé à l’actrice en déclarant qu'elle « effectuait une activité professionnel spécifique… laquelle contribuait au maintien et au développement de l'économie de Hong Kong ».

Mais ce n'est pas le charme unique de la ville qui a fait la une des journaux après la diffusion des deux premiers épisodes dans le monde entier le 26 janvier. Au contraire, les médias internationaux ont rapporté que la série n'était pas disponible pour les abonnés de Hong Kong.

Variety a ainsi déclaré : « On ne sait toujours pas si le gouvernement de la ville est intervenu pour empêcher la diffusion de « Expats » ou si Prime Video a cédé à l'autocensure. Les deux explications mettent en évidence un environnement de plus en plus difficile pour les médias et le monde du spectacle à Hong Kong, qui parfois s’autoproclame ville mondiale de l'Asie ».

Le fiasco Lionel Messi

L'icône du football Lionel Messi arrive à Hong Kong en février, où son équipe, l'Inter Miami, devait disputer un match amical de présaison contre Hong Kong. Le match s'est déroulé comme prévu, mais Messi est resté sur le banc de touche tout au long de la rencontre, provoquant la colère des supporters qui avaient payé jusqu'à 4 880 HKD (627 USD) pour voir jouer leur héros.

Arrivée du Miami CF international à Hong Kong le 2 février 2024. Image fournie par le gouvernement de Hong Kong / Brandhk Twitter outlet. Utilisée avec autorisation.

Les supporters ont finalement été remboursés de 50 % du prix de leurs billets, les organisateurs du match ont retiré leur demande de subvention de 16 millions de HKD (2,05 millions de dollars) auprès du gouvernement, et la législatrice Regina Ip a accusé les agissements d'une « force extérieure » politique derrière Messi et l'Inter Miami « pour leur mépris délibéré et calculé de Hong Kong ». La polémique a rapidement pris de l'ampleur, notamment sur Internet en Chine, et Messi s'est excusé. Selon The Athletic :

The Inter Miami tour corresponded with renewed attempts by the Hong Kong authorities to restore its image as a global destination for sporting and cultural events after several years of protest against the government and strict lockdowns enforced during the COVID-19 pandemic.

La tournée de l'Inter Miami reflète les efforts renouvelés des autorités de Hong Kong pour restaurer son image de destination mondiale pour les événements sportifs et culturels, après plusieurs années de protestation contre le gouvernement et l’imposition de mesures de confinements très strictes pendant la pandémie de COVID-19.

Une tribune publiée par le Miami Herald laisse entendre que ces tentatives n'ont pas encore porté leurs fruits : « Ce scandale international autour de Lionel Messi qui n’a pas participé à un match à Hong Kong est tout autant risible que prévisible », a écrit le chroniqueur Greg Cote.

Adoption de l'Article 23

Le 19 mars, l'assemblée législative de Hong Kong, dépourvue d'opposition, a adopté à l'unanimité une nouvelle loi sur la sécurité, qui rend la trahison, l'insurrection et le sabotage passibles d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à la perpétuité et qui rejette les critiques occidentales selon lesquelles la loi restreindrait encore davantage les libertés des Hongkongais.

Indépendante de la loi sur la sécurité nationale (LSN) imposée par Pékin et entrée en vigueur en juin 2020, « l'ordonnance pour sauvegarder la sécurité nationale », plus connue sous le nom d'Article 23, a été saluée par Pékin et les responsables de Hong Kong, le chef de l'Exécutif John Lee qualifiant son adoption de « moment historique » et déclarant que Hong Kong avait « enfin accompli son devoir constitutionnel de légiférer sur l'article 23 de la Loi fondamentale ».

Cependant, la loi a été largement critiquée sur la scène internationale. Le New York Times a indiqué qu'elle pourrait nuire au statut de centre financier international de la ville, la BBC l’a qualifiée d'« extrême » et l'Australian Broadcasting Corporation s'est penchée sur la manière dont elle pourrait « remodeler » Hong Kong.

Interdiction de l'hymne « Glory to Hong Kong »

En mai, moins d'un an après qu'un tribunal de Hong Kong ait rejeté une demande du gouvernement visant à empêcher l’utilisation ou la diffusion à des fins illicites de « Glory to Hong Kong » (« Gloire à Hong-Kong »), l’hymne des manifestations de 2019, une cour d'appel l’interdit définitivement en annulant la décision.

« Glory to Hong Kong ». Photo : Kelly Ho/HKFP. Utilisée avec autorisation.

Depuis, les Hongkongais n’ont plus accès à la chanson qui en outre, a été téléchargée sur des sites de streaming populaires, notamment Spotify, YouTube et Apple Music.

Le Guardian a publié un article sur le succès de l’appel du gouvernement : « Cette décision intervient dans un contexte d'érosion de l'État de droit et des droits individuels à Hong Kong, qui a vu l’emprisonnement de dizaines d'opposants démocrates et la fermeture d’organes de la presse libérale ».

35e anniversaire de la répression de Tiananmen

2024 a marqué le 35e anniversaire de la répression de la place Tiananmen à Pékin, où des centaines, voire des milliers de personnes ont été tuées lorsque l'Armée populaire de libération a dispersé les manifestants le 4 juin 1989.

Patrouille de police dans le quartier de Causeway Bay, Hong Kong, le 4 juin 2024, à l'occasion du 35e anniversaire de la répression de Tiananmen en 1989. Photo : Kyle Lam/HKFP. Utilisée avec autorisation.

Auparavant l'un des seuls endroits sur le sol chinois à marquer l'occasion, Hong Kong n’a pas commémoré publiquement le massacre depuis 2019, un changement rapporté par Nikkei Asia, qui a décrit la ville comme étant « muselée ». National Public Radio a noté la présence « d’un important dispositif de sécurité » dans les villes de Chine et de Hong Kong, avant et durant la date anniversaire.

Dans les jours précédant le 4 juin, Hong Kong a procédé à ses premières arrestations en vertu de l'article 23, parmi lesquelles le militant des droits humains Chow Hang-tung, organisateur des veillées en mémoire de la répression de Tiananmen. Selon la BBC, Amnesty International aurait qualifié ces arrestations de « tentative honteuse de réprimer la commémoration pacifique de la répression de Tiananmen ».

L'artiste Sanmu Chan a été brièvement arrêté par la police le 3 juin après avoir écrit dans l’air les caractères chinois pour « 8964 » avec son doigt, faisant référence à la répression du 4 juin 1989, dans le format AMJ (Année Mois Jour). Selon AP, la détention de Chan témoigne du « recul de la liberté d'expression dans la ville ».

La démission de cinq juges étrangers

Cinq juges étrangers qui siégeaient à la Cour d'appel finale de Hong Kong ont renoncé à leurs fonctions en 2024, notamment Jonathan Sumption qui, peu après avoir annoncé sa démission en tant que juge non permanent étranger de la Cour suprême, a publié une tribune dans le Financial Times, où il déclarait que Hong Kong « était en train de devenir un État totalitaire ».

Lors d’une émission de BBC Radio 4, il a également souligné que : « La situation à Hong Kong s'est aggravée au cours des quatre dernières années, et je pense que tous les juges siégeant à la Cour se sentent concernés … J'en suis arrivé à un point où je ne pense pas que ma présence serve à quelque chose. »

La présidente de l'Association des journalistes de Hong Kong (HKJA) licenciée par le Wall Street Journal

Au mois de juillet, les médias du monde entier ont rapporté le licenciement par le Wall Street Journal de Selina Cheng, présidente de l'Association des journalistes de Hong Kong (HKJA), quelques semaines seulement après avoir été élue à la tête du syndicat de la presse.

Selina Cheng, présidente de l'Association des journalistes de Hong Kong, s'adresse aux journalistes après avoir été licenciée du Wall Street Journal le 17 juillet 2024, en raison de son rôle dans le syndicat de la presse. Photo : Kyle Lam/HKFP. Utilisée avec autorisation.

Alors que le journal affirme que son licenciement était dû à une « restructuration », Selina Cheng a déclaré qu'elle avait reçu l'ordre d’un supérieur hiérarchique au Royaume-Uni de se retirer de l'élection à la direction de l'association.

D’après elle, le groupe de presse auquel appartient le quotidien lui aurait signalé que les employés du Wall Street Journal ne devaient pas être perçus comme des défenseurs de la liberté de la presse « dans un endroit comme Hong Kong », même s'ils « le peuvent dans les pays occidentaux où cette liberté est respectée ».

Selon Al Jazeera : « Le Wall Street Journal est au cœur d'une controverse sur la liberté de la presse après qu'une de ses journalistes ait déclaré avoir été licenciée pour avoir joué un rôle de premier plan au sein du plus grand syndicat des médias de Hong Kong, dans un contexte de détérioration des libertés civiques sur le territoire chinois. »

Un T-shirt, objet de la première poursuite judiciaire en vertu de l'Article 23

Le 19 septembre, Chu Kai-pong est devenu la première personne à être emprisonnée en vertu de l'article 23, après avoir plaidé coupable d’avoir « accompli un acte ou des actes avec une intention séditieuse ».

Il a été condamné à quatorze mois de prison pour avoir porté un tee-shirt sur lequel était inscrit un slogan des manifestations de 2019 (« Libérez Hong Kong, révolution de notre temps »), jugé comme ayant des connotations indépendantistes, et constituant une infraction au titre de la loi sur la sécurité nationale.

La BBC a rapporté qu'un Hongkongais avait été emprisonné pour un T-shirt « séditieux », tandis que l'édition anglophone du journal Le Monde a publié l'histoire sous le titre « In Hong Kong, a young man sentenced for wearing a ‘Liberate Hong Kong’ T-shirt » (« À Hong Kong, un jeune homme est condamné pour avoir porté un T-shirt “Libérez Hong Kong” »).

Les rédacteurs de Stand News emprisonnés pour sédition

Au mois d’août, Chung Pui-kuen et Patrick Lam, tous les deux anciens rédacteurs en chef du site d’information indépendant Stand News, ont été reconnus coupables d'avoir participé à un complot visant à publier et à reproduire des documents à caractère « séditieux ».

L'ancien rédacteur en chef de Stand News, Chung Pui-kuen, quitte le tribunal de Wan Chai, à Hong Kong, le 29 août 2024, après avoir été reconnu coupable de conspiration en vue de publier des documents « séditieux ». Photo : Kyle Lam/HKFP. Utilisée avec autorisation.

Le mois suivant, les deux hommes se sont retrouvés devant le tribunal pour le prononcé de leur sentence. Chung Pui-kuen a été condamné à 21 mois de prison, tandis que Patrick Lam, qui souffre d'une maladie rénale rare, a été libéré malgré une peine initiale de 14 mois. Ils ont tous les deux passé près d'un an en détention provisoire.

La presse internationale a suivi de près leur procès, et selon la BBC, « l'affaire a suscité un intérêt international et une condamnation des pays occidentaux ». Le site d’AP News, a quant à lui déclaré que l'affaire était « généralement perçue comme un indicateur de l’état de la liberté des médias à Hong Kong, une ville autrefois saluée comme un flambeau de la liberté de la presse en Asie ».

Mort de douze singes au zoo de Hong Kong

En octobre, le décès de 12 singes au zoo de Hong Kong, victimes d’une septicémie après avoir contracté la mélioïdose, a fait la une de la presse internationale.

CBS News a signalé que parmi les premiers singes retrouvés morts, se trouvaient trois tamarins pinchés à crête blanche, « considérés comme l'une des espèces de primates les plus menacées au monde ».

Et selon Al Jazeera : « Des militants ont déclaré que l'incident soulevait la question de savoir si le fait de garder des animaux en captivité pouvait accroître le risque de transmission à l’homme de maladies telles que la variole du singe. »

Découverte des premiers fossiles de dinosaures

Fin octobre, le gouvernement a annoncé la première découverte de fossiles de dinosaures à Hong-Kong, sur une île isolée au nord-est de la ville.

Lors d’une interview avec CNN, des paléontologues ont déclaré : « Cette découverte historique est un événement majeur pour Hong Kong, une ville à l'histoire géologique complexe et aux conditions météorologiques en constante évolution ».

45 personnalités pro-démocratie emprisonnées

En novembre, la condamnation de 45 personnalités pro-démocratie a attiré l'attention des médias. Leurs peines d'emprisonnement ont suscité l’« indignation » et des « critiques » dans le monde entier, et ont fait la une, entre autres, du Guardian et de CBS News.

47 militants du camp pro-démocratie de Hong Kong ont été inculpés de subversion en vertu de la loi sur la sécurité nationale. Image de Stand News. Utilisée avec autorisation.

Les militants ont été condamnés à des peines allant jusqu'à 10 ans de prison pour leur participation à une élection primaire officieuse afin d’aider le camp pro-démocratie à obtenir une majorité au sein de l’assemblée. Le tribunal a estimé qu'il s'agissait d'un complot visant à renverser le gouvernement de Hong-Kong, une infraction prévue par la loi sur la sécurité nationale.

Selon le New-York Times : « La situation n'aurait pas soulevé de controverse si c'était arrivé ailleurs. Mais il s'agit de Hong Kong, juste après l’adoption par Pékin d'une loi sur la sécurité nationale, et les autorités avaient averti qu’un simple sondage d’opinion serait considéré comme une provocation. »

Témoignage de Jimmy Lai

Le magnat de la presse Jimmy Lai, emprisonné et poursuivi pour collusion avec des forces étrangères en vertu de la loi sur la sécurité nationale de Pékin, a été entendu à la barre des témoins le 20 novembre. De nombreux médias du monde entier étaient présents pour l'entendre s'exprimer publiquement pour la première fois depuis son arrestation en décembre 2020.

Jimmy Lai. Kelly Ho pour HKFP.

Reuters s'est entretenu avec des personnes qui avaient attendu toute la nuit sous la pluie pour garantir une place dans la galerie du public, afin d'assister au témoignage de Jimmy Lai. « Apple Daily était la voix de nombreux Hongkongais… C'est ma manière d’exprimer mon opinion politique et de lui faire savoir que je le soutiens. Il a fait beaucoup pour Hong Kong », a déclaré un retraité à l'agence de presse.

Qualifiant Jimmy Lai de « rebelle », le Guardian a rapporté qu'il « s'est défendu avec acharnement contre les accusations et a parlé avec fierté de la société de médias qu'il a fondée, laquelle fût une source de problèmes pour Pékin et le gouvernement de Hong Kong pendant des décennies ». Le procès se poursuivra jusqu'en 2025, Lai ayant plaidé non coupable.

Jugement concernant des droits LGBT+

Le 26 novembre, la plus haute juridiction de Hong Kong accorde les droits à l’accès au logement et à l'héritage aux couples mariés de même sexe, assurant ainsi une victoire historique à la communauté LGBT+ de la ville, malgré des recours du gouvernement contre des décisions judiciaires rendues antérieurement.

Selon The Independent, Jerome Yau, cofondateur de l'organisation à but non lucratif Hong Kong Marriage Equality, a déclaré après l'arrêt que la Cour avait établi « très clairement » qu'il n'existait pas de distinction entre le mariage homosexuel et le mariage hétérosexuel : « À mon avis, la question suivante devrait être : s'il s'agit de la même chose, pourquoi les traiter différemment ? »

Nick Infinger tient un drapeau arc-en-ciel devant la Cour d'appel finale de Hong Kong, le 26 novembre 2024. Photo : Hillary Leung/HKFP. Utilisée avec autorisation.

Mandats d'arrêt pour des raisons de sécurité nationale

Le 24 décembre, la police de Hong Kong lance des mandats d'arrêt à l'encontre de six militants étrangers, offrant des primes d'un million de HKD pour chacune de leur arrestation. Il s'agit de la troisième série de mandats d'arrêt délivrés depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, après ceux du mois de juillet (à l'encontre de huit militants) et du début de décembre (cinq militants).

« Selon les mandats, les six personnes sont recherchées pour des infractions liées à la sécurité nationale telles que la sécession, la subversion et la collusion avec des forces étrangères. Parmi eux figure Tony Chung, l'ancien dirigeant du groupe indépendantiste Studentlocalism, aujourd'hui disparu », rapporte le Washington Post.

Sont également recherchés par la police de Hong Kong : Carmen Lau, ancienne conseillère municipale, qui milite désormais au sein de l'ONG Hong Kong Democracy Council, basée aux États-Unis ; Chloe Cheung, militante du Committee for Freedom in Hong Kong (Comité pour la liberté à Hong Kong) ; le commentateur politique Chung Kim-wah, ancien sondeur à l'Institut d'opinion publique de Hong Kong ; Joseph Tay, ancien acteur de la chaîne TVB et co-fondateur de l'ONG HongKonger Station, basée au Canada ; et Victor Ho, youtubeur.

Selon Al Jazeera, ils font partie d’un groupe de « 19 militants accusés de délits de sécession, de subversion ou de collusion, qui sont de surcroît définis de manière imprécise par la loi».

Le 24 décembre, le secrétaire à la sécurité Chris Tang a invoqué séparément les pouvoirs que lui confère l'article 23 d’annuler les passeports de sept militants exilés : Ted Hui, Anna Kwok, Elmer Yuen, Dennis Kwok, Kevin Yam, Frances Hui et Joey Siu.

Tang les a qualifiés de « fugitifs », et leur a également interdit la gestion de financements à Hong Kong.

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De l’Égypte à la Libye, les décès de migrants en Méditerranée sont soit ignorés, soit devenus une normehttps://fr.globalvoices.org/?p=292373http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250129_082556_De_l___Egypte_a_la_Libye__les_deces_de_migrants_en_Mediterranee_sont_soit_ignores__soit_devenus_une_normeWed, 29 Jan 2025 07:25:56 +0000Face aux efforts de sauvetage minimes de l'État, les organisations locales peinent à apporter leur aide

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Un bateau transportant 13 migrants égyptiens a chaviré le 28 octobre 2024, peu après avoir quitté Kambut, un village situé à 60 kilomètres à l'est de Tobrouk, dans l'est de la Libye, couramment utilisé comme point de départ pour les migrants qui tentent de rejoindre l'Europe. Sur les 13 passagers, un seul a survécu.

Trois corps ont été retrouvés dans les jours qui ont suivi l'incident : un le 29 octobre, un autre le 3 novembre et le troisième le 7 novembre. Les restes de la dernière victime retrouvée étaient fortement décomposés et le corps a été transporté à la morgue pour des examens plus approfondis.

L'Égypte reste une source importante de flux migratoires méditerranéens, avec plus de 11 000 Égyptiens arrivés par mer en Italie via la Libye pour la seule année 2023. L'aggravation des conditions économiques et la limitation des voies d'accès légales poussent de nombreux Égyptiens à entreprendre ces voyages dangereux, au péril de leur vie.

Le 5 novembre, l'UE a annoncé un programme d'aide de 20 millions d'euros par l'intermédiaire de la Facilité européenne de soutien à la paix afin d'aider les forces armées égyptiennes à renforcer la sécurité nationale et à protéger les civils dans les « territoires occidentaux », la région même où les migrants égyptiens traversent la Libye avant d'entamer la traversée de la Méditerranée.

Au début de l'année, l'Union européenne a alloué une aide de 7,4 milliards d'euros à l'Égypte, dont 200 millions d'euros spécifiquement destinés à la gestion des migrations. Des incidents comme celui-ci soulèvent des questions quant à l'utilisation efficace de ces fonds pour s'attaquer aux causes profondes et à la sécurité des migrants.

Efforts communautaires en Libye

La Méditerranée centrale, en particulier l'itinéraire passant par l'Afrique du Nord, reste la route migratoire la plus meurtrière au monde, 61 % des décès de migrants en 2023 se produisant dans la région. Pour les innombrables migrants qui empruntent cette route, les risques sont intensifiés par l'incohérence et l'inadéquation des opérations de recherche et de sauvetage (SAR). Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l'Office international des migrations (OIM), l'absence de coordination des opérations de recherche et de sauvetage le long de cet itinéraire fait courir un grave danger à ceux qui se trouvent en mer. Les organisations communautaires locales telles que la Fondation Al Abireen à Tobrouk, qui travaille aux côtés du Croissant-Rouge libyen, doivent souvent gérer les efforts de récupération avec des ressources limitées et un soutien international minime.

Dans une interview accordée à Global Voices, un représentant de la Fondation Al Abireen, qui a préféré garder l’anonymat, a expliqué les graves restrictions auxquelles elle est confrontée dans son travail. Il n’y a aucune présence d’ONG majeures comme l’ONU ou l’OIM ici. Nous devons nous débrouiller du mieux que nous pouvons avec des ressources limitées. Seul le Croissant-Rouge nous a apporté une aide significative, en se coordonnant directement avec nous sur le terrain.

La fondation est également soumise à un contrôle strict des informations, notamment concernant les survivants. Le survivant a été emmené à Benghazi par l’officier militaire correspondant, mais je n’ai pas le droit de divulguer son nom ou une photo de lui, même si j’ai une vidéo de lui expliquant l’incident et des détails sur les autres victimes qui étaient à bord avec lui sur le bateau.

Le représentant a expliqué que dans de tels cas, il existe généralement une limitation imposée par la surveillance du personnel militaire, ce qui soulève des inquiétudes plus larges quant à la gestion et au traitement des migrants interceptés ou secourus en Méditerranée.

#Tobruk_Ain al-Ghazala

Le quatrième corps a été récupéré sur les 13 migrants qui se sont noyés il y a une semaine.

L'embarcation transportait 25 migrants, la plupart d'entre eux de nationalité syrienne.

Il y a 12 survivants, mais nous n'avons pas pu obtenir leurs noms ni les rencontrer pour identifier les noms des migrants qui étaient avec eux et qui se sont noyés.

#Des voyages qui se terminent avec un corps inconnu, au profit du passeur, et de nombreuses familles ignorant le sort de leurs enfants. Que Dieu nous aide.

Dieu nous suffit et Il est le meilleur pour gérer nos affaires.

Étant donné la proximité de Kambut avec les eaux italiennes, la Fondation Al Abireen collabore parfois avec les garde-côtes italiens. « Notre fondation est parfois contactée par les garde-côtes italiens, mais ils ne fournissent aucune assistance ; il s'agit avant tout d'une communication de routine. »

L'Égypte normalise la mort des migrants

En Égypte, les décès de migrants sont devenus si courants que les médias pro-État en parlent rarement. Lorsque de tels incidents sont couverts, le discours se concentre souvent sur la présentation de la migration comme une activité criminelle et des victimes comme des criminels. Cela renforce essentiellement un récit extrêmement désensibilisé de l’illégalité au détriment de l’humanité et néglige les circonstances socio-économiques et politiques désespérées qui poussent les gens à risquer leur vie.

Dans l'une des émissions télévisées les plus regardées d'Égypte, l'animateur Ahmed Moussa illustre la rhétorique dédaigneuse que l'on retrouve souvent dans les médias égyptiens sur les questions de migration. Lors d'une séquence consacrée à une tragédie similaire dans laquelle 11 Égyptiens ont perdu la vie sur la même route, Moussa a critiqué à la fois les migrants et leurs familles, en demandant : « Comment les familles ont-elles pu permettre à leurs fils de partir de cette façon ? »

Moussa se moque des motivations de ceux qui cherchent désespérément un meilleur moyen de subsistance à l'étranger et insiste sur le fait qu'il existe de nombreuses opportunités en Égypte : « Il y a beaucoup de possibilités d'emploi en Égypte, plus que jamais dans notre histoire. Il y a du travail partout. »

En réalité, l'Egypte est confrontée à une grave crise économique, la livre égyptienne ayant perdu plus de 35% de sa valeur en raison d'une inflation galopante. Selon l'Agence centrale de mobilisation publique et de statistiques, l'indice des prix à la consommation en Egypte est en constante augmentation et atteint des sommets historiques, ce qui reflète une réalité économique difficile contrairement aux affirmations de Moussa.

En raison de leur migration illégale, les migrants ont rarement la possibilité de parler ouvertement des raisons de leur départ ou du processus de traversée vers l’Europe. L'une de ces occasions s'est présentée en 2022, lorsque 287 migrants égyptiens ont été arrêtés en masse à Tobrouk, en Libye, et interrogés.

L'un des migrants, Ziad, 12 ans, a expliqué les raisons de son départ : « Comme tout le monde ici, je voulais juste avoir une meilleure vie. J'avais l'intention d'aller travailler en Italie ». Un autre adolescent a raconté le processus éprouvant qu'ils ont enduré en essayant de passer en Europe : ils ont marché 50 kilomètres pour traverser la frontière et ont été transférés, les yeux bandés, d'une voiture à l'autre par des passeurs jusqu'à ce qu'ils atteignent un entrepôt où près de 300 personnes ont été retenues. « Nous sommes ici depuis six mois », a-t-il ajouté. La plupart des migrants paient les passeurs entre 20 000 EGP (400 USD) et 170 000 EGP (3 500 USD) pour faire le voyage.

Un autre migrant, Khaled, un homme d'une trentaine d'années qui a récemment subi une opération à cœur ouvert, explique pourquoi de nombreuses personnes sont prêtes à assumer ce coût : « Qu'est-ce que je pourrais faire d'autre ? Il n'y a pas d'emplois bien rémunérés ».

L'absence de reportages sur ces incidents donne l'impression que les médias évitent collectivement les conversations nuancées sur la question et choisissent plutôt de fermer les yeux. Cette attitude a favorisé le détachement et l'apathie du public, permettant ainsi à ces tragédies de ne pas être remises en question et de ne pas être traitées.

Défauts systémiques

Cette tragédie souligne la nécessité d’améliorer les opérations de recherche et de sauvetage et de mieux coordonner l’aide aux migrants. La nature ponctuelle des interventions de recherche et de sauvetage et l’accès humanitaire limité pour les débarquements en Libye laissent de nombreux migrants sans protection adéquate. Selon le même rapport du HCR et de l’OIM, de nombreux migrants interceptés sont renvoyés dans des conditions dangereuses sans surveillance humanitaire, ce qui les expose à des risques importants.

Ce fait, parmi tant d’autres histoires et incidents non racontés qui continuent de se produire, illustre les failles systémiques des politiques actuelles de gestion des migrations en Méditerranée. Selon les données recueillies par le Projet sur les migrants disparus, « la nature de toute traversée outre-mer » signifie souvent que les migrants peuvent « disparaître sans laisser de traces », en particulier dans les cas de naufrages sans survivants. C’est ce qu’illustrent les centaines de corps non identifiés retrouvés sur les côtes libyennes et les nombreux rapports non vérifiés de naufrages mortels.

Selon le Rapport conjoint annuel de l’OIM et du HCR, « plus de 3 105 migrants et réfugiés auraient perdu la vie ou seraient portés disparus en mer » en tentant d’atteindre l’Europe en 2023. Toutefois, ils précisent que le nombre réel est probablement plus élevé, car de nombreux incidents ne sont « pas signalés ou détectés ».

Sans efforts renforcés de recherche et de sauvetage, sans allocation transparente des fonds gouvernementaux et sans traitement humain des migrants interceptés et secourus, la Méditerranée continuera d’être un foyer de telles crises humanitaires pour ceux qui sont contraints de quitter leur foyer en quête de sécurité ou d’opportunités à l’étranger.

L’incident de Kambut n’est pas une tragédie isolée mais un rappel dévastateur de la crise migratoire actuelle en Méditerranée.

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De la Russie à l'UE : les enjeux de la modération des contenus par Metahttps://fr.globalvoices.org/?p=293131http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250127_141828_De_la_Russie_a_l_UE___les_enjeux_de_la_moderation_des_contenus_par_MetaMon, 27 Jan 2025 13:18:28 +0000Cette solution vise à soutenir les médias traditionnels qui s'appuient sur la vérification des faits.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Mark Zuckerberg, PDG de Meta. Photo de Alessio Jacona provenant de Flickr (CC BY-SA 2.0).

Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, a annoncé que Meta allait « lutter contre la censure » dans le monde entier, aux côtés du futur Président des États-Unis Donald Trump, qui doit être investi dans moins d'une semaine.

Zuckerberg présente la modification de la modération du contenu de Meta comme une politique « anti-censure ». Toutefois, les experts estiment qu'il s'agit plutôt d'une mesure commerciale qui vise à plaire au Président élu, Donald Trump. Selon le PDG, Meta réduit les coûts de protection contre les discours haineux tout en se débarrassant de la vérification des faits et en faisant en sorte que les utilisateurs signalent les contenus préjudiciables (également connus sous le nom de « notes de la communauté ») – du moins aux États-Unis.

Cette nouvelle politique crée un dangereux précédent, même si l'on peut dire qu'elle ne fait que suivre le quasi-abandon de la modération des contenus avant les élections sur X (anciennement Twitter) par Elon Musk.

Cependant, l'histoire récente montre que réglementer Meta et X encore plus que ne le fait déjà l'UE nous met sur la voie dangereuse de ce que font les autocraties.

Censure de l'Internet en Russie

Zuckerberg n'a pas mentionné le Président russe Vladimir Poutine dans son discours. Il a toutefois mentionné l'Union européenne (UE) comme l'un des plus grands « censeurs », ainsi que l'Amérique latine et la Chine. Or, depuis octobre 2022, Meta et ses filiales (à l'exception de WhatsApp, à la date de publication) figurent sur la liste des organisations terroristes et extrémistes en Russie. Non seulement elles sont bloquées, mais techniquement, on peut être arrêté pour avoir partagé des liens ou mis un logo sur une page web.

Il s'agit d'une mise en garde : officiellement, le Kremlin a interdit le groupe parce que Meta avait annoncé qu'il autoriserait des messages tels que « mort aux envahisseurs russes ».

En mars 2022, un responsable de Meta a informé BBC News que l'entreprise s'écartait temporairement de ses politiques standard « à la lumière de l'invasion en cours de l'Ukraine », autorisant les personnes touchées par le conflit à « exprimer des sentiments violents à l'égard des forces armées d'invasion ». En conséquence, le gouvernement russe a accusé Meta de « russophobie » et l'a désigné comme une organisation interdite.

Mais aujourd'hui, aucune plateforme de réseaux sociaux occidentale n'opère en Russie : toutes ont été bloquées pour « non-conformité » avec les lois russes (à l'heure actuelle, seuls les messagers Telegram et WhatsApp, ainsi que le chinois TikTok, sont encore présents).

Diverses organisations de la société civile exhortent désormais la Présidente de la Commission de l'UE, Ursula Von der Leyen, à faire appliquer toute la force de la législation européenne à Meta afin d'éviter que les Européens ne subissent des préjudices. En effet, dans le cadre de la loi sur les services numériques adoptée en 2022, certaines mesures prévoient de lourdes amendes en cas de non-respect des règles fondées sur l'évaluation des risques pour que les plateformes puissent opérer sur le marché de l'UE.  Et c'est ce qu'il faut faire si les règles assouplies sur les discours haineux commencent à nuire aux communautés vulnérables.

Cependant, nous devons garder à l'esprit que si X et Meta, sous la pression des régulateurs, décident de quitter l'UE, les citoyens seront moins à même d'accéder à l'information. Bien que cela soit peu probable, les experts estiment qu'il faut mettre plus d'informations à la disposition des citoyens, et non moins. Ainsi, même si Meta abandonne son programme de vérification des faits (mais pas encore dans l'UE), se pourrait-il que cette partie ne soit pas aussi menaçante qu'il n'y paraît à première vue ? En fait, Zuckerberg a promis de ramener des contenus politiques qui pourraient avoir un effet bien plus important sur l'information des citoyens, en particulier lorsque la loi européenne sur la liberté des médias entrera pleinement en vigueur en août 2025.

Certains chercheurs ont évoqué la surestimation du pouvoir de la désinformation, quelle qu'elle soit, sur les gens et le fait que nous avons abandonné l'action des gens aux décisions des plateformes.

Je peux donner quelques exemples. Mes recherches sur la gouvernance des plateformes concernent en partie les mesures qui ont été prises pour « lutter contre la désinformation russe », non seulement après le début de l’invasion de l'Ukraine, mais aussi lorsque la panique morale de l'intervention étrangère dans les élections américaines de 2016 était à son comble. De nombreuses sources médiatiques en langue russe ont été bloquées par la décision des législateurs européens dans l'UE, à commencer par les chaînes de propagande Russia Today et Sputnik. Depuis lors, de plus en plus de sources ont été incluses dans les listes.

Là encore, certains experts affirment que le solutionnisme technocratique a de sérieuses limites face à la désinformation.

Les plateformes de réseaux sociaux ont également bloqué et démonétisé les contenus en provenance de Russie ou destinés à un public russe, selon leurs propres critères. Par exemple, YouTube a interdit la monétisation de toutes les vues provenant des territoires russes, ce qui, sans surprise, a pénalisé des médias d'opposition tels que la chaîne anti-guerre et anti-Poutine Dozhd, dont le principal public se trouve – et devrait se trouver – en Russie.

Faut-il bloquer la propagande directe ? Peut-être. Mais, dans ce cas, comment pourrons-nous savoir ce que dit « l'autre camp » ? À un moment donné, les seules sources d'information en langue russe accessibles sur Google News provenaient de Biélorussie. Le célèbre « page rank » n'a donc pas fonctionné. Mais qui décide de ce qui reste une source d'information crédible ? De toute évidence, le Kremlin contrôle ce qui est visible sur le moteur de recherche russe Yandex. Mais souhaitons-nous vraiment reproduire un schéma similaire au sein de l'Union européenne ?

Ce que je veux dire, c'est que nous devons soutenir les médias traditionnels, qui sont enracinés dans la vérification des faits. Nous devons fournir des fonds aux journalistes locaux et négocier avec les plateformes de réseaux sociaux pour inclure leur contenu. Nous devons développer des modèles de réseaux sociaux et d'IA d'intérêt public et les rendre open source. En bref, il faut créer plus d'opportunités et de diversité dans le secteur technologique et l'écosystème de l'information, et non moins.

Comme l'a déclaré Thomas Kent, chargé de mission pour la communication stratégique à l’American Foreign Policy Council et spécialiste de la propagande russe, dans un récent article d'opinion :

Les médias occidentaux doivent se consacrer à nouveau à une couverture précise et objective de l'actualité. Si les citoyens sont convaincus que leurs principales sources d'information sont impartiales, ils n'auront aucune raison de rechercher des sources d'information marginales, russes ou autres.

Ou alors, nous ne valons pas mieux que Vladimir Poutine, qui n'utilise jamais Internet et rêve que personne ne le fasse, comme au « bon vieux temps », ou que Zuckerberg, qui nous pousse à « revenir aux sources » de la liberté d'expression.

Ce qu'ils font tous les deux est très similaire dans son essence. Mais il n'y a pas d'âge d'or ni de racines auxquelles se référer.  Si ces gens ne le comprennent pas, nous devons le faire.

Daria Dergacheva est chercheuse associée au Platform Governance, Media and Technology Lab de ZeMKI, Université de Brême, en Allemagne.  Elle est également rédactrice pour l'Europe de l'Est à Global Voices depuis mars 2022 et a travaillé auparavant dans les médias russes et les ONG d'opposition pendant plus de 10 ans.

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Dix ans après le « Mouvement des parapluies » : quels changements pour les Hongkongais ?https://fr.globalvoices.org/?p=293050http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250127_140602_Dix_ans_apres_le____Mouvement_des_parapluies______quels_changements_pour_les_Hongkongais__Mon, 27 Jan 2025 13:06:02 +0000Beaucoup ont quitté la ville suite à la répression sévère.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des milliers de manifestants se sont joints à un groupe d'étudiants activistes qui ont envahi la cour du siège législatif de Hong Kong le 27 septembre 2014. Photographie issue de inmediahk via Flickr  CC: BY-NC 2.0. [fr].

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages Web en anglais.]

Dix ans plus tard, il paraît quasi inconcevable qu'une autoroute à cinq voies située au cœur de la ville de Hong Kong, bondée de véhicules jour et nuit, soit restée occupée par des manifestants pendant 79 jours.

L'automne 2014 a constitué un temps fort pour déambuler sur l'artère principale de Hong Kong. Le mouvement « Occupy Central », également connu sous le nom de « Mouvement des parapluies », a été lancé pour réclamer une réforme électorale en vue de l'élection au suffrage universel [fr] du Conseil législatif (2016) et du chef de l'exécutif (2017) de la ville – une promesse inscrite dans la loi fondamentale de la ville que Pékin n'a pas respectée.

Depuis, le mouvement a laissé une marque indélébile sur la ville et a modifié la vie de tous ses habitants.

Comment le mouvement a-t-il affecté les Hongkongais ? Et comment perçoivent-ils les changements survenus dans leur ville ?

Quelques anciens militants et deux enseignants ayant intégré le nouveau paysage politique de Hong Kong se sont entretenus avec Global Voices sur cette question. Les entrevues ont été conduites par téléphone, en anglais, et les personnes interrogées ont requis l'anonymat pour préserver leur sécurité.

Un ancien militant raconte comment le mouvement pro-démocratique de 2014 l'a transformé :

On a personal level, the Umbrella Movement (…) affected the course of my life and career in ways I still feel today.

Even though I was born in Hong Kong, it was the first time I felt like a Hongkonger. These were the days when the tired old stereotype of Hong Kong people as apolitical, materialistic, and self-interested still had credence. Yet everyone I met at the occupation sites was deeply engaged, creative, passionate, and committed to making the city they loved a freer, fairer, more open place. It was a side of Hong Kong I saw little of before but was always there, just below the surface.

Personnellement, le mouvement des parapluies (…) a bouleversé le cours de ma vie et de ma carrière de telle manière que j'en ressens encore les effets aujourd'hui.

Bien que né à Hong Kong, c'est la première fois que je me suis senti Hongkongais. À l'époque, le vieux stéréotype des Hongkongais, apolitiques, matérialistes et intéressés, avait encore du poids. Pourtant, toutes les personnes que j'ai rencontrées sur les sites d'occupation étaient profondément engagées, créatives, passionnées et déterminées à faire de la ville qu'elles chérissaient un endroit plus libre, plus égalitaire et plus convivial. C'était un visage de Hong Kong que j'avais peu vu auparavant, alors qu'il était toujours présent, en filigrane.

Si les actions des « Parapluies » ont échoué à modifier le système politique de Hong Kong, la détermination et le désir de changement ont néanmoins éclaté cinq ans plus tard, en 2019, lorsqu'un nombre impressionnant de 2 millions de manifestants – près d'un tiers de la population – a défilé dans les rues pour protester contre un amendement au projet de loi sur l'extradition de la ville, lequel élargit le mécanisme de transfert des fugitifs vers des régions telles que Taïwan, la Chine continentale et la Corée du Nord. Face à la répression policière, les manifestations contre l'extradition de la Chine se sont ensuite muées en un mouvement pro-démocratique réclamant le suffrage universel, objectif manqué du mouvement des Parapluies.

Les manifestations ont été plus décentralisées que les mouvements précédents, entraînant une répression sévère et l'introduction de la loi sur la sécurité nationale (LSN) en 2020. Cette loi, qui criminalise les actes de sécession, de subversion, de terrorisme et de collusion avec des forces étrangères et crée un comité de sécurité nationale supervisé par le gouvernement central chinois et responsable devant lui, a effectivement étouffé toutes les voix critiques à l'égard des gouvernements de Hong Kong et de Pékin et porté atteinte à l'autonomie de la ville.

Ces changements dans le paysage politique ont eu un profond impact sur les secteurs publics de la ville, en particulier sur le secteur de l'éducation. Actuellement, l'éducation est un outil important utilisé pour le contrôle social. Un professeur d'école secondaire et ancien activiste a déclaré lors d'un entretien avec Global Voices :

The curriculum changes all the time now; it’s hard to keep up.

Le programme scolaire ne cesse de changer ; il est difficile de le suivre.

La plupart des révisions du programme ont pour objectif d'inculquer des valeurs plus « patriotiques » aux prochaines générations de Hongkongais.

Un enseignant de l'école primaire a expliqué :

I have to give grades for ‘patriotism’ now; I have to assess students’ love of country. I don’t agree with these new policies, and I don’t think it is beneficial for students to think in these ways. I would like to talk to them about how different cultures are enriching and what we can learn from other worldviews. But I don’t have a choice if I want to keep my job.

Je dois maintenant attribuer des notes pour le « patriotisme » ; je dois estimer l'amour que les élèves portent à leur pays. Je ne souscris pas à ces nouvelles politiques et je ne suis pas convaincu du bienfait pour les élèves de raisonner de cette manière. J'aimerais leur parler de l'enrichissement que représentent les différentes cultures et de ce que nous pouvons apprendre des autres visions du monde. Mais je n'ai pas le choix si je veux conserver mon emploi.

L'enseignant était préoccupé par les effets négatifs de l'éducation patriotique sur les élèves de maternelle et de primaire, étant donné qu'ils sont trop jeunes pour appréhender les complexités de l'identité nationale et ont tendance à se limiter à la version la plus simplifiée de « nous sommes formidables, les autres sont nuls ».  

La situation politique controversée se répercute également de manière sensible dans les universités. Les recherches sur des sujets épineux tels que les tendances sociopolitiques en Chine sont désormais si hasardeuses que les universitaires et les étudiants choisissent de s'autocensurer pour éviter toute répercussion [fr]. Les syndicats d'étudiants, autrefois puissants et qui jouaient un rôle central dans la mobilisation des manifestants, ont été démantelés dans les huit universités de Hong Kong. Les lieux de libre expression sur le campus, tels que les « murs de la démocratie » – un tableau blanc permettant aux étudiants de publier leurs opinions et leurs affiches – ont été supprimés.

À mesure que le « dispositif de sécurité » pénétrait dans la société, de nombreux Hongkongais ont décidé de quitter purement et simplement la ville, en dépit de l'amour qu'ils lui portent.

En janvier 2021, le gouvernement britannique a mis en place un programme de visas pour les ressortissants britanniques (outre-mer) visant à faciliter la réinstallation au Royaume-Uni des Hongkongais nés avant la rétrocession de l'ancienne ville coloniale britannique à la Chine en 1997. Plus de 209 000 [zh] Hongkongais ont sollicité un visa, et 150 400 personnes se sont réinstallées au Royaume-Uni au mois d'août 2024.

Le motif de l'exode est avant tout politique. Un militant, installé à l'étranger depuis plusieurs années, explique pourquoi ses pairs ont fini par quitter la ville :

It is sad but we can’t change the reality. The space for making change has vanished and many have given up. They have lost their hope.

C'est triste, mais nous ne pouvons pas inverser la réalité. L'espace permettant de faire évoluer les choses a disparu et beaucoup ont baissé les bras. Ils ont perdu l'espoir.

Cependant, beaucoup ne peuvent pas partir définitivement, pour des raisons financières, d'opportunités d'emploi ou d'obligations familiales. Un ancien activiste a déclaré :

I feel like I can’t breathe in the city anymore. I fought as hard as I could for our political freedoms. I don’t feel like the city is my home anymore, and don’t want to stay. But so far, I couldn’t convince my father and sister to move, and I don’t want to leave them.

C'est comme si je ne pouvais plus respirer dans cette ville. J'ai lutté de toutes mes forces pour nos libertés politiques. Je ne me sens plus à la maison dans cette ville et je ne souhaite pas y rester. Toutefois, à ce jour, je n'ai pas pu convaincre mon père et ma sœur de déménager, et je ne tiens pas à les quitter.

On estime que le nombre total d'émigrants issus de la classe moyenne de Hong Kong a atteint un demi-million [zh] en 2023, à tel point que le gouvernement de la ville est contraint de faire venir des compétences de la Chine continentale pour pallier ce phénomène d'émigration. Cependant, la population non chinoise, réduite de moitié par rapport à 2019, est lente à se reconstituer. La ville devient de plus en plus homogène, car les entreprises internationales et les ONG sont en quête de pâturages moins conflictuels. Les rues de Central, qui grouillaient autrefois d'étrangers venus du monde entier, vibrent aujourd'hui au son de conversations majoritairement en mandarin.

Jusqu'en 2020, Hong Kong avait une longue histoire de désobéissance civile. Les 79 jours de manifestations pacifiques dans le centre-ville en 2014 ont maintenu le statut de Hong Kong en tant que centre financier asiatique, la population espérant des changements positifs. Aujourd'hui, il n'y a plus de manifestations et peu de dissidence affichée, et la ville a perdu son identité de société libre.

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Un rappeur pro-Chine dénonce le réseau d'influenceurs de Pékin à Taïwanhttps://fr.globalvoices.org/?p=292776http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250127_134848_Un_rappeur_pro-Chine_denonce_le_reseau_d_influenceurs_de_Pekin_a_TaiwanMon, 27 Jan 2025 12:48:48 +0000“Si nous continuons de coopérer avec le PCC… nous allons devenir le prochain Xinjiang”

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le rappeur taïwanais Chen Po-yuan révèle comment il est devenu un influenceur pro-Pékin dans une vidéo devenue virale. Capture d'écran depuis la chaîne Youtube FunTV.

Depuis des décennies, l'influence de la Chine sur la politique de Taïwan a été un secret de Polichinelle. Cependant, certaines stratégies de l'État ont été dévoilées après qu'un lanceur d'alerte dans un réseau d'influenceurs pro-Chine ait publiquement révélé l'opération des agences de l'État de la Chine Continentale dans la région autonome.

Le lanceur d'alerte est Chen Po-yuan, un rappeur taïwanais connu pour avoir produit une chanson de rap populaire qui résonne avec le mouvement pro-unification de la Chine continentale.

Né en 1999, le rappeur s'est rendu au Temple Shaolin de la province de Henan pour apprendre les arts martiaux chinois quand il n'avait que 13 ans, et a ensuite étudié à l’université Huaqiao, un institut affilié au Départment du Travail du Front Uni du Parti Communiste Chinois (PCC) de la province de Fujian.

Le 6 décembre 2024, Chen s'est exprimé dans une vidéo de 40 minutes produite par le Youtubeur anti-PCC Pa Chiung et a expliqué comment il est devenu un influenceur pro-CCP. Il a été décrit comme un jeune patriote taïwanais pendant la pandémie COVID-19 après avoir produit un rap encourageant à suivre les mesures de contrôle de la pandémie.

Néanmoins, il est tombé dans une escroquerie commerciale par le fils d'un officiel du PCC à Fujian, et en essayant de porter plainte contre son partenaire, il s'est fait étiqueté comme un artiste indépendant pro-Taïwan, et les patriotes chinois en ligne l'ont attaqué. C'est alors qu'il a réalisé qu'il n'y a aucune justice dans un système politique à parti unique. Il a averti:

若繼繼續和中共合作,我們絕對不是像香港那樣子…我們會變成下一個新疆。

Si nous continuons de coopérer avec le Parti Communiste Chinois, nous n'allons définitivement pas être comme Hong Kong… nous allons devenir le prochain Xinjiang.

La Chine a été critiquée par la communauté internationale pour ses mesures répressives contre les Ouïghours dans sa province du Xinjiang sous prétexte de lutte contre le terrorisme.

D'où, Chen est retourné à Taïwan et a travaillé avec Pa Chiung afin d'exposer comment les agences du gouvernement de la Chine Continentale financent les influenceurs pour manipuler la perception publique de la relation entre les deux rives du détroit.

Taiwan est devenu un État indépendant de facto après que le parti au pouvoir Kuomintang (KMT) de la République de Chine (ROC) s'est réfugié sur l'île suite à sa défaite contre le PCC durant la guerre civile chinoise. Sous le Principe d'une seule Chine, la République populaire de Chine (PRC) revendique la souveraineté sur Taïwan et a pressé pour la réunification avec Taiwan sous sa stratégie “Un Pays Deux Systèmes” ou par force ces dernières années.

Dans un rapport en 2022 de Freedom House, une organisation affiliée au gouvernement américain, Taïwan a obtenu un rang très élevé (55/85) dans l'influence mondiale des Médias de Beijing, et ses stratégies incluent des partenariats avec les médias locaux, la subvention des voyages de presse en Chine, le sponsoring d'influenceurs en ligne, le renforcement des liens commerciaux, la diffusion de propagandes et campagnes de désinformation, etc.

En juin 2024, un autre Youtubeur taïwanais, Potter King, a révélé que des agences de la Chine Continentale l'avaient approché, lui et d'autres influenceurs, pour former un parti politique et financer leurs voyages en Chine. Cependant, l'incident n'a pas trop attiré l'attention du public car Potter King était connu comme supporteur du Parti démocratique progressiste (PDP).

Cette fois, les Taïwanais ont été choqués vu que la révélation venait d'une source interne, Chen étant un influenceur pro-Chine très connu ayant des millions de fans en Chine Continentale.

Dans la vidéo virale, Chen a passé plusieurs coups de fil à des agences de la Chine Continentale, dont l'ancien Taïwanais Li Dongxian, un éditeur du Strait Herald et un contact du Département du Front Uni, qui ont invité Chen à produire d'autres raps pour promouvoir la Chine, critiquer le pouvoir du Parti démocratique progressiste de Taïwan, et amener d'autres influenceurs taïwanais en Chine.

Pendant la conversation téléphonique, les agences chinoises ont mentionné plusieurs influenceurs taïwanais, laissant entendre qu'ils étaient leurs collaborateurs. Chen a promis qu'il fournirait plus d'évidences du soutien de Beijing au réseau d'influenceurs pro-Chine à Taïwan dans une prochaine vidéo à venir.

Alors que la vidéo témoignage de Chen devenait virale, les autorités chinoises ont retiré tous les contenus en ligne liés à Chen des plateformes de réseaux sociaux chinois.

Le Conseil des affaires continentales de Taïwan a publié un communiqué le 8 décembre soulignant:

Sous la Loi contre l'Infiltration, personne n'est autorisé à recevoir des instructions, commissions ou financements venant des forces étrangères hostiles menant des activités qui perturbent l'ordre social, propagent de fausses informations ou interfèrent dans les élections. 

Comme la majorité des influenceurs pro-Chine à Taïwan répandent généralement une image positive de la Chine à travers leurs programmes vidéo sur les échanges culturels entre les deux rives du détroit et les visites touristiques, leurs activités se trouvent dans une zone grise juridique, comme l'a souligné Salome Wang dans Voice Tank, un média de commentaires politiques basé sur Facebook.

Dans un tel contexte, le législateur Puma Shen a suggéré que le renforcement de la loi taïwanaise se concentre sur l'investigation des intermédiaires, tels que les agences de voyage, les gangsters,  les universitaires, les hommes d'affaires, et même les législateurs, qui aident le gouvernement chinois continental dans ses propagandes et établissent un mécanisme permettant au public de signaler les activités de “Front Uni” des influenceurs. 

Or, puisque la liberté d'expression est au cœur de la démocratie de Taïwan, au lieu de faire taire les influenceurs pro-Chine, certains ont suggéré aux utilisateurs des réseaux sociaux de contrebalancer la propagande de la Chine Continentale en diffusant une image positive de la culture et du système politique taïwanais sur les réseaux. Après tout, la résilience de Taïwan face à l'influence de Beijing est également très élevée (74/88), selon le rapport de Freedom House en 2022.

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En RDC, le gouvernement opte pour la peine de mort pour éradiquer le phénomène du banditismehttps://fr.globalvoices.org/?p=292789http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250124_091053_En_RDC__le_gouvernement_opte_pour_la_peine_de_mort_pour_eradiquer_le_phenomene_du_banditismeFri, 24 Jan 2025 08:10:53 +0000Les gangs sont aussi utilisés lors des élections

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des jeunes gangs prisonniers de la RDC en train d'être embarqués vers un camp de redressement ; capture d'écran de la chaîne YouTube de ARTE

En République démocratique du Congo (RDC), la prolifération de gangs juvéniles criminels atteint un niveau sans précédent. Le gouvernement base sa stratégie sur la peine de mort dans sa lutte contre cette violence urbaine.

Dans le pays, le phénomène de banditisme juvénile a un nom: les Kulunas. Il fait référence à des jeunes entre 15 et 30 ans qui s'organisent en bandes armées, menacent, extorquent, mutilent et parfois tuent des citoyens.

Qui sont les Kulunas ?

Le banditisme juvénile se répand en RDC dans les années 1990 durant la troisième décennie du règne de Mobuto Sese Seko, ancien président du pays (1965-1997). A l'origine, il s'agit de jeunes désœuvrés en quête d'un avenir mais qui se retrouvent sans emploi, et donc sans aucun revenu dans des zones urbaines.

À Kinshasa, capitale du pays qui compte aujourd'hui 16 millions d'habitants, ils sont présents dans la plupart des quartiers de cette ville à partir des années 2000, suite à la guerre civile qui débute après la mort de Mobuto Sese Seko. Un rapport d'étude ” Criminels ou justiciers ? Les Kuluna, gangs de République démocratique du Congo ” datant de 2021 de Global Initiative Against Transnational Organised Crime (Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée)  (GI-TOC) témoigne de leur influence et de leur impact dans la société congolaise:

Des banlieues de Kinshasa où la police n’osait pas s’aventurer, les gangs ont progressivement investi les quartiers centraux ainsi que les camps militaires et policiers, recrutant même leurs membres parmi les enfants d’officiers… les enfants de la Police nationale congolaise sont tous des Kuluna.

(…)à l’exception de Gombe au centre-ville où se trouvent les ministères et les ambassades, les gangs Kuluna sont présents partout dans la capitale – en plus grand nombre cependant dans les secteurs pauvres/bidonvilles (Lingwala, Barumbu) et dans les quartiers centraux défavorisés.

La majorité de ces jeunes ont un parcours commun: ils sont souvent abandonnés par leurs familles, en situation de chômage, et de consommation de drogues. Habitués à un mode de vie violent lié à la criminalité, ils sont aussi utilisés par certains partis politiques. Les auteurs du rapport de GI-TOC indiquent que les Kulunas sont particulièrement instrumentalisés en période électorale.

Moyennant quelques rémunérations, ils sont impliqués dans des violences à plusieurs reprises:

Lors des élections de 2006, quand les forces soutenant Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba, adversaires politiques, se sont affrontées, les factions Bemba avaient engagé des Kuluna comme combattants, leur donnant accès à des armes à feu. (…)

Pendant les élections de 2011, les Kuluna ont été recrutés par le parti politique du président sortant, Joseph Kabila, pour semer la terreur parmi les Kinois et attaquer les rassemblements politiques de l’opposition. (…)

De même, entre 2016 et 2018, à l’occasion d’une campagne politique de l’opposition visant à forcer le président Kabila à organiser des élections, les gangs ont été mobilisés par le parti au pouvoir et par la police anti-émeute, qui les ont utilisés comme auxiliaires.

Face au danger public qu'ils représentent, plusieurs opérations ont été menées par les politiques pour les réduire ou les mettre hors d'état de nuire. Mais toutes ont échoué, car force est de constater que la police nationale est souvent complice de ces groupes.

La peine de mort est-elle une solution?

Depuis l'époque coloniale, la peine de mort a été adopté et appliqué en RDC. Les articles 5 et 6 du code pénal le mentionnent:

Art 5: Les peines applicables aux infractions sont : la mort ; les travaux forcés; la servitude pénale; (…)

Art 6 : Le condamné à mort est exécuté suivant le mode déterminé par le Président de la République.

Mais en 2003, cette peine fait objet d'un moratoire dans le pays: la peine est prononcée mais n'est plus exécutée. En mars 2024, Rose Mutombo, ministre de la Justice de l'époque annonce dans une note la levée du moratoire afin de:

(…) débarrasser l’armée congolaise d’une part des traîtres et d'endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entraînant mort d’hommes d’autres part.

Constant Mutamba, nommé à la tête du département ministériel en charge de la justice depuis mai 2024, demeure intransigeant vis-à-vis du sort réservé aux gangs. Dans un message en date du 3 décembre 2024 repris sur le site de Radio Okapi, il déclare:

Nous allons exécuter [appliquer]  la peine de mort contre les Kulunas (gangsters urbains). La commission va lancer l’organisation des procès en flagrance contre tous les Kulunas. Tous ceux qui seront attrapés, jugés et condamnés. Ils seront tous condamnés pour terrorisme, parce les actes qu’ils posent relèvent tout simplement du terrorisme, et seront punis de la peine de mort.

Depuis janvier 2025, près de 300 Kulunas ont été jugés et 127 d'entre eux auraient été condamnés à mort. Devant la presse, le ministre se défend. Dans ses propos repris dans un article de BBC Afrique, il dit:

La plupart de ces jeunes sont des récidivistes qui ont déjà fait à plusieurs reprises la prison. Mais dès qu'ils sortent, ils recommencent les actes de grand banditisme en s'attaquant aux honnêtes citoyens. C'est lorsque dépassées par la situation que les autorités congolaises ont lancé l'opération « Ndobo » (l'hameçon). C'est une opération destinée à juguler le grand banditisme urbain à Kinshasa et dans les autres grandes villes du pays.

Si selon le ministre, la décision actant la condamnation de ces jeunes a été prise, une sortie de Félix Tshisekedi, président de la RDC, le 18 janvier le contredit entièrement. Le message du Président, relayé sur X par un compte dénommé Intelligency, déclare: 

De vives réactions sur la toile

Des réactions allant dans les deux sens inondent la toile congolaise. Des parents proches de certaines victimes des atrocités des Kulunas estiment que l’exécution de ces jeunes gangs est justifiée. C'est l'exemple de cette jeune femme au nom d’Altesse Mulamba. qui écrit sur son compte X:

Mais certains s'interrogent sur la finalité de cette décision, comme ce compte au nom d’Africa Fact Viral:

Les commentaires sous ce post démontrent la forte colère noire que nourrit une partie de la population vis-à-vis des Kulunas.

Au micro de BBC Afrique, Me Peter Ngomo Milambo, avocat au barreau près de la Cour d'Appel de Kinshasa déclare:

(…)ces jeunes seront exécutés. Sinon ce sera une grave atteinte aux droits de l'homme. (…)c'est une manière pour les autorités du pays de leur faire peur, vu les crimes et autres atrocités que commettent ces jeunes dans les grandes villes du pays.

Des ONG de défense des droits de l'homme montent au créneau. Amnesty International interpelle les autorités à cesser le transfert des détenus vers les zones de d'exécution. Sarah Jackson, Directrice régionale adjointe pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe indique sur BBC Afrique:

L'annonce de ces transferts est absolument consternante. Nous craignons des exécutions imminentes, dans un contexte de manque d'informations fiables sur le statut des condamnés.

En octobre 2024, l'organisation a appelé à une annulation de la peine de mort dans le pays.

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Les faux-palmiers, une espèce menacée d’extinction au Burundihttps://fr.globalvoices.org/?p=293043http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250123_091659_Les_faux-palmiers__une_espece_menacee_d___extinction_au_BurundiThu, 23 Jan 2025 08:16:59 +0000La guerre civile de 1993 a aussi joué un rôle dans l'extinction des faux-palmiers

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image des faux-palmiers au Burundi ; Photo de Ferdinand Mbonihankuye, utilisée avec permission

Cet article est publié dans le cadre de la formation sur la justice climatique en Afrique. Il est rédigé par Rénovat Ndabashinze, journaliste burundais.

La dégradation de la biodiversité a des conséquences multiples car toute une chaîne naturelle est interrompue dans un tel processus. Ainsi, plusieurs espèces d'arbres sont fortement menacées et risquent de disparaître de la surface de la terre, y compris en Afrique.

Lors de la COP16 tenue fin 2024 en Colombie, sommet mondial portant sur le changement climatique et la biodiversité, l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN) a révélé que beaucoup d’espèces d’arbres sont menacés d’extinction. Au Burundi, c'est le cas des faux-palmiers qui ont perdu un chaînon essentiel de leur mode de reproduction.

Lire: Au Burundi, le changement climatique transforme la saison des pluies en danger public en zones urbaines

Sans éléphants, pas de multiplication de faux-palmiers

Le faux-palmier est un arbre qui produit des fruits sucrés. Il est présent dans le parc national de la Rusizi situé dans la province de Bubanza, à 15 km au nord de Bujumbura, à la frontière burundo-congolaise. Cet endroit est aussi une zone réservée aux éléphants, mais ceux-ci ont disparu dans les année 90 suite à un conflit armé, ce qui a bouleversé l'équilibre écologique du parc.

En effet, les experts environnementaux estiment que la disparition des éléphants du parc de la Rusizi est à la base de l’extinction des faux-palmiers. Contacté par Global Voices, Albert Mbonerane, ancien ministre de l’environnement et actuellement militant pour la protection de l’environnement indique qu’en se nourrissant des fruits de ces faux-palmiers, les éléphants participaient à la  multiplication de cette espèce endémique. Il explique:

Ces fruits contiennent des graines qu'ils ne pouvaient digérer. Ainsi, ces dernières se retrouvaient dans leurs bouses, ici et là, et redonnaient naissance à de nouveaux arbres. Il y a plus d’une vingtaine d’années, le Burundi comptait plusieurs dizaines d’éléphants dans le parc national de la Rusizi. Mais ce n’est plus le cas.

Lire : Le centre et l'ouest de l'Afrique sont inondés alors que le continent contribue peu au dérèglement climatique

Les éléphants eux aussi sont victimes de conflits armés

Déclenché à la suite du coup d'État contre Melchior Ndadaye, vainqueur des élections présidentielles de juillet 1993, la guerre civile burundaise éclate le 21 octobre 1993 et dure 12 ans, jusqu'en mai 2005. Durant cette période, les éléphants sont tués par des braconniers et des rebelles retranchés dans cette aire protégée. Selon Mbonerane:

Des avions de l'armée régulière pilonnaient souvent des positions rebelles dans cette réserve. A la fin des affrontements, plusieurs squelettes d’éléphants ont été découverts dans ce parc.

C'est aussi l'avis de Léonidas Hatungimana, directeur général de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE) qui précise:

Le dernier éléphant survivant de cette guerre est tué en 2000. Ce sont ces animaux qui étaient, en grande partie, à la base de  la multiplication de ces faux-palmiers.

Lire aussi : Forêts et parcs en RDC et au Burundi victimes de l’infertilité des terres 

Facteurs humains

D’une population de plus de 14 millions d’habitants, le Burundi connaît une expansion démographique d'un taux de croissance de 1,28% en 2023. En 2025, ce taux est projeté à 2,44%. Presque 15 % de la population, soit plus de 2 millions de personnes, vivent dans les zones urbaines.

Cette pression démographique menace également les faux-palmiers. Un habitant de Buringa dénonce, sous anonymat, l’extension de cultures vivrières et industrielles dans les espaces réservés au parc: champs de maïs, de haricots, de manioc, mais aussi de coton ou de cannes à sucre. De plus, selon lui, les riverains récupèrent les graines des fruits des faux palmiers pour les broyer :

La farine est utilisée pour des fins alimentaires ou thérapeutiques. Même ces fruits sont désormais cueillis et consommés par la population. Ce qui limite leur reproduction.

De plus, les faux-palmiers sont une grande utilité dans le mode de vie traditionnel, comme l'explique l'octogénaire Oscar Kabura, riverain de Burunga interviewé par Global Voices :

C’est avec ses feuillages qu’on construit les clôtures de nos maisons. Et les feuillages sont utilisés pour la fabrication des nattes, des paniers, des corbeilles, etc…

Lire également : Au Burundi, les inondations continuent d'affecter les résidents périurbains

De son côté, Anastasie, une riveraine dans la quarantaine, indique qu’elle peut avoir facilement de l’argent pour subvenir aux besoins de sa famille en vendant des corbeilles, paniers fabriqués à base de faux-palmiers. Quant à son apport sur la biodiversité, Anastasie reconnaît que:

Cette espace occupé par les faux-palmiers abritait beaucoup d’espèces animales dans le temps, notamment des antilopes, des lapins, des perdrix, des hippopotames qui y venaient souvent pour brouter, etc… C’est là même que vivaient les éléphants. Mais aujourd’hui, aucun éléphant n’y est présent.

En vue de limiter l’extinction des faux palmiers et de faire venir les touristes, Léonidas Hatungimana, directeur général de l’OBPE dévoile qu’un projet de réintroduction d’éléphants dans les aires protégées dont le parc national de la Rusizi est en cours d’élaboration. Il indique :

Nous avons commandité une étude pour voir si les conditions sont encore favorables à ces gros mammifères.

Lire notre dossier : 

Le rôle crucial que jouent les faux palmiers dans la nature burundaise et dans le quotidien des populations témoigne de l'urgence de rétablir un équilibre des écosystèmes qui permet de combiner protection de l'environnement et sécurité économique.

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Le réchauffement climatique impacte les écosystèmes et les communautés de Madagascarhttps://fr.globalvoices.org/?p=292840http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250122_091447_Le_rechauffement_climatique_impacte_les_ecosystemes_et_les_communautes_de_MadagascarWed, 22 Jan 2025 08:14:47 +0000Plusieurs espèces animales sont menacées d’extinction

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des espèces de lémuriens perchés sur un arbre asséché par manque de pluie à Madagascar ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Al Jazeera English

Cet article est publié dans le cadre de la formation sur la justice climatique en Afrique.

L'île de Madagascar est très riche en biodiversité mais reste particulièrement vulnérable aux dégâts causés par le réchauffement climatique qui a des effets dévastateurs sur les écosystèmes et les communautés locales.

En raison de sa position géographique et de son isolement, Madagascar abrite une faune et une flore uniques, avec plus de 80 % de ses espèces  qui sont endémiques, comme le présente cette publication du média Brut Nature sur son compte X:

Lire : Au Burundi, le changement climatique transforme la saison des pluies en danger public en zones urbaines

Cependant, l'élévation des températures, les perturbations des régimes de précipitations et l'augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles mettent gravement en danger cette biodiversité exceptionnelle et les moyens de subsistance des populations locales.

Écosystèmes en péril et secteur agricole perturbé

Les écosystèmes forestiers malgaches sont particulièrement menacés. La sécheresse prolongée et les incendies de forêt, exacerbés par le réchauffement climatique, entraînent une réduction rapide des habitats naturels.

Les conséquences de la déforestation comme l'agriculture sur brûlis (tavy), l'exploitation illégale de bois précieux contribuent à la perte massive des forêts. En janvier 2021, le WWF a publié un rapport scientifique intitulé « Les fronts de la déforestation : moteurs et réponses dans un monde en mutation », offrant une analyse approfondie des causes de la déforestation et des solutions possibles à l’échelle mondiale. Le rapport identifie 24 « fronts de déforestation » dans le monde, des régions où la déforestation est particulièrement intense et où les forêts restantes sont gravement menacées. Madagascar figure parmi ces 24 fronts critiques.

Entre 2004 et 2017, l’île a perdu environ 700 000 hectares de forêts, principalement localisés dans les zones de l’est et de l’ouest. En 2020, d'après les données du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, plus de 60 000 foyers d'incendie ont été recensés dans les zones forestières de Madagascar. Entre 2002 et 2023, Madagascar a perdu environ 1,08 million d'hectares de ses forêts tropicales humides primaires.

Sur le plan socio-économique, les communautés locales ressentent fortement l'impact du changement climatique. L’agriculture, qui contribue à un quart du produit intérieur brut, constitue la principale source de subsistance pour la majorité de la population en employant environ 80 % des actifs , est particulièrement vulnérable aux variations climatiques. Les sécheresses plus fréquentes réduisent la productivité des cultures vivrières et menacent la sécurité alimentaire. Au total, d’après un rapport du WWF publié en 2019, 53 % des aires protégées terrestres de Madagascar sont particulièrement vulnérables au changement climatique, principalement en raison de la perte d’habitats naturels causée par la déforestation.

De plus, l'accès à l'eau potable devient de plus en plus difficile dans certaines régions, plus particulièrement au Sud de Madagascar, exacerbant les risques de maladies. La santé humaine est également affectée avec la pollution de l’air.

Par ailleurs, les récifs coralliens, cruciaux pour l'équilibre des écosystèmes marins et pour la pêche locale, sont gravement affectés par le blanchissement des coraux – lorsque la température de l'eau augmente au-delà de ce que les coraux peuvent tolérer, les algues sont expulsées, laissant le corail avec son squelette blanc, d'où le terme “blanchissement” – dû à l'augmentation des températures de l'eau. Or ces récifs servent de nurseries pour de nombreuses espèces de poissons, et leur dégradation réduit la biodiversité marine et affecte la sécurité alimentaire des communautés côtières.

Lire aussi : Le centre et l'ouest de l'Afrique sont inondés alors que le continent contribue peu au dérèglement climatique

Menaces directes sur la biodiversité

Souvent qualifiée de “hotspot de biodiversité“, en raison de sa biodiversité exceptionnelle en faune et flore uniques, les menaces environnementales majeures pèsent énormément sur cette richesse naturelle du pays.

En altérant les habitats naturels et en perturbant les cycles biologiques, les activités humaines mettent en danger cette richesse biologique. Madagascar est le foyer d'espèces emblématiques comme les lémuriens, les caméléons et le baobab. Ses écosystèmes variés, allant des forêts tropicales humides de l'est aux zones arides du sud, les mangroves et les récifs coralliens jouent un rôle vital dans le maintien de l'équilibre écologique et des moyens de subsistance locaux, mais ils sont confrontés par des menaces sans précédent, avec un score de 4,69 sur 5 dans le Rapport Ecological Threat 2024.

Une vidéo du média Le Monde Afrique intitulée “A Madagascar, 95 % des espèces de lémuriens menacés d’extinction” illustre cette menace :

 

Parmi les principales menaces à la biodiversité, on retrouve l’usage excessif de pesticides, qui contaminent les sols et les eaux, mettant en péril les pollinisateurs et d’autres espèces essentielles. En outre, le réchauffement climatique, accompagné de la pollution chimique, plastique et sonore, crée un environnement hostile pour de nombreux êtres vivants, accentuant le risque d’extinction.

La disparition d’espèces endémiques Malgache  joue également un rôle déstabilisateur car chaque espèce participe à des interactions vitales. Les conséquences de cette perte pour l'humanité sont graves et directes, touchant différents aspects de la vie quotidienne des Malgaches.

Enfin, les impacts économiques et sociaux de la perte de biodiversité se font sentir dans divers secteurs, tels que le tourisme et la pêche, qui dépendent de la richesse des écosystèmes.

Solutions et actions pour la préservation de la biodiversité

Pour lutter contre la perte de biodiversité, des actions globales et politiques sont essentielles. En 1995, Madagascar a ratifié la Convention sur la diversité biologique (CDB), visant à promouvoir la conservation des écosystèmes et la protection des aires marines et terrestres. Ces accords encouragent les pays à prendre des mesures pour préserver les habitats naturels et endiguer les pratiques nuisibles.

Face à la déforestation qui menace cette richesse naturelle du pays, certains adoptent des mesures innovatrices, comme en témoigne ce reportage de Tv5monde:

Lire notre dossier : 

La situation environnementale à Madagascar souligne l'urgence d'une action internationale et locale pour atténuer les effets du réchauffement climatique. Le principal défi est de trouver des solutions qui protègent les écosystèmes malgaches mais assurent aussi des moyens de subsistance résilients pour ses habitants.

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Sommet 2024 de Global Voices : où sont passés tous les blogueurs?https://fr.globalvoices.org/?p=292867http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250121_162240_Sommet_2024_de_Global_Voices____ou_sont_passes_tous_les_blogueurs_Tue, 21 Jan 2025 15:22:40 +0000« J'ai suivi la mutation complète de l'espace numérique »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Ethan Zuckerman cofondateur de Global Voices anime la table ronde « Où sont passés tous les blogueurs ? » lors du Global Voices Summit 2024 à Kathmandu au Nepal le vendredi 6 décembre 2024. Photo reproduite avec l'autorisation de l'auteur Rasha Abdulla.

Lors de la première journée publique du Global Voices Summit 2024, qui s’est tenue à Katmandou au Nepal, une question relative à la composition du paysage numérique actuel a été posée : Où sont passés tous les blogueurs ? A la naissance de Global Voices (GV) il y a vingt ans, les blogs étaient à leur apogée. Ces plates-formes d'édition indépendantes et personnelles semblaient destinées à perdurer — du moins jusqu'à ce que les réseaux sociaux et les sites de microblogging commencent à s’imposer. Cette évolution, ainsi que les changements dans les algorithmes de référencement et la tendance des marques et des entreprises de médias à s'approprier le ton et le style des blogs, ont eu pour effet de réduire l'influence et le nombre des blogueurs individuels.

Au cours d'une conversation animée par Ethan Zuckerman, cofondateur de GV, le premier blogueur du Népal Dinesh Wagle ; la créatrice du blog Newsmericks en Inde, Aparna Ray ; l'activiste philippin et ancien jeune politicien, Mong Palatino ; et la directrice générale de GV Georgia Popplewell, originaire de Trinité-et-Tobago, ont discuté de l'évolution de leur carrière de blogueurs et de l’impact du déclin des blogs sur la richesse de l'espace numérique.

Zuckerman a été le premier à admettre l’attachement affectif spécial qu’il entretenait pour les blogs. En 2004, Rebecca MacKinnon cofondatrice de GV et lui étaient chercheurs invités à l'université de Harvard. Ils sont tombés sur le site BloggerCon et ont commencé à s’interroger sur le potentiel de facilitation des conversations internationales des blogs. Leur curiosité a été satisfaite avec Global Voices, qui, dans sa première itération, était essentiellement un agrégateur de blogs ayant même réussi à recruter quelques talents, en partie du fait de leur connaissance des blogs à suivre. « Au cours des vingt dernières années, explique M. Zuckerman, la technologie en ligne des blogs a perdu sa position dominante pour devenir marginale.

Les blogs ont évolué au fil du temps, rendant l'espace en ligne dans lequel les gens s'expriment plus précieux que jamais. Bien qu'ils n'aient pas tout à fait disparu, la présentation actuelle des blogs diffère des versions précédentes d’une vingtaine d’années. Qu'est-ce qui rend les blogs si intéressants et si spéciaux ? Leur charme et leur puissance sont-ils liés à la technologie ? À un style d'écriture ? Les communautés qu'ils ont réussi à créer ? Et qu'avons-nous perdu – ou gagné – dans la transition vers les plateformes en ligne actuelles ?

Les différents parcours menant au blogging

Dinesh Wagle, journaliste népalais et premier blogueur du pays, participe à la table ronde sur les blogs lors du Global Voices Summit 2024 à Katmandou, au Népal, le vendredi 6 décembre 2024. Photo avec la permission de Pei-Chi Chang.

En 2004, Wagle était journaliste au Népal couvrant les domaines de la technologie, de la musique et des arts. Les articles ne correspondant pas tout à fait au cadre médiatique traditionnel pour lequel il travaillait ont été publiés sur le blog qu'il a créé. Une année plus tard, le Roi Gyanendra a plongé le pays dans une crise politique en déclarant l'état d'urgence, en limogeant le gouvernement et en s'appropriant tous les pouvoirs . Les salles de rédaction ont été temporairement fermées ; lorsqu'elles ont été autorisées à fonctionner, des soldats étaient présents.

Enfin, une fois l'internet rétabli, les gens ont commencé à s'appuyer sur les blogs pour exprimer leurs opinions. Réunis dans un acte de volontariat, les blogueurs sont devenus partie intégrante de la définition de l'agenda politique du pays. Des individus ont soudain exigé des comptes aux hommes politiques. Dans le cadre de cette mission collective de restauration de la démocratie, le lien entre les blogs et le journalisme a commencé à être établi.

En revanche, Ray a créé son blog de chronique de ses pensées personnelles. Travaillant à l'intersection des sciences sociales, de la technologie et de l'innovation, elle s'est également retrouvée à bloguer sur des questions de développement international, , à bloguer en bangla et, enfin, à adopter le format du limerick pour commenter intelligemment les articles d'actualité afin d'attirer l'attention des lecteurs dont la durée d'attention se réduit comme peau de chagrin.Pour Ray, qui a rejoint GV en 2006 avec l'idée de créer un blog-passerelle, ce format offre la possibilité de « comprendre les gens en tant que tels » : « L'écriture était le moyen de se rapprocher les uns des autres et d'être un monde connecté.”

Au bout d'un certain temps, cependant, les gens ont commencé à se rendre sur des plateformes comme Instagram plutôt que sur des blogs. « Pour s'exprimer », conseille Ray, « il faut se sentir à l'aise avec le support », qui est devenu plus visuel à mesure que les gens se tournaient vers les vidéos, et les utilisateurs ont commencé à écrire sur des groupes Facebook et à croiser leurs contenus.

« Aller là où se trouvent les gens »

Aparna Ray, qui anime le blog indien Newsmericks. Ray participe au panel sur les blogs lors du Global Voices Summit 2024 à Katmandou, au Népal, le vendredi 6 décembre 2024. Photo reproduite avec l'autorisation de l'auteur Pei-Chi Chang.

En 2004, la rédaction de longs articles était le contenu le plus facile à créer. En 2007, Twitter était arrivé ; les smartphones n'arriveraient qu'un peu plus tard. Les blogueurs étaient confrontés à un dilemme : suivre leur instinct d'écrivain ou suivre les gens sur les nouvelles plateformes qu'ils fréquentaient.

Selon Ray, il s'agit d'une arme à double tranchant. « Nous devons aller là où les gens se trouvent, mais dans les formats courts, on ne peut pas donner de contexte et on ne peut pas établir de lien ». En même temps, elle admet que le fait d'écrire individuellement limite également l'audience. La profondeur de l'information est néanmoins importante.

Palatino, qui a été l'un des premiers à tweeter en direct depuis le parlement philippin, explique que l'accessibilité des blogs – et l'interaction dans les sections de commentaires – ont permis d'amplifier les voix, de créer un contenu attrayant, d'attirer de nouveaux publics et d'établir des liens.« Il s'agit de bâtir une communauté », explique-t-il, en particulier dans le contexte de la menace de la désinformation et du défi de l'accès.

Les blogs c’est aussi une affaire de communautés et de relations

La directrice générale de Global Voices Georgia Popplewell, qui a lancé le premier podcast des Caraïbes, participe à la table ronde sur les blogs durant le Global Voices Summit 2024 à Katmandou, au Népal, le vendredi 6 décembre 2024. Photo reproduite avec l'autorisation de l'auteur Pei-Chi Chang.

Alors pourquoi les gens ont-ils cessé de bloguer ? Pour Mme Popplewell, cela s'explique en partie par le changement du paysage. « Le monde pour lequel je m’étais engagée est différent de celui-ci » affirme-t-elle en riant. Lorsqu'elle a lancé Caribbean Free Radio, le premier podcast des Caraïbes, en 2005, le seul domaine dans lequel cette productrice et rédactrice agnostique ne s'était pas encore aventurée était celui du son. « J'ai été séduite par le podcasting », dit-elle.

Avant l'avènement des médias sociaux, se souvient Mme Popplewell, si vous faisiez une recherche sur Trinité-et-Tobago ou même sur les Caraïbes, des images prévisibles apparaissaient : Le Carnaval, les plages, certains genres musicaux, comme le calypso, le soca et le reggae. Pour elle, la baladodiffusion représentait une chance de diversifier l'image numérique de sa région. Dans l'espace digital actuel, les images de carnaval et de plages se multiplient, avec en toile de fond un engagement auquel Popplewell ne veut pas participer : « J'ai vu l'espace changer de fond en comble.

Nouvelles sphères d'inspiration

Mong Palatino, rédacteur régional de Global Voices pour l'Asie du Sud-Est et ancien jeune politicien, participe au panel sur les blogs lors du Global Voices Summit 2024 à Katmandou, au Népal, le vendredi 6 décembre 2024. Photo reproduire avec l'autorisation de l'auteur Pei-Chi Chang.

M. Zuckerman se souvient des blogs du début des années 2000 comme d'une « période de surprise et de sérendipité » où l'on découvrait et l’on se connectait à des espaces inattendus. Alors, dans l’espace numérique actuel , quelle est la source d’inspiration des anciens blogueurs ?

Pour Ray, il s'agit de Rising Voices de GV (RV). Dans son pays, l'Inde, qui ne supporte pas TikTok, Ray explique que de nombreux jeunes s'expriment dans des bobines et sur des plateformes comme Substack et Instagram. « Sur les médias sociaux, les gens s'expriment », ajoute-t-elle, « mais je ne suis pas sûre que ce soit la même chose [que les blogs] ».

Pour Wagle, pour qui son métier dicte souvent ses habitudes en matière de médias sociaux , c'est YouTube: : « J'essaie de ne pas laisser les algorithmes me dicter ce que je vois. J'aime garder le contrôle. Dans le même ordre d'idées, M. Zuckerman a fait remarquer que ‘les blogs n'étaient pas algorithmiques’. Une grande partie de la découverte que les blogs offraient auparavant par le biais de bobines de blogs et simplement en observant les blogs auxquels vos blogueurs préférés étaient abonnés a maintenant été confiée aux algorithmes, a-t-il déclaré“ ».

Palatino trouve son inspiration dans la lecture quotidienne de GV . « On s'intéresse davantage à ce qui se passe dans les différentes parties du monde », explique-t-il. « Cela apporte de nouvelles perspectives [ce qui] est précieux. Nous pouvons appliquer l'état d'esprit d'autres sociétés pour résoudre nos propres problèmes ». En ce qui concerne les nouvelles voix philippines, Palatino suit l'exemple de ses enfants : « Il est important d'offrir aux jeunes l'espace nécessaire pour exprimer leurs opinions et de découvrir où ils se situent ».

En attendant, selon Popplewell, la plupart des conversations en ligne, du moins dans les Caraïbes anglophones, se déroulent toujours sur Facebook, tandis que les jeunes sont sur TikTok, dont une grande partie du contenu est réutilisée sur Instagram par le biais de bobines. « L’humour est omniprésent », dit-elle, et bien que ces nouvelles plateformes ne constituent pas un espace politique au sens classique du terme, les commentaires sur les relations hommes-femmes et d'autres sujets urgents sont mis en avant de manière intéressante et performative. Je suis impatiente », admet-elle, « mais c'est là et c'est assez fluide ».

Remédier aux lacunes technologiques

Dans ce contexte, comment les membres du panel compensent-ils leurs lacunes pour faire de la place à l'émergence des médias dans différents espaces? « Il est difficile de suivre le rythme », admet M. Wagle, citant le nouveau challenger de X/Twitter Bluesky. À un moment donné, il faut essayer de localiser l’audience , mais aussi se laisser guider par l'intérêt personnel du « pourquoi ».

Bien que Ray ne soit pas tout à fait à l’aise avec la perspective de voir ces plateformes devenir « son espace », elle estime qu'il est « important de reconnaître que les choses changent et que, pour atteindre un public plus large, nous devons également changer”

La mission de GV demeure immuable

Depuis l'époque où les blogs occupaient un espace à l'intersection de l'expression personnelle et politique jusqu'à la diversité de l'espace numérique actuel, comment la communauté GV s'adapte-t-elle à ce présent où les gens continuent de s'exprimer et d'agir politiquement, même si c'est sous des formes différentes?

Mme Popplewell attire l'attention sur les nouveaux contenus diffusés par Rising Voices (RV), dont une grande partie est rédigée dans des langues autres que l'anglais. Elle qualifie cette initiative d'« épicentre de l'innovation ». RV produit beaucoup de contenu vidéo et la communauté fait preuve «d'un talent et d'un dynamisme immenses»

En termes d'élargissement de la portée et de l'amplification, Palatino pense qu'«il y aura toujours un besoin pour une plateforme qui fournit un contexte aux lecteurs». Une mise en garde s'impose toutefois: « Il faut participer pour être en mesure de fournir un cadre ». Il est important d'être présent dans ces espaces, estime-t-il, « mais aussi dans les espaces où l'intention est de manipuler l'information ».

Wagle partage cet avis ayant bénéficié de la plateforme Global Voices, qui lui a donné une audience mondiale, d'autant plus que son contenu a été traduit dans différentes langues et qu'il a contribué à mettre en lumière des groupes marginalisés.

« Étant donné que tout le monde s'exprime de manière brève, ajoute Ray, il n'y a pas beaucoup de place pour l'explication. Il s'agit plutôt d'une sorte de tricotage à partir de messages instantanés pour offrir une compréhension globale. [Global Voices] tricote l'ensemble du tissu ».

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Se réapproprier l'avenir de la technologie par l'art, l'imagination et les expériences vécueshttps://fr.globalvoices.org/?p=292945http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250121_150208_Se_reapproprier_l_avenir_de_la_technologie_par_l_art__l_imagination_et_les_experiences_vecuesTue, 21 Jan 2025 14:02:08 +0000Les artistes allapopp et Dinara Rasuleva discutent de la décolonisation de la technologie et de l'imagination de futurs enracinés dans les cultures migrantes.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration de Zena El Abdalla. Utilisée avec permission.

Cette interview fait partie d'un partenariat médiatique entre Disruption Network Lab, UntoldMag et Global Voices. Vous pouvez en savoir plus sur cet événement dans ce dossier sur UntoldMag ou regarder les panels sur la chaîne YouTube du Disruption Network Lab.

Organisée dans le cadre de la conférence « Hacking Alienation : Migrant Power, Art & Tech » par Disruption Network Lab, cette conversation se penche sur les intersections entre l'art, la technologie et la politique, en mettant l'accent sur l'autonomisation de ceux qui sont confrontés à une aliénation systémique. Cet événement de deux jours visait à explorer comment les médias et la technologie peuvent créer de nouvelles formes d'action politique, en contournant les systèmes traditionnels d'exclusion. Au travers d'ateliers, de conférences et de discussions, la conférence a abordé la manière dont les interventions artistiques peuvent contribuer à la réimagination des villes et des espaces numériques, permettant ainsi à « ceux qui n'ont pas de droits de citoyenneté et qui subissent une aliénation systémique due à la guerre, aux conflits politiques ou à d'autres sources d'oppression » de façonner leur avenir.

Un atelier, dirigé par l'artiste des médias numériques allapopp et la poétesse Dinara Rasuleva, a permis de déconstruire les récits technologiques dominants, en mettant l'accent sur les expériences de ceux qui sont souvent exclus de la matrice technologique et sur la manière dont les voix marginalisées peuvent recadrer leurs propres histoires et reprendre le pouvoir en imaginant l'avenir. Cet entretien s'inscrit dans le prolongement de cette discussion et offre un aperçu des intersections entre la technologie, le colonialisme et l'art en tant qu'outils de participation politique et de libération.

L'artiste interdisciplinaire allapopp, basée à Berlin et originaire du Tatarstan, intègre l'expérience post-soviétique, queer et migrante dans une pratique artistique critique, fusionnant la performance, l'apprentissage automatique et l'art numérique pour envisager de nouveaux mondes. Dinara Rasuleva, poétesse originaire de Kazan, au Tatarstan, écrit en plusieurs langues et aborde les thèmes de la décolonisation et du féminisme par le biais de la poésie expressionniste et de la performance. Ensemble, elles explorent comment les technologies de contrôle peuvent être subverties et comment la narration peut aider à imaginer des futurs alternatifs.

Dans cet entretien, ils abordent des questions essentielles : Qui peut raconter l'histoire de l'avenir quand le présent est en train de se fracturer ? Comment la technologie peut-elle être libérée de son héritage colonial et utilisée à des fins de libération ? Comment envisagent-ils que leur travail contribue à des luttes plus larges pour la justice, et quel rôle l'imagination joue-t-elle dans l'élaboration de ces futurs ?

Walid Houri (WH) : La technologie et le colonialisme se sont souvent entremêlés, les technologies de la violence alimentant l'oppression et l'effacement d'innombrables peuples. Comment la technologie peut-elle être libérée de cet héritage et utilisée comme un outil de libération ?

allapopp : Je pense que la technologie et le colonialisme sont profondément liés. Les technologies humaines, leur objectif, leur fonction et leur conception sont le reflet des sociétés humaines. Le colonialisme et ses implications sont une réalité présente pour beaucoup, certains en bénéficient, d'autres en souffrent. Dans certains domaines, comme dans l'espace trans-soviétique, la conversation sur le passé colonial et le présent n'en est qu'à ses débuts. Si le spectre du colonialisme est la réalité actuelle de la vie humaine, il est aussi profondément ancré dans la technologie humaine. Je pense que la conversation ne doit porter sur les technologies elles-mêmes, mais sur les personnes au pouvoir qui créent des technologies et les appliquent de la manière la plus horrible qui soit. En tant que personne qui n'a pas accès au pouvoir ou à l'influence, j'essaie de penser à la technologie à long terme et d'imaginer ce qu'elle pourrait être si nous avions la possibilité de la refaire à partir de zéro. Là où ça commence, là où ça pourrit ?

Le Manyfesto sur l'IA décoloniale est une grande source d'inspiration pour moi, car il met en évidence le caractère colonial des technologies de l'IA. Par exemple, pourquoi le code est-il écrit en anglais ? Le manifeste critique le langage normatif occidental de l'IA « éthique » et les suggestions d'« inclusivité », parce qu'ils ne s'attaquent pas aux asymétries de pouvoir, mais les reproduisent. En effet, que signifie l'inclusivité ? Qui est en mesure d'inclure (et d'exclure) qui ?

Les principes de justice en matière de conception (Design Justice Principles) de Sasha Costanza-Chock m'ont ouvert les yeux, car ils soulignent que la technologie doit être conçue en tenant compte de l'avis des communautés qu'elle dessert. Lors de la conférence Hacking Alienation du Disruption Network Lab, Anna Titovez Intekra a montré comment les communautés de migrants en Allemagne utilisent Telegram et Google Maps plutôt que des applications spécialisées développées par des ONG, car elles répondent mieux à leurs besoins réels. Bien sûr, ces services collectent les données des utilisateurs, ce qui n'est pas non plus une solution. Mais c'est un bon exemple du fait qu'il n'y a souvent que deux options à choisir : la facilité d'utilisation ou la protection de la vie privée. Les principes de la justice en matière de conception indiquent également comment créer des technologies durables et non exploitantes pour le monde naturel (dont les humains font partie), et réellement bénéfiques pour les personnes qui les utilisent. Nous devons cesser de considérer les technologies comme des outils et commencer à les voir comme une expression humaine.

Enfin, j'aimerais souligner le travail du collectif Dreaming Beyond AI, dont le travail féministe intersectionnel crée des espaces pour imaginer au-delà de ce que nous comprenons comme l'IA et la technologie. Je recommande vivement de consulter leur site web. Ils se concentrent sur les pratiques féministes de construction de communautés et de fourniture d'espaces et de moyens pour subvenir à leurs besoins pendant qu'ils imaginent et rêvent (au-delà de l'IA) et ne se contentent pas de travailler pour couvrir leurs frais de subsistance. Parce que lorsque vous vivez avec l'expérience de la marginalisation, il est vraiment difficile de prendre le temps de rêver d'un avenir alors que vous êtes occupé à survivre.

En résumé, pour moi, se réapproprier les technologies signifie remettre en question les asymétries de pouvoir et envisager ses propres technologies. C'est la première étape de ce processus de récupération.

WH : « Qui peut raconter l'histoire de l'avenir quand le présent s'effondre et que le passé est un mensonge ? » Comment l'imagination d'un futur peut-elle contribuer à la libération et à la lutte pour la justice ?

allapopp: Aujourd'hui, lorsque je pense à l'avenir, une image très particulière me vient à l'esprit. Ruha Benjamin souligne qu'il n'y a que deux récits sur la technologie : soit elle nous sauvera, soit elle nous tuera. Il y a la version hollywoodienne – dystopique, où l'IA et les robots prennent le pouvoir, où il y a des retombées atomiques, des guerres mondiales, où les humains sont éliminés. Ces superproductions dystopiques font vendre beaucoup de billets. Il y a aussi la version de la Silicon Valley, utopique, où la technologie résout tous les problèmes humains, où le changement climatique est résolu et où tout le monde est heureux et en bonne santé. Cette vision aide à vendre des gadgets et des services. Les deux récits sont ancrés dans la culture américaine, comme l'a fait remarquer Sarah Wachter, éthicienne de l'IA : bien que « 96 % du monde ne vive pas aux États-Unis, nos outils et plateformes numériques sont principalement basés sur les coutumes, les valeurs et les lois américaines ». Je me demande pourquoi nous n'avons que ces deux histoires ?

Au cours de mes recherches, j'ai réalisé que les cultures autochtones, marginalisées et opprimées se concentrent souvent sur la préservation de leur passé parce que leur existence est menacée en tant qu'implication directe du colonialisme. Si la préservation est importante, cela signifie que notre regard est souvent fixé sur le passé et non sur l'avenir. Bien sûr, certaines cultures ne fonctionnent pas avec des temporalités telles que le futur, le passé et le présent, mais le courant dominant le fait et ses histoires deviennent des prophéties qui se réalisent d'elles-mêmes.

Nous devons commencer à raconter des histoires différentes sur notre (nos) avenir(s) qui proviennent de visions du monde, d'expériences et de perspectives marginalisées. Ces récits peuvent nous aider à sortir de la dualité dystopie-utopie et à rendre possibles d'autres types de technologies et, en fin de compte, un autre type de monde.

WH : Comment envisagez-vous les différents avenirs possibles en tant que pratique politique et artistique façonnée par vos propres histoires et contextes ?

allapopp: Pour moi, les pratiques artistiques et politiques sont indissociables. Venant d'un milieu marginalisé, je ne peux pas faire de l'art pour l'esthétique quand il y a tant de déséquilibres et d'injustices autour de moi. J'utilise ma pratique artistique pour mettre en lumière ces questions.

Lorsque j'envisage différents avenirs possibles, j'essaie d'impliquer ma propre histoire et mon contexte, mais c'est un défi, en particulier lorsque je travaille avec la technologie. En entrant dans le domaine de la technologie, on est confronté à une esthétique et à des récits spécifiques de l'avenir – des récits façonnés par certaines logiques, expériences et perspectives qui, souvent, ne représentent pas les miennes. En tant qu'artiste, j'essaie maintenant de m'enraciner dans ma culture, mais je dois faire beaucoup d'efforts pour surmonter l'oppresseur intériorisé qui me dit que mes visions ne sont pas assez « technologiques » ou « pertinentes ».

La méthode de l'« esthétique décoloniale » est très utile ici ; elle me permet de me connecter à ma culture tout en entrant dans le domaine technologique. Par exemple, mon mélange culturel d'origine est très analogique, enraciné dans les connexions, les textures, les odeurs et les aliments. Il n'est pas efficace, optimisé ou élégant comme la technologie que nous voyons aujourd'hui. On est loin du récit dystopique du contrôle ou de la vision utopique de corps parfaitement optimisés. L'avenir technologique non dystopique ressemble à ces corps parfaits, semblables à ceux de l'iPhone : tout doit être efficace, épuré et optimisé pour s'adapter à un monde qui s'accélère.

Je suis critique à cet égard car je me demande si c'est l'avenir que nous voulons – un avenir où tout est plus efficace et unifié ? La singularité, telle qu'imaginée par le transhumanisme, pourrait signifier l'alignement entre les humains et la technologie, mais c'est aussi une question de pouvoir. Tout le monde ne sera pas invité à accéder à ce pouvoir ; la plupart seront laissés pour compte. L'utopie des transhumanistes est une dystopie pour les autres.

Nous vivons déjà cette réalité aujourd'hui, où les sociétés occidentales profitent des technologies de l'IA tandis que les travailleurs du Sud effectuent des travaux sous-payés et traumatisants pour les maintenir. Cette inégalité est ancrée dans nos systèmes technologiques et montre que si nous ne changeons pas d'approche, la technologie continuera à reproduire et à renforcer ces structures de pouvoir. En tant qu'artiste, mon défi est donc d'envisager des avenirs différents qui s'écartent de ce qui est considéré comme technologique et de la manière dont la technologie est fabriquée et utilisée. À l'heure actuelle, c'est un endroit très abstrait.

WH : Comment l'acte d'imaginer des futurs alternatifs peut-il relier diverses expériences à travers les géographies ? Comment vos efforts créatifs et politiques s'inscrivent-ils dans les différentes luttes de libération et anticoloniales, et quelles sont les nuances culturelles ou géopolitiques spécifiques que vous apportez ?

Dinara Rasuleva (DR) : En réfléchissant à la perte de ma langue maternelle et de ma culture, et à la crise d'identité qui en résulte – que je sois tatare, russe ou même allemande – j'ai lancé l'expérience poétique Lostlingual, et j'ai été approchée par de plus en plus de personnes partageant des expériences similaires, ce qui a donné lieu à des laboratoires d'écriture et maintenant à une collaboration avec allapop – des laboratoires d'anticipation décoloniale. Beaucoup d'entre nous, à cause de la colonisation ou de la répression, ont été déconnectés de leurs racines. En nous réunissant, nous avons commencé à envisager un avenir où nos langues et nos cultures ne se perdent pas, mais évoluent avec nous.

Le fait de partager ces expériences crée un profond sentiment d'autonomisation et d'appartenance, qui nous fait nous sentir vraiment compris et inclus. Je me suis vite rendu compte qu'il ne s'agissait pas seulement de culture, mais aussi d'intersectionnalité, de féminisme, d'homosexualité et de classe sociale. Nous envisageons des avenirs où nos cultures ne sont pas seulement libérées de diverses contraintes, mais aussi des éléments que nous choisissons consciemment de laisser derrière nous – comme le patriarcat, l'homophobie ou l'exclusion. Nous avons le pouvoir de créer n'importe quoi : d'inventer des langues et des littératures qui ne sont liées à aucun discours rigide, intellectuel ou institutionnalisé.

Si nous sommes issus de la classe ouvrière, nous pouvons adopter un langage simple et accessible dans la littérature. Il s'agit de reconnaître les nuances de nos expériences et de façonner un avenir qui honore ce que nous apprécions et de réinventer nos cultures, nos mythologies, nos religions, nos traditions pour nous assurer que nous les apportons à l'avenir tout en les rendant inclusives et bienveillantes.

WH : Vous préconisez d'encourager l'imagination décoloniale à travers l'art, les histoires et l'engagement expérientiel. Comment l'art et la culture peuvent-ils remettre en question et remodeler les récits relatifs aux technologies de l'IA ?

DR : L'art et la culture ont la capacité de remettre en question et de remodeler les technologies en servant de forme de résistance et de revendication. Dans nos ateliers, nous visons à créer des environnements où les voix marginalisées peuvent se réapproprier leurs récits. Par le biais de petits exercices d'imagination, nous explorons la manière dont l'IA pourrait être considérée non pas comme un système fixe, mais comme une forme de construction d'un monde où différents éléments interagissent. Cela peut être désordonné, non conventionnel et parfois même dysfonctionnel, ce qui est exactement ce que nous visons – fournir un antidote à la logique d'optimisation et aux déséquilibres de pouvoir que les technologies de l'IA perpétuent souvent.

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Les réfugiés TikTok américains peuvent-ils trouver asile sur le réseau social chinois Xiaohongshu ?https://fr.globalvoices.org/?p=293046http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250121_132523_Les_refugies_TikTok_americains_peuvent-ils_trouver_asile_sur_le_reseau_social_chinois_Xiaohongshu__Tue, 21 Jan 2025 12:25:23 +0000Les échanges entre Américains et Chinois brisent la glace mais sont biaisés car les utilisateurs s'autocensurent.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des dizaines de milliers de TikTokers ont afflué sur Xiaohongshu, alias Rednote, une plateforme populaire de réseaux sociaux chinois de type Instagram, quelques jours avant l'entrée en vigueur, le 19 janvier 2025, de l'ultimatum « interdire ou vendre » lancé par le gouvernement américain à TikTok. 

Le décret, signé par l'administration Biden en avril 2024, exige que la société mère chinoise de TikTok, ByteDance, vende ses activités américaines à une société non chinoise, faute de quoi elle sera interdite, pour des raisons de sécurité nationale. Bien que ByteDance ait fait appel auprès de la Cour suprême des États-Unis, arguant que l'interdiction est contraire à la liberté d'expression et jugée inconstitutionnelle, la Cour a exprimé sa préférence pour le maintien de l'interdiction lors d'une audience qui s'est tenue le 10 janvier 2025.

TikTok compte 170 millions d'utilisateurs aux États-Unis, ce qui équivaut à la moitié de la population américaine.
L'administration Biden a exprimé sa crainte que Pékin n'utilise l'application pour voler les données des utilisateurs, diffuser de la propagande et manipuler l'opinion publique aux États-Unis, des employés chinois de ByteDance ayant
révélé qu'ils pouvaient accéder aux données des utilisateurs de TikTok depuis la Chine continentale.

Des échanges pour briser la glace

À l'approche de l'entrée en vigueur de l'interdiction et de l'arrêt de la Cour suprême, ByteDance encourage les utilisateurs de TikTok à migrer vers Lemon8, une version à l’étranger de Xiaohongshu développée par ByteDance pour le partage de contenu de style de vie, car la version en Chine de TikTok, Douyin, ne peut être téléchargée que via les app stores chinois et la plateforme doit se conformer à la législation de la Chine continentale.

Toutefois, de nombreux utilisateurs ont décidé de se retrouver directement sur le site Xiaohongshu, basé à Shanghai, pour protester contre le décret du gouvernement américain en soumettant volontairement leurs données privées à une application chinoise. Ils s'appellent eux-mêmes les « réfugiés TikTok »

Stupéfaits par l’afflux soudain de milliers de TikTokers américains sur la plateforme, les utilisateurs chinois de Xiaohongshu accueillent cependant chaleureusement les nouveaux venus, les actes amicaux consistant à partager des photos de chats et des blagues et à s'aider mutuellement à faire leurs devoirs brisent la glace :

Les nouveaux arrivants sont impatients de raconter à leurs homologues chinois les raisons de leur migration vers Xiaohongshu:

Capture d'écran de Xiaohongshu. Utilisation équitable.

Ensuite, ils commencent à poser des questions telles que «À mes nouveaux amis chinois, que pensez-vous vraiment des Américains ?» ou « Pouvez-vous me recommander un film chinois ? » ou «À quels jeux vidéo jouez-vous tous ?»

Des échanges autocensurés

Toutefois, en raison des pratiques de censure de la plateforme, les utilisateurs chinois évitent de faire des commentaires négatifs sur la Chine dans leurs interactions avec les étrangers, comme l'a souligné @christinelu sur X (anciennement Twitter)

En vertu de la réglementation de la Chine continentale, les plateformes en ligne opérant en Chine doivent censurer les contenus critiques à l'égard des autorités chinoises et contraires aux valeurs fondamentales du parti communiste chinois.

China Digital Times suit les pratiques de censure de Xiaohongshu depuis des années :

À partir de 2022 : Comment Xiaohongshu censure les «incidents soudains»

[image or embed]

— China Digital Times (@chinadigitaltimes.net) Le 16 janvier 2025 à  3h35

Pour les TikTokers américains, le fait de se rendre en masse sur Xiaohongshu est un acte de résistance. Toutefois, certains dissidents chinois d'outre-mer estiment que cette action minimise les souffrances réelles des opprimés. Rei Xia, une militante chinoise en exil qui a participé aux manifestations du Livre blanc, exprime sa frustration sur X :

Il est à la fois triste et traumatisant de voir que la plupart des Américains ont jeté leurs soucis de premier monde sur la douleur et la souffrance réelles des populations sous un autre régime, le Parti communiste chinois, et ce, de manière ridicule, sur la question même de la « censure ». […]

La même plainte qui vous amène à RedNote a conduit d'innombrables Chinois en prison.

Et l'application #RedNote que vous utilisez aujourd'hui fait partie de la machine d'État qui fait disparaitre les questions des Ouïghours, du Tibet et de Hong Kong, fait taire les voix des prisonniers politiques, des universitaires, des journalistes civils, des cinéastes, des LGBTQ et des féministes, et interdit toute mention du massacre de Tiananmen, de l'Ukraine ou même du confinement pendant trois ans lors de la Covid.

Un test pour les autorités de la Chine continentale

Pendant ce temps, les autorités de la Chine continentale ont saisi l'occasion pour critiquer l'hypocrisie du gouvernement américain. Par exemple, la chaîne de télévision chinoise China Global Television Network (CGTN), financée par l'État, se moque :

L'incident étant présenté comme une victoire du soft power de la Chine, l'application chinoise pourrait étendre sa portée au monde entier, toujours dans le cadre des règles et réglementations chinoises. L'équipe technique de Xiaohongshu développe donc de nouveaux outils de traduction pour faciliter les échanges, et ses administrateurs éduquent les nouveaux arrivants au «respect» du code communautaire de la plateforme et de la législation chinoise.

Cependant, même si les TikTokers américains sont prêts à s'autocensurer en évitant les sujets politiques, nombreux sont ceux qui doutent que les autorités chinoises autorisent les utilisateurs étrangers à s'implanter dans le cyberespace chinois :

L'opérateur de Xiaohungshu serait en train d'embaucher de nouveaux modérateurs de contenu en anglais pour renforcer la censure de la plateforme. Même si les autorités chinoises n'interdisent pas aux adresses IP internationales de visiter l'application, le renforcement de la censure risque d'en faire fuir plus d'un. Si les créateurs américains de contenu TikTok ne parviennent pas à trouver des moyens de tirer des revenus de la plateforme chinoise, l'échange sera probablement de courte durée.

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Grèce : l'État réprime les manifestants pacifiques qui commémorent le meurtre d'un garçon par la police en 2008https://fr.globalvoices.org/?p=292642http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250121_131151_Grece___l_Etat_reprime_les_manifestants_pacifiques_qui_commemorent_le_meurtre_d_un_gar__on_par_la_police_en_2008Tue, 21 Jan 2025 12:11:51 +0000Ce qui s'est passé le 6 décembre dernier est emblématique d'une tendance de plus en plus autoritaire en Grèce

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des renforts de la police hellénique (ELAS) ont été déployés pour réprimer les manifestants. Photo de l'auteur, utilisée avec son autorisation.

Le 6 décembre, la police grecque est intervenue brutalement dans des manifestations pacifiques à Thessalonique [gr.] pour commémorer l’anniversaire de la mort d’Alexandros Grigoropoulos, un adolescent de 15 ans abattu par la police à Athènes le même jour en 2008. L’intervention a conduit à l’arrestation de 112 personnes [gr.], principalement des jeunes adultes et des adolescents. Les actions de la police semblent concertées et calculées, et bien que les autorités aient justifié leur intervention par un « contrôle des foules » [gr.], elle a été perçue par beaucoup comme une tentative pure et simple de réprimer la dissidence.

Un jour de deuil

La commémoration annuelle a commencé à l’Arc de Galère (Kamara) [ang.], un lieu de rassemblement populaire à Thessalonique. Les gens se sont rassemblés pour préparer une marche qui revêtait une importance profonde pour les Grecs, en particulier pour les gauchistes et les anarchistes [ang.]. En tant que journaliste indépendant, je suis arrivé équipé d’un magnétoscope et d’une caméra pour documenter l’événement, conscient de l’importance de cette journée dans l’histoire politique grecque contemporaine.

Le meurtre de Grigoropoulos a marqué un tournant dans la société grecque. Une altercation verbale entre le jeune garçon et ses amis avec la police a dégénéré dans le quartier d’Exarchia, au centre d’Athènes, lorsqu’un policier a sorti son arme et a tiré sur l’adolescent. Cet acte de violence aveugle [ang.] a déclenché des émeutes et des manifestations à l’échelle nationale [ang.] et internationale. La mort de Grigoropoulos a été un catalyseur [ang.], déclenchant une colère généralisée en Grèce contre la police pour les mauvais traitements infligés aux manifestants, les réformes de l’éducation, la stagnation économique, la corruption du gouvernement [ang.] et la brutalité policière.

Epaminodas Korkoneas, le policier qui a tiré sur Grigoropoulos, a été initialement condamné à la réclusion à perpétuité [ang.], mais a été libéré en 2019. Il a été de nouveau arrêté à la mi-2024 [ang.] pour faire appel et attend un nouveau procès, qui devrait avoir lieu l’année prochaine. Les conséquences de cet événement tragique continuent de résonner chez de nombreux Grecs aujourd’hui encore, alimentant un sentiment croissant de méfiance de la population à l’égard de la police [ang.] et des demandes constantes de responsabilité.

Une épitaphe de Grigoropoulos à Athènes stipule : « Ici, le 6 décembre 2008, l'acte totalement injustifiable a éteint le sourire innocent d'Alexandros Grigoropoulos, 15 ans, sous les balles de meurtriers impénitents. » Photo via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)

 Tension croissante et tournant violent

La police anti-émeute grecque (MAT) se tient en formation, dégageant une présence oppressante en contraste avec le spectateur solitaire dont la vulnérabilité montre la disparité flagrante des rapports de force. Photo de l'auteur, utilisée avec autorisation.

Comme les années précédentes [ang.], la marche de cette année a commencé pacifiquement. Cependant, contrairement aux itinéraires de protestation précédents, qui se terminaient près de Kamara, la manifestation de cette année a pris une tournure différente. Avant le début de la marche, la police a encerclé les zones clés pour les anarchistes [gr.], apparemment pour empêcher les manifestants de chercher refuge dans les magasins locaux, une tactique influencée par leurs expériences lors de la récente manifestation [gr.] du 17 novembre pour le soulèvement de 1973 à l'école polytechnique d'Athènes contre la junte [fr.]. Les tensions ont rapidement augmenté alors que les manifestants se dirigeaient vers la place Navarinou [ang.] dans le centre historique de Thessalonique et finalement vers l'avenue centrale Tsimiski [ang.], où le chaos a éclaté. Alors que je filmais la scène, je me suis soudainement retrouvé au milieu d'explosions de grenades assourdissantes. L'une d'elles a explosé à une distance alarmante, me désorientant et me faisant trébucher à côté d'un camion de chantier.

Les gaz lacrymogènes ont rapidement envahi l'air, provoquant la toux et la panique chez les manifestants. À travers la fumée, la police anti-émeute (MAT) a avancé, encerclant et arrêtant les manifestants.

L'approche de la police a été méthodique et énergique, utilisant des grenades assourdissantes, des gaz lacrymogènes et des formations pour disperser la foule et coincer les manifestants. Un nombre considérable de détentions ont eu lieu, qui ont ensuite abouti à des arrestations, dont beaucoup étaient de jeunes adultes, certains visiblement bouleversés alors que les policiers leur ligotaient les poignets et les traînaient de force. Des cris et des appels à la clémence ont résonné dans toute la scène, mais sans réponse, amplifiant l'atmosphère oppressante.

Un utilisateur grec de X (anciennement Twitter) a exprimé son mécontentement face aux arrestations, affirmant que le gouvernement actuel reflète les caractéristiques du régime de la junte grecque [fr.] (1967-1974) :

« Si cela vous fait penser à une junte militaire, c'est parce que l'État a une continuité » https://t.co/axStGI8F55

— Κάποιος Ταδόπουλος 🍉 (@_Wiesenthal_S_) 7 décembre 2024

Conséquences et implications plus larges

Le lendemain, le 7 décembre, le tribunal de Thessalonique est devenu un point de rassemblement de solidarité, avec une foule d’amis, de membres de la famille et de sympathisants se rassemblant pour exiger la libération des personnes injustement détenues. Cependant, les autorités ont défendu les arrestations, arguant que les manifestants avaient perturbé la paix publique [gr]. De manière choquante, la police anti-émeute a une fois de plus eu recours à la force [gr.], utilisant des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes sur la foule rassemblée et blessant même des passants. Si les détenus ont finalement été libérés, ils attendent toujours leur comparution devant le tribunal en raison d’un report [gr].

Cette photo d'Anthi Kekeliadou illustre l'approche violente de la police anti-émeute (MAT) pour disperser la foule rassemblée au palais de justice. La police anti-émeute a même poursuivi les sympathisants de la solidarité pour tenter de procéder à des arrestations supplémentaires. Utilisée avec autorisation.

De plus, cette répression étatique est particulièrement préoccupante dans le contexte de problèmes plus vastes, comme le cas de Nikos Romanos, un ami proche de Grigoropoulos. Romanos, qui a assisté à la mort de Grigoropoulos en 2008, est devenu un symbole anarchiste [ang.] et a été arrêté à plusieurs reprises. En 2013, il a été arrêté après avoir participé à un braquage de banque à main armée, perpétré par un groupe dans le but de financer leur mouvement et de remettre en cause le système du travail salarié [ang].

Romanos a récemment été arrêté pour implication dans une explosion [ang]. dans le quartier d’Ambelokipi à Athènes. Après avoir témoigné, il a été placé en détention provisoire, niant tout lien avec l’incident. Bien que son empreinte digitale ait été trouvée sur un sac contenant une arme à feu et un chargeur récupéré dans l’appartement, Romanos a rejeté les accusations [ang.], arguant que l’empreinte digitale n’était liée à aucune preuve significative.

Kostas Vaxevanis, un journaliste et éditeur grec bien connu, partage ses critiques sur l’arrestation de Romanos, déclarant sur X :

S'ils avaient trouvé les empreintes digitales de Mareva sur un sac Zeus+Dion dans l'appartement explosé d'Ampelokipoi, l'auraient-ils arrêtée ? Bien sûr que non.

S'ils avaient trouvé les empreintes digitales de John Doe ? Toujours pas.

Qu'est-ce qui distingue #Romanos ? Le fait qu'il soit une personne avec des idées précises. Pas quelqu'un avec des preuves compromettantes. https://t.co/NshyP5mODO

— Kostas.Vaxevanis (@KostasVaxevanis) 30 novembre 2024

Mareva Grabowski-Mitsotakis [ang.] est l’épouse du Premier ministre grec et cofondatrice de la marque de luxe Zeus+Dion.
Ce qui est particulièrement inquiétant dans le cas de Romanos, ce sont les efforts continus de l’État pour faire des mouvements dissidents des boucs émissaires [gr]. Les partisans de Romanos voient dans sa récente arrestation [ang.] une tentative délibérée de le prendre pour cible, d’inciter à la peur et de diaboliser le mouvement anarchiste.

Cette stratégie détourne également l’attention du public [gr.] des manquements et de la négligence de l’État, comme la tragique catastrophe ferroviaire de Tempi. Le scandale Tempi [fr.], un accident de train qui a coûté la vie à 57 personnes, a révélé la négligence systémique et la corruption du gouvernement [ang.], déclenchant une vague d’indignation. Les accusations contre Romanos, bien que ténues, sont largement perçues comme faisant partie d’un discours plus vaste visant à faire taire la dissidence et à détourner la responsabilité du parti au pouvoir, la Nouvelle Démocratie [fr.], dirigé par l’actuel Premier ministre Kyriakos Mitsotakis [fr].

Nouvelle démocratie ? Ou ancienne junte déguisée ?

Les événements du 6 décembre dernier sont emblématiques d'une tendance de plus en plus autoritaire [ang.] en Grèce. La réponse brutale de la police aux manifestants pacifiques souligne une réalité troublante : la contestation est étouffée sous prétexte de maintenir l'ordre et la paix. Pour de nombreux Grecs, ces événements sont un rappel brutal que les valeurs démocratiques du pays restent compromises, les citoyens n'ayant plus la possibilité de s'exprimer contre la répression parrainée par l'État.

La police anti-émeute (MAT) se tient en formation tendue quelques instants avant de commencer sa répression violente contre les manifestants. Photo de l'auteur, utilisée avec autorisation.

En tant que journaliste et témoin, je ne peux ignorer la brutalité et les efforts calculés pour faire taire ceux qui pleurent la mort de Grigoropoulos, une tragédie qui symbolise la lutte continue pour la justice en Grèce.

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Au Burundi, le changement climatique transforme la saison des pluies en danger public en zones urbaineshttps://fr.globalvoices.org/?p=292837http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250121_105602_Au_Burundi__le_changement_climatique_transforme_la_saison_des_pluies_en_danger_public_en_zones_urbainesTue, 21 Jan 2025 09:56:02 +0000Sans aide extérieure, l’État burundais peine à lutter contre les dégâts climatiques

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

En image, inondation dans la ville de Gatumba (ouest du Burundi) dans l'eau ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde Info

Cet article est publié dans le cadre de la formation sur la justice climatique en Afrique.

Le Burundi, pays de la région des Grands Lacs, est arrosé de fortes précipitations neuf mois sur douze. Les premières gouttes commencent à tomber au mois de septembre après une période d’été de trois mois.

Mais la saison des pluies n'est pas que bienfaitrice: elle sème aussi la panique et la colère car elle endeuille des familles. En effet, les eaux en provenance des montagnes surplombant Bujumbura, capitale économique située dans l’ouest du pays, emportent régulièrement des vies humaines. De plus, ces pluies transforment certains citoyens en déplacés climatiques, et paralysent régulièrement les activités scolaires et économiques.

Les raisons de ces catastrophes sont multiples: constructions anarchiques, déboisement irresponsable, absence de stratégies de résilience qui prendraient en compte ce phénomène répétitif, et crise climatique qui touche l'Afrique même si le continent est le moins polluant.

Lire : Le centre et l'ouest de l'Afrique sont inondés alors que le continent contribue peu au dérèglement climatique

Ainsi, chaque année, la saison pluvieuse fait des morts à Bujumbura. En octobre 2024, deux enfants sont morts emportés par des eaux de pluie. Les corps de ces enfants ont été repêchés dans les eaux d’un caniveau dans le quartier Bukirasazi dans le nord de Bujumbura. Alors qu’ils rentraient de l'école à pied, ils ont été surpris par un courant fort des eaux des pluies tombées ailleurs dans les montagnes.

Les témoins affirment sous anonymat que ces genres d’accidents sont fréquents pendant la période des pluies. Interviewés par Global Voices, ils dénoncent le silence des autorités face à un phénomène meurtrier répétitif:

Les autorités nous ont abandonnés alors qu'elles sont au courant de ce qui nous arrive à chaque saison pluvieuse. Cette pluie tue, perturbe le sommeil, et produit des déplacés climatiques qui voient leurs maisons noyées à chaque saison des pluies.

Impact économique sur les populations les plus démunies

Les dégâts causés par les fortes pluies réduisent les revenus dans certains secteurs d'activités, en particuliers les chauffeurs de camions qui acheminent les matériaux de construction ou s'approvisionnent dans les quartiers périphériques de Bujumbura. Incapables de conduire leurs camions sur des routes impraticables, ils voient leurs revenus chuter de moitié. La fourchette salariale mensuelle dans ce corps de métier se situe entre 572 679 Franc Burundais (192 dollars américains) et 1 777 536 Franc Burundais (596 dollars américains). Le revenu moyen mensuel dans le pays est compris entre 757 600 Franc Burundais  (254 dollars américains) et 2 289 638 Franc Burundais (768 dollars américains).

Nzeyimana Thomas, un fournisseur de matériaux de construction raconte:

Pendant la saison des pluies excessives, nous enregistrons une baisse énorme de nos revenus. Un camion qui faisait dix tours en été fait cinq tours en période pluvieuse.

Samuel, chauffeur de camion rencontré au parking des camions Ben au Petit séminaire de Kanyosha au sud de Bujumbura explique:

Les camions s’embourbent plusieurs fois dans des routes  en boue et que le dépannage prend de nombreuses heures. Un manque à gagner irrécupérable.

Un propriétaire de camions qui a requis l’anonymat déplore l’état des routes malgré les taxes et impôts que les autorités les infligent:

Nous payons une bagatelle de plusieurs millions de francs burundais mais le gouvernement ne songe pas à nous construire de bonnes routes.

Lire aussi : Forêts et parcs en RDC et au Burundi victimes de l’infertilité des terres 

Le déni des responsabilités

Sur le papier, le gouvernement burundais se déclare responsable, comme l'indique l'article 35 de la constitution burundaise, des questions d'aménagement du territoire:

La gestion des ressources naturelles, l'utilisation rationnelle efficace et efficiente est une mission première du gouvernement.

C'est à ce titre que les victimes des inondations régulières en période de pluies intense, de novembre à avril se disent être en droit de réclamer des mesures, des lois et des actions concrètes, comme la construction de bonnes routes et de conduites d’eau solides.

Interviewé par Global Voices, Bigirimana Constantin, directeur général de l’agence routière du Burundi (ARB), , reconnaît que :

Les eaux de pluie en provenance des montagnes surplombant Bujumbura causent d'énormes dégâts, nous le savons. Elles détériorent l'état des routes, empêchant les usagers à vaquer normalement à vaquer normalement aux activités.

Mais il dénonce aussi la destruction du couvert végétal qui cède la place à des constructions anarchiques au vu et au su des administratifs. Selon lui, l’administration tout comme les citoyens minimisent l’impact de leurs actions sur l’environnement:

L’urbanisation est mal faite, les infrastructures d'évacuation des eaux sont très vieilles et les gens jettent n’importe quoi n’importe où. Il faut une solution telle le renouvellement des ouvrages de traversée. L’assainissement actuel date de longue date et n’est pas adapté à la situation actuelle d’occupation de la ville.

Selon Constantin, le gouvernement a alloué un budget conséquent pour faire face aux activités liées aux changements climatiques. De plus, en 2023, le gouvernement a signé deux accords de dons avec la Banque africaine de développement pour appuyer le renforcement de la résilience aux changements climatiques.

Ce même expert estime qu'une partie du travail incombe à la population:

La responsabilité du curage des caniveaux qui doivent être entretenus pour leur durabilité incombe aux citoyens et à l’administration.

Lire également : Au Burundi, les inondations continuent d'affecter les résidents périurbains

Un gouvernement dépassé par l'ampleur des dégâts

Face aux dégâts croissants causés par le changement climatique et la surpopulation urbaine,  l'État burundais se tourne vers l'aide internationale, comme l'explique Innocent Banigwaninzigo, expert environnementaliste et représentant de l’ACPE, une organisation non gouvernementale engagée dans la protection de l'environnement au Burundi. Interviewé par Global Voices, il dit:

L'État burundais à lui seul ne peut pas faire face aux besoins en cours et en activités préventives liés aux changements climatiques. Et les cas des victimes des changements climatiques se sont multipliés en termes de fréquence et en termes de dégâts causés.

Mais il incite aussi le gouvernement à augmenter le budget alloué à la gestion des catastrophes:

Le pays doit séduire les partenaires mais nous avons vu que dans le passé, les aides pouvaient être suspendues brusquement pour des raisons diverses, politiques ou de gouvernance. Le nombre des victimes des changements climatiques monte chaque jour au Burundi, spécialement en période de fortes pluies. Celles-ci font peur aux habitants du littoral du lac Tanganyika alors que sur les collines, les agriculteurs qui voient leurs champs pousser dans la verdure chantent et dansent la pluie. Le Burundi s’est doté des textes juridiques pour une gestion rationnelle, efficiente et efficace des ressources naturelles; la constitution, le code de l’eau, le code forestier, le code de l’environnement et de l’urbanisme. De bons instruments juridiques qui ne sont pas respectés en pratique. La corruption caractérise les constructions anarchiques.

Banigwaninzigo conclut que la gouvernance environnementale fait défaut:

Il faut une éducation pour un changement de mentalité et de comportement respectueux de l’environnement et comprendre la responsabilité de chacun vis à vis du dérèglement climatique et les conséquences sur la vie.

A cela s'ajoute la question de surpopulation: sur les montagnes surplombant Bujumbura, des constructions anarchiques remplacent les zones de boisements et du qui contribuent à l’atténuation des érosions.

Les propriétaires de ces constructions disent sous anonymat avoir reçu les parcelles et les autorisations de bâtir des administratifs mais beaucoup ne sont pas en mesure de présenter les documents attestant qu'ils sont acquéreurs de ces terres. Certains habitants racontent qu'ils s'agissent d'attributions verbales qui se font après que ces autorités aient empoché l’argent.

Lire notre dossier : 

La vulnérabilité du Burundi face aux effets du changements climatiques expose les populations à de grave dangers. Une harmonisation des initiatives entre l’État et les autorités s'avère primordiale pour espérer pouvoir lutter contrer les dégâts croissants.

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Les mots ont la parole: Épisode #20https://fr.globalvoices.org/?p=292787http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250120_070525_Les_mots_ont_la_parole__Episode__20Mon, 20 Jan 2025 06:05:25 +0000‘Biby mitourne” signifie un animal qui marche à reculons, comme l'écrevisse malgache foza orana

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image illustrative des trois mots: Copa, Complosphère et Mitourne ; Image de Jean Sovon, généré sur Canva

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Copa : ce terme est utilisé au Togo et signifie ‘copain’, ‘pote’. Bien que le mot ressemble à la traduction espagnole du mot “coupe”, il est issu de l’argot du sud Togo qui est  communément parlé dans les rues de Lomé, la capitale du pays. Il fait partie des mots argotiques les plus utilisés entre amis ou connaissances, puisqu'il désigne un ami proche.

En plus de “Copa”, diverses autres formes dérivés du mot copain sont utilisé dans le pays: “gnocopain” et “gnocopin” dont on fait mention dans les relations amoureuses.

Cet article, intitulé “Imaginaire linguistique dans la presse togolaise : appropriations, inventions et interférences” d’Anate Koumealo, auteure et professeure titulaire en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Lomé, revient sur l'usage de ces mots dans la presse togolaise.

Complosphère : ce nouveau mot est une combinaison des mots ‘complot’ et ‘sphère’. Comme toutes les langues, le français invente régulièrement de nouveaux mots, et celui-ci est entré dans le dictionnaire Robert édition 2024, sur le modèle d’autres innovations linguistiques comme blogosphère ou fachosphère.

Selon cet article, il désigne:

“l’ensemble des personnes qui participent à la diffusion d’idées jugées complotistes sur Internet”

Cet article inclut le terme dans son titre: Google Earth: quand une traînée blanche enflamme la complosphère

Mitourne : ce mot est employé à Madagascar. Il vient du verbe français tourner, auquel s’est ajouté le préfixe malgache “mi-” pour lui donner un autre sens : reculer. Ce verbe est l’équivalent du terme malgache ‘mihemotra’. Dans le pays, on emploie souvent l’expression “biby mitourne”, qui signifie “un animal qui marche à reculons”, notamment pour parler du foza orana, une espèce d’écrevisse.

Toujours issu du verbe tourner, l’expression a aussi des formes dérivées comme l'impératif, avec de légères modifications dans l'orthographe :

“Mitorena !” : “Recule !”

L’artiste malgache en Kikis on the track en fait usage dans sa chanson titrée “Foza orana DrillR 2022”, qui est un remix du tiitre “Foza Orana” de Ramora Favori.

L’expression “biby mitourne” s’est réellement répandue dans le pays depuis le coup d’État de 2009 orchestré par Andry Rajoelina, président de Madagascar, depuis 2019.

Lire : Andry Rajoelina réélu président à Madagascar mais l'opposition conteste la validité de la procédure

Ici, une publication Facebook qui fait allusion au président avec l'expression “foza orana, biby mitourne” :

“Madagascar tsy maintsy mandroso hoy ny foza orana (biby mitourne)”, peut-être traduit par “Madagascar doit progresser, dit l'écrevisse (celui qui avance à reculons)”.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org

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Quel souvenir l'ancien Président américain Jimmy Carter laisse-t-il en Chine et à Taïwan ?https://fr.globalvoices.org/?p=292601http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250115_163244_Quel_souvenir_l_ancien_President_americain_Jimmy_Carter_laisse-t-il_en_Chine_et_a_Taiwan__Wed, 15 Jan 2025 15:32:44 +0000La vision de paix de Jimmy carter est en train de s'estomper en pleine escalade de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran du discours de Jimmy Carter du 15 décembre 1978 sur l'établissement de relations diplomatiques avec la Chine. Miller Center sur YouTube Channel.

Jimmy Carter, l’ancien Président américain (1977 – 1981) et prix Nobel de la paix (2002), est décédé le 29 décembre 2024, à l’âge de 100 ans.

Aux États-Unis, il s’illustre comme un dirigeant qui a consacré sa vie au maintien de la paix dans le monde, dans le respect de la démocratie, des droits humains et des valeurs chrétiennes.

« Un vieil ami de la Chine »

Les Chinois le surnommaient très souvent « vieil ami de la Chine », grâce au rôle crucial qu’il a joué dans la rupture des liens avec la République de Chine (ROC, également connue sous le nom de Taïwan) et dans l'établissement de relations diplomatiques entre les États-Unis et la République populaire de Chine (RPC) durant son mandat présidentiel.

En réaction au décès de Jimmy Carter, le président chinois Xi Jinping, dans son message de condoléances adressé au président américain Joe Biden, a salué les efforts de l’ancien dirigeant sur le plan diplomatique. L'ambassadeur de Chine aux États-Unis, Xie Feng, a ajouté que la normalisation des relations avec la Chine était « l'une des décisions les plus importantes » que Jimmy Carter n’ait jamais prises :

Je tiens à présenter mes sincères condoléances à la famille du président Jimmy Carter qui considérait l'établissement de relations diplomatiques avec la Chine comme l'une des décisions les plus importantes de sa vie. Sa contribution historique… pic.twitter.com/CaCkczIZWb

— Xie Feng 谢锋 (@AmbXieFeng) 30 décembre 2024

Les relations diplomatiques entre les États-Unis et la RPC ont été établies au moyen de trois communiqués, publiés entre 1972 et 1982.

Rupture des relations avec la République de Chine

Le premier communiqué a été publié en février 1972, lors de la visite en Chine du président américain de l'époque, Richard Nixon, qui avait pour but de rapprocher les deux pays, avec pour toile de fond la rupture des relations sino-soviétiques. Dans ce document écrit conjointement, les États-Unis « reconnaissent » que « tous les Chinois de part et d'autre du détroit de Taïwan estiment qu'il n'existe qu'une seule Chine et que Taïwan en fait partie ».

Après la défaite du Kuomintang (KMT) (le parti au pouvoir à l'époque) par le Parti communiste chinois (PCC) lors de la guerre civile chinoise (1927-1949), ses dirigeants se sont réfugiés à Taïwan tout en continuant à revendiquer la souveraineté sur la Chine.

Le premier communiqué précise qu’il incombe aux Chinois de « résoudre de manière pacifique » la question du statut de Taïwan.

Le deuxième communiqué, dévoilé le 15 décembre 1978 et signé lors de la visite officielle du vice-premier ministre chinois de l'époque, Deng Xiaoping, aux États-Unis le 1er janvier 1979, consolide les relations diplomatiques sino-américaines. Le document diplomatique confirme que la République populaire de Chine est le seul gouvernement légitime de la Chine et que Taïwan en fait partie intégrante. Le même jour, Carter rompt officiellement tout lien avec la ROC en annulant le traité de défense mutuelle entre les États-Unis et la République de Chine.

La décision de Carter sera toutefois contestée par des membres du Sénat et du Congrès américain qui, le 29 mars 1979, adoptera une loi sur les relations avec Taiwan, garantissant des relations et échanges diplomatiques de facto, mais non officiels (y compris sur le plan militaire) entre Taiwan et les États-Unis. La loi sera signée par le président Carter le 10 avril 1979 et entrera en vigueur rétroactivement, avec effet au 1er janvier 1979.

À l'époque, la démarche diplomatique de Carter a suscité de vives réactions de la part de la République de Chine. Le compte officiel X du KMT n'a pas pu s'empêcher de mentionner ce moment historique rempli d'amertume dans son message de condoléances :

Nous présentons nos condoléances à la famille de l'ancien président Jimmy Carter. Même si à Taïwan il restera dans les mémoires pour sa décision de ne plus reconnaître la République de Chine, nous avons un grand respect en ce qui concerne son combat dans le monde pour l’accès au logement, la résolution de conflits, les réfugiés et autres causes.

— 中國國民黨 KMT (@kuomintang) 30 décembre 2024

D'anciennes photos prises durant des manifestations sur lesquelles des banderoles accusent Carter d'avoir trahi Taïwan refont aussi surface sur les plateformes de réseaux sociaux. Un utilisateur, @Lovelifetaiwan, a partagé les photos historiques sur X (anciennement Twitter), tout en faisant remarquer que la décision de Carter n'avait pas freiné la démocratisation et le développement de Taïwan :

L'ancien président américain Jimmy Carter est décédé aujourd'hui à l'âge de 100 ans.  Concernant la rupture des liens diplomatiques avec la ROC, Jimmy Carter a déclaré sans hésitation que la décision d'établir des relations diplomatiques entre les États-Unis et la Chine était la bonne, et que même si elle n'était pas « entièrement positive » pour le peuple de Taïwan, ce qu’il regrettait, il ne devait pas en être tenu pour responsable. Il a ensuite ajouté qu’au cours des 20 dernières années, la démocratie, les droits humains et l'économie du pays s'étaient considérablement améliorés, et qu'il n'avait pas besoin de s'excuser auprès de Taïwan.

— ✞𝘼𝙪𝙜𝙚𝙣𝙨𝙩𝙚𝙧𝙣.🇹🇼 (@Lovelifetaiwan) 30 décembre 2024

En fait, selon certains, la décision de Carter a favorisé le mouvement démocratique à Taïwan étant donné que la dictature militaire du KMT avait reçu le soutien des États-Unis entre 1949 et 1987.

La vision de paix du président Carter menacée

En janvier 2019, à l'occasion du 40e anniversaire de la publication du deuxième communiqué, Jimmy Carter a qualifié la normalisation des relations entre les États-Unis et la Chine d’« évènement historique » et a déclaré qu'il pensait que cette décision allait faire avancer la cause de la paix en Asie et dans le monde.

Néanmoins, la vision de Carter est en train de disparaître dans le contexte de l'escalade de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, qui dure depuis 2018, ainsi que de différends territoriaux dans la région du Pacifique. Bao Pu, éditeur de livres et fils de l'ancien fonctionnaire chinois Bao Tong, déplore la perte de Carter qu’il qualifie de « fin d'une époque » :

La période de lune de miel entre la Chine et les États-Unis remonte à 50 ans. La tentative du président Carter de faire de la promotion des droits humains un principe clé des relations diplomatiques des États-Unis avec d'autres pays a échoué. En fait, sa politique de « deux poids, deux mesures » est aujourd'hui à l'origine de nombreux problèmes. La stratégie politique de Deng [Xiao-ping], qui consistait à dissimuler sa force, s'est transformée en un jeu consistant à « montrer ses armes » aujourd'hui et à la « les cacher » demain.

— Bao Pu 鮑樸 (@NewCenturyBaopu) 30 décembre 2024

« Montrer ses armes » est une expression fréquemment utilisée par Xi Jinping pour décrire sa politique de main de fer, tant d’un point de vue diplomatique qu’au niveau national en luttant contre la répression de la corruption et des dissidents.

De nombreux experts en politique étrangère prévoient qu'après l'investiture présidentielle de Donald Trump le 25 janvier prochain, les relations sino-américaines deviendront plus instables et imprévisibles, au pire s'aggraveront.

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Entretien avec Damjan Mihailov, auteur du webcomic « Lucy la nécromancienne »https://fr.globalvoices.org/?p=292655http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250115_162202_Entretien_avec_Damjan_Mihailov__auteur_du_webcomic_____Lucy_la_necromancienne____Wed, 15 Jan 2025 15:22:02 +0000Lucy est sympathique et brise l'image stéréotypée de la nécromancienne

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Damjan Mihailov et la bande dessinée « Lucy la nécromancienne ». Photographie de Kiril Mihailov, reproduite avec l'autorisation de l'auteur.

Version macédonienne du livre de « Lucy la nécromancienne », en promotion le 25 novembre 2024 à Skopje. Photographie de Kiril Mihailov, reproduite avec l'autorisation de l'auteur.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages Web en français.]

Damjan Mihailov est un auteur de bande dessinée macédonien dont la webcomic « Lucy la nécromancienne » [en] initialement publiée en anglais sur WebToons [en], a récemment été éditée sous forme de livre, en anglais d'abord, puis en macédonien.

Global Voices s'est entretenu avec Damjan Mihailov pour évoquer les hauts et les bas de la mise en ligne de bandes dessinées en Macédoine du Nord, les différences entre les publics locaux et internationaux, et les raisons pour lesquelles le passage d'un format de média à un autre était inévitable.

Le jour, Damjan Mihailov est un artiste spécialisé dans les jeux vidéo ; la nuit, c'est un dessinateur de bande dessinée. Architecte de profession au début, il a plus tard découvert que sa véritable passion était le dessin. Fidèle à son art, il a alors décidé de s'y consacrer pleinement. Véritable geek dans l'âme, Damjan Mihailov affectionne tout, des bandes dessinées aux illustrations en passant par les films et les animations.

Extrait de la bande dessinée « Lucy la nécromancienne » réalisée par Damjan Mihailov, reproduite avec l'autorisation de l'auteur.

Traduction des vignettes :

 – … j'ai besoin d'une pause !

- Comme je le disais…

Global Voices (GV) : Vous avez lancé « Lucy la nécromancienne » en 2021, un webcomic parodiant les clichés du genre d’épouvante, avec la particularité de présenter le personnage d'une petite fille comme une aspirante sorcière. Qu'est-ce qui vous a motivé à raconter cette histoire ?

Damjan Mihailov (DM): When I started working in game development, for some X or Y reason, I stopped drawing. I felt like my creativity was being drained at work. At some point, I realized I was missing something, so I thought to myself, « I need a project that will force me to draw. » At the very least, I wanted to create something each week. That’s why I decided to go with a comic strip, like the ones in newspapers, the same ones I grew up with, where there’s a new one every day.

For a long time, I had an idea for a story where two opposite worlds would clash, something grim and something cute, and I figured now was the perfect time to bring it to life. Zombies can be both grim and fun, offering endless opportunities for wild stories. Lucy, on the other hand, is cute and cheerful (most of the time) and breaks the stereotypical image of a necromancer.

Damjan Mihailov (DM) : Lorsque j'ai commencé à travailler dans le développement de jeux, pour une raison X ou Y, j'ai arrêté le dessin. J’avais le sentiment que ma créativité se perdait dans ce travail de développeur. À ce moment-là, j'ai compris qu'il me manquait quelque chose et je me suis dit : “J'ai besoin de mener un projet qui me poussera à dessiner !” Je souhaitais créer quelque chose chaque semaine, au minimum. C'est pourquoi j'ai choisi de faire une bande dessinée, comme celle des journaux de mon enfance, où chaque jour il y avait une nouvelle histoire.

Depuis longtemps, je nourrissais l'idée d'une histoire où deux mondes antagonistes se heurteraient, quelque chose de sinistre et quelque chose de mignon, et je me suis dit que le moment était idéal pour le concrétiser. Les zombies peuvent être à la fois sinistres et amusants, offrant des possibilités infinies d'histoires loufoques. Lucy, quant à elle, est charmante et joyeuse (le plus souvent) et brise ainsi les clichés d'une nécromancienne.

Extrait de la bande dessinée « Lucy la nécromancienne » de Damjan Mihailov, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Traduction des vignettes :

- Applaudissez !

Nous te trouverons un ami

- Oh, regardez !

Un fantôme !

- Bonjour

Je suis Lucy et voici Oliver

Et vous, qui êtes-vous ?

- Eh bien…

… c'est embarrassant

GV : Le format de base que vous utilisez est de quatre vignettes par page, alors que les aventures de Lucy oscillent entre des gags d'une page et des récits plus élaborés sur plusieurs pages. Vous est-il compliqué de raconter vos histoires en respectant ces contraintes ?

DM: I never liked long stories, especially ones that are broken up, where you have to wait a week for the next part and end up forgetting what happened the week before. People today prefer content that gets straight to the point, so one-comic stories felt like the right choice. At first, I didn’t pay much attention to the number of panels or the format. But over time, I realized I needed consistency, so I confined myself to a four-panel structure.

Constraints, as it turns out, are a very good thing, they force you to think about how to tell a story like a punchy joke. With too many frames, it’s easy to go overboard, and the joke ends up losing its punchline. After all, nobody likes a long joke.

DM : Je n'ai jamais aimé les longues histoires, en particulier celles qui sont morcelées, pour lesquelles il vous faut attendre une semaine pour lire la suite et vous finissez par oublier les événements de la semaine précédente. Aujourd'hui, les gens privilégient les contenus allant droit au but, c'est pourquoi les histoires en une seule bande dessinée me paraissaient être le bon choix. Dans un premier temps, je n'ai pas accordé beaucoup d'attention au nombre de vignettes ni même à leur format. Puis, au fil du temps, je me suis aperçu que j'avais un besoin de cohérence, et je me suis donc restreint à une structure en quatre dessins.

Les contraintes, en fin de compte, sont une très bonne chose, elles vous obligent à envisager la manière de raconter une histoire comme une blague percutante. En effet, avec trop de trames, il est aisé de se laisser aller à l'excès, et la blague risque alors de perdre son caractère percutant. Personne n'aime les blagues trop élaborées.

Extrait de la bande dessinée « Lucy la nécromancienne » de Damjan Mihailov, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Traduction des vignettes :

- Il était tout pour moi, il me manque tellement

- Hey mon ami, je pense que tu devrais aller voir ta petite amie.

- AAAAAAA

- Eh bien…

Je suppose que tu ne lui as pas tant manqué que ça, hein…

GV : À côté de Lucy, vous mettez en scène toute une série de personnages, des plantes aux zombies en passant par d'autres enfants qui pourraient être décrits comme des non-magiques ou « Moldus » au sens de l'univers d'Harry Potter. Voyez-vous leurs interactions comme des allégories ou comme un moyen de partager des messages universels ?

DM: That’s way too deep for Lucy’s world. It’s more like ‘If it fits, it sits. » :) There’s no hidden message or anything like that. Her universe is a mix of all sorts of magical worlds and reality. The idea is that all these worlds can coexist happily. I just want to bring a little joy into people’s lives. No matter if you’re a fan of Star Wars or Lord of the Rings (LOTR), you can find something funny in it.

DM : C’est beaucoup trop profond pour le monde de Lucy. C'est plutôt « si cela convient, ça passe. » :) Il n'y a pas de message caché ou quoi que ce soit de ce genre. Son univers est un mélange de mondes magiques et de réalités. L'idée est que ces univers peuvent coexister harmonieusement. Je veux juste ajouter un peu de joie au cœur de la vie des gens. Que vous soyez fan de la Guerre des étoiles ou du Seigneur des anneaux (LOTR), vous y verrez toujours quelque chose d'amusant.

Extrait de la bande dessinée « Lucy la nécromancienne » de Damjan Mihailov, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Traduction des vignettes :

- Bonjour Bob

- Arrêtez !

- Tu ne peux pas le faire entrer dans la maison !

Où l'as-tu trouvé ?

- Musée d'histoire naturelle

GV : Le décor d'horreur est-il une métaphore de votre vision de l'univers ? Ou bien certains des personnages sont-ils le reflet de personnes vivantes ?

DM: Maybe, and yes. Horror might be too strong a word, it’s more like taboo. Sure, there are the living dead and all sorts of scary, horror-themed things, but they’re not portrayed that way. It’s about taking something most people see as taboo and turning it upside down, which makes it funny. I’m honestly tired of subjects people find taboo.

When most people hear the synopsis for Lucy the Necromancer, they make a grim face and say « Why would you create that? » But then they read a few comics and say, « This is actually cute and funny! » and they instantly like it.

DM : Peut-être, et oui. Le qualificatif « horreur » est peut-être trop puissant, il s'agit plutôt d'un concept tabou. Bien sûr, il y a des morts-vivants et toutes sortes de choses effrayantes sur le thème de l'horreur, mais on ne les dépeint pas de cette façon. Il s'agit de retourner quelque chose considéré comme un sujet tabou par la plupart des gens, et de le rendre amusant. Honnêtement, je suis las de ces sujets jugés tabous par les gens.

La plupart des gens qui découvrent le synopsis de « Lucy la nécromancienne » grimacent et se disent « Pourquoi créer une telle chose ? » Puis ils lisent quelques bandes dessinées et se disent « En fait, c'est mignon et amusant ! ».

GV : Quelles ont été les influences de la bande dessinée ou autres médias qui vous ont conduit à créer le personnage de Lucy ?

DM: I’m a huge fan of webcomics, and there are so many amazing ones out there. I grew up with classics like The Peanuts, Balthazar, and all the iconic Cartoon Network shows, and I think they’ve had the biggest influence on me. From a young age, I had a strong affinity for cartoons and comics. I lived next to the French Culture Center in Skopje, and on rainy days, I’d head there to spend time in the comic section, just « œreading » the pictures. I didn’t understand a word, but I would create my own stories based on the images. The shops in my area carried Italian comics translated into Serbian-Croatian, most of which were about cowboys, which never really appealed to me. Instead, I found myself drawn to the daily funnies in the newspaper, and later, the worlds of Marvel and DC. Probably all of them have influenced me in some way, and they still do.

DM : Je suis un grand amateur de webcomics, et il y en a tellement d'excellents. J'ai grandi avec des classiques tels que les « Peanuts », « Balthazar » et toutes les émissions emblématiques de Cartoon Network, et je pense que ce sont eux qui m'ont le plus influencé. Dès mon plus jeune âge, j'ai développé une profonde attirance pour les dessins animés et les bandes dessinées. J'habitais à côté du Centre culturel français de Skopje et, les jours de pluie, je m'y rendais pour passer du temps dans la section des bandes dessinées, à « lire » les images. Je ne comprenais pas un mot, mais je créais mes propres histoires à partir des images. Les commerces de ma région proposaient des bandes dessinées italiennes traduites en serbe ou en croate, dont la plupart parlaient de cow-boys, ce qui n'a jamais vraiment suscité d'intérêt à mes yeux. Au lieu de cela, j'ai été happé par les bandes dessinées journalières publiées dans les journaux et, plus tard, par les univers de Marvel et de DC. Tous ces univers m'ont probablement inspiré d'une manière ou d'une autre, et ils m'influencent encore aujourd'hui.

Extrait de la bande dessinée « Lucy la nécromancienne » de Damjan Mihailov, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Traduction de la vignette :

- Vous fabriquez les meilleures crèmes glacées du cerveau !

 

GV : Le format initial de « Lucy la nécromancienne » était un webcomic. Pourquoi avez-vous décidé de le publier également sous le format d'un livre, sur papier ?

DM: Yes, Lucy is a webcomic, but the key word is « comic. » While webcomics are easier to access and read on your computer, phone or tablet, comics were originally a printed format, and they still are. A lot of people prefer them that way. Also, it’s really nice to see it on a shelf next to all the other great ones. ;)

DM : Oui, Lucy est un webcomic, mais le mot clé est « comic ». Alors que les webcomics sont plus facilement accessibles et lisibles sur votre ordinateur, votre téléphone ou votre tablette, les comics étaient à l'origine un format papier, et c'est toujours le cas. Beaucoup de personnes les préfèrent ainsi. De plus, il est vraiment chouette de la voir sur une étagère à proximité de toutes les autres bonnes bandes dessinées. ;)

GV : Les publics étrangers ont-ils montré de l'intérêt pour la bande dessinée de Lucy, qu’is soient numériques ou imprimées ? Seriez-vous disposé à traduire les bandes dessinées dans d'autres langues ?

DM: Yes, Lucy receives love from all over the world. Initially I published Lucy as a web comic in English on an international web comic platform called Webtoons. She quickly received followers and fans who were eager for each next comic. The Macedonian translation was the next step because kids here responded really well to the English version. Not many kids understood what was happening in the comic, so I wanted to bring Lucy closer to them. Translating it into different languages is a big milestone I hope to achieve in the future. It will be amazing if it happens. I’d love to see that.

DM : Oui, Lucy est appréciée dans le monde entier. Au départ, j'ai publié Lucy sous la forme d'une bande dessinée en anglais sur une plateforme internationale de bandes dessinées appelée WebToons. Elle a rapidement attiré des adeptes et des fans impatients de découvrir la prochaine bande dessinée. La traduction en macédonien était l'étape suivante, car les enfants d'ici réagissaient très bien à la version anglaise. Peu d'entre eux comprenaient ce qui se passait dans la bande dessinée, et j’ai donc voulu rendre Lucy plus accessible à tous. La traduction dans d'autres langues est une étape essentielle que j'espère réaliser à l'avenir. Ce sera formidable si cela se produit. J'aimerais beaucoup voir cela.

Extrait de la bande dessinée « Lucy la nécromancienne » de Damjan Mihailov, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Traduction des vignettes :

- Tout d'abord comme ça !

- Ensuite, comme ceci !

- Et ensuite comme…

… !?

- C’est pour cela qu'on s'entraîne !

GV : De quelle manière pouvez-vous pénétrer le milieu de la bande dessinée en Macédoine du Nord ou dans les Balkans ? Les nouveaux et jeunes auteurs de bandes dessinées et de romans illustrés bénéficient-ils de la visibilité nécessaire pour que leurs histoires soient vues et lues ?

DM: Oh… this is a tough one. There are two groups of people: those who create comics and those who read them. Most of them connect through friends, Facebook, Instagram, and similar platforms. Macedonia has a very small comics scene without a dedicated space to unite creators and readers or to give them a sense of belonging and support. However, there are passionate individuals working hard to change that.

For example, this year, 2024, marked the second edition of the comic festival Strip Trip, which I hope will turn into a long standing tradition. Before this, there wasn’t much happening locally in the comic scene. There are a few festivals in neighboring countries, and most of our artists find solace there. The saddest part is that the government often supports the same organizations that contribute little to nothing to the community, and, unfortunately, this festival didn’t qualify for funding. Despite that, a few determined individuals made it happen. Through sheer sweat and hard work, they pulled it off. It was a success, and next year promises to be even better. I hope the government recognizes the growing thirst for events like this and decides to support us. Until that time comes, we’ll keep creating, and nobody can take that away from us.

DM : Oh ! c'est une question difficile. Il y a deux catégories de personnes : celles qui créent des bandes dessinées et celles qui les lisent. La plupart d'entre eux se connectent grâce à des amis, via Facebook, Instagram et autres plateformes similaires. La Macédoine dispose d'une très petite communauté spécialisée dans la bande dessinée, sans espace dédié permettant d'unir les créateurs et les lecteurs ou même de leur offrir un sentiment d'appartenance et de soutien. Cependant, des personnes passionnées œuvrent activement pour changer cette situation.

Ainsi, cette année, 2024, a marqué la deuxième édition du festival de bande dessinée Strip Trip [mk] qui, je l'espère, deviendra rapidement une véritable institution. Avant cela, il ne se passait pas grand-chose sur la scène locale de la bande dessinée. Il y a quelques festivals dans les pays voisins et la plupart de nos artistes y trouvent un peu de soutien. Malheureusement, le gouvernement subventionne souvent les mêmes organisations qui ne contribuent que peu ou pas du tout à la communauté et, hélas, ce festival ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier d'un financement. Néanmoins, une poignée d'individus motivés ont réussi à faire bouger les choses. À force de sueur et de travail, ils ont réussi. Ce fut un succès, et l'année prochaine promet d'être encore plus belle. J'espère que le gouvernement prendra conscience de la demande croissante d'événements comme celui-ci et qu'il décidera de nous soutenir. En attendant, nous poursuivrons notre travail de création, et personne ne pourra nous en priver.

Figurine de « Lucy la nécromancienne ». Photographie de Kiril Mihailov, utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

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Syrie : 43 ans en prison pour avoir refusé de bombarder une villehttps://fr.globalvoices.org/?p=292798http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250115_161604_Syrie___43_ans_en_prison_pour_avoir_refuse_de_bombarder_une_villeWed, 15 Jan 2025 15:16:04 +0000L'histoire de Ragheed Al-Tatari qui a refusé de bombarder la ville de Hama et en a payé les frais

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Le pilote de l'armée de l'air syrienne Ragheed Al-Tatari avant et après son emprisonnement. Collage réalisé sur Canva Pro par Rami Alhames, à partir de captures d'écran d'une vidéo YouTube téléchargée par l'utilisateur boschev. Utilisées avec permission.

Le nom de Ragheed Al-Tatari [fr] est devenu un symbole de courage moral dans le contexte de l’histoire brutale du régime syrien. Ancien pilote de l’armée de l’air syrienne, Al-Tatari a pris une décision qui lui a coûté 43 ans de sa vie en prison : il a refusé de bombarder la ville de Hama en 1982. À l’époque, Hama se soulevait contre le régime autoritaire de Hafez al-Assad, et la réponse [fr] du régime a été catastrophique.

Refus d'obéir aux ordres

Le président syrien Hafez al-Assad aux côtés de son frère Rifaat al-Assad lors d'une cérémonie militaire à Damas, 1984. Domaine public, via Wikimedia Commons.

Sous les ordres d’Assad, l’armée syrienne a lancé une attaque à grande échelle contre la ville [fr], dirigée par son frère Rifaat Assad [fr], l’une des répressions les plus brutales de l’histoire de la Syrie moderne. Des milliers de civils ont été tués lors du massacre. Patrick Seale, dans un article du Globe and Mail, a décrit l’opération comme une « orgie de deux semaines de meurtres, de destruction et de pillage » qui a détruit la ville et tué au moins 25 000 habitants. Al-Tatari, cependant, n’a pas pu se résoudre à exécuter les ordres. Face à la perspective horrible de bombarder des civils, il a choisi de défier ses supérieurs et a plutôt refusé de mener à bien la mission. Pour son acte de défi, le régime syrien l’a condamné à une peine extraordinaire de 43 ans de prison. Son acte de conscience allait non seulement changer sa vie, mais aussi résonner profondément dans la mémoire collective des Syriens, en particulier à Hama.

Selon l'Association des détenus et des personnes disparues de la prison de Saydnaya, Al-Tatari et trois autres pilotes ont été arrêtés en 1980 pour avoir refusé de mener des frappes aériennes dans le gouvernorat de Hama.

Le commandant de l'escadron et un autre pilote ont cherché refuge en Jordanie, tandis qu'Al-Tatari et un collègue sont retournés à leur base aérienne d'Alep sans avoir terminé les frappes aériennes prévues. Bien qu'Al-Tatari ait été accusé d'insubordination, le tribunal l'a finalement innocenté, affirmant qu'en tant qu'officier subalterne, il s'était conformé aux instructions de son commandant d'annuler la mission.

The squadron commander and another pilot sought refuge in Jordan, while Al-Tatari and a colleague returned to their airbase in Aleppo without completing the planned airstrikes. Although Al-Tatari was accused of insubordination, the court eventually cleared him of the charges, citing that, as a subordinate officer, he had complied with his commander's instructions to cancel the mission.

Malgré son acquittement, le tribunal a décidé de le retirer du service militaire. Lorsqu'il est retourné en Syrie après avoir été acquitté et que sa demande d'asile a été rejetée en Égypte, il a tout de même été rapidement détenu à l'aéroport de Damas le 24 novembre 1981.

Caché en prison pendant des années

Al-Tatari a été brutalement torturé à la prison de la Direction de l'Intelligence militaire [fr].

Ensuite, à la prison de Mezzeh [fr], il a été détenu sans avoir été inculpé d'aucun crime. En 1982, il a été traduit devant un tribunal militaire d'exception pendant quelques minutes, sans préavis, sans annonce publique ni information directe. Plus tard dans l'année, Al-Tatari a été transféré à la tristement célèbre prison du désert de Tadmor, où il est resté 21 ans.

Après 2001, il a été transféré à la prison de Saydnaya, où il a passé 10 ans, qui ont été les plus difficiles de l'histoire de la prison, en particulier en 2008, lorsque les prisonniers se sont rebellés et ont été confrontés à la plus grande brutalité.

L'histoire d'Al-Tatari est restée largement méconnue du reste du monde pendant de nombreuses années, jusqu'en 2005, lorsqu'il a eu la première occasion de voir son fils unique, Wael. En 2011, en signe de protestation contre ses conditions de détention, il a refusé de porter la tenue de prison exigée par les autorités de la prison d'Adra, où il était empêché de voir ses proches et ses amis, et a vécu dans des conditions humanitaires terribles, comme le reste des détenus qui ont fini dans les prisons du régime Assad.

Libération et honneur

L'imam de la mosquée Mohammed Al-Hamed de Hama a rendu hommage à Ragheed Al-Tatari en lui remettant une épée d'or au nom des habitants de Hama, symbole de bravoure et de défi. Photo via @Asmaa59475027

Les forces d'opposition syriennes ont libéré des dizaines de milliers de détenus des prisons syriennes après le renversement du régime de l'ancien président Bachar al-Assad [fr]. Après 43 ans, Al-Tatari a vu la lumière du jour et est sorti de prison pour la première fois, après que ses cheveux soient devenus gris et son visage ridé, dressant le portrait d'une vie gâchée derrière les barreaux.

Les organisations de défense des droits de l’homme considèrent Al-Tatari comme le plus ancien détenu politique en Syrie. Il est surnommé par beaucoup « l'aîné doyen des prisonniers syriens ». Aujourd’hui, Al-Tatari est de retour dans les rues de Syrie après une longue et amère épreuve, et des photos sur X (anciennement Twitter) montrent l’ancien pilote souriant après avoir recouvré sa liberté.

Dans un puissant acte de solidarité et de respect, les habitants de Hama, encore hantés par les souvenirs du massacre de 1982, lui ont rendu hommage. Ils lui ont offert une épée d’or, symbole de bravoure et de défi, reconnaissant son intégrité et son courage face à l’un des régimes les plus oppressifs de l’histoire moderne.

Les habitants de la province de Hama en Syrie ont rendu hommage au pilote Ragheed al-Tatari après avoir passé 43 ans dans les prisons du régime d'Assad, en raison de son refus d'exécuter les ordres de bombarder les civils de la ville dans les années 80 sous le régime de Hafez al-Assad.

Al-Tatari a été arrêté alors qu'il était major à l'âge de 27 ans, et a été libéré à l'âge de 70 ans de la prison centrale de Tartous, après que des factions de l'opposition ont pris le contrôle des villes qui étaient sous le contrôle du régime et ont libéré les détenus des prisons qui s'y trouvaient, alors que Bachar al-Assad s'enfuyait en Russie.

Pour les habitants de Hama, le refus d’Al-Tatari de se plier aux ordres d’Assad a constitué un acte de clarté morale à une époque où la survie était souvent synonyme de complicité. Le fait que les habitants de Hama aient choisi d’honorer Al-Tatari des décennies plus tard, malgré les tentatives du régime d’effacer ces histoires de résistance, en dit long sur la pérennité de l’héritage d’intégrité. C’est aussi un témoignage de la façon dont la mémoire et la justice peuvent survivre même aux régimes les plus répressifs.

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Une école secondaire de la région rurale de Trinidad espère que les actions communautaires pourraient aider à lutter contre la crise climatiquehttps://fr.globalvoices.org/?p=292435http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250115_160402_Une_ecole_secondaire_de_la_region_rurale_de_Trinidad_espere_que_les_actions_communautaires_pourraient_aider_a_lutter_contre_la_crise_climatiqueWed, 15 Jan 2025 15:04:02 +0000« Nous […] nous dirigeons vers une catastrophe si nous n’agissons pas maintenant »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le vétiver est utilisé avec succès en renforçant la stabilité des pentes, entrainant l’atténuation des glissements de terrain et des inondations. Photo via Canva Pro.

Les élèves de l’école secondaire de Vessigny, dans le sud côtier de Trinidad, ont récemment planté 13 mètres linéaires d’herbes de vétiver et 30 arbres fruitiers sur l’enceinte de l’école afin de renforcer la résilience climatique.

Les racines longues et robustes du vétiver — qui peuvent pénétrer jusqu’à trois mètres dans le sol — offrent l’une des solutions les plus rentables et les plus respectueuses de l’environnement pour atténuer certaines des conséquences de la crise climatique contre lesquels les petits États insulaires en développement (PEID) comme les Caraïbes font face.

L’herbe (nom scientifique chrysopogon zizanioides) est parfaitement adaptée au climat chaud des Caraïbes et atteint des performances admirables en matière de stabilisation des pentes, de contrôle de l'érosion et même de réhabilitation des sols qui ont pu être contaminés par des polluants environnementaux. Elle est également capable de résister à la sécheresse et aux inondations, ce qui en fait une option particulièrement robuste pour limiter la menace des changements climatiques, en particulier lors des inondations et des glissements de terrain.

Mise en œuvre avec l’aide d’une organisation non gouvernementale (ONG) environnementale IAMovement et le cabinet de conseil en durabilité Advisors Nex’ Door, l'initiative de plantation faisait partie du  programme Inspire2Achieve (I2A), lancé il y a deux ans par la Société nationale du gaz (NGC) pour explorer les façons dont les pratiques durables peuvent aider à protéger et préserver l'environnement naturel au niveau communautaire.

Jusqu’à présent, le travail s’est concentré sur les zones rurales que NGC considère comme ses « communautés de clôture », où une partie de l’objectif est d’engager les jeunes dans des discussions sur des sujets tels que la durabilité, l’entrepreneuriat et la technologie. Les élèves ont appris les méthodes de plantation adéquates, car les communautés rurales de tout le pays, en particulier celles qui sont également proches de la côte, comme Vessigny, ont tendance à être plus vulnérables aux menaces de la crise climatique, et lors d’événements météorologiques extrêmes, ces communautés doivent savoir comment réagir.

Selon l’évaluation de la vulnérabilité et des capacités de Trinité-et-Tobago de 2019, des zones comme Vessigny sont classées comme présentant un risque élevé face aux événements tels que les glissements de terrain — raison de plus pour laquelle le directeur général d’IAMovement, Kevan Kalapnath-Maharaj, a déclaré qu’il estimait que l’initiative était importante pour donner aux jeunes les connaissances et les outils nécessaires pour lutter contre les changements climatiques et restaurer les écosystèmes.

Kacey Brown, une étudiante engagée dans cette initiative,a ajouté : « L’événement d’aujourd’hui nous a permis de mieux comprendre la conservation de l’environnement, les stratégies d’atténuation du climat, l’adaptation au climat et même les aspects commerciaux de ces sujets. » L’initiative, d’après les étudiants, a réussi à « nous encourager au changement et à informer les autres de ce que nous avons appris pour un avenir sans catastrophes ».

Le 13 octobre, le lendemain de la fin de la plantation de vétiver et d’arbres par les élèves, était célébrée la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophes. Son thème de 2024, « donner à la prochaine génération les moyens d’assurer un avenir résilient », était tout à fait approprié, considérant que la nouvelle végétation permettra non seulement de réduire la probabilité de glissements de terrain, mais aussi d’endiguer la libération de dioxyde de carbone, l’un des principaux gaz à effet de serre à l’origine de la crise actuelle.

À l’instar du Guyana, le nouveau producteur de pétrole des Caraïbes qui espère avoir le beurre et l’argent du beurre en étant un fournisseur de combustibles fossiles à faible teneur en carbone, NGC a mis un point d’honneur à mener à bien des initiatives de durabilité. NGC semble déterminée à trouver des moyens par lesquels la durabilité peut coexister avec l’exploration et la production d’énergie. Dans le rapport sur le développement durable 2022 de l’entreprise, Mark Loquan, alors président de l’organisation, a qualifié de « trilemme énergétique, la nécessité d’équilibrer les priorités concurrentes de sécurité énergétique, d’accessibilité économique et de durabilité ».

D’autres entreprises du secteur de l’énergie opérant à Trinité-et-Tobago ont également inclus l’environnement dans leur campagne de RSE.  Sous sa propre bannière de durabilité, par exemple, la multinationale Atlantic LNG a encouragé un programme d’éducation environnementale. En partenariat avec le Fondes Amandes Community Reforestation Project (FACRP), cette initiative emmène les élèves du secondaire sur le terrain, où ils ont accès à des informations pratiques essentielles pour préserver et protéger l’environnement. Ils comprennent ainsi, dès leur plus jeune, l’impact des changements climatiques et ses conséquences, allant des répercussions des feux de forêt sur la biodiversité à la manière dont le vétiver peut lier et renforcer les sols, empêchant les glissements de terrain et les inondations.

John Stollmeyer, un écologiste trinidadien qui a été impliqué dans les premières étapes du projet Atlantic/FARCP, a déclaré à Global Voices que le travail effectué grâce à cette initiative est utile et important, et que le FACRP est capable de faire beaucoup pour la communauté avec le soutien corporatif dont il bénéficie. Dans le même temps, cependant, il affirme qu’au rythme actuel auquel les ressources naturelles de la terre sont extraites, des programmes comme ceux-ci ne sont pas suffisants pour changer l’issue imminente de la crise climatique. Six des neuf frontières planétaires ont déjà été franchies, affirme Stollmeyer, et « plus vite nous arrêterons cette extraction — y compris l’extraction de combustibles fossiles — meilleures seront nos chances de ne pas disparaître ».

Alors que des régions vulnérables comme les Caraïbes font face à l’aggravation des effets de la catastrophe climatique, il reste à voir si cette tentative d’équilibre du « trilemme énergétique » peut être effectivement réalisée. Alors que la diversification économique en dehors de l’économie pétrolière et gazière de longue date de Trinité-et-Tobago est promise depuis longtemps, les approches alternatives ont été lentes à venir.

Pour sa part, NGC considère le programme comme un moyen de promouvoir, par la collaboration et l’éducation, des solutions fondées sur la nature qui soutiennent les objectifs de Trinité-et-Tobago en matière d’environnement et de préparation aux catastrophes. Reconnaissant que « l’action immédiate est essentielle dans la lutte contre les changements climatiques », Mario Singh, responsable de la durabilité, a noté qu’elle « unit les jeunes leaders pour contribuer à des solutions significatives, en utilisant des outils comme les approches basées sur la nature pour générer un impact positif sur le climat ».

Peut-être que si le mouvement mondial d’éloignement des combustibles fossiles pouvait être atteint plus rapidement, et que des forums comme la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (la dernière COP29 a eu lieu à Bakou, Azerbaïdjan) accordaient une plus grande attention aux suggestions des dirigeants régionaux comme le Premier ministre de la Barbade Mia Mottley et « reconnaissaient que nous sommes au milieu d’une crise climatique, nous précipitant vers la catastrophe si nous n’agissons pas maintenant », ces actes auraient un impact plus important.

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Récits sur l'intelligence artificielle : un rapport réalisé par Global Voiceshttps://fr.globalvoices.org/?p=292502http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250110_160901_Recits_sur_l_intelligence_artificielle___un_rapport_realise_par_Global_VoicesFri, 10 Jan 2025 15:09:01 +0000En plaçant l'IA dans le contexte des données, nous avons analysé leur relation avec les récits, les motivations partagées et les stratégies nécessaires pour protéger l'intérêt public.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image créée par Giovana Fleck, utilisée avec permission

Ce rapport fait partie de Data Narratives, un projet du service de recherche Civic Media Observatory (Observatoire civique des médias) visant à identifier et à comprendre les discours concernant les données utilisées pour la gouvernance, le contrôle et la politique dans les pays suivants : El Salvador, Brésil, Turquie, Soudan et Inde. Si ce projet vous intéresse, vous pouvez en lire davantage ici et visiter notre ensemble de données publiques.

Des acteurs puissants, des gouvernements et des sociétés sont en train de façonner avec détermination des récits sur l'intelligence artificielle (IA) dans le but de faire progresser des points de vue divergents de la part de la société et le gouvernement. Ces récits aident à établir ce que le public croit et ce qui devrait être considéré normal ou inévitable à propos de l'usage de l'IA dans leur quotidien : abordant de la surveillance à la prise de décisions automatisée.

Tandis que des messages publics considèrent des systèmes d'IA comme des outils qui promeuvent le progrès et l'efficacité, ces technologies sont utilisées de plus en plus pour surveiller les populations et retirer aux citoyens leur pouvoir de participer aux affaires politiques de mille et une façons. Cet enjeu lié au récit narratif sur l'IA est davantage plus complexe dû à la diversité des valeurs culturelles, des programmes d'action et des concepts ayant un impact sur la façon dont l'IA est abordée au niveau international. Tenir en compte de ces différences est un élément clé dans les contextes dans lesquels les données aggravent les inégalités, les injustices ou la gouvernance antidémocratique. Étant donné que ces systèmes continuent à être adoptés par des gouvernements ayant des antécédents de répression, il est crucial que les organisations de la société civile comprennent la situation pour faire face aux récits sur l'IA qui justifient l'utilisation antidémocratique de ces outils.

Nous avons travaillé avec les bases établies par le projet de recherche Unfreedom Monitor afin de mener notre recherche de Data Narrative sur le discours des données dans cinq pays qui font face à diverses menaces à la démocratie, ces pays étant : Soudan, El Salvador, Inde, Brésil et Turquie. Dans le but de mieux comprendre les relations de ces pays avec l'IA, leurs motivations et les stratégies de protection de l'intéret public, il est utile de contextualiser l'IA en tant qu'un récit de données. La prédominance de l'usage de l'IA implique intrinsèquement la prédominance des données et vice versa. Les systèmes d'IA dépendent de vastes quantités de données pour s'entraîner et pour opérer ; en même temps que ces systèmes gagnent en lisibilité et en valeur, car ils ont été largement intégrés dans les fonctions quotidiens qui génèrent par la suite d'énormes quantités de données nécessaires pour qu'ils puissent fonctionner.

La terminologie de l'IA : un récit et un obstacle

Le terme « intelligence artificielle » lui-même est polémique. Les définitions conventionnelles de ce concept – comme celle établie par la loi européenne sur l'IA : EU AI Act – ont pour but de fournir aux législateurs le cadre nécessaire afin de mettre en place des politiques de gouvernance efficaces ; cependant, ces essais sont insuffisants presque toujours, dus au fait qu'ils excluent, par mégarde, quelques systèmes de la surveillance à cause de la variabilité des formes et des fonctions de ces systèmes soi-disant intelligents dans l'ensemble. Les manières d'aborder la définition de « intelligence artificielle » varient énormément selon le champ d'étude. C'est ce qu'illustrent les données d'enquête dans lesquelles les informaticiens se concentrent sur les fonctions techniques des systèmes, tandis que les législateurs s'intéressent plutôt aux connexions métaphoriques entre les aspects du système qu'ils considèrent comme similaires à la pensée et au comportement humains. Cela montre que même le terme « intelligence artificielle » a un sens. Nous commençons à le comprendre en acceptant les utilisations globales qui en sont faites dans les médias populaires, ainsi que celles qui sont faites par les gouvernements et les chercheurs.

La diversité globale des récits de la terminologie de l'IA reflète la variété internationale des valeurs et des priorités culturelles. Plusieurs langues attribuent le mot « intelligence » à ces systèmes, mais les cultures ont ses différences concernant ce qui le concept d'intelligence implique pour chacune d'entre elles. Le simple usage du terme « intelligence » confère des qualités humaines à la technologie, ce qui peut créer une fausse idée que l'IA est autonome et puissante au lieu d'un outil développé et contrôlé par des humains. Des descriptions anthropomorphiques de l'IA peuvent masquer l'infrastructure sous-jacente et les intérêts commerciaux qui se cachent derrière son développement, induisant en erreur au public en l'incitant à tirer des conclusions incorrectes sur la manière dont la technologie marche et si on devrait lui faire confiance dans des cas spécifiques. Par conséquent, les récits sur l'IA qui utilisent des descriptions anthropomorphiques peuvent éviter que le public ne critique ces systèmes d'IA.

La langue qui attribue à un système plus d'intelligence qu'il n'en est capable peut être assimilée aux récits d'encadrement des entreprises qui commercialisent ces outils. Étant donné que les systèmes d'IA avancés, en particulier l'IA générative, nécessitent des ressources informatiques et des infrastructures massives que seule une poignée d'entreprises peut s'offrir, le pouvoir sur le développement de l'IA a été concentré dans les Big Tech telles que Google et Microsoft.  Cette domination technique donne des avantages à ces compagnies sur les récits relatifs aux systèmes d'AI en encourageant des récits qui suggèrent que le contrôle privilégié qu'ils ont sur cette technologie est dans l'intéret public en raison des promesses disant que cela « démocratisera l'IA » pour tout le monde. En fait, ces modèles sont totalement incapables de démocratiser la connaissance : d'une part, cela est dû au fait que ces technologies ne peuvent pas différencier les faits de la fiction lorsqu'il s'agit de produire des résultats pour même justifier une définition libérale de « connaissance » et, d'autre part, c'est parce qu'elles offrent des réponses différents en fonction de l'utilisateur en raison de la nature des informations sur l'identité encodées dans le discours de celui-ci. La popularité de l'IA générative étend de plus en plus l'influence des entreprises des États-Unis dans d'autres pays, façonne tant les questions soulevées que les débats sur des réseaux sociaux et déterminent quelles recherches seront financées.

Considérer les systèmes d'IA comme intelligents est davantage plus compliqué et entremêlé avec des récits similaires. Aux États-Unis, les récits sur l'IA se basent souvent sur des thèmes opposés, tels que l'espoir et la peur, ce qui déclenche fréquemment deux émotions  fortes: les craintes existentielles et les aspirations économiques. Dans n'importe quel cas, ceux-ci proposent que la technologie est puissante. Ces récits contribuent à inciter un enthousiasme exagéré concernant les outils d'IA et leur impact potentiel sur la société. En voici quelques exemples :

Un grand nombre de ces définitions présentent souvent l'IA comme une force inarrêtable et qui est en train de progresser très rapidement. Bien que ce récit puisse susciter l'enthousiasme et l'investissement en faveur de la recherche sur l'IA, cela peut contribuer aussi à engendrer une sensation de déterminisme technologique et à un manque d'engagement critique quant aux conséquences de l'adoption de l'AI aussi répandue. Il existe beaucoup de récits s'opposant à cela et qui développent les motifs de la surveillance, la détérioration de la confiance, le biais, la répercussion sur l'emploi, l'exploitation de la main-d'œuvre, les usages à haut risque, la concentration du pouvoir et les conséquences environnementales, entre autres.

Ces récits, accompagnés de la langue et de l'imagerie métaphoriques utilisées pour décrire l'IA, contribuent à semer la confusion et le manque de connaissances dans le public au sujet de cette technologie. En montrant l'IA comme un outil transformateur, inévitable et nécessaire à la réussite nationale, ces récits peuvent façonner l'opinion publique et les décisions politiques, souvent des manières qui encouragent une adoption et une commercialisation rapides.

Les principaux récits trouvés dans notre recherche

Vous pouvez cliquer sur les tableaux suivants pour naviguer parmi les récits que nous avons analysés et que nous décrivons dans la section suivante :

Version originale en anglais :

Version traduite en français :

Brésil

Le débat sur l'IA au Brésil, centré principalement sur les mesures réglementaires, a gagné en popularité puisque ce pays a accueilli le forum G20 cette année (2024) et a mené une série de préparations et des activités annexes concernant les problèmes liés à la gouvernance des données, telles que NetMundial+10. La réglementation principale qui a été abordée était le projet de loi 2338/2023, qui vise à établir des standards nationaux pour développer, mettre en place et faire un usage responsable des systèmes d'IA. À part ce projet de loi, il y a davantage des propositions législatives spécifiques dans quelques secteurs, telles que celles qui criminalisent les deepfakes pornographiques, et qui ont ciblé les résolutions de 2024 élaborées par le Tribunal Electoral Supérieur sur l'IA et les élections.

Dans ce contexte, notre chercheur a identifié trois récits essentiels. Le premier récit, « Le Brésil doit rester à l'avant-garde de la réglementation des nouvelles technologies », couvre le désir de du gouvernement de gauche actuel du Brésil et des membres de la société civile de revenir à l'avant-garde de la réglementation des nouvelles technologies comme ils l'étaient en 2014, avec le « Marco Civil da Internet » (Cadre Brésilien des Droits Civils pour l'Internet). Le deuxième récit, « Le Brésil doit réglementer l'IA pour ne pas être à la traîne », suit également un sentiment d'urgence pour la réglementation ; cependant, promu par l'aile droite conservatrice, le Parti libéral (PL), il donne la priorité à la facilitation d'un espace commercial sécurisé qui prospère grâce à l'innovation en matière d'IA. Le troisième récit, « La réglementation de l'IA empêche l'innovation au Brésil », avancé par l'aile droite néolibérale du pays, diffuse l'idée que la réglementation de l'IA empêchera le développement de l'industrie de l'IA au Brésil.

Inde

En novembre 2024, une vidéo deepfake faite par AI de l'actrice Rashmika Mandanna qui circulait sur les réseaux sociaux a déclenché un débat en Inde par rapport à la réglementation de l'IA. La confirmation de cette manipulation d'images a conduit à des discussions concernant le rôle du gouvernement en matière de contrôler les deepfakes faits par IA et de mitiger les dommages potentiels. Ce débat s'est étendu aux préoccupations sur l'impact de l'IA dans les élections, ce qui a encouragé que le gouvernement avertisse des plateformes sur les deepfakes faits par IA et qu'il publie un avertissement sur l'autorégulation et l'étiquetage des contenus faits par IA. Ces mesures ont suivi les problèmes soulevés publiquement par la Première ministre Narendra Modi, qui ont souligné les menaces posées par les deepfakes faits par IA et leur dommage potentiel pour les citoyens.

Au cours de la première phase de la discussion, juste après la publication de la vidéo deepfake faite par IA, notre chercheur a repéré deux récits principaux. Le premier récit, « Le gouvernement indien est résolu à rendre l'internet sûr pour ses citoyens », annonçait les actions générales du gouvernement en termes de réglementation pour lutter contre la désinformation, les discours haineux et le harcèlement en ligne. Le second récit, « La réponse du gouvernement indien aux “deepfakes” de l'IA est confuse et réactive », soutenu par des organisations telles que l’Internet Freedom Foundation, questionne les mesures réactives du gouvernement et considère qu'elles ont été prises sans une évaluation approfondie des différentes problématiques en question.

Plus tard, notre chercheur a relevé trois récits supplémentaires au moment où l'attention s'est portée sur les élections. Les deux premiers récits, « Les acteurs antinationaux de l'Inde utiliseront les deepfakes faites par IA » et « Les créateurs de deepfakes faits par IA et les plateformes qui les hébergent sont les véritables moteurs de la manipulation des élections », proposés par le gouvernement, visent à accuser les partis d'opposition, les plateformes de réseaux sociaux et les personnes qui sont derrière la création de vidéos deepfakes faites par l'IA pour propager de la désinformation sans faciliter l'adoption d'une réglementation stricte pour y remédier. Le troisième récit, « La solution à la désinformation par l'IA en Inde doit aller au-delà de l'interdiction et du blocage des contenus », également promu par des organisations telles que l’Internet Freedom Foundation, exige une réponse plus efficace de la part du gouvernement qui considère la responsabilité politique et renforce le système des médias.

Soudan

La guerre civile au Soudan, en cours depuis avril 2023, a affecté profondément tous les aspects de la société soudainaise. En mai 2023, les Forces armées soudanaises (SAF) ont utilisé la station de télévision nationale pour propager de la désinformation et affirmer que une vidéo de Mohamed Hamdan Dagalo (Hemedti), le commandant des Forces de soutien rapide (FSR), était faite par IA et que Hemedti était mort. Cependant, Hemedti est réapparu en juillet 2023 dans une vidéo enregistrée avec ses forces et publiée par les FSR sur X (avant connu comme Twitter), ce qui les sympathisants des SAF ont utilisée pour renforcer leur récit qui revendiquait sa mort en affirmant que « les FSR utilisent des deepfakes faits par IA afin de faire des tromperies militaires. » En janvier 2024, la crédibilité des SAF était entamée quand Hemedti est apparu publiquement avec plusieurs dirigeants africains lors de sa visite dans la région.

Au milieu de cette situation, où l'IA est utilisée comme un outil de guerre, notre chercheur a défini trois récits clefs. Le premier récit – comme indiqué ci-dessus, « Les FSR utilisent des simulacres d'IA pour la tromperie militaire » -, promu par les SAF et ses sympathisants, vise à discréditer les FSR en les associant aux deepfakes faits par IA et en les accusant de tromper à tout le monde pour les faire penser que leur commandant, Hemedti, est toujours en vie. Le second récit, « Les Émirats arabes unis et Israël utilisent l'IA pour faire passer leur programme d'action au Soudan », soutenu davantage par les sympathisants des SAF, explique  que les Émirats arabes unis ont utilisé l'IA pour imposer leur programme d'action au Soudan en vue de favoriser les FSR tout en nuisant à la réputation des SAF. Israël et les Émirats arabes unis ont renforcé leur coopération en matière d'innovation en IA, qui s'est intensifiée à la suite de l'accord de paix conclu dans le cadre des accords d'Abraham. Le RSF, qui entretient des liens étroits avec les Émirats arabes unis, a cherché par le passé à instaurer des relations indépendantes avec Israël, en dehors des canaux officiels de l'État.

Le troisième récit, « Les FSR n'utilisent pas de deepfakes d'IA à des fins de tromperie militaire », renforcé par les FSR et ses sympathisants, contrecarre les accusations des SAF et nie avoir utilisé des deepfakes faits par IA à des fins de tromperie militaire dans leurs opérations en ligne.

Turquie

En Turquie, le battage médiatique est un facteur dominant dans les débats sur l'IA. Malgré cela, l'IA est souvent mal interprétée, étant vue et traitée comme une solution magique. Plusieurs entités tant du secteur public que privé recourent à l'IA pour projeter une image plus technophile, progressiste et objective, en l'utilisant pour se défendre des accusations de partialité ou de manque de modernité. Pourtant, cet optimisme contraste vivement avec les expériences frustrantes ou abusives que de nombreux citoyens turcs ont avec l'IA dans leur quotidien.

Dans ce combat de perceptions, notre chercheur a identifié deux récits. Le premier récit, « L'intelligence artificielle est impartiale et peut en elle-même résoudre de nombreux problèmes du peuple turc », soutenu par le parti au pouvoir, l'opposition et même la fédération de football du pays. Il décrit l'IA comme étant toujours impartiale, objective et supérieure aux systèmes fabriqués par l'homme, indépendamment des raisons, de la manière et de l'endroit où elle est utilisée. Le second récit, « L'intelligence artificielle cause plus de problèmes qu'elle n'en résout », est implicitement affirmé et présente les menaces associées à son usage, notamment l'exacerbation des problèmes sociétaux existants et la création de nouveaux problèmes.

Des lacunes dans la conversation

Les récits détectés par nos chercheurs mettent également en évidence les lacunes dans le débat sur l'IA. Le cas le plus évident se trouve au Salvador, où aucun récit clé discutant de l'IA n'a été trouvé. Notre recherche indique que les sujets de gouvernance des données qui prospèrent dans le dialogue social du Salvador sont principalement les politiques relatives aux crypto-monnaies et les enjeux liés à la protection des données.

En Inde, au Soudan et en Turquie, les enjeux liés à la protection des données sont également présents dans les discussions sur la gouvernance des données. Toutefois, dans tous ces pays, les inquiétudes concernant la fuite ou l'utilisation abusive des données personnelles sont liées à l'IA. Il semblerait qu'il n'y ait pas de discussion sur la source des données utilisées pour soutenir les systèmes d'IA et les implications que cela pourrait avoir ou pas sur la vie privée des personnes, même dans les pays où des réglementations potentielles sont en cours de discussion. La même chose se produit avec les discussions sur les répercussions potentielles de l'IA sur l'emploi : aucun récit local ne débat des menaces ou des opportunités que l'IA peut présenter pour les personnes sur leur lieu de travail.

Les récits présentés dans notre recherche sont également peu optimistes et n'associent pas clairement l'IA à des éléments positifs. Ce n'est qu'en Turquie que l'IA est présentée comme un outil effectif, bien qu'elle soit généralement mystifiée et utilisée dans le discours et comme stratégie de communication pour masquer les inefficacités.

Le travail de nos chercheurs ne révèle pas non plus de récits influents dans les sociétés des pays étudiés sur les conséquences possibles de l'IA sur les forces militaires ou policières de ces pays, au contraire des États-Unis. Ce n'est qu'en Turquie et El Salvador que nos chercheurs ont trouvé des discussions actives sur un éventuel espionnage de la part de leurs gouvernements. Néanmoins, dans tous ces incidents, les récits établissent un lien avec l'IA. La même situation s'est produite avec les violations des droits de l'homme : aucune discussion sur la manière dont l'IA peut les prévenir ou les faciliter n'a été enregistrée.

Notre recherche ne montre non plus aucun débat social approfondi sur l'opportunité que représente l'IA pour les responsables autoritaires actuellement au pouvoir ou souhaitant y accéder. Il ne semble guère y avoir de discussions sur la question de savoir si l'IA peut aggraver la notion d'absence de vérité indiscutable et si ce climat de méfiance est nuisible aux démocraties.

Conclusion : les récits sur l'IA doivent changer

Les organisations de la société civile qui veulent protéger la démocratie et les droits de l'homme doivent mieux comprendre les récits de l'IA au plan mondial. La première élection générative influencée par l'IA vient d'avoir lieu. L'autoritarisme fondé sur les algorithmes et l'utilisation de l'IA aux fins de la répression sont vastes, y compris la propagande faite avec des deepfakes, la surveillance, la modération du contenu, la cyberguerre et les armes de l'IA. Les régions se focalisent sur des menaces et des politiques spécifiques liées à l'IA, mais des récits publics plus larges sur les impacts de l'IA sur la démocratie et les droits de l'homme sont nécessaires. Les recherches menées par le Data Narratives Observatory indiquent que les débats régionaux ne tiennent souvent pas compte des liens essentiels entre les systèmes d'intelligence artificielle, la gouvernance des données et le pouvoir. Il est nécessaire de changer les récits et de créer une infrastructure narrative. Considérer l'IA comme un élément d'un écosystème de données et non comme une intelligence anthropomorphisée peut aider à contrecarrer les récits nuisibles et trop simplifiés sur l'IA. Cette approche peut également contribuer à éduquer le public sur les droits relatifs aux données et à l'IA, puisque la politique en matière d'IA dépend de la gouvernance des données. Cette relation est très importante si l'on considère la croissance de l'IA et le rôle qu'elle joue dans le processus de surveillance.

Notre recherche dévoile des lacunes importantes dans le discours mondial sur l'IA. Du côté d'El Salvador, le discours social sur la gouvernance des données est centré sur les politiques relatives aux crypto-monnaies et à la protection des données, et accorde peu d'attention à l'IA. Les deepfakes faits par IA et leur emploi dans la désinformation sont discutés dans des pays comme le Brésil, l'Inde et le Soudan, mais ils abordent rarement les répercussions de l'IA sur la confidentialité des données ou sur l'emploi. Il est rare que l'on soit optimiste à l'égard de l'IA, sauf en Turquie, où l'IA est perçue comme une solution, même si c'est souvent de manière superficielle. Les échanges sur l'impact de l'IA sur les capacités militaires et policières, les droits de l'homme et son potentiel à soutenir les régimes autoritaires ou à compromettre les valeurs démocratiques sont particulièrement absents, ce qui met en lumière la nécessité d'un engagement plus complet et plus critique à l'égard des impacts sociétaux de l'IA dans le monde entier.

Des approches émergentes et prometteuses de la gouvernance de l'IA pourraient être renforcées par des méthodes qui respectent le pouvoir des récits autour des enjeux centraux. Les initiatives de gouvernance des données et de l'IA orientées vers la communauté, comme Connected by Data, et des réseaux de souveraineté des données indigènes, comme Te Mana Raraunga, illustrent la manière dont la gestion collective peut contester le contrôle des entreprises et la surveillance de l'État. Récemment, des efforts ont également été réalisés, comme la politique Fostering a Federated AI Commons Ecosystem, inspirée par le travail de Coding Rights, qui appelle le G20 à promouvoir un écosystème basé sur l'IA qui met l'accent sur des tâches spécifiques, orientées vers la communauté, et visant à limiter le pouvoir des monopoles de la technologie. La Fondation Mozilla suit de nombreuses autres initiatives concernant les données qui permettent aux communautés de gagner en autonomie.

Ces idées peuvent être puissantes, mais pour qu'elles réussissent, elles doivent être soutenues par des communautés diverses. La recherche sur des récits démontre qu'ils peuvent influencer efficacement les résultats publics, mais des défis se posent lorsqu'on essaie de développer des récits à partir de la base. Sans un changement délibéré des récits, les récits dominants sur l'IA pourraient s'intensifier et mener à :

  • des récits corporatifs sur l'IA qui surestiment la capacité de l'IA, conduisant à des attentes erronées et confuses et rendant la réglementation plus difficile ;
  • la normalisation d'une surveillance renforcée et d'une perte de pouvoir décisionnel de la part des humains, menée par des récits de l'État ;
  • des récits simplistes sur l'IA, comme ceux qui présentent l'IA comme une menace ou comme une solution, qui peuvent faire oublier la prévention de risques et d'avantages réalistes ;
  • des pratiques extractives et que la concentration du pouvoir dans le paysage de l'IA, qui resteront occultées ;
  • des visions alternatives du développement et de la gouvernance de l'IA centrées sur la communauté, de la gestion des données et du travail sur les biens communs de l'IA peinent à s'imposer.

Ces conclusions soulignent le besoin crucial de développer la recherche sur les récits d'IA – non seulement pour les documenter, mais également pour aider la société civile à élaborer des contre-récits et des stratégies efficaces. La documentation est indispensable pour permettre aux sociétés de construire des infrastructures narratives qui défient le contrôle des entreprises et la surveillance de l'État. La meilleure façon pour les communautés de résister à la répression par l'IA est d'intégrer une compréhension nuancée de la manière dont les différentes communautés conceptualisent et discutent de l'IA dans le but d'élaborer des messages qui résonnent localement et qui contribuent globalement à un mouvement plus large et mondial. Nous commençons par comprendre les récits existants. Nous utilisons ces connaissances pour aider les communautés à repérer l'utilisation abusive des systèmes d'IA et à s'y opposer. En retour, elles peuvent utiliser ces informations pour faire progresser leurs visions alternatives de la gouvernance de l'IA, basées sur les droits de l'homme et les valeurs démocratiques.

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Hong Kong : des pandas géants pour relancer l'économie ?https://fr.globalvoices.org/?p=292612http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250110_150903_Hong_Kong___des_pandas_geants_pour_relancer_l_economie__Fri, 10 Jan 2025 14:09:03 +0000La Chine a offert deux pandas à la ville

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Habitat des pandas à Ocean Park. Photo de inmediahk.net CC BY-NC-SA 2.0

Les visiteurs récents à Hong Kong auront probablement aperçu quelques installations de panda dans la ville et dans les principaux sites touristiques alors que le gouvernement tente de relancer le tourisme par l'approche présumée « l'économie des pandas ».

La ville a connu un trouble économique depuis la pandémie COVID-19, et le tourisme ne s'est jamais entièrement remis après le bouleversement politique lié à la répression des manifestations pro-démocratie de 2019 et l'introduction de nombreuses lois controversées, telles que la Loi sur la Sécurité nationale.

Afin d'essayer de redresser l'économie en crise, environ 2,500 sculptures de panda seront placées partout dans la ville à l'approche de la saison touristique de Noël et du Nouvel An :

À partir de lundi prochain, 2500 nouvelles sculptures de panda en huit designs uniques seront présentées à #HongKong dans une nouvelle exposition nommée « PANDA GO! FEST HK ». À travers quatre expositions publiques, les organisateurs envisagent une « célébration immersive qui combine art, exposition et tourisme. » Image: pic.twitter.com/fpM5f3zIOn

— Hong Kong Free Press HKFP (@hkfp) 25 novembre 2024

Le terme « économie des pandas » a été utilisé par les médias pro-Beijing à Hong Kong après le 1er juillet 2024, quand le Chef Exécutif John Lee a annoncé que le Gouvernement Central Chinois enverrait un couple de pandas adultes, en cadeau pour marquer l'anniversaire de la rétrocession d'Hong Kong de la Grande Bretagne à la Chine. Ensuite viennent d'autres nouvelles — le couple de pandas géants de Ocean Park, Le Le (mâle) et Ying Ying (femelle), a naturellement mis bas à deux petits après y avoir vécu pendant 17 ans — une étape importante pour cette espèce en danger avec faible taux de natalité.

Après l'arrivée du couple de pandas géants de Beijing à Hong Kong, la ville est devenue foyer de six pandas.

Les jumeaux pandas géants, nés de Ying Ying, un panda géant offert par le gouvernement central à Hong Kong, ont célébré leur 100ème jour ce samedi. Samedi, Ocean Park Hong Kong a organisé un événement de célébration pour marquer l'occasion. Les visiteurs ont reçu des œufs rouges et un ragoût de jarret de porc au gingembre… pic.twitter.com/6xsLAqipJr

— China Focus (@China_Focus) 25 novembre 2024

Cependant, élever des pandas coûte cher. La dépense annuelle pour Le Le et Ying Ying s'élève jusqu’à 2 millions de dollars américains, d'après une estimation en 2007. Ocean Park doit maintenant construire de nouvelles infrastructures pour accueillir quatre autres pandas ainsi qu'importer des bambous pour les nourrir. Or, depuis 2015, le parc a fait face à des difficultés financières en raison de la baisse du nombre de visiteurs, et le gouvernement hongkongais a dû injecter 2 milliards de dollars hongkongais pour assurer la continuité des activités.

Bien que le parc ait possédé environ 118.5 millions de dollars hongkongais (environ 1.5 million de dollars américains) en surplus en 2023, cela ne serait pas assez pour couvrir les dépenses supplémentaires.

Dans le monde entier, les parcs zoologiques sont de plus en plus hésitants à garder des animaux captifs à cause des coûts et de la sensibilisation aux droits des animaux. Dernièrement, la Finlande a décidé de remettre deux pandas à la Chine car le zoo ne peut plus les garder:

La Finlande va renvoyer deux pandas géants en Chine en novembre, plus de huit ans plus tôt que prévu, car le zoo où ils habitaient ne peut plus se permettre de les entretenir, disait le président du conseil d'administration du zoo à Reuters ce mardi. #China #panda pic.twitter.com/xWrw0GhM7E

— Radio Free Asia (@RadioFreeAsia) 25 septembre 2024

Les politiciens pro-establishment et les médias ont dit aux Hongkongais que les pandas peuvent attirer plus de visiteurs et booster l'économie en panne.

Par exemple, China Daily, le média affilié à Beijing, décrit les pandas comme « une lueur d'espoir pour Ocean Park de restaurer sa gloire » dans un article publié le 26 septembre 2024. Ocean Park est un vaste parc à thème de 91.5 hectares et un zoo où les pandas seront gardés.

Le président d'Ocean Park, Paulo Pong, a été cité dans un média de l’État disant que les pandas et les attentions qu'ils ont apportés étaient des « cadeaux venant du ciel », et que le parc prévoit de mettre en place des propriétés intellectuelles à thème panda, des diffusions en direct, du marketing sur les réseaux sociaux, et des produits périphériques comme revenus.

Les 2,500 sculptures de panda seront produites par Allrightsreserved, un studio créatif basé sur Hong Kong — une des entreprises visant à développer des droits sur les propriétés intellectuelles à thème panda. L'entreprise d'exposition va donner les droits de propriété intellectuelle au gouvernement hongkongais et à Ocean Park d'utiliser leur design de panda, et a fait promesse de faire don des redevances reçues des tiers à Ocean Park pour maintenir ses opérations d'élever des pandas géants.

En plus des missions économiques, les politiciens pro-Beijing se sont attendus à ce que les pandas géants jouent un rôle dans l'éducation nationale. Le bureau de l'éducation a décrit les pandas géants comme le “cristal de l'amour entre Hong Kong et de la Chine continentale” dans une lettre envoyée à toutes les écoles concernant la célébration de la Journée Nationale de la Chine. En même temps, le secrétaire de l'éducation d'Hong Kong a élaboré sur le sujet dans un article de China Daily:

Un avantage très important à tirer des pandas offerts est que les trésors nationaux serviront à renforcer les liens émotionnels entre le continent et la RAS. Étant donné leur position en tant que trésors nationaux, les nouveaux pandas vont être dans la meilleure position pour créer un immense sens d'identité nationale et d'appartenance envers la patrie parmi la jeune génération. Ce qui est aussi devenu un objectif majeur dans notre éducation scolaire.

Pendant que les deux adorables nouveau-nés pandas ont attiré de nombreux fans, les gens restent sceptiques quant à savoir si l'attention apportée aux pandas peut se traduire en termes monétaires. Voici une blague qui se répand beaucoup sur Facebook:

熊貓經濟係掂嘅,成都一早做咗金融中心啦。

Si l'économie des pandas fonctionnait, Chendgu serait un centre financier

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Israël utilise les technologies de surveillance pour cibler et asservir les Palestinienshttps://fr.globalvoices.org/?p=292550http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250110_144252_Israel_utilise_les_technologies_de_surveillance_pour_cibler_et_asservir_les_PalestiniensFri, 10 Jan 2025 13:42:52 +0000L’IA amplifie les violations des droits de l’homme à l’encontre des civils

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le poste de contrôle de la rue Al-Shuhada à Hébron avec au moins 8 caméras de vidéosurveillance et le Smart Shooter en vue. Photo par AV, utilisée avec permission. 2024.

La collecte de données et la technologie peuvent avoir des conséquences nuisibles, en particulier lorsqu’elles sont utilisées pour surveiller et subjuguer les personnes marginalisées. La façon dont Israël utilise la technologie dans sa guerre contre les Palestiniens en est la preuve la plus évidente. En effet, Israël utilise les données collectées auprès des Palestiniens pour créer des outils automatisés alimentés par l’IA, qui sont ensuite déployés à Gaza et en Cisjordanie.

Les outils de surveillance et logiciels espions israéliens boostés à l’IA, dont le logiciel malveillant Pegasus, et l’armement IA, notamment Smart Shooter et Lavender, ont suscité à la fois la condamnation et l’intérêt de la population. Les gradés de l’unité 8200, unité d’élite du renseignement de l’armée israélienne, sont tellement convoités par les entreprises de surveillance et de technologie militaire qu’il existe désormais une expression pour ce phénomène : « 8200-to-tech pipeline » (qu’on pourrait traduire « transfert de l’unité 8200 à l’industrie de cybersurveillance »).

En 2024, les experts des Nations unies ont déploré l’utilisation de l’IA par Israël pour commettre des crimes contre l’humanité à Gaza. La même année, en dépit de son utilisation continue de l’IA comme outil de violation des droits de l’homme, Israël a signé un traité international sur l’IA élaboré par le Conseil de l’Europe dans le but de protéger les droits de l’homme.

Un système de surveillance devenu un jeu

Nommé « Mabat 2000 », le système de télévision en circuit fermé (CCTV) israélien, également connue sous le nom de « vidéosurveillance », a été installé pour la première fois à Jérusalem en l’an 2000, mais il a fait l’objet d’améliorations significatives au cours des dernières années. Un rapport d’Amnesty International datant de 2023 a cartographié le système de surveillance israélien visible et a trouvé une à deux caméras tous les cinq mètres dans la vieille ville de Jérusalem et à Sheikh Jarrah. Un habitant palestinien a déclaré: « Chaque fois que je vois une caméra, je me sens nerveux. On a l’impression d’être pris pour cibles en permanence ». Les caméras de vidéosurveillance israéliennes sont également présentes aux points de contrôle et aux barrières, ainsi que sur les bâtiments et les tours de la Cisjordanie occupée.

Une maison palestinienne à Sheikh Jarrah, surmontée d’une installation israélienne. Environ huit caméras de vidéosurveillance sont visibles sur la photo. Des groupes de caméras de surveillance peuvent être identifiés sur le poteau à droite et près de l’étoile de David et des drapeaux israéliens sur le toit. Photo de l’auteur, utilisée avec autorisation. 2024.

Depuis 2020, un dénommé « Wolf Pack » (« meute de loup » en anglais) de technologie de surveillance a été déployé par Israël dans les territoires palestiniens occupés. Ainsi, à l’aide de l’application Blue Wolf (« loup bleu » en anglais), Israël a procédé à un enregistrement biométrique massif des Palestiniens, souvent aux points de contrôle et sous la menace d’une arme, et parfois même au domicile de particuliers au beau milieu de la nuit.

L’aspect sexospécifique de la surveillance a été relevé dans un rapport de 2021 de 7amleh, dans lequel une femme interrogée expliquait qu’elle dormait avec son hijab car elle estimait qu’elle ne pouvait pas avoir d’intimité au sein même de son foyer.

Les soldats israéliens ont pris des photos de Palestiniens, y compris des enfants, pour les cataloguer, et ce, par le biais d’un processus transformé en jeu, notamment en donnant « un score hebdomadaire basé sur le plus grand nombre [sic] de photos prises. Les unités militaires qui capturaient le plus de visages de Palestiniens sur une base hebdomadaire recevaient des récompenses telles que des congés payés ». Les soldats israéliens se sont amusés à qualifier cet outil de « Facebook pour les Palestiniens ».

« Red Wolf » (« loup rouge » en anglais) fait partie de l’infrastructure de reconnaissance faciale par vidéosurveillance (CCTV) qui permet d’identifier les Palestiniens lorsqu’ils passent les points de contrôle et se déplacent d’une ville à l’autre. Les Israéliens qui s’installent illégalement en Cisjordanie ont également accès à une autre application appelée « White Wolf » (« loup blanc » en anglais), qui leur permet d’effectuer des recherches dans la base de données consacrée aux Palestiniens. Curieusement, ce contrôle et cette surveillance accrus n’ont pas permis d’identifier les crimes commis par les colons israéliens à l’encontre des Palestiniens. Depuis octobre 2023, Israël a mis en place un système de reconnaissance faciale similaire pour les Palestiniens de Gaza.

Un regroupement de caméras de vidéosurveillance dans la rue Via Dolorosa, dans la vieille ville de Jérusalem. Photo prise par l’auteur, utilisée avec sa permission. 2024.

Des armes suralimentées par l’IA

En 2021, Google et Amazon ont signé un contrat exclusif d’un milliard de dollars avec le gouvernement israélien pour développer le « projet Nimbus », qui vise à faire progresser les technologies de détection faciale, de catégorisation automatique des images, de suivi des objets et d’analyse des sentiments à des fins militaires. Cette décision a été condamnée par des centaines d’employés de Google et d’Amazon qui se sont réunis au sein d’une coalition appelée « No Tech for Apartheid » (« Pas de technologie pour l’apartheid »).

Alors que nombre de grandes entreprises technologiques ont conclu des contrats avec l’armée et les services de renseignement israéliens, le projet Nimbus a fait l’objet de critiques particulièrement virulentes en raison de la symphonie d’alertes lancées avant octobre 2023 par les Nations unies, Human Rights Watch, Save the Children et Amnesty International au sujet des violations des droits de l’homme perpétrées par Israël.

Les unités de renseignement israéliennes s’appuient de plus en plus sur des « outils IA » pour « classer les civils et les infrastructures civiles en fonction de leur probabilité d’être affiliés à des organisations militantes » dans la bande de Gaza. Elles ont notamment accéléré ce processus de classification, qui est passé d’une année entière, lorsqu’effectué par une personne, à une demi-journée pour un outil IA.

Leurs systèmes alimentés par l’IA, « Lavender » et « The Gospel » (« Hasbara »), ont été désignés comme une « usine à assassinats de masse » à Gaza avec une surveillance humaine minimale où « l’accent est mis sur la quantité et non sur la qualité ». Un autre outil IA appelé « Where’s Daddy » (Où est papa) suit des Palestiniens sélectionnés afin qu’ils soient bombardés lorsqu’ils entrent dans leur maison, tuant également à chaque fois leur famille et leurs voisins. Des milliers d’adultes et d’enfants qui n’étaient pas impliqués dans les combats ont ainsi été assassinés. Le système identifie les cibles sur la base de différents critères, dont l’un est de savoir si la personne fait partie d’un groupe WhatsApp avec un autre individu suspecté.

Les technologies de notation sociale de ce type ont été interdites par lUnion européenne.

La terreur des drones

Les drones sont utilisés par Israël contre les Palestiniens depuis plus d’une décennie, parfois à des fins de surveillance, ou parfois pour des frappes qui ont entraîné des amputations traumatisantes, même si l’utilisation des drones a été considérée comme un « secret de Polichinelle » dans la société israélienne pendant des années. Dès 2009, Human Rights Watch faisait déjà état de l’utilisation par Israël de drones armés à Gaza.

En 2021, Israël a commencé à déployer des « essaims de drones » à Gaza pour localiser et surveiller des cibles. En 2022, Omri Dor, commandant de la base aérienne de Palmachim, a déclaré : « L’ensemble de Gaza est “couvert” de drones qui recueillent des renseignements 24 heures sur 24. »

Depuis octobre 2023, le nombre de Palestiniens tués par Israël a considérablement augmenté, ce qui a valu à Gaza d’être qualifiée de « cimetière pour enfants » et d’« enfer ». La technologie, notamment les drones, a joué un rôle majeur dans l’augmentation des dommages et des cibles. Les drones hybrides tels que « The Rooster » (« le coq » en anglais) et « Robodogs » (« chiens-robots » en anglais) sont capables de voler, planer, rouler et grimper sur des terrains accidentés. Des rovers équipés de mitrailleuses sont en outre utilisés pour remplacer les troupes sur le terrain. Selon certaines allégations, des drones israéliens auraient diffusé des enregistrements de nourrissons en pleurs pour attirer des cibles à découvert à Gaza.

Ces drones ont été associés à la détresse psychologique des Palestiniens en raison des bourdonnements 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et de la crainte d’être pris pour cible.

Israël intensifie les attaques assistées par lIA

Dès le 13 octobre 2023, des experts qualifiaient les attaques israéliennes contre Gaza de « génocide potentiel » et de « cas d’école de génocide ». Les juges de la Cour internationale de justice ont déclaré en janvier 2024 qu’« au moins certains des actes et omissions présumés […] avoir été commis par des Israéliens à Gaza semblent pouvoir relever des dispositions de la convention (sur le génocide). »

En juillet 2024, la Cour mondiale a jugé Israël responsable d’apartheid. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies fait état de plus de 41 000 Palestiniens tués, de plus de 96 000 Palestiniens blessés et de près d’un demi-million de Palestiniens confrontés à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire à Gaza.

En septembre 2024, Israël a été soupçonné d’être responsable de l’attentat des bipeurs explosifs au Liban, qui a fait au moins 37 morts et environ 3 000 blessés. En l’espace de trois jours, 90 000 Libanais ont été déplacés pour fuir les attaques israéliennes. En une semaine, plus de 1 000 Libanais ont été tués dans les attaques. Israël continue d’intensifier ses frappes aériennes sur le Liban, ainsi que sur la Syrie et le Yémen.

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Les mots ont la parole: Épisode #19https://fr.globalvoices.org/?p=292737http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250109_145914_Les_mots_ont_la_parole__Episode__19Thu, 09 Jan 2025 13:59:14 +0000Dans les rues du Cameroun, “baptiser” veut dire “arnaquer”

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran d'un taxi-clando au Cameroun ; capture d'écran de la chaîne YouTube DAM – Documentaires Auto / Moto

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Baptiser : verbe dérivé du mot baptême qui explique le fait de rendre quelqu’un chrétien, le verbe “ baptiser ” a un autre sens auprès des locuteurs du Camfranglais, l’argot camerounais. Couramment utilisé dans les rues, le terme “ baptiser” veut simplement dire arnaquer en Camfranglais. Pour passer des messages codés, les petits arnaqueurs en font usage. A titre d'exemple:

« J’ai baptisé le biblos » pour dire « J’ai arnaqué l’homme blanc ».

Žůžo : ce mot tchèque prononcé ‘joujo’ fait partie de la langue familière et se rapporte à une situation ou à un objet qui procure du plaisir. Il peut se traduire par ‘génial’, ‘super’, ‘fabuleux’. Une de ses origines pourrait être le mot français ‘joujou’ qui décrit un jouet ou un objet mignon. Mais certains linguistes indiquent aussi une autre étymologie possible, via la langue Romani, présente dans la société tchèque depuis plus de cinq siècles, dans laquelle le mot “žůžo” signifie ‘propre’.

Taxi-clando : abréviation du mot clandestin, le terme “clando” fait référence à quelque chose d'illégale ou informelle qui échappe au contrôle de l’État. Les taxi-clandos sont des véhicules de transport au même titre que tout autre taxi mais avec des caractéristiques particulières. Du moteur à la carrosserie en passant par les fauteuils, la portière – rien n’est en bon état dans les taxi-clandos. On peut facilement les retrouver dans certains pays d’Afrique comme le Gabon ou le Cameroun. Dans ces pays  les “taxi-clandos” jouent un rôle crucial car ils servent de relais dans le déplacement des populations vivant dans les banlieues périphériques des grandes villes.

Ce documentaire titré ” Le désastre routier ” met en lumière le quotidien des conducteurs de ces taxi-clandos au Cameroun.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org

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Interview avec l'auteur d'un nouveau dictionnaire Français-Éwé au Togohttps://fr.globalvoices.org/?p=292691http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250108_100121_Interview_avec_l_auteur_d_un_nouveau_dictionnaire_Fran__ais-Ewe_au_TogoWed, 08 Jan 2025 09:01:21 +0000Plus de 7,5 millions de locuteurs au Ghana, Togo et Bénin partagent la langue éwé

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

En image, Kuizian Atitso Baba, auteur du dictionnaire ” Ele nam be mado Eʋəgbə ” ; capture d'écran de la chaîne YouTube de VOA Afrique

En Afrique de l'ouest, un nouveau dictionnaire Français-Éwé est désormais disponible pour faciliter et booster l'apprentissage de cette langue parlée principalement au Togo.

Classée dans la famille des langues nigéro-congolaise, la langue éwé est parlée au Ghana, Togo, et au Bénin. Elle réunit plus de 7,5 millions de locuteurs dans ces trois pays qui partagent de nombreuses traditions culturelles. Au Togo où la langue est parlée par une très forte proportion de la population, l'éwé a le statut officiel de langue nationale, inscrite dans la constitution depuis 1975. Mais l'intégration de la langue dans le système éducatif reste imparfaite.

Lire : Quelle est la langue locale la plus parlée au Togo ?

Paru au premier semestre de l'année 2024, le dictionnaire intitulé ” Ele nam be mado Eʋəgbə ” (Il faut que je m'exprime en éwé, ou Je dois parler éwé) est un ouvrage de  de 562 pages qui contient 120 000 mots et expressions. Kuizian Atitso Baba est l'auteur togolais de cette œuvre linguistique majeure qui permet à toute la communauté de langue éwé de renforcer la lecture, l'écriture et la compréhension de cette langue maternelle face aux autres langues présentes dans le pays, comme le français.

Kuizian veut ainsi contribuer à un enseignement professionnel de l'éwé dans le secteur éducatif dans la région. Interviewé, via Whatsapp, par Global Voices, l'auteur explique la genèse cette initiative et dévoile ses projets futurs pour le repositionnement de la langue éwé dans le concert des langues locales en Afrique.

Jean Sovon (JS) : Depuis quand la langue éwé est-elle codifiée par écrit? Est-elle activement présente sous forme écrite dans la société togolaise?

Kuizian Atitso Baba (KAB) : Selon des informations que j’ai glanées, la phonétique éwé aurait commencé en 1847 par les négociants Allemands installés à Anlo autour de la ville de Keta, situé dans la région la région de Volta, au sud du Ghana. Mais c’est depuis 1891 que l’étude de la langue éwé et sa codification ont commencé par les Allemands J. Knùsli, Schlegel et Westermann, en collaboration avec les Éwé d’Anlo. Ces travaux ont abouti à la traduction de la Bible en éwé. Malheureusement, depuis lors, les travaux lexicologiques et phonologiques éwé sont demeurés lacunaires.

JS : Comment est né ce dictionnaire? Est-ce un travail d'équipe? Existait-il d’autres dictionnaires monolingues ou bilingues? Y-aura-t-il une version en ligne?

KAB : L’élaboration du dictionnaire Français-Éwé est motivée par un constat : la langue d’une communauté est par excellence ce à quoi elle s’identifie. Cette langue, si elle est étudiée, parlée et écrite, se développe en intégrant dans son lexique de nouveaux mots. Tel n’est pas le cas de l’éwé, la langue du peuple Éwé. Pourquoi, depuis les travaux lexicologiques et lexicographiques éwé menés par les Allemands, la recherche sur la la lexicographie et surtout sur la phonétique Éwé demeure-t-elle lacunaire et ne porte pas sur la technique, la technologie, la science et l’économie qui constituent le levier par excellence du développement d’un pays ?

L’élaboration du dictionnaire Français-Éwé a été un travail collaboratif. Outre les personnes ressources rencontrées au cours des voyages de collecte et d’étude des mots, vocables, termes techniques et d’expressions idiomatiques sur l’aire culturelle éwé, j’ai bénéficié de la collaboration étroite de Professeur Joseph Koffi Nutәƒe TSIGBE et du doyen Gédéon ASI avec lesquels l’institut Éwé dénommé Institut de Recherche en Communication Endogène de Développement (IRCED) est créé ainsi que de la collaboration de Mme Amè Akoele Aziakor.

Bien avant la publication de mon ouvrage, des dictionnaires bilingues avaient été publiés: Wörterbuch der Eẇe-Sprache: Éẇé Deutsch Eẇé Wörterbuch, (Dictionnaire de la langue Éwé: Dictionnaire Éwé-allemand-Éwé) paru en 1905 sous la plume de D. Westermann ; Dictionnaire Français-Éwé Togo publié par K. Adzomada ; Dictionnaire Éwé-Français écrit par Jacques Rongier, un linguiste français.

A ce jour, il n’existe pas de dictionnaire monolingue Éwé-Éwé. Et il n’est pas, pour le moment, envisagé une version du dictionnaire Français-Éwé en ligne. Néanmoins, un site internet est en cours de création pour la promotion de la langue éwé par son apprentissage en ligne.

Lire aussi : Au Togo, le digital tente de mettre en valeur l'utilisation des langues nationales

Dans cette vidéo reportage, Kuizian Atitso Baba parle également de son initiative à l'équipe de VOA Afrique.

 

JS : Qui seront les principaux utilisateurs.trices de ce dictionnaire?

KAB : Le présent dictionnaire Français-Éwé est destiné surtout aux cadres de la haute administration togolaise et aux locuteurs éwé de la diaspora togolaise. En effet, les manuels éwé sont quasi-inexistants dans les librairies et dans les bibliothèques. Les équivalents éwé de certaines disciplines telles que la philosophie, l’ingénierie, la littérature, les mathématiques, l’arithmétique, le calcul, et des vocables tels le magistrat, le notaire n’existent pas dans les rares manuels ou documents. Du coup, les langues étrangères aliènent les locuteurs éwé créant ainsi un fossé entre les élites de la haute administration togolaise et leurs communautés d’origine d’une part et entre les locuteurs natifs éwé installés ou nés à l’étranger et leurs communautés d’origine, d'autre part.

JS : L'initiative a-t-elle reçu le soutien des autorités éducatives du pays? Quelle sera la prochaine étape ?

KAB : L’initiative a été saluée par Victoire Tomegah Dogbé, Premier Ministre à qui l’ouvrage a été officiellement présenté au cours d’une audience qu’elle a accordée à son auteur le 8 mai 2024.

Les travaux de révision de l’ouvrage ont repris pour une prochaine publication d’édition révisée. Ainsi, l’édition révisée du dictionnaire intégrera de nouveaux mots et expressions proposés par les usagers du dictionnaire Français-Éwé. Parallèlement à la prochaine édition révisée, des travaux d’élaboration d’un dictionnaire bilingue Éwé-Français et d’un dictionnaire monolingue Éwé-Éwé sont en gestation.

Lire également : Le paysage musical togolais s'intègre à la globalité sans abandonner ses racines

JS : La langue éwé se maintient-elle dans la diaspora?

KAB : Malgré la quasi-inexistence de manuels éwé, les locuteurs natifs éwé installés à l’étranger continuent de parler éwé, sauf qu’il leur manque des mots et vocables qui sont des équivalents des mots et vocables et expressions français, anglais ou allemands. Lors de la cérémonie de dédicace de l'ouvrage, les représentants et parents des locuteurs natif éwé de la diaspora ont acheté plusieurs volumes du dictionnaire.

Dans le prolongement de son engagement pour le rayonnement de la langue éwé à travers le monde, l'auteur se donne une autre mission: la publication d'un manuel de grammaire et d'orthographe éwé. Ce second ouvrage est conçu pour faciliter l'apprentissage de la langue éwé et son utilisation professionnelle.

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La sécheresse en Somalie contraint des milliers de réfugiés climatiques à rejoindre le camp de réfugiés de Dadaab au Kenyahttps://fr.globalvoices.org/?p=292319http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250107_205752_La_secheresse_en_Somalie_contraint_des_milliers_de_refugies_climatiques_a_rejoindre_le_camp_de_refugies_de_Dadaab_au_KenyaTue, 07 Jan 2025 19:57:52 +0000Les pressions climatiques forcent des millions de personnes à quitter leur foyer

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran d'une vieille femme au camp de réfugiés de Dadaab, tirée du documentaire de Radio Dadaab réalisé par l’Environmental Justice Foundation (EJF), utilisée avec permission.

Dans le documentaire de Radio Dadaab, produit par la Environmental Justice Foundation, Fardowsa Sirat Gele a fait remarquer, « dans les années 91, pendant la guerre civile en Somalie, ces personnes fuyaient la guerre. Mais cette fois-ci, nous voyons de plus en plus de personnes quitter la Somalie à cause de la sécheresse. »

Sirat, un journaliste réfugié de 25 ans du camp Dabaab, le plus grand camp de réfugiés au Kenya, à côté de la frontière somalienne, nous présente un aperçu des défis auxquels font face les réfugiés dans le camp.Le documentaire, a été produit pendant la visite du FEJ dans le camp, il capture les expériences de plusieurs réfugiés et souligne comment les éléments climatiques extrêmes, exacerbés par le changement climatique crent une augmentation significative dans la migration et les déplacements. L’enquête révèle également les liens entre le réchauffement climatique et les générations de migration climatique.

Camp de réfugiés de Dadaab

Enfants du camp de réfugiés de Dadaab. Photo par EJF, utilisée avec permission.

Le camp de réfugiés de Dadaab, au Kenya, accueille plus de 300 000 réfugiés, principalement originaires de Somalie, mais aussi d'autres régions d'Afrique. Bien que les résidents du camp aient accès aux nécessités de base telles que la nourriture, l'éducation, les soins de santé, le commerce et les activités récréatives, leurs déplacements sont limités à un rayon de 50 kilomètres autour du camp. Les réfugiés ne sont pas autorisés à s'installer de manière permanente et les personnes comme Serat, qui est née et a grandi dans le camp, sont confrontées à de graves problèmes d'identité. Le gouvernement kenyan ne délivre pas de certificat de naissance à ces personnes, et le retour dans leur pays d'origine pour obtenir des papiers n'est pas envisageable en raison de la guerre et du conflit qui font rage en Somalie depuis des décennies.

Entre-temps, en 2022, le gouvernement kenyan a adopté la loi sur les réfugiés de 2021, qui stipule que les camps de réfugiés seront transformés en colonies intégrées, créant ainsi des opportunités d'intégration des réfugiés dans la communauté d'accueil. La loi offre aux réfugiés la liberté de mouvement, le droit de travailler et l'accès aux services financiers, entre autres droits.

Vue aérienne du camp de réfugiés de Dadaab. Photo par EJF, utilisée avec permission.

 Conséquences de la crise climatique

Le nombre de personne déplacées à l'intérieur de leurs propres pays est en augmentation. Entre 2013 et 2023, les éléments climatiques extrêmes ont causé une augmentation annuelle moyenne de 23.6 millions de personnes à être délocalisés dans leur propre pays dans le monde à travers le monde , avec des déplacements internes atteignant les 32.6 millions uniquement en 2022. Le rapport partage les impacts de ces événements climatiques dévastateurs couplés à des histoires de réfugiés multigénérationnels dans leurs propres mots, nombreux pour la première fois.

Les conséquences du réchauffement climatique ont été ressenties avec intensité dans la corne d'Afrique, où les réfugiés somaliens se retrouvent sur les premières lignes de la crise climatique, malgré une contribution inexistante aux émissions de carbone entretenant le fracas climatique. En 2019, la Somalie a eu une empreinte carbone par habitant représentant quasiment 1 cinquième de celle du continent européen et , l'intégralité du continent africain contribue à 3.8 pourcent des émissions mondiales du gaz à effet de serre. Au même moment, la modélisation du climat révèle ceci comme une estimation prudente, événements comme la sécheresse qui s'est développée dans la corne de l'Afrique sont cent fois plus susceptibles d'être causées en raison de l'activité humaine.

Les conséquences dévastatrices de cette situation sur la vie des gens sont mises en évidence par la population vivant dans le camp de réfugiés de Dadaab, qui a été qualifié de « prison à ciel ouvert », selon le nouveau rapport du FEJ. Le camp a été conçu à l'origine pour accueillir 90 000 personnes, essentiellement des réfugiés somaliens fuyant la guerre civile de 1991 en Somalie.

 Cependant d'après le rapport de l'ONG, la population a augmenté d'au moins trois fois et demie. Entre 2022 et 2023, Dadaab a fait face à un influx de réfugiés  cause des sécheresses et des conflits, ce qui a engendré une augmentation de la population du camp de 234 000 en juillet 2022 à 320 000 en mars 2023.

En 2024, des inondations sérieuses en Afrique de l'Est a déplacé de nombreux réfugiés somaliens, les conduisant à endurer des difficultés similaires dans les camps de réfugiés au Kenya. D'après le dernier rapport du FEJ, l'intensité de telles crises est susceptible d'augmenter si il n y a pas d'intervention urgente ou un support continue de la communauté internationale.

L'équipe de la FEJ a visité le camp de Dadaab en septembre 2022, suivant la plus grande arrivée de réfugiés climatiques connue depuis des années. Comme prouvé dans le documentaire, pendant ce voyage, les résidents du Dadaab ont dit à la FEJ comment la sécheresse a décimé leurs élevages et leurs cultures, les conduisant à quitter leurs domiciles pour trouver  refuge.

Une mère seule avec sept enfants, Halima Hassan Ibrahim, qui vit avec des incapacités au Dadaab a dit à l'ONG : “Nous avions dix vaches et cinquante vaches. Toutes les vaches et les chèvres sont mortes et tout le reste a été détruit. Je suis une mère et un père pour mes enfants, et je n'ai rien pour eux.”

D'après la FEJ, la situation s'est empirée de façon significative depuis, avec plus de 23.5 millions de personnes souffrant d'une insécurité alimentaire dans la région lors du pic de la sécheresse en 2023. 8.25 millions de personnes en Somalie- presque la moitié de la population- étaient dans le besoin d'une aide pour leur survie, et 43 000 personnes sont mortes, parmi lesquelles la moitié étaient des enfants de moins de 5 ans.

 

 Affronter cette crise ensemble

To address the drought, Somalia’s Federal Government initiated a USD 420 million suite of World Bank-financed initiatives, including the Somalia Urban Resilience Project (Nagaad), through which emergency relief and cash assistance were provided to over 400,000 internally displaced persons arriving in already overstretched urban centers like Mogadishu, Baidoa, and Garowe.

Pour faire face à la sécheresse, le gouvernement fédéral de la Somalie a lancé une série d'initiatives financées par la Banque mondiale pour un montant de 420 millions d'USD.

Steve Trent, PDG et fondateur de la Fondation pour la justice environnementale, a indiqué dans un courriel adressé à Global Voices :

Les pertes considérables de vies humaines, les déplacements forcés et les souffrances généralisées causés par la crise climatique, révélés par notre enquête, sont un choix. Tous les PDG du secteur des combustibles fossiles qui privilégient le profit au détriment des populations, tous les dirigeants mondiaux qui ne parviennent pas à mettre en œuvre les changements urgents dont nous avons besoin, choisissent activement cette voie. Il est temps d'en tracer une autre, et pour la communauté internationale d'agir rapidement et de manière décisive. Nous demandons que le cadre juridique international pour la protection des réfugiés intègre et protège les réfugiés climatiques. Nous n'avons pas de temps à perdre en ce qui concerne la décarbonisation mondiale, l'atténuation du réchauffement climatique et le respect des droits fondamentaux des personnes les plus touchées par la crise climatique.

 

Fardowsa Sirat Gele, a reporter for Radio Gargaar, concluded,

L'injustice est criante : ceux qui ont le moins contribué aux émissions mondiales sont les premiers à tout perdre. Ignorer cet appel urgent ne fera pas que creuser le fossé entre les nations riches et pauvres, mais alimentera également les conflits, la pauvreté et l'instabilité dans le monde entier. Nous devons aux plus vulnérables – et aux générations futures – de faire face à cette crise avec audace et compassion. Une réponse mondiale unie est essentielle, non seulement pour atténuer les dommages futurs, mais aussi pour défendre la justice et la compassion face à ce défi urgent. Protégeons les plus vulnérables et assurons un monde où tous peuvent s'épanouir.

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Dans l'est de la RDC, les populations déplacées par les conflits sont aussi victimes de viols par les civilshttps://fr.globalvoices.org/?p=292663http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250107_095148_Dans_l_est_de_la_RDC__les_populations_deplacees_par_les_conflits_sont_aussi_victimes_de_viols_par_les_civilsTue, 07 Jan 2025 08:51:48 +0000La majorité des victimes de viol restent silencieuses

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de dos d'une victime, femme déplacée de guerre dans le site de Don Bosco, en territoire de Nyiragongo dans l'Est de la province du Nord-Kivu; Photo de Katembo Mbuto Victoire, utilisée avec permission.

Cet article est repris sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec www.icicongo.net. L'article original est à retrouver sur le site Icicongo.

Depuis les années 1990, la République démocratique du Congo (RDC) est secouée par des conflits armés engendrés par différents facteurs endogènes. A ce jour, plus de 100 groupes armés actifs sont dénombrés dans le pays.

L'actuel conflit qui marque l'Est du pays débute en 2012: les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) estiment que le pouvoir central de la RDC n'a pas respecté le contenu de l'accord de paix signé en 2009 avec le gouvernement, et reprennent les armes dans la province du Nord-Kivu.

Lire sur Global Voices : Qui sont les rebelles du Mouvement du 23 mars à l'Est de la RDC?

Dans les zones en proie à des conflits armés, les violences sexuelles à l'encontre des femmes sont courantes, mais elles ne sont pas le seul fait de soldats ou de rebelles armés. Des civils profitent aussi pour abuser et violer des femmes en quête des travaux ménagers dans leurs domiciles.

C'est ce qui est arrivé à Charline. Regard perdu, des larmes coulent de ses yeux, la tristesse se lit sur le visage de cette jeune femme d’une vingtaine d’années. Elle se rappelle:

C’était un mercredi. Pendant que je faisais le tour des parcelles à la recherche de l’emploi, une maman m’avait demandé de lessiver les habits de ses enfants pour me payer 5000 franc congolais, puis elle est partie au boulot. Pendant que je lessivais, un de ses fils, un peu costaud, m’avait appelée dans la maison. Je croyais que c’était pour me donner d’autres habits à laver. Quand suis entrée, comme on était seulement deux dans la parcelle, il m’a plaqué sur le sol et m’a violé. J’avais peur de le dire à sa mère. Les images de cette scène me reviennent souvent.

Lire sur IciCongo : Mieux informer sur les violences sexuelles pour limiter ce fléau en RDC

Comme elle, plusieurs femmes déplacées de guerre subissent des actes de violences sexuelles pendant qu’elles sont à la recherche des petits boulots pour la survie de leurs familles. Elles sont des cibles faciles pour les prédateurs qui profitent de leur vulnérabilité.

Une dame, mère de deux enfants, rencontrées au camp de Don Bosco à Ngangi, explique :

Nous vivons la misère au camp. On n’arrive pas à survivre. Chaque jour, je me réveille pour aller en ville afin de chercher où travailler. Mais certains profitent de ce temps pour abuser de nous. Nous avons du mal à dénoncer vu que nous cherchons les moyens pour nourrir nos familles et répondre à nos besoins vitaux.

Pour Semu Sikulimwenge, psychologue clinicien à l’hôpital Heal Africa de Goma, capitale de la province du Nord Kivu, les violences sexuelles renforcent les rapports de pouvoir sur les victimes. Il explique que:

Il est essentiel de développer des moyens de subsistance, notamment par des activités génératrices de revenus, afin de favoriser l’autonomie économique des victimes et de renforcer la résilience des communautés affectées.

Craintes de représailles

Face à la montée croissante de cas de viols des personnes déplacées, le juriste Maître Patrick Musambali indique que ces actes constituent des graves violations comme le prévoit le code pénal Congolais à l’article 170. Ledit article stipule:

Est puni d'une servitude pénale de cinq à vingt ans celui qui aura commis un viol, soit à l'aide de violences ou menaces graves, soit par ruse, soit en abusant d'une personne qui, par l'effet d'une maladie, par l'altération de ses facultés ou par toute autre cause accidentelle, aurait perdu l'usage de ses sens ou en aurait été privée par quelque artifice.

Lire sur IciCongo : Au Nord-Kivu, le CFJ lance la campagne de lutte contre les violences sexuelles chez les jeunes

Mais, la plupart de victimes de viol n’arrivent pas à dénoncer ces abus. Elles craignent des représailles de leurs bourreaux. Après des sensibilisations, certains déplacés souhaitent voir leurs bourreaux dans des cachots. Eugénie Wimana l’une des femmes leaders du camp des déplacés de Don Bosco indique:

Nous sensibilisons des femmes et des jeunes filles d’avoir une conscience collective pour arriver à lutter contre les violences sexuelles. Grâce aux soutiens de quelques organisations humanitaires, certains déplacés entreprennent des petites activités génératrices de revenus.

De son côté, Sikulimwenge souligne que:

Le soutien psychosocial est crucial pour créer un espace sécurisé où les victimes peuvent exprimer leurs émotions.

Women Power, une organisation de défense des droits de la femme apporte aussi son secours. Dans le cadre de son projet « Réponses d’urgence aux violences basées sur le genre et la santé sexuelle reproductive », l'ONG sensibilise sur le respect de la dignité humaine et mène des plaidoyers afin que les auteurs des viols soient punis par la loi.

Des petits commerces pour survivre

D’après Aurélie Maliro, assistante de communication de Women Power, environ 70% des femmes du camp Kashaka Shabindu, situé dans le nord de la ville de Goma sont exposées à différentes formes de violences qui occasionnent des grossesses non désirées, des avortements non sécurisés et des infections sexuellement transmissibles.

Nous intervenons dans la prise en charge psycho médicale pour apporter de l’espoir aux victimes. Nous demandons à notre gouvernement de soutenir ces femmes victimes de violences sexuelles car leurs vies socioéconomiques chutent après ces abus.

Dans le site, certains déplacés font des petits commerces pour survivre ; Photo de Victoire Katembo Mbuto utilisée avec permission

Pour éviter les abus sexuels, certaines femmes déplacées, victimes des violences sexuelles, viols et autres formes de violences, se lancent petit à petit dans des petits commerces. Sous l'anonymat, une femme déplacée du camp Don Bosco explique :

Je fais le commerce. Je prends de produits vivriers chez une vendeuse qui vit aux alentours du camp pour les revendre ici. De cette manière je gagne mon pain et je subviens à d’autres besoins.

Lire sur Global Voices : IciCongo: Portrait d'un jeune média en ligne qui veut « Raconter le Congo autrement »

Pour que le quotidien des victimes change, il est essentiel qu'elles parlent et dénoncent leurs bourreaux car s'ils restent impunis, ils continueront de commettre ces forfaits.
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Le syndrome d’épuisement professionnel enfin reconnu en Bosnie-Herzégovinehttps://fr.globalvoices.org/?p=292561http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250104_131941_Le_syndrome_d___epuisement_professionnel_enfin_reconnu_en_Bosnie-HerzegovineSat, 04 Jan 2025 12:19:41 +0000L'épuisement professionnel peut toucher chaque individu

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Céphalées. Photo de Jose Navarro partagée sur Flickr.

Cet article d’Amir Barleci a initialement été publié sur Balkan Diskurs, un projet du Centre de recherche post-conflit (PCRC). Une version révisée a été republiée par Global Voices dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

« J’ai travaillé de nombreuses années pour une enseigne de la grande distribution à Sarajevo. Progressivement, le travail et les responsabilités sont devenus de plus en plus complexes, et mes supérieurs ne semblaient pas en être conscients, j’en suis arrivé à un épuisement professionnel qui a eu des répercussions sur ma santé. »

C’est ainsi qu’un employé de 58 ans de Sarajevo (qui a choisi de rester anonyme) commence à raconter son histoire. Il explique à Balkan Diskurs comment il a changé d’emploi en raison d’un épuisement professionnel et comment il a eu recours à l’assistance médicale.

« J’ai occupé plusieurs postes. Je considérais mon travail initial dans l’entreprise comme essentiel pour ma carrière, puis j’ai été affecté au traitement des commandes, dans l’entrepôt, effectuant des heures supplémentaires, le tout pour le même salaire sans aucune augmentation. J’ai été victime d’intimidation de la part de mon responsable parce qu’il ne comprenait pas que je ne pouvais pas gérer autant de travail », a expliqué l’employé.

Il a également reçu un avertissement pour avoir effectué ses achats dans un autre centre commercial. L’environnement stressant l’a conduit à un épuisement professionnel et à un manque de motivation.

L’exposition chronique au stress au travail est connue sous le nom d’épuisement professionnel ou burnout. Il se caractérise, entre autres par une fatigue, un manque de motivation, une apathie, une léthargie générale, un manque d’intérêt et de volonté, ainsi qu’un retrait social. Bien qu’il se manifeste individuellement, les causes sont liées à un environnement de travail collectif. En Bosnie-Herzégovine, des experts s’intéressent à ce phénomène depuis 10 ans.

Đana Lončarica, psychologue et psychothérapeute, explique que l’épuisement professionnel est généralement un épuisement lié au travail qui affecte également d’autres aspects de la vie et du fonctionnement humain. Dans certains cas, comme elle le souligne, une assistance médicale est nécessaire.

L’épuisement professionnel est un état de fatigue et d’épuisement résultant d’un stress constant et d’un surmenage dans des activités professionnelles ou autres. En Bosnie-Herzégovine, il ne peut être diagnostiqué qu’à Tuzla. Photo de Đana Lončarica, psychologue et psychothérapeute, archive privée, utilisée avec permission via Balkan Diskurs.

Elle explique que les groupes de personnes particulièrement sensibles et exposés au syndrome d’épuisement professionnel sont ceux dont les tâches au travail sont pénibles et qui effectuent des heures supplémentaires. En outre, les traits de personnalité jouent un rôle important, car certains individus peuvent être perfectionnistes par nature et sont donc très exigeants envers eux-mêmes. Lončarica ajoute que les individus qui ont des difficultés à établir des limites claires et à équilibrer leurs obligations personnelles et professionnelles sont tout aussi exposés à un épuisement professionnel.

« Il est important de prendre conscience que l’épuisement professionnel peut arriver à n’importe qui, en particulier dans les situations où nous ne prenons pas soin de notre santé mentale et physique », ajoute-t-elle, soulignant que les résultats de la recherche neuroscientifique montrent que le cerveau a besoin de repos, mais aussi d’activités de loisirs pendant les temps libres.

L'épuisement professionnel des trentenaires

Lorsque notre travailleur de 58 ans de Sarajevo a réalisé que la situation devenait incontrôlable, il a décidé, en accord avec sa famille, de changer d’environnement de travail et de rechercher un soutien psychologique.

« Travailler avec un psychothérapeute m’a aidé à y voir plus clair et à définir des limites précises dans la gestion de mes tâches au travail », a-t-il déclaré.

Cependant, ce ne sont pas seulement les personnes proches de la soixantaine qui sont à risque. D’après l’expérience qu’elle a avec ses patients en séances de psychothérapie, le docteur Lončarica ajoute qu’un nombre croissant d’individus vers la fin de la vingtaine et de trentenaires la consultent pour des cas d’épuisement professionnel.

« Le problème de l’épuisement professionnel se reflète également dans la vie privée et peut avoir un effet sur les besoins primaires. Le plus souvent, mes patients ont des troubles du sommeil, ce qui peut avoir un impact négatif sur leur humeur, ce qui doit être distingué de la dépression », ajoute-t-elle.

Elle souligne qu’il est parfois nécessaire de demander une intervention psychiatrique, précisément à cause de cette insomnie qui devient très prononcée ; chez certains patients il est courant qu’elle dure un mois ou plus, ce qui a sans aucun doute un effet défavorable sur leur vie privée et professionnelle.

La différence entre l’épuisement professionnel et le stress, comme elle l’explique, réside dans le fait que le stress fait partie de la vie quotidienne et n’est pas seulement négatif, mais peut être utilisé de manière productive.

« Dans l’épuisement professionnel, il y a un manque de motivation, une diminution de l’énergie, ainsi qu’une fatigue globale qui affecte négativement d’autres aspects de la vie », ajoute Lončarica.

Les différentes étapes de l'épuisement professionnel

L’épuisement professionnel se décline en plusieurs étapes. Le docteur Lončarica explique que tout commence avec la phase dite de lune de miel, au cours de laquelle les individus ressentent de la joie à propos de nouvelles tâches à réaliser et défis. Après cela vient la phase de réalité, où les individus commencent à remarquer leurs mauvaises conditions de travail et leurs relations interpersonnelles tendues, y compris de mauvaises relations avec leurs supérieurs, un facteur majeur de l’apparition de l’épuisement professionnel. La phase de désillusion se produit lorsque les individus réalisent qu’ils n’ont pas ce qu’ils veulent, ou lorsque les conditions de travail et les relations sont totalement bouleversées.

Enfin, il y a la phase d’alarme, au cours de laquelle les symptômes se manifestent dans le comportement quotidien, et la qualité de la vie professionnelle et personnelle subit une transformation.

« Il est important que nous reconnaissions nos besoins, notre fatigue, notre épuisement ou notre tristesse, et que nous sachions les verbaliser, et si nous ne le pouvons pas, il est nécessaire de demander de l’aide professionnelle », insiste Lončarica, soulignant que le fondement de la guérison réside dans l’honnêteté au sujet de ses émotions et de ses besoins.

Alors que le travailleur quinquagénaire de Sarajevo a été contraint de changer d’employeur et de demander de l’aide, des données indiquent que tous les employeurs de Bosnie ne constituent pas une menace pour leurs travailleurs.

De nombreuses enquêtes ont révélé que la droguerie Markt (dm) est l’un des employeurs le plus attractifs de Bosnie-Herzégovine. Ines Bajrić, responsable du département du Développement des Ressources Humaines chez dm, explique que les managers et les chefs d’équipe se concentrent sur une évolution des employés alignée sur les objectifs et les besoins de l’entreprise.

Ines Bajrić, responsable du département du Développement des Ressources Humaines chez dm. Photo : Archives privées, utilisées avec permission via Balkan Diskurs.

Elle souligne qu’en tant que responsables, les managers se doivent d’instaurer la confiance et favoriser la transparence, la crédibilité et la cohérence, car cela joue un rôle très important dans la résilience de l’équipe lors de changements soudains.

« Les managers doivent apporter soutien, compréhension et encouragement pour faire évoluer les employés et les équipes. Nous pensons que c’est essentiel pour que tous les membres de l’équipe soient plus indépendants et responsables, dans le but de favoriser un état d’esprit entrepreneurial au sein d’une responsabilité collective », explique Bajrić.

La semaine de quatre jours : un nouveau modèle de travail ?

Réfléchissant sur le thème d’une semaine de travail de quatre jours, sur le modèle des entreprises en Europe occidentale, Bajrić estime que grâce aux processus d’automatisation et de numérisation, les employés pourraient consacrer plus de temps à leur vie privée. Elle ajoute :

At dm, we have our international initiatives where we are working on a new work model. A hybrid work model or remote work does not always mean working from home; it can also encompass other work contexts, such as being at the beach and setting one’s own work pace, sometimes working four hours, and sometimes more. It is extremely important to have trust in our colleagues and to be able to rely on them to consistently complete their part of the work.

Chez dm, travailler sur un nouveau modèle de travail fait partie de nos initiatives d’envergure internationale. Un modèle de travail hybride ou télétravail ne signifie pas toujours travailler à domicile ; cela peut englober d’autres contextes de travail, comme être à la plage et fixer son propre rythme de travail, parfois travailler quatre heures, et parfois plus. Il est extrêmement important de faire confiance à nos collaborateurs et de pouvoir compter sur eux pour accomplir leur part du travail à un rythme régulier.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a inclus le syndrome d’épuisement professionnel dans son manuel de la Classification internationale des maladies, ce qui signifie que les professionnels de la santé peuvent le diagnostiquer comme un trouble médical. Depuis le 1er janvier 2022, le syndrome d’épuisement professionnel est une maladie professionnelle reconnue en Bosnie-Herzégovine. Selon les experts, le diagnostic de l’épuisement professionnel est complexe et il reste encore beaucoup à faire, en particulier dans la formation des spécialistes. En Bosnie-Herzégovine, le diagnostic n’est possible qu’à Tuzla, au Département clinique des maladies professionnelles.

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Selon la journaliste ougandaise Nila Yasmin, les femmes africaines détiennent le pouvoir de transformer le commerce intra-africainhttps://fr.globalvoices.org/?p=291603http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250104_131251_Selon_la_journaliste_ougandaise_Nila_Yasmin__les_femmes_africaines_detiennent_le_pouvoir_de_transformer_le_commerce_intra-africainSat, 04 Jan 2025 12:12:51 +0000Les femmes entrepreneures africaines :sont « fortes, résilientes, innovantes et ambitieuses »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran composite de femmes entrepreneures africaines tirées de la vidéo YouTube « Women Beyond Borders Docu-series » de Zuba Network.. Utilisée avec permission.

L'Afrique est réputée pour ses femmes très entreprenantes, en ayant la plus forte proportion de femmes entrepreneures au monde. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques, plus d'un quart de toutes les entreprises du continent sont créées ou dirigées par des femmes.

Dans un documentaire sur YouTube intitulé « Women Beyond Borders Docu-series », la journaliste ougandaise Nila Yasmin Faisal (qui se fait appeler Nila Yasmin) a interviewé plusieurs femmes entrepreneures africaines à travers le continent. Le documentaire présente cinq entrepreneures ougandaises et une Ethiopienne.

Dans une interview avec Global Voices, Yasmin partage sa motivation pour interviewer ces femmes remarquables et explique pourquoi elle pense que les femmes entrepreneures africaines ont le pouvoir de stimuler le commerce intra-africain et de débloquer des opportunités économiques.

Nila Yasmin Faisal. Photo provided by Nila Yasmin Faisal, used with permission.

Zita Zage (ZZ) : Parlez-nous de vous et de ce que vous faites ?

Nila Yasmin (NY) : Je suis une entrepreneuse ougandaise travaillant dans le secteur des médias. Je suis également journaliste, productrice de documentaires et ancienne présentatrice du journal radiophonique. En tant que productrice, j'ai travaillé sur plusieurs projets pour des marques médiatiques mondiales telles que CNN et Euronews. J'ai notamment eu l'honneur de produire plus de 90 documentaires pour CNN en Ouganda, à l'île Maurice, au Kenya, au Rwanda et en Tanzanie, mettant en valeur les innovations, l'entrepreneuriat, la culture et les sports du continent. En 2019, j'ai reçu le prix APO Group African Women in Media Award et j'ai été nominée pour le Digital Equality Award 2021.

ZZ : Qu'est-ce qui vous a amené à réaliser ce documentaire sur les femmes entrepreneures africaines ?

NY : Mon inspiration pour la création de cette série documentaire vient de mon travail sur des productions liées au commerce intra-africain, en particulier autour de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). En produisant ces documentaires, j’ai remarqué que la plupart des personnes avec qui nous parlions étaient issues de grandes entreprises, car ce sont elles qui participaient activement aux exportations. Je me suis demandé si cette énorme opportunité ne profitait qu’aux grandes entreprises. Et quand on regarde ces entreprises, elles sont majoritairement détenues par des hommes.

En revanche, quand on considère les statistiques sur l’esprit d’entreprise des femmes africaines, un écart devient évident. L’Afrique a été classée comme la région comptant le plus grand nombre de femmes entrepreneures au monde. Pourtant, beaucoup d’entre elles manquent de soutien adéquat pour développer leurs entreprises.

Grâce à mes interactions avec des femmes entrepreneures, j’ai fondé Zuba Network, qui amplifie les voix et les initiatives des femmes à travers l’Afrique. J’ai réalisé que souvent, lorsque nous parlons à ces femmes, elles savent à peine ce qu’est la ZLECA, en quoi elle leur profite et ce qu’elles doivent faire pour faire le commerce dans le cadre de cette zone.

ZZ : Quels sont les défis auxquels sont confrontées les femmes entrepreneures que vous avez interrogées ?

NY: Les femmes ont souligné un certain nombre de défis qui entravent leur participation au commerce transfrontalier. Parmi ces défis est l’accès limité au financement, qui limite leur croissance et leur durabilité. Elles sont également confrontées à un accès limité aux informations sur le marché, à des compétences inadéquates, à des coûts élevés d’Internet et de numérisation et à une sensibilisation insuffisante aux exigences de la ZLECA. Les problèmes d’infrastructure, tels que le coût élevé du transport, le coût élevé des entrepôts et la forte concurrence des produits importés, en particulier de pays comme la Chine, ont un impact négatif supplémentaire sur leur compétitivité. Mais vous remarquez que la plupart de ces problèmes sont les défis habituels auxquels les femmes entrepreneures sont confrontées au quotidien. La question est donc de savoir comment nous assurer qu’ils ne continuent pas à limiter la participation des femmes à la ZLECA.

Je comprends que plusieurs stratégies, protocoles et initiatives ont été élaborés. Par exemple, le Protocole sur les femmes et les jeunes dans le commerce, le Protocole sur le commerce des biens et services et la Stratégie africaine des produits de base pour soutenir les femmes dans la création de valeur et la fabrication, mais une mise en œuvre rapide de ces derniers est essentielle pour permettre aux femmes entrepreneures de participer et de prospérer de manière équitable dans le cadre de ce marché unique.

ZZ : Votre plateforme, Zuba Network, a-t-elle été efficace pour les aider à trouver des solutions à ces défis ? Avez-vous une histoire de réussite à partager ?

Zuba Network soutient les femmes entrepreneures en leur offrant une plateforme pour faire entendre leur voix et présenter leurs initiatives. Ce faisant, nous les aidons à se rapprocher des opportunités de croissance, notamment l’expansion du marché, le développement de l’autorité de la marque et les partenariats stratégiques. Certaines femmes ont utilisé avec succès ce contenu médiatique dans des demandes de subventions ou d’investissements. En amplifiant la voix des femmes entrepreneures, nous espérons influencer positivement les politiques, en faisant pression pour des politiques de soutien qui autonomisent les femmes socialement et économiquement. Cela, à son tour, leur permet de contribuer de manière significative au développement plus large de l’Afrique.

ZZ : Dans la vidéo, Shamirah Kimbugwe a mentionné que la ZLECA a certains des meilleurs objectifs observés dans tout accord régional sur le continent. Êtes-vous d'accord ? Quels sont ces objectifs ?

NY : Je suis tout à fait d'accord. Lorsque vous comparez la ZLECA à d'autres accords régionaux comme le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA) ou l'Accord de partenariat économique de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), il est clair que ces accords sont souvent fragmentés et limités à des régions spécifiques. La ZLECA, cependant, offre un accord unifié, réunissant les peuples de tout le continent. Nous parlons d'un potentiel de marché de plus de 1,4 milliard de personnes, de libre circulation des biens, des services, des investissements, etc. Cette union a certainement la capacité de catapulter la croissance sociale et économique du continent dans son ensemble. En outre, différents protocoles, tels que les règles d'origine, ont été mis en place pour faciliter le commerce sans heurts. Par exemple, si un produit satisfait aux règles d'origine au Kenya, il est automatiquement valable pour tous les pays africains. La rationalisation de ces processus permet aux gens de s'engager plus facilement dans le commerce transfrontalier. Je suis d’accord avec Shamirah, mais nous devons encore voir comment tout cela se traduira par des mesures concrètes qui favoriseront le succès de l’accord.

 ZZ : Quels avantages la ZLECA offre-t-elle aux entrepreneurs africains, en particulier aux femmes entrepreneures ?

NY : Le premier est l’accès à un marché de plus de 1,4 milliard de personnes. Cela signifie qu’un entrepreneur ougandais qui vend du beurre de karité peut atteindre des clients dans les 54 pays africains qui ont ratifié l’accord, et qu’une exposition accrue au marché entraîne davantage de revenus. Je pense que l’accord encouragera également probablement l’innovation grâce à une concurrence positive, car vous ne rivalisez plus seulement avec quelques entreprises dans votre petit coin ; cela poussera certainement les entrepreneurs à sortir de leur zone de confort pour créer des produits qui peuvent être compétitifs sur divers marchés.

En outre, la ZLECA créera davantage de liens dans la chaîne de valeur de l’approvisionnement, ce qui donnera aux femmes accès à des choses comme les matières premières sur tout le continent. Par exemple, un entrepreneur ougandais pourra s’approvisionner en beurre de karité brut en Afrique du Sud, fabriquer ses produits en Ouganda et les vendre dans toute l’Afrique.

Pourquoi pensez-vous que les femmes entrepreneures africaines ont le pouvoir de stimuler le commerce intra-africain et de débloquer des opportunités économiques ?

NY : Les femmes dominent le commerce transfrontalier informel, elles représentent 70 % du commerce transfrontalier informel. Ce commerce informel s’accompagne de ses propres défis, tels que la perte de revenus, la corruption et le harcèlement sexuel aux frontières. Malgré ces problèmes, ces femmes persistent. Les femmes présentées dans Women Beyond Borders illustrent la force des femmes entrepreneures africaines : elles sont fortes, résilientes, innovantes et ambitieuses. Elles ne reculent pas face aux défis ; elles vont de l’avant. Ce qu’il faut maintenant, c’est les rejoindre à mi-chemin en améliorant les politiques, en particulier leur mise en œuvre, et en leur fournissant un soutien financier abordable, un soutien technologique et numérique, un accès au marché et des informations. La ZLECA offre des solutions à certains des défis auxquels ces femmes sont confrontées.

Une étude de la Banque mondiale de 2013 a révélé que les femmes n’ont souvent pas accès aux réseaux commerciaux essentiels et aux informations essentielles, et qu’elles sont également confrontées à d’importants problèmes de transport. Comme l’a mentionné Nila, si l’AfTCA s’attaque efficacement à ces obstacles, des femmes comme Juliet Susime, Immy Julie Musoke Nakyeyune, Shamirah Kimbugwe, Aluma Betti, Lydia Nakayenze-Schubert et Jennet Lemma pourraient réaliser leur plein potentiel économique.

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Amérique Latine : les raisons de la baisse de la natalitéhttps://fr.globalvoices.org/?p=292395http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250104_125214_Amerique_Latine___les_raisons_de_la_baisse_de_la_nataliteSat, 04 Jan 2025 11:52:14 +0000Ne pas avoir d'enfants : une décision personnelle avec des conséquences sociales

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration de CONNECTAS, utilisée avec autorisation.

Cet article de la journaliste bolivienne Fabiola Chambi a tout d'abord été publié sur CONNECTAS. Une version traduite et éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat avec les médias.

Paula Landeros, Chilienne, est issue d'une famille nombreuse. Sa mère a quatre frères et sœurs et son père six. Sa maison était constamment en effervescence, mais elle est consciente que cela risque de changer à l'avenir, puisqu’elle a décidé de ne pas avoir d'enfants : « Je n’ai jamais considéré être mère », dit-elle avec conviction, à l'âge de 42 ans. Elle ne se souvient pas avoir joué à la poupée, mais elle a souvent entendu dire, dans son école catholique, que les femmes étaient destinées à procréer. Elle s'est alors demandé ce que serait sa vie sans enfants, une fois adulte.

La décision de Paula semble s'inscrire dans une tendance mondiale qui était impensable il y a seulement quelques décennies, lorsque les effets négatifs de la surpopulation faisaient la une de l'actualité. En 1798, l'économiste et ecclésiastique anglais Thomas Malthus a publié un « Essai sur le principe de population », qui est devenu extrêmement populaire.  Selon la théorie malthusienne, les ressources naturelles diminueraient alors que la population continuerait à croître de manière incontrôlée, conduisant à la pauvreté, à la naissance de conflits et, par voie de conséquence, à l'extinction de la race humaine d'ici 1880.

Les données d'aujourd'hui soulèvent d'autres questions. Selon la Banque mondiale, le taux de fécondité actuel au niveau mondial est de 2,2 enfants par femme, alors qu'il était de 5,3 dans les années 1960. Pour mieux comprendre ces chiffres, il faut tenir compte du fait que seuil de renouvellement est en général de 2,1 (nombre d'enfants nécessaire pour maintenir une population stable au fil du temps). De nos jours, de nombreuses femmes ont moins d'enfants ou n'en ont pas du tout. Les familles nombreuses d'antan sont aujourd’hui moins courantes, et les « ménages d'une seule personne » gagnent en popularité.

Selon le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), le Chili, l'Uruguay, le Costa Rica et Cuba ont les taux de fécondité les plus bas d'Amérique latine, avec une moyenne de 1,5 enfant par femme. Ils sont suivis par le Brésil et la Colombie, avec respectivement 1,6 et 1,7. On estime que les deux tiers de la population vivent dans des régions où le taux de fécondité est inférieur au seuil de renouvellement, et un nombre croissant de pays connaissent une baisse du taux de natalité.

Il s'agit d'un phénomène complexe. Martina Yopo Díaz, docteur en sociologie de l'université de Cambridge et chercheuse à l'université catholique du Chili, explique que ces changements sont liés à une « plus grande prévalence et légitimité de l'utilisation de la contraception et de l'autonomie corporelle. Ces évolutions, d'une certaine manière, donnent aux femmes d'aujourd'hui un plus grand pouvoir sur leur décision d’avoir ou non des enfants et à quel moment ».

Toutes les femmes ont droit à des soins de santé sexuelle et reproductive complets et de qualité, sans préjugés et adaptés à leur culture.

🟠 En savoir plus: https://t.co/YFh2ypDEXR

Brisons les barrières qui privent les filles, les adolescentes et les femmes de leurs droits. pic.twitter.com/UnLHhdrK2h

FNUAP Pérou (@FNUAP Pérou) 24 octobre 2024

Yopo Díaz affirme également que l'accès progressif des femmes au marché du travail et à l'enseignement supérieur est l'une des causes principales :

Están participando de manera mucho más activa en esas dos esferas de la sociedad y eso hace que muchas veces posterguen la maternidad o decidan tener menos hijos a lo largo de su ciclo de vida. Y a este descenso se suma una falta de condiciones sociales.

Elles participent beaucoup plus activement à ces deux sphères de la société, ce qui les conduit souvent à retarder le moment d’avoir des enfants ou à décider d'en avoir moins au cours de leur vie. Et ce déclin est aggravé par un manque d’aide sociale.

C'est le cas de Vanessa Sanjinés, une brillante consultante qui travaille dans le domaine de la communication stratégique. Mariée depuis 10 ans, elle n'a pas d'enfant et n'envisage pas d'en avoir. Elle dit avoir pris cette décision avec son conjoint, mais a subi beaucoup de pression.

Decidí no ser mamá a pesar de que la gente siempre me dice que voy a cambiar de opinión, que soy joven todavía, que mi cuerpo lo va a pedir en algún momento. Yo estoy segura porque estoy más enfocada en mi carrera profesional y en cumplir mis sueños y eso no va a cambiar. Pero sí creo que la sociedad debería cambiar en sus cuestionamientos.

J'ai décidé de ne pas devenir mère, même si les gens me disent que je vais surement changer d'avis, que je suis encore jeune, que mon corps va me le réclamer à un moment ou à un autre. Je suis certaine d’avoir pris la bonne décision parce que ma carrière professionnelle et réaliser mes rêves sont mes priorités et ça ne va pas changer. Je pense aussi que la société devrait réviser ses jugements sur le sujet.

Les nouvelles dynamiques sociales et économiques

Un rapport de l'Institut national de la statistique du Chili (INE) publié en 2024 fait état d'une baisse de 20 % du taux de natalité par rapport à la même période de l'année précédente. Ces chiffres inquiètent certains experts chiliens qui cherchent des moyens pour inverser le phénomène, sans avoir recours à une simple mise en œuvre de politiques publiques.

D’ailleurs, le rapport sur l'état de la population en 2023 du FNUAP fait référence à cette « anxiété démographique » et note que les initiatives gouvernementales visant à augmenter les taux de fécondité « ne fonctionnent presque jamais et sont susceptibles de porter atteinte aux droits des femmes ».

Selon Yopo Díaz :

Chile es el caso más extremo, pero al final la fecundidad está disminuyendo en todos los países latinoamericanos; entonces nos pone un desafío como sociedad. Quiere decir que nuestro sistema no puede seguir funcionando como hasta ahora. Pero promover la natalidad nunca puede ir sobre el respeto a la autonomía reproductiva y a los derechos humanos (…) Las políticas públicas tienen que ir orientadas a generar las condiciones sociales para que quienes quieran tener hijos puedan hacerlo.

Bien que le Chili soit l'exemple le plus extrême, la baisse de la fécondité dans tous les pays d'Amérique latine constitue un défi pour notre société, et signifie que notre système ne peut pas continuer à fonctionner comme il l'a fait jusqu'à présent. Cependant, la promotion de la natalité ne devrait jamais porter préjudice au respect de l'autonomie reproductive et des droits humains (…). Les politiques publiques doivent être orientées vers la création de conditions sociales permettant à ceux qui le souhaitent d'avoir des enfants.

La chercheuse chilienne estime que, d'après les données internationales, certaines politiques concrètes pourraient être mises en œuvre, telles que des crèches gratuites pour la petite enfance, accessibles aux pères comme aux mères. Certains pays d'Asie et d'Europe offrent des incitations financières indirectes, telles qu'une réduction des impôts ou une augmentation des salaires, afin d'améliorer l'accès aux services de base, à la santé, à l'éducation et au logement.  Ces initiatives se sont révélés efficaces dans de nombreux contextes.

Pourquoi le Chili a-t-il un faible taux de natalité et comment se situe-t-il par rapport au reste de l'Amérique latine ? https://t.co/a9TRUqIlnB

- BioBioChile (@biobiobio) 26 octobre 2024

D'autres pays font face à de véritables défis, comme la Corée du Sud, où le taux de natalité est une priorité nationale : en 2023, ont été enregistrées 19 200 naissances de moins qu'en 2022, et le nombre moyen d'enfants par femme est tombé à 0,72. Les habitants de cette partie du monde semblent déterminés à suivre le mouvement. Le phénomène des « Dinks » (acronyme de « Dual Income No Kids » (deux salaires, pas d’enfants)) en est l'une des manifestations. Ce terme désigne un couple, marié ou non, dont les revenus sont stables, sans enfants et sans intention d’en avoir.

Certains gouvernements s’inquiètent du fait que le taux de natalité est lié à la dynamique économique de leur pays. Dans son rapport « L'Observatoire démographique 2023 », la CEPALC estime qu'en Amérique latine et dans les Caraïbes, qui présentent un taux de croissance démographique en constante diminution, le sous-continent comptera 737 millions d'habitants en 2050, avec une population active de 402,7 millions de personnes, soit 54,6 % de la population totale, un chiffre inquiétant.

À ce titre, l'un des défis les plus importants à relever d'urgence est de remodeler l'économie mondiale. Selon une étude publiée dans The Lancet, « d'ici 2100, plus de 97 % des pays (198 sur 204) auront des taux de fécondité inférieurs au seuil de renouvellement nécessaire pour maintenir la taille de la population ».

La baisse de la natalité est-elle vraiment un problème ?

Pour Carmen Ledo, chercheuse et experte en urbanisme, le taux de natalité en Amérique latine dépeint une réalité « extrêmement complexe ». Selon elle, une étude plus approfondie est nécessaire pour prendre en compte les zones rurales, moins urbanisées ou même périurbaines, où le taux de natalité reste élevé. Cette situation contraste avec celle des grandes villes, où la fréquence accrue de ségrégation et de problèmes divers ont eu un impact significatif sur le déclin :

Si bien es un hecho social y está determinado por el comportamiento reproductivo, tiene que ver con los riesgos de que no haya reemplazos. Eso significa que la tasa bruta de reproducción sea menor a uno o que por cada mujer en edad fértil que sale de la vida reproductiva no entre otra mujer. Las posibilidades de extinguirnos o no en el tiempo están relacionadas con la calidad de vida.

Bien qu'il s'agisse d'un fait social et qu'il soit déterminé par le comportement reproductif, il est lié aux risques d'absence de renouvellement de générations : le taux brut de reproduction est inférieur à un, ou en d’autres termes, chaque femme en âge de procréer, et qui renonce à la maternité, ne sera pas remplacer par une autre femme. La qualité de vie joue un rôle important dans l'extinction éventuelle de l’humanité au fil du temps.

Yopo Díaz est du même avis et souligne les obstacles liées au choix des femmes :

La transición a la maternidad sigue teniendo mucho costo porque evidencia fuertes desigualdades de género y hoy las mujeres están menos dispuestas a formar familia en condiciones que les parecen asimétricas. Hoy se exige mucho más y también surgen preguntas: ¿Seré una buena madre? ¿Estoy en las condiciones de tener hijos?.

La transition vers la maternité continue d'avoir beaucoup plus d’impact sur les femmes et révèle de fortes inégalités entre les sexes. Dès lors, elles sont de nos jours moins disposées à fonder une famille dans des conditions qui leur semblent disproportionnées. Aujourd'hui, nous exigeons beaucoup plus des mères, qui se posent toutes sortes de questions telles que : Serai-je une bonne mère ? Suis-je en mesure d'avoir des enfants ?

Inés, par exemple, a passé sa vie à se remettre en question et, bien qu'elle ne soit pas encore mère, elle ne renonce pas à ce rêve :

Mi ilusión es ser mamá, tengo 41 años y aunque lo pienso desde hace mucho, antes priorizaba mis objetivos personales y buscar mi independencia. Siento que la situación cada día es más difícil, en cuanto a lo económico y emocional, y eso realmente me hace pensar si voy a ser capaz de cuidar de otra vida más. Pero quiero experimentar todo ese proceso de tener un bebé.

Mon rêve est d’être maman et, à 41 ans, j'y pense depuis longtemps, mais avant de le réaliser, j'ai donné la priorité à mes objectifs personnels et à mon indépendance. J’ai l’impression que la situation devient chaque jour de plus en plus difficile, d’un point de vue financier et émotionnel, et je me demande vraiment si je serai capable de m'occuper de quelqu’un d’autre. Mais je veux pouvoir vivre toutes les étapes de la maternité.

D'autre part, les préoccupations générationnelles et la façon particulière dont les jeunes perçoivent le monde, avec leurs craintes de l'avenir (en particulier en ce qui concerne le changement climatique) qui les poussent, dans de nombreux cas, à s'attacher davantage aux animaux de compagnie et à ne pas vouloir mettre des enfants au monde dans un environnement si perturbé, jouent également en défaveur de la croissance démographique.

Carmen Ledo ajoute :

Vivimos un mundo donde hay problemas de alimentación, de servicios básicos y muchas enfermedades, y en ese sentido es importante hablar de la reproducción intergeneracional que de una u otra forma puede garantizar la descendencia.

Compte tenu des problèmes liés á l’alimentation, aux services de base et aux nombreuses maladies que connait notre monde, il est important de parler de la reproduction intergénérationnelle pour assurer la descendance d'une manière ou d'une autre.

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Abandonnés au Sahara : l'Algérie transforme t-il le désert en cimetière pour migrants ?https://fr.globalvoices.org/?p=292335http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250104_124951_Abandonnes_au_Sahara___l_Algerie_transforme_t-il_le_desert_en_cimetiere_pour_migrants__Sat, 04 Jan 2025 11:49:51 +0000Les migrants expulsés par l’Algérie sont confrontés à une chaleur torride, à la déshydratation et à des voyages mortels.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Capture d'écran de la vidéo « Thousands left stranded in Niger's migrant camps » (Des milliers de personnes bloquées dans les camps de migrants au Niger), mise en ligne sur YouTube par AfricaNews. Utilisée avec permission.

[Sauf indication contraire, tous les liens de ce texte renvoient à des pages Web en anglais.]

Dans l’immense étendue du désert du Sahara, près de la frontière entre l’Algérie et le Niger, des milliers de migrants subsahariens sont confrontés à des épreuves douloureuses. Expulsés par les autorités algériennes, ils se retrouvent souvent bloqués sans nourriture, sans eau ni abri, contraints de traverser le terrain impitoyable du désert sous des températures extrêmes. Cette pratique a suscité de vives critiques de la part des organisations de défense des droits humains qui affirment que le pays viole les normes humanitaires internationales et met des vies en danger.

Dans un rapport de 2020, Lauren Seibert, chercheuse sur les réfugiés et les migrants à Human Rights Watch, a déclaré : « L’Algérie a le droit de protéger ses frontières, mais pas de détenir arbitrairement et d’expulser collectivement des migrants, notamment des enfants et des demandeurs d’asile, sans la moindre trace de procédure régulière. »

Des chiffres effarants d’expulsions

Depuis janvier 2024, l’Algérie a expulsé [fr] vers le Niger voisin près de 20 000 migrants africains, dont des femmes et des enfants. Ces expulsions se déroulent souvent dans des conditions difficiles : les migrants étant abandonnés dans le désert près de la frontière, contraints de marcher des kilomètres pour se mettre en sécurité. L’organisation Alarme Phone Sahara, qui vient en aide aux migrants dans le désert entre l’Algérie et le Niger, a rapporté qu’au moins 19 798 personnes ont été expulsées entre janvier et août 2024.

Selon l’organisation, les migrants expulsés vers le nord du Niger se retrouvent souvent bloqués dans des conditions précaires dans la région d’Agadez, au nord du Niger, sans pouvoir poursuivre leur voyage ni rentrer chez eux malgré le souhait de certains d’entre eux de le faire.

Cette situation a été exacerbée par des événements météorologiques extrêmes entre mai et août 2024, où de graves sécheresses ont été suivies d’inondations dévastatrices. « La crise climatique est déjà une réalité, et les personnes en déplacement ainsi que la population locale au Niger sont parmi celles les plus directement touchées par ses conséquences », ajoute le rapport, soulignant l’impact immédiat de la crise climatique tant sur les migrants que sur les communautés locales.

Des voyages désespérés à travers le désert

Alors que l'Union européenne fait pression sur les pays d’Afrique du Nord pour empêcher le flux migratoire, les expulsions massives se sont multipliées, et l’UE étant bien consciente des conditions. Selon un rapport de l’Associated Press de 2018, le processus d’expulsion commence souvent par des arrestations massives dans les villes algériennes, où les migrants sont détenus puis transportés vers les régions frontalières du sud. À leur arrivée, ils sont abandonnés dans des zones désertiques reculées, parfois sous la menace d’une arme, et contraints de marcher sous des températures torrides atteignant jusqu’à 48 degrés Celsius (118 degrés Fahrenheit). Ce voyage périlleux a entraîné de nombreux décès, les migrants succombant à la déshydratation, aux coups de chaleur et à l’épuisement.

Les organisations de défense des droits de l’homme ont condamné ces actions, soulignant l’absence de procédure régulière et le traitement inhumain des migrants. Dans une déclaration de 2023, l’Organisation mondiale contre la torture a déclaré que « ces migrants sont soumis à la torture et aux mauvais traitements. Ils sont arrêtés et détenus arbitrairement sans aucune garantie procédurale », accusant les politiques migratoires de l’Algérie de cibler les migrants noirs des pays subsahariens et soulignant « l’utilisation par les forces de sécurité d’insultes à caractère ethnique ».

Entre janvier et avril 2023, plus de 11 000 personnes ont été expulsées vers le Niger, et la tendance s’est poursuivie en 2024. L’Organisation internationale pour la migration fournissant l'aide à ces migrants, en leur offrant de la nourriture, de l’eau et des soins médicaux à leur arrivée au Niger.

Questions éthiques et juridiques

Le gouvernement algérien maintient cependant que ces expulsions sont menées conformément aux accords bilatéraux avec le Niger et sont nécessaires pour lutter contre l’immigration clandestine et le trafic d’êtres humains. Les autorités affirment que la présence de migrants en situation irrégulière pose des problèmes de sécurité et d’économie, nécessitant des mesures strictes pour contrôler les flux migratoires.

Malgré ces justifications, les conditions dans lesquelles ces expulsions ont lieu ont soulevé d’importantes questions éthiques et juridiques. Le droit international exige que les expulsions soient menées dans le respect des droits de l’homme et de la dignité, en garantissant la sécurité et le bien-être des individus. La pratique consistant à abandonner les migrants dans le désert, sans dispositions ni aide adéquates, contraste fortement avec ces principes.

La situation critique de ces migrants est encore aggravée par le contexte plus large de la migration en Afrique du Nord. De nombreux Africains subsahariens se lancent dans des voyages périlleux à travers le Sahara, dans le but d’atteindre l’Europe, à la recherche de meilleures opportunités. Cependant, les contrôles stricts aux frontières et les politiques migratoires restrictives dans les pays d’Afrique du Nord, souvent soutenus par des initiatives de l’Union européenne, ont rendu ces voyages de plus en plus dangereux.

La vie en marge

En Algérie, les migrants subsahariens vivent dans des conditions précaires, entre la peur de l’expulsion et l’espoir d’une vie meilleure. Beaucoup trouvent du travail dans le bâtiment et les femmes, souvent accompagnées d’enfants, recourent à la mendicité aux carrefours. Malgré le risque de rafles policières périodiques, certains migrants ont réussi à créer de petites entreprises et à vivre une vie relativement stable, subvenant aux besoins de leur famille restée au pays. Cependant, l’absence de droit d’asile et les lois restrictives du travail pour les étrangers rendent leur avenir en Algérie incertain.

La communauté internationale a un rôle crucial à jouer pour répondre à cette crise humanitaire, en soutenant les organisations qui aident les migrants sur le terrain et en garantissant des politiques migratoires globales qui accordent la priorité aux droits de l’homme et offrent des voies sûres et légales aux migrants.

Alors que le monde est aux prises avec des défis migratoires complexes, les histoires de ceux qui ont été abandonnés au Sahara nous rappellent brutalement le coût humain des politiques migratoires restrictives et l’impératif de respecter les droits de l’homme et de protéger les plus vulnérables d’entre nous.

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La République démocratique du Congo doit sa renommée à sa musiquehttps://fr.globalvoices.org/?p=292460http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20250102_102316_La_Republique_democratique_du_Congo_doit_sa_renommee_a_sa_musiqueThu, 02 Jan 2025 09:23:16 +0000En 2021, la rumba congolaise fait son entrée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l'UNESCO

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

En image, l'artiste Fally Ipupa au milieu de ses danseurs ; capture d'écran de la vidéo de la chanson “Eloko Oyo” sur la chaîne YouTube de Fally Ipupa

La République démocratique du Congo (RDC) doit une partie de sa renommée mondiale à sa musique, miroir de sa diversité culturelle.

En effet, la musique de la République démocratique du Congo dépasse largement ses frontières: le 14 décembre 2021, la rumba congolaise fait son entrée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Cette reconnaissance est le fruit de l'influence planétaire de cette musique tant appréciée.

Pour en savoir plus, lire: La renaissance de la rumba et les musiciens qui la font découvrir à une nouvelle génération de mélomanes

La réputation de la RDC sur la scène musicale vient en partie de sa population estimée à plus de 110 millions d'habitants et répartie entre plus de 400 groupes ethniques. Cette richesse constitue le socle d'une diversité culturelle dont bénéficie la musique depuis des générations. Le pays est aussi multilingue: le français est la langue officielle du pays et quatre langues locales ont le statut de langues nationales: le  lingala, le swahili, le kikongo ya leta et le tshiluba. Musicalement parlant, le lingala reste la langue dominante dans le pays.

Une tradition vivante qui sait s'adapter à la modernité

La musique de la RDC tire ses origines de la tradition et des pratiques coutumières qui reflètent l'appartenance ethnique de chaque groupe. Les populations Nande, Mongo, Luba, et Kongo exécutent leurs musique sur des instruments spécifiques: Inanga, Ingoma, Kundi, Lokole (tambour), Mbira, Ngombi, Seto (harpe), ou encore Pluriarc.

Ici, cette vidéo en donne un exemple: il s'agit d'une chanson intitulée “Mbomboliye“,  un chant de la population Mongo qui est un appel à la réjouissance autour d'une bonne nouvelle.

 

Mais les musiques traditionnelles de la RDC se réinventent aussi et fusionnent avec les tendances des musiques contemporaines, africaines et autres. Ce mélange se manifeste grâce à un syncrétisme d'instruments de musique modernes et traditionnels: les guitares électriques, les synthétiseurs, la batterie, les cajons, les claviers, le lokole (tambour à fente) et le likembe (piano à pouces) qui permettant à la musique de présenter un aspect séduisant tout en conservant ses origines culturelles.

Rumba mais pas seulement

Très variée et dynamique, la scène musicale de la RDC englobe différents styles et genres musicaux. La rumba est le premier genre musical à avoir représenté l'identité de la RDC. Cette musique est originaire du royaume du Kongo (actuelle RDC), puis a été revitalisé en 1930 grâce à l'essor de la rumba cubaine, musique des esclaves vivant pendant plusieurs siècles sur l'île de la Caraïbe.

A la suite de la rumba, la RDC se fait connaître par le soukous dans les années 1960. Ce genre, dérivé de la rumba, mais marqué par un rythme musical différent, conquit aussi le continent africain et au delà. Le ndombolo, un mélange de la rumba et du soukous, est apparu dans les années 1990, et qui témoigne de l'incessante créativité des musiciens congolais.

Au vu des similitudes et des ressemblances entre ces genres musicaux, plusieurs artistes portent le flambeau de ces trois styles de musiques. Mais chaque génération apporte sa pierre à la construction de l'identité musicale de la RDC.

Les grands noms de la musique congolaise

De très nombreux artistes et groupes, aux identités traversant la frontière dans les deux sens entre la RDC et le Congo, contribuent au rayonnement musical mondial du pays. Parmi les précurseurs, Grand Kallé dont le grand classique a marqué les esprits des indépendances africaines avec cette chanson culte “indépendance Cha Cha“.

Tabu Ley, un autre grand nom, ou Franco qui a été aussi une icône de la musique de la RDC avec sa chanson classique, “Mario“:

Abeti Masikini et Tshala Muana se placent à la charnière des premières et deuxièmes générations, où les rejoignent plus tard le groupe Zaïko Langa Langa, King Kester Emeneya, Jean-Serge Essous, Madilu System, Édouard Nganga, Théo Blaise Kounkou, Mbilia Bel, Simaro Lutumba, Koffi Olomidé, et le très célèbre Papa Wemba surnommé le roi de la Sape.

Voici la vidéo de la chanson “Yolele” de Papa Wemba:

Une troisième génération rassemble des artistes comme JB Mpiana, Werrason, Ferre Gola, Fally Ipupa. Ce dernier est considéré aujourd'hui comme le musicien le plus performant de la RDC car évoluant dans plusieurs registres musicaux en dehors de la rumba dont il détient aussi plusieurs titres.

Voici la vidéo de la chanson “Alliance” de Fally Ipupa:

De l'autre côté de la frontière au Congo Brazzaville, Youlou MabialaAurlus Mabélé, un des grands pionniers du genre soukous, Doudou Copa, Roga-Roga ont aussi écrit les plus belles pages de cette musique partagée avec la RDC.

La musique de la RDC a bien sur son esthétisme, mais elle joue aussi un rôle quasi politique. Le positionnement de l'artiste Grand Kallé cité plus haut avec sa chanson “Indépendance Cha Cha”, devenue le chant des regroupements anti-coloniaux en RDC et dans toute l'Afrique en est une parfaite illustration. Dans le pays, la musique est aussi un outil de contestation surtout sous le régime de Mobotu Sese Seko (président de 1965-1997) où les artistes critiquent et dénoncent la corruption et l'oppression. La musique véhicule également de nombreux messages sociaux portant sur l'entraide et la convivialité au sein de la communauté.

La RDC continue de se réinventer musicalement ces dernières années en intégrant deux genres africains: l’amapiano originaire du l'Afrique du Sud, et l’afrobeat ou afro-pop provenant du Nigeria. L'artiste RJ Kanierra s'inscrit dans la tendance amapiano avec sa chanson intitulé “Tia“, sortie en septembre 2023, et qui cumule plus de 51 millions de vues sur YouTube.

Ici, la vidéo de “Tia“:

L’afrobeat de la RDC est porté par des artistes comme Gaz Mawete ou encore Innoss'B.

Ici, la vidéo d'une des chansons d'Innoss'B titré “Olandi” qui cumule plus de 53 millions de vues du YouTube.

D'autres voix féminines: M’bilia Bel, Nathalie Makoma avec son groupe ; et masculines: Lokua Kanza, Ray Lema, Jean Goubald font aussi parti des ambassadeurs de la RDC sur une scène musicale qui témoigne d'une créativité et d'un renouvellement incessant.

Voir ici notre playlist Spotify sur la musique de la RDC. Pour plus de musique éclectique du monde entier, voir le profil Spotify de Global Voices.

 

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Cyclone Chido dévastateur à Mayotte : l'île face à une catastrophe sans précédenthttps://fr.globalvoices.org/?p=292464http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241227_032954_Cyclone_Chido_devastateur_a_Mayotte___l_ile_face_a_une_catastrophe_sans_precedentFri, 27 Dec 2024 02:29:54 +0000Le nombre de victimes est vraisemblablement très supérieur à 35

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image des populations dévastées essayant de reconstruire leurs maisons ; Capture d'écran sur la chaîne YouTube de TF1 INFO

Le 14 décembre 2024, le cyclone tropical Chido a frappé Mayotte, causant plus de 30 morts et des destructions sans précédent sur ce petit archipel français de l’Océan Indien. Avec des rafales dépassant les 200 km/h, le cyclone est considéré comme le cyclone le plus puissant à toucher Mayotte en près d'un siècle.

Mayotte est constituée de plusieurs îles situées à l'est de l’archipel des Comores, au nord du canal du Mozambique et au nord-ouest de Madagascar dans l’océan Indien. Ses habitants sont appelés les Mahorais et les langues locales sont le mahorais shimaoré et le shibushi . Également appelée Maoré en mahorais, cette île est française depuis sa colonisation en avril 1841. Elle est devenue le 101ème département français en 2011, ainsi qu’ une région française d’outre-mer et une collectivité territoriale unique. Mayotte est l'une des régions les plus pauvres de France,  avec une grande partie de ses 300 000 habitants vivant dans des bidonvilles, comme l'illustre cette vidéo:

 

Bilan humain et matériel

Selon le décompte du ministère de l'Intérieur de la France, le bilan provisoire de cette catastrophe survenue sur l'île fait état de 35 morts et de 67 blessés graves et 2 432 blessés légers. Un bilan relativement faible, compte tenu du fait que des dizaines de milliers de personnes vivent sur cet archipel, dont une grande partie dans  des bidonvilles entièrement ravagés par le cyclone.

Le préfet a ordonné au sous-préfet la mise en place d’une mission de recherche des morts. Emmanuel Macron, président français a fait savoir sur France 24, que le nombre de victimes est vraisemblablement très supérieur et il promet d’établir un bilan définitif:

Pour établir le bilan définitif, les autorités ont diligenté une mission de recherche, confiée à des gendarmes. Avec ce travail d'enquête, notamment dans les bidonvilles, “on va pouvoir identifier, je pense et je l'espère, des victimes supplémentaires, leur mettre un nom, pouvoir leur rendre hommage et obtenir la vérité des chiffres

De nombreuses habitations ont été détruites et des infrastructures essentielles endommagées, entraînant de graves perturbations des services primaires comme l'accès à l'eau potable. A cela s’ajoutent des problèmes de communication et des coupures d’électricité. Les rues, encombrées de débris, compliquent les opérations de secours. L'eau et la nourriture se font rares, et des risques sanitaires menacent la population mahoraise.

Réaction de la population locale

Dans cette vidéo de France 24, un Maorais, habitant de #Kaweni explique qu'il prend en main toute de suite la réparation de sa maison en disant:

“On ne nous aide pas, on ne nous donne rien”

Cette vidéo suivante montre un Maorais qui laisse paraître sa douleur:

Dans la section commentaire de cette vidéo, Soihabati Moussa Ali, un utilisateur de Facebook laisse son commentaire:

Capture d'écran du commentaire

Réponse des autorités

Le gouvernement français, en collaboration avec les autorités locales de Mayotte et de La Réunion, a rapidement mis en place une réponse d’urgence pour venir en aide à la population sinistrée. Un pont aérien a été mis en place pour acheminer des secours d'urgence vers Mayotte. Environ 800 policiers et pompiers ont été dépêchés pour participer aux opérations de sauvetage, assurer la sécurité et coordonner la logistique.

L'île de la Réunion et la métropole ont apporté leur aide à la population suite aux demandes de la préfecture de Mayotte et de La Réunion. Très vite, une chaîne de soutien et de solidarité nationale se met en place pour répondre à l’urgence sanitaire et médicale.

Dans un entretien au Journal du Dimanche, Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur de la France démissionnaire déclare:

Mayotte, c’est la France et je peux vous assurer que la France mobilise des forces civiles et militaires considérables. Le pont aérien a atteint sa pleine capacité : 50 tonnes d’eau, de denrées, de matériel arrivent chaque jour à Mayotte (…) C’est un travail titanesque que la France est en train de mener

Sur le compte X (ex-Twitter), il énumère le 20 décembre les mesures déjà prises:

Emmanuel Macron s'est déplacé à Mayotte du 19 au 20 décembre 2024 pour constater l'étendue des dégâts et l'ampleur de la détresse. Durant cette visite, il a détaillé les trois temps qui permettront à l’archipel de se relever après la catastrophe: répondre face à l'urgence, stabiliser et accentuer les efforts, reconstruire Mayotte.

Sur le réseau X, Emmanuel Macron exprime sa solidarité avec les Mahorais:

Macron s'est aussi heurté à la colère et au désespoir de Mahorais qui ont généralement tout perdu. Son action est aussi critiquée par certains en France métropolitaine: Hadrien Clouet, député de La France Insoumise en Haute-Garonne écrit sur son compte X:

Ce n'est pas un président mais un administrateur colonial.

Il a liquidé la délégation interministérielle aux risques majeurs en Outre-Mer, le choléra est revenu en mai, 30% des gens ne sont pas raccordés à l'eau… et Tintin veut se faire applaudir à #Mayotte !

Destitution.

Sur le compte X de Arrêt sur Image, un media indépendant, Jacqueline Guez,  réalisatrice féministe, se plaint d'une manque de couverture alors que le cyclone Chido à Mayotte était prévue depuis plus de 48 heures.

Si l'arrivée du cyclone Chido à Mayotte était prévue depuis plus de 48 heures, les médias n'ont pas changé leur programme pour autant. Un manque de couverture qui, selon Jacqueline Guez, illustre une habitude des médias : faire de Mayotte un non-sujet.

Défis à venir

Les autorités locales craignent une aggravation de la situation humanitaire, avec des risques accrus de famine, d'épidémies de choléra et de pillages. La destruction des infrastructures complique la distribution des secours, et la méfiance des immigrés illégaux envers les autorités entrave leur accès aux abris et aux soins.

Le cyclone Chido met en lumière la vulnérabilité des territoires insulaires face aux phénomènes climatiques extrêmes, exacerbés par le changement climatique. La situation à Mayotte demeure critique, nécessitant une mobilisation continue des ressources pour répondre aux besoins urgents de la population et planifier la reconstruction à long terme.

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L'année 2024 marquée par une vingtaine de rendez-vous électoraux en Afriquehttps://fr.globalvoices.org/?p=292399http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241223_152733_L_annee_2024_marquee_par_une_vingtaine_de_rendez-vous_electoraux_en_AfriqueMon, 23 Dec 2024 14:27:33 +0000Deux pays francophones repoussent les élections sans date fixée en 2025

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo illustrant le jour des élections dans quatre pays francophones en 2024 ; Photos de Jean Sovon

Tout au long de l'année 2024, l'Afrique a connu un calendrier électoral très chargé: des scrutins présidentiels, législatifs, et référendaires étaient prévus dans plus de vingt pays du continent, y compris dans une dizaine de pays francophones. Mais dans certains pays ces rendez-vous électoraux ont été annulés ou repoussés.

Des scrutins présidentiels aux grands enjeux

En Afrique francophone, la première élection a lieu le 14 janvier 2024 aux îles Comores pour l'élection du président pour un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois. Le 16 janvier 2024, soit deux jours après le scrutin, les résultats proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) confortent Azali Assoumani dans son fauteuil pour un second mandat. Le 17 janvier 2024, le lendemain de l'annonce des résultats, l'internet est coupé et la population locale est déconnecté du reste du monde. La communauté internationale manifeste son inquiétude, alors que l'Union africaine (UA) reste muette car Azali Assoumani, en est encore le président en exercice de l'UA jusqu'à

Lire aussi: Union des Comores: vers une crise post-électorale après la réélection du président sortant ?

Au Sénégal, le 3 février 2024, le président sortant Macky Sall tente de repousser les dates de l'élection présidentielles, initialement prévues sur la date du 25 février, et qui se déroulent finalement le 24 mars 2024. Le camp de Sall essaie de bloquer les chances du parti d'opposition Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF), dont les deux leaders, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko étaient détenus en prison, respectivement depuis en avril et juillet 2023. Le parti PASTEF est même dissout. Mais la détermination de la jeunesse pour un renouvellement à la tête du pays a eu raison de la censure politique, comme l'explique cet article. Après des 64 ans d'indépendance, le Sénégal demeure une référence et un modèle démocratique en Afrique de l'ouest, une région où cohabitent démocraties et dictatures.

Lire aussi: Sénégal: Les ferments du coup d’État institutionnel

Au Tchad, le décès d'Idriss Déby Itno, ancien président du pays, le 20 avril 2021 et la répression des manifestations par la junte au pouvoir avait contraint l'opposant Succès Masra à l'exil en novembre 2022. Mais ce dernier est nommé Premier Ministre le 1er janvier 2023 par Mahamat Idriss Déby Itno, fils de l'ancien président qui succède à son père au même poste. L'ex-opposant obtient ainsi la possibilité de se représenter aux élections présidentielles du 6 mai 2024. Toutefois, les résultats des élections présidentielles annoncent Mahamat Idriss Déby Itno gagnant de l'élection. Cette élection correspond aussi à un changement stratégique car le pays abandonne son accord de défense avec la France et opte pour un rapprochement avec la Russie.

Lire aussi: Au Tchad Mahamat Idriss Déby Itno succède à son père comme président, selon les premiers résultats des élections

En Mauritanie, les élections présidentielles ont lieu le 29 juin 2024 et voient la réélection de Mohamed Ould Ghazouani en poste depuis 2019. La campagne porte principalement sur la question de l'esclavage – aboli mais toujours toléré – qui divise le pays, grâce en partie à l'opposant Biram Ould Dah Ould Abeid ; et sur la question de la corruption.

Lire aussi: Premier tour des élections présidentielles, le 29 juin 2024 en Mauritanie

Des législatives et référendum

Des élections non-présidentielles se déroulent aussi au Togo (le 29 avril) et à Madagascar (le 29 mai). A Madagascar, il s'agit d'un renouvellement des parlementaires à la fin de leur mandat. Andry Rajoelina, président du pays espère obtenir une majorité à l'assemblée nationale suite à sa réélection très critique en novembre 2023 pour un second mandat. A l'issue des résultats, le parti d’Andry Rajoelina gagne 84 sièges sur les 163 députés qui siègent à l’Assemblée nationale, lui donnant une majorité absolue.

Lire aussi: Andry Rajoelina réélu président à Madagascar mais l'opposition conteste la validité de la procédure

Le Togo organise des élections législatives en 2024. Les parlementaires élus en décembre 2018 arrivent en fin de mandat en décembre 2023, mais sont maintenus car ils travaillent sur un projet de loi actant la modification de la constitution. La validation et la promulgation de cette nouvelle constitution sans référendum fait entrer le pays dans un régime parlementaire où le président ne sera plus élu par les citoyens mais par les députés. Cette nouvelle orientation imposée à la population togolaise suscite de vives réactions au sein de l'opposition et des acteurs de la société civile. Au lendemain des élections législatives, le parti Union pour la République (UNIR) de Faure Gnassingbé, président en poste depuis 2005, rafle 108 sièges sur les 113 et contrôle ainsi très largement le nouveau parlement.

Lire aussi: Premières élections régionales dans l'histoire du Togo : entretien avec l'expert Paul Amegakpo

Le Gabon, dans une période de transition sous la conduite des militaires depuis le coup d’État du 30 août 2023 déclare vouloir adopter aussi une nouvelle constitution et ainsi redonner vie à toutes les institutions de la République, entre temps dissoutes. La validation de ce nouveau texte par la population se fait par référendum le 16 novembre 2024 dans lequel les Gabonais votent massivement “oui”. Dans cette nouvelle constitution, les binationaux ne pourront pas se présenter aux élections présidentielles et le service militaire devient obligatoire pour tous citoyens gabonais, filles comme garçons.

Lire aussi: Gabon: une nouvelle constitution pour tourner la page du clan Bongo

Report des élections dans deux pays

Le Mali et le Burkina-Faso sont deux pays sahéliens membres de la nouvelle Alliance des États du Sahel (AES) qui ont quitté la CEDEAO en janvier 2024. Les élections présidentielles devaient se tenir dans ces deux pays en 2024, mais le contexte particulier de ces pays dirigés par des militaires putschistes ne permet pas la tenue d'élections. Les observateurs notent seulement que ces scrutins sont reportés à une date ultérieure.

Lire: L'homme fort du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, s'accorde un chèque en blanc pour rester au pouvoir pour cinq ans voire plus

Lire aussi: Au Mali, les partis politiques réclament des élections présidentielles pour en finir avec la transition des militaires

Si l'année 2024 a été chargée, d'autres élections sont prévues pour 2025: en Côte d'Ivoire où la classe politique s'agite déjà quand à une quatrième candidature du président Alassane Ouattarra, en poste depuis 2011.

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Basculement du groupe d'autodéfense Lakurawa, un nouveau risque d’insécurité pour l’Afrique de l’Ouest https://fr.globalvoices.org/?p=292426http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241223_101825_Basculement_du_groupe_d_autodefense_Lakurawa__un_nouveau_risque_d___insecurite_pour_l___Afrique_de_l___Ouest__Mon, 23 Dec 2024 09:18:25 +0000Le groupe prospère en exploitant les griefs socio-économiques

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Sur cette carte de l'Afrique de l'ouest figure la zone d'influence du groupe Lakurawa, située entre le Nigeria, le Bénin et le Niger. Capture d'écran de la chaîne YouTube de BBC News Africa

L’Afrique de l’ouest fait face à une nouvelle menace sécuritaire: le groupe d'autodéfense Lakurawa établi dans le nord-ouest du Nigeria, qui prétend protéger des communautés transfrontalières du banditisme est en effet en passe de sombrer dans le djihadisme.

Le groupe Lakurawa est un groupe d’autodéfense autrefois établi entre l’État de Sokoto et l’État de Kebbi, tous deux situés au nord-ouest du Nigeria et reliés au Bénin par une ligne transfrontalière qui s'étend jusqu'au Niger. Ces trois pays partagent un même corridor connu sous le nom d'axe Kandi (Bénin)-Kebbi (Nigeria) -Niamey (Niger).

A la base, le groupe Lakurawa se donne pour mission « d’offrir et de fournir une protection à la population locale dans les zones situées à l’intérieur du bastion des zones sous son influence ou son contrôle ». Il lutte donc indirectement aux côtés des autorités contre les groupes djihadistes, mais un changement idéologique récent vient modifier la donne dans un contexte sécuritaire fluide dans cette partie de la région du Sahel.

Lire: Une nouvelle ligne de conflit se déplace du Donbass en Ukraine au Sahel au Mali

Le 9 novembre 2024, le groupe Lakurawa mène une attaque à Mera (village situé au nord-ouest du Nigeria dans une zone frontalière avec le Bénin) qui fait 15 morts. Cet événement amène les autorités nigérianes à alerter la région ouest-africaine sur le risque potentiel que représente désormais ce groupe. A cet effet, Shehu Sani, ex Sénateur de l’État de Kaduna (situé au centre du pays) déclare la nécessité d’une action multinationale incluant le Bénin, le Niger et le Nigeria pour contrer le groupe d’autodéfense qui semble se radicaliser, comme le rapporte le Daily Post.

Comme d'autres forces dites d'auto-défense, le groupe Lakurawa opère dans un espace fragilisé par une insécurité grandissante qui peut facilement basculer du banditisme au terrorisme, comme l'observe Sani Saidu Muhammad, journaliste nigérian spécialisé dans les économies illicites et les questions humanitaires. Interviewé par Global Voices, il estime que la réémergence de Lakurawa en tant que groupe terroriste islamiste est une conséquence de la mauvaise gouvernance et d'un faible contrôle par les gouvernements des groupes d'autodéfense.

Lire : Réactions des populations locales au retrait du Burkina-Faso, Mali et Niger de la CEDEAO

Arnauld Kassouin (AK) : Quelle appréciation faites-vous de la coopération entre le Bénin et le Nigeria dans la lutte contre l'extrémisme violent et le banditisme frontalier ?

Sani Saidu Muhammad (SSM): Le Bénin et le terrorisme Nigeria ont sans aucun doute pris des mesures pour lutter contre l’extrémisme violent et le banditisme aux frontières par le biais d’initiatives conjointes menées sous l’égide de la CEDEAO et de la Force multinationale mixte (FMM) composée des forces armées de cinq pays: Bénin, Niger, Nigeria, Cameroun et Tchad. Toutefois, l’efficacité de ces collaborations reste à prouver: elle est souvent insuffisante en raison d’une mise en œuvre incohérente et de ressources limitées. Par exemple, si les patrouilles conjointes et le partage de renseignements sont louables, rien ne prouve qu’ils aient permis de réduire de manière significative les incidents de violence transfrontalière ou de contrebande. Pour réaliser de véritables progrès, les deux pays devront donner la priorité à la construction d’infrastructures frontalières, harmoniser leurs cadres juridiques et instaurer la confiance, non seulement entre les gouvernements, mais  aussi avec les communautés frontalières dont la coopération est essentielle à la sécurité à long terme.

Image de Sani Saidu Muhammad, journaliste nigérian. Photo de Sani Saidu Muhammad, utilisée avec permission

AK : Si l'objectif des Lakurawa n'est pas la conquête immédiate d'un territoire, quel est leur véritable objectif ?

SSM : Le groupe Lakurawa poursuit un objectif stratégique. En effet, il ambitionne de déstabiliser les structures étatiques pour créer des espaces sans gouvernance où ses activités, allant de l’endoctrinement aux entreprises criminelles, peuvent prospérer. Par ailleurs, il prospère en exploitant les griefs socio-économiques tels que la marginalisation, la pauvreté et la mauvaise gouvernance. En créant le chaos, il sape la confiance du public dans l’État, transformant la peur et la frustration en opportunités de recrutement et d’influence. Ses objectifs sont idéologiques, certes, mais aussi profondément pragmatiques : il cherche à contrôler les ressources, les lieux stratégiques et les populations vulnérables.

Lire aussi : Recrudescence des attaques terroristes au Sahel

AK: Pensez-vous que la réémergence des Lakurawa en tant que groupe terroriste islamiste dans le nord-ouest du Nigeria affaiblira davantage la sécurité transfrontalière des pays d'Afrique de l'Ouest ?

SSM: La réémergence du groupe Lakurawa représente une menace sérieuse pour la sécurité régionale. Leurs activités exacerbent les vulnérabilités dans la gestion des frontières, offrant un terrain fertile à la contrebande d’armes, à la propagation d’idéologies extrémistes et à la déstabilisation des États voisins. Les communautés des zones touchées font souvent état de craintes accrues de violences, de perturbations des économies locales et d’une confiance affaiblie dans les appareils de sécurité des États. À long terme, la présence des Lakurawas pourrait mettre à rude épreuve les alliances régionales comme la CEDEAO, car les pays donneraient la priorité aux crises nationales plutôt qu’aux efforts de sécurité concertés. Sans action décisive, ces menaces risquent de dégénérer en une instabilité régionale plus large.

AK : Avec la réapparition du groupe Lakurawa, faut-il craindre une djihadisation des groupes d'autodéfense dans l'ouest du Nigeria, à la frontière avec le Bénin ?

SSM: Des groupes d’autodéfense émergent comme des réponses populaires à cette insécurité. Mais leur manque de régulation les rend vulnérables à la cooptation par des éléments djihadistes:  ils pourraient se radicaliser et évoluer vers des réseaux extrémistes sous couvert de protection communautaire. Des données issues de contextes similaires, comme dans certaines régions du Sahel, montrent comment ces groupes, lorsqu’ils ne sont pas contrôlés, peuvent brouiller les lignes entre les groupes d’autodéfense et les terroristes. Des mesures proactives, notamment des mécanismes de surveillance, une intégration formelle dans les cadres de police de proximité et des campagnes d’éducation ciblées, sont essentielles pour atténuer ce risque.

Lire aussi: Lutte contre l'extrémisme violent au Sahel et en Afrique de l'Ouest : un vrai défi pour les chefs religieux 

AK: Quels sont les principaux défis à relever au niveau régional pour éviter la “djihadisation du banditisme” ou la “djihadisation des groupes d'autodéfense” ?

SSM: Pour prévenir la djihadisation du banditisme et des groupes d’autodéfense, plusieurs défis régionaux doivent être relevés comme le renforcement des contrôles au niveau des frontières. Ceci grâce à la technologie et à l’engagement communautaire. Aussi, les États doivent rétablir une proximité avec les gouvernés en améliorant leur gestion de la chose publique, en particulier dans les communautés marginalisées. De même, la Cedeao et ses États membres doivent harmoniser leurs efforts, en veillant à ce que les ressources et les renseignements soient mis en commun efficacement. De plus, les groupes d’autodéfense doivent être surveillés, formés et intégrés aux structures de sécurité officielles pour éviter toute dérive.

La réussite de cette lutte dépend d’une approche régionale fondée à la fois sur la volonté politique et sur l’inclusion communautaire. Les Lakurawas prospèrent là où les gens se sentent abandonnés ; veiller à ce qu’aucune communauté ne soit laissée pour compte est la meilleure défense contre leur propagation.

Avec la réémergence du groupe Lakurawa, le défi de la lutte contre les attaques terroristes devient de plus en plus grand pour l'Afrique de l'ouest.

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Le potentiel transformateur de l’IA et des outils numériques pour garantir l’intégrité des élections en Afriquehttps://fr.globalvoices.org/?p=292281http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241219_003550_Le_potentiel_transformateur_de_l___IA_et_des_outils_numeriques_pour_garantir_l___integrite_des_elections_en_AfriqueWed, 18 Dec 2024 23:35:50 +0000L’IA ne peut améliorer considérablement les processus démocratiques que si les considérations éthiques et inclusives sont prioritaires

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Le vote de l'élection présidentielle de 2015 à Abuja. Image de l'Ambassade des Etats-Unis / Idika Onyukwu, de Flickr (CC BY-SA 2.0 DEED).

[Sauf indication contraire, tous les liens renvoient vers des sites en anglais]

Lors des élections pakistanaises de 2024 [fr], alors qu'il était derrière les barreaux, l'ancien Premier ministre Imran Khan a réussi à toucher plus de 250 000 spectateurs sur YouTube grâce à une vidéo générée par l'intelligence artificielle (IA). Son message, délivré via Internet, a atteint un public massif malgré son absence physique de la campagne. Cette utilisation frappante de l'IA a mis en évidence l'influence croissante des outils numériques dans la politique moderne, démontrant comment, même dans des circonstances difficiles, la technologie remodèle la manière dont les politiciens interagissent avec les électeurs.

Alors que l’« Année de la démocratie » [fr] touche à sa fin, plusieurs élections clés se sont déjà tenues ; tandis que d’autres se profilent à l’horizon. Cette année électorale survoltée a vu 72 pays – représentant plus de la moitié de la population mondiale – se rendre aux urnes. L’Afrique, en particulier, a été au cœur de l’actualité, avec 16 élections nationales, soit le double de celles de 2023. La disponibilité généralisée d’outils d’IA comme ChatGPT et les générateurs de vidéos et d’images pilotés par l’IA a donné aux partis politiques de nouveaux moyens d’entrer en contact avec les électeurs, de les impliquer et de façonner l’opinion publique.

Mais ces technologies ne se contentent pas d’offrir de nouvelles opportunités : elles posent également des défis complexes, notamment en matière de lutte contre la désinformation et de garantie d’une utilisation éthique des données. La question se pose toujours : ces technologies profitent-elles réellement aux processus démocratiques ou créent-elles de nouveaux obstacles qu’il convient de surmonter ?

Dans une interview accordée au Global Investigative Journalist Network [fr], Victoria Turk de The Rest of The World , une organisation qui suit l’utilisation de l’IA dans les élections à l’échelle mondiale, a souligné cette double nature de l’IA. Elle a noté :

…quand les gens pensent aux élections et à l’IA générative, ils pensent automatiquement à la désinformation, à la mésinformation, aux deep fakes et à la tromperie intentionnelle des électeurs. Nous en voyons certains, mais il existe également d’autres utilisations créatives de cette technologie. Dans certains cas, nous voyons des partis politiques et des campagnes utiliser cette technologie pour mieux atteindre les électeurs, diffuser leurs supports de campagne et fournir des informations.

L’engagement des électeurs dans un monde numérique

L’évolution vers les campagnes numériques est indéniable. Les outils d’IA permettent aux partis politiques de communiquer avec leurs électeurs de manière plus efficace que jamais. Dans des pays comme l’Inde, qui compte 968 millions d’électeurs inscrits, de nombreux candidats ont utilisé des avatars alimentés par l’IA pour interagir avec les électeurs à un niveau individuel. Cette approche hyper-personnalisée  est censée renforcer l’attrait politique des candidats en montrant aux électeurs qu’ils sont à l’écoute de préoccupations spécifiques.

Outre l’engagement personnalisé, l’IA a également contribué à surmonter les barrières linguistiques au sein d’un électorat indien diversifié. Le Premier ministre Narendra Modi [fr], par exemple, a utilisé Bhashini, un outil gouvernemental basé sur l’IA, pour prononcer des discours en hindi qui ont été traduits en temps réel en tamoul, kannadabengali, télougou [fr], odia [fr] et malayalam [fr]. Si les robots IA peuvent rencontrer des difficultés avec les dialectes et sont susceptibles de mal traduire, ils aident les candidats à atteindre davantage d’électeurs en comblant les fossés linguistiques.

Considérations éthiques et fracture numérique

Malgré son potentiel, l’essor de l’IA dans les élections s’accompagne de défis éthiques, notamment en matière de confidentialité des données, de désinformation et d’équité. Pour lutter contre la désinformation générée par l’IA, le gouvernement indien a pris des mesures proactives en publiant un avis sur les deepfakes et l’IA. Cet avis oblige les plateformes d'informer clairement les utilisateurs que la publication de deepfakes peut entraîner des poursuites pénales en vertu de la loi, signalant ainsi une position ferme contre l’utilisation abusive de l’IA. Il s’agit d’une mesure cruciale pour maintenir l’intégrité des élections et garantir que l’IA est utilisée de manière responsable dans l’arène politique.

De même, au Nigéria, les inquiétudes concernant l’utilisation des données électorales dans le cadre de campagnes ciblées ont suscité des appels en faveur d’une réglementation plus stricte sur la manière dont les données sont collectées et utilisées. La loi nigériane sur la protection des données (NDPA) de 2023 vise à répondre à ces préoccupations, en imposant des normes élevées de protection des données aux responsables du traitement et des contrôles. Les partis politiques doivent veiller à ce que l’IA soit déployée de manière à respecter la confidentialité des données et à se conformer aux réglementations en matière de protection, telles que le règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne, afin de maintenir la confiance des électeurs.

En outre, la fracture numérique demeure un obstacle majeur dans de nombreuses régions. Si l’IA a renforcé la participation des électeurs dans les centres urbains, les électeurs ruraux restent souvent déconnectés. Même si la technologie mobile a permis de combler ce fossé, il reste encore beaucoup à faire pour garantir que chaque citoyen ait accès aux informations nécessaires pour participer pleinement au processus démocratique.

Lutte contre la désinformation grâce à la vérification des faits par l'IA

La désinformation et la mésinformation constituent une menace de plus en plus importante pour la démocratie. L’IA joue également un rôle essentiel pour contrer sa propagation. Des outils de vérification des faits basés sur l’IA ont été déployés par des groupes de la société civile et des vérificateurs de faits indépendants pour lutter contre ce problème.

Un exemple récent est celui des élections turques de 2023, où des deepfakes ont été utilisés pour discréditer les dirigeants de l’opposition. Des vidéos générées par l’IA associant faussement des personnalités politiques à des activités criminelles sont devenues virales, démontrant à la fois les risques et le potentiel de l’IA dans la lutte contre la désinformation. Pour atténuer ces dangers, l’IA est déployée pour vérifier rapidement les faits et s’assurer que les électeurs ne sont pas induits en erreur par des contenus fabriqués. Des plateformes comme Full Fact au Royaume-Uni et Africa Check en Afrique du Sud utilisent l’IA pour analyser les discours politiques, les articles d’actualité et les publications sur les réseaux sociaux à la recherche de fausses informations.

La capacité de l'IA à analyser et à identifier les fausses informations en temps réel pourrait changer la donne en atténuant l'impact négatif des deepfakes et d'autres formes de manipulation numérique. Cependant, cela nécessite également une vigilance et des améliorations constantes.

IA et polarisation politique

Il a été démontré que les algorithmes d'IA utilisés sur les plateformes de médias sociaux, comme Facebook, X (anciennement Twitter) et YouTube, influencent considérablement la polarisation politique. Ces algorithmes sont conçus pour maximiser l'engagement des utilisateurs en sélectionnant un contenu qui correspond à leurs opinions existantes, renforçant souvent leurs convictions et créant des chambres d'écho. Cela peut accroître l'animosité partisane, en particulier dans les pays fortement polarisés comme les États-Unis et le Brésil.

Des recherches montrent que même si les plateformes de médias sociaux ne sont pas forcément la cause profonde de la polarisation, leur conception peut l’exacerber. Des études ont montré que les utilisateurs exposés au contenu de ces plateformes sont plus susceptibles de s’en tenir à leurs opinions, ce qui conduit à des divisions politiques plus profondes. Par exemple, ces plateformes utilisent des algorithmes qui promeuvent des contenus suscitant des réactions émotionnelles, ce qui amplifie souvent les messages politiques qui divisent et polarisent.

Les efforts visant à lutter contre ce problème, comme l’adaptation des algorithmes pour promouvoir des perspectives diverses, sont essentiels. Cependant, de telles initiatives sont souvent de courte durée en raison de la crainte de perdre l’engagement des utilisateurs et la rentabilité.

Blockchain et systèmes de vote transparents

Au-delà de l’engagement des électeurs et de la vérification des faits, la technologie blockchain [fr] est devenue un outil permettant de garantir la transparence des élections. Si la blockchain a souvent été associée à la finance et à la cryptomonnaie, son potentiel pour garantir l’intégrité des élections est désormais testé. Alors que l’Estonie a été pionnière dans l’adoption de systèmes de vote basés sur la blockchain à l’échelle nationale, la Sierra Leone a mené un essai notable lors de ses élections de 2018. Une société basée en Suisse, Agora, a utilisé la technologie blockchain pour enregistrer les votes dans le district urbain de la zone occidentale dans le cadre d’une démonstration de faisabilité. Cet essai visait à démontrer comment la blockchain pouvait enregistrer les votes de manière sécurisée et transparente.

Bien que la Commission électorale nationale de la Sierra Leone ait officiellement géré les résultats en utilisant des méthodes traditionnelles, l’expérience de la blockchain a montré le potentiel des futures élections à intégrer cette technologie pour une plus grande transparence.

Comme le démontrent ces expériences, la blockchain pourrait ouvrir la voie à des élections plus sûres et plus transparentes, même si son adoption se heurte encore à des obstacles en termes d’évolutivité et de mise en œuvre à grande échelle.

Une nouvelle ère pour la démocratie ?

L’« Année de la démocratie » 2024 met en lumière le potentiel transformateur de l’IA et des outils numériques pour favoriser des élections solides, transparentes et inclusives. Des pays comme la Sierra Leone, l’Inde et l’Estonie démontrent que l’IA peut améliorer considérablement les processus démocratiques, mais seulement si les considérations éthiques et inclusives sont prioritaires.

Alors que ces élections mondiales se déroulent, le véritable test consistera à savoir si l’IA renforcera les valeurs démocratiques ou, au contraire, exacerbera les défis existants. L’intégrité de ces élections et les réponses aux inévitables conflits révéleront non seulement l’état actuel de la démocratie, mais détermineront également si des régions comme l’Afrique émergeront comme des modèles d’élections efficaces et de renaissance démocratique ou continueront à subir des revers électoraux.

Une nouvelle ère pour la démocratie ?

L’« Année de la démocratie » 2024 met en lumière le potentiel transformateur de l’IA et des outils numériques pour favoriser des élections solides, transparentes et inclusives. Des pays comme la Sierra Leone, l’Inde et l’Estonie démontrent que l’IA peut améliorer considérablement les processus démocratiques, mais seulement si les considérations éthiques et inclusives sont prioritaires.

Alors que ces élections mondiales se déroulent, le véritable test consistera à savoir si l’IA renforcera les valeurs démocratiques ou, au contraire, exacerbera les défis existants. L’intégrité de ces élections et les réponses aux inévitables conflits révéleront non seulement l’état actuel de la démocratie, mais détermineront également si des régions comme l’Afrique émergeront comme des modèles d’élections efficaces et de renaissance démocratique ou continueront à subir des revers électoraux.

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Le « Pateh » révélé au monde : l’art des aiguilles iraniennes revisité par Sara Qashghaihttps://fr.globalvoices.org/?p=292340http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241219_001518_Le____Pateh____revele_au_monde___l___art_des_aiguilles_iraniennes_revisite_par_Sara_QashghaiWed, 18 Dec 2024 23:15:18 +0000« Je crois qu'un artiste ne peut pas être épargné par les transformations sociales ».

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Sara Qashghai, photographiée avec l'une de ses pièces complexes en Pateh, 2024. Avec la permission de l'artiste.

Le travail de Sara Soleimani Ghashghai sur le Pateh, (un art traditionnel de broderie) offre une interprétation fraîche et contemporaine d'un artisanat séculaire. Le Pateh, propre à la ville de Kerman dans le sud-est de l'Iran, est une forme de broderie où des fils de laine, de soie et parfois d'or cousent des motifs complexes, souvent des fleurs, des oiseaux et des motifs vibrants.

Pourtant, grâce à sa maîtrise de sept techniques de couture distinctes, Qashghai transcende les motifs traditionnels ; en tissant non seulement des images mais aussi des récits complexes qui transmettent des émotions et des histoires d'une profondeur remarquable. En réinventant cet art ancestral, Sara transforme le Pateh en un moyen d’exprimer des récits sophistiqués, mêlant émotions, réflexions et messages sociaux avec une profondeur à la fois intime et universelle.

Cet art est né il y a plusieurs siècles pendant la dynastie perse des Séfévides, dont les premiers exemples connus datent de 1868. Il a longtemps été un moyen pour les habitants de Kerman de faire entrer les couleurs de la nature dans leurs maisons, compensant ainsi le manque de verdure dans le paysage désertique et aride.

Sara Qashghai, Say Her Name, 2023. Pateh Douzi on Fabric. [size: 80 x 100 cm (31.5 x 39.4 in). Photo courtesy of the artist.

Sara Qashghai, « Dites son nom », 2023. Pateh Douzi sur tissu. 80 x 100 cm (31,5 x 39,4 in). Avec la permission de l'artiste.

Malgré sa riche histoire, le Pateh a connu un déclin ces dernières années en raison des difficultés économiques. Le travail de Qashghai marque un retour saisissant à l’essence et à la complexité originelles de cet art. Elle sélectionne soigneusement les matériaux et utilise sept techniques de couture distinctes, dont certaines ont été reléguées au second plan par l'industrie. « J'utilise les fils pour parler d'une manière qui s'aligne sur le thème. Chaque technique de couture et chaque couleur ont leur propre signification » affirme-t-elle.

Le parcours de Qashghai dans le domaine du Pateh a débuté après des études en conservation historique et en beaux-arts. Titulaire d’une licence en conservation historique, elle a poursuivi sa formation en peinture. Pendant plus de dix ans, elle a travaillé comme restauratrice d'objets anciens en bois, avant de se tourner vers le Pateh il y a huit ans. Son talent a été reconnu lorsque la galerie Aran de Téhéran a commencé à exposer ses œuvres. Depuis, elle a exposé dans des galeries prestigieuses comme l’Advocartsy Gallery de Los Angeles et au Mingei Museum de San Diego. Ses expositions internationales témoignent de son ambition d’élever le Pateh sur la scène artistique mondiale tout en restant fidèle à ses racines culturelles.

Sara Qashghai, Memories, 2023. Pateh Douzi on Fabric. [size: 55.5 x 116.5 cm (21.9 x 45.9 in). Photo courtesy of the artist.

Sara Qashghai, « Mémoires », 2023. Pateh Douzi sur tissu. 55,5 x 116,5 cm (21,9 x 45,9 in). Avec la permission de l'artiste.

Grâce à sa collaboration avec des artisans locaux, Qashghai exprime ses émotions et ses préoccupations sociales à travers le fil, mêlant ainsi récits personnels et techniques traditionnelles. Elle réfléchit également à la manière dont son travail redonne au Pateh sa place sur la scène artistique mondiale.

Dans un entretien avec Global Voices, Qashghai évoque son parcours artistique unique, qui allie créativité et préservation de la culture :

Sara Qashghai, Humans and Anthropoids in a Dance of Liberty, 2023. Pateh Douzi on Fabric. [size: 128 x 65 cm (50.4 x 25.6 in). Photo courtesy of the artist.

Sara Qashghai, « Humains et anthropoïdes dans une danse de liberté », 2023. Pateh Douzi sur tissu. Dimensions : 128 x 65 cm (50.4 x 25.6 in). Avec la permission de l'artiste.

Omid Memarian (OM) : Le Pateh, art populaire traditionnel de broderie iranienne, est souvent perçu comme un artisanat, bien qu’il soit ancien. Qu’est-ce qui en fait une véritable forme d’art ? Est-ce la créativité des thèmes, des coutures, ou autre chose ?

Sara Qashghai (SQ) : Mes œuvres sont passées de l'artisanat à l'art grâce à mon approche unique de la technique, fondée sur deux facteurs principaux. D'abord, alors que cet artisanat était autrefois apprécié dans les musées du monde entier, l’augmentation du coût des matériaux et la production de masse ont conduit à une baisse de la qualité, avec des motifs répétitifs. Je mise sur des matériaux de haute qualité et des techniques créatives. Ensuite, les femmes iraniennes, notamment les nomades, ont toujours utilisé la laine pour apporter de la beauté au quotidien, à travers les tapis, kilims, Gabbeh et Pateh.

Sara Qashghai, « Adieu », 2023. Pateh Douzi sur tissu. 50 x 110 cm (19,7 x 43,3 in). Avec la permission de l'artiste.

Avec l’aide de mes artisans, j’exprime des émotions, des pensées, des espoirs et des rêves à travers les fils. Ceux-ci reflètent l’humeur de l’œuvre : doux et rapprochés pour évoquer le calme, ou écartés, rugueux et expressifs pour symboliser la colère ou la frustration. Chaque point et chaque couleur portent une signification propre. Autrefois, je dirigeais toutes les techniques de couture, mais aujourd'hui, les émotions de mes artisans, marqués par la violence et l’injustice, influencent naturellement le travail, donnant naissance à une collaboration puissante.

Par exemple, dans mon travail sur Mahsa Amini, les points et les couleurs durs transmettent un profond sentiment d'amertume et de violence. Les fils, parfois durs comme un nœud coulant ou délicats comme des pétales de fleurs, m'aident à raconter mon histoire. La technique et le thème sont tout aussi importants l'un que l'autre. Dans « Niloofar in the Swamp », je représente la femme iranienne comme un nénuphar résistant qui pousse dans des conditions difficiles. Les fils peuvent symboliser différents éléments – la guerre, la paix ou même les anges – pour finalement transmettre mon espoir de paix et de victoire.

Sara Qashghai, Till You Are Unaware of Body and Soul, How Can You Know the Beloved’s Heart, Inspired by The Conference of the Birds by Attar, 2024. Pateh Douzi on Wool. [size: 200 x 100 cm (78.7 x 39.4 in). Photo courtesy of the artist.

Sara Qashghai, « Jusqu'à ce que vous soyez inconscient du corps et de l'âme, comment pouvez-vous connaître le cœur du bien-aimé ? », inspirée de The Conference of the Birds d'Attar, 2024. Pateh Douzi sur laine. 200 x 100 cm (78.7 x 39.4 in). Avec la permission de l'artiste.

OM : Comment choisissez-vous les thèmes de votre travail et dans quelle mesure sont-ils influencés par les changements sociaux que vous observez dans votre environnement ?

SQ : Je ne choisis pas consciemment les thèmes ; je suis profondément influencée par les événements, les souvenirs et les expériences qui m'entourent, ainsi que par la façon dont la société et les gens réagissent à ces changements. Je pense qu'un artiste ne peut pas être épargné par les transformations sociales. Par conséquent, les thèmes de mon travail sont inspirés par mes sentiments et les événements qui m'entourent.

OM : Comment la collaboration avec des artistes locaux et la présentation de votre travail à l'échelle mondiale influencent-elles la renaissance de ces arts ?

SQ : Malheureusement, en raison des difficultés économiques et des coûts de production élevés, le pateh de Kerman et les matériaux utilisés connaissent un déclin notable, ce qui conduit les artisans à reproduire les modèles précédents. Lorsque des artistes comme moi entrent en scène, en se concentrant sur la sélection des matériaux, en apportant un soutien financier et en faisant preuve de créativité, ils revitalisent considérablement les thèmes et les techniques, contribuant ainsi à la résurgence de cette forme d'art.

10- Sara Qashghai, Mothers and Children of the Middle East, 2023. Pateh Douzi on Fabric. [size: 182 x 67 cm (71.5 x 26.4 in). Photo courtesy of the artist.

Sara Qashghai, « Mères et enfants du Moyen-Orient », 2023. Pateh Douzi sur tissu. Dimensions : 182 x 67 cm (71,5 x 26,4 in). Avec la permission de l'artiste.

OM : Pouvez-vous décrire comment une idée évolue du concept à la réalisation ? Par exemple, faites-vous d'abord des croquis, puis choisissez les couleurs, ou est-ce plus spontané ?

SQ : Mon processus commence généralement par une idée qui reflète les préoccupations et les enjeux de ma communauté à ce moment précis. Je collabore avec des artisans locaux, ce qui rend le travail à la fois collectif et féminin. Au début, je peignais le motif sur papier avant de le transférer sur le tissu. Aujourd'hui, je dessine directement sur le tissu, esquissant parfois plusieurs idées et les combinant spontanément. Pour certaines œuvres, la moitié du dessin est improvisée, et je crée toujours des croquis de couleurs pour guider mes choix de fils avant d’ajouter des points intuitifs.

OM : Quelle est la perception de votre travail en Iran, et y a-t-il d'autres artistes qui utilisent des techniques similaires pour leur expression artistique ? En quoi cela diffère-t-il de votre expérience à l'étranger ?

SQ : Je peux affirmer avec certitude que personne en Iran n'a tissé son imagination dans le Kerman Pateh comme je l'ai fait. À Kerman, cette technique est généralement perçue comme un artisanat, avec des motifs peu modifiés depuis près d’un siècle. Je n'ai vu personne d'autre utiliser cette approche depuis mon travail. Toutefois, j'ai trouvé dans des musées près de San Diego quelques pièces avec une couture similaire à la mienne. Cependant, elles ne possèdent pas la diversité du Kerman Pateh, qui intègre sept techniques de couture distinctes et fascinantes, un aspect que même les spécialistes des musées américains ont remarqué.

Sara Qashghai, Astonished, She Said, "The Army of Iran Has Come," Inspired by Women in Shahnameh by Ferdowsi, 2024. Pateh Douzi on Wool. Size: 300 x 100 cm (118.1 x 39.4 in). Photo courtesy of the artist.

Sara Qashghai, “Étonnée, elle a dit : ‘L'armée d'Iran est arrivée'”, inspirée par “ Les femmes dans le Shahnameh ” de Ferdowsi, 2024. Pateh Douzi sur laine. Dimensions : 300 x 100 cm (118.1 x 39.4 in). Avec la permission de l'artiste.

OM : Dans quelle mesure pouvez-vous exprimer librement vos idées et trouver un équilibre entre la transmission d'un message et l'expression artistique, en veillant à ce que votre travail ne devienne pas purement propagandiste ?

SQ : Lorsque je crée et que je commence à dessiner, je suis tellement immergée dans la narration que je dessine simplement ce qui me vient à l'esprit et au cœur, sous l'influence de mes émotions et de mes expériences. Je ne pense pas que cela devienne de la propagande ; si cela se produit, ce n'est pas du tout intentionnel. Je pense que même si cela devait se produire, il y aurait une authenticité qui transcenderait les simples slogans.

Sara Qashghai, « Mémoires », 2023. Pateh Douzi sur tissu. 55,5 x 116,5 cm (21,9 x 45,9 in). Avec la permission de l'artiste.

OM : Quels sont les artistes en Iran et à l'étranger qui vous inspirent dans votre travail ?

SQ : Dans certaines œuvres, j'ai été fortement influencée par des poètes et des artistes iraniens, en particulier par les thèmes des œuvres des poètes iraniens classiques. Par exemple, des images du « Shahnameh » de Ferdowsi, de « The Conference of the Birds » d'Attar et de « Kelileh o Demneh » ont eu un impact profond sur moi. En ce qui concerne les artistes occidentaux, je m'inspire de Cézanne, Matisse et Degas, dont j'adore les œuvres. Bien sûr, il y en a beaucoup d'autres, car j'aime explorer les galeries et les musées et j'ai une forte mémoire visuelle.

Sara Qashghai, Wondering in the Land and See, 2024. Pateh Douzi on Wool. [size: 200 x 100 cm (78.7 x 39.4 in). Photo courtesy of the artist.

Sara Qashghai, « S'émerveiller du Pays et Observer », 2024. Pateh Douzi sur laine. 200 x 100 cm (78,7 x 39,4 in). Avec la permission de l'artiste.

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Des histoires renfermées dans mes chaussures : un souvenir des deux années infernales de la guerre du Tigré que nous avons endurées en Éthiopiehttps://fr.globalvoices.org/?p=292262http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241219_000225_Des_histoires_renfermees_dans_mes_chaussures___un_souvenir_des_deux_annees_infernales_de_la_guerre_du_Tigre_que_nous_avons_endurees_en_EthiopieWed, 18 Dec 2024 23:02:25 +0000« Le monde a besoin d’entendre ce qui nous est arrivé, car il semble que tout le monde a oublié le Tigré »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Un homme passe devant un char détruit (T-72) sur la rue principale d'Edaga Hamus, dans la région du Tigré en Éthiopie, le 5 juin 2021. Image de Yan Boechat/VOA sur Wikimedia Commons (domaine public).

Par Haftu Hindeya Gebremeskel, professeur agrégé à l’Université de Mekelle au Tigré, en Éthiopie.

Le 2 novembre, les habitants du Tigré, en Éthiopie, fêteront les deux ans de la fin officielle de la guerre civile dans la région. À cette date, en 2022, le principal parti de ma région, le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), a signé l’accord de paix de Prétoria avec le gouvernement éthiopien, que les Nations unies ont considéré comme une « première étape cruciale » vers la fin de cette guerre brutale.

Ce jour-là, comme tous les jours, je regarderai une vieille paire de chaussures que je garde sur les escaliers de ma maison. Ces chaussures déchirées et usées me rappellent les deux années infernales de guerre que nous avons endurées. J'ai porté ces chaussures lorsque le gouvernement fédéral et ses alliés ont bloqué le Tigré et nous ont assiégés. Entre 2020 et 2022, environ 600 000 Tigréens sont morts à la suite d’actions insensées et imprudentes ; 2,5 millions ont été déplacés à l’intérieur du pays par les combats.

Je les garde parce que lorsque je regarde mes chaussures, je me souviens des souffrances insupportables que nous avons endurées ensemble. Il me semble que ces chaussures peuvent parler. Elles racontent les souvenirs que je ne peux pas supporter de verbaliser moi-même. Mais le monde a besoin d’entendre ce qui nous est arrivé, car j’ai l’impression que tout le monde a oublié le Tigré.

J’ai acheté mes nouvelles chaussures juste avant le début de la guerre, le 4 novembre 2020. Ce soir-là, nos vies ont pris un tournant radical. En quelques semaines, des gens de tous les coins du Tigré ont afflué dans notre capitale, Mekele.

Le gouvernement a lancé une campagne de haine contre les Tigréens. Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a déclaré que le TPLF était une « mauvaise herbe envahissante » qui « doit être déracinée de manière à ne plus jamais repousser ». Des collègues politiques et alliés ont fait écho à ces sentiments, utilisant des insultes telles que « mauvaises herbes », « cancer », « rats » et « terroristes » pour nous décrire. Le gouvernement a incité les citoyens ordinaires à humilier, attaquer, voler et même tuer les Tigréens qui travaillaient dur. Des milliers d’entre eux ont perdu leur emploi, leurs entreprises ont été pillées et fermées. Ils ont été emprisonnés ou tués. Les Tigréens ont été traqués partout – dans leurs maisons, leurs bureaux, le long des routes, dans les taxis – ciblés simplement pour leur identité. Ceux qui le pouvaient ont fui vers Mekelle ou ont cherché refuge hors d’Éthiopie.

Alors que les gens arrivaient à Mekelle sans rien, les habitants ont dû se rassembler pour apporter toute l’aide possible. Il était difficile de se réunir et de coordonner les efforts en raison des frappes aériennes fréquentes visant les civils en plein jour, mais nous avons persévéré pour soutenir nos sœurs et nos frères. Les organisations civiles ont fait des annonces régulières sur Radio FM Mekelle, nous encourageant à nous soutenir les uns les autres et à partager des informations sur les sites de dons.

Pendant cette période, mes chaussures sont restées avec moi alors que je donnais toutes mes autres paires de chaussures à ceux qui en avaient besoin. Presque tous les vêtements de notre famille ont été donnés pour soutenir les personnes touchées. Malgré la peur, le choc et une détermination sans faille, nous n’avons pas hésité à aider ceux qui avaient autrefois plus que nous.

Mes chaussures ont beaucoup souffert. Mon amie Abenet et moi avons marché environ 16 km par jour à travers la ville. Sans argent et avec un arrêt complet des services de transport en raison de pénuries de carburant, nous n’avions pas vraiment le choix.

Nous rendions souvent visite à des amis travaillant dans des ONG, dans l’espoir qu’ils transmettraient des messages à nos familles vivant à l’extérieur de la région ou du pays, car c’étaient les seuls endroits où l’accès à Internet était limité. Malheureusement, beaucoup étaient réticents à nous aider. Certains demandaient de l’argent ou des faveurs, tandis que d’autres semblaient avoir perdu espoir. Quelques-uns nous traitaient avec indifférence ou dureté.

Chaque fois que je regarde mes chaussures, elles me rappellent des souvenirs précis. Un jour, alors que je déambulais dans les rues de Mekele, je suis tombée sur une amie qui s’est enquise de l’état de santé de ma sœur. Cela m’a remplie d’inquiétude, car juste un jour avant la signature de l’accord de Pretoria, ma ville natale, Mekhoni en Raya, avait été lourdement bombardée. J’ai appris plus tard que la maison de ma sœur, un bâtiment civil sans lien avec une quelconque cible militaire, avait été détruite. Malheureusement, ce phénomène était courant dans presque toutes les villes du Tigré pendant la guerre brutale et sanglante.

Mes chaussures. Photo de Haftu Hindeya Gebremeskel, utilisée avec permission.

Cette nouvelle dévastatrice m’a profondément choquée. Le gouvernement éthiopien avait bloqué toutes les communications, je ne pouvais donc pas appeler ou organiser une visite immédiate en raison du manque de transport. Je suis rentrée chez moi, rongée par l’inquiétude pour ma chère sœur – ce fut peut-être la marche la plus difficile de ma vie.

À mon arrivée, j’ai découvert que mon jeune frère était venu de notre ville natale pour me rassurer. Il m’a raconté que notre sœur était venue chez notre mère lorsque sa maison a été détruite. Le soulagement m’a envahie.

Une autre fois, j’ai regardé mes chaussures, et elles semblaient contenir des souvenirs de viols, comme si elles avaient absorbé mes conversations pendant la guerre et les avaient stockées. Je me souviens d’avoir marché avec Abenet, lui parlant d’un rapport publié par Amnesty International en 2021, qui portait sur les violences sexuelles.

Ce qui est arrivé aux femmes du Tigré dépasse l’entendement. Les soldats ont agi avec barbarie : ils ont violé collectivement des femmes tigréennes et laissé des préservatifs usés, des rasoirs et d’autres objets nocifs dans leur corps. Ils ont ciblé des enfants et des femmes enceintes, les soumettant à l’esclavage sexuel, à la mutilation et à d’autres formes de torture. Ces prédateurs les ont harcelés avec des insultes ethniques et des menaces de mort. Le viol et la violence sexuelle ont été utilisés comme armes de guerre, destinés à dégrader et à déshumaniser les femmes et les filles tigréennes, laissant des cicatrices physiques et psychologiques durables. Selon les autorités régionales, au moins 120 000 femmes ont été violées au Tigré pendant le conflit.

Mes chaussures me rappelaient d’autres souvenirs sombres, comme un jour d’août 2021, où j’ai regardé les informations et vu des images de corps de Tigréens flottant sur la rivière Tekeze. C’était un cruel rappel de la profondeur de la brutalité de nos ennemis.

Les enfants ont profondément souffert. Ils ont été séparés de leurs proches et l’armée érythréenne sauvage leur a coupé les articulations alors qu’ils étaient encore vivants. Les frappes aériennes ont tué de nombreuses mères et enfants en plein jour sur les marchés d’Adidaero, d’Alamata, de Togoga et dans un jardin d’enfants de Mekele, pour n’en citer que quelques-uns.

La guerre était horrible et ses atrocités ont eu un impact sur le cœur et l’esprit des gens ordinaires du monde entier. Pourtant, je pense qu’elle n’a pas suffisamment ému les nations puissantes – les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres pays occidentaux. Ces nations, qui se targuent de défendre les droits humains, savaient ce qui s’est passé au Tigré, mais elles n’ont pris aucune mesure significative pour nous aider.

Même aujourd’hui, nous avons l’accord de paix, mais nous ne sommes pas en paix. Deux ans plus tard, près d’un million de personnes ne peuvent toujours pas rentrer chez elles. Nous ne pouvons pas reconstruire nos terres agricoles dévastées, ni nos villes et villages bombardés, car le Tigré connaît également la pire sécheresse depuis 40 ans. Les niveaux de sécurité alimentaire dans presque toute la région sont à des niveaux de crise et d’urgence. Environ 1,84 million d’enfants tigréens ne sont plus scolarisés depuis trois années consécutives. Malgré les efforts déployés, seulement moins de la moitié de ces enfants ont pu retourner dans leurs écoles gravement dévastées. Et 80 % des enseignants interrogés présentaient des signes de stress post-traumatique, ce qui indique le lourd tribut psychologique que la guerre leur a fait payer, selon un rapport.

Je me dis en regardant mes chaussures que le temps passe et que ces moments nous apportent des leçons qu'on a apprises à nos dépens. La guerre du Tigré doit être documentée. Ceux qui savent écrire doivent inlassablement documenter nos histoires poignantes afin que nos enfants évitent de répéter les mêmes erreurs.

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« La réalité des femmes qui ont besoin d'un accès légal à l'avortement au Brésil est celle de l'exil. »https://fr.globalvoices.org/?p=290820http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241218_232816____La_realite_des_femmes_qui_ont_besoin_d_un_acces_legal_a_l_avortement_au_Bresil_est_celle_de_l_exil.___Wed, 18 Dec 2024 22:28:16 +0000Debora Diniz, anthropologue et chercheuse, commente le scénario actuel.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une affiche verte et violette tenue par une personne au-dessus d'une foule, faisant face à un grand bâtiment éclairé

Une affiche lors d'une manifestation à Rio de Janeiro, le 13 juin 2024, indique en français : « La grossesse forcée est une torture ! Ni arrêtée ni morte. » Photo de Fernando Frazão/Agência Brasil, utilisée sous licence.

Des milliers de Brésiliennes sont descendues dans les rues de différentes villes à la mi-juin pour protester contre une proposition de loi visant à restreindre davantage l'accès à l'avortement légal et sécurisé. Cette loi pourrait criminaliser les victimes de viol et leur retirer des droits actuellement garantis par la législation.

La proposition de loi 1904/24, présentée par le député évangélique Sóstenes Cavalcante du Parti libéral, le même parti que l'ancien président Jair Bolsonaro, a été signée par 56 autres parlementaires de la chambre basse du Congrès national du Brésil.

Le 12 juin, la Chambre a approuvé une demande de vote en urgence, permettant de voter sans que la proposition de loi passe par des discussions en commission. Un sondage réalisé sur le site de la Chambre jusqu'au 17 mai montre que 12 % des électeurs soutiennent la proposition de loi tandis que 88 % s'y opposent.

Si la proposition de loi est approuvée, un avortement pratiqué après 22 semaines sera passible de la même peine qu'un homicide au Brésil, même pour les femmes victimes de violences sexuelles. Cela signifie qu'elles pourraient être condamnées à une peine plus longue que leurs violeurs.

Une femme, le visage fermé, tend entre ses mains une feuille blanche avec des écritures noires dessus. Dans le fond, des manifestantes agitent des drapeaux.

Une autre pancarte lors de la manifestation de Rio contre la proposition de loi : « Une enfant n'est pas une mère ! Non à la proposition de loi 1904. » Photo de Fernando Frazão/Agência Brasil, utilisée sous licence.

Actuellement, le Brésil n'autorise l’avortement que dans trois situations : en cas d’anencéphalie, si la grossesse représente un risque pour la vie de la femme ou si elle est le résultat d'un viol.

Selon Agência Brasil, en 2023, le Brésil a enregistré 74 930 cas de viol. Parmi ceux-ci, 56 820 concernaient des personnes vulnérables, c'est-à-dire des victimes âgées de moins de 14 ans ou souffrant de problèmes de santé mentale. En 2023, le pays a enregistré 2 687 cas d'avortement légal, dont 140 concernaient des filles de moins de 14 ans et 291 des jeunes entre 15 et 19 ans.

Pour comprendre les enjeux actuels, Global Voices s'est entretenu avec Debora Diniz, anthropologue, chercheuse et experte dans le débat sur l'avortement légal. Elle a dû quitter le Brésil il y a six ans en raison de menaces liées à sa position sur la question. Debora Diniz est associée à l'université de Brasilia (UnB) et à l'ONG Instituto Anis, qui a également signé une action présentée à la Cour suprême en 2017 pour dépénaliser tous les avortements jusqu'à 12 semaines de grossesse.

Pour Debora Diniz, la nouvelle proposition de loi est une manœuvre de l'extrême droite brésilienne visant à faire pression sur la Cour suprême et à influencer sa décision au sujet de l'avortement, ainsi qu'à défier le président Luiz Inácio Lula da Silva et ses promesses envers les évangéliques. En 2022, lors de l'élection opposant  Lula au président sortant Bolsonaro, des citations suggérant une position pro-avortement de Lula ont été diffusées pour instiller la peur et réduire le nombre de votes, en particulier parmi les électeurs religieux.

À l'époque, Lula avait réaffirmé une position qu'il maintenait depuis des années : personnellement contre l'avortement, mais le défendant en tant que question de santé publique. Cette fois, le président a qualifié la dernière proposition de « folie ».

Quelques jours plus tard, dans une interview, il a souligné l'inégalité sociale qui présente des risques plus élevés pour les femmes pauvres devant interrompre une grossesse et a interrogé le député Cavalcante : « Je veux savoir si sa fille a déjà été violée, comment il se comporterait. Ce n'est pas une question simple. »

Des femmes brandissant des pancartes avec des messages et une grande banderole verte

Des femmes manifestent sur l'Avenida Paulista, à São Paulo : « La justice reproductive sauve des vies ». Photo : Paulo Pinto/Agencia Brasil, utilisée sous licence.

Global Voices : Comment évaluez-vous ce qui est proposé dans la proposition de loi 1904/24 ?

Debora Diniz: O que está proposto é um retrocesso de quase 100 anos. É uma tentativa de criar ainda mais barreiras ao acesso ao serviço de aborto legal, em particular, para as meninas vítimas de estupro, mulheres em risco de vida. Acho que os proponentes não esperavam tamanha reação da sociedade brasileira. Na verdade, quando digo que a questão do aborto é que está sendo proposta, ela é o que está na superfície. Na profundidade, está uma queda de braço com a Suprema Corte, está um cheque de lealdade do presidente Lula a suas promessas com a bancada evangélica e o poder médico se movimentando. Mas, em termos de consequências concretas, é a criação de barreiras para as mulheres e as meninas, em particular as mais vulneráveis.

Debora Diniz : Ce qui est proposé représente un recul de 100 ans. Il s'agit d'une tentative de créer davantage d'obstacles à l'accès aux services d'avortement légal, en particulier pour les filles victimes de viol et les femmes avec un risque vital. Je pense que les auteurs de la proposition de loi ne s'attendaient pas à une telle réaction de la société brésilienne. Lorsqu'une question relative à l'avortement est soulevée, ce n'est que la partie visible de l'iceberg. En réalité, il y a un bras de fer avec la Cour suprême, une vérification de la loyauté envers le président Lula et ses promesses envers les évangélistes au Congrès, ainsi qu'un mouvement du pouvoir médical. Mais concrètement, cela crée des obstacles pour les femmes et les filles, en particulier les plus vulnérables.

GV : Quels seraient les effets immédiats d'une telle législation ?

DD: Seriam o que estamos vendo. Neste caso, teria um aumento da gravidez infantil, por estupro presumido, para quem tem menos de 14 anos. Mulheres em risco de vida sendo obrigadas a morrer, porque a proibição é por tempo gestacional, e o risco de vida é em estágios avançados da gravidez.

DD : Ce serait ce que nous voyons déjà. Dans ce cas, nous aurions une augmentation des grossesses précoces pour viol présumé, c'est-à-dire pour les moins de 14 ans. Les femmes avec un risque vital seraient forcées de mourir, car il y a une interdiction en fonction du délai de grossesse, et plus le stade de la grossesse avance, plus le risque pour leur vie augmente.

GV : Une étude de l'université fédérale de Santa Catarina (UFSC) indique que, dans la pratique, 3,6 % des villes disposent de services d'avortement légal et qu'environ 10 % des femmes violées dans le pays y recourent. Cela signifie que nous avons une législation qui garantit le droit à l'avortement, mais que dans la pratique, le scénario est différent. Quelle est la réalité des femmes qui ont besoin de ce service dans le pays ?

DD: Ou seja, você tem uma legislação que garante, mas tem o outro cenário que é o acesso. Havia uma concentração de acesso no estado de São Paulo, o estado de São Paulo desmantelou esses serviços. E a realidade das mulheres que têm que recorrer aos serviços no país é uma realidade de desterro. Elas têm que atravessar fronteiras, buscar recursos financeiros, enfrentar, além de sobreviver a uma brutal violência, porque para as mulheres em risco de vida, atravessar fronteira é algo praticamente impossível. Mas hoje, além de estar sobrevivendo a uma violência, ela vai ter que buscar recursos financeiros, se ausentar do trabalho, buscar soluções para o cuidado dos filhos. São barreiras que tornam intransponíveis o acesso ao aborto legal.

DD : Il y a une législation qui le garantit, mais il existe une autre étape, qui est l'accès à ce droit. Il y a eu une concentration de l'accès à cette procédure dans l'État de São Paulo, puis l'État de São Paulo a démantelé ces services. La réalité des femmes qui ont besoin de recourir à ces services au Brésil est une réalité d'exil. Elles doivent traverser les frontières, chercher des ressources financières, faire face, au-delà de la survie, à une violence brutale. Pour les femmes avec un risque vital, il est presque impossible de traverser une frontière. Mais, en plus de survivre à une situation de violence, elles devront aussi chercher des ressources financières, s'absenter de leur travail, trouver des solutions pour s'occuper de leurs enfants. Autant d'obstacles qui font de l'accès à l'avortement légal quelque chose d'insurmontable.

GV : Historiquement, comment s'est déroulé le débat sur l'avortement au Brésil ? A-t-il toujours été interrompu ou y a-t-il eu des avancées ?

DD: Esse PL é uma resposta a um momento único na sociedade brasileira que é ação no Supremo Tribunal Federal que pede a descriminalização do aborto nas primeiras 12 semanas. É uma resposta ao que é a onda verde na América Latina, com a descriminalização na Argentina, na Colômbia, no México, no Uruguai. Ou seja, essa fúria da resposta é também uma fúria de uma intimidação de um momento único de transformação da sociedade brasileira. Mas, ao mesmo tempo, a política representativa, da qual não corresponde, não representa, o vivido pelas mulheres, pelas meninas que podem gestar, é uma política feita pelo patriarcado mais tradicional de homens, que vão fazer do aborto um nicho da política extremista, um nicho da extrema-direita, que achou que teria um termômetro de força com o fanatismo. E não teve.

DD : Cette proposition de loi est une réponse à un moment unique dans la société brésilienne marqué par l'action en Cour suprême demandant la dépénalisation de l'avortement dans les 12 premières semaines de grossesse. C'est une réaction à la vague verte en Amérique latine, avec la dépénalisation en Argentine, en Colombie, au Mexique et en Uruguay. Cette réponse enragée est aussi une rage d'intimidation dans un moment unique de transformation de la société brésilienne. Cependant, la politique représentative, dominée par le patriarcat masculin traditionnel, ne reflète ni ne représente les expériences des femmes et des filles qui peuvent enfanter. L'avortement devient un créneau pour des politiques extrémistes et une niche pour l'extrême droite, qui pensait pouvoir mesurer sa force par le fanatisme. Mais ce n'est pas le cas.

GV : Qu'est-ce qui explique la différence avec les autres pays d'Amérique latine ? La religion y joue-t-elle un rôle ?

DD: Eu diria, primeiro, que Colômbia e México estavam com uma Suprema Corte forte para tomar decisões relacionadas a direitos individuais e fundamentais. Na Argentina, quando se decide a nova lei do aborto, foi em um momento de uma mudança de configuração do Parlamento, com novas representações, especialmente com juventude diversa. Essa é uma diferença, porque no Brasil, como nos Estados Unidos e na Hungria, a questão do aborto se configura como um nicho da extrema-direita e como um nicho extremista. E, particularmente pela política representativa brasileira que tem uma sobreposição com as religiões, de uma maneira instrumental das religiões, o que é muito singular da sociedade brasileira.

DD : La Colombie et le Mexique disposaient d'une Cour suprême forte pour statuer sur les droits individuels et fondamentaux. En Argentine, lorsque les députés se sont prononcés sur la nouvelle législation relative à l'avortement, la configuration du parlement venait de changer, notamment avec une diversité de la jeunesse. Au Brésil, comme aux États-Unis et en Hongrie, la situation est différente, car l'avortement est un créneau pour l'extrême droite et les extrémistes. La politique représentative brésilienne est marquée par une superposition des religions, utilisée de manière instrumentale, ce qui est très singulier à la société brésilienne.

GV : La déclaration du président Lula sur l'avortement, le présentant comme favorable à sa dépénalisation, a été exploitée par ses adversaires lors des élections de 2022. Il a même affirmé qu'il était personnellement contre et a renvoyé le débat à la législature. Comment interprétez-vous cette discussion dans l'environnement politique ?

DD: Este PL não é sobre aborto. Ele é um teste de lealdade para o presidente Lula, um desafio, uma queda de braço com ele, como é uma queda de braço com a Suprema Corte, com a liminar concedida pelo ministro Alexandre de Moraes, na ação que nós apresentamos, em que derrubou a ação do Conselho Federal de Medicina (CFM), que impunha restrições [para interromper gravidezes resultantes de estupro e com mais de 22 semanas de gestação]. É importante explicar que esse PL vem de um extravasamento de poderes, de um abuso de poder do CFM sobre o aborto.

DD : Cette proposition de loi ne porte pas sur l'avortement. Il s'agit d'un test de loyauté envers le président Lula, d'un défi, d'une lutte au bras de fer avec lui et la Cour suprême, après la décision du juge Alexandre de Moraes, qui a annulé une résolution du Conseil médical fédéral (CFM) imposant des restrictions [sur l'interruption des grossesses résultant d'un viol au-delà de 22 semaines]. Il est important d'expliquer que cette proposition provient d'un excès de pouvoir, d'un abus de pouvoir du Conseil en matière d'avortement.

GV : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre expérience personnelle en tant que participante à ce débat au Brésil pendant un certain temps, avec un coût personnel ?

DD: Eu trabalho na questão do aborto como pesquisadora, coordeno a Clínica Jurídica, na Universidade de Brasília (UnB), que apresentou com o PSOL (Partido Socialismo e Liberdade) a ação que pede a descriminalização do aborto, quanto a atual ação, que ganhou a liminar e derrubou a ação do CFM. A minha atuação é de pesquisa, de incidência política, em particular com litígio estratégico. Desde a propositura da ação, que pede a descriminalização, eu saí do país por questões de ameaça, por questões de fundamentalismo e extremismo.

DD : Je travaille sur le débat sur l'avortement en tant que chercheuse, je coordonne la clinique juridique de l'université de Brasilia qui a présenté, aux côtés du PSOL (Parti socialisme et liberté), le dossier demandant la dépénalisation de l'avortement et l'action en cours qui a conduit à la décision provisoire de l'annulation de l'action du CFM. Mon rôle est un rôle de recherche, d'incidence politique, notamment en matière de contentieux stratégique. Depuis que l'action demandant la dépénalisation a été proposée, j'ai quitté le pays en raison de menaces, à cause du fondamentalisme et de l'extrémisme.

GV : Quels sont les moyens possibles aujourd'hui au Brésil de discuter rationnellement de questions comme celle-ci ?

DD: A Suprema Corte decidir a ação. Seja para ganharmos ou perdemos, a gente recomeça esse debate público.

DD : La Cour suprême est en train de statuer sur l'action. Que nous gagnions ou perdions, nous pouvons relancer ce débat public.

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Enquête sur le travail et l'exploitation sexuelle des enfants à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistanhttps://fr.globalvoices.org/?p=292300http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241218_231959_Enquete_sur_le_travail_et_l_exploitation_sexuelle_des_enfants_a_la_frontiere_entre_le_Pakistan_et_l_AfghanistanWed, 18 Dec 2024 22:19:59 +0000 L'exploitation des enfants qui franchissent les frontières au péril de leur vie est souvent ignorée

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Ahmar, 12 ans, travaille dans un atelier où il assemble des pièces automobiles. Photo prise par Ramna Saeed. Utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

À Torkham, une ville frontalière bouillonnante d’activité située au nord-ouest du Pakistan, aux abords de l’Afghanistan, le bruit continu des camions et des remorques, qui transportent des marchandises et des produits de première nécessité de part et d’autre de la frontière, emplit l’air. Au milieu de cette agitation, une image frappante et troublante se dessine : celle de jeunes enfants se faufilant entre les gros camions, leurs petites silhouettes alourdies par le poids écrasant de marchandises.

Ils bravent les dangers grâce à leur agilité remarquable, esquivant les véhicules en mouvement et les agents de sécurité constamment aux aguets. Leur présence met en lumière de sérieuses questions concernant l’exploitation, la survie, et l’économie souterraine de cette région en proie à la précarité.

Dans la zone frontalière de Ghazgi, une ville de l'ouest de l'Afghanistan, des enfants comme Ahmar, 12 ans, sont confrontés aux mêmes épreuves . Avec d'autres garçons, Ahmar transporte des épaves de voitures de l'autre côté de la frontière afghane, jusqu’au Pakistan. Ils incarnent la lutte d'une génération accablée par le dur labeur et le désespoir.

Vêtu de vêtements usés et coiffé d’un pakol (chapeau traditionnel) rapiécé, Ahmar contribue au revenu familial. Depuis un an, il fait des allers-retours entre le Pakistan et l'Afghanistan avec un sac de cinq kilos rempli de pièces détachées de voitures. Sa sœur l'attend au poste frontalier pour récupérer les marchandises auprès d'un commissionnaire, ou d'un entrepôt au Pakistan ou en Afghanistan, avant de traverser la frontière. Lorsqu'une cargaison de pièces arrive à la frontière, elle l’emmène chez elle pour emballer ce qui peut être vendu. Parfois, elle passe toute la nuit au bord de la route pour aider son frère à collecter de la ferraille. En outre, certains parents demandent explicitement à leurs enfants de passer des marchandises en contrebande et ils doivent alors entreprendre seuls le périlleux voyage jusqu'à la frontière.

S'exprimant auprès de Global Voices sous couvert de l’anonymat, un directeur d’entrepôt a révélé qu'une mafia organisée, avec la complicité de l'administration des frontières, serait mêlée au trafic transfrontalier de marchandises. Il ajoute que de nombreux enfants agissent seuls, sans la présence d’adultes. Toutefois, certains parents employés par les entrepôts y amènent leurs enfants pour les aider à faire passer de la marchandise en contrebande. Ils s’arrangent souvent avec des exploitants d’entrepôts en Afghanistan pour ramener des marchandises, en échange d’une rémunération.

Farman Shinwari, ancien président du syndicat des travailleurs de Torkham, a révélé lors d'un entretien que plus de 3 000 travailleurs étaient impliqués dans le commerce frontalier, dont 70 % d'enfants.

Kashmala, âgé de sept ans, est également originaire d'Afghanistan. Elle est ouvrière à Torkham, au Pakistan, tout comme les membres de sa famille et d’autres enfants du voisinage. La maison de Kashmala se trouve à une heure de route de Torkham et elle rentre tous les deux jours chez elle pour donner à sa mère 2 000 à 3 000 roupies (7,2 à 10,8 dollars américains). Cet argent sert à subvenir aux besoins de ses deux frères et de ses trois sœurs. Interrogés sur son travail, ses parents ont confié avec amertume que les cas d'agression sexuelle et de violence à l'encontre des enfants sont extrêmement fréquents dans ce secteur d'activité.

Selon Farman Shinwari, le travail des enfants au Pakistan n'est pas totalement interdit par la loi. Si c’était le cas, les enfants tenteraient de traverser la frontière à pied dans des zones dangereuses, d'escalader les clôtures ou de se cacher dans les véhicules et les remorques, des situations qui entraîneraient encore plus d'accidents. Il participe également en tant que représentant syndical à des réunions périodiques avec les services frontaliers pakistanais et afghans. Selon lui, lors de chaque entrevue, les autorités insistent fortement sur la nécessité d'imposer des restrictions aux activités de contrebande des enfants et qu'elles vont parfois jusqu'à arrêter leurs va-et-vient à la frontière pendant quelques jours.

D'après ses informations, trente enfants sont morts au cours des deux dernières années après avoir été percutés par des camions. Cependant, le gouvernement ne tient pas de registre de ces enfants tués et aucun système n'a été mis en place pour aider financièrement leurs familles.

Abus sexuel des jeunes travailleurs

Azam Khan a douze ans et est originaire de Landi Kotal , au Pakistan. Il vient de traverser la frontière à pied depuis l'Afghanistan pour parvenir à un entrepôt au Pakistan en portant vingt cartouches de cigarettes sur son dos. Ses vêtements trempés de sueur sont couverts de poussière et il s’assoit près d'une fontaine d'eau pour étancher sa soif. Interrogé sur les marques et cicatrices qu’il porte sur son visage, il révèle qu'il a été battu à plusieurs reprises par des gardes-frontières pakistanais ainsi que par des talibans afghans.

Azam explique que les enfants sont souvent victimes d’abus physiques et sexuels pendant leur travail. Il se souvient d'un incident au cours duquel il était allé dormir dans un endroit mis à sa disposition par le directeur de l'entrepôt, où quelqu’un avait tenté de l’agresser.

Selon Ferman Shinwari, le nombre d'enfants qui travaillent dans des conditions difficiles à Torkham a augmenté en raison de l'arrivée des talibans en Afghanistan et des sanctions internationales. Sur 100 enfants, 10 sont pakistanais, les autres sont afghans. La plupart de ces enfants sont les seuls à subvenir aux besoins de leur famille dont les aînés sont morts ou sont en situation de handicap à cause de la guerre.

Un responsable du centre de détention de Landi Kotal à Totkham, qui n’a pas voulu donner son nom, mentionne que les enfants sont utilisés pour la contrebande de marchandises et de drogues. Il déclare que 20 enfants ont été arrêtés au cours de l'année écoulée, mais qu'en raison du manque de cellules adaptées pour les enfants dans la prison, leurs cas étaient rapidement traités et des poursuites judiciaires engagées. Toujours selon lui, un nombre important d'enfants arrêtés étaient des Afghans qui ont été ensuite remis aux autorités afghanes.

Sufyan, l'aîné des frères et sœurs de Kashmala, travaille dans un atelier de soudure à la frontière de Torkham. Photo par Ramna Saeed. Utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Quel est le nombre exact d’enfants travailleurs ?

Selon Lehaz Ali, journaliste à l'Agence France Presse, le chiffre précis d’enfants qui travaillent à Khyber Pakhtunkhwa n'est pas connu. Le gouvernement ne dispose pas de données suffisantes ni d'une planification efficace pour résoudre les problèmes rencontrés par ces enfants dans la région, et il est donc difficile de déterminer leur nombre exact.

La dernière enquête menée en 1996 indique qu'environ 3,3 millions d'enfants au Pakistan travaillent sous diverses formes dans des secteurs spécifiques. Parmi eux, un nombre important (environ 1 million) provient de Khyber Pakhtunkhwa. Toutefois, les zones tribales, les réfugiés afghans et les secteurs informels n'ont pas été pris en compte dans cette étude.

Lors d'un entretien avec Global Voices, Ajaz Muhammad Khan, président de la Commission de la protection et du bien-être de l’enfant à Khyber Pakhtunkhwa, a expliqué : « La phase de collecte des données pour l'enquête a officiellement débuté en janvier 2022, suivie en octobre 2022 par le processus de validation et de correction des informations qui s’est achevé en avril 2023. Il a fallu cinq mois pour compiler le rapport. La commission a identifié les enfants afghans victimes d’abus et, avec l'aide des autorités compétentes, a contacté leurs familles en Afghanistan. À l’heure actuelle, plus de trente enfants afghans séjournent dans les centres de réhabilitation de la commission. »

Lois relatives à la protection de l'enfant

Dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, la loi de 2010 relative à la protection et le bien-être de l’enfant a été de nouveau adoptée en 2015 après avoir été modifiée. En 2017, la loi sur l'enseignement primaire et secondaire obligatoire a été promulguée, tandis que la loi sur la prévention du travail des enfants a été amendée en 2015 afin de clarifier les conditions relatives au travail infantile. À la suite d’une augmentation des cas de violence sexuelle à l'encontre des enfants dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, les militants sociaux et le public ont fait pression pour que des modifications soient apportées à la loi de 2010 sur la protection de l'enfant. Le projet de loi a été présenté aux députés provinciaux en 2021 et a été approuvé à l'unanimité après la suppression d'un article controversé, qui suggérait de rendre publique une vidéo de pendaison d'agresseurs sexuels d'enfants. La proposition a été retirée du projet de loi après avoir provoqué de vives divergences d'opinions.

En vertu de la loi modifiée, toute personne impliquée dans des abus sexuels sur des enfants sera passible d'une peine d'emprisonnement à vie, de la peine de mort et d'une amende pouvant atteindre 5 millions de roupies pakistanaises (soit 18 000 dollars américains). L'enregistrement vidéo d'un abus sexuel sur un enfant est passible de 20 ans de prison et d'une amende de 7 millions de roupies pakistanaises (25 222 dollars), tandis que sa diffusion est passible de 10 ans de prison et d'une amende de 2 millions de roupies pakistanaises (7 200 dollars). Le projet de loi abolit la peine de mort et l’amputation pour les personnes reconnues coupables d'agression sexuelle.

Reste à savoir si cette loi et d'autres mesures contre la maltraitance et les dangers du travail infantile protégeront les enfants vulnérables à la frontière, mais les militants gardent espoir et s'engagent à poursuivre leur combat.

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« Black Myth : Wukong » est-il à la conquête du monde du jeu grâce à son esprit libre ou à la puissance numérique de la Chine ?https://fr.globalvoices.org/?p=290969http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241212_180015_____Black_Myth____Wukong_____est-il_a_la_conquete_du_monde_du_jeu_grace_a_son_esprit_libre_ou_a_la_puissance_numerique_de_la_Chine__Thu, 12 Dec 2024 17:00:15 +0000Le premier jeu Triple A de Chine voit le jour malgré des politiques de jeu restrictives.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de la bande-annonce officielle de Black Myth : Wukong sur la chaîne YouTube d'IGN. Utilisée avec la permission de l'auteur.

Black Myth : Wukong est le premier jeu vidéo à budget élevé triple A venant de Chine, dont la conception a pris 6 ans. Finalement il est sorti le 20 août 2024. Immédiatement, il s'est imposé dans le monde des jeux vidéos avec 10 millions de copies vendues en trois jours et des gains de 852 millions de dollars les deux premières semaines. A son paroxysme, il a touché trois millions de joueurs simultanément sur les plateformes PC et Playstation.

Ce jeu vidéo d'action et de rôle indépendant a été élaboré par Science Game Company, une entreprise de taille moyenne située à Shenzhen. L'histoire du jeu est inspirée de l'histoire classique chinoise « Voyage vers l'Ouest ». Le joueur, sous la forme d'un singe surnommé « l'élu », doit recollecter six reliques dispersées qui contiennent les six senteurs de Wukong, aussi connu sous le nom du Roi singe, pour le ressusciter.

Après sa première, le graphisme exquis et la conception visuelle des bosses et des paysages, tout comme l'expression mystique des enseignements zen et bouddhistes plongés dans l'histoire, ont suscité des discussions vives entre les joueurs nationaux et étrangers.

Promouvoir la puissance numérique de la Chine

Si le gouvernement chinois est connu pour son mécontentement face au secteur des jeux vidéos, avec ses politiques qui restreignent la quantité de temps que les enfants peuvent passer en jouant, cette fois le ton officiel a changé.

La porte-parole chinoise Mao Ning a affirmé que Wukong « a démontré l'attractivité de la culture chinoise traditionnelle ». L'agence étatique des nouvelles Xinhua News Agency a décrit le jeu comme un « produit phénoménal », alors que China Daily a dit que « il agit comme un pont pour présenter la culture narrative et des éléments épiques de la Chine à l'audience mondiale ». Cependant, certains croient que l'agenda étatique de promouvoir la puissance numérique de la Chine contribue également à la popularité du jeu.

Selon les informations générales, le jeu a basé ses paysages virtuels et son architecture sur 36 sites naturels et architectoniques de la Chine, dont 27 qui se trouvent dans la province de Shanxi. Sur les réseaux sociaux, les comptes en lien avec la Chine se servent du jeu pour promouvoir le tourisme :

La pagode de bois du comté de Ying est présentée dans « Black Myth : Wukong ». Suivez Wukong dans son périple à travers le Shanxi. Les sculptures intérieures de la pagode de bois du comté de Ying que vous n'avez jamais vues auparavant. #BlackMyth #Wukong #Shanxi #tourism #FollowWukongtoTravelinShanxi pic.twitter.com/rt6Gof3QCx

— 东方龙马(互fo互赞) (@dngfnglngm36877) 8 septembre 2024

Quelques aficionados de la Chine ont démontré leur surprise quand la compagnie de jeux vidéos a publié une série de lignes directrices pour la diffusion en direct et qui demandaient aux fans d'éviter certaines thématiques durant leurs transmissions.

Les directives de Black Myth: Wukong pour les créateurs de contenu ont apparemment fuité en ligne.

Les streamers qui acceptent d'utiliser une clé de jeu ne sont pas autorisés à inclure de la politique, de la propagande féministe, les politiques de l'industrie chinoise du jeu ou des mots déclencheurs tels que COVID-19 et quarantaine. https://t.co/YNZIFFK4ML pic.twitter.com/TMGsNLjVIG

— MauroNL (@MauroNL3) 17 août 2024

Avis

- En utilisant la clé de jeu et en créant du contenu, vous reconnaissez avoir pris connaissance du contenu suivant, et vos déclarations ne concernent pas l'équipe de marketing.

À faire et à ne pas faire

À FAIRE

- Appréciez le jeu !

NE PAS FAIRE

- N'insultez pas les autres influenceurs ou les joueurs.

- NE PAS utiliser de langage ou d'humour offensant.

- NE PAS inclure la politique, la violence, la nudité, la propagande féministe, la fétichisation et tout autre contenu qui suscite un discours négatif.

- NE PAS utiliser de mots déclencheurs tels que « quarantaine », « isolement » ou « COVID-19 ».

- NE PAS discuter de contenu lié aux politiques, opinions, nouvelles, etc. de l'industrie chinoise des jeux.

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Le mythe noir : les lignes directrices de Wukong pour les créateurs de contenu ont apparemment fait l'objet d'une fuite :

Les diffuseurs en ligne qui acceptent d'utiliser la carte de jeu n'ont pas le droit de parler de politique, de propagande féministe, de politiques de l'industrie chinoise des jeux vidéo ou de mots clés tels que COVID-19 ou quarantaine.

Résultat inévitable que l'entreprise chinoise doit respecter les lois de son pays et exercer l'autocensure pour survivre. Cependant, l'hostilité de ce règlement face au féminisme a engendré des critiques contre la culture machiste dans le secteur des jeux vidéos.

Des publications présumées du fondateur de l'entreprise de fabrication ont déclenché un débat sur le machisme dans l'industrie en Chine et à l'étranger. Plus d'informations ici : 👇 https://t.co/7E2ZyfXj20 pic.twitter.com/SzTCPj2UAf

— CBR (@CBR) 10 septembre 2024

D'autre part, en Chine continentale de nombreux joueurs voient Feng Ji, fondateur de l'enseigne Science Game et créateur de Black myth comme un idéaliste à l'esprit libre.

Faire face au destin et accepter la liberté d'esprit

Feng était addicte aux jeux à son époque scolaire avant de rejoindre le secteur des jeux en 2004. Après, il a fait part de ses critiques face au modèle de rentabilisation du secteur. Après avoir travaillé dans le secteur pendant 3 ans et en réponse à la politique contre l'addiction aux jeux vidéos impulsée par le gouvernement chinois, il a écrit un long article de blog : “Qui a tué nos jeux vidéos?“, dans lequel il aborde le problème de l'économie de l'attention dans le secteur des jeux vidéos.

为什么策划会离玩家越来越远。最根本的原因,乃是资本异化了网络游戏的制作初衷,网络游戏被首先定位成一项能够持续赚钱的服务性业务。全部的工作,被要求围绕 “持续盈利”和“让用户在里面呆上成百上千个小时”而展开。而原来的初衷仅仅是“创造有趣的东西”。… [策划们]正在逐渐形成一种新的游戏策划指导思想,它的核心不是关于如何制作出“有趣的,让玩家获得快乐的”游戏,而演变为如何设计出一个成功的互联网圈套。

Pourquoi les programmeurs s'éloignent-ils des joueurs ? La raison fondamentale est que l'argent a détourné l'intention initiale de la production de jeux en ligne, qui est considérée comme une activité de service constamment rentable. Tous les efforts sont concentrés sur le maintien des bénéfices et l'investissement des utilisateurs pendant des centaines d'heures. Pourtant, l'intention réelle [de jouer] devrait être de « créer quelque chose d'intéressant ». Les [programmeurs] cultivent une nouvelle mentalité de planification des jeux, qui ne se concentre pas sur la façon de produire des « jeux amusants qui rendent les joueurs heureux », mais sur la façon de concevoir un piège Internet attrayant [qui engage les joueurs].

Après avoir travaillé pendant dix ans dans des entreprises de jeux vidéo bien établies telles que Tencent, Feng a fondé Science Game Company en 2014 avec une équipe partageant les mêmes idées. En 2018, quelques mois avant que le ministre chinois de l'Education n'annonce de nouvelles réglementations visant à limiter le temps passé par les mineurs à jouer à des jeux en ligne, Feng et son équipe se sont lancés dans la création d'un jeu Triple A, bien que l'entreprise n'ait pas été entièrement équipée pour soutenir le projet.

Pour maintenir le projet à flot, l'entreprise a publié un teaser officiel des nouveaux jeux en août 2020, qui est devenu viral, et qui a apporté de l'argent et des talents. Quatre ans plus tard, Black Myth : Wukong est sorti sur PlayStation 5 et Windows, et peut être joué à distance et en ligne

Compte tenu du contexte chinois, Feng Ji et son équipe ont pris une décision indépendante qui a conduit à l'émergence du premier jeu Triple A à gros budget en Chine, satisfaisant le désir de puissance douce de la Chine tout en esquivant les restrictions politiques en autorisant le jeu hors ligne.

En outre, l'histoire du jeu s'inspire du roman classique Voyage en Occident, dans lequel Wukong représente un esprit rebelle, bien qu'apprivoisé par les enseignements bouddhistes en cours de route. Cet esprit libre est présent dans le jeu, qui commence par le rejet par Wukong de l'état de bouddha après son pèlerinage. Avant qu'Erlang, le dieu guerrier des cieux, n'enferme Wukong dans une pierre, ce dernier insère ses six sens dans six reliques que l'Élu doit collecter pour le faire revivre.

Ko Lap, de Hong Kong, a souligné l'esprit rebelle du jeu sur Facebook :

黑神話悟空嘅故事令我震驚!

若生物對抗天庭體制/權威嘅,天庭會視之為妖,會畀天庭誅殺;若妖歸邊,幫助天庭打壓或誅殺其他妖,就有機會位列仙班。…悟空無力對抗天庭,喺歸順與自由之間,選擇死喺二郎神手上。悟空相信,雖然身亡,但自由意志可以長存,而承繼自由意志嘅人,稱為天命人,亦即係打遊戲機嘅你。遊戲玩法,係要你集齊悟空身亡後分散各處嘅6根,相傳咁樣就能復活悟空。悟空6根中嘅最後一根,係「意」,即係悟空爭取自由反抗強權嘅意志。其實天命人自己就係第6根,要正真覺醒最後一根,必須打敗二郎神,並且擊敗失去「意」嘅悟空,令悟空與天命人合二為一,咁樣就係真正復活悟空嘅方法。換句說話,即係創作者希望現實中嘅你,承繼悟空嘅「意」,活出悟空嘅「意」…

J'ai été surpris par l'histoire du Mythe noir Wukong !

Toute créature qui défie l'autorité céleste sera considérée comme un yao [créature démoniaque] et exécutée par la Cour céleste ; si le yao se soumet à la Cour céleste en aidant ces autorités à supprimer ou tuer un autre yao, il aura la chance d'atteindre le rang d'immortel…

Wukong n'a aucune chance de combattre la Cour céleste, et entre l'obéissance et la liberté, il choisit de mourir des mains d'Erlang. Wukong croit que, malgré sa mort, son testament perdurera, et la personne qui en héritera sera l'Élu, c'est-à-dire le joueur. Dans ce jeu, vous devez collecter les six sens dispersés, car la légende veut que cela puisse faire revivre Wukong. Le dernier sens de Wukong est la « volonté », qui représente le désir de Wukong de se libérer de l'oppression. En effet, l'Élu lui-même est le sixième sens. Pour éveiller ce sens ultime, Erlang et Wukong, qui a perdu sa liberté, doivent être vaincus afin que lui et l'Élu puissent fusionner en un seul sens…. En d'autres termes, le créateur veut vous faire hériter de la « volonté » de Wukong et la vivre dans la vraie vie…

Même si la société de jeux vidéo souhaite limiter les discussions sur les expériences des joueurs et éviter les débats politiques avec son livre de règles, Wukong a été publié et rien ne peut l'empêcher de servir de livre ouvert à toutes sortes de lectures et d'interprétations. C'est là que réside le pouvoir d'attraction des classiques chinois.

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Le 20 novembre : une journée pour célébrer et promouvoir l'héritage et l'histoire des Afro-brésilienshttps://fr.globalvoices.org/?p=292271http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241212_172624_Le_20_novembre___une_journee_pour_celebrer_et_promouvoir_l_heritage_et_l_histoire_des_Afro-bresiliensThu, 12 Dec 2024 16:26:24 +0000Cette date a été initialement suggérée et célébrée par un groupe de noirs du sud du pays dans les années 1970 pendant la dictature militaire

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Célébration de la journée de la conscience noire à Palmares en 2023. Photo prise par : Rovena Rosa/Agência Brasil, utilisée avec permission.

Pour la première fois, ce 20 novembre a été déclaré fête nationale au Brésil pour commémorer la journée de la conscience noire. Cette date a été ajoutée aux calendriers scolaires en 2003 et officiellement reconnue par la Présidente de l'époque, Dilma Rousseff, en 2011. Cependant, elle n'était jusqu'à présent célébrée que dans certaines villes et certains États.

Celle-ci commémore le décès de Zumbi dos Palmares, le mémorable chef de guerre de la communauté Quilombo dos Palmares, qui a eu lieu en 1965. Les Quilombos étaient des communautés composées de personnes d'ascendance africaine qui ont échappé à l'esclavage au Brazil pendant la période coloniale. Aujourd'hui, ce terme désigne les colonies contemporaines situées à l'intérieur du pays et formées par des individus d'ascendance africaine ayant des liens culturels ou historiques avec ce territoire dans les zones tant urbaines que rurales.

Le sénateur Paulo Paim (Parti de Travailleurs — PT), l'un des quatre parlementaires noirs qui ont travaillé sur la discussion et élaboration de la Constitution de 1988 (un document qui a fait progresser le débat sur les enjeux raciaux au Brazil et qui a pénalisé le racisme) a commenté ce qui suit concernant l'importance de cette date :

Vai além de poder ser um feriado; é um momento de consciência, de debate, de diálogo sobre todas as formas de preconceito, discriminação e racismo que atinge toda a sociedade.

Cela va au-delà d'être une simple festivité ; c'est un moment pour favoriser la prise de conscience, le débat et le dialogue par rapport à toutes les formes de préjudice, discrimination et racisme qui touchent toute notre société.

Le dernier recensement national, réalisé en 2022 a enregistré pour la première fois que la majorité de la population brésilienne s'identifiait comme d'ethnie mixte (pardos). Selon l’ IBGE (Institut brésilien de géographie et de statistique), 45,3 % des Brésiliens s'identifiaient en tant que tel, tandis que 10,2 % s'identifiaient en tant que noir. L'ensemble de ces deux groupes forme la totalité de la population d'ascendance africaine parmi la population estimée à 203 millions d'habitants dans ce pays.

Malgré les avances au sujet des politiques de discrimination positive, cette population souffre toujours les effets du racisme structurel au sein de la société brésilienne ; ce qui a des répercussions dévastatrices : comme le fait d'être la cible principale de la violence policièrepresque 90 % des personnes tuées par de forces de police en 2023 étaient noires.

Qui était Zumbi ?

Carte montrant la région du Quilombo dos Palmares au 17e siècle et Zumbi, l'un de ces chefs. Art sur les images. Domaine public.

Il existe de nombreuses versions de la vie de Zumbi dos Palmares, l'homme qui dirigeait autrefois le plus grand quilombo du Brésil. On pense qu'il est né vers 1655 dans la région connue sous le nom de Serra da Barriga, où se trouvait Palmares, entre le nord de l'État d'Alagoas et le sud de Pernambuco, et qu'il a été capturé par des colons (bandeirantes). Plus tard, vers l'âge de 23 ans, Zumbi s'est échappé et est devenu le chef de Palmares.

L'historien Jean Marcel Carvalho França, coauteur d'un livre intitulé « Três vezes Zumbi : A construção de um herói brasileiro » (Trois fois Zumbi : la construction d'un héros brésilien), a souligné dans le magazine  Superinteressante que la documentation historique par rapport à Zumbi n'est pas seulement très rare, mais qu'elle est aussi écrite souvent par des sources européennes :

É difícil saber, porque você não tem descrições diretas do Zumbi. Você tem descrições das batalhas. Você tem descrições das organizações do Quilombo. Agora sobre o Zumbi especificamente você não tem quase dado nenhum.

Il est difficile de connaître plus sur Zumbi, car il n'y a pas de descriptions directes à son sujet. Il y a des descriptions des batailles et des organisations au sein du quilombo ; mais concernant Zumbi en particulier, il n'y a presque aucune information.

Autour des années 1680, la ville de Palmares a connu un déclin et, une décennie plus tard, une expédition d'envahisseurs a été envoyée pour l'anéantir. Le colonisateur qui menait cette mission avait reçu la promesse d'obtenir des terres dans cette région et un accord qui lui permettait de faire d'une partie de cette population ses esclaves. D'après l'histoire, Zumbi s'est échappé pendant plus d'un an.

Le 20 novembre 1695, après qu'un de ses camarades ait dévoilé sa cachette, Zumbi dos Palmares a été pris en embuscade et tué. Sa tête a été coupée et exposée dans une place publique à Recife, la capitale de l'État de Pernambuco.

De nos jours, le terme « Quilombo » est utilisé pour définir les colonies situées à l'intérieur du Brésil et les « Quilombolas », à savoir les personnes qui y habitaient. Selon le recensement réalisé en 2022, le pays compte actuellement 1,3 million de quilombolas vivant dans 7666 communautés et dans 8441 endroits. La région du nord-est concentre 68,1 % de cette population. La Fondation culturelle Palmares, chargée de reconnaître officiellement les territoires, a déjà délivré 3 103 certificats.

Un groupe à retenir

La marche de la conscience noire à São Paulo, en 2023, avec des pancartes disant « Stop aux massacres, les personnes noires méritent de vivre ! » et « Mouvement Noir Unifié ». Photo de : Paulo Pinto/Agência Brasil/Utilisée avec permission

La date marquant la mort de Zumbi a été suggérée pour la première fois dans les années 1970 comme un jour de commémoration de la part du Groupe Palmares, une association activiste culturelle et politique située à Porto Alegre —la capitale de l'État le plus au sud du Brésil.

Les membres de Palmares voulaient une journée qui célébrerait et serait centrée sur le peuple afro-brésilien, s'opposant ainsi au 13 mai, la journée commémorative de l'abolition de l'esclavage qui rappelait le rôle de la princesse Isabel plus que celui de toute autre personnalité noire. Elle a signé la loi d'or en 1888, cédant au mouvement abolitionniste grandissant, après son approbation par le Congrès, alors que son père, l'empereur Pierre II, était à l'étranger.

Le Brésil, l'un des marchés principaux du commerce d'esclaves dans l'océan Atlantique, a été le dernier pays de l'hémisphère occidental à abolir l'esclavage. On estime que ce pays a reçu la plupart des 12 millions d'Africains enlevés par des trafiquants et amenés de force sur le continent américain.

Le 20 novembre 1971, les membres du groupe Palmares ont organisé une manifestation pour célébrer cette date pour la première fois, ce qui a ensuite inspiré des mouvements dans d'autres régions. À l'époque, le Brésil vivait sous une dictature militaire depuis près de dix ans déjà, et le groupe était surveillé par le régime, comme le raconte un article publié par le média local Matinal en 2021.

Le média Matinal fait allusion à des documents disponibles dans les Archives Nationales du Brésil, notamment un dossier sur le poète Oliveira Silveira, l'un des leaders du Groupe Palmares et l'un des responsables de l'idée de la Journée de la conscience noire. L'un des documents explique ce qui suit : « L'insistance de “réveiller une conscience noire” parmi les Brésiliens d'ascendance africaine suscite des inquiétudes. »

La surveillance du groupe n'a pas fait exception. Comme elle l'a fait pour d'autres mouvements sociaux, la dictature militaire qui a duré 21 ans au Brésil s'est également intéressée aux mouvements noirs, surveillant, persécutant et faisant de leurs militants les victimes d'actions visant à stopper l'avancée des discussions raciales, comme le rappelle le site gouvernemental Mémoires révélées (« Memórias Reveladas »).

Naiara Silveira, la fille d'Oliveira, a raconté au Matinal que le groupe a dû demander d'autorisation pour organiser davantage la manifestation planifiée pour 1971. À présent, plus de 50 ans plus tard, elle a célébré cette journée en commémorant tant l'héritage de son père que l'héritage sudiste gaucho des Brésiliens noirs

Le 21 novembre, le gouvernement fédéral, agissant au nom de l'État brésilien, a présenté ses excuses pour avoir esclavagisé des personnes et pour les conséquences ultérieures de l'esclavage. Comme indiqué par l'agence d'informations Agência BrasilMacaé Evaristo, le ministre des Droits de l'Homme, a déclaré ceci :

A gente sabe que essa memória está na construção da sociedade brasileira de mais de 300 anos de escravatura, ela não acaba no 13 de maio. Porque o 14 de maio começa com o total abandono da população negra no país. Ele começa com a total ausência de políticas públicas. Ele começa com a negação da nossa humanidade.

Nous savons que cette mémoire est ancrée dans la société brésilienne en raison de plus de 300 ans d'esclavage, ce qui ne s'arrête pas seulement avec la journée du 13 mai (date de la signature de l'abolition de l'esclavage au Brésil), car le 14 mai commence avec l'abandon total de la population d'ascendance africaine. Cela commence avec l'absence totale de politiques publiques. Cela commence avec le rejet de notre humanité.

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Somaliland et Somalie : récits contradictoires dans la Corne de l’Afriquehttps://fr.globalvoices.org/?p=292229http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241210_153526_Somaliland_et_Somalie___recits_contradictoires_dans_la_Corne_de_l___AfriqueTue, 10 Dec 2024 14:35:26 +0000Les deux récits concurrents – unité ou autodétermination – sont dans une impasse, l’avenir de la Corne de l’Afrique étant en jeu.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Image de somalilandstandard, domaine public, via Wikimedia Commons.

Par Mohamed Osman Guudle

Le paysage politique de la Corne de l’Afrique est l’un des plus complexes et des plus conflictuels au monde. Son épicentre est le conflit de longue date entre la Somalie et le Somaliland, qui trouve ses racines dans l’histoire, les héritages coloniaux et les identités nationales concurrentes.

En janvier 2025, la Somalie obtient son siège au Conseil de sécurité de l’ONU pour deux ans.

Mais alors que le monde parle de la Somalie et de ses problèmes de terrorisme, de gouvernance et de sécurité, très peu d’attention a été accordée à la République du Somaliland, reconnue internationalement comme faisant partie de la Somalie, bien que cette dernière ait rétabli son indépendance perdue du 26 juin 1960, le 18 mai 1991.

Un conte de deux histoires

Pour comprendre le conflit entre la Somalie et le Somaliland contemporains, il faut prendre en compte l’héritage colonial qui a été infligé à ces deux pays. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les puissances européennes ont divisé la Corne de l’Afrique en cinq zones distinctes. La partie nord était sous administration britannique, formant un protectorat appelé Somaliland britannique, tandis que l’Italie régnait sur la partie sud de la Somalie.

Alors que le Somaliland britannique avait un système plus non interventionniste, la Somalie italienne a connu une administration coloniale plus directe ; les deux pays se sont unis lors de leur indépendance en 1960 (le 26 juin pour le Somaliland, le 1er juillet pour la Somalie) pour former la République somalienne grâce à l’idéal pansomali d’un État-nation intégré réunissant tous les peuples de langue somalienne, y compris ceux d’Éthiopie, du Kenya et de Djibouti.

Cette unité était cependant fragile dès le départ. La région du nord, tombée sous la domination britannique, se sentait politiquement et culturellement détachée du gouvernement dominé par le sud à Mogadiscio. En termes simples, l’histoire coloniale du Somaliland contraste fortement avec celle du Sud, laissant un héritage de méfiance.

La chute de la République somalienne et la restauration de l'indépendance du Somaliland

La République somalienne était relativement stable jusqu’aux années 1970, lorsque le régime militaire de Siad Barre prit le pouvoir à la suite d’un coup d’État. Le gouvernement de Siad Barre prônait au départ une sorte de « socialisme scientifique » et d’unité nationale, mais il bascula rapidement dans un autoritarisme de haut rang, provoquant un mécontentement croissant au sein de la population du Somaliland.

À la fin des années 1980, dans le nord, un mouvement d’opposition se forma : le Mouvement national somalien (SNM). Il réclamait l’autonomie à la suite d’une répression gouvernementale impitoyable. Entre 1987 et 1989, environ 200 000 personnes [ang] furent massacrées par les forces de Siad Barre, et des millions d’autres s’enfuirent vers les pays voisins. Le conflit fit rage et, en 1991, lorsque le gouvernement central tomba et Siad Barre fut chassé, la région du nord rétablit unilatéralement son indépendance sous le nom de République du Somaliland. Depuis lors, le Somaliland a fonctionné dans une relative stabilité, forgeant son propre gouvernement, son armée et ses institutions, mais il n’a jamais été reconnu par la communauté internationale.

L'intégrité territoriale de la Somalie contre la quête de reconnaissance du Somaliland

La genèse du désaccord entre la Somalie et le Somaliland trouve son fondement dans deux récits opposés : le statu quo d’une intégrité territoriale à laquelle se réclame la Somalie, juxtaposé à la revendication d’indépendance du Somaliland fondée sur une identité unique et une autonomie historique.

Pour la Somalie, la séparation du Somaliland signifie une violation de son intégrité territoriale. Le gouvernement somalien considère toujours le Somaliland comme une « partie intégrante de la République somalienne » et affirme que la reconnaissance du Somaliland créerait un précédent dangereux sur l’ensemble du continent africain pour les « mouvements séparatistes ».

Le gouvernement somalien, avec le soutien de l’Union africaine (UA) et des Nations unies, donne la priorité à l’unité nationale pour assurer la stabilité régionale. Il prône la réconciliation et la résolution pacifique des conflits à l’intérieur des frontières reconnues de la Somalie, en mettant l’accent sur la coopération contre les menaces telles qu’Al-Chabaab, la piraterie et les conflits entre clans [ang]. Le gouvernement promeut un système fédéral accordant des pouvoirs régionaux tout en rejetant toute sécession.

Le Somaliland souhaite être reconnu en raison de son histoire qui en a fait une entité distincte avant l’unification de 1960. La restauration de l’indépendance en 1991 a été motivée par le désir d’échapper au chaos et au conflit violent qui ont ravagé le sud de la Somalie après l’effondrement de son gouvernement central.

Pour le Somaliland, sa stabilité est la preuve de sa capacité à se gouverner lui-même, à assurer la paix et l’ordre. Il a développé son propre système politique, organisé plusieurs élections [ang] libres et développé une économie relativement forte basée sur le commerce, l’élevage et les transferts de fonds de la diaspora somalienne.

Les dirigeants du gouvernement du Somaliland insistent sur le fait que la République somalienne n’a pas défendu le nord et que, par conséquent, le peuple du Somaliland a parfaitement le droit à l’autodétermination, comme toute autre nation. Ils font référence à la reconnaissance internationale accordée à d’autres États autoproclamés, comme le Kosovo, et soutiennent que leur cas ne devrait pas être traité différemment.

Le siège de la Somalie au Conseil de sécurité

Le siège de la Somalie au Conseil de sécurité de l'ONU renforce son monopole de représentation de l'ensemble du peuple somalien, y compris du Somaliland, sur la scène internationale et lui permet de faire avancer son programme diplomatique contre l'indépendance du Somaliland. Cela représente un cauchemar pour le Somaliland, étant donné qu'il est peu probable que la communauté internationale s'oriente vers la reconnaissance du Somaliland tant que la Somalie est activement engagée dans la diplomatie mondiale.

La communauté internationale est sensible à la situation explosive dans la Corne de l’Afrique et au besoin croissant de trouver des solutions aux nombreux conflits dans la région. Cependant, elle reste divisée sur la question de l’indépendance du Somaliland. Bien que des pays comme l’Éthiopie [ang] et le Kenya [ang] aient exercé une diplomatie informelle avec le Somaliland, soutenant son autonomie de diverses manières, ils se sont abstenus de le reconnaître officiellement, en raison des appréhensions concernant les implications régionales plus larges d’un soutien à la sécession.

C’est pour cette raison que l’UA s’en est toujours tenue à la lettre sur la question de l’intégrité territoriale [ang] en Afrique et craint que la reconnaissance du Somaliland ne favorise davantage la « fragmentation » en Afrique, en particulier là où d’autres mouvements « sécessionnistes » se produisent.

Les dirigeants du Somaliland estiment [ang] toutefois que leur position n'est pas sécessionniste et ne doit pas être replacée dans le contexte de la politique continentale. Ils soulignent que cette question est pour eux une question d'autodétermination et d'un gouvernement somalien qui n'a pas réussi à assurer la stabilité et l'inclusion de tous ses citoyens.

Aucune solution probable

Alors qu’une grande partie de la Corne de l’Afrique est confrontée à des problèmes politiques et sécuritaires, le conflit entre la Somalie et le Somaliland représente toujours un fossé fondamental qui n’a pas été surmonté. L’absence d’initiatives pertinentes en faveur d’une reconnaissance de la part de la Somalie ou d’un engagement en faveur d’un processus de réconciliation qui prendrait en compte les aspirations des deux régions signifie que la communauté internationale est peu susceptible de faire un geste à cet égard.

La quête d’indépendance du Somaliland est imprégnée d’une identité distincte, d’une guerre traumatisante et d’une expérience de répression sous le gouvernement central somalien. Pour la Somalie, l’objectif est l’unité dans une région sujette à l’instabilité et la garantie de la souveraineté.

Pour l’instant, ces deux récits – unité ou autodétermination – sont dans une impasse, l’avenir de la Corne de l’Afrique étant en jeu.


Le Dr Mohamed Osman Guudle est un chercheur somalien spécialiste des questions liées à l'économie, aux sciences politiques et aux relations internationales. Il est titulaire d'un doctorat de l'Université d'Istanbul (2019) et est chercheur basé à Hargeisa, au Somaliland. Il se concentre sur les questions politiques et économiques de la Corne de l'Afrique, en particulier du Somaliland, de l'Éthiopie, de Djibouti et de la région de la mer Rouge. En outre, il est président de la Somaliland Society of Political Scientists (SSPS), une organisation à but non lucratif dédiée à l'avancement de l'étude et de la recherche en sciences politiques.

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Influence des data sur les récits politiques lors des élections de 2024https://fr.globalvoices.org/?p=291981http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241210_152155_Influence_des_data_sur_les_recits_politiques_lors_des_elections_de_2024Tue, 10 Dec 2024 14:21:55 +0000Montée en puissance des campagnes politiques pilotées par les data

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

« Le piège des données personnelles », bande dessinée XKCD réalisée par Randall Munroe, (CC BY-NC 2.5) [fr].

Traduction de la vignette :
- Hé, regardez, nous avons un paquet de données ! Je vais les analyser.

- Non, imbécile ! Cela ne fera que créer plus de données !

 

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages Web en anglais.]

À l'instar des anciens souverains qui recueillaient des informations en vue d'en tirer des avantages stratégiques, les campagnes modernes ont recours à de vastes ensembles de données personnelles dans le but de cibler les électeurs et garantir des victoires, soulignant ainsi le rôle crucial de ces data.

Le concept de traitement des données peut sembler récent, pourtant le recours à des informations personnelles pour en tirer un avantage politique ne date pas d'aujourd'hui. Le traité « Arthashastra » a été rédigé dans l'Inde ancienne, entre le IIe siècle avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère, et constitue souvent l'ouvrage fondateur de l'art de gouverner. Ce texte traite en profondeur l'art de la gouvernance, de la science politique et de la stratégie militaire. Il évoque la nécessité de recueillir le plus d'informations possible, notamment par le biais de l'espionnage à l'époque. Cependant, l'accent mis sur la collecte et l'analyse des données témoigne sans aucun doute de son efficacité durable et préfigure le rôle central joué par l'information dans les campagnes politiques contemporaines.

Manuscrit de l’ « Arthashastra » du XVIe siècle retrouvé en écriture Grantha à l'Institut de recherche orientale (Oriental Research Institute, ORI), découvert en 1905. Photographie de l'utilisateur de Wikipédia MaplesyrupSushi, relevant du domaine public.

La tradition et les principes clés de « l'Arthashastra » partagent des racines communes avec la notion ultérieure de realpolitik [fr], terme européen datant du XIXe siècle, les deux philosophies privilégiant le pragmatisme et la compréhension des réalités du paysage politique au détriment des notions idéalistes. À l'ère du numérique, l'essence de « l'Arthashastra » et de la realpolitik continue de résonner car les data sont devenues le moteur de nombreuses campagnes politiques modernes.

Dépasser le micro-ciblage pour un macro-impact

Les campagnes basées sur les données personnelles ne cessent de se généraliser. Elles sont souvent évoquées avec le tristement célèbre scandale en 2018, de la société Cambridge Analytica, impliquant la manipulation de données en vue d'influencer la présidence de Donald Trump et des élections étrangères dans plus de 200 pays à travers le monde, illustrant l'efficacité avec laquelle la manipulation de data peut influencer des personnes à travers divers pays, groupes d'âge et milieux. Ces dernières années, les stratèges politiques du monde entier tirent de plus en plus parti des données et des technologies émergentes pour leurs campagnes.

La sensibilisation grandissante à ces nouvelles stratégies de campagne nous aide à mieux comprendre le potentiel considérable des data, en particulier dans le contexte des nouveaux circuits de communication. Dans le domaine des relations publiques (RP), l'importance des diverses plateformes de médias sociaux prend tout son sens, car elles ont le pouvoir d'impulser des changements sociaux. Dans le même temps, ces nouveaux supports présentent également des défis, tels que la multiplication des « tactiques d'influence » ou la désinformation. Le Forum économique mondial (World Economic Forum) a d'ailleurs identifié la désinformation comme le principal risque mondial pour les deux prochaines années.

La réussite des campagnes repose en grande partie sur le degré de confiance que les citoyens placent dans les messages qu'ils reçoivent, dans la mesure où les messages percutants peuvent influencer l'opinion publique et les résultats électoraux. En ce sens, pour gagner l'engagement et, en fin de compte, la confiance, en particulier sur internet, une communication gouvernementale efficace en matière de relations publiques est essentielle. Ces communications stratégiques incitent souvent les citoyens au soutien d'individus ou de mesures spécifiques. Même la meilleure stratégie de relations publiques reste insuffisante sur le long terme si la confiance n'est pas installée. Il est donc essentiel de prendre en compte la psychologie comportementale des personnes, ainsi que les divers facteurs intervenant dans la complexité de l'instauration d'une relation de confiance. La simple « publicité » politique est désormais insuffisante. C'est là que les data deviennent un outil inestimable, souvent perçues comme la ressource la plus précieuse au monde et, à la différence des ressources naturelles, elles sont omniprésentes.

Rachel Gibson, experte dans les formations politiques, explique, lors d'un entretien avec le Conseil européen de la recherche (European Research Council) :

It’s a fascinating concept because a data-driven approach essentially involves maintaining an extensive database that offers profound insights into your voters. It goes beyond merely considering their demographic traits; it delves into their preferences, personalities, and even psychological profiles. This methodology creates a highly detailed and nuanced portrayal of your target audience. This data isn’t collected just for informational purposes; it serves as the foundation for making strategic decisions regarding your political campaign. It informs everything from the content of your messages and the intended recipients to the choice of communication channels.

Ce concept est fascinant car une approche fondée sur les informations personnelles implique essentiellement la gestion d'une vaste base de données, offrant des informations approfondies sur vos électeurs. Elle ne se contente pas de prendre en compte leurs caractéristiques démographiques, mais elle approfondit leurs préférences, leurs personnalités et même leurs profils psychologiques. Cette méthodologie permet de dresser un portrait très détaillé et nuancé de votre public cible. Ces données ne sont pas uniquement collectées à des fins d'information, elles constituent aussi le fondement de la prise de décisions stratégiques relatives à votre campagne politique. Elles influencent tout, depuis le contenu de vos messages et les destinataires visés jusqu'au choix du mode de communication.

Alors que les campagnes, reposant sur les data, génèrent souvent des préoccupations éthiques en matière de protection de la vie privée et de manipulation potentielle des électeurs, elles sont de plus en plus répandues dans le monde entier. Les partis politiques du monde entier affichent leur compétence numérique grâce à des stratégies telles que la publicité micro-ciblée, la modélisation prédictive ou encore l'intégration de l’IA dans leurs campagnes. En utilisant des plateformes de médias sociaux comme X et TikTok, ces partis affichent une volonté forte d'adopter et d'exploiter les nouvelles technologies à des fins stratégiques.

Ainsi, la campagne présidentielle de Barack Obama aux États-Unis en 2012 est fréquemment décrite comme le parfait exemple de politiques fondées sur les données personnelles, illustrant une évolution significative vers des stratégies de campagne axées sur les data. La campagne a déployé une stratégie numérique sophistiquée pour micro-cibler les électeurs, anticiper leur comportement et optimiser la collecte de fonds, jusqu'à devenir la campagne la plus efficace de tous les temps, avec plus d'un milliard de dollars de dons. Selon Statsig (plate-forme de gestion et d'expérimentation de fonctionnalités), les médias sociaux et la messagerie en ligne auraient joué un rôle central dans le succès de la campagne de Barack Obama en 2012.

Cette approche a séduit plusieurs pays dans les années qui ont suivi, comme l'Inde et le Brésil. Les campagnes de Narendra Modi [fr] en Inde en 2014 et 2019 ont fait appel à des stratégies d'analyse de données et de médias sociaux, comme le note The Economic Times : « Lors des élections de 2014, il a pris le pouvoir grâce au Big Data et vise aujourd'hui à transformer le pays à travers lui. » Au Brésil, lors de la campagne présidentielle de Jair Bolsonaro [fr] en 2018, WhatsApp a été utilisé afin de propager des messages ciblés. Access Now a rapporté que, lors d'un débat politique très animé, des allégations d'utilisation abusive de données personnelles à des fins de campagnes de désinformation ont été formulées sur la plateforme.

Au cours de l'année électorale mondiale actuelle, le parti d'extrême droite allemand, Alternative pour l'Allemagne [fr] (Alternative für Deutschland, AfD), illustre un exemple controversé de campagne axée sur les données personnelles. En dépit de ses opinions extrêmes souvent critiquées, il est parvenu à devenir le deuxième parti le plus populaire d'Allemagne. Cela met en évidence la nature évolutive des tactiques de campagne basées sur les data dans le paysage politique, dans la mesure où elles se détachent des pratiques strictes de micro-ciblage et adoptent une stratégie de diffusion d'un « message universel ».

Selon un article récent de PartyParty : « En tant que nouveaux venus dans l'arène politique, ils adoptent une stratégie visant à ne pas cibler un segment spécifique de l'électorat. Au contraire, ils propagent un message universel, même s'il est adapté pour répondre aux préoccupations sectorielles de l'électorat ». Cette approche est conforme aux idées fondamentales de la realpolitik, qui privilégie les considérations pratiques et la conquête du pouvoir politique par des stratégies efficaces. L'article précise que les data permettent de mieux comprendre les intérêts et les comportements de l'électorat.

En conséquence, les partis politiques adaptent le contenu de leurs publicités pour proposer une alternative convaincante aux récits politiques établis. Plutôt que de cibler tout le monde, il est plus efficace de s'adresser à un large éventail de segments électoraux. Cette stratégie permet de renforcer la loyauté des partisans actuels ou de séduire de nouveaux électeurs. Le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) a fait appel à des publicités ciblées dans le but de séduire divers groupes, notamment les électeurs homosexuels et anti-LGBTQ+, ainsi que certains immigrés et ceux hostiles à l'immigration ; cette stratégie a même réussi à attirer le soutien des immigrés, des communautés LGBTQ+ et des jeunes électeurs, habituellement considérés comme étant progressifs. 

Un article paru dans The Guardian analyse le processus par lequel ce parti hostile à l'immigration est parvenu à attirer les électeurs issus de l'immigration. Il explique pourquoi certains immigrés, désireux de s'intégrer dans la société allemande, ont pris leurs distances par rapport à leurs communautés ethniques, pendant que le parti diffusait un discours différenciant les « bons » et les « mauvais » immigrés.

Les données personnelles facilitent la diffusion de messages micro-ciblés dans les campagnes électorales, permettant ainsi la manipulation de l'opinion publique.

Le projet de loi #DPDIB rendra plus facile l'utilisation de nos données par les partis politiques et limitera l'obligation de rendre des comptes à l'approche des élections.

Pour en savoir plus ⬇ https://t.co/rJ3puvNV6C

- Open Rights Group 🧡 (@OpenRightsGroup) 22 avril 2024

Même si ces cas illustrent principalement les dangers des campagnes basées sur les informations personnelles, Kate Dommett, professeuse de politique numérique et co-autrice d'un nouveau livre intitulé « Campagnes et partis politiques pilotés par les data » (« Data-Driven Campaigning and Political Parties »), soutient que les campagnes, reposant sur les informations personnelles dans le cadre d'élections politiques, ne posent pas systématiquement des problèmes :

Data-Driven Campaigning is often viewed as a sinister threat to democracy, but data can be used in a range of different ways, which can be more or less problematic. Whilst there have been fears about fine-grained micro-targeting, in practice we’ve mainly seen UK parties target messages at broad groups. What is clear is that data is now a normal part of campaigning, and we should expect parties to use data, analytics, and technology to optimize their campaigns in 2024.

Les campagnes, utilisant les données personnelles, sont souvent perçues comme une menace inquiétante pour la démocratie, mais ces données peuvent être exploitées de multiples façons, lesquelles peuvent s'avérer plus ou moins problématiques. Alors que l'on craignait un micro-ciblage très fin, dans la pratique, nous observons surtout que les partis britanniques adressent leurs messages à des groupes plus larges. De toute évidence, les data font désormais partie intégrante des campagnes, et nous devrions nous attendre à ce que les partis se servent des données, de l'analyse et de la technologie pour optimiser leurs campagnes en 2024.

« Données imparfaites », bande dessinée XKCD par Randall Munroe, (CC BY-NC 2.5) [fr].

1ère vignette
Nous avons compris que toutes nos données étaient erronées.

2ème vignette
BIEN
… nous ne sommes donc pas sûrs de nos conclusions.

3ème vignette
MAUVAIS
… nous avons donc fait beaucoup de calculs et avons constaté que nos données étaient en fait fiables.

4ème vignette
TRES MAUVAIS
… nous avons donc développé une IA pour générer des données plus fines.

Passer à l'action

Outre l'influence incontestable de l'information, des principes de gouvernance anciens aux stratégies numériques modernes, elle implique également des responsabilités éthiques, comme l'ont montré les controverses passées et les discussions en cours sur la manipulation des données. Les plateformes de médias sociaux ont leur part de responsabilité et une nouvelle législation est essentielle pour contraindre les grandes entreprises technologiques à garantir la transparence de leurs algorithmes et du ciblage des publicités politiques. Par ailleurs, il est tout aussi fondamental de sensibiliser les citoyens à ces questions, de remédier aux phénomènes de chambre d'écho médiatique, de développer l'esprit critique et de promouvoir l'éducation médiatique et numérique.

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Le Nigéria se classe parmi les derniers pays d'Afrique subsaharienne en matière de représentation des femmes au parlementhttps://fr.globalvoices.org/?p=292151http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241210_151405_Le_Nigeria_se_classe_parmi_les_derniers_pays_d_Afrique_subsaharienne_en_matiere_de_representation_des_femmes_au_parlementTue, 10 Dec 2024 14:14:05 +0000Un système politique défavorable et des barrières sociales empêchent les femmes de faire de la politique

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de montrant des femmes politiques nigérianes extraite de la vidéo YouTube « 2023 Elections: Trials, Triumphs Of Nigerian Women In Politics | Gist Nigeria » de Channels Television. Utilisée avec permission.

[Sauf indication contraire, tous les liens renvoient vers des sites en anglais]

Alors que de plus en plus de pays africains cherchent à encourager la parité des sexes aux postes gouvernementaux, certains pays africains ont du mal à intégrer pleinement les femmes dans la sphère politique. Un rapport récent [fr] du Policy and Legacy Advocacy Centre (PLAC) [fr], une organisation indépendante non partisane et à but non lucratif qui œuvre pour le renforcement de la gouvernance démocratique et de la participation citoyenne au Nigéria a révélé que le Nigéria se classe au dernier rang des pays d'Afrique subsaharienne en termes de représentation des femmes au parlement.

Parmi les 185 pays analysés dans le rapport [fr], le Rwanda se classe au premier rang en Afrique, avec des femmes représentant 61,3 % de son parlement, tandis que le Nigeria se classe au 180e rang, avec seulement 4,4 % de représentation féminine.

Les données montrent [fr] que la Chambre des représentants du Nigeria, qui compte 360 ​​membres, compte actuellement 16 femmes, et que le Sénat, avec 109 membres, n'en compte que quatre. En outre, 14 des 36 États du Nigeria ne possèdent aucune législatrice. Même dans les États où siègent des femmes, leur nombre reste disproportionnellement faible. La situation est tout aussi sombre pour les postes exécutifs électifs : depuis le retour à un régime démocratique en 1999, aucune femme n'a été élue présidente, vice-présidente ou gouverneure au Nigeria.

Ce faible niveau de représentation ne reflète pas la population féminine du Nigéria. En fait, les statistiques de la Banque mondiale [fr]ont montré que les femmes et les filles constituent la moitié de la population du pays le plus peuplé d’Afrique.

Conformément aux principes et directives de la Déclaration universelle des droits de l’homme [fr], de la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes [fr], du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement [fr] et de l’ Agenda 2030 pour le développement durable, le gouvernement nigérian a fait des efforts en faveur de l’égalité des sexes en formulant la Politique nationale de genre en 2006, qui promeut une action positive de 35 pour cent en faveur des femmes dans les processus de gouvernance .

Malgré cette politique et de nombreux autres efforts qui ont été déployés, le Nigéria a maintenu le taux de représentation parlementaire des femmes le plus bas d’Afrique, avec une baisse constante de leur nombre depuis 2011. Les raisons de cette sous-représentation des femmes peuvent être attribuées à des systèmes politiques et à des pratiques socioculturelles défavorables.

Systèmes politiques défavorables

La majorité des pays africains où les femmes sont largement représentées au parlement ont adopté des quotas constitutionnels, législatifs et de parti pour garantir aux femmes une chance équitable d’être élues. Cependant, ce n’est pas le cas dans certains pays anglophones d’Afrique, comme le Nigéria et le Ghana, qui utilisent le système électoral majoritaire à la majorité absolueCe système est moins favorable aux femmes candidates, car les partis politiques remportent et attribuent les sièges législatifs en fonction de la proportion de voix qu’ils obtiennent aux élections.

Les hommes politiques occupent une place prépondérante dans la plupart des partis politiques au Nigéria. Ces partis politiques ne parviennent généralement pas à créer un environnement ou une infrastructure favorable à leurs membres femmes. Par conséquent, ces femmes ont du mal à obtenir des nominations pour se présenter aux élections générales .

Au Nigéria, les rares femmes qui parviennent à surmonter les obstacles liés à la discrimination sexuelle ne peuvent généralement pas faire face aux obligations financières qui accompagnent la candidature à des fonctions politiques, car les élections sont fortement monétisées dans le pays. Seules celles qui bénéficient d’un soutien puissant parmi les dirigeants des partis et de ressources financières abondantes pour offrir des « cadeaux » aux membres du parti sont nommées candidates.

Ayisha Osori, écrivaine, avocate et militante pour la justice sociale, qui s'est présentée aux élections du Parti démocratique populaire à la Chambre des représentants du Nigeria en 2015 et a perdu, a déclaré à propos de la faible représentation des femmes dans la politique nigériane : « Les élections au Nigeria sont monétisées et transactionnelles, et les femmes sont déjà socialement désavantagées étant donné qu'au Nigeria, le moyen le plus rapide de devenir riche est d'être au gouvernement… Si les femmes ne sont pas en politique, alors elles ne peuvent pas lever de fonds, et si elles ne peuvent pas lever de fonds, alors elles ne peuvent pas être en politique ».

Un autre problème important qui empêche les femmes de participer aux élections est la violence sexiste. Les élections nigérianes sont souvent entachées de violences sexistes, et les candidates et les électrices sont toujours victimes de diverses formes à motivation politique.

Jennifer Bina Ifedi, l’une des survivantes des violences sexistes perpétrées lors des élections présidentielles de 2023, est retournée dans son bureau de vote pour voter après avoir été agressée et blessée par des voyous politiques à Lagos. Il existe de nombreux autres exemples de violences sexistes perpétrées contre des femmes lors des élections, qui ne sont pas signalées en raison de couverture médiatique insuffisante

Obstacles culturels et sociétaux

Bien que la Constitution nigériane accorde aux femmes le droit de vote et d'être élues, de nombreuses barrières culturelles et sociales les empêchent encore de participer pleinement à la vie politique et d'occuper des postes de direction. Dans divers groupes ethniques du pays, des croyances conservatrices persistent , qui considèrent les femmes comme inférieures aux hommes et inaptes à occuper des postes de direction.

Certaines pratiques religieuses s'opposent également à l'égalité des sexes , limitant les possibilités pour les femmes d'occuper des postes de direction. Ces normes socioculturelles ont alimenté la croyance répandue selon laquelle les femmes, quelles que soient leurs compétences ou leur éducation, sont avant tout destinées aux rôles domestiques. Pour beaucoup, la décision d'une femme de se présenter à une fonction publique est perçue comme un défi aux attentes de la société, ce qui en fait une démarche difficile et audacieuse.

Pour remédier à cette sous-représentation, les experts ont exhorté l’Assemblée nationale à adopter le projet de loi sur le genre et l’égalité des chances, parrainé par le sénateur Abiodun Olujimi du Parti démocratique populaire [fr],  afin de : « promouvoir l’égalité des chances et de lutter contre les barrières socioculturelles qui empêchent les femmes et les filles de réaliser leur plein potentiel ».

Ce projet de loi propose un quota de 35 % de femmes aux sièges législatifs fédéraux et étatiques, ainsi qu’aux postes de direction du parti. L’ Union interparlementaire [fr] a également invité les parties prenantes nigérianes à : « utiliser le processus électoral actuel pour sensibiliser le public sur l’importance de la participation des femmes aux élections, à la vie parlementaire et au leadership politique ».

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Un journaliste camerounais retrace le contexte de la crise politique ivoirienne de 2010-2011 dans un documentairehttps://fr.globalvoices.org/?p=292192http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241201_190023_Un_journaliste_camerounais_retrace_le_contexte_de_la_crise_politique_ivoirienne_de_2010-2011_dans_un_documentaireSun, 01 Dec 2024 18:00:23 +0000En 2010, deux candidats sont reconnus vainqueurs de l'election présidentielle

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

La Côte d'Ivoire sur une partie de la carte de l'Afrique de l'ouest ; capture d'écran de la chaîne YouTube de imineo Documentaries

La Côte d'Ivoire est régulièrement traversée par de graves crises politiques. La dernière en date, de 2010-2011, est le sujet d'un documentaire retraçant les événements de cette période.

En octobre 2000 Laurent Gbagbo est élu président de la République de Côte d'Ivoire, mais deux ans à peine après sa prise de pouvoir, une crise éclate et une rébellion militaire tente de le renverser. La tentative échoue mais les rebelles n'abandonnent pas pour autant la partie avant de finalement signer en 2007 des accords de paix. Des élections présidentielles sont alors annoncées, mais sont toutefois reportées à plusieurs reprises jusqu'en 2010.

Les élections ont bien lieu en 2010, mais le verdict des urnes divise la population et une nouvelle crise post-électorale survient. Alassane Dramane Ouattara est bien proclamé le 28 novembre vainqueur par la Commission électorale indépendante (CEI), toutefois un autre organisme officiel, le Conseil constitutionnel, déclare Laurent Gbagbo vainqueur. Cette situation mène à un affrontement entre les deux camps et à une instabilité politique qui dure 5 mois. Au final, Laurent Gbagbo est arrêté et Alassane Ouattara est instauré dans le fauteuil présidentiel. Cette période est marquée par de nombreuses violences: tueries, arrestations, des déplacés dans les deux camps.

Ce 28 novembre 2024, la population ivoirienne commémore le début de cette période sombre de son histoire. Pour mieux comprendre le contexte et l'impact de cette date, Global Voices a interviewé Sévérin Aléga Mbele, journaliste camerounais réalisateur d'un documentaire intitulé “ Les dynamiques de paix en Côte d’Ivoire”. Le film de 52 minutes donne la parole aux jeunes, à ceux qui reviennent d'un exil forcé, et à différents acteurs de la réconciliation dans le pays.

Dans ce film, Emmanuel Djidja Kouadio, un des jeunes et témoin des faits, rappelle:

Il faut que chacun comprenne que les élections ne sont pas des combats sur les rings où chacun va démontrer sa force physique mais ce sont des idéologies et projet de société qu'on met en exergue. Quand celui qui est ton adversaire remporte la victoire, tu viens et tu le salues. C'est uniquement à cette condition qu'on aura une paix durable et pérenne.

Jean Sovon (JS): Que raconte votre film?

Sévérin Aléga Mbele (SAM) : C’est l’histoire d’un jeune de nationalité ivoirienne que je raconte. Il  a été forcé à l’exil dans un village du Ghana appelé Nougoua, sur les rives de la Tanoé, en raison de la crise politique en Côte d’Ivoire entre 2010 et 2011.

En 2020, au profit de la période d’apaisement politique, entre le doute et l’espoir, notre héros décide de retourner dans son pays natal. Il entre par le centre-ouest de la Côte d’Ivoire, au moment où les autorités d’Abidjan lancent le processus de réconciliation nationale.

Le récit en lui-même est simpliste mais, en réalité, l’itinéraire de notre personnage principal est celui de nombreux Africains, de Kigali au Rwanda ou de la péninsule de Bakassi entre le Cameroun et le Nigeria, qui sont retournés chez eux après un conflit armé dévastateur.

JS: Quels ont été les défis pour réaliser ce documentaire? Le documentaire sera t-il projeté en salle ou existe uniquement sur YouTube? 

SAM: Parmi les défis il y avait évidemment au départ la délicatesse du sujet. Je suis Camerounais mais je devais tourner en Côte d’Ivoire, en terre étrangère. Il a fallu convaincre les autorités ivoiriennes et même l’ambassade du Cameroun à Abidjan sur le bien-fondé d’une production audiovisuelle relative aux dynamiques de paix en Côte d’Ivoire.

Ce projet intervient dans le cadre de la bourse média de l'Union africaine (UA), il fallait donc aussi convaincre l’UA sur l’intérêt de ce film documentaire. Le pitch est passé par plusieurs mailles. Heureusement, le produit final que l’on peut retrouver sur les plateformes comme Facebook et YouTube a été accepté. La direction des antennes de la Cameroun Radio Télévision (CRTV) a diffusé ce film au moins quatre fois déjà. En plus, des copies ont été envoyées à l’Union Africaine et au Médiateur de la République en Côte d’Ivoire.

JS: Pourquoi le choix d’un documentaire?

SAM: Nous avons adopté l’approche d'un documentaire sur les principes du journalisme constructif. Il s'agit d'un documentaire qui éclaire et donne un point de vue sur un événement historique.

La crise ivoirienne met en avant une dispute entre acteurs politiques qui a de nombreuses conséquences: morts d’hommes, déplacements de populations.

Selon Sévérin Aléga Mbele, l'un des buts de son film est de démontrer la capacité des Africains à s’asseoir ensemble, à pouvoir se parler pour explorer des solutions malgré les séquelles d'un conflit violent et d'un climat anxiogène. Le film documentaire est à suivre ici:

Malgré les séquelles de conflits à répétions, la société ivoirienne réussit à maintenir un espace de dialogue – un instrument plus que nécessaire alors que le pays fait face à de nombreux défis comme la réconciliation nationale, l'émigration vers l'Europe et les changements géostratégiques sur le continent.

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« La voix d'une femme reste une révolution » : au cœur des créations radio féministes algérienneshttps://fr.globalvoices.org/?p=292216http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241201_011355______La_voix_d_une_femme_reste_une_revolution________au_c__ur_des_creations_radio_feministes_algeriennesSun, 01 Dec 2024 00:13:55 +0000Qu’est-ce que le féminisme, sinon un éventail d’actions pour briser le silence, s’écouter soi-même et les autres ?

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration de Zena El Abdalla. Utilisé avec la permission de l'auteur.

Ce billet de Giulia Crisci a été initialement publié par UntoldMag le 13 septembre 2024. Cette version révisée est republiée sur Global Voices dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

Dans le centre bruyant d’Alger, dans un café près de la Grande poste, Madjeda Zouine et Nadjoua Rahem, les journalistes de la première web radio d’Algérie, Radio voix de femmes, me font découvrir leur travail quotidien. Créée en 1995, Radio voix de femmes diffuse ses programmes depuis la Maison de la presse, lieu symbolique de la résistance des journalistes pendant la guerre civile algérienne, ou la « décennie noire ». Zouine et Rahem enregistrent dans le studio de la Maison de la presse et diffusent leur travail sur YouTube. Le nom du projet indique l’intention : prendre autant d’espace que possible pour créer des histoires de femmes en Algérie.

La rencontre avec Madjeda et Nadjoua n’est que la première de ce qui sera un mois de recherches à Alger, à l’écoute des voix qui peuplent les ondes et les espaces web. Je suis invité dans la maison qui appartenait autrefois à Mohamed Khadda (1930-1991), peintre et militant du mouvement indépendant, un espace que la galerie Rhizome a transformé en centre culturel et lieu de résidence. Sur les murs, de vieilles affiches de Khadda témoignent des conférences et des expositions telles que la Journée pour la préservation de l’oralité et le colloque international sur l’oralité africaine.

Une des affiches dans la maison de Mohamed Khadda, faisant la promotion du festival pour la sauvegarde de l’oralité. Photo utilisée avec permission.

Ces affiches me remémorent un texte de Frantz Fanon, ici la voix de l’Algérie, sur le rôle décisif d’une forme particulière d’oralité au service de la révolution, celle de la radio. Pendant les années de colonisation, Radio-Alger était la radio où « les Français parlent aux Français ». La population algérienne, dans son rejet et son désintérêt pour la voix du colonisateur, ne possédait aucun équipement radio avant 1955-56.

L’année 1956 est une année décisive : le 16 décembre avec le slogan « Voici la Radio de l’Algérie libre et combattante », la radio clandestine divulgue ses programmes au peuple algérien. En moins de trois semaines, tous les postes de radio ont été vendus. On pouvait enfin entendre « la voix de l’Algérie libre et combattante ». Diffusée depuis un lieu tenu secret, elle bénéficiait de la complicité de l’Égypte, de la Syrie et d’un réseau de pays arabes qui s’appuyaient sur les fréquences radio, évitant ainsi le sabotage des ondes par la puissance coloniale.

Discontinue et souvent interrompue, elle transmettait des messages inédits, commençant à rendre possible et réelle l’idée d’une nation indépendante.

Des ondes au podcast

Aujourd’hui, la diffusion tant sur les ondes que sur le Web est réglementée par le gouvernement algérien. Les autorisations sont si difficiles à obtenir que le nombre de stations de radio privées se compte sur les doigts d’une main, et beaucoup s’accordent pour dire qu’elle est le monopole de l’État.

Pourtant, de nouvelles productions radiophoniques naissent chaque semaine, contournant les obstacles du gouvernement grâce aux podcasts et aux plateformes de réseaux sociaux. Il suffit d’un smartphone pour enregistrer, et à partir de là, n’importe qui peut lancer une nouvelle série sur Instagram, YouTube, Soundcloud ou Spotify.

Sur Instagram par exemple, les auteures de Radio voix de femme, protagonistes du mouvement féministe pluriel et dynamique, ont récemment lancé le Laha podcast, un programme différent de leur format radio. Elles parlent des projets des femmes artistes algériennes et de leurs réussites, mais aussi de la violence ou de la forte discrimination que subissent les femmes, sanctionnées par le Code algérien de la famille, qui établit encore de facto la subordination des femmes aux pères, frères ou maris. Par exemple, en cas de divorce ou d’héritage, les femmes sont désavantagées par rapport à leurs homologues masculins.

« La voix des femmes reste une révolution, comme celle de tous les opprimés », me dit Besma Ait, auteure du podcast Thawra (révolution). « La voix des femmes reste une révolution » (توصةأرملاةروث – sawt el mar'a thawra) est un slogan du mouvement féministe égyptien qui a été crié dans les rues pendant le printemps arabe. C’est un jeu de mots, en changeant une seule lettre d’un vieux dicton de la tradition orale canonique musulmane : « la voix des femmes porte honte » (توصةأرملاةروع – sawt el mar'a awra).

Le podcast Thawra a vu le jour en février 2024, motivé par la nécessité d’entendre les histoires des activistes féministes. Les histoires se déroulent à travers de longues conversations ignorant les facteurs de temps et d’urgence.

Son initiatrice, Besma, fait partie d’une nouvelle génération de féministes qui essaient de créer une continuité entre les luttes et de maintenir un dialogue entre des femmes qui ont vécu des événements très différents : de la violence traumatisante du terrorisme islamique, aux réformes déplorables du Code de la famille, aux militantes féministes qui ont défilé tous les vendredis pendant plus d’un an lors du mouvement de protestation du Hirak de 2019, et qui, après avoir obtenu la démission du président Abdelaziz Bouteflika, ont été brutalement frappées par des arrestations et des violences jusqu’à ce que le mouvement soit interrompu par le gouvernement en mars 2020 avec l’avènement de la pandémie.

Besma me confie l’importance de cette généalogie des luttes, qui vient d’abord et avant tout des femmes de sa famille. Sa grand-mère était une moudjahidine (un terme que le FLN utilisait pour ses guerriers, signifiant « ceux qui luttent pour une cause sacrée »), faisant partie du Front de libération nationale (FLN) opérant en France. « L’histoire de l’exil est entrelacée avec celle de la première lutte anticoloniale exportée vers le sol ennemi », ajoute-t-elle.

Je l’écoute alors qu’elle tisse, au fil des histoires relatées dans les épisodes du podcast, la biographie de sa grand-mère, évadée de la prison pour femmes de la petite Roquette à Paris. Le premier épisode raconte l’histoire de Fadila Boumendjel-Chitour, endocrinologue, militante des droits humains et co-fondatrice du réseau Wassila, un important réseau de soutien aux femmes victimes de violences basé à Alger.

Chitour arrive à la conscience féministe par la pratique de la médecine sociale, traitant les effets visibles et invisibles de la violence et de la torture. Saadia Gacem, une autre interviewée, fait également partie du réseau Wassila, mais elle se consacre particulièrement à la recherche sur le Code de la famille et le traitement que reçoivent les femmes dans les tribunaux algériens. Enfin, Saadia réalise un précieux travail collectif, Archives des luttes des femmes en Algérie, car l’histoire d’un mouvement aussi puissant n’est toujours pas documentée. Le podcast Thawra s’inscrit dans ce même sillon, une forme d’expression artistique que l’on pourrait décrire comme histoire orale.

« Le son est l'avenir des luttes »

Besma m’invite à rejoindre le programme de création féministe, organisé par le Journal féministe algérien, dont la fondatrice Amel Hadjadj et la formatrice Khadidja Markemal me parleront quelques jours plus tard.

Khadidja est une artiste sonore raffinée et pointue, et dans ses œuvres elle parvient à restituer de manière éclatante les images sonores d’une rue ou d’un quartier. À la fin de notre rencontre, elle me tend sur une clé USB Sisters with transistors, un film sur les femmes pionnières de l’expérimentation sonore et de la musique électronique. Certaines, comme Daphne Oram ou Delia Derbyshire, ont marqué l’histoire de la radio.

 

Capture d’écran du film « Sisters with transistors. » Utilisation équitable.reenshot from the film “Sisters with transistors.” Fair use.

Un des points récurrents dans nos conversations est le manque de techniciennes dans le monde audiovisuel capables de créer leur propre récit de manière autonome. En réponse à cette lacune, le programme de formation à la création de contenu féministe du Journal féminin algérien, destiné aux activistes de diverses réalités, groupes et collectifs algériens, a débuté en 2020.

Au siège du journal, un grand appartement surplombant la baie d’Alger, Amel Hadjadj me montre une salle qui peut être transformée en studio d’enregistrement insonorisé par des matelas. Stocké dans un placard, tout le matériel est disponible non seulement pour le personnel éditorial, mais est également mis à disposition du public.

« Le son est l’avenir des luttes », déclare Amel, au moment où nous parlons. Elle trouve dans l’intimité de l’enregistrement les conditions parfaites pour capter les paroles des femmes, souvent hésitantes en présence d’une caméra. Le son, tout en maintenant la subjectivité de chaque voix, permet aux personnes à risque, telles que les personnes LGBTQ+, de garder leur anonymat.

« En outre, poursuit-elle, le podcast est une forme qui permet aux femmes, pour qui être assises devant un écran est un luxe que peu d’entre elles peuvent se permettre, de continuer à s’informer et à écouter les autres femmes, tout en poursuivant leurs tâches ménagères et leur travail. »

À l’issue de cette édition, les podcasts seront co-signés et « appartiendront » à toutes les réalités féministes participantes, par exemple, le très jeune groupe des féministes algériennes. Ce qui n’était qu’une page Instagram initialement créée par Ouarda Souidi en 2019 est devenu par la suite un collectif à part entière. Les féministes algériennes veulent contribuer, dans le cadre de la nouvelle génération, aux luttes féministes, en réaction à l’invisibilité des femmes dans la société et aux initiatives du mouvement féministe. Elles publient des bulletins mensuels sur les actions dans le pays, s’adressant au plus grand nombre de femmes possible à travers la création de contenus principalement en darija (arabe algérien).

Elles ont récemment publié leur premier podcast consacré à la menstruation, un tabou social en Algérie. L’épisode contient dix témoignages rassemblés en un récit polyphonique sur l’arrivée des règles dans la vie d’une jeune fille, un seuil franchi souvent sans aucune préparation.

Le sang sur les cuisses, la première explication de la mère ou la première tentative de porter un tampon, des micro-souvenirs suivis d’une prise de conscience : le cycle menstruel est un rite de passage. Pour certaines, c’est l’accès au cercle des femmes de la famille rassemblées dans la cour, pour partager leurs confidences, pour la possibilité de se raser ensemble, mais pour d’autres, cela peut aussi marquer le début des injonctions vestimentaires, le changement de l’apparence et de nouvelles normes sociales. Une des voix révèle : « Ma mère m’a dit de garder ça secret pour mon père, sinon il ne me laisserait plus jouer avec mes cousins. »

Écouter le réel autrement

Ouardia traduit avec précision ces mots pour moi à travers une série de messages vocaux et me demande : « Avez-vous déjà écouté Femmes sérieuses, travailleuses, non fumeuses ? »

Il s’agit d’un documentaire sonore de Sonia Ahnou, artiste et cinéaste vivant actuellement en France. Le documentaire est une immersion dans la vie d’une jeune femme qui décide de vivre seule à Alger. Le titre reprend ironiquement une formule récurrente dans les annonces immobilières.

« Que penseront les voisins de moi, de la femme qui vit seule au troisième étage ? Je suis allée leur demander avec le micro à la main. » C’est ainsi que l’histoire commence, enrichie de nombreuses autres expériences qui dépeignent la difficulté d’obtenir son indépendance même dans la capitale.

Si l’oppression est systémique, elle devient rapidement un sujet. Les personnes interrogées dénoncent les refus constants de louer aux femmes célibataires ou les restrictions abusives imposées, et même la hausse des loyers pour les femmes seules. « C’est aussi comme ça qu’on fait la ségrégation », conclut l’une d’elle, d’une voix catégorique.

Sonia a également fait partie d’un puissant réseau d’une réalité militante qui constitue la richesse de la scène artistique algérienne. L’une de ses égéries est Habiba Djahnine, cinéaste féministe et poète, co-fondatrice du collectif Cinéma-mémoire. Depuis 2007, d’abord à Bejaia puis à Timimoun dans le désert algérien, le collectif accompagne les jeunes pour une année de formation en création de film documentaire.

Toutes les personnes que j’ai rencontrées ont une histoire qui les relie à Habiba et aux ateliers, souvent un moment particulier de leur vie.

À la fin de ma résidence, j’ai invité Habiba, de passage à Alger, à partager quelques-unes des créations sonores qui constituent leur important fonds d’archives. Nous préparons actuellement une séance d’écoute collective avec un petit cercle de femmes qui ont réalisé un projet sonore ou qui en construisent un.

Qu’est-ce que le féminisme, sinon un éventail d’actions pour briser le silence, et s’écouter soi et les autres ?

Ainsi, en début d’après-midi, assis sur le tapis de Mon autre école, lieu important de formation et de création artistique, nous nous immergeons dans l’écoute de « Mon peuple, les femmes ». L’auteure, Sara, assemble des fragments de conversations intimes entre féministes : « pourquoi es-tu féministe ? Je ne vois pas pourquoi je ne devrais pas l’être ! » — ou d’une mère discutant avec sa fille du choix de vivre seule, et, encore une fois, des témoignages d’actions contre le féminicide, et de soutien à celles qui ont subi des violences.

Pour libérer le monde, l’anonymat est nécessaire. Il faut oser parler de choix radicaux, tels que le choix de ne plus entrer dans aucune relation intime avec des hommes.

En 2021, la programmation du  Cinéma-mémoire abandonne l’élément visuel pour se consacrer intégralement au paysage sonore.

Nous écoutons les œuvres qui, avec une grande variété de thèmes et de choix artistiques, nous emmènent dans l’oasis de Timimoun. Celles d’Assia Khemici et de Lila Bouchenaf nous laissent franchir le seuil des espaces féminins, les zones subtiles entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’espace domestique et l’espace collectif. Sans trace d’exotisme ou de voyeurisme, aucun cadre ne nous sépare du paysage, nous sommes à l’intérieur avec elles.

Cinéma Mémoire · PAYSAGES SONORES DE TIMIMOUN

Dans toutes les créations que j’ai entendues jusqu’à présent, la puissance de ces voix et de ces sons résonne pour questionner les récits hégémoniques d’un monde purement visuel, qui laisse de côté tout ce qui ne peut être visible. Ensuite, le microphone devient la possibilité de briser cet ordre imposé, contribuer à une réécriture polyphonique, redevenir le sujet de sa propre histoire. Comme Habiba nous l’affirme, après tout, tout ce que nous faisons est une tentative continue de transformer le réel afin de pouvoir le regarder ou l’écouter autrement.

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Asie du Sud-Est : l'impunité, une épée de Damoclès sur le travail des journalisteshttps://fr.globalvoices.org/?p=292175http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241201_005240_Asie_du_Sud-Est___l_impunite__une_epee_de_Damocles_sur_le_travail_des_journalistesSat, 30 Nov 2024 23:52:40 +0000Le harcèlement, les attaques soutenues par l'État, les détentions arbitraires et les assassinats dans les médias persistent dans la région.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Release Frenchie Mae Cumpio

Des défenseurs de la liberté de la presse aux Philippines ont appelé à la libération de la journaliste Frenchie Mae Cumpio lors d'une manifestation devant le ministère de la Justice. Photo de Lito Ocampo, utilisée avec permission.

[Tous les liens de ce texte renvoient à des pages Web en anglais]

Les médias et les groupes de défense des droits humains de toute la région de l’Asie du Sud-Est ont célébré la Journée internationale des Nations unies pour la fin de l’impunité pour les crimes contre les journalistes, le 2 novembre, en publiant des déclarations et en organisant des événements mettant en lumière les défis et les menaces constantes auxquels sont confrontés les journalistes dans l’exercice de leur travail.

Cambodge

Au Cambodge, des groupes de la société civile ont publié une déclaration commune exprimant leur inquiétude face à la détérioration de la situation des médias ; et ce, même après l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement en 2023. Ils ont cité un rapport faisant état de 28 cas de harcèlement contre 46 journalistes au cours des neuf premiers mois de 2024.

Targeting journalists — particularly those reporting on human rights issues — undermines freedoms of expression and the press, thereby threatening the public’s access to information. This environment complicates efforts to hold those in power accountable for their wrongdoing. When authorities fail to investigate and punish perpetrators of crimes against journalists, it conveys the message that such offences are permissible.

Prendre pour cible les journalistes, en particulier ceux qui traitent des questions relatives aux droits humains, porte atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, freinant ainsi l’accès du public à l’information. Ce contexte complique les efforts visant à obliger les autorités à rendre des comptes pour leurs méfaits. Lorsque les autorités ne parviennent pas à enquêter sur les auteurs de crimes contre les journalistes et à les punir, elles transmettent le message que de telles infractions sont autorisées.

Un exemple récent de harcèlement a été l'arrestation et la détention du journaliste d'investigation primé Mech Dara, qui a révélé la prolifération des cyberescroqueries dans le pays. Il a été libéré sous caution, mais a rapidement annoncé qu'il prenait sa retraite du journalisme après cette épreuve traumatisante.

Les journalistes cambodgiens sont souvent harcelés ou emprisonnés pour avoir publié des articles critiques à l'égard du gouvernement. Les journalistes environnementaux et ceux qui dénoncent le déplacement forcé de groupes autochtones par le gouvernement sont particulièrement menacés.

Malaisie

Un autre pays qui n’a pas entrepris les réformes nécessaires dans le domaine des médias, même après l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement, est la Malaisie. Le pays continue de s’appuyer sur des lois répressives datant de l’époque coloniale pour faire taire la dissidence et intimider les journalistes. Les groupes de la société civile ont réitéré leur demande de création d’un conseil des médias pour contribuer à renforcer la liberté de la presse dans le pays.

We urge that the Malaysian Media Council as an independent, multistakeholder self-regulatory body for the industry be established, without further delay, and be given the mandate to have the powers to protect journalists — legally, physically, economically, and socially — and the integrity of our media landscape.

Nous demandons instamment que le Conseil malaisien des médias, en tant qu’organisme d’autorégulation indépendant et multipartite pour le secteur, soit créé sans plus tarder et qu’il soit doté du mandat de protéger les journalistes – légalement, physiquement, économiquement et socialement – ​​ainsi que l’intégrité de notre paysage médiatique.

Ils ont également attiré l'attention sur les restrictions financières qui entravent le travail des médias :

A growing concern that threatens Malaysia’s media landscape recently has been economic violence in the form of low wages, unsafe working conditions, and job insecurity.

Une préoccupation croissante qui menace le paysage médiatique malaisien ces derniers temps est la violence économique sous forme de bas salaires, de conditions de travail dangereuses et d’insécurité de l’emploi.

Philippines

Les groupes de presse ont exhorté les autorités philippines à faire en sorte que justice soit rendue pour le meurtre en 2011 du journaliste Gerry Ortega, dont le cas est devenu « emblématique de l’impunité bien ancrée dans les meurtres commis contre des journalistes » dans le pays.

Les meurtres commis contre des journalistes se poursuivent, la plupart d’entre eux n’ayant toujours pas été résolus à ce jour. Le Syndicat national des journalistes des Philippines met en garde contre l’effet effrayant de l’impunité.

Each year that passes risks relegating these murders further into the past and sends the message that attacks against journalists are to be expected and can be expected to be done with impunity. Already, many of our colleagues see these attacks as just part of the territory. While there is inherent risk in journalism and media work, attacks against journalists cannot be normalized.

Chaque année qui passe risque de reléguer ces meurtres plus loin dans le passé et envoie le message que les attaques contre les journalistes sont attendus et qu’elles peuvent être commises en toute impunité. Déjà, nombre de nos collègues considèrent ces attaques comme faisant partie du quotidien. Bien que le journalisme et le travail des médias comportent des risques inhérents, les attaques contre les journalistes ne peuvent pas être normalisées.

Ils s'engagent à poursuivre la lutte pour la justice.

Keeping their stories alive, reporting on the progress — or lack of it — in their cases, and seeking accountability for these crimes are some of the ways we can make sure they are not forgotten.

Garder leurs histoires vivantes, mettre en lumière les progrès – ou l’absence de progrès – dans leur dossier et les tenir responsables de leurs crimes sont quelques-uns des moyens que nous pouvons prendre pour garantir que ces personnes ne soient pas oubliées.

Les groupes de médias ont également appelé à la libération de la journaliste Frenchie Mae Cumpio, dont les affaires criminelles montées de toutes pièces reflètent l’instrumentalisation des lois et des processus judiciaires pour détenir arbitrairement des journalistes critiques.

#Philippines : Le Comité pour la protection des journalistes exhorte les autorités à abandonner les accusations vindicatives contre la journaliste Frenchie Mae Cumpio avant son procès du 11 novembre.

Pour plus de détails sur cette affaire, lisez : https://t.co/g9Q3eEj0R3@bongbongmarcos pic.twitter.com/SCfwVoUePe

— CPJ Asia (@CPJAsia) 7 novembre 2024

Myanmar

Après le coup d’État de février 2021, la junte a imposé une censure absolue des médias et mené une répression brutale ciblant les membres de l'opposition et même les journalistes. Au moins huit journalistes ont été tués au cours des trois dernières années. Selon l’Association des journalistes indépendants du Myanmar, 177 journalistes ont été mis aux arrêts et 53 sont toujours en détention. Le Comité pour la protection des journalistes a résumé la situation désastreuse des médias au Myanmar :

The Myanmar junta has crushed the independent media by banning outlets, raiding media offices, and targeting journalists with arrests and killings over the past four years. The country is also the world’s second-worst jailer of journalists after China.

Au cours des quatre dernières années, la junte birmane a écrasé les médias indépendants en interdisant des organes de presse, en perquisitionnant les bureaux des médias et en ciblant les journalistes par des arrestations et des assassinats. Le pays est également le deuxième pays au monde où les journalistes sont emprisonnés le plus après la Chine.

Le gouvernement civil d’unité nationale, qui représente la résistance, a publié une déclaration condamnant l’attaque systématique de la junte contre la liberté d’expression.

The military's systematic campaign of violence, harassment, and intimidation has turned journalism into an occupation fraught with peril. Today, we call attention not only to these crimes but also to the wider impact of the military's assault on freedom of expression. By silencing journalist, the terrorist military council seeks to suppress the truth, restrict the people's awareness, and stifle calls for accountability.

La campagne systématique de violence, de harcèlement et d’intimidation menée par l’armée a transformé le journalisme en une profession périlleuse. Aujourd’hui, nous attirons l’attention non seulement sur ces crimes, mais aussi sur l’impact plus large de l’attaque de l’armée sur la liberté d’expression. En réduisant les journalistes au silence, le conseil militaire terroriste cherche à étouffer la vérité, à restreindre la prise de conscience de la population et à étouffer les appels à la responsabilité.

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Des dizaines de Népalais recrutés par la ruse dans l’armée russehttps://fr.globalvoices.org/?p=292164http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241201_002920_Des_dizaines_de_Nepalais_recrutes_par_la_ruse_dans_l___armee_russeSat, 30 Nov 2024 23:29:20 +0000« Cela ressemble à une fiction, et peut-être que les gens n'y croient pas. »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Image by Khagendra Khatri. Used with permission.

Image de Khagendra Khatri. Utilisée avec permission.

Cet article de Marty Logan a été initialement publié dans le Nepali Times, et une version modifiée a été republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Khagendra Khatri avait l’intention de travailler en Corée du Sud. Il avait même déménagé du district de Rolpa au district de Dang, dans la province de Lumbini, au Népal, afin de pouvoir suivre des cours pour se préparer à l’examen obligatoire de coréen.

Un jour, un homme l’a approché à Tulsipur, dans le district de Dang, et lui a demandé s’il souhaitait aller travailler en Russie. Il a répondu que non, mais l’homme a persisté. Six semaines plus tard, Khatri a changé ses plans et, le 15 octobre 2023, il est parti de Katmandou pour Moscou via Dubaï avec 52 chercheurs d’emploi népalais.

Il avait entendu parler de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, mais le recruteur lui avait promis un emploi de cuisinier derrière les lignes de front. Le salaire équivaudrait à 500 000 NPR (3 698 USD) par mois et, au bout d’un an, il obtiendrait la résidence permanente russe. On lui a même dit qu’il pourrait ensuite obtenir un visa américain.

Les Népalais du groupe ont passé quelques jours à Moscou pour remplir des papiers. Ils ont ensuite été mis dans un bus et conduits dans un camp en forêt où ils ont été formés pendant une semaine, notamment au maniement d'un fusil.

Khagendra Khatri avec d'autres soldats népalais en Russie. Image de Khagendra Khatri. Utilisée avec permission.

À ce moment-là, Khatri pensait encore qu’il cuisinerait pour les combattants.

« Ce n’est qu’après avoir été emmené dans un deuxième camp d’entraînement que j’ai vu mon nom apparaître soudainement sur une liste de conscrits partant au combat. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’allais partir en guerre », se souvient Khatri dans une interview à Katmandou.

« Après avoir vu mon nom, j’ai commencé à parler à un soldat qui avait l’air important, en utilisant Google Translate », poursuit-il. « J’ai essayé de le persuader de m’emmener. Au début, il ne m’écoutait pas, mais j’ai continué à lui parler pendant un jour et demi, et il a finalement accepté de nous emmener, nous sept Népalais, à condition que nous lui payions chacun 17 000 roubles [174 USD]. »

L’homme a déposé les Népalais dans son propre véhicule à environ cinq kilomètres du camp à minuit. De là, ils ont commencé à marcher à travers la forêt dans le froid glacial de l’hiver russe.

« Nous n’avions pas peur que quelqu’un vienne nous capturer », raconte Khatri. « Nous avions plus peur de rencontrer des animaux sauvages – que ferions-nous ? Il neigeait aussi, nous avions donc peur de mourir de froid. »

Le groupe a marché pendant 16 heures d’affilée, jusqu’à ce qu’un véhicule s’approche sur une route et s’arrête. Après que les hommes ont expliqué ce qui s’était passé et d’où ils venaient, le chauffeur a accepté de les conduire pendant sept heures jusqu’à Moscou.

Apprenant que leurs visas avaient expiré, le chauffeur serviable les a conduits dans une auberge où il savait qu’ils seraient en sécurité. Il a même refusé d’accepter de l’argent pour les avoir conduits jusqu’au bout et les avoir aidés.

En sécurité dans l’auberge, les hommes ont contacté des amis et des membres de leur famille au Népal qui leur ont envoyé des billets d’avion. Un jour plus tard, ils étaient déjà à l’aéroport de Moscou, embarquant pour leur vol retour.

Image by Khagendra Khatri. Used with permission.

Image de Khagendra Khatri. Utilisée avec permission.

Aujourd’hui, presqu'exactement un an plus tard, Khatri dit que l’expérience lui semble parfois irréelle : « Cela ressemble vraiment à une histoire, et peut-être que les gens n’y croient pas. Mais quand j’étais là-bas, j’avais vraiment peur. Une pensée dans mon esprit était… oh, ça y est, je vais mourir ici », dit-il.

Khatri a démarré une ferme à Rolpa avec sa famille. Mais il doute de pouvoir gagner suffisamment d'argent pour rembourser le million de NPR (environ 7 741 USD) qu'il doit à des créanciers. Il est maintenant à la recherche d'une nouvelle opportunité plus sûre à l'étranger.

Lorsqu’on lui demande s’il craint d’être à nouveau trompé, il répond : « Oui, j’en ai peur. Et je pense que c’est normal d'y penser. Mais d’un autre côté, j’ai l’impression que si je choisis uniquement des pays qui ont des accords avec le gouvernement népalais, peut-être que je ne me ferai plus avoir. »

Khatri dit qu’il ne connaît aucun de ses pairs qui s’en soient bien sorti sans émigrer à l’étranger. Il ajoute : « La plupart de mes amis, même ceux qui ont tenté de faire quelque chose au Népal, ont échoué et ont dû finalement partir à l’étranger. Je ne pense pas avoir vu un seul de mes amis réussir au Népal. »

Selon un rapport du Centre pour le journalisme d’investigation du Népal, Khatri et d’autres Népalais ont été recrutés par des hommes dénommés Mohan Oli et Nim Bahadur Kunwar (Sushant). La police a une liste de 61 trafiquants impliqués dans le recrutement de Népalais dans l’armée russe et en a déjà mis 22 aux arrêts. Certains ont remboursé les frais et la plupart ont été libérés.

Lire aussi : Graves of Nepali migrant soldiers in Russia shocked their family members (Les tombes de soldats migrants népalais en Russie ont choqué leurs familles)

On estime à quelques milliers le nombre de Népalais dans l'armée russe. Au moins 44 d'entre eux ont été tués au combat, tandis que six ont été capturés et seraient prisonniers de guerre en Ukraine.

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Coup de clairon : Les conséquences d'un second mandat de Trump sur les relations des États-Unis avec l'Inde et le Népalhttps://fr.globalvoices.org/?p=291979http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241127_165502_Coup_de_clairon___Les_consequences_d_un_second_mandat_de_Trump_sur_les_relations_des_Etats-Unis_avec_l_Inde_et_le_NepalWed, 27 Nov 2024 15:55:02 +0000L'administration Trump devrait envisager le Népal comme un État souverain

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Trump 2024 Signage - Onondaga - New York - USA. Image by Adam Jones via Flickr. CC BY.

Affiche Trump 2024. Onondaga, New York, États-Unis. Photographie de Adam Jones via Flickr (CC BY 2.0) [fr].

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages web en anglais.]

Cet article a été écrit par Shristi Karki, et initialement publié dans le Nepali Times le 6 novembre 2024. Cette version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Une onde de choc déferle sur les États-Unis suite au retour de Donald Trump à la Maison Blanche, et à la prise de contrôle par les Républicains du Sénat et peut-être de la Chambre. Les conséquences de ce vote ne concerneront toutefois pas seulement l'Amérique, mais aussi les populations du monde entier.

Pour l'Asie du Sud, elle entraînera principalement des changements dans la manière dont Washington perçoit la Chine et l'Inde et négocie avec elles, ainsi que des conséquences plus incertaines. L'impact sur le Népal sera déterminé par l'évolution des relations des États-Unis avec les deux voisins géants du pays au cours des quatre prochaines années.

« En comparaison avec Kamala Harris, davantage axé sur le multilatéralisme et le maintien des alliés, Donald Trump est plus conflictuel et unilatéral », explique Bimala Rai Paudyel, membre de l'Assemblée nationale et ancienne ministre des Affaires étrangères. « Il est à craindre que les politiques de Donald Trump ne poussent le monde à devenir encore plus polarisé que ce qu'il est aujourd'hui. »

L'Inde et la Chine sauront toutes deux profiter du vide laissé par le retrait de l'Amérique de Donald Trump en matière de leadership mondial et régional. Elles tireront profit de la dilution des relations de Donald Trump avec les alliés traditionnels d'Europe et d'Asie, voire de l'abandon de ces derniers.

Si les liens entre l'Inde et l'Occident sont étroits, New Delhi souhaite depuis longtemps faire cavalier seul. Elle utilise sa puissance économique croissante pour se détourner de l'Union européenne et des États-Unis. Par exemple, l'Inde a réussi à importer du pétrole de Russie en dépit des sanctions occidentales. Cette tendance risque de s'accentuer sous la présidence de Trump.

Akhilesh Upadhyay, chargé de recherche au Centre des affaires stratégiques de l'Institut d'études sur le développement intégré (Strategic Affairs Center, Institute for Integrated Development Studies, IIDS), déclare : « Dans une perspective de sécurité traditionnelle, le Népal se trouve au beau milieu de la Chine et de l'Inde. La Chine et l'Amérique entretiennent une rivalité de grandes puissances, et on ne connaît pas très bien la direction que va prendre l'axe indien. »

L'Inde devrait également en bénéficier si Donald Trump met à exécution ses menaces concernant l’augmentation des droits de douane sur les importations chinoises. Même si l'administration Biden-Harris a sanctionné la Chine avec des droits de douane et autres mesures, Donald Trump s'est montré plus belliqueux à l'égard de Pékin dans le passé.

« D'une part, l'Inde reste proche des États-Unis dans le cadre du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quadrilateral Security Dialogue, QSD ou Quad), d'autre part, elle prend part aux BRICS [fr], où elle œuvre avec la Russie et la Chine, ainsi qu'à la Coopération de Shanghaï. Il reste à voir comment les relations avec les États-Unis vont évoluer avec nos deux grands voisins », ajoute Akhilesh Upadhyay.

Comme l'ennemi d'un ennemi est un ami, Washington a considéré l'Inde comme son rempart contre la puissance économique et militaire croissante de la Chine. New Delhi n'a toutefois pas toujours souscrit aux intérêts stratégiques américains et s'irrite du fait que les États-Unis interviennent trop auprès des petits voisins de l'Inde, tels que le Népal, le Sri Lanka et le Bangladesh.

Image via Nepali Times. Used with permission.

Illustration du Nepali Times, reproduite avec l'autorisation de l'auteur.

En revanche, une administration Trump pourrait limiter l'afflux de travailleurs indiens dans le domaine des technologies de l'information aux États-Unis et aussi restreindre les possibilités d'emploi aux États-Unis pour les étudiants népalais, lesquelles abondaient sous l'administration de Joe Biden.

Certains spécialistes expliquent que le choix du parti à la Maison Blanche ne modifiera pas la politique de l'Asie du Sud et encore moins celle du Népal, mais une victoire de Donald Trump risquerait de se traduire par une diminution de l'aide au développement du Népal, en particulier dans les domaines de la santé génésique, des droits humains et de la protection sociale.

Nischal Pandey, membre du Centre d'études (Centre for South Asian Studies) de l'Asie du Sud à Katmandou, explique que les quelques visites d'État entre les États-Unis et le Népal – du discours du roi Mahendra devant la session conjointe du Congrès américain pendant le mandat du président Eisenhower en 1960 à la réception de Ganesh Man Singh à la Maison Blanche par le président George Bush Sr après 1990, en passant par la visite du secrétaire d'État Colin Powell en 2002 pendant le mandat de George HW Bush – ont toutes eu lieu sous des administrations républicaines.

Il poursuit : « Historiquement, les présidents et les administrations républicains ont été plus sensibles au Népal que les démocrates ».

Plus concrètement, les Népalais désireux d'émigrer aux États-Unis pourraient rencontrer plus de difficultés. Actuellement, environ 300 Népalais sont en attente au Mexique, où des trafiquants d'êtres humains les introduisent clandestinement aux États-Unis, et cette frontière est appelée à devenir encore plus stricte.

En début d'année, l'aéroport de São Paulo, au Brésil, a retenu plus de 150 Népalais qui s'apprêtaient à emprunter la voie détournée du Darien Gap pour rejoindre les États-Unis. Deux cents autres personnes en partance pour le Brésil ont été bloquées à l'aéroport d'Addis-Abeba, contraignant l'Éthiopie à interdire l'octroi de visas aux Népalais.

Le président Trump a menacé le Mexique de frapper les importations de produits mexicains de droits de douane élevés si celui-ci ne stoppe pas les flux migratoires. Il prévoit d’expulser 11 millions de personnes en situation irrégulière.

Les propos musclés de Donald Trump à l'égard de la Chine pourraient s'apparenter à de la politique de la surenchère, et nous verrons avec intérêt de quelle manière il parviendra à trouver un équilibre avec l'alignement sino-russe. Le président Biden n'a ni annulé les interdictions imposées à Huawei ni les restrictions imposées à TikTok, et les préoccupations des États-Unis en matière de sécurité concernant la montée en puissance de la Chine constituent une question bipartisane, tout comme la question de Gaza. Kamala Harris n'aurait probablement pas agi différemment dans ces domaines.

La députée Bimala Rai Paudyal souligne : « La victoire de Donald Trump pourrait provoquer des tensions économiques avec la Chine, ce qui aura des répercussions sur le commerce ici aussi ; c'est une chose à laquelle nous devrons nous préparer. »

Le second mandat de Donald Trump affaiblira l'autorité morale de l'Amérique à sermonner des pays comme le Népal en matière de justice de transition, de droits humains, de démocratie et de liberté de la presse.

La santé génésique et le financement de programmes de planning familial au Népal, par le biais des Nations unies, pourraient également être réduits, comme cela avait été le cas lors de sa précédente présidence. L'aide étrangère octroyée par l'intermédiaire de l'Agence des États-Unis pour le développement international (United States Agency for International Development, USAID) pourrait également se voir réduite.

Toutefois, l'impact le plus indirect de la présidence de Donald Trump au Népal sera peut-être son recul sur l’engagement des États-Unis à maîtriser le changement climatique, au risque d'accélérer la fonte des calottes glaciaires de l'Himalaya et de provoquer un impact majeur sur l'approvisionnement en eau en aval de l'Asie.

« Les engagements et les objectifs climatiques de l'Amérique seront mis à mal par le président Trump, lequel ne croit pas au changement climatique », déclare Bimala Rai Paudyal. « Les recherches actuelles sur les pertes et dommages ainsi que sur les marchés de quotas carbone reposent en grande partie sur le financement américain, et le monde attend des États-Unis une attitude proactive. »

Si Donald Trump parvient à mettre un terme au conflit ukrainien en se rapprochant de Vladimir Poutine, un accord de paix permettrait d'améliorer la situation mondiale en matière d'approvisionnement en carburant et en denrées alimentaires. L'armée russe compte des milliers de Népalais, et au moins quarante d'entre eux ont trouvé la mort, ces derniers pourraient enfin rentrer chez eux.

Akhilesh Upadhyay conclut : « Quant au Népal, l'administration Trump devrait le voir comme une nation souveraine à part entière plutôt qu'à travers le prisme de la rivalité des grandes puissances, à savoir les États-Unis ou la Chine. »

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La nécessité pour les géants de la technologie d'agir davantage en faveur de l'inclusion des langues africaines dans les outils numériques.https://fr.globalvoices.org/?p=292131http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241127_163255_La_necessite_pour_les_geants_de_la_technologie_d_agir_davantage_en_faveur_de_l_inclusion_des_langues_africaines_dans_les_outils_numeriques.Wed, 27 Nov 2024 15:32:55 +0000L'exclusion des langues africaines des outils numériques aggravera davantage le fossé technologique entre l'Afrique et le reste du monde.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des enfants autochtones utilisant un ordinateur portable en Tanzanie. Image provenant de Kureng Workx, sur Pexels (libre d'utilisation).

La multinationale technologique Google a annoncé que 15 langues supplémentaires africaines seraient ajoutées à la recherche vocale Voices Search, à la saisie vocale sur le clavier Gboard et à la dictée dans Google Traduction le 28 octobre.

Le jalon important permettra à 300 millions d'Africains supplémentaires d'interagir avec le web en utilisant leur voix. Cependant, il met également en lumière l'ampleur du travail nécessaire pour combler le fossé numérique entre l'Afrique et le reste du monde.

L'Afrique est le deuxième continent le plus peuplé au monde, avec une population de plus de 1,34 milliards de personnes. Une étude publiée par Statista en juillet 2024 a révélé que ce continent est le plus multilingue au monde avec environ 2 158 langues vivantes. Alors qu'environ 25% (520) des ces langues sont parlées au Nigeria, 277 langues sont parlées au Cameroun et 214 en République démocratique du Congo. Le pays le moins diversifié sur le plan linguistique en Afrique est les Seychelles, où seulement quatre langues sont parlées.

Suite à la nouvelle, Alamazan Jak, utilisateur ougandais du soga, a répondu dans la communauté de traduction de Google :

Cependant, je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que le soga, une langue essentielle parlée dans l'Est de l'Ouganda, ne figure pas parmi les langues listées. En tant que fier locuteur du lusoga, j'attends avec impatience son inclusion.

Cependant, je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que le lusoga, une langue essentielle parlée dans l'Est de l'Ouganda, ne figure pas parmi les langues listées. En tant que fier locuteur du lusoga, j'attends avec impatience son inclusion.

Pourriez-vous partager des informations sur les plans ou les délais pour ajouter le lusoga aux langues prises en charge par Google Translate ? Votre attention à ce sujet serait d'une grande importance pour la communauté lusoga.

Merci pour vos efforts inlassables pour briser les barrières linguistiques. J'attends avec impatience votre réponse.

Ce commentaire souligne que le lusoga et des milliers d'autres langues africaines restent encore exclues, bien que les utilisateurs soient avides d'une représentation linguistique plus large. Le soga (ou lusoga) est une langue parlée par plus de 3 millions de personnes en Ouganda.

À mesure que les technologies d’intelligence artificielle (IA) continuent de se développer et de gagner en popularité dans le monde entier, elles sont intégrées à de nombreux outils pour automatiser les tâches quotidiennes, facilitant souvent la vie et le travail des gens. Bien que l'adoption des outils d'IA progresse chaque jour en Afrique, de nombreux utilisateurs ne peuvent pas encore y accéder dans leurs langues. Si des langues comme le soga ne sont pas incluses dans le développement de ces outils, des centaines de millions d'Africains risquent de ne pas bénéficier des opportunités infinies offertes par l'IA. Cette exclusion ne fera qu'aggraver le fossé technologique entre l'Afrique et le reste du monde.

La barrière linguistique numérique peut freiner la croissance économique de nombreux pays africains en empêchant les locuteurs de langues autochtones d'accéder à des opportunités d'emploi et à des marchés en ligne. L'exclusion des langues autochtones africaines du développement des outils d'IA utilisés dans les écoles pourrait avoir un impact négatif sur les systèmes éducatifs de nombreuses nations. Par ailleurs, l'utilisation de l'IA dans l'éducation à travers le continent reste faible, à seulement 12 %.

The digital language barrier can impede the economic growth of many African countries by hindering speakers of Indigenous languages from accessing job opportunities and online markets. Excluding African Indigenous languages from the development of AI tools used in schools could negatively impact the education systems of many nations. Meanwhile, the use of AI in education across the continent remains as low as 12 percent.

Opportunités pour l'inclusion linguistique en Afrique

L’agriculture est le pilier de l’économie africaine. Le secteur agricole contribue de manière significative au PIB de nombreux pays africains. Plus de 43 % de la population économiquement active d’Afrique vivent de l’agriculture dans des zones reculées. Cependant, de nombreux petits exploitants agricoles africains font face à des défis tels que des conditions météorologiques imprévisibles, l’insécurité des produits, des infrastructures logistiques inadéquates, un accès limité aux services financiers formels, aux marchés numériques, des ralentissements économiques, l’analphabétisme de nombreux agriculteurs, et bien plus encore. L’utilisation de technologies numériques basées sur l’IA s’est révélée efficace pour atténuer ces défis. Cependant, la majorité de ces outils ne sont pas accessibles dans les langues locales des agriculteurs.

L’Afrique regorge d’un riche patrimoine culturel et de traditions diversifiées. La langue est le socle de ces patrimoines et traditions. Les langues servent de réservoirs de connaissances et de traditions, mais elles sont aussi le moyen par lequel le patrimoine culturel d’un groupe est préservé et transmis de génération en génération.

Face au rythme alarmant auquel les langues disparaissent, les Nations Unies (ONU) ont proclamé une décennie pour protéger les langues en danger et préserver le patrimoine commun de l’humanité en 2022. Parmi les 3 000 langues mourantes et en danger qui devraient disparaître d’ici la fin du XXIᵉ siècle, environ 523 sont parlées en Afrique. L’exclusion de ces langues vulnérables du développement des technologies numériques ne fera qu’accélérer la menace d’extinction.

De nombreux entrepreneurs, développeurs et chercheurs africains se sont mobilisés pour intégrer les langues africaines aux technologies. Un bon exemple est Awarri, une startup nigériane qui travaille sur la création du premier grand modèle de langage multilingue du Nigeria. Une startup kenyane, Code Vast, utilise également l’intelligence artificielle pour fournir des conseils de santé rapides dans des langues locales kenyanes comme le swahili, le meru, le kikuyu et le luo. Lelapa AI développe des outils d’apprentissage automatique spécifiquement conçus pour les contextes africains. Une autre startup nigériane, Crop2Cash, a créé une technologie de système téléphonique automatisé appelée FarmAdvice. Cet appareil alimenté par l’IA permet aux petits exploitants agricoles d’accéder à des connaissances agricoles personnalisées et à des services d’assistance en temps réel, dans leurs langues locales, en composant un numéro gratuit sur n’importe quel type de téléphone, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Bien que tous ces efforts soient en cours pour combler cette lacune linguistique, il reste nécessaire d’intégrer davantage de langues, en particulier celles parlées dans les régions où peu ou aucun effort n’est déployé pour réduire la fracture numérique. Les géants de la technologie tels que Meta, Amazon, Uber, IBM, AWS et d'autres organisations dont les technologies sont largement utilisées en Afrique doivent également s’impliquer en donnant la priorité à l’intégration des langues africaines minoritaires dans le développement de leurs produits. Il est essentiel de mettre en place des efforts concertés entre les startups locales et les organismes gouvernementaux pour créer des technologies locales, afin d’atteindre les zones non couvertes par les entreprises étrangères.

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Recul significatif de la liberté d'expression en Guinée Bissauhttps://fr.globalvoices.org/?p=291967http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241126_155630_Recul_significatif_de_la_liberte_d_expression_en_Guinee_BissauTue, 26 Nov 2024 14:56:30 +0000Le salaire moyen d'un journaliste est de 53 dollars

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Carte de la Guinée-Bissau. Capture d'écran de la chaîne YouTube d'African Tigress

Dans le rapport 2024 de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté d'expression, la Guinée Bissau se classe au 92è rang alors qu'elle occupait la 78è place en 2023. Une régression spectaculaire en un an qui illustre la détérioration de la situation dans le pays d’Umaro Sissoco Embalo, au pouvoir depuis 2020.

Dans ce pays d'Afrique de l'ouest de plus de 2,2 millions d'habitants, les professionnels de médias témoignent de pressions politiques et d'affaires de corruption, et d'une situation financière précaire.

Pressions politiques

Selon une analyse de RSF, les politiques contrôlent souvent les médias en Afrique. En Guinée-Bissau, les journalistes n'échappent pas à cet état de fait. Le rapport annuel de Freedom House intitulé “Freedom in the world 2024” (La liberté dans le monde en 2024) confirme ce constat:

(…)However, journalists regularly face harassment and intimidation, including pressure regarding their coverage from political figures and government officials. Journalists and media facilities have been the targets of violence.

In recent years, armed men—some dressed in military clothing—have repeatedly attacked the privately owned Radio Capital FM station, which is allied to the PAIGC, vandalizing its offices and destroying broadcasting equipment.

(…)Toutefois, les journalistes sont régulièrement victimes de harcèlement et d'intimidation, y compris de pressions concernant leur couverture par des personnalités politiques et des responsables gouvernementaux. Les journalistes et les médias ont été la cible de violences. Ces dernières années, des hommes armés, certains habillés de vêtements militaires, ont attaqué à plusieurs reprises la station privée de Radio Capital FM, qui est alliée au Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), vandalisant ses bureaux et détruisant du matériel de radiodiffusion.

Les médias ne sont pas les seuls visés: en témoigne l'attaque par des hommes armés dont a été victime, en février 2022, Rui Landim, analyste politique critique envers Umaro Sissoco Embalo à son domicile. Cité dans un article de Guinée Signal, Rui Landim déclare:

Je suis dans la maison juste avec les enfants. Ils sont dehors en train de tirer à la porte. Ils ont lâché des gaz lacrymogènes dans la chambre de ma petite-fille…Ils ont insisté mais n’ont pas pu en raison de l’intervention des voisins. Mais il y a des rapports selon lesquels ils sont dans les environs en attendant le retour du « silence de la nuit ». Les enfants paniquent et pleurent.

Pas plus tard que ce 20 novembre, les journalistes Carabulai Cassama de Capital FM et Turé da Silva ont été victimes de violences de la part de la police. L'information a été publiée sur X (ex-Twitter) par Jair dos Santos, un lanceur d'alerte bissau-guinéen.

Guinée-Bissau : Le journaliste Carabulai Cassamá de Capital FM Radio a été brutalement battu aujourd'hui, 20 novembre, par la police alors qu'il couvrait une veillée étudiante. Hospitalisé  et placé sous observation médicale, son matériel, dont deux téléphones et un trépied, a été confisqués. #Liberté de la presse Droits de l'homme

pic.twitter.com/q9x9DzMVUx

🇬🇼𝓙𝓪𝓲𝓻 𝓭𝓸𝓼 𝓢𝓪𝓷𝓽𝓸𝓼🇬🇼🇸🇳🇬🇲🇬🇳 (@Hypercutt) November 20, 2024

Les périodes électorales sont souvent les moments propices pour les acteurs politiques de mettre en œuvre, directement ou non, ce genre de pressions sur les professionnels de médias.

Précarité financière

Dans le pays, les médias ne disposent pas de ressources financières suffisantes pour travailler en toute indépendance. Le revenu moyen dans le pays est de 68 dollars américains, et le salaire moyen mensuel des journalistes bissau-guinéens est 53 dollars américains.

VOA Afrique indique dans un article sur l'environnement médiatique bissau-guinéens que les médias se tournent souvent vers les organisations internationales pour compléter leurs budgets:

Media organizations are preparing coverage proposals to present to international partners, particularly the United Nations Development Program (UNDP). These proposals often include requests for per diems to pay for transportation, food, lodging and communication for journalists.

Les médias préparent des propositions de couverture à présenter aux partenaires internationaux, en particulier le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Ces propositions incluent souvent des demandes d'indemnité journalière de subsistance pour les frais de transport, de nourriture, de logement et de communication destinées aux journalistes.

Toujours dans le même article, VOA Afrique soutient que dans de telles conditions de travail, les journalistes se tournent aussi vers les acteurs politiques pour bénéficier de certains privilèges:

As a result, many will either accept or turn to political candidates or parties for travel support, creating a relationship that compromises journalistic independence.

En conséquence, beaucoup accepteront ou se tourneront vers des candidats politiques ou des partis pour obtenir un soutien aux frais de voyage, créant une relation qui compromet l'indépendance des journalistes.

Déjà frappés par des difficultés économiques, les médias font face à une nouvelle loi sur l'exploitation des médias depuis décembre 2022, qui les pénalise dans l'obtention et le renouvèlement annuel des licences.

Le gouvernement annonce que les télévisions devront débourser 500 millions de francs CFA (plus de 8 millions de dollars américains) au lieu de 7 millions de francs CFA (plus de 11 000 dollars américains) pour obtenir la licence d'exploitation. De plus, le renouvellement de la licence passe de 1 million (1 622 dollars américains) à 125 millions de francs CFA (plus de 200 000 dollars américains). Les radios nationales, devront payer 10 millions (16 220 dollars américains) au lieu de 1,5 million de francs CFA (2 433 dollars américains) pour leur licence.

L'impossibilité de payer de telles sommes peut entraîner la fermeture des chaînes radio et télévisions, mais aussi l'emprisonnement des responsables des médias. Dans son rapport “Freedom in the world 2024” cité plus haut, l'organisation précise :

(…)nonpayment of fees can incur harsh criminal penalties, including up to three years’ imprisonment for the station’s owner. In April 2022, the government ordered the closure of 79 radio stations for nonpayment of broadcast licensing fees. All but two of the stations resumed broadcasting later that month after civil society organizations helped them negotiate staggered payments to the government.

(…)le non-paiement des redevances peut entraîner des sanctions pénales sévères, y compris jusqu'à trois ans d'emprisonnement pour le propriétaire de la station. En avril 2022, le gouvernement ordonne la fermeture de 79 stations de radio pour non-paiement des droits de licence. Toutes les stations, sauf deux, ont repris la radiodiffusion plus tard dans le mois après que les organisations de la société civile les ont aidés à négocier des paiements échelonnés au gouvernement.

Sur l'index de perception de la corruption de Transparency International en 2023, la Guinée Bissau se positionne à la 158è place sur 180 pays. Ce classement montre le dégré de corruption dans le pays. Freedom House dans son rapport “Freedom in the world 2024” ajoute:

Corruption is pervasive, including among senior government figures. Both military and civilian officials have been accused of involvement in the illegal drug trade.

La corruption est omniprésente, y compris parmi les hauts fonctionnaires. Des responsables militaires et civils ont été accusés d'être impliqués dans le commerce illicite de la drogue.

Autant de maux qui touchent la Guinée Bissau alors que le pays qui avait prévu des élections législatives anticipées le 24 novembre 2024, les reporte pour des raisons politiques et institutionnelles, selon un article de Radio France Internationale (RFI).

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Au Burkina-Faso un festival investit la rue pour témoigner des crises et exprimer la résiliencehttps://fr.globalvoices.org/?p=292186http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241126_144525_Au_Burkina-Faso_un_festival_investit_la_rue_pour_temoigner_des_crises_et_exprimer_la_resilienceTue, 26 Nov 2024 13:45:25 +0000A travers l'art, les burkinabé s’opposent à la violence et l'instabilité

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Une installation scénographique lors du festival dans la Rue Les Recreâtrales, site du festival à Ouagadougou ; Photo de Joel Hevi

Depuis 2015, le Burkina-Faso fait face à une crise sécuritaire, due principalement aux  attaques djihadistes de groupes armés qui mettent en danger les populations civiles. Dans ce contexte d'insécurité permanente, l’art devient un outil d’expression et de résilience.

Le festival Les Récréâtrales est une des principales manifestations artistiques du pays. Cette année, il a eu lieu du 24 octobre au 2 novembre à Ouagadougou, capitale politique du Burkina Faso, pour rendre hommage aux arts vivants à l'occasion de sa 13e édition. L'évènement culturel incarne un acte de résistance et symbolise l'espoir de nombreux Burkinabés.

S’opposer à la violence et l'instabilité

Le festival s’est déroulé sous le thème de “Tourner la face au soleil,” une métaphore de la lumière et de la paix, en opposition à l’obscurité de la violence et de l’instabilité. Ce thème résonne particulièrement fort dans un pays où la guerre et les attaques terroristes ont bouleversé les vies de millions de personnes. Aristide Tarnagda, directeur artistique des Récréâtrales et membre du comité d’organisation explique à Global Voices l'importance du festival:

C’est nous inviter à aller vers la meilleure part de nous-mêmes, à sortir de l’ombre mais surtout à ce que le pays se mette ensemble, s’unisse, ensemencer la joie pour le retour de la fraternité, de l’amitié, de l’intégrité. Et que ce pays se relève.

Le festival s'est déroulé dans une rue surnommée “Rue des Récréâtrales“, sise dans la commune portant le même nom que Ouagadougou la capitale dans la province de Kadiogo dans la région du Centre. Le parcours du festival est parsemé d’œuvres monumentales réalisées à partir de matériaux recyclés, représentant des formes humaines, des chromosomes et des étoiles, créant une ambiance surréaliste et immersive.

L’architecture de la rue elle-même se transforme en une scène vivante, où l’art devient à la fois un espace de réflexion et un refuge, permettant aux spectateurs de déambuler d’une cour à l’autre tout en restant immergés dans l’univers des Récréâtrales. Cette scénographie vivante est animée par des stands de gastronomie et de créations artistiques.

Une illustration scénographique au rond-point des Récréâtrales, ancienne Rue 9.32, à Gounghin, dans le quartier bougsemtenga ; Photo de Joel Hevi

Depuis sa création en 2002, “Les Récréâtrales” a pour ambition de rassembler les artistes africains autour de la scène contemporaine. L'édition 2024 a tenu cette promesse. La programmation, qui mêle art visuel, danse, musique et théâtre, a offert un espace pour des performances marquées par la puissance des récits humains et des témoignages de vie. Chaque spectacle crée une plateforme de dialogue sur les défis sociaux et politiques qui traversent le continent africain. Les Récréâtrales continuent ainsi de faire résonner les voix de ceux qui, à travers l’art, cherchent à toucher, guérir et transformer leur société.

Lire aussi: Au Burkina Faso, l'artiste Fasky met la photographie au service de la résilience et de l'engagement social

Pièce théâtrale pour partager des expériences de vie

C’est d’ailleurs cette dimension profondément humaine que le festival a voulu mettre en avant, avec des créations comme la pièce Tu dis PDI qui a réuni des personnes déplacées internes (PDI) venues de Kaya (ville située dans le département Kaya dans la région Centre-Nord) et de Tenkodogo (située dans la commune urbaine de Tenkodogo, dans la région du Centre-Est) ainsi que des jeunes du quartier Bougsemtenga. Dans cette œuvre, la voix des victimes de l’insécurité est portée sur scène. Les acteurs, tous non professionnels, ont l’occasion de partager leurs expériences de vie et de revendiquer leur place dans la société. À travers ce projet, les Récréâtrales démontrent que l’art n’est pas qu’un moyen d’évasion, mais un véritable outil de résistance et de guérison. Vincent Kaboré, comédien et metteur en scène, explique l’importance de ce projet :

“Nous, artistes au Burkina, nous sommes dits à un moment donné qu’il fallait intervenir dans la lutte contre la radicalisation, l'extrémisme violent. Nous nous sommes dit que nous pouvions nous adresser à nos frères et sœurs qui ont subi des traumatismes par l'art. L'armée fait ce qu'il faut sur le terrain et nous devons aussi apporter notre part pour soigner les âmes. Parce que c’est sûr qu’avec les armes, on peut arriver à reconquérir le territoire, mais c’est par l'art qu’on pourra reconquérir les âmes. Nous avons utilisé ce long processus d’accompagnement artistique pour aboutir à ce spectacle, Tu dis PDI. C’est à travers des ateliers en danse, en théâtre, en peinture et en musique que nous avons pu créer ce moment de réflexion et de guérison collective.”

Tu dis PDI  rappelle aux spectateurs que l’être humain demeure maître de son histoire, de ses luttes et de ses rêves. Ce type de spectacle prend une résonance particulière dans le contexte burkinabé actuel, où la guerre force plus de 2 millions de personnes à fuir leurs foyers. Comme le souligne Kaboré:

L’objectif de la création est de questionner la manière d’aborder et de prendre soin de ceux qui vivent cette souffrance. Dans mon pays, logiquement, je suis chez moi partout où je mets le pied. Donc être déplacé, interne, encore dans mon pays, c’est assez lourd à porter.

Par ce spectacle, les artistes espèrent apporter une réponse artistique à la douleur des déplacés et offrir une forme de visibilité pour ceux qui ont perdu tout ce qu’ils avaient. Les Récréâtrales réaffirment le rôle de la culture burkinabè autour de valeurs communes : la solidarité, l’espoir et la dignité humaine.

La poésie dans la rue

La scène des Récréâtrales est aussi marquée par des moments de poésie visuelle et musicale, avec des installations artistiques et des performances qui invitent à la contemplation. La rue Bougsemtenga permet aux habitants et visiteurs de participer activement à la création. Dans un contexte mondial marqué par la montée des tensions et des conflits, les Récréâtrales démontrent que la culture peut être un vecteur de paix et d’unité.

Dans ce élément vidéo de la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB), participants et acteurs se prononcent:

 

Lancé lors de cette 13è édition, le prix des Récréâtrales est décerné à l’écrivain congolais Israël Nzila pour sa pièce Silence. Cette récompense est attribuée pour souligner l’importance de la création théâtrale contemporaine en Afrique, un continent où l’écriture et la scène sont des moyens puissants de dénoncer les injustices et de revendiquer la parole. Le festival permet ainsi de valoriser des talents émergents.

La 13e édition des Récréâtrales montre que l'art est une façon de sublimer les blessures du pays et de resserrer les liens sociaux en temps de crise sécuritaire.

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Brésil : que va-t-il se passer maintenant, après la condamnation des assassins de Marielle Franco ?https://fr.globalvoices.org/?p=292058http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241122_160438_Bresil___que_va-t-il_se_passer_maintenant__apres_la_condamnation_des_assassins_de_Marielle_Franco__Fri, 22 Nov 2024 15:04:38 +0000Six ans et sept mois après l'assassinat de la politicienne brésilienne et de son chauffeur, deux hommes ont été condamnés pour ce crime

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

La famille de Marielle Franco — sa fille Luyara Santos, sa mère Marinete da Silva, sa sœur Anielle et son père Antônio da Silva Neto — arrivent au tribunal pour le procès sur les meurtres de l'homme politique et de son chauffeur, Anderson Gomes . Photo de Tomaz Silva/Agência Brasil, utilisée avec autorisation.

[Toutes les références dans le texte sont en portugais, sauf indication contraire.]

Le 31 octobre, six ans, sept mois et 17 jours après l'assassinat de la conseillère municipale de Rio de Janeiro Marielle Franco et de son chauffeur Anderson Gomes, un jury populaire a condamné deux hommes pour ce crime. Ronnie Lessa et Élcio Queiroz ont été condamnés à des peines de 78 ans et neuf mois et 59 ans et huit mois de prison. Le ministère public, qui avait requis 84 ans de prison, a annoncé qu'il ferait appel.

Ce verdict semble être la première étape d'un long chemin vers la justice pour l'un des crimes les plus marquants de l'histoire politique du Brésil. Depuis la nuit du 14 mars 2018, lorsque la voiture de Franco a été prise dans une embuscade et qu'elle a été assassinée aux côtés d'Anderson, son nom et son visage sont devenus un symbole de la force et des risques que courent les femmes noires en politique dans le monde entier.

Lors de sa sentence, la juge Lúcia Glioche a parlé de la signification de la justice dans cette affaire, affirmant que le jury lui-même est d'essence démocratique et que la démocratie était quelque chose que Marielle a toujours défendu. Elle poursuit :

A Justiça por vezes é lenta, é cega, é burra, é injusta, é errada, é torta, mas ela chega.

A Justiça chega mesmo para aqueles que, como os acusados, acham que jamais vão ser atingidos pela Justiça. Com toda dificuldade de ser interpretada e vivida pelas vítimas, a Justiça chega aos culpados e tira deles o bem mais importante depois da vida, que é a liberdade.

La Justice est parfois lente, aveugle, stupide, injuste, erronée, tortueuse, mais elle est finalement rendue.

La Justice punit même ceux qui, comme les accusés, se croient intouchables. Malgré les toutes les difficultés rencontrées par les victimes dans l'interprétation et l'exercice de la Justice, les coupables sont enfin jugés et doivent renoncer au bien le plus important après la vie elle-même, la liberté.

Dans une interview au journal Folha de S. Paulo, la sœur de Franco, Anielle Franco, qui est actuellement ministre de l'Égalité raciale sous le gouvernement de Luiz Inácio Lula da Silva, a parlé de la signification de la sentence pour sa famille :

A gente preferia mil vezes a Mari aqui. Mas olhar para trás e ver tudo que a gente fez foi um sentimento de que a justiça começou a ser feita, de que a nossa luta tem valido a pena. Mas a nossa dor e a falta da Mari vão continuar.

A justiça chegou para a minha família. Infelizmente, não chega para muitas das famílias do nosso país, mas ali não era só pela Mari, pelo Anderson, era por todos aqueles familiares de vítimas de violência.

Nous aurions mille fois préféré que Mari soit là. Mais en regardant en arrière et en voyant tout ce que nous avons fait, nous avons le sentiment que la justice a commencé à être rendue, que notre combat en valait la peine. Mais notre douleur liée à l'absence de Mari ne disparaîtra jamais.

Ma famille a obtenu justice. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour beaucoup de familles dans notre pays, mais cette affaire ne concernait pas seulement Mari, ni Anderson, mais toutes les familles de victimes de violence.

Anielle Franco et Monica Benício, la sœur et veuve de Marielle, célèbrent le verdict. Photo de Tânia Rêgo/Agência Brasil, utilisée avec autorisation.

Pendant des années, Lessa et Queiroz, arrêtés en mars 2019, à l’approche du premier anniversaire du meurtre, ont nié être responsables du crime. Leur version des faits a changé en 2023 après avoir signé des accords avec l'accusation, ce qui a permis d'établir qui avait ordonné le meurtre de Marielle. L’accord pourrait également réduire leurs peines de prison.

Lessa et Queiroz sont tous les deux d'anciens policiers militaires. Lessa, qui était un mercenaire, comme l'a rapporté le journal O Globo, avait commandité l'assassinat de Franco le soir du Nouvel An, quelques mois avant son meurtre. Il vivait dans le même complexe résidentiel que l'ancien président Jair Bolsonaro, à Rio, un endroit appelé Vivendas da Barra, où la police a trouvé un arsenal contenant des pièces de 117 fusils.

Selon l'enquête et leurs propres aveux, Lessa, qui a été condamné à une peine plus longue, était la personne qui a appuyé sur la gâchette et tiré sur la voiture de politicienne, tandis que Queiroz était le conducteur chargé d'aligner les véhicules pour l'exécution.

Après l'accord, ils ont affirmé que le crime avait été commandité par les frères Chiquinho et Domingos Brazão, avec l'aide d'un enquêteur de police, Rivaldo Barbosa, identifié comme le cerveau derrière le meurtre. Les trois hommes ont été arrêtés en mars 2024 et ont nié les accusations.

Les deux frères Brazão ont une carrière politique : Chiquinho a été député fédéral, tandis que Domingos est un ancien conseiller municipal et député d'État. Domingos est considéré comme suspect depuis 2019. Les frères et trois autres suspects seront jugés par la Cour suprême (STF) alors que Chiquinho, en sa qualité de député, sera jugé séparément.

Selon le Bureau du Procureur général (PGR), Franco a été tué pour protéger les intérêts financiers d'une milice locale (groupes paramilitaires formés de policiers retraités et en activité à Rio) et pour décourager d'autres actions de l'opposition politique, a rapporté Agência Brasil. Franco était affilié au PSOL (Parti Socialisme et Liberté) [fr], un parti de gauche.

Le père de Franco, Antônio Silva, tel que rapporté par le média Metropoles, a déclaré :

Hoje tivemos uma resposta com a condenação dos réus confessos. Para nós, era de suma importância a condenação deles. Se a Justiça não tivesse condenado esses assassinos cruéis, não teríamos um minuto de sossego. Agora a pergunta que vamos fazer é: quando serão condenados os mandantes?

Aujourd'hui, nous avons obtenu une réponse avec la condamnation des meurtriers. Pour nous, il était extrêmement important qu'ils soient condamnés. Si la justice n'avait pas condamné ces meurtriers cruels, nous n'aurions pas eu une minute de répit. Maintenant, la question que nous nous posons est la suivante : quand les commanditaires du crime seront-ils condamnés ?

Les manifestants réclament justice pour Marielle Franco et Anderson Gomes avant leur procès à Rio de Janeiro. Photo de Tomaz Silva/Agência Brasil, utilisée avec autorisation.

Marielle Franco, une femme noire queer, est née et a grandi dans la favela de Maré, l'un des plus grands de la ville de Rio de Janeiro, et a été élue conseillère municipale pour la première fois en 2016. Elle a reçu 46 502 voix, se classant ainsi au cinquième rang des conseillers municipaux ayant obtenu le plus de voix lors de cette élection.

Dans la nuit du 14 mars 2018, elle participait à une table ronde sur les femmes noires dans le centre-ville de Rio lorsque les tueurs se sont approchés de sa voiture en mouvement et l'ont tuée de quatre balles au visage.

Après le crime, la question « Qui a tué et qui a ordonné le meurtre de Marielle et Anderson ? » a fait écho dans les manifestations du monde entier. Un panneau bleu marine, utilisé pour identifier les rues au Brésil et portant son nom, est également devenu un symbole dans les manifestations. Le premier a été installé dans le quartier de la mairie, Cinelândia, mais après sa destruction par un candidat au Congrès, plus de 30 000 panneaux ont été créés et distribués.

Pour perpétuer son héritage et les questions traitées par son cabinet, un institut portant le nom de Marielle a été créé par sa famille, et depuis, plusieurs candidats inspirés par la politicienne se sont présentés aux élections nationales et municipales.

Sa veuve, Monica Benício, est actuellement conseillère municipale réélue depuis 2020, et sa sœur, Anielle, est devenue ministre de l'Égalité raciale dans le gouvernement du président Lula en 2023. La fille de Marielle, Luyara, a déclaré à O Globo :

A minha mãe me ensinou a fazer política de várias formas, não só de forma partidária. Hoje temos o Instituto Marielle Franco e eu estou como diretora de legado, onde nós preservamos a memória dela. A minha forma de fazer política e de estar com os movimentos é essa.

Acho que a dor e o vazio nunca vão embora, eles vão estar aqui eternamente. (…) Só espero que eu continue amadurecendo mais, levando o legado e fortalecendo a história dela, da mesma forma que ela sempre me fortaleceu e faz isso até hoje.

Ma mère m'a appris qu'il y a plusieurs façons de faire de la politique, pas seulement à travers les partis. Aujourd'hui, nous avons l'Institut Marielle Franco dont je suis la directrice, et où nous préservons sa mémoire. C'est ma façon de faire de la politique et d'être avec les mouvements.

Je pense que la douleur et le vide ne disparaîtront jamais, ils seront là pour toujours. (…) J'espère seulement continuer à mûrir, à transmettre son héritage et à renforcer son histoire, tout comme elle m'a rendu plus forte et le fait encore.

Des manifestants brandissent des tournesols avec des messages disant : « Je veux que justice soit rendue pour Marielle et Anderson » avant le procès à Rio. Photo de Tomaz Silva/Agência Brasil, utilisée avec autorisation.

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Sri Lanka : les raisons de la persistance de la pauvreté et de la malnutrition au lendemain de la crise économiquehttps://fr.globalvoices.org/?p=291805http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241120_192623_Sri_Lanka___les_raisons_de_la_persistance_de_la_pauvrete_et_de_la_malnutrition_au_lendemain_de_la_crise_economiqueWed, 20 Nov 2024 18:26:23 +0000Depuis la crise économique de 2019, quatre millions de Sri Lankais sont tombés dans la pauvreté

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

During the 2022 Sri Lankan economic crisis, people endured long waits to refill liquefied petroleum gas cylinders. CC BY-SA 4.0

Pendant la crise économique de 2022 au Sri Lanka, les gens ont dû attendre longtemps pour remplir leurs bouteilles de gaz. Image d'AntanO via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

Cet article de Nimaya Dahanayake a été publié à l’origine sur Groundviews, un site de journalisme citoyen primé au Sri Lanka. Une version modifiée est publiée ci-dessous dans le cadre d’un accord de partage de contenu avec Global Voices.

Seetha est une femme âgée qui s’occupe de ses trois petits-enfants, tous âgés de moins de 15 ans. Elle vit dans une partie de la maison de sa fille décédée, où l’électricité est coupée depuis trois mois en raison de factures impayées. Elle gagne sa vie en vendant des chips de manioc et reçoit environ 700 à 800 LKR (2,4 à 2,7 USD) par jour, dont 500 LKR (1,7 USD) sont dépensés en nourriture.

Comme il n’y a pas d’électricité, elle utilise chaque jour trois à quatre bougies qu'elle achète au prix de 30 LKR (0,10 USD) chacune. Au moins trois jours par semaine, Seetha ne peut se permettre qu’un seul repas. Ses petits-enfants vont à l’école quand ils le peuvent, et y restent souvent lorsqu'ils n’ont pas les moyens de payer le transport et la nourriture. Malgré sa situation financière difficile, la seule aide gouvernementale dont elle bénéficie est une allocation aux personnes âgées, qui s'élève à seulement 1 000 LKR (3,4 USD) par mois. Elle ne reçoit aucune autre aide financière du gouvernement.

L’éradication de la pauvreté a été l’un des axes majeurs de la campagne présidentielle des principaux candidats à l’approche de l’élection présidentielle de septembre dernier. Les promesses de « faire de la pauvreté une chose du passé » et fournir un « système de protection sociale universel » visaient à exprimer une certaine sensibilité des candidats à la présidence à l’égard de la situation critique de nombreux Sri Lankais, dont 25,9 % vivent sous le seuil de pauvreté depuis 2023, suite à la pire crise économique depuis l’indépendance.

En août 2024, le seuil de pauvreté officiel, qui correspond aux dépenses minimales par personne et par mois pour satisfaire ses besoins élémentaires au niveau national, était de 16 152 LKR (54,9 USD, taux de change 1 USD = 294,27 LKR), contre 6 966 LKR (38,35 USD) en 2019 (taux de change 1 USD = 181,63 LKR). Une étude, publiée par LIRNEasia en 2023, a révélé que quatre millions de Sri Lankais sont tombés dans la pauvreté depuis 2019. Le rapport de la Banque mondiale intitulé Sri Lanka Development Update (« Mise à jour sur le développement du Sri Lanka ») pour octobre 2024 souligne que malgré une croissance économique, les niveaux de pauvreté et de vulnérabilité sont élevés, l'insécurité alimentaire est généralisée et les résultats en matière de santé se sont détériorés. Si un semblant de stabilité a été obtenu grâce à des réformes clés, les statistiques officielles démentent la réalité de nombreux ménages.

La crise économique et les mesures à court terme prises à la hâte pour y faire face, notamment les hausses d’impôts, les coupes budgétaires et l’ajustement des prix de l’énergie et des services publics aux coûts, ont aggravé la pauvreté. La crise a peut-être aussi remis en cause certains stéréotypes associés à la pauvreté avec l’émergence d’une « pauvreté cachée » ou d’une « pauvreté de la classe moyenne », montrant que « l'ampleur de la pauvreté au Sri Lanka est plus importante que ce que prétendent les statistiques officielles ».

Au plus fort de la crise économique en 2022, avec des niveaux élevés d’inflation alimentaire, des pertes de moyens de subsistance et une baisse des revenus des ménages, ces derniers avaient du mal à s’offrir des repas nutritifs. Une étude menée par le Colombo Urban Lab auprès des communautés à faible revenu de Colombo a révélé que les effets combinés de la pandémie de COVID-19 et de la crise économique ont entraîné une réduction de la quantité et de la qualité des aliments consommés. Les familles réduisent leur consommation de fruits et légumes frais en raison d'autres dépenses courantes.

In 2021, windmills located in Mannar in Sri Lanka's Northern Province were launched. Image by Malitha Daminda via Wikimedia Commons. CC BY-SA 4.0.

En 2021, des éoliennes ont été mises en service à Mannar, dans la province du Nord du Sri Lanka. Image de Malitha Daminda via Wikimedia Commons. (CC BY-SA 4.0).

Un rapport récent d’une commission parlementaire, chargée d’examiner le problème de la malnutrition infantile, a révélé qu’au cours des six derniers mois de 2022, 74 % des ménages interrogés n’avaient pas les moyens d’acheter de la nourriture ou des produits de première nécessité. Quatre-vingt-dix-huit pour cent de la population ont été touchés par la hausse des prix des denrées alimentaires suite à la crise économique. En conséquence, seulement 53 % de la population était en mesure de s’offrir une alimentation nutritive. Le rapport considère la sécurité alimentaire au niveau des ménages comme un facteur déterminant ou contributif de la malnutrition. Le Programme alimentaire mondial (PAM) note que près d’un tiers des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition.

Le rapport Household Food Security Overview for 2023 du PAM sur la sécurité alimentaire des ménages pour 2023, estime qu'à l'échelon national, 24 % des ménages étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée en août et septembre 2023. Le rapport compare les niveaux d’insécurité alimentaire en mars (17 % des ménages) et en août (24 % des ménages) de l’année dernière et attribue son augmentation à une baisse de la consommation alimentaire des groupes vulnérables tels que les journaliers et ceux qui dépendent de l’aide sociale. Le rapport souligne également que les ménages consacrent plus de 62 % de leurs dépenses totales à l’alimentation. Cela signifie que le montant d’argent restant pour d’autres biens et services essentiels tels que la santé, l’éducation et les services publics diminue inévitablement, privant les ménages d’une bonne qualité de vie.

Dans un contexte inédit d'augmentation des dépenses, les ménages adoptent plusieurs stratégies d’adaptation, comme mettre en gage des bijoux, se déconnecter du réseau électrique et, parfois, vendre des compléments alimentaires fournis par le gouvernement pour gérer leurs dépenses. Dans certains cas, les ménages sont également à court de stratégies.

Ils ont également commencé à recourir à des stratégies d’adaptation négatives liées à l’alimentation, notamment en réduisant le nombre de repas et la diversité des aliments consommés. Malgré cela, les parents ou les adultes donnent généralement la priorité à la santé de leurs enfants au détriment de leur propre bien-être et essaient de leur proposer des aliments nutritifs qui coûtent souvent trop chers pour le reste de la famille.

Un rapport de synthèse de la Direction de la santé familiale du Ministère de la Santé  en 2024 indique que plus de 10 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë sévère. Beaucoup de ces enfants n’ont pas une alimentation adéquate en raison de la quantité insuffisante de nourriture consommée pour leur repas principal.

Une étude menée par le Colombo Urban Lab auprès de communautés à faible revenu a révélé que la plupart des enfants scolarisés ne reçoivent pas de repas de midi à l’école. La réglementation sur les types d’aliments autorisés (les petits pains et les biscuits sont déconseillés) oblige les familles à donner à leurs enfants du riz et du curry ou des légumineuses, lesquels coûtent plus chers, ce qui entraîne l’absentéisme de ces enfants qui ont peur d'être montrés du doigt à l'école.

La malnutrition maternelle est également une préoccupation majeure, en particulier au lendemain de la crise économique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que la nutrition maternelle est essentielle à la croissance du fœtus et qu’une mauvaise alimentation entraîne souvent des conséquences à long terme, irréversibles et néfastes pour le fœtus. Au plus fort de la crise économique, en 2022, le gouvernement n’a pas été en mesure de soutenir le programme Thriposha, un complément nutritionnel fourni aux femmes enceintes et allaitantes jusqu’à ce que le nourrisson ait atteint l’âge de six mois. Selon une étude du PAM, Thriposha réduit le coût d’un régime alimentaire de 20 % car il est fourni gratuitement et répond aux besoins en micronutriments et en protéines des femmes enceintes et allaitantes.

Thriposha product and program. Image by Irwin Hornstein, USAID, via Wikimedia Commons. Public Domain.

Produit et programme Thriposha. Image d'Irwin Hornstein, USAID, via Wikimedia Commons. Domaine public.

Comprendre la nature nuancée et dynamique de la pauvreté à laquelle sont confrontés le Sri Lanka, ainsi que ses différents impacts, est une première étape nécessaire pour élaborer des politiques et optimiser les filets de sécurité sociale qui contribueront à améliorer le bien-être général des millions de Sri Lankais qui vivent aujourd’hui dans la pauvreté.

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Pakistan : Donald Trump peut-il venir en aide à Imran Khan ?https://fr.globalvoices.org/?p=291977http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241119_171315_Pakistan___Donald_Trump_peut-il_venir_en_aide_a_Imran_Khan__Tue, 19 Nov 2024 16:13:15 +0000Beaucoup s'interrogent sur une intervention de Donald Tump dans la politique pakistanaise

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

President Trump Meets with the Prime Minister of Pakistan. July 22, 2019, White House. Image via Flickr by Trump White House. Public Domain.

Le président américain Donald J. Trump reçoit le Premier ministre de la république islamique du Pakistan, Imran Khan, le lundi 22 juillet 2019, dans le hall d'entrée de l'aile ouest de la Maison Blanche (photo officielle de la Maison Blanche prise par Joyce N. Boghosian). Photographie via Flickr par les « Archives de la Maison Blanche de Trump » (Trump White House Archives). Domaine public [fr].

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages web en anglais.]

Depuis longtemps, le lien complexe entre les États-Unis et le Pakistan est empreint d'un mélange de coopération et d'hostilité profonde découlant de liens diplomatiques conflictuels, de la politique nucléaire et de questions régionales, notamment la guerre d'Afghanistan. Pour de nombreux Pakistanais, les États-Unis sont perçus comme une force extérieure qui interfère dans leurs affaires intérieures, un récit façonné par des décennies de troubles politiques, de fluctuations économiques et d'opérations militaires, en particulier pendant la « guerre contre la terreur » [fr] menée par les États-Unis.

Ce récit a été renforcé par la destitution de l'ancien Premier ministre Imran Khan il y a deux ans. Celui-ci a alors rapidement accusé les États-Unis d'être à l'origine de sa chute. Imran Khan a été démis de ses fonctions en 2022 après un vote de défiance du parlement pakistanais. Il a été condamné à dix ans de prison pour corruption en janvier 2024, quelques semaines avant les élections générales pakistanaises de février. Toutefois, l'ancien joueur de cricket devenu homme politique a déclaré que les hauts gradés de l'armée de son pays et Washington avaient conspiré en vue de le destituer de ses fonctions. Cette affirmation n'a pas été vérifiée, mais une grande partie de ses partisans l'ont cru.

Aujourd'hui, après la victoire décisive de Donald Trump sur Kamala Harris lors de l'élection présidentielle américaine de 2024, les partisans d'Imran Khan, l'ancien Premier ministre pakistanais incarcéré, sont convaincus que Donald Trump prendra le temps de tweeter sur sa situation. Les deux dirigeants partagent apparemment un lien fort, depuis la visite d'Imran Khan, alors premier ministre, à la Maison Blanche en juillet 2019. Cette rencontre a été considérée comme une victoire diplomatique pour Imran Khan, renforçant sa stature internationale et laissant présager un réchauffement des relations entre les États-Unis et le Pakistan.

En souvenir de cette époque, les partisans d'Imran Khan, y compris une grande partie de la communauté pakistanaise installée aux États-Unis forte de 625 000 personnes, estiment que le président Trump pourrait être disposé à défendre les intérêts de l'ancien premier ministre au cours de son second mandat. Lorsque Donald Trump exerçait la fonction de président, il a rencontré Imran Khan (alors premier ministre) à plusieurs reprises, y compris à la Maison Blanche. Lorsque les deux dirigeants se sont rencontrés à nouveau en janvier 2020, en marge du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, le président Trump a décrit Imran Khan comme étant un « très bon ami à moi ».

La communauté pakistanaise des États-Unis a noué des liens étroits avec la campagne de Trump et s'est engagée à lui apporter son soutien plutôt qu'à la candidate démocrate, Kamala Harris. Donald Trump affiche une attitude non interventionniste et anti-guerre et a indiqué qu'il s'oppose aux « opérations de changement de régime » sur le sol étranger.

À la curiosité autour du retour de Donald Trump s'ajoutent les promesses faites lors de sa campagne, notamment celle de militer en faveur de la libération d'Imran Khan. Un clip diffusé sur les réseaux sociaux le montre en effet promettant de faire pression pour la libération d'Imran Khan ; il s'agit en réalité d'une ancienne vidéo, modifiée par les sympathisants d'Imran Khan, et Donald Trump n'a jamais fait une telle déclaration.

Au moment où Donald Trump s'apprête à prendre ses fonctions en janvier 2025, une question reste en suspens : interviendra-t-il dans la politique pakistanaise ? Alors que les partisans d'Imran Khan sont manifestement optimistes, il est essentiel de se pencher sur les ramifications plus larges de la politique étrangère américaine en Asie du Sud, en particulier sous la houlette d'un dirigeant comme Donald Trump, qui privilégie une approche commerciale en matière de relations internationales. La politique étrangère de Donald Trump a bien souvent donné la priorité aux relations privées et aux gratifications à court terme plutôt qu'aux objectifs stratégiques à long terme.

Historiquement, les administrations américaines ont usé de leur autorité pour influencer les résultats au Pakistan, privilégiant souvent les intérêts géopolitiques au détriment des normes démocratiques. L'influence de l'armée sur la politique pakistanaise ne peut être négligée ; l'establishment militaire exerce un pouvoir considérable et dicte souvent les choix de politique étrangère. Les analystes estiment que, quel que soit l'occupant de la Maison Blanche, les États-Unis traiteront très probablement avec l'armée pakistanaise plutôt qu'avec des hommes politiques. Ce fait constitue un obstacle de taille pour Imran Khan, qui s'est imposé comme un outsider par rapport aux systèmes de pouvoir traditionnels, tant au Pakistan qu'aux États-Unis.

L'administration Biden a renoué avec le soutien militaire et l'investissement au Pakistan, en privilégiant la technologie et l'énergie verte, des domaines auxquels Donald Trump risque de ne pas accorder la priorité compte tenu de ses antécédents. Le fait que le président Trump pourrait adopter une position plus indulgente à l'égard d'Imran Khan ne signifie pas qu'il négligera les intérêts stratégiques des États-Unis dans la région, notamment en ce qui concerne les relations avec l'Inde et la lutte contre la prédominance chinoise.

Néanmoins, toute intervention de Donald Trump, fût-elle en faveur de M. Khan, serait hasardeuse. Les antécédents de Donald Trump montrent que ses décisions en matière de politique étrangère sont souvent guidées par des liens personnels et des intérêts financiers plutôt que par une vision idéologique cohérente, ce qui suscite des inquiétudes quant à son engagement durable à l'égard d'un objectif particulier au Pakistan. En outre, l'engagement potentiel de Donald Trump au Pakistan pourrait exacerber les dissensions, en particulier si son appui est interprété comme une prise de position contre l'establishment militaire. Une telle attitude pourrait renforcer les partisans de Khan tout en exacerbant le conflit de pouvoir entre civils et militaires qui existe depuis longtemps dans le pays.

Notons que Washington voit en Islamabad un allié contre Téhéran dans la perspective hypothétique d'un conflit avec l'Iran. Un certain consensus s'est dessiné à ce sujet lors des discussions stratégiques entre les États-Unis et le Pakistan. Les républicains ayant pris le contrôle de la Maison Blanche, du Sénat et probablement de la Chambre des représentants, le nouveau gouvernement se rapprochera du Pakistan sans égard pour l'ancien premier ministre Imran Khan ou pour d'autres législateurs. L'influence éventuelle de l'administration Trump sera motivée par les objectifs stratégiques des États-Unis, en particulier en Asie du Sud, notamment la sécurité régionale et la lutte contre l'influence de la Chine, et non pas par de simples considérations humanitaires.

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Quel sera l'impact d'une seconde présidence de Donald Trump sur Taïwan ?https://fr.globalvoices.org/?p=291975http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241118_151125_Quel_sera_l_impact_d_une_seconde_presidence_de_Donald_Trump_sur_Taiwan__Mon, 18 Nov 2024 14:11:25 +0000Taïwan s'apprête à vivre une période d'incertitude

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration réalisée par OIwan Lam via Canva.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages web en anglais.]

Cet article a été initialement rédigé par Brian Hioe et publié dans New Bloom, le 6 novembre 2024. Il est republié sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Bien que l'élection présidentielle américaine ne soit pas encore formellement prononcée, les résultats suggèrent actuellement la victoire de l'ancien président américain Donald Trump. Ainsi, Taïwan se verra bientôt confrontée à une seconde présidence de Trump.

La perspective d'un second mandat a suscité deux courants de pensée à Taïwan. Le premier souligne le risque d'une détérioration significative des liens entre les États-Unis et Taïwan qui s'étaient renforcés sous l'administration présidentielle démocrate.

En effet, Donald Trump était considéré par beaucoup à Taïwan comme un allié suite à sa volonté de rompre avec des décennies de précédents diplomatiques en 2016 en acceptant, en tant que président élu, un appel téléphonique de la présidente taïwanaise de l'époque, Tsai Ing-wen. Le président Donald Trump avait manifesté une certaine opposition à la Chine, comme le font souvent les présidents républicains.

Néanmoins, le regard porté sur Donald Trump à Taïwan a progressivement changé, notamment en raison de sa vision purement mercantile des relations entre les États-Unis et Taïwan et de ses attaques contre le pays pour des raisons protectionnistes. Bien que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine soit née sous la présidence de Donald Trump, les déclarations de ce dernier ont parfois révélé une vision étonnamment favorable à l'égard du président chinois Xi Jinping. Ces déclarations ont parfois suscité le risque de voir Trump offrir Taïwan à la Chine en échange de modalités avantageuses sur un accord commercial. D'autres propos tenus par Donald Trump avaient dénigré la taille de Taïwan par rapport à la Chine ou encore avaient vivement accusé l'île du vol de l'industrie américaine des semi-conducteurs. De ce fait, Donald Trump est désormais perçu comme une menace pour Taïwan.

Le deuxième courant de pensée, en revanche, estime que la première administration du président Trump ne s'est pas accompagnée de bouleversements fondamentaux en matière de politique américaine et que, nonobstant sa rhétorique enflammée, la politique de l'administration Trump est restée largement conforme aux attentes. La thèse défendue est que le second mandat de Trump sera du même acabit, et ce même si l'administration Biden est perçue comme ayant poursuivi des politiques, initiées sous la première administration Trump, visant à durcir sa position vis-à-vis de la Chine, en y apportant plus de fermeté, qu'une éventuelle administration Harris était susceptible de maintenir.

Il est vrai que les paramètres structurels qui dictent les tensions accrues entre les États-Unis et la Chine sont restés inchangés, que ce soit sous la première administration de Trump, sous l'administration de Biden ou sous une deuxième administration de Trump. Cependant, il existe des raisons de penser que les nominations au sein d'une deuxième administration de Trump ne seront pas les mêmes que celles de sa première administration, lesquelles étaient considérées comme exerçant un effet modérateur sur ses actions. Au lieu de cela, compte tenu de la méfiance de Donald Trump à l'égard d'éventuels traîtres, alors que de nombreux fonctionnaires clés de son administration ont ensuite tenté de le défier, il est fort probable que Donald Trump procède à des nominations reposant sur des critères de loyauté personnelle. Comme en témoignent les fuites relatives à ce que l'on a appelé le projet 2025 [fr], Donald Trump cherchera peut-être à démanteler le gouvernement afin de renforcer le contrôle exercé par ses partisans idéologiques. Ainsi, il est possible qu'il n'y ait pas de forces modératrices au sein d'une seconde administration Trump.

Il est toutefois difficile de prédire comment se déroulera le second mandat de Trump. Il est possible qu'il maintienne sa ligne de conduite actuelle à l'égard de la Chine, au risque toutefois de sacrifier Taïwan au profit d'un accord avec la Chine.

Qu'il s'agisse de l’Ukraine ou de Taïwan, Donald Trump a fait savoir que tout conflict potentiel pouvait être jugulé par son intervention personnelle, et par les relations privilégiées qu'il entretient avec le président chinois Xi Jinping, et son homologue russe Vladimir Poutine. Ces déclarations laissent effectivement entendre que des accords seraient négociés sur la base de liens personnels. Et, en phase avec les sentiments protectionnistes de ses partisans, qui l'ont propulsé à la victoire, Donald Trump devrait poursuivre ses attaques à l'égard des alliés traditionnels des États-Unis en Asie-Pacifique, en les accusant de profiter des avantages d'une défense militaire, qu'il s'agisse de Taïwan, du Japon, de la Corée du Sud ou des Philippines.

Si les politiciens taïwanais sont capables de flatter ou d'amadouer Donald Trump, à l'instar de Shinzo Abe, aujourd'hui décédé, qui savait comment gérer les relations du Japon avec les États-Unis et Donald Trump grâce à leurs liens personnels, Taïwan sera peut-être en mesure de maintenir ses relations avec les États-Unis sous l'égide de Donald Trump. Cependant, Taïwan affichant des positions politiques progressistes depuis plusieurs années, un tel lien risquerait à tout moment de voir les Républicains MAGA (Make America Great Again, slogan de campagne), partisans de Donald Trump, se détourner de manière imprévisible de Taïwan, au vu de ses positions en matière de politiques sociales internes.

Dans le cas contraire, Donald Trump pourrait s'orienter vers des politiques susceptibles de ramener aux États-Unis les emplois et la fabrication dans des secteurs essentiels, tels que l'industrie des semi-conducteurs. En ce sens, l'usine de TSMC en Arizona, ainsi que d'autres projets similaires, pourraient devenir plus pertinents aux yeux de Taïwan.

Taïwan s'apprête à vivre des temps incertains. L'île est depuis longtemps soumise aux vents souvent capricieux de la politique américaine, et le second avènement de Donald Trump ne déroge pas à la règle. Que le résultat de l'élection d'un seul pays exerce un tel impact sur Taïwan illustre une fois encore la puissance considérable que l'Amérique exerce depuis longtemps sur Taïwan, que ce soit en tant que garant de sa sécurité aujourd'hui ou en soutenant des autocrates nationaux tels que le KMT (Kuomintang, Parti nationaliste chinois) et le régime de Chiang (représentant du KMT), sous l'ère autoritaire. Taïwan est à nouveau loin d'être maître de son destin, désormais soumis aux caprices impériaux de la deuxième présidence de Trump.

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Les experts environnementaux des caraïbes appellent à une plus large collaboration pour atteindre l'objectif 30×30https://fr.globalvoices.org/?p=291925http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241118_151102_Les_experts_environnementaux_des_caraibes_appellent_a_une_plus_large_collaboration_pour_atteindre_l_objectif__30__30Mon, 18 Nov 2024 14:11:02 +0000« Les initiatives de conservation transfrontalières, le partage des ressources et les politiques de collaboration sont essentiels. »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Experts régionaux de l'environnement à la conférence RedLAC à Sainte-Lucie, octobre 2024. De gauche à droite :
Jorge Oviedo, président de RedLAC ; Karen McDonald Gayle, directrice générale du Fonds pour la biodiversité des Caraïbes ; Karolin Troubetzkoy, présidente du Fonds national de conservation de Sainte-Lucie et du Fonds pour la biodiversité des Caraïbes ; et Craig Henry, directeur général du Fonds national de conservation de Sainte-Lucie. Photo de Caribbean Biodiversity Fund, avec l'autorisation de Cari-Bois Environmental News Network.

Écrit par Tyrell Gittens

Cet article a été publié pour la première fois sur le réseau d'information environnementale Cari-Bois. Il apparaît ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Si les Caraïbes veulent réussir à conserver 30 % de leur biodiversité d'ici 2030, conformément au cadre mondial pour la biodiversité (GBF), les écologistes de la région devront reconnaître l'importance du travail collaboratif. Tel était le message du 26e congrès annuel du réseau latino-américain et caribéen des fonds environnementaux (RedLAC), qui se tient actuellement à Sainte-Lucie.

L'orateur principal, le professeur Dale Webber, expert en écologie littorale et ancien directeur de l'université des Indes occidentales, a cité l'engagement communautaire et la coopération régionale comme des priorités essentielles pour faire progresser l'objectif 30×30 dans les Caraïbes. « Pour atteindre ces ambitieux objectifs de conservation, il ne suffit pas de fixer des cibles », a-t-il déclaré. « Cela requiert une collaboration efficace, des stratégies d'inclusion et un examen attentif des divers facteurs sociaux, économiques, environnementaux et, y compris les facteurs historiques et culturels spécifiques aux Caraïbes. »

Compte tenu de la diversité des écosystèmes de la région, notamment les récifs coralliens et les forêts tropicales, l'efficacité du travail des défenseurs de l'environnement dans le domaine des fonds fiduciaires pour la conservation pourrait bénéficier d'un soutien intersectoriel. En travaillant directement avec les communautés locales, par exemple, et en particulier avec les populations autochtones, les fonds fiduciaires pour la conservation peuvent aider à identifier et à soutenir des projets intégrant le savoir traditionnel et la gestion communautaire qui sont indispensables pour obtenir des résultats en matière de conservation inclusive et durable.

Le professeur Dale Webber s'exprimant lors de l'ouverture de la conférence environnementale RedLAC à Sainte-Lucie, en octobre 2024. Photo du Caribbean Biodiversity Fund, avec la permission du Cari-Bois Environmental News Network.

« La nature interconnectée des écosystèmes des Caraïbes nécessite une forte coopération régionale », a poursuivi Dale Webber. « Les initiatives de conservation transfrontalière, les ressources partagées et les politiques de collaboration seront essentielles pour atteindre l'objectif des 30×30 dans toute la région. »

Soulignant l'importance de l'élargissement des stratégies 30×30 à de nouveaux domaines, il a ajouté que la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et d'autres organismes régionaux pouvaient, et devaient, jouer un rôle central dans la coordination de ces efforts. Compte tenu de la vulnérabilité des Caraïbes aux changements climatiques, la protection des zones tampons naturelles telles que les mangroves et les récifs coralliens peut contribuer à atténuer l'impact de l'élévation du niveau de la mer et des tempêtes. Lorsque les efforts de conservation sont conçus sous cet angle de résistance à l'évolution des conditions environnementales aux conséquences aussi démesurées, il devient plus facile d'obtenir une plus grande adhésion, tant de la part des bailleurs de fonds que du grand public.

Naturellement, la réalisation de l'objectif 30×30 nécessite un investissement financier important. La région prévoit donc d'explorer des mécanismes de financement innovants, tels que les obligations bleues, les paiements pour les services écosystémiques et les partenariats public-privé, afin de financer les efforts de conservation. Dans un entretien accordé après la présentation de Dale Webber, Craig Henry directeur général du Fonds national de conservation de Sainte-Lucie, a déclaré que le SLUNCF et d'autres organisations similaires devaient susciter une « vague d'enthousiasme » en créant des partenariats stratégiques avec des organisations de base, des mouvements communautaires locaux et d'autres initiatives : « Ce faisant, nous pouvons canaliser les types d'investissements et de ressources qui renforceront non seulement nos propres capacités, mais aussi celles de ces communautés. »

Toujours selon lui : « Sans la participation et l'engagement de la communauté, nous ne pouvons pas mettre en place une gestion de l'environnement. Lorsque nous parlons de résilience climatique, de restauration de la biodiversité et de moyens de subsistance durables, les gens au niveau communautaire […], les pêcheurs, les agriculteurs de la mer et les dirigeants communautaires nous comprennent-ils vraiment ? » Les réponses à ces questions aideront les parties prenantes à connaitre les besoins régionaux et à déterminer les priorités de financement. Karen McDonald Gayle, directrice générale du Fonds pour la biodiversité des Caraïbes (CBF), a ajouté que si beaucoup s’imaginent que le 30×30 est un objectif lointain, il s'agit en réalité d'une priorité urgente nécessitant la participation de tous :

« La collaboration avec nos partenaires, les fonds fiduciaires nationaux pour la conservation, est surtout pertinente pour notre travail actuel [pour faciliter] la construction d’une architecture financière durable dans les Caraïbes [qui] ne consiste pas seulement à obtenir des fonds [mais] à mettre en place des mécanismes et des systèmes financiers résilients. »

Ils espèrent renforcer les capacités des fonds fiduciaires pour la conservation dans des domaines tels que la protection environnementale et sociale, l'intégration de la dimension de genre, la gouvernance et l'octroi de subventions, car ce sont ces domaines qui déterminent la réalisation des objectifs environnementaux. Gayle souligne que « chaque hectare protégé, chaque espèce conservée et chaque communauté engagée nous rapproche d'un avenir durable. »

Tyrell Gittens est coordinateur et rédacteur en chef du réseau d'information sur l'environnement de Cari-Bois.
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Mexique : course contre la montre pour rendre justice aux victimes du drame emblématique d'Ayotzinapahttps://fr.globalvoices.org/?p=291686http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241116_182655_Mexique___course_contre_la_montre_pour_rendre_justice_aux_victimes_du_drame_emblematique_d_AyotzinapaSat, 16 Nov 2024 17:26:55 +0000La justice tarde à enquêter sur le sort des 43 personnes disparues

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration réalisée par Artefacto, et utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages web en espagnol.]

Article rédigé par Roberto Diaz dans Artefacto, édité et republié sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Le 26 septembre a marqué le dixième anniversaire de la disparition violente de 43 élèves de l'école normale rurale Raúl Isidro Burgos, rattachée à la municipalité d'Ayotzinapa, dans l'État de Guerrero, au sud du Mexique. L'enquête se poursuit, depuis une dizaine d'années, pour retrouver les dépouilles des 43 étudiants. Ils avaient été capturés par des membres de la police d'Iguala sous le commandement de l'ancien maire, José Luís Abarca, puis livrés au cartel des « Guerreros Unidos » qui, avec le soutien de l'armée mexicaine, les a enlevés et fait disparaître par la force.

Les parents des 43 élèves concernés ont lancé une action de mobilisation, dont l'ancien président Enrique Peña Nieto, notoirement connu pour son administration corrompue, fût informé. Ce dernier a alors chargé le procureur général de la République, Jesús Murillo Karam, qui avait été arrêté en 2022 pour avoir fabriqué un récit, connu sous le nom de « La Vérité Historique » (« La Verdad Histórica »), version « officielle » des événements d'Iguala. Cette version des faits excluait la participation de l'armée et cherchait à diffamer les étudiants. Le récit avait été élaboré à partir de faux aveux, obtenus sous la torture, par l'ancien chef de l'Agence d'investigation criminelle, Tomás Zerón, aujourd'hui, réfugié en Israël.

En 2018, Andrés Manuel López Obrador est élu président et s'engage à rendre justice pour ce crime, en créant la « Commission pour la Vérité et l'Accès à la Justice dans l'Affaire Ayotzinapa » (« Comisión para la Verdad y Acceso a la Justicia del Caso Ayotzinapa »), sous la direction du sous-secrétaire aux droits humains, Alejandro Encinas. Un premier rapport fut publié en 2022, confirmant la responsabilité de l'armée mexicaine dans la disparition des 43 étudiants et, plus choquant encore, il révélait qu’un soldat infiltré, figurant parmi le groupe d'étudiants, avait également été porté disparu cette nuit-là. L'armée était au courant et n'a pourtant rien fait pour le retrouver.

Des experts de la Commission Interaméricaine des Droits Humains (CIDH) ont suggéré que les étudiants avaient probablement été kidnappés en raison de la présence de stupéfiants dans l'un des bus à bord desquels ils voyageaient, et ce à leur insu. Les enquêtes ont également révélé des connexions à l'époque entre un cartel local et des fonctionnaires de l'État de Guerrero.

Une course contre la montre

Ce crime d'État s'exerce sur trois fronts : le judiciaire, le militaire et le criminel, ce dernier étant relié au cartel. Concernant le volet judiciaire, 132 personnes ont été interpellées : 71 policiers et 41 membres affiliés au cartel « Guerreros Unidos ». Cependant, la négligence et l'incompétence de la justice, en disculpant certaines des personnes mises en cause, empêchent de localiser les dépouilles des étudiants.

Le 6 septembre, le bureau du procureur mexicain a créé la surprise en interpellant Gildardo « El Gil » López, une témoin sous protection qui avait jusqu'alors coopéré à l'enquête.

Il convient également de noter que, selon le président Andrés Manuel López Obrador, si la présidence exigeait d'obtenir des informations, l'armée lui apporterait sa collaboration. En pratique, la situation s'est avérée plus complexe : l'armée a seulement consenti à divulguer des informations (800 dossiers sont toujours manquants) qui ne mettaient pas en cause des fonctionnaires de haut rang impliqués dans le crime d'État.

En septembre 2022, la journaliste Peniley Ramírez révélait, dans un article, des informations sensibles, compromettant les enquêtes en cours sur l'affaire. Elle rend notamment public une série de messages WhatsApp échangés entre des membres des « Guerreros Unidos », confirmant que les narcotrafiquants avaient assassiné et démembré les étudiants, puis avaient dispersé leurs restes avant de les enterrer.

Toutefois, six étudiants étaient encore en vie le 30 septembre 2014, retenus par l'armée mexicaine dans un entrepôt de l'État de Guerrero, où ils ont ensuite été exécutés par les militaires. Pour conforter la « Vérité Historique » (« La Verdad Histórica »), les corps des étudiants furent exhumés, leurs restes dispersés, puis déplacés vers la base militaire du 27e bataillon d'infanterie d'Iguala.

Si des progrès ont été réalisés dans cette affaire, ils sont restés insuffisants pour traduire en justice les juges, les officiers de police, les généraux et les secrétaires impliqués. Les parents des étudiants sont du même avis et ont pris leurs distances avec le président Andrés Manuel López Obrador. En mars 2024, un groupe d'étudiants a forcé la porte du Palais National (National Palace) pour obtenir une réunion avec le président. Ils ont été maîtrisés par les forces de police.

Dernier rebondissement en date, le gouvernement mexicain réclame l'extradition de José Ulises Bernabé, un juge qui était en poste au sein de la police municipale d'Iguala, dans l'État de Guerrero, et dont le témoignage pourrait permettre d'enquêter sur 15 officiers de l'armée. Il bénéficie actuellement du droit d'asile politique aux États-Unis.

Enfin, on ne saurait négliger la perspective que cette atrocité soit liée au crime organisé. L'espérance de vie moyenne d'un tueur à gages est courte, et de nombreuses personnes impliquées dans cette affaire périront dans des fusillades entre cartels, et l'armée mexicaine. Ainsi, l'affaire d'Ayotzinapa prend la forme d'une course contre la montre, et met en évidence la corruption à grande échelle qui sévit au Mexique.

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Salvador : accusé de s'attaquer à la liberté de la presse, Bukele se vante des succès de son gouvernementhttps://fr.globalvoices.org/?p=291893http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241116_182634_Salvador___accuse_de_s_attaquer_a_la_liberte_de_la_presse__Bukele_se_vante_des_succes_de_son_gouvernementSat, 16 Nov 2024 17:26:34 +0000Le pro-bukélisme est amplifié sur les réseaux sociaux

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Montage montrant le président du Salvador, Nayib Bukele, avec la presse. Réalisé par ProBox et publié avec leur autorisation.

Cet article a été rédigé par Probox, un partenaire média latino-américain de Global Voices.

Le gouvernement de Nayib Bukele au Salvador a attiré l'attention de la communauté internationale grâce à ses résultats en matière de stabilité économique et de sécurité, se projetant souvent comme un modèle de transformation dans la région. Toutefois, cette image de réussite contraste avec des plaintes de plus en plus alarmantes concernant la restriction des libertés fondamentales, en particulier la liberté de la presse et la transparence du gouvernement.

L'environnement des journalistes salvadoriens indépendants est devenu de plus en plus hostile, avec une augmentation inquiétante des attaques, de la stigmatisation et de la persécution judiciaire.

Des rapports récents de l'Association de la presse interaméricaine(AIP) et du Comité pour la protection des journalistes (CPJ) révèlent des reculs importants en matière de liberté d'information et d'accès à l'information publique à partir de 2022, avec l'instauration de l'état d'urgence au Salvador.

L'AIP a souligné que 2023 a été l'année la plus critique pour la presse au Salvador depuis la fin de la guerre civile, avec une augmentation de 66 % des agressions contre les journalistes.

Parallèlement, le département d'État américain, dans son rapport sur la transparence fiscale de 2024, a souligné l'absence d'audits publics et les doutes croissants quant à la gestion financière du pays, notamment en ce qui concerne les comptes non vérifiés et l'adoption du bitcoin comme monnaie légale.

Malgré les progrès réalisés dans la publication de certaines données financières, le rapport met en garde contre le manque d'indépendance des institutions de contrôle et le non-respect des normes internationales d'audit. Ces problèmes, qui s'ajoutent à l'affaiblissement de la confiance dans la gestion publique, soulèvent de sérieuses questions quant à l'engagement réel du gouvernement en matière de responsabilité.

Le discours du gouvernement Bukele

Une enquête menée par ProBox permet de mieux comprendre comment le discours officiel du gouvernement Bukele est diffusé et amplifié dans l'environnement numérique, alors que la répression de la presse critique ne cesse de s'intensifier.

ProBox a utilisé des outils d'écoute sociale pour surveiller les conversations en ligne sur des sujets liés à la liberté de la presse, à la persécution des journalistes et à la transparence du gouvernement au Salvador.

L'étude a révélé qu'entre le 2 septembre et le 2 octobre, 191 mentions ont été enregistrées concernant des termes tels que « persécution du gouvernement », « accès à l'information publique » et « harcèlement des journalistes »

La plupart étaient concentrées sur X (anciennement Twitter), avec 57,07 % du total, suivi de Facebook avec 37,17 %, et moins sur Instagram. L'activité a été la plus forte le 13 septembre, avec 22 mentions sur ces sujets.

Les mots-clés les plus cités dans les messages comprennent « liberté de la presse » (28 mentions) et « détérioration de la liberté » (12 mentions), reflétant l'inquiétude des journalistes et des utilisateurs face au contrôle croissant du gouvernement sur les médias.

Les plaintes font état d'un environnement hostile au travail journalistique, dans lequel le harcèlement judiciaire et le harcèlement sur les réseaux sociaux vont de pair, alimenté par la rhétorique disqualifiante des représentants du gouvernement. En ce sens, il est possible de voir des messages sur X d'utilisateurs protestant pour la liberté d'expression au Salvador et qualifiant le gouvernement Bukele de dictature.

De même, des médias, tels que La Prensa Gráfica, CNN en Español, La Gaceta, et le journaliste Roberto Cavada, ont publié des articles sur les rapports de l'AIP et du CPJ, dénonçant les restrictions à l'accès à l'information, en particulier sur des sujets sensibles tels que la criminalité et les conditions carcérales. Ces publications ont également souligné l'existence d'une « armée numérique » de trolls et de bots utilisés pour discréditer les critiques et amplifier la propagande officielle.

Un aspect qui a attiré l'attention est celui des plaintes comme celle de FOCOS, une organisation qui, à partir de son compte Facebook, a alerté sur la façon dont le gouvernement a commencé à bloquer les profils de ceux qui le critiquent.

Des organisations et des médias critiques ont signalé que le gouvernement du Salvador a créé plus de 5 000 comptes de bots sur des plateformes telles que X, Instagram et Facebook, pour diffuser de la propagande pro-Bukele et attaquer les voix de l'opposition. Ces comptes ont été bloqués par les plateformes suite à des allégations de manipulation coordonnée de la conversation publique.

Capture d'écran d'une vidéo du compte FOCOS sur Facebook

Amplification du pro-bukélisme sur les réseaux sociaux

La conversation a également été analysée autour de mots-clés et d'expressions tels que « plan économique de Bukele », « budget entièrement financé », « innovation et sécurité » et « bitcoin monnaie légale au Salvador », ainsi que la participation de certains utilisateurs du réseau qui promeuvent activement le contenu pro-Bukele, tels que @soyjoseyoutuber et @tamarindosv.

Cette recherche a permis d'obtenir 223 mentions entre le 8 septembre et le 7 octobre, en soulignant l'activité du 15 septembre (jour de l'indépendance du Salvador et des autres pays d'Amérique centrale), avec 33 mentions enregistrées.

Cette conversation s'est principalement concentrée sur Facebook avec 56,05 % des mentions enregistrées (125), suivi par X avec 43,05 % (96), puis par Instagram avec 0,45 % (1), et par TikTok avec 0,45 % (1).

Le discours officiel du gouvernement maintient une forte présence sur les réseaux sociaux par le biais de personnalités et de comptes pro-Bukele (tels que @soyjoseyoutuber et @tamarindosv), ainsi que par la diffusion du discours sur la stabilité économique et la réussite en matière de sécurité.

Par exemple, l'annonce faite par Bukele le 15 septembre, concernant la présentation d'un budget pour 2025 entièrement financé sans avoir recours à la dette extérieure, a été amplifiée par ces utilisateurs et reproduite sur des plateformes telles que Facebook, X et TikTok.

C'est le cas notamment d'une vidéo qui est devenue virale sur TikTok (téléchargée par le compte @bukelord), dans laquelle Nayib Bukele mentionne la proposition budgétaire lors d'un discours. Cette vidéo a cumulé plus de 1,1 million de vues, 126 400 likes, 6 509 commentaires, 5 638 sauvegardes et 8 585 envois.

Capture d'écran d'une vidéo du compte Bukelord sur TikTok.

Cette activité numérique renforce l'image de réussite que le gouvernement tente de projeter, mais cache en même temps des problèmes persistants en matière de droits de l'homme et de transparence.

Le discours officiel du gouvernement Bukele a présenté sa gestion comme une réussite économique. Cependant, cette version est de plus en plus critiquée par les médias et les organisations de défense des droits de l'homme, qui considèrent que ces réalisations ne font que détourner l'attention des problèmes sous-jacents liés à la liberté d'expression et à la transparence.

Bien que le gouvernement ait présenté des initiatives telles que le code d'éthique et d'intégrité de la direction générale des douanes, pour certains secteurs, ces mesures semblent insuffisantes ou limitées dans leur mise en œuvre.

La répression et la censure à l'encontre des journalistes restent une menace constante qui affecte la capacité de la société civile à demander des comptes à ses dirigeants.

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Un entrepreneur kenyan parcourt à vélo 7 États de l'Inde pour lutter contre le racismehttps://fr.globalvoices.org/?p=291451http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241114_174546_Un_entrepreneur_kenyan_parcourt_a_velo_7_Etats_de_l_Inde_pour_lutter_contre_le_racismeThu, 14 Nov 2024 16:45:46 +0000« Lorsqu'un Noir est attaqué à cause de sa couleur de peau, ce n'est pas une attaque contre un individu mais une attaque contre l'Afrique entière »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Peter Ngugi fait du vélo à Shillong, en Inde. Photo fournie par Bird, utilisée avec autorisation.

Cet article a été  initialement publié  par l'agence de presse Bird  le 21 octobre 2024. Une version abrégée est republiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu. 

[Sauf indication contraire, toutes les références mènent vers des sites en anglais]

En 2016, pendant la saison hivernale à Delhi, en Inde, ce qui a commencé comme une altercation mineure alimentée par le racisme s'est terminé par la mort d'un Africain.

Deux Indiens, apparemment pressés, se sont approchés d'un pousse-pousse dans lequel ils voulaient monter, mais il n'y avait pas assez de place. Ils ont alors demandé à un Africain qui était déjà dans le véhicule de descendre pour leur laisser la place.

Comme on pouvait s'y attendre, l'Africain s'est senti mis à l'écart en raison de sa couleur de peau. Il n'a pas voulu laisser sa place sans se défendre. Une violente dispute s'en est suivie et a rapidement dégénéré en altercation physique. Les Indiens ont maîtrisé l'Africain, l'ont poussé au sol, puis l'ont frappé à la tête avec une énorme pierre. Il est mort !

Olivier Masonda, un professeur congolais de 23 ans, avait quitté la République démocratique du Congo en 2012 pour étudier en Inde. Le meurtre, filmé par une caméra de vidéosurveillance, a déclenché un tollé qui s’est répercuté dans toute l’Inde : s’agissait-il d’un meurtre à caractère raciste ? La police de Delhi a arrêté les deux suspects et lancé une chasse à l’homme pour en retrouver un troisième. Ce meurtre a suscité une douleur collective et un appel à la justice de la part des Africains vivant en Inde.

Ce meurtre choquant survenu dans les rues de l'Inde a également été la goutte de trop pour Peter Ngugi, un Kenyan qui vivait alors en Inde. Il a pris son vélo et a traversé le pays pour lutter contre le racisme, « explosant ainsi l'Internet » et devenant lui-même le sujet de l'actualité dans les jours qui ont suivi le meurtre. Mais l'histoire de Ngugi ne commence pas ici. Elle a commencé au Kenya.

Une entreprise finance un voyage en Inde

Revenons en 2013, à Mikindani, Mombasa, au Kenya. Là vivait un jeune homme humble, Peter Ngugi, qui avait terminé ses études secondaires et n'était pas intéressé par des études universitaires. À quoi bon, alors qu'il avait une passion pour les ordinateurs et un cerveau qui aimait les affaires, un cerveau qui pouvait le préparer à une carrière d'entrepreneur ? Déterminé à maximiser son talent, Ngugi a ouvert un petit magasin de films, qui faisait également office d'atelier de réparation d'appareils électroniques et de matériel informatique, et qu'il appelle Stunners Inc.

Un ami remarque alors sa passion pour les ordinateurs et, malgré le manque d’intérêt de Ngugi pour le monde universitaire, lui conseille d’envisager de passer un diplôme en Inde, citant l’excellent résultat du pays en matière de cours d’informatique.

Au départ, cette idée a découragé Ngugi. Il y a réfléchi pendant longtemps, puis, en 2013, il a décidé de s'inscrire à un cursus en informatique à l'Institut indien d'ingénierie et de technologie KSR.

Au début, il n’était pas possible de réunir les frais de déplacement et d’inscription, mais l’univers s’est mis en marche, conspirant comme c’est souvent le cas pour aider un homme ou une femme en mission. Cette fois, c’est une entreprise locale qui a répondu à l’appel. Ngugi a déclaré que c’était Mama Mboga, les commerçants et d’autres propriétaires de petites entreprises, ainsi que ses amis et sa famille, qui se sont réunis pour collecter des fonds afin de financer son voyage et ses frais.

Arrivée en Inde

Après avoir déménagé en Inde, il était déterminé à faire de son mieux et à revenir avec un diplôme en informatique.

Mais ce que nous prévoyons et ce qui se passe sont souvent aux antipodes, comme Ngugi a pu le découvrir.

À peine un semestre après le début de ses études, Ngugi a réalisé que tout ce dont il avait rêvé n’était qu’un mirage. La réalité du cursus, comme il l’a expliqué, « n’était pas à la hauteur de la publicité qu’ils lui avaient donnée ». De plus, son entreprise au Kenya n’avait financé que son premier semestre et Ngugi a dû travailler pour gagner sa vie et payer ses frais de scolarité. Stressé et sous pression, il a abandonné ses études.

Mais avec les attentes de tous qui pesaient sur ses épaules, Ngugi n'était pas prêt à rentrer chez lui. Il décide alors de rester en Inde, de tenir bon et de travailler dur.

Grâce à une communauté forte et soudée de Kenyans en Inde, un ami, Munene Robert, accueille Ngugi chez lui.

La compétition de Hackathon

Avec l’équivalent de 20 000 Ksh (180 USD) en espèces qu’il avait économisé, Ngugi s’est inscrit dans un cours de programmation et est devenu l’un des meilleurs étudiants.

En apprenant à programmer, Ngugi a participé à un concours de code organisé par IBM en Inde et a décroché la première place. Il a même fait la une des journaux indiens pour son talent en programmation. IBM était également intéressé par ses idées commerciales. Ngugi a présenté Office Space Finder, une plateforme permettant aux jeunes entrepreneurs de se mettre en relation avec des entreprises disposant d’espaces à louer. IBM a adoré l’idée. Ils l’ont financée, permettant à Ngugi, alors âgé de 21 ans, de toucher un joli salaire et de mener une vie qui n’était auparavant qu’une utopie rêvée au plus profond de son esprit.

Non seulement il avait un budget pour embaucher du personnel et le rémunérer correctement, mais il avait aussi un chauffeur pour le conduire dans un véhicule de fonction. On aurait dit que Ngugi avait tout pour lui. Mais cela était sur le point de changer.

Les filles. L'alcool. Une vie débauchée qui semblait attrayante pour un maître de l'univers de 21 ans.

Erreurs et honte

Ses supérieurs d'IBM n'ont pas tardé à remarquer son comportement déjanté. En mars 2015, le jeune Ngugi a été licencié. Il est tombé de plein fouet, directement dans les profondeurs de la dépression.

La honte. De la richesse à la misère. La dépression rongeait son esprit.

Durant sa brève période de grande envergure, les Africains vivant en Inde l’avaient admiré. Incapable de les affronter à nouveau, il a dû fuir la ville. À ce moment-là, il avait encore des économies. Parmi les 27 États de l’Inde, il n’y en avait qu’un que Ngugi n’a pas visité pendant cette période, essayant d’échapper à la honte. Il s’est finalement installé dans l'État de Meghalaya, où il s’est porté volontaire comme professeur de mathématiques et d’anglais, donnant des cours particuliers à des enfants de moins de 11 ans. Il a également enseigné dans une école pour handicapés à Shillong.

Puis vint l'altercation de 2016 entre deux Indiens meurtriers et un Africain dans un pousse-pousse, qui allait changer la vie de Peter Ngugi pour de bon.

Pédaler pour la paix

Lorsque Ngugi a entendu parler de l’incident, il a été choqué et attristé. Dans un entretien avec l’explorateur et alpiniste indien Anindya Mukherjee, il a déclaré : « J'ai l’impression que quelqu’un porte atteinte à la dignité de l’Afrique et pas seulement à celle d’une personne. Lorsqu’une attaque est dirigée contre un homme noir en raison de sa couleur, il ne s’agit pas d’une attaque contre un individu, mais contre toute l’Afrique. »

Il a ajouté :

La personne a été tuée dans une simple bagarre concernant un pousse-pousse, la veille de son anniversaire. Cela montre que la vie d’un Africain n’a pas beaucoup de valeur. Elle peut être gâchée à tout moment.

Il souhaitait que les Africains vivent en harmonie avec les Indiens. Il a donc eu l’idée de créer une plateforme où les discussions sur le racisme et ses solutions pourraient avoir lieu.

C’est à ce moment-là qu’il a eu l’idée de parcourir l’Inde à vélo, d’organiser des événements dans les écoles et de rencontrer les dirigeants indiens et la police pour promouvoir des discussions ouvertes afin de mieux comprendre le racisme et de rationaliser les solutions. Ses amis indiens ont adoré l’idée et l’ont financé.

Un matin, armé seulement du courage et de l'inspiration tirés de Voyage à Motocyclette de Che Guevara [fr], Ngugi a commencé le périple qui le verrait parcourir plus de 5 000 kilomètres à vélo à travers sept États de l'Inde ; c'était la première fois qu'il faisait du vélo sur une longue distance.

L’acte de Ngugi est devenu quelque chose que les Indiens ont adopté, une ouverture aux conversations sur la race, le statut et l’identité qui pourraient améliorer la vie en Inde, et un acte qui a changé la vie de Ngugi telle qu’il la connaissait.

Peter Ngugi reçu à Guhawati, en Inde. Photo fournie par Bird, utilisée avec autorisation.

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« Notre cœur est en cendres » : Israël détruit des siècles de patrimoine culturel dans le sud du Libanhttps://fr.globalvoices.org/?p=291456http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241113_120833____Notre_c__ur_est_en_cendres______Israel_detruit_des_siecles_de_patrimoine_culturel_dans_le_sud_du_LibanWed, 13 Nov 2024 11:08:33 +0000En quelques heures, les frappes aériennes israéliennes ont détruit le marché historique de Nabatieh et l’arbre ancestral Maloula

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Vue des vestiges de l'ancien marché de Nabatieh. Capture d'écran d'une vidéo mise en ligne sur X par @fouadkhreiss

[Toutes les références dans le texte sont en anglais, sauf indication contraire].

En quelques heures seulement, deux frappes aériennes israéliennes ont détruit des monuments qui incarnaient des siècles de la riche histoire du sud du Liban. La région, connue sous le nom de Jabal Amel, est depuis longtemps associée à sa communauté chiite duodécimaine [fr] profondément enracinée, considérée comme l’une des plus anciennes communautés de ce type au monde. Cette région montagneuse, traversée par la rivière Litani, surplombe la mer Méditerranée et est reliée au mont Liban, à Wadi al-Taym et à la vallée de la Bekaa.

Ces attaques non seulement prennent des vies, mais elles visent également à détruire les racines, la culture et les moyens de subsistance des populations du Liban et de Palestine. Il ne s’agit pas de simples dommages collatéraux, mais d’une stratégie délibérée visant à détruire l’âme même de cette terre, son histoire et ses habitants.

Cependant, alors que des milliers de personnes meurent ou sont blessées dans le génocide israélien qui se poursuit en Palestine, et dans les attaques brutales contre le Liban, la nécessité de sauver des vies et de surmonter les traumatismes éclipse une perte tout aussi importante : la destruction systématique du patrimoine, de la mémoire et de l'histoire.

Le cœur du Sud

L’une des innombrables victimes de cette campagne fut le marché historique de Nabatieh [fr], la plus grande ville de Jabal Amel et un centre bouillonnant de vie et de commerce depuis des générations, avec des bâtiments et des magasins plus vieux qu’Israël.

Nabatieh a longtemps été un centre commercial et culturel pour une région qui reliait historiquement la Jordanie, la Palestine, la Syrie et le sud du Liban, un point de rencontre où les marchands et les voyageurs se réunissaient, échangeaient des biens et des histoires, préservant ainsi la vitalité culturelle et économique de la région.

La destruction du marché n’est pas un incident isolé mais fait partie de la stratégie de longue date d’Israël visant à cibler les monuments culturels, reflétant un désir colonial d’effacer les racines et la mémoire des peuples qui habitent ces terres.

Marché de Nabatieh, avant et après.

Nous ne nous soumettrons pas.

Selon Kamel Jaber, un journaliste local qui a longtemps documenté l’histoire de sa ville bien-aimée, « la destruction est telle que les souks sont irrécupérables. Depuis 1975, nous perdons progressivement notre patrimoine à cause des attaques israéliennes, et à chaque fois, la réponse a été de reconstruire quelque chose de moderne, et non de recréer le passé ».

D’innombrables personnes se sont tournées vers les réseaux sociaux pour documenter les visages et les histoires de cet ancien marché, parmi lesquelles Badia Hani Fahs :

Le cœur de Nabatieh est en cendres…
Ici se trouvait la confiserie Dimasi qui avait quitté Sidon il y a longtemps pour s’installer à Nabatieh. Il y a quelques mois à peine, elle avait fait l'objet d'une rénovation et avait pris un nouveau départ.
A côté se trouvait la boutique de Kamel Jaloul, mon cousin, la première boutique de chaussures pour hommes du marché. Aucun futur marié ne se rendait chez sa fiancée sans porter des chaussures de chez Jaloul.
Au coin de la rue se trouvait la librairie Hijazi. Nous y achetions tous nos cartables et nos fournitures scolaires pour nous et nos enfants. Quand nous étions petites, nous avions l'habitude d'emprunter des romans d'occasion pour seulement quelques lires.
En face se trouvait le Studio Al-Amal. On y entrait pour voir Al-Husseini et on y trouvait des photos vieilles de 60 à 70 ans, des photos de nos grands-parents et de leurs amis.
Un peu plus loin se trouvait la pharmacie Baalbaki, tenue par une famille de réfugiés de la vallée de la Bekaa. Ils sont originaires de la famille Alou, mais on leur a donné le nom de Baalbaki, qui est devenu leur nom de famille.
À gauche, se trouvait la fierté de l'industrie de Nabatieh, Sultan Sweets. Une odeur de propreté, crème fraîche et de kunafa extra croustillante remplissait l'air. Vous ne pouviez pas entrer sans qu'on vous offre un bonbon et une gorgée d'eau.
En continuant notre chemin, nous passons devant la librairie Farol, tenue par le gentil Rafaat Hatit, qui a fui Kfeyoun pendant la « guerre de la montagne » et s’est installé à Nabatieh, en gardant le même nom de librairie.
En face de la librairie se trouvaient les deux plus importantes boutiques du marché, tenues par deux femmes remarquables : Hasiba, Umm Rami Al-Amin, et Maha, épouse de l’activiste Afif Qaddih.
A côté se trouvait Al-Mashaal Spices, propriété d’Ali Batata.
En montant, on trouve Arnout’s Falafel, la boutique de falafels la plus célèbre de tout le sud. Arnouti était d’origine albanaise et vivait à Akka, où il a appris l’art de faire des falafels. Après la Nakba, il est venu à Nabatieh, avec son métier, et à chaque attaque contre Nabatieh, il était frappé par une nouvelle catastrophe.
A côté de lui se trouvait la boutique de Mukhtar Hassan Jaber, qu’il avait héritée de son père, Nizar Jaber. Vous y trouviez tout ce dont vous aviez besoin. Ceux qui ne connaissaient pas Nizar Jaber n’avaient jamais vu un homme avec autant d'amour et de gentillesse.
De l’autre côté se trouvait la discothèque Al-Sha’ar, qui faisait danser le marché au rythme des dernières tendances musicales d’est en ouest.
C’est notre cœur qui est en cendres, pas seulement un bloc de béton.

Des oliviers centenaires, des marchés historiques et des communautés entières, ne sont pas seulement des victimes de la guerre, mais des cibles délibérées dans une campagne visant à priver les populations de leur patrimoine et de leur identité.

Arbres ancestraux, racines profondes

Quelques heures après la destruction du marché de Nabatieh, une autre frappe aérienne israélienne a touché la ville voisine de Mayfadoun, détruisant la maison de la famille Rtail connue pour son vieux chêne du mont Thabor [fr], témoin de l’histoire de la région depuis des siècles et connu localement sous le nom d’arbre de Maloula. Avec une hauteur de plus de 18 mètres et un tronc de cinq mètres, le chêne est plus qu'une relique naturelle. Il a une signification culturelle, historique et personnelle.

Selon la tradition locale, le chêne a toujours été là. En 1995, Abu Rashid Rtail, l’un des nombreux gardiens de l’arbre au fil des siècles, a raconté [arab.] des histoires transmises par son père, qui a vécu jusqu’à 100 ans, et par un aîné de la famille Najda, qui lui a vécu jusqu'à 115 ans, tous deux affirmant que l’arbre avait eu la même apparence tout au long de leur vie. Avec une durée de vie de plusieurs siècles, le vieux chêne est devenu un monument vivant, incarnant le patrimoine et la mémoire de Mayfadoun.

La municipalité de Mayfadoun a baptisé [arab.] le quartier en son honneur, « Hay Al Maloula », en reconnaissance de son importance. Selon Rashid Rtail, le fils d’Abu Rasheed, des ingénieurs venus pour l’inspecter avaient confirmé son âge remarquable de plus de 500 ans, estimant qu’il pourrait vivre encore plus longtemps, peut-être même jusqu'à 1 100 ans. Ce type de longévité est rare, les arbres anciens ne survivant que grâce à leur résistance aux maladies et au climat.

Dans d'un entretien en 2010, Rasheed se souvient [arab.] que sa taille était bien plus importante avant qu’il ne soit pris pour cible à plusieurs reprises par l’artillerie israélienne, détruisant un grand nombre de ses branches imposantes. Et malgré la destruction de sa maison « plus d’une fois en raison du ciblage de la Maloula, le vieux chêne est resté debout, contrairement à son homologue dans la ville de Deir Siryan qui est tombé pendant la dernière agression (pendant la guerre de 2006), ce qui en fait l’arbre le plus important du district de Nabatieh ».

L’arbre servait de lieu de rassemblement pour les voyageurs et les pèlerins se rendant à Nabatieh pour la commémoration annuelle de l’Achoura [fr], un événement célèbre qui honore le martyre de l’imam Hussein lors de la bataille de Karbala. Il reliait Nabatieh et Mayfadoun par des traditions communes et se tenait comme un témoin silencieux des rituels les plus importants de la région. Ses branches accueillaient autrefois les rires des enfants pendant les fêtes, et son ombre offrait du repos aux voyageurs fatigués et aux habitants.

Une frappe aérienne israélienne sur cet être vivant ancien et majestueux et sur la maison de la famille Rtail, qui se trouvait à ses côtés depuis des générations, a réduit la propriété en ruines et endommagé l'arbre qui a survécu des siècles, et peut-être un millénaire, mais qui aurait pu être finalement tué par cette dernière attaque israélienne.

Le cœur de Mayfadoun 💔😥
La maison du regretté Haj Toufic Rtail, père des regrettés Haj Rashid Rtail et Haj Mohammad Reda Rtail.
Le berceau de l'arbre Maloula.

Destruction systématique

La destruction de tels symboles culturels et historiques s’inscrit dans une logique coloniale plus large. L’arbre Maloula, la maison Rtail et le marché de Nabatieh, comme d’innombrables autres monuments et lieux, ne sont pas de simples structures physiques ; ils incarnent la résistance, l’histoire, les liens et la culture de la communauté. Leur existence défie le récit de l’effacement qu’Israël cherche à imposer. Depuis des siècles et des millénaires, cette terre est habitée, ses habitants partagent et transmettent un patrimoine riche en histoire, construisent des villes et créent des communautés qui continuent de vivre, de se développer et de résister.

Alors que nous pleurons la perte de ces monuments irremplaçables et la perte déchirante de vies humaines, nous trouvons du réconfort dans la force de la mémoire et de la communauté. L’amour qui lie les gens à leur terre, à leur histoire et les uns aux autres reste intact. Cet amour et cette mémoire leur permettront de renaître, de se reconstruire et de continuer à vivre. Les lieux et les histoires existent dans la mémoire, et grâce à elle, les peuples, et la nature, se relèveront, comme ils l’ont fait pendant des générations.

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Les musées français complices de l'effacement de l'identité tibétaine par Pékinhttps://fr.globalvoices.org/?p=291570http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241111_192503_Les_musees_fran__ais_complices_de_l_effacement_de_l_identite_tibetaine_par_PekinMon, 11 Nov 2024 18:25:03 +0000Complaisance de certains musées avec la Chine au détriment de l'exactitude historique

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des Tibétains protestent devant le musée Guimet à Paris. Image tirée de la chaîne Tibet TV sur YouTube.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages web en français.]

Deux musées parisiens de renom ont choisi de désigner certaines parties de leurs collections d'objets culturels tibétains autrement que par le terme « Tibet », souscrivant ainsi au programme d'effacement culturel orchestré par Pékin. Cette nouvelle appellation est désormais au cœur de vives critiques au sein des tibétologues, et fait l'objet d'un débat passionné en France. Le Tibet, en tant que nation, existe depuis des siècles sous son propre nom tibétain བོད་ (prononcé « böd »), avant d'être occupé et annexé par la République populaire de Chine en 1951. Depuis cette date, Pékin a découpé le Tibet en plusieurs provinces, notamment celle appelée Xizang zizhiqu (西藏自治区), autrement dit la région autonome du Xizang, ainsi que les provinces du Sichuan, du Yunnan, du Gansu et du Qinghai. En chinois, le terme Xizang (西藏) se traduit littéralement par « dépositaire de l'Ouest », mais fait en réalité référence à l’Ü-Tsang, une région historique du Tibet occidental qui exclut les autres parties du Tibet historique, telles que le Kham et l’Amdo. Cette appellation est, par conséquent, réductrice car elle ignore les deux tiers de la patrie tibétaine. La langue chinoise a utilisé, dès le Moyen Âge, un autre terme, Tubo (qui a plusieurs orthographes, dont Tubote 图伯特), plus proche du terme Tibet, qui lui-même pourrait être d’origine turque et signifierait « Les hauteurs ».

Dans sa volonté d'unifier les 56 groupes ethniques présents au sein de la République populaire de Chine, Pékin a mis en œuvre une politique de génocide ethnique et culturel [ang] contre de nombreux groupes, redoutant que ces derniers ne veuillent un jour recouvrer leur indépendance. Parmi eux figurent principalement les Ouïghours [ang] (environ 12 millions), les Tibétains (plus de 7 millions) et les Mongols (environ 6 millions). Face aux critiques sévères émises par la communauté internationale sur les violations des droits humains et les accusations de génocide, Pékin se montre très soucieux de promouvoir un contre-récit dans lequel il nie tout abus et réécrit l'histoire afin de l'adapter au discours qu'il tient, y compris en France où vivent quelque 10 000 Tibétains. C'est à Paris que l'on trouve le plus récent exemple de ce narratif chinois où deux musées français ont rebaptisé leurs collections tibétaines, les déclarant originaires du « Xizang » ou de la « région de l'Himalaya ».

Global Voices a contacté, par courriel, Katia Buffetrille, tibétologue chevronnée et chercheuse à l’École Pratique des Hautes Études, dans le but de comprendre les raisons pour lesquelles les autorités culturelles françaises ont accepté de remplacer le terme « Tibet » par d'autres appellations telles que « Xizang » ou encore « monde himalayen ». Ses propos ont été adaptés pour des raisons de concision et de style.

Katia Buffetrille, photographie reproduite avec autorisation.

The provenance of Tibetan objets at the British and Metropolitan Museums is still indicated under the name Tibet. However, in France, the state-owned Musée du Quai Branly had chosen the Autonomous Region of Xizang, the Chinese administrative name that only partially corresponds to traditional Tibet, and the state-owned Guimet Museum, the geographically inappropriate name ‘Himalayan world’ instead of Tibet. At the Musée du Quai Branly, the name Xizang was applied several years ago, even before the Chinese authorities imposed it in China (2023) while also trying to impose it abroad. As for the use of ‘Himalayan world’ at Guimet, the change dates from the beginning of 2024, during the renovation of the rooms previously called Tibet-Nepal. However, this year 2024 marks the 60th anniversary of the establishment of diplomatic relations between France and the PRC, and the Guimet Museum has scheduled several exhibitions with objects loaned from the PRC for this occasion. An unfortunate coincidence between this year of commemoration and the suppression of Tibet in favor of ‘Himalayan World’? Doubt about the realreason [for the label change] is legitimate given the PCR's efforts to impose unacceptable conditions on the director of the Nantes museum in exchange for the loan of objects, during the exhibition of this museum on Genghis Khan. Furthermore, the appointment of Jean-Pierre Raffarin, special representative of the French government for China, to the board of directors of Guimet in May 2023, as well as the presence of Chinese donors such as MGM and Poly Culture (p. 51 of the Guimet-China 2024 brochure), some of whose members are fully involved in government policies, as well as the role of Art exhibitions China in the organization of exhibitions raise questions. 

La provenance des objets tibétains au British Museum et au Metropolitan Museum est toujours indiquée sous le nom Tibet. Or, en France, le musée du Quai Branly avait choisi Région autonome du Xizang, l’appellation administrative chinoise qui ne correspond que partiellement au Tibet traditionnel ; et le musée Guimet, l’appellation géographiquement inappropriée de « Monde himalayen » en lieu et place de Tibet. Au musée du Quai Branly, la dénomination Xizang est utilisée déjà depuis plusieurs années, donc avant même que les autorités chinoises ne tentent de l'imposer en Chine (2023) et à l'étranger. En ce qui concerne l’emploi de « Monde himalayen » au musée Guimet, le changement date du début de l'année 2024, lors de la rénovation des salles anciennement appelées Tibet-Népal.  Cette année 2024 marque les 60 ans de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la République Populaire de Chine (RPC) et le musée Guimet a programmé à cette occasion plusieurs expositions avec des objets prêtés par la RPC. Fâcheuse coïncidence entre cette année de commémoration et la suppression de Tibet au profit de « Monde himalayen » ? On est en droit d’en douter quand on connaît la tentative de la RPC d’imposer d’inacceptables conditions au directeur du musée de Nantes en contrepartie d'un prêt d’objets, lors de l’exposition de ce musée sur Gengis Khan. Par ailleurs, la nomination de Jean-Pierre Raffarin, représentant spécial du gouvernement français pour la Chine, au conseil d’administration du musée Guimet en mai 2023, tout comme la présence de donateurs chinois tels que MGM et Poly Culture (p. 51 de la brochure Guimet-Chine 2024), dont certains membres sont totalement impliqués dans les politiques gouvernementales, ainsi que le rôle de Art exhibitions China [ang] dans l’organisation des expositions, soulèvent des questions.

Tenzin Namgyal, photographie reproduite avec l'autorisation de l'auteur.

Global Voices s'est également entretenu avec Tenzin Namgyal, Tibétain installé en France, et membre du groupe international, Students for a Free Tibet [ang] (Étudiants pour un Tibet libre) :

One of the most famous French women to reach Lhasa was Alexandra David-Néel who made it to Tibet over 100 years ago. The Guimet museum had a whole exhibition about her. Earlier they used to write ‘Tibet,’ now, Alexandra David-Neel reached Lhasa in Ü (short for Ü-Tsang/central Tibet) instead of writing Tibet. This is the background story about why the Guimet Museum has been very fallacious in that their changes are much more insidious and dangerous to me, because Quai Branly with all their mistakes about Xizang, never took out the word ‘Tibet.’ 

L'une des Françaises les plus célèbres à être entrée dans la ville de Lhassa est Alexandra David-Néel, qui s'est rendue au Tibet il y a plus de 100 ans. Le musée Guimet lui consacre une exposition très complète. Alors qu'auparavant on utilisait le terme « Tibet », aujourd'hui, on écrit qu'Alexandra David-Néel est arrivée à Lhassa en Ü (abréviation de Ü-Tsang/centre du Tibet) et non au Tibet. C'est la toile de fond expliquant le caractère mensonger du musée Guimet, dont les modifications sont pour moi beaucoup plus insidieuses et dangereuses, car le musée du Quai Branly, malgré toutes ses erreurs sur le Xizang, n'a jamais retiré le mot « Tibet ».

Global Voices a aussi demandé en quoi l'expression « art himalayen » n'était pas pertinente, sachant qu'une grande partie de la chaîne de montagnes se situe effectivement au Tibet. Katia Buffetrille explique :

 

The Himalayas are simply the southern fringe of Tibet, a vast territory that corresponds to a quarter of present-day China. ‘Himalayan world’ is a geographical concept and cannot be considered a homogeneous cultural area. It is also an expression that is completely foreign to Tibetans themselves, who would never call themselves ‘Himalayan.’ They only know themselves as ‘Tibetans’ of a particular place or region of Tibet. ‘Himalayan world’ is an inappropriate term, a way of avoiding using the name Tibet, which greatly displeases the PRC. Renaming conquered countries is a common practice of the occupying power, which thus attempts to erase the very existence, past and present, of the country it occupies. Should the cultural and educational function of a museum disappear in favor of economic and political interests? Shouldn't the texts in a museum reflect historically founded facts, recognized by the scientific community, or is their role to complacently serve the desire to rewrite the history of non-democratic regimes?

L’Himalaya est simplement la frange méridionale du Tibet, un immense territoire qui correspond à un quart de la Chine actuelle. « Monde himalayen » est un concept géographique et ne peut être considéré comme une aire culturelle homogène. C’est aussi une expression totalement étrangère aux Tibétains qui, jamais, ne se qualifieraient d'« Himalayens ». Ils ne se connaissent que comme « Tibétains » de tel lieu ou telle région du Tibet. L'appellation « Monde himalayen » est inappropriée, un moyen d’éviter l’emploi du nom Tibet qui déplaît fortement à la RPC. Renommer les pays conquis est une pratique courante de la puissance occupante qui tente ainsi d’effacer jusqu’à l’existence même, passée et présente, du pays qu’elle occupe. La fonction culturelle et pédagogique d’un musée doit-elle disparaître au profit d’intérêts économiques et politiques ? Les textes d’un musée ne doivent-ils pas refléter des faits historiquement fondés, reconnus par la communauté scientifique, ou leur rôle est-il de servir complaisamment la volonté de réécrire l’histoire de régimes non-démocratiques ?

Tenzin Namgyal propose une comparaison intéressante pour illustrer la manière avec laquelle les Tibétains, installés en France, vivent cet effacement :

Himalaya is a chain of mountains to the south of Tibet. Tibet is 2.5 million square kilometers. Imagine here in France we call the French culture, some sort of Mediterranean culture just because there's the Mediterranean sea. It doesn't make any sense historically and scientifically. And on top of that, when they use Himalayan world, they also erase the very distinct cultural identity of Nepal, Bhutan, Ladakh, and Sikkim

L'Himalaya est une chaîne de montagnes située au sud du Tibet. Le Tibet s'étend sur 2,5 millions de kilomètres carrés. Imaginons qu'en France, nous qualifions la culture française de « méditerranéenne », simplement du fait de la présence de la mer Méditerranée. Cela n'a aucun sens historiquement et scientifiquement parlant. De plus, lorsqu'ils évoquent le monde himalayen, ils effacent également l'identité culturelle très distincte du Népal, du Bhoutan, du Ladakh et du Sikkim.

De nombreux tibétologues et Tibétains ont adressé des lettres de protestation, dont certaines ont été publiées dans les médias français. Katia Buffetrille estime que ces actions ont eu un impact important :

Our essay signed by 27 researchers, Tibetologists and Sinologists, had an impact that surprised us. The press, not only French but also foreign, was interested in it. This shows how much the image of China has deteriorated. It is obvious that French public opinion is more sensitive today to interference from foreign powers. Recently, the Quai Branly Museum received a delegation of Tibetans and assured them that the name Xizang would be removed and the name Tibet reintroduced. This was indeed done in the catalog and should be corrected quickly on the exhibition labels. On the Guimet side, nothing has changed. Of course, for this museum dedicated to Asian arts and which is presenting several exhibitions on China this year, the financial and political stakes are important, but its reputation and scientific credibility are just as important. The exhibition, announced for November 2024, focuses on Chang’an, the capital of the Tang Empire (618–907). This period was also the period when the neighboring Tibetan Empire reached its peak. Despite their many conflicts, these neighboring and rival empires maintained diplomatic relations, signed peace treaties, and used matrimonial alliances as a political tool. In 763, Tibetan armies occupied Chang’an, a brief occupation that endangered the very existence of the Tang dynasty.

Notre tribune signée par 27 chercheurs, tibétologues et sinologues, a eu un retentissement qui nous a surpris. La presse, non seulement française mais étrangère s’y est intéressée. Cela montre combien l’image de la Chine s’est dégradée. Il est évident que l’opinion publique française est davantage sensible aujourd’hui aux ingérences des puissances étrangères. Récemment, le musée du Quai Branly a reçu une délégation de Tibétains et les a assurés que l’appellation Xizang serait supprimée et le nom Tibet réintroduit. Cela a bien été fait dans le catalogue et devrait être corrigé rapidement sur les libellés des vitrines d’exposition. Quant au musée Guimet, rien n’a changé. Certes, pour ce musée dédié aux arts asiatiques et qui présente cette année plusieurs expositions sur la Chine, les enjeux financiers et politiques sont importants, mais sa réputation et sa crédibilité scientifique le sont tout autant. L’exposition annoncée pour le mois de novembre 2024 a pour sujet Chang’an, la capitale de l’empire Tang (618-907). Cette période est aussi celle où l’empire tibétain voisin a connu son apogée. Malgré leurs nombreux conflits, ces empires voisins et rivaux entretenaient des relations diplomatiques, signaient des traités de paix et utilisaient les alliances matrimoniales comme outil politique. En 763, les armées tibétaines occupèrent Chang’an, une brève occupation qui mit en danger l’existence même de la dynastie Tang.

Tenzin Namgyal souligne que cette action aura des répercussions à long terme, et que les musées auront tout intérêt à la prendre au sérieux :

Common French people who are interested in Tibet and its culture have contacted me and said: ‘I have a membership to the Guimet Museum, which gives you certain privileges. ‘I'm sending my card back with the letter saying until and unless you change it back to Tibet, I will not stay a member of the museum.’ I think that is a very powerful way to put pressure on the museums by members. 

Plusieurs Français, passionnés par le Tibet et sa culture, m'ont contacté et m'ont dit : « J'ai une carte de membre du musée Guimet, laquelle donne certains privilèges. Je vais renvoyer ma carte avec une lettre précisant que si vous ne rétablissez pas l'appellation “Tibet”, je ne resterai pas membre du musée. » À mon avis, c'est un moyen très efficace pour les membres de faire pression sur les musées.

À l'heure où nous publions cet article, le musée Guimet n'a réagi à aucune des lettres ouvertes de protestation et continue d'étiqueter de manière erroné des objets tibétains.

Pour plus d'informations sur l'identité tibétaine, vous pouvez également consulter l'article suivant : « La traduction comme voyage de découverte au sens littéral : Histoire d'une aventure en terres tibétaines ».

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Au Burkina Faso, l'artiste Fasky met la photographie au service de la résilience et de l'engagement socialhttps://fr.globalvoices.org/?p=291826http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241111_103112_Au_Burkina_Faso__l_artiste_Fasky_met_la_photographie_au_service_de_la_resilience_et_de_l_engagement_socialMon, 11 Nov 2024 09:31:12 +0000En Afrique, la pandémie n'a pas mené au confinement

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une exposition de Fasky lors des récréâtrales. L'image représente une jeune femme en train de tisser un pagne original du Burkina Faso

En Afrique, les rendez-vous artistiques sont d'excellentes plateformes pour les activistes qui veulent attirer l'attention sur des questions sociales et de droits humains.

Au Burkina Faso, Zerbo Siaka alias Fasky, un artiste photographe s'engage précisément dans ce carrefour entre art et activisme. L'artiste est aussi directeur de l'association Photot'age, à travers laquelle il s'engage à transmettre ses connaissances de la photographie à la jeune génération. Ses expositions à la 13è édition du festival culturel “Les Récréâtrales“, un espace panafricain d’écriture, de création, de recherche et de diffusion théâtrales, est un exemple parlant du rôle positif que peut jouer l'art dans la société.

L'artiste qui prend part à ce grand rendez-vous depuis quelques années s'ouvre à Global Voices. Interviewé  durant “Les Récréâtrales“, il raconte comment et pourquoi il met sa photographie au service de la résilience et de l'engagement social.

En image, l'artiste Fasky

Joel Hevi (JH): Racontez-nous ce qui vous a amené à la photographie, ainsi que votre rôle au sein de l’association Photot’Age ?

Fasky (F): Je suis Zerbo Siaka alias Fasky, photographe originaire de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso. Mon parcours en photographie a débuté par hasard. Au départ, je rêvais d’être rappeur, mais j’ai découvert la photographie en accompagnant des amis français impliqués dans une association au Burkina Faso. Ils m’ont offert un appareil photo, et c’est à ce moment-là que la photographie est devenue pour moi une passion. Aujourd’hui, au sein de l'association Photot'age, je transmets cet art aux jeunes, y compris les enfants déplacés internes, pour qu’ils puissent s’exprimer par l’image et montrer leur réalité.

JH: Vous avez exposé aux Récréâtrales une série de portraits de femmes. Quel message souhaitez-vous faire passer à travers ces œuvres axées sur la femme ?

F : Cela fait quatre ans que je participe aux Récréâtrales. Au fil du temps, j’ai eu la chance de tisser des liens forts avec les femmes que je photographie, dont la majorité sont des déplacées internes [à cause des multiples violences engendrées par les attaques terroristes]. Le thème de mon exposition, “Nous Vaincrons”, reflète leur résilience dans un contexte de crise. Ce sont des femmes qui, malgré tout, gardent espoir et luttent pour leur dignité. À travers leurs portraits, j’invite les visiteurs à voir leur force et leur vulnérabilité. Mon souhait est qu’on perçoive, au-delà de leurs visages, une humanité qui touche et inspire.

Une exposition de Fasky lors des récréâtrales

JH: Espérez-vous ouvrir un dialogue sur l'égalité des genres ? Quelles en sont les répercussions possibles au-delà de l’esthétique de vos œuvres ?

F: Absolument, la photographie est pour moi un acte politique et social. Ces portraits sont une prise de parole pour l’égalité des genres, pour rendre hommage à ces femmes fortes et à leurs combats. Mon espoir est de créer une prise de conscience, de montrer leur force et de rappeler l’urgence de l’égalité. Si mes images peuvent ouvrir un débat, susciter l’envie de défendre les droits de ces femmes, alors elles auront rempli leur mission.

JH: Quel rôle joue l'association Photot'age sur la scène photographique d’Afrique de l’Ouest, et quels projets récents vous tiennent particulièrement à cœur ?

F: Photot’Age représente un espace de partage et d’expression pour moi. Avec des jeunes et des enfants déplacés, notamment à travers le projet Terre Ceinte [projet culturel et artistique au service de la lutte contre l’extrémisme violent], nous leur enseignons la photographie comme moyen de raconter leurs histoires. C’est aussi une manière de construire une autre image d’eux-mêmes, de revendiquer leurs réalités et leurs droits. On appelle cela le photographivisme [Photographie + Activisme] – un engagement à faire de l’image un levier de changement social.

JH: Vous participerez prochainement au Mois de la Photo à Grenoble. Quelles sont vos attentes pour cet événement?

F: Participer au Mois de la Photo à Grenoble représente pour moi une occasion précieuse de partager une vision authentique et souvent méconnue de l'Afrique. Mon projet Reconfinement, qui illustre la manière dont le confinement, imposé par la pandémie, n’a jamais vraiment existé en Afrique, est une réflexion sur la résilience et la vie quotidienne. Ce projet cherche à créer une véritable connexion humaine, en invitant le public à comprendre que, pour beaucoup en Afrique, la survie quotidienne rend les confinements physiques et mentaux presque impossibles à imaginer.

Je m’attends à ce que le public français, habitué à des représentations plus stéréotypées ou occidentalisées de l’Afrique, réagisse avec réflexion face à cette réalité brute. En présentant ces images de résilience et de quotidien, je souhaite que les spectateurs soient confrontés à un autre regard sur l’Afrique, loin des clichés, mais profondément ancré dans les réalités humaines et sociales.

Cette exposition collective à La Rampe, aux côtés d’artistes comme Jean-Claude Partouche, Sophie Romettino et bien d’autres, me semble être un cadre idéal pour amorcer ce dialogue. L’un des aspects les plus intéressants de cet événement est justement l'échange, mais aussi sur les histoires humaines qui se cachent derrière chaque image. Je crois que cette expérience sera enrichissante, tant pour les spectateurs que pour nous, les artistes.

JH: Votre style photographique transmet une relation intime avec vos sujets. Comment parvenez-vous à instaurer cette confiance, surtout dans des situations souvent difficiles ?

F : La confiance est essentielle dans mon travail. Les femmes que je photographie me connaissent, nous avons tissé des liens au fil du temps. Le projet Terre Ceinte m’a permis de comprendre leurs vies et de gagner leur confiance. Avant de capturer leur image, j’écoute, je respecte leur histoire. C’est ce lien qui transparaît dans leurs regards sur mes photos – une sincérité que seules la patience et l’écoute peuvent créer.

JH: Quel message espérez-vous transmettre à travers vos expositions?

F: Le message est universel : notre humanité nous relie. Les défis de Ouagadougou ne sont pas si différents de ceux de Grenoble. Mes expositions cherchent à créer un pont entre les cultures, à rappeler que, malgré nos différences, nous partageons des espoirs et des luttes communes. J’espère que les visiteurs sortiront de l’exposition avec une nouvelle perspective, un respect pour ces vies qui, bien que lointaines, leur sont finalement proches dans leur humanité.

 

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Le Mali adopte une législation ouvertement anti-LGBTQ+https://fr.globalvoices.org/?p=291804http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241111_101147_Le_Mali_adopte_une_legislation_ouvertement_anti-LGBTQ_Mon, 11 Nov 2024 09:11:47 +0000Environ 30 pays africains pénalisent les relations homosexuelles

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une partie de la ville de Bamako, capitale du Mali, vue d'en haut ; capture d'écran de la chaîne YouTube de Sky travel

Sur le continent africain, la tendance est à la criminalisation de l'homosexualité comme en témoigne un changement dans la législation malienne.

Les positions des gouvernements se durcissent depuis plusieurs années: en février 2024, le parlement ghanéen adopte une loi qui condamne à une peine d'emprisonnement de trois ans toute personne qui se déclare LGBTQ+, et jusqu'à dix ans celle qui fait campagne LGBTQ+ à l'endroit des enfants. En mai 2023, l'Ouganda adopte une loi similaire. Dans ce pays dirigé par Yoweri Museveni, président en poste depuis 1986, on parle de crime d'homosexualité aggravée avec pour sanction la peine de mort pour les personnes coupables.

Lire : Yoweri Museveni promulgue une loi répressive qui met la communauté LGBTQ+ ougandaise en grave danger

Dans ce contexte d'homophobie institutionnelle, le 31 octobre 2024, le Conseil national de transition (CNT) du Mali, qui est l'organe législatif en lieu et place de l'Assemblée nationale dissoute à la suite du coup d’État de 2020, adopte un projet de loi qui pénalise l'homosexualité. Le texte est adopté presque à l'unanimité par 132 voix contre 1.

Dès 2022, les premiers signes annonçant cette nouvelle loi apparaissent: en octobre de cette année là, un reportage de Tv5monde titré ” Mali : vers la pénalisation de l'homosexualité? ” explique que dans le nouveau code pénal sur lequel les parlementaires travaillaient, les actes dits contre nature seraient punis par de lourdes peines.

Selon Mamadou Kassogue, ministre de la justice, l'adoption de ce projet de loi renforce la détermination des autorités militaires du pays à ne laisser aucune puissance étrangère influencer les traditions du Mali. Le Mali est un pays laïc mais très fortement dominé par la religion musulmane: 95% de la population est musulmane.

A cet effet, dans un article de Voice of America (VOA) Mamadou Kassogue déclare :

Désormais, il existe des dispositions dans nos lois qui interdisent l'homosexualité au Mali. Toute personne s'adonnant à cette pratique, en faisant sa promotion ou son apologie, sera poursuivie. Nous n'accepterons pas que nos coutumes et nos valeurs soient violées par des personnes venues d'ailleurs. Ce texte sera appliqué, inch'Allah.

Bien avant l'adoption de ce projet de loi, les personnes homosexuelles couraient de graves dangers au Mali. L'histoire de ce jeune Malien au nom de Traoré, exilé en France témoigne de l'homophobie dans la société malienne. En 2018, il avait dû fuir le Mali pour sauver sa vie, comme il le raconte dans un article publié par Radio France Internationale (RFI):

Un jour, alors que l’on était tous les deux chez moi, ma mère a besoin de moi et envoie un petit garçon me chercher. (…)Cinq ou six personnes sont arrivées dans ma chambre, elles ont commencé à me tabasser. J’ai couru, et j’ai pris un taxi pour quitter la ville et me réfugier dans un village à côté. (…)c’est ce jour-là que ma mère a appris que j’étais homo. Elle était en colère et me disait qu’elle regrettait de m’avoir mis au monde, que je n’existais plus pour elle.

Des réactions contrastées

La criminalisation de l'homosexualité dans ce pays sahélien suscite des réactions contrastées au Mali.  Sur le réseau X, le journaliste Niang Abdoul publie une vidéo reportage qui illustre l'approbation de certains Maliens.

Face à l'annonce de cette loi, le site d'information Vudaf estime que les réactions sont mitigées dans le pays. Vudaf analyse:

Si certains y voient un moyen de défendre l’identité culturelle malienne, d’autres dénoncent une atteinte aux libertés individuelles et aux droits humains. Cette criminalisation risque d’accentuer la stigmatisation et la marginalisation de la communauté LGBTQ+ au Mali, qui fait déjà face à de nombreuses discriminations. Le débat reste vif, et plusieurs associations locales et internationales de défense des droits humains ont exprimé leur inquiétude, appelant le Mali à respecter les droits fondamentaux de tous ses citoyens.

A l'international, des inquiétudes prennent place

Hors des frontières maliennes, l'inquiétude est au rendez-vous dans certains pays. L'association française de lutte contre les discriminations et la haine anti-LGBTQ+ indique sur son site Stop Homophobie que l'adoption de cette loi sera en contradiction avec la charte de africaine des droits de l'homme, et témoigne d'un durcissement régional à l'endroit des LGBTQ+:

(…)cette législation au Mali reflète une tendance régionale au durcissement des droits LGBTQ+. Des lois similaires ont été récemment adoptées au Burkina Faso et en Ouganda. En Afrique, environ 30 pays interdisent les relations homosexuelles, et certains, comme la Mauritanie, la Somalie et le Soudan, imposent la peine de mort pour ces actes.

Vudaf, cité plus haut, poursuit son analyse en pointant les complications qui peuvent subvenir entre le Mali et ses partenaires internationaux.

Cette loi risque de compliquer les relations entre le Mali et certains partenaires internationaux, notamment les pays et organisations prônant les droits des minorités sexuelles. Des organisations comme l’Union européenne et les Nations Unies pourraient accroître leur pression diplomatique sur le Mali pour l’inciter à revoir sa législation, comme elles l’ont fait pour d’autres pays ayant adopté des lois similaires.

Le cas de l'Ouganda en est un exemple. Le pays a perdu une partie de ses partenaires dont la Banque mondiale qui l'avait sanctionné à la suite de l'adoption de sa loi anti-LGBTQI+ et avait bloqué tous les financements publics dans le pays. Une récente étude d’Open for Business (une coalition des entreprises en faveur des sociétés LGBTQ+ et inclusives) indique qu'en raison de cette loi répressive à l'endroit des communautés LGBTQ+, l'Ouganda peut perdre chaque année jusqu'à 1,7 milliard de dollars américains.

Tous les regards sont désormais tournés vers les autorités militaires qui devront donner leur accord final en promulguant ou non cette loi qui déterminera le statut juridique des groupes LGBTQ+ au Mali.

Alors que de nombreux de pays épousent l'idée d'une décriminalisation de l'homosexualité, la majorité des pays de l'Afrique ne semble pas prête à reconnaitre les droits de la communauté LGBTQI+.

Lire : En Côte d'Ivoire, la communauté LGBT+ est tolérée juridiquement mais pas socialement

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Objectif de conservation « 30×30 » : les efforts de la Guyanehttps://fr.globalvoices.org/?p=291500http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241110_160907_Objectif_de_conservation____30__30______les_efforts_de_la_GuyaneSun, 10 Nov 2024 15:09:07 +0000Le pays met en oeuvre sa stratégie de développement à faible émission de carbone

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Les chutes de Kaieteur en Guyane, image Canva Pro.

Écrit par Tyrell Gittens

Cet article a été publié pour la première fois sur le réseau caribéen d'actualités environnementales Cari-Bois. Une version modifiée apparaît ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Les discussions sur le changement climatique doivent être suivies d'une action climatique — tel était le message adressé aux participants du 26e Congrès RedLAC, qui s'est tenu à Sainte-Lucie du  7 au 10 octobre. L’adoption du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, vise à démontrer l’importance cruciale des projets régionaux qui contribuent à la conservation de 30 % de la biodiversité de la région d’ici 2030.

Pradeepa Bholanath, directrice de Climate Change en Guyane, a expliqué que si la stratégie de développement à faible émission de carbone de son pays vise à soutenir la croissance économique en s’orientant vers des activités à faible émission de carbone, elle est également le résultat de recherches approfondies sur la flore, la faune, les bassins versants et le carbone forestier.

La Guyane, l’un des pionniers de la vente de crédits carbone, a signé un protocole d’accord pour la période 2010-2020 avec la Norvège, à hauteur de 220 millions de dollars US pour le financement de la stratégie de développement à faible émission de carbone de la Guyane, avec des indicateurs de performance relatifs aux principaux objectifs en matière de biodiversité.

« L’un de ces indicateurs clés », a déclaré Bholanath, « consistait à maintenir la conservation du couvert forestier ainsi que des forêts encore intactes. » La Guyane définit les « forêts intactes » comme des zones forestières non fragmentées de 50 000 hectares ou plus, ce qui « assure la protection des corridors de biodiversité, des principaux bassins versants et des peuples autochtones qui vivent dans ces zones et profitent de ces forêts vierges ».

Et les répercussions sont visibles. La protection des forêts contribue à la conservation de la biodiversité et elle permet aux communautés qui dépendent de ces écosystèmes de préserver leur qualité de vie et d’accéder aux ressources dont elles sont les gardiennes.

Ce type de gestion devient encore plus important dans le contexte des réserves pétrolières récemment découvertes en Guyane, car il nécessite une vision de développement et de mise en œuvre « qui soit par nature à faible émission de carbone » et alignée sur l’objectif de 2030.

Toujours selon Bholanath, « La multiplication des aires protégées, les efforts d’atténuation du changement climatique et les objectifs d’adaptation relatifs aux marchés du carbone (et) au financement climatique devraient prendre forme d’ici là. » À cette fin, la Guyane s'efforce de collaborer avec davantage d'organisations non gouvernementales (ONG) et du secteur privé, telles que WWF et Conservation International Guyana, qu’elle décrit comme « l’une des forces motrices » encourageant la participation des communautés et soutenant l’expansion des aires protégées dans le pays.

Plusieurs communautés autochtones se sont engagées dans le programme de financement climatique de la Guyane, mais elles ont besoin de financements pour que leurs actions portent leurs fruits, et la Banque de Développement allemande (KfW) s’est engagée à financer les efforts de conservation de la biodiversité en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Jens Mackensen, responsable de la division Biodiversité et gestion durable des ressources pour l'Amérique latine au sein de la KfW, a déclaré que l’objectif était de fournir des modèles de financement mixte compatibles avec les différents besoins de conservation de la région. Cette approche, a-t-il ajouté, est « un très bon outil pour garantir que le financement public soit cumulé aux efforts locaux et au financement local afin d’obtenir plus de visibilité », et avoir un impact plus important.

Mackensen estime qu’en matière de financement de projets, la mise en œuvre réussie du cadre mondial de la biodiversité impliquera une coopération entre les institutions financières internationales et les fonds fiduciaires locaux pour la conservation. En ce qui concerne la mise en œuvre, les communautés locales doivent prendre les choses en main. De cette manière, les parties prenantes s’investissent davantage dans le résultat, et en ressort également une dynamique qui favorise l’émergence de nouvelles idées.

À cette fin, le Fonds pour la biodiversité des Caraïbes a lancé son cinquième appel à propositions lors du Congrès RedLAC dans le cadre de sa stratégie d’adaptation fondée sur les écosystèmes (EbA). Le fonds, qui a déjà donné lieu à plusieurs projets significatifs, soutient des projets axés sur la conservation et les services écosystémiques en termes de moyens de subsistance et d’adaptation aux changements climatiques.

L’un des projets qui a le plus retenu l'attention de la directrice du Fonds, Ulrike Krauss, a été réalisé en collaboration avec l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture (ICA). Avec l’appui du secteur privé, un travail remarquable a été accompli avec l'exploitant d’une carrière qui provoquait l'écoulement de sédiments et contaminait un récif. Une partie de la solution au problème consistait à planter du vétiver le long du bassin de sédimentation pour filtrer les sédiments.

Les environnementalistes régionaux et les fonds internationaux coopérant dorénavant efficacement, elle espère qu’il y aura beaucoup d’autres initiatives.

 

 

Tyrell Gittens est le coordinateur et rédacteur en chef du réseau caribéen d’actualités environnementales Cari-Bois.
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Russie : le quotidien des personnes LGBTQ+, qualifiées de communauté extrémistehttps://fr.globalvoices.org/?p=291290http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241110_104808_Russie___le_quotidien_des_personnes_LGBTQ___qualifiees_de_communaute_extremisteSun, 10 Nov 2024 09:48:08 +0000Histoires de personnes LGBTQ+ vivant en Russie

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de Cecilie Bomstad provenant de Unsplash. Utilisée sous une licence de Unsplash.

Cet article a été écrit par Arina Ruble et publié en russe par Novaya Vkladka le 7 Août 2024. Une version éditée est publiée sur Global Voices avec la permission de l'auteur.

Comment la vie a-t-elle changé pour les personnes queer dans différents régions de la Russie après l’interdiction des « mouvements » LGBTQ+. De quoi ont-elles peur et de quoi rêvent-elles ?

Tous les noms ont été changés pour des raisons de sécurité.

Musique dans la ville de Tomsk

Anya et Nastya sont des musiciennes qui jouent dans les bars et les clubs à Tomsk. Elles se sont rencontrées il y a 5 ans. À ce moment-là, Anya était curieuse d'en savoir plus sur la communauté LGBTQ+ : « J'ai toujours essayé de comprendre ce qui n'allait pas chez eux, ce qui était brisé. » Anya est tombée amoureuse de Nastya à peu près un an après le début de l’invasion de l'Ukraine par la Russie, mais n'a déclaré ses sentiments qu'en automne 2023 : « Nous avons pu nous fréquenter et même sortir ensemble avant que la loi [dénonçant la communauté LGBTQ+ comme organisation extrémiste] ne soit adoptée. » La mère d'Anya a accepté leur relation, mais les parents de Nastya ne savent rien d'Anya.

Anya et Nastya ne se sentent pas en sécurité dans les rues de la ville, et ne sont intimes qu'à la maison, loin des regards du fils d'Anya.

« Nous gardons nos sentiments pour nous et nous y sommes habituées », dit Nastya d'un ton détaché. « J'ai vraiment peur de la persécution et d'aller en prison. Je veux plus que tout être libre. Et j'aurais aussi espéré que le fils d'Anya sache pour nous. » Anya envisage de tout dire à son fils à ses 10 ans. Elle croit qu'il sera alors assez mature.

Tout comme Nastya, Anya ne veut pas quitter la ville. À Tomsk, ses proches l'aident à s'occuper de son enfant, mais le plus important, elle adore son travail : « Je fais enfin de la musique, comme je l'ai toujours voulu. Je ne suis pas prête d'abandonner ça. »

« On peut faire tout ce qu'on veut aux personnes qui sont invisibles »

Ayan, âgé de 34 ans, est médecin comme ses parents qui habitent dans une zone urbaine, et selon lui, sont libéraux et le soutiennent, surtout sa mère. Ayan a découvert qu'il aimait les garçons à 14 ans. Sauf qu'à Bouriatie, Ayan « n'avait pas la possibilité » de rencontrer quelqu'un comme lui. Sa seule option était de faire des rencontres en ligne.

Ayan vit et travaille à Moscou en ce moment. Ses collègues et ses voisins ne savent pas qu'il est homosexuel. C'est l'un des avantages de vivre dans une grande ville : « Les gens se lassent les uns des autres et s'en fichent », dit-il.

Ayan pense que la discrimination des personnes LGBTQ+ a pour but d'« exclure des personnes du domaine de l'information pour les rendre invisibles ». Et on peut faire tout ce qu'on veut aux personnes qui sont invisibles.

Selon lui, l'art libre a disparu de son monde après novembre 2023. Il adore les films et les séries mais on n'en trouve plus sur la vie des personnes queer. Tout, même ce qui est indirectement lié aux thèmes LGBTQ+, a disparu de l'agenda culturel.

Ayan a aussi réalisé qu'il n'a pas d'avenir. Il a toujours voulu avoir un enfant. Il pense que « même si Poutine meurt demain » et que la guerre cesse, les attitudes envers la communauté LGBTQ+ ne vont pas changer.

« La situation devient effrayante »

Mark a 21 ans et est un transsexuel. Il habite dans la région de Novossibirsk avec ses grands-parents, son mari, et son chien. Il travaille dans un bureau de tabac où il vend des cigarettes électroniques : « Ils m'ont banni ; bientôt, ils vont aussi interdire mon travail. Quelle incroyable coïncidence. »

Mark dit qu'il s'est toujours identifié en tant qu'homme, mais sa mère a choisi d'ignorer la situation.

Un mois avant que la communauté LGBTQ+ n'ait été qualifiée d'organisation extrémiste, Mark a reçu son nouveau passeport avec son nouveau nom. Comme il le dit, « J'ai réussi à attraper le dernier train. »

Avant cela, lui et son futur mari, âgé de 19 ans et aussi prénommé Mark, ont reçu les évaluations médicales qui, jusqu'en novembre 2023, leur autorisaient à subir une intervention chirurgicale de conversion sexuelle et suivre une thérapie hormonale. Mais ces évaluations ne servent plus à rien maintenant, « car à cause de la nouvelle loi, on ne peut ni faire la thérapie hormonale ni subir la chirurgie. » Finalement, Mark a décidé de ne pas changer de passeport et de rester officiellement une femme pour que le couple puisse enregistrer son union.

Dans la ville, Mark passe inaperçu, il n'a pas l'air extravagant. Il ressemble plutôt à Daniel Radcliffe dans Harry Potter qu'à un personnage flamboyant. Quand un journaliste lui demande si la population locale est devenue agressive après l'adoption de la loi, Mark répond que les résidents ont toujours été contre les personnes queer.

Son compagnon parle avec prudence et d'un air malheureux de l'hostilité des gens qui l'affecte profondément. Il travaille avec le Groupe Vyhod, qui apporte un soutien psychologique et juridique aux personnes LGBTQ+.

« J'ai peur que nous soyons écrasés par les rouages de l'histoire »

Heinrich et Tel sont tous les deux transsexuels. Ils sont ensemble depuis 5 ans et espèrent se marier un jour. Tous les deux portent encore leur nom de femme sur leur passeport.

Heinrich et Tel ont tous les deux subi des violences sexuelles de la part de membres de leur famille, et ont été battus et harcelés. Heinrich travaille maintenant en tant que spécialiste logistique, et Tel est médecin. Leurs collègues ignorent qu'ils sont transsexuels et aucun des deux n'a gardé le contact avec ses parents.

Il y a dix ans de cela, Heinrich a cru que le mariage entre personnes du même sexe serait possible en Russie. Il y avait de grandes communautés LGBTQ+ et des institutions favorables aux homosexuels à Moscou, et tout semblait aller plus ou moins bien.

Tel pense différemment. Depuis qu'il a réalisé et accepté sa transsexualité, « il n'a pas vécu un seul jour en paix ».

Malgré leur peur, fatigue et scepticisme, ils font tous les deux du bénévolat pour aider les personnes queer à résoudre leurs problèmes quotidiens et de santé, à trouver un abri, et leur offrent des consultations juridiques. « Rester à ne rien faire et attendre que ça se passe, ce n'est pas pour nous. Je ne supporte pas l'inaction. Si on ne fait rien, rien ne va changer », affirme Heinrich.

« J'ai peur que nous soyons écrasés par les rouages de l'histoire, moi, mon mari et nos amis », s'inquiète Tel.

« Nous sommes nombreux, et nous sommes forts »

Violetta est une transgenre. Elle a commencé sa transition peu après le 30 novembre 2023. Sans certificat médical, chirurgie, ni changement de passeport, Violetta a déménagé loin de chez ses parents. Ils ne sont pas au courant de sa transition.

Violetta travaille actuellement sur un projet médiatique avec ses collègues pour aider les LGBTQ+ à sécuriser leurs informations.

Après son coming out, un grand nombre d'amis ont arrêté de lui parler « en l'espace d'une semaine ». La communauté des personnes comme elle lui a fourni un soutien fort nécessaire.  « Nous sommes nombreux, et nous sommes forts, malgré les tentatives de nous opprimer », dit Violetta.

Avant le 30 novembre 2023, Violetta n'était pas intéressée par l'activisme. La nouvelle loi l'a amenée à se tenir aux côtés de sa communauté et assister ceux qui sont restés en Russie. Elle réalise aujourd'hui des audits de sécurité pour les organisations associées à des minorités vulnérables.

Violetta ajoute : « Le gouvernement peut dicter ce qu'il veut. Demain ils pourraient interdire les sandales, en disant qu'elles sont un signe de l'organisation extrémiste des porteurs de sandales, par exemple. Et qui va s'opposer à eux ? Personne. »

La lutte pour la reconnaissance et la compréhension aggrave les tensions dans les sociétés où la haine et les préjugés dominent la tolérance. Sans mentionner les situations où l'ennemi principal est l'État. Presque toutes les personnes citées dans cet article envisagent de quitter le pays. Comme le dit Tel : « Parce que j'ai peur de vivre toute ma vie sans être libre. »

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« Libertad, Libertad, Libertad » : un tollé mondial pour la liberté du Venezuelahttps://fr.globalvoices.org/?p=291218http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241108_155724____Libertad__Libertad__Libertad______un_tolle_mondial_pour_la_liberte_du_VenezuelaFri, 08 Nov 2024 14:57:24 +0000Un cri d’espoir mondial, unissant les voix dans la lutte pour la liberté du Venezuela

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Un jeune manifestant de « La Gran Protesta por la Verdad » sur la Plaza Lourdes à Bogotá, Colombie, le 17 août 2024. Photo de José Montilla, utilisée avec autorisation.

« Libertad, libertad, libertad… » Des milliers de voix ont résonné dans une symphonie d’espoir dans les villes du monde entier le 17 août, de la Plaza Centennial à Edmonton, au Canada, à la Plaza Lourdes à Bogotá, en Colombie, et dans les rues du Venezuela. Il s’agissait de la « Gran Protesta por la Verdad » (Grande manifestation pour la vérité), une manifestation mondiale contre la dictature de Nicolás Maduro. Bien que séparés par des milliers de kilomètres, les manifestants étaient unis par un cri commun : liberté.

Le 28 septembre, ils se sont à nouveau rassemblés pour la « Gran Protesta Mundial por la Libertad de Venezuela » (Grande manifestation mondiale pour la liberté au Venezuela), qui a invité les citoyens du monde entier à descendre dans la rue.

Vénézuéliens et sympathisants participant à « La Gran Protesta por la Verdad » à Centennial Plaza à Edmonton, Canada, le 17 août 2024. Photo d'Avishta Seeras, utilisée avec autorisation.

À Edmonton, l’atmosphère était électrique. Je me tenais parmi les manifestants, ressentant l’énergie qui régnait dans l’air.

Il y avait tellement d’amour, de joie, de force et de communauté », ai-je pensé plus tard.

Tout le monde, même les étrangers, se tenait ensemble dans une démonstration indéniable de solidarité. Gisela, qui est arrivée au Canada il y a 18 ans, après que le régime de Chávez a licencié 23 000 travailleurs du secteur pétrolier, dont elle-même,  a parfaitement exprimé ce sentiment :

Chaque coin du monde abrite un petit morceau du Venezuela. On se sent instantanément connecté avec un compatriote vénézuélien, quelle que soit la couleur de sa peau, sa classe sociale ou son expérience vécue.

Le même sentiment de communauté s'est fait sentir à Bogotá. José, un jeune concepteur de sites Web qui vit là-bas depuis plus de sept ans, a décrit la manifestation comme le moment où il s'est senti le plus proche de chez lui depuis longtemps :

Entendre l’hymne national et les accents de mon pays, c’était incroyable. Nous étions unis dans un seul but : faire en sorte que la voix du Venezuela résonne dans le monde entier.

Une manifestante âgée à « La Gran Protesta por la Verdad », sur la Plaza Lourdes à Bogotá, en Colombie, le 17 août 2024. Photo de José Montilla, utilisée avec autorisation.

Au Venezuela, Krisbel, une infirmière de 25 ans, a partagé un moment fort :

Voir les personnes âgées, même en fauteuil roulant, crier « ¡ Y va a caer ! » [« Il va tomber ! »], en référence à la chute de Nicolás Maduro, m'a rempli d'une immense foi.

Ces moments reflètent le lien profond et l'unité qui transcendent les frontières et les générations dans la lutte pour la liberté du Venezuela.

De juillet à septembre : un appel urgent à l’action

Depuis les manifestations mondiales du 28 juillet et du 17 août, la lutte n’a fait que prendre de l’ampleur. La détermination des Vénézuéliens, tant au pays qu’à l’étranger, s’est renforcée. L’événement majeur suivant, la « Grande Protestation Mondiale pour la Liberté du Venezuela », a eu lieu le 28 septembre, exactement deux mois après les élections frauduleuses qui ont maintenu Maduro au pouvoir .

Ces derniers mois, la répression n'a fait que s'intensifier. Les leaders de l'opposition María Corina Machado et Edmundo González Urrutía sont sans cesse pris pour cible par le régime. Après avoir refusé d'assister à une audience devant le Tribunal suprême de justice du Venezuela, González s'est enfui en Espagne .

Je devais être libre de dire au monde ce qui se passe au Venezuela », a- t-il déclaré.

Son exil a laissé de nombreux Vénézuéliens avec des sentiments mitigés : certains craignent que cela ne compromette la prétention de l'opposition à la présidence en janvier, tandis que d'autres sont soulagés qu'à 75 ans, González ait évité la prison et protégé sa famille.

Un jeune manifestant à « La Gran Protesta por la Verdad » sur la Plaza Lourdes à Bogotá, Colombie, le 17 août 2024. Photo de José Montilla, utilisée avec autorisation

Malgré son exil, la lutte continue, avec María Corina Machado à la tête de la résistance depuis le Venezuela.

« Edmundo se battra depuis l’étranger avec notre diaspora, et je continuerai à me battre ici avec vous », a-t-elle assuré à ses partisans. Pour beaucoup, Machado est le symbole durable de la résistance, sa présence maintient vivant l’espoir de liberté. « Nous sommes aux côtés de María Corina jusqu’au bout », déclare Julia, une couturière de 67 ans qui a participé aux manifestations au Venezuela.

Héctor, qui a quitté le nord du Venezuela pour s’installer au Canada en 2020, souligne le rôle crucial que joue la diaspora vénézuélienne dans la diffusion du message de résistance :

C’est un appel aux organisations internationales pour qu’elles prennent conscience de l’ampleur des violations systématiques des droits humains au Venezuela. Nous devons continuer à diffuser ce message sans relâche.

Pour Héctor, ce combat est profondément personnel, car il a vécu des persécutions et la perte de ses droits dans son pays d’origine.

Voix de la résistance : lutte sur trois continents

La manifestation mondiale du 17 août était plus qu’une manifestation politique : c’était un puissant acte de défi culturel et une réaffirmation de l’identité.

La véritable force du Venezuela réside dans son peuple », a déclaré Gisela à Edmonton. « Je suis prête à revenir et à faire tout ce qu’il faut pour reconstruire mon pays. »

Luis, un ingénieur système de 32 ans qui vit à Bogotá et qui a quitté le Venezuela il y a sept ans, partage le même espoir.

Je veux retourner au Venezuela pour aider à reconstruire le pays, en particulier son économie et son système éducatif, a-t-il confié.

Bien qu'il ne puisse pas voter, sa détermination reste inébranlable et il est impatient de contribuer à la renaissance de son pays.

« La Gran Protesta por la Verdad » dans les rues du Venezuela le 17 août 2024. Photo de Krisbel, utilisée avec autorisation.

Au Venezuela, la répression du régime n’a pas affaibli le moral de ceux qui restent. Julia a décrit comment le désespoir après les résultats électoraux frauduleux s’est transformé en espoir de défi pendant la manifestation :

Les gens étaient ravis , criaient, chantaient et tapaient sur des casseroles en soutien à María Corina.

Pour Julia, la protestation pacifique est la voie à suivre :

Comme le dit María Corina, c’est en descendant dans la rue sans violence que nous pourrons reconquérir notre pays.

« Nous devons maintenir la pression, à l’intérieur comme à l’extérieur du Venezuela. Seule l’unité de tous les Vénézuéliens peut apporter une véritable transformation », a affirmé Krisbel, un autre manifestant.

Droits humains et communauté : la lutte pour la liberté

En ce moment crucial de l’histoire du Venezuela, je réfléchis aux droits universels que nous méritons tous : voter, parler librement et protester sans crainte de représailles.

Au Venezuela, ces libertés fondamentales sont de plus en plus bafouées. Comme l’explique Héctor :

Le gouvernement écrase systématiquement toute voix dissidente. »

Pourtant, partout dans le monde, la diaspora vénézuélienne reste une force puissante, qui apporte de la force à ceux qui sont quotidiennement persécutés dans leur pays.

« La Gran Protesta por la Verdad » sur la Plaza Lourdes à Bogotá, Colombie, le 17 août 2024. Photo de José Montilla, utilisée avec autorisation.

Le cri de « liberté » qui a retenti le 17 août n’était qu’un début. Avec la manifestation du 28 septembre, les voix de la résistance, du Venezuela aux quatre coins du monde, s’élèvent à nouveau. Chaque cri, chaque manifestation, nous rapproche un peu plus du jour où le Venezuela sera vraiment libre.

 

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L'essor du roman en langue amazighe en Algérie : défis et reconnaissance officiellehttps://fr.globalvoices.org/?p=291428http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241107_163721_L_essor_du_roman_en_langue_amazighe_en_Algerie___defis_et_reconnaissance_officielleThu, 07 Nov 2024 15:37:21 +0000L'écriture en amazighe a évolué d'un simple acte de résistance à une langue littéraire épanouie

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une bibliothèque de livres d'occasion dans un marché local à Tizi-Ouzou. Photo de l'auteur. Utilisée avec autorisation.

À l'occasion de la Semaine mondiale du roman, qui commence chaque année le 13 octobre, Global Voices s'est entretenu avec des écrivains algériens d'expression amazighe. Un choix qui témoigne d'un engagement profond envers la préservation et le renforcement de leur langue maternelle.

La littérature algérienne est produite dans plusieurs langues, le français, l'arabe et l'amazighe, avec pour chacune, des traits distinctifs. Elle pose ainsi un défi pour être pleinement appréhendée.

En réponse à la question posée par Global Voices concernant leurs motivations à écrire en amazighe, les romanciers que nous avons interrogés, et qui font partie des figures littéraires les plus en vue de la littérature amazighe en Algérie aujourd'hui, ont exprimé, chacun à leur manière, les raisons qui les ont poussés à choisir cette langue plutôt que l'arabe ou le français.

L'histoire de la littérature berbère

Les premières traces d'une littérature écrite en langue berbère remontent à la période coloniale, où l'on a commencé à documenter l'héritage orale populaire, comme la poésie et les contes, à travers des auteurs tels que Said Boulifa (1865-1931), les missionnaires « Pères blancs » et certains officiers français. Le premier roman écrit dans cette langue, intitulé « Lwali N Wedrar », ou bien « Le Saint homme de la Montagne », a été publié en 1947 par Belaid Aït Ali.

Une fresque murale dans le village de Tizi Ouzou représentant des figures autochtones, dont certaines ont contribué à la promotion de la langue amazighe dans les domaines artistique et littéraire. Photo de l'auteur. Utilisée avec autorisation.

Depuis lors, les publications d’œuvres littéraires en langue amazighe se sont multipliées, couvrant divers genres tels que le roman, la poésie, les nouvelles et le théâtre. Ces ouvrages ont fait l'écho de la situation générale du pays, tant dans leurs thèmes que dans leur fréquence de publication. En fait, avant la reconnaissance officielle de la langue et de la culture amazighe comme faisant partie intégrante de l'identité algérienne en 2016, la plupart des oeuvres produites sont caractérisés par une tonalité militante, aussi bien dans leur forme que dans leur contenu.

Une langue parmi d'autres

Les écrivains berbères ont voulu démontrer que leur langue est, comme toute autre, capable de produire des oeuvres littéraires. Ainsi, les romans publiés durant cette période (de la fin des années 1970 à la fin des années 1980) traitaient souvent de questions liées à l’identité ou à la lutte culturelle.

À partir de 1990, des départements de langue amazighe ont été créés dans les universités Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou et de Béjaïa, permettant ainsi le développement d’études critiques sur la littérature berbère, qu’il s’agisse de poésie ou de romans.

Depuis la reconnaissance officielle de l’amazighe comme langue nationale en 2016, la littérature berbère a connu un essor considérable. Le nombre de publications et de distinctions a décuplé, y compris des prix officiels récompensant les meilleures œuvres. Les auteurs font cohabiter entre leurs lignes une passion pour l'écriture et un fort attachement à leur identité et langue.

Expression de soi et langue maternelle

Lorsqu'on lui demande pourquoi il a choisi d'écrire dans cette langue, Djamel Laceb, 55 ans, romancier et ancien professeur de sciences physiques dans un collège, explique que s'exprimer en amazighe allait de soi :

“لم أختر شيئًا… من الطبيعي أن أكتب باللغة الأمازيغية. إنها لغتي الأم التي تسمح لي بالتعبير بشكل أفضل عن مشاعري وحالتي المزاجية.”

Est-ce un choix ? Non. Écrire en amazighe s'impose comme une évidence pour moi. C'est ma langue maternelle, celle qui me permet d'exprimer mes émotions et mes états d'âme plus fidèlement.

Le romancier Tahar Ould Amar, 60 ans, estime que la question elle-même n'a pas de sens, affirmant que :

“لماذا اخترت الكتابة باللغة الأمازيغية؟ هذا السؤال طرحه عليّ أحد الصحافيين. أجبته: ‘لن تسأل رجلًا إنجليزيًا لماذا كتب بالإنجليزية، أو عربيًا لماذا كتب بالعربية.’ مما يدل على درجة الاغتراب التي أوصلتنا إليها القوى المتعاقبة، فمن الطبيعي أن أكون أمازيغيًا، وأكتب باللغة الأمازيغية.”

Pourquoi avez-vous choisi d'écrire en amazighe ? Cette question m'a été posée par un ami journaliste. Je lui ai répondu : “On ne demande pas à un Anglais pourquoi il écrit en anglais, ni à un Arabe pourquoi il écrit en arabe.” La question fait état d'une forte aliénation, imposée par les pouvoirs successifs. Je suis Amazigh, donc j'écris en amazighe.

Zouhra Aoudia, 42 ans, est professeure de langue amazighe dans un lycée, et romancière qui aborde des thèmes liés à la condition des femmes dans ses écrits. Elle affirme que l'écriture en amazighe lui permet d'exprimer ses émotions de manière authentique. Elle ajoute :

“اخترت الكتابة باللغة الأمازيغية لأنها لغتي الأم، التي تسمح لي بلمس المشاعر بعمق والتعبير عن أصدق أفكاري. من خلال لغته الأصلية، يستطيع الإنسان أن يبكي ويشعر ويتحدث بكل قلبه. الكتابة بالأمازيغية هي وسيلة للحفاظ على ثقافتنا ونقل القصص بأصالة لا يمكن أن تقدمها إلا هذه اللغة.”

J’ai choisi d’écrire en amazighe, ma langue maternelle, car elle me permet d’exprimer, avec plus de sincérité, mes pensées les plus profondes. C'est à travers sa langue maternelle que l'on peut pleurer, ressentir et parler avec tout son cœur. C'est en même temps un acte de préservation culturelle, un moyen de faire découvrir nos histoires avec l'authenticité que seule cette langue peut offrir.

Préservation du patrimoine

Aldjia Bouhar, romancière et auteure de nouvelles en amazigh, explique :

“أكتب بالأمازيغية، لغتي الأم، لأني أحب الكتابة بها، ولأنها اللغة التي تعلمتها من أمي. أكتب بها لأساهم في ترقيتها والحفاظ عليها، حتى تصبح مثلها مثل غيرها من اللغات.”

J'aime écrire en amazighe, la langue que j'ai apprise de ma mère. Ainsi, je peux contribuer à sa valorisation et à sa préservation, pour qu’elle soit considérée à égalité avec les autres langues.

Houcine Louni, 41 ans, entrepreneur dans le domaine de l'édition, poète, romancier et traducteur, partage ce même élan militant de l'écriture en amazighe :

“في البداية، هو اختيار يمكن اعتباره نوعًا من النضال. الأمازيغية هي لغتنا الأم التي تربينا عليها ونتحدث بها يوميًا. مثل كل الشعوب التي تمتلك لغتها الخاصة، لدينا لغة نرغب في الحفاظ عليها لأنها جزء من هويتنا. كما أن من واجبنا العمل على ترقيتها لتصبح مثلها مثل أي لغة أخرى. لم تحظَ الأمازيغية بحقها الكامل، فمن سبقونا لم يكن لهم الحق في الكتابة بها أو دراستها أو استخدامها في مؤسسات الدولة. لكن اليوم، من الممكن الكتابة بالأمازيغية، مثلما يكتب الياباني باليابانية أو الألماني بالألمانية، اليوم، هناك العديد من الكتاب الذين يكتبون وينشرون بالأمازيغية، وهناك أيضًا الكثير من القراء.”

Au départ, écrire en amazighe relevait d’un véritable acte de résistance. Cette langue que nous avons apprise dès l’enfance et que nous pratiquons chaque jour, est un héritage précieux, un trait distinctif que nous partageons comme tout autre peuple. La préserver fait partie de notre identité, et c’est même un devoir de l’élever au rang de toutes les autres langues. Longtemps, nos ancêtres n’ont pas eu la liberté d’écrire, d’étudier, ou d’employer l’amazighe dans les institutions publiques. Aujourd’hui, nous avons enfin la possibilité d’utiliser notre langue avec la même fierté qu’un Japonais ou un Allemand. Aujourd'hui, les œuvres littéraires en amazighe se multiplient, et les lecteurs sont de plus en plus nombreux à les découvrir.

Beaucoup reste encore à faire

Concernant l'essor quantitatif de la littérature amazighe, le journaliste et chercheur Nourredine Bessadi souligne, lors de son entretien avec Global Voices, qu’il s’agit certes d’un progrès notable, mais un travail accru sur la qualité est nécessaire :

“أشكال التعبير المختلفة هي التي تضمن بقاء اللغة. لذلك يساهم التعبير الأدبي بالأمازيغية في بقاء اللغة واستمراريتها. لكن يبدو لي أن الكتابة الأدبية بالأمازيغية أصبحت في السنوات الأخيرة غاية في حد ذاتها، وغالبًا على حساب الجودة. وقد حان الوقت لظهور نقد أدبي موضوعي في مجال الأمازيغية لتمييز الأعمال الأدبية الحقيقية عن تلك التي لا تخدم سوى ملء الصفحات.”

Les diverses formes d'expression d'une langue assurent sa pérennité. Ainsi, la littérature berbère joue un rôle fondamental dans sa préservation et sa continuité. Cependant, il me semble qu'au cours des dernières années, l'écriture littéraire en tamazight soit devenue une fin en soi, souvent au détriment de la qualité. Il est donc temps qu'une critique littéraire objective passe au crible la littérature amazighe, afin de différencier les œuvres authentiques des écrits superficiels qui ne font que remplir des pages.

Il a ajouté qu'il est également important que le soutien de l'État algérien à l'écriture en amazighe soit accompagné d'une stratégie visant à améliorer la qualité de ces œuvres.

“بدأت تمويلات الكتابة التي تخصصها مؤسسات مثل المحافظة السامية للأمازيغية، والتي توزع بهدف تحفيز الكتابة بهذه اللغة، تظهر محدوديتها عندما يتعلق الأمر بجودة الأعمال المنتجة. الكتابة بالأمازيغية، نعم. الكتابة من أجل الكتابة، لا.”

Les financements alloués par des institutions telles que le Haut-commissariat à l'amazighité, afin d'encourager la production littéraire dans cette langue, ont montré leurs limites en ce qui concerne la qualité des œuvres produites. Écrire en amazighe, oui ; écrire pour écrire, non.

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A l'intérieur d'une garde-robe : les vêtements féminins de plus en plus censurés au Tadjikistanhttps://fr.globalvoices.org/?p=291515http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241105_192039_A_l_interieur_d_une_garde-robe___les_vetements_feminins_de_plus_en_plus_censures_au_TadjikistanTue, 05 Nov 2024 18:20:39 +0000Les autorités veulent aussi réglementer les tissus, la longueur et la coupe des vêtements traditionnels

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Détenues dans une prison au Tadjikistan. Photo de Steve Evans sur Flickr. Libre de droits d'auteur.

Cet article a été écrit par Alva Omarova pour Vlast.kz et publié le 11 septembre 2024. Une version modifiée est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat média.

Au Tadjikistan, nombreuses sont les femmes victimes d'un contrôle total sur presque tous les aspects de leur vie quotidienne : de la part de leur mari, des membres de leur famille et de l'État. Cette tendance s'est intensifiée lorsque le président Emomali Rahmon a signé le 21 juin 2024 une loi interdisant le port de vêtements considérés comme « incompatibles » avec la culture tadjike.

Réglementation étatique des vêtements pour femmes

La campagne visant à restreindre ce que les femmes peuvent porter en public a commencé en 2007 au Tadjikistan, lorsque le port du hijab a été interdit dans les écoles, et à partir de 2009 dans les institutions publiques. En 2015, les autorités tadjikes auraient organisé des réunions avec les écoles et les vendeurs de vêtements pour femmes afin de les sensibiliser à l’importance du costume national tadjik.

En 2017, les autorités ont pris des mesures contre les magasins vendant des poupées vêtues en hijab ou d’autres types de vêtements islamiques. Rahmon, qui est président depuis 1994, a également ordonné la création d’une commission spéciale chargée d’identifier un code vestimentaire plus « approprié » pour les citoyens.

En septembre 2017, les habitants du Tadjikistan ont reçu des SMS du gouvernement leur rappelant de porter des costumes nationaux lors des « rassemblements traditionnels », en application d’une loi d’août 2017 exigeant que les citoyens portent le costume national lors d’événements tels que les mariages et les funérailles.

En 2018, le ministère de la Culture est allé plus loin et a publié un livre de 367 pages intitulé “The Guidebook To Recommended Outfits In Tajikistan”( Le guide des tenues recommandées au Tadjikistan) destiné aux filles et aux femmes à partir de sept ans. Il comprend des recommandations sur la longueur des manches, la longueur des jupes, les tissus et les chaussures (avec obligation de porter des talons). Bien que le guide ne soit pas inscrit dans la loi, il indique clairement aux femmes du Tadjikistan qu'elles n'ont pas le droit choisir leurs tenues vestimentaires.

Principales normes et contraintes patriarcales

Le Tadjikistan est une société patriarcale où le contrôle de la vie des femmes est profondément ancré. Des enquêtes révèlent que 29 % des femmes mariées subissent un contrôle social de la part de leur partenaire actuel ou le plus récent, notamment des restrictions sur les personnes avec lesquelles elles peuvent parler et les endroits où elles sont autorisées à aller. Près de 30 % des femmes salariées ont déclaré n'avoir aucun mot à dire sur la façon dont elles dépensent leur propre argent. De plus, 49 % des femmes ne participent pas à leurs propres décisions en matière de santé, d'achats importants du ménage ou de projets de voyage.

Au vu de ces chiffres, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les autorités du Tadjikistan trouvent normal le fait de restreindre, de contrôler et de surveiller les tenues vestimentaires des femmes.

Cette situation a été exacerbée par la crainte des autorités de l’extrémisme islamique au Tadjikistan. Au cours des dernières années, des extrémistes tadjiks auraient perpétré de nombreuses attaques terroristes de grande envergure dans le monde, notamment l’attaque de l’hôtel de ville Crocus à Moscou. Les autorités oublient que ce ne sont pas les femmes au Tadjikistan qui décident de ce qu’elles portent, mais leurs maris ou leurs pères, qui contrôlent souvent leurs allées et venues et leur argent, et ne considèrent souvent pas nécessaire qu'elles soient éduquées ou travaillent.

D’autres pays d’Asie centrale ont également essayé de réglementer les tenues vestimentaires des femmes. Au Turkménistan, les femmes sont soumises à des restrictions arbitraires sur leur tenue vestimentaire. Au Kazakhstan, les écoles ont interdit le port du hijab et du foulard en 2023, entraînant l’absentéisme de nombreuses filles.

Mise en application de la nouvelle loi

Au Tadjikistan, les femmes peuvent désormais être condamnées à une amende de 750 à 6 000 dollars pour avoir porté, vendu ou distribué des vêtements étrangers perçus comme « incompatibles avec la culture et les traditions du pays. » Selon certaines informations, les femmes ont été mises en garde qu'elles risquaient des amendes, si elles n’étaient pas correctement habillées avant de pénétrer dans les établissements médicaux.

Le prix d'un costume national au Tadjikistan constitue un fardeau supplémentaire pour les familles. Le plus souvent, les tenues traditionnelles tadjikes sont confectionnées sur mesure et les tissus peuvent coûter très chers aux citoyens ordinaires.

Les chefs religieux approuvés par l’État au Tadjikistan ont rapidement suivi l’exemple du gouvernement : un peu plus d’un mois après la signature de la récente loi par le président, le Conseil des oulémas du Tadjikistan, composé de dignitaires religieux, a émis une fatwa interdisant aux femmes de porter des vêtements noirs, moulants ou transparents.

Le message est également présent dans les universités du Tadjikistan. Cet été, une publication de l’Université de médecine d’État Avicenne a appelé les femmes à ne plus porter de vêtements noirs et moulants, ainsi que le hijab, et affirme que les femmes ne comprennent pas que ces vêtements sont irrespectueux envers la nation tadjike. Mais s’habiller est un acte individuel d’expression de soi et ne doit pas être perçu comme un manque de respect envers une culture ou un État.

Cette pratique est clairement en contradiction avec le droit international des droits de l’homme qui stipule qu’en règle générale, le droit à la liberté de religion ou de conviction et la liberté d’expression signifient que chaque personne devrait être libre de choisir ce qu’elle veut porter, ou non. Les gouvernements ont l’obligation de respecter, de protéger et de garantir le droit de chaque individu à exprimer ses croyances, ses convictions personnelles ou son identité. Ils doivent créer un environnement dans lequel chaque personne peut faire ce choix, sans contrainte.

Dans le cas du Tadjikistan, cela signifie que les arguments religieux, culturels ou traditionnels ne peuvent pas être utilisés pour restreindre ceux qui souhaitent s’habiller d’une manière différente. Dans le même temps, le Tadjikistan devrait prendre des mesures supplémentaires pour protéger les femmes contre les contraintes imposées par les membres de leur famille, la communauté, les groupes religieux ou les chefs religieux à s’habiller d’une certaine manière.

Comme l’a déclaré une militante tadjike anonyme à l’auteur et représentante du Partenariat international pour les droits de l’homme : « Personne n’a le droit de nous dicter par la loi ce qu'est un vêtement culturellement approprié. Le droit à l’autodétermination, le droit de choisir ce que nous sommes et comment nous nous présentons, fait de nous des femmes fières du Tadjikistan. »

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Gabon: une nouvelle constitution pour tourner la page du clan Bongohttps://fr.globalvoices.org/?p=291555http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241105_134512_Gabon__une_nouvelle_constitution_pour_tourner_la_page_du_clan_BongoTue, 05 Nov 2024 12:45:12 +0000La famille Bongo est restée au pouvoir pendant 56 ans

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image du drapeau gabonais

Plus d'un an après la prise du pouvoir, le 30 août 2023, par les militaires en République du Gabon, les citoyens gabonais ont la possibilité de voter pour une nouvelle constitution durant le référendum du 16 novembre 2024.

Le Gabon se remet d'un très long règne de la famille Bongo à la tête du pays qui débute en 1967 avec le président Omar Bongo, et continue après sa mort avec l'élection de son fils Ali Bongo au même poste en 2009. La donne change en 2023 quand, après un coup d'état militaire, Brice Oligui Nguema prend les rênes du pays en tant président de la transition avec pour mission de donner une nouvelle orientation au pays.

Lire: Au Gabon, les militaires prennent le pouvoir à la suite d'une élection contestée

Dans ce contexte de refondation du pays et des institutions, le 7 septembre 2024, un projet de loi de la nouvelle constitution émanant du parlement est remis au président de la transition. Ledit projet intègre quelques changements cités dans un article de Radio France Internationale (RFI):

l'instauration d'un régime présidentiel ; le président est élu pour un mandat de sept ans renouvelable une fois ; suppression du post de premier ministre. Le parlement peut être dissous par le président de la République et les députés et sénateurs peuvent aussi destituer le président de la République en cas de haute trahison.

Par ailleurs, la nouvelle constitution reconnaît aux militaires putschistes le statu de héros par une loi qui les amnistie, et au passage définit le mariage comme étant l’union entre deux personnes de sexes opposés.

Mises en gardes sur certains aspects de la réforme

Au sein de la société civile, les avis sont partagés sur la question, et les acteurs proposent des amendements sur le projet de nouvelle constitution, en particulier en privilégiant un mandat de cinq ans au lieu des sept ans annoncés.

Sur RFI, Sentiment Ondo, porte-parole de la société civile gabonaise explique:

Nos points critiques, ce sont naturellement les dispositions qui stipulent qu'il faut être né de père et de mère gabonais, eux-mêmes né Gabonais. Être marié à un Gabonais ou à une Gabonaise. La proposition émise par la société civile ici, c'est que cet article viole le Code de la nationalité applicable depuis les années 1960. Cette disposition, en outre, est discriminatoire et excessive.

La société civile exige aussi la suppression du post de vice-président ainsi qu'une clarification autour des conditions pouvant mener à la destitution du président. Dans l'article de RFI, Sentiment Ondo précise:

La proposition qui est faite [par les parlementaires], c'est d'inclure les crimes économiques et financiers, d'inclure la propagande ethnique ou régionale, les prises illégales d'intérêts, le blanchiment des capitaux, les crimes de sang et les répressions de manifestations, dans les motifs d'accusation du président.

Lire: Au Gabon, investiture du nouveau président de la transition et libération du président renversé

De son côté, Daniel Mengara, acteur politique et président du mouvement politique gabonais Bongo Doit Partir, lève la voix contre ledit projet de constitution et dit non à son vote:

Toute cette transition a été conduite pour introniser un seul homme (…) le général Oligui Nguema (…). Donc, nous demandons en réalité une vraie séparation des pouvoirs. Il faut (…)qu'on aille plutôt vers un système parlementaire parce que nous pensons qu'avec un Parlement puissant, avec un Premier ministre puissant, on peut assurer un minimum d'équilibre des pouvoirs. (…) nous avons passé 56 ans sous l’hyperprésidence. Le régime présidentiel ne nous a pas réussi sous les Bongo. Il ne nous réussira pas sous le général Oligui.

Nombreux, certes, sont ceux qui saluent l'annonce de la nouvelle constitution car elle incarne la fin de la période Bongo. C'est ce qu'indique la réaction de Ntsegue Laffite Joyce, secrétaire exécutif adjoint et porte-parole du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM) d’Alexandre Barro Chambrier, vice-premier ministre du Gabon. Sur son compte X (ex-Twitter), il publie:

Mais l'un des sujets essentiels qui préoccupe les Gabonais est l'indépendance du système judiciaire. Sous l'ancien régime, à maintes reprises, la justice gabonaise a été sous les feux des critiques. A ce propos, dans son rapport de 2024 sur la liberté dans le monde, Freedom House indique :

Sous le gouvernement Bongo, les tribunaux étaient subordonnés au président. Le pouvoir judiciaire est responsable devant le Ministère de la justice, par l'intermédiaire duquel le Président est habilité à nommer et à révoquer les juges. La Cour constitutionnelle, la plus haute instance judiciaire du Gabon, était composée de trois membres nommés par le Président, deux par l'Assemblée nationale, un par le Sénat et trois par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Début de la campagne électorale

Fin septembre 2024, les parlementaires ont intégré plusieurs amendements au projet de loi, dont le changement de la durée du mandat. Très favorable à la nouvelle constitution, Paul Biyoghe Mba, parlementaire et membre du Parti démocratique gabonais (PDG) – parti de l'ancien président Omar Bongo – pense qu'une telle reforme peut éviter une tendance dans la région ou les présidents briguent souvent un troisième mandat en dépit des limites constitutionnelles. Comme il l’explique sur RFI:

La durée maximale de mandat fixée est de deux fois sept ans. Comme on s'est rendu compte que dans les cas ou le mandat présidentiel est de deux fois cinq ans, les présidents veulent tous en avoir un troisième, là on dit : “Le chef de l'État peut rester au maximum 14 ans mais après, il s'en va !

La campagne électorale pour les élections débute le 6 novembre, juste dix jours avant l'élection. Le Gabon se situe au 94è rang dans le classement de Reporters Sans Frontières (RSF) sur la liberté d'expression en 2024. Freedom House, toujours dans son rapport 2024 sur la liberté dans le monde, souligne ceci:

Gabon’s electoral laws and framework have historically not ensured credible elections. The electoral commission, the Interior Ministry, and the Constitutional Court have all played important roles in managing elections, and all were loyal to Bongo.

Les lois et le cadre électoral du Gabon n’ont pas assuré la tenue d’élections crédibles dans le passé. La commission électorale, le ministère de l’Intérieur et la Cour constitutionnelle ont tous joué un rôle important dans la gestion des élections en restant fidèles à Bongo.

Lire notre cahier spécial:

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Nigeria et Kenya : des barrières juridiques entravent la lutte contre le féminicidehttps://fr.globalvoices.org/?p=291459http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241105_124843_Nigeria_et_Kenya___des_barrieres_juridiques_entravent_la_lutte_contre_le_feminicideTue, 05 Nov 2024 11:48:43 +0000Il est urgent de mettre en place des réformes qui ne se limitent pas seulement à des cas individuels

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration de Minority Africa, utilisée avec autorisation.

[Toutes les références dans le texte sont en anglais, sauf indication contraire.] 

Cette histoire a été écrite par Wambui Mwaura et initialement publiée par Minority Africa le 10 septembre 2024. Une version abrégée est republiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Partout en Afrique, les femmes sont assassinées à un rythme alarmant, souvent par leur partenaire intime ou un membre masculin de la famille. Malheureusement, en 2022, le continent [fr] a enregistré le plus grand nombre de féminicides [fr] commis par leur partenaire intime ou un membre de la famille, avec environ 20 000 femmes et jeunes filles qui ont trouvé la mort.

Au Kenya, par exemple, les médias rapportent une forte augmentation des cas de femmes tuées par leur partenaire intime. Malheureusement, la marathonienne olympique Rebecca Cheptegei a été l’une des récentes victimes de féminicide. Cependant, il n’existe pas de système officiel de suivi de toutes les femmes victimes de violences basées sur le genre, en particulier de féminicides.

Selon les statistiques publiées par Africa Data Hub, qui suit les cas de féminicides signalés dans les journaux, 546 femmes et jeunes filles ont été tuées au Kenya entre 2016 et 2023. Les cas de violence basée sur le genre et de féminicide, qui est une forme extrême de violence sexiste, ont dominé l’actualité au début de l’année 2024.

Rien qu’en janvier 2024, plus de dix femmes ont perdu la vie à cause de violences commises par des hommes. Deux cas notables de féminicide ont fait la une des journaux ce même mois : celui de Scarlet Wahu, assassinée le 3 janvier, et celui de Rita Waeni, assassinée le 14 janvier. Leurs morts ont déclenché les plus grandes manifestations contre le féminicide jamais enregistrées [fr] au Kenya, qui ont eu lieu dans plusieurs villes et districts le 27 janvier, les activistes ayant appelé le gouvernement à déclarer le féminicide comme une crise nationale. La manifestation de Nairobi a été surnommée #TotalShutDownKe.

Le fait que les cas de féminicide restent impunis, ou sont jugés trop tardivement, est un problème qui ne se limite pas au Kenya mais est répandu dans d’autres pays africains, dont le Nigéria. On estime que 401 cas de féminicide ont été enregistrés au Nigéria rien qu’en 2022.

Problèmes systémiques

Le 14 décembre 2023, Naftali Kinuthia a été condamné à 40 ans de prison pour le meurtre d’Ivy Wangechi, une étudiante en médecine de cinquième année à l’université Moi au Kenya, qui a été tuée devant l'entrée de son établissement après avoir refusé les avances de Kinuthia. Il a été reconnu coupable après un procès de quatre ans devant la Haute Cour d’Eldoret. Kiroko Ndegwa était l’avocate de l’accusation dans cette affaire, qui a pris une ampleur nationale et internationale.

L’un des principaux problèmes rencontrés par le système judiciaire kenyan, en matière de poursuites pour féminicide, est que la procédure judiciaire est souvent très longue. Dans certains cas, elle est si longue que les familles des victimes perdent tout espoir d’obtenir justice pour leurs proches.

Lors d'un entretien, Ndegwa a déclaré que le long délai de la procédure judiciaire dans l’affaire d’Ivy Wangechi était dû au transfert du président du tribunal au milieu du procès.

« Cela a entraîné de nombreuses difficultés techniques et juridiques, et notamment la perspective d’un nouveau procès », se souvient Ndegwa. « C’est d’autant plus vrai que la mère de la défunte, Winfred Waithera King’ori, s’est plainte auprès des médias de la lenteur de la procédure et a exprimé ses craintes de ne pas obtenir justice pour sa fille assassinée. »

Ndegwa a ensuite expliqué : « Le problème, c’est que si vous choisissez de reprendre l'affaire là où vous vous étiez arrêté, le nouveau juge ne peut pas interagir avec les témoins, ni observer leur comportement. En revanche, si vous recommencez tout à zéro (« de novo »), il est probable que l’enthousiasme de certains témoins soit plus modéré et que vous vous retrouviez avec des témoins frustrés. »

Un autre problème systémique qui affecte le système judiciaire kenyan en matière de poursuites pour féminicide est la manière dont le tribunal limite la participation des familles des victimes aux procédures. Le système judiciaire kenyan, comme l’explique Ndegwa, est hostile aux familles des victimes, malgré les dispositions de l’article 50 alinéa 7 de la constitution, qui stipule que « les familles des victimes ont également le droit d’être entendues ».

« Les autorités judiciaires limitent leur participation, même si la loi le prévoit. Souvent, l’accusé bénéficie d’un avocat commis d’office s’il n’a pas les moyens de s'en payer un, mais cette même courtoisie n’est généralement pas accordée aux familles des victimes », a noté Ndegwa.

En outre, selon Ndegwa, dans les affaires de féminicide au Kenya, les témoins craignent généralement pour leur vie lorsque le tribunal accorde une libération sous caution à l’accusé. Il explique que dans certains cas où les criminels ont été libérés sous caution, les témoins principaux ont hésité à témoigner ou se sont rétractés. Parfois, les témoins principaux ne sont pas interrogés.

Selon un rapport de l’African Data Hub, il faut en moyenne 1 900 jours pour qu’une affaire de féminicide soit jugée au Kenya après l’arrestation de l’auteur du crime. Dans de nombreux cas, les avocats de la défense demandent des ajournements inutiles, ce qui entraîne des retards importants dans l'obtention de la justice pour les familles des victimes. Cette tactique se fait souvent au détriment de l’affaire, car elle décourage les témoins qui ne peuvent pas payer les frais de transport et se libérer le temps nécessaire.

Cela conduit généralement à des retards de justice et, dans certains cas, à des erreurs judiciaires. La plupart du temps, lorsque les meurtriers présumés sont des personnes issues de familles riches ou puissantes, l’intimidation des témoins issus de familles modestes est monnaie courante. L’incapacité du Kenya à mettre en place un service de protection des témoins efficace est également un facteur important qui explique pourquoi les témoins ne se manifestent pas. Depuis 2016, il y a eu plus de 500 cas de féminicide au Kenya ; seuls 13 verdicts ont été prononcés.

C’est également le sort d’autres personnes au Nigéria, qui sont contraintes d’abandonner leur quête de justice en raison des lacunes du système.

Les lois nigérianes présentent des obstacles importants à l’obtention de la justice pour les victimes de féminicide. Contrairement au meurtre, il n’existe pas de législation spécifique qui traite explicitement du féminicide au Nigéria.

« (Le féminicide) ne figure pas dans notre dictionnaire juridique. Il doit être légalisé car lorsqu’un crime n’est pas justement nommé, la justice ne peut pas prévaloir », explique Ololade Ajayi, fondatrice de la DOHS Cares Foundation, une organisation qui défend les droits des femmes et des enfants.

« L’accusation est alors contrainte de considérer le crime comme un meurtre, ce qui ne reflète pas nécessairement le mobile fondé sur le genre », ajoute-t-elle.

Le 4 avril 2024, la Fondation DOHS Cares et ses alliés sont sortis en masse pour demander justice pour la mort de milliers de femmes et de jeunes filles décédées des suites d’un féminicide. L’organisation a créé un projet de loi et l’a soumis à l’Assemblée de l’État de Lagos. Ce projet de loi vise à combler les lacunes de la loi nigériane qui empêchent la justice de prévaloir, et à faire reconnaître le féminicide comme un crime au Nigéria.

Alors que les protestations et les efforts de sensibilisation se poursuivent, la question se pose toujours de savoir si les gouvernements de ces pays mettront en œuvre les réformes nécessaires, pour garantir que les familles des victimes de féminicide au Kenya et au Nigéria obtiennent enfin justice pour leurs proches.

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L'expert togolais Kofi Sika Latzoo explique la contribution de l'industrie du jeu vidéo à l’économie africainehttps://fr.globalvoices.org/?p=291690http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241105_102931_L_expert_togolais_Kofi_Sika_Latzoo_explique_la_contribution_de_l_industrie_du_jeu_video_a_l___economie_africaineTue, 05 Nov 2024 09:29:31 +0000La taille du marché du jeu vidéo en Afrique est estimé à 2,14 milliards de dollars américains en 2024

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des journalistes sénégalais en formation sur la réalité virtuelle au Gamecamp Summer en 2016 à Dakar ; Image de Kofi Sika Latzoo, utilisée avec permission

Secteur très innovant et créant de nouveaux emplois, l’économie créative intègre aujourd'hui plusieurs domaines, comme la musique, l’art, le cinéma ou encore le jeu vidéo. Ce dernier brasse des milliards de dollars américains sur le marché africain.

Selon le rapport « Africa Gaming Market Size (2024 – 2029) » (La taille du marché du jeu en Afrique 2024-2029) de Mordor Intelligence, un cabinet de conseil et d’étude de marché, on estime à plus de  2,14 milliards de dollars américains la taille du jeu vidéo en Afrique en 2024. Ce domaine pourrait atteindre 3,72 milliards de dollars américains d'ici 2029.

Le jeu vidéo est très connu au sein de la jeunesse africaine – plus de 400 millions de jeunes ont entre 15 et 35 ans -, sur le 1,6 milliard de personnes qui vivent sur le continent. Le jeu vidéo n'est pas seulement une forme de loisir. Il peut aussi être une véritable profession connue sous le nom de e-sport qui comporte ses règles, des tournois, des prix et des compétitions internationales comme par exemple, les Jeux Olympiques d'E-sports prévus en 2025 en Arabie Saoudite. Pour comprendre les enjeux de cette industrie, Global Voices a interviewé l'expert Kofi Sika Latzoo, Togolais résidant au Sénégal.

Kofi Sika Latzoo ; photo utilisée avec permission

Kofi est titulaire d'une certification en entrepreneuriat d’industries créative du British Council, en Gamification à Impact social et détient un prix en expertise éducative et innovante de Microsoft. Il est l’un des pionniers des industries créatives et de la numérisation de l'art en Afrique. En 2012, il fonde Gamecampcities Agency, une agence de promotion de jeu vidéo et l’e-sport. Il enseigne l'e-sport management depuis sept ans à Kedge Business School, sur les campus de Bordeaux et Paris et à Bem Africa à Dakar et à Abidjan.

 

Jean Sovon (JS): Quels sont les pays africains en avance sur la valeur ajoutée du jeu vidéo?

Kofi Sika Latzoo (KSL): En premier lieu, l'Afrique du Sud, qui est l'un des premiers pays africains à ériger des studios de développement de jeux vidéo: Free Live, l'un des plus anciens studios de développement de jeux vidéo sur le continent. C'est aussi l'un des rares pays à développer une fédération e-sport et le premier à faire partie des grandes instances de gouvernance de l'e-sport mondial. D’autres pays comme la Tunisie, l'Égypte, le Maroc, le Zimbabwe, le Ghana, et le Sénégal, qui est l'un des rares marchés francophones sont très dynamiques. Le Sénégal est aussi l'un des rares pays à avoir un cadre légal depuis 2020 pour la structuration de l'e-sport: le jeu vidéo compétitif et le développement de jeu vidéo. Le Togo aussi est en train de se structurer avec une fédération fraîchement naissante. De nombreux pays africains vont participer aux Jeux Olympiques e-sport en Arabie Saoudite: le Sénégal, le Maroc, le Togo, l'Égypte, la Tunisie, l'Afrique du Sud, la Zambie, le Zimbabwe, la Côte d'Ivoire, le Cap Vert, l’île Maurice, le Kenya, la Zambie.

JS: Les joueurs profitent-ils réellement des retombées financières ou sont-ils juste des consommateurs ?

KSL : Il y a trois niveaux: amateurs, semi-professionnels et les professionnels et il faut être au second niveau pour bénéficier des retombées financières. Les amateurs se font connaître des différents tournois dans leurs pays. Ils passent ensuite à la seconde étape et deviennent des joueurs semi-professionnels. Ils commencent par avoir des jeux de prédilection. Il faut savoir qu'il y a 15 disciplines d'e-sport. A partir de ce moment-là, ils cherchent une marque qui va les sponsoriser et leur permettre de grandir. De là, ils peuvent voyager pour aller à des compétitions régionales ou à l'international.

En Afrique, plus de 90% des joueurs sont semi-pro. C'est très rare de voir un joueur pro, car cela veut dire que déjà vous n'avez pas un seul sponsor, mais plusieurs sponsors et vous êtes sous contrat. Tout autour de vous est contrôlé et vous faites des rapports réguliers à vos sponsors. Il n’existe que moins de 20 équipes professionnelles dans le monde, et 80% d'entre-elles qui arrivent à atteindre des évaluations de 10 à 30 millions de dollars [américains] , sont aux États-Unis. Il y en a une seule en Espagne, en France, en Angleterre et quelques-unes au Brésil.

Sur le continent, la majorité des équipes professionnelles et semi-professionnelles se trouve en Afrique du Sud avec des équipes comme Goliath Gaming. Il y en a aussi au Maroc, en Tunisie. On commence à avoir des équipes en Zambie avec la Team Gematrix qui arrive à avoir des tournois même jusqu'à Las Vegas. Il y a également une très bonne équipe au Sénégal, XamXamLions que j'ai créée moi-même en 2016 qui a déjà à son actif deux qualifications olympiques avec des joueurs sur contrat.

JS : Quelle est la contribution de l’économie générée par le jeu vidéo dans le développement du continent africain ?

KSL : Le jeu vidéo est un marché de 800 milliards de francs CFA (plus de 1,3 milliards de dollars américains) d'offres en Afrique. Mais pour avoir une vision globale de l'approche, le jeu vidéo, en termes d'industrie mondiale, c'est 300 milliards de dollars américains annuels de marché. Et l'e-sport, c'est un milliard dollars américains de marché.

L'engouement pour la discipline est en train de se généraliser au niveau global et l'Afrique ne doit pas être en reste pour la simple raison que l'Afrique détient la plus jeune population. C'est le continent qui a la capacité de tout consommer et de tout créer. Les pays en tête sont l'Afrique du Sud et le Maroc. Au Maroc, l'opérateur Télécom Invi crée depuis 2012 des hackathons pour détecter des talents de développeurs de jeux ; embauche ces talents pour créer des jeux vidéo mobiles qui vont être lancés pendant la période du Ramadan. Invi détient déjà trois ligues e-sport au Maroc: une ligue professionnelle, une ligue universitaire et une ligue pour enfants. Il y a là une stratégie qui a été pensée et des investissements.

JS: Quel rapport existe entre le sport et l'e-sport? Où se positionne le Togo votre patrie dans cette discipline ?

KSL : Pas mal de figures sportives ont un intérêt pour la discipline et s'impliquent. Un très bon exemple est le cas de David Beckham, qui est propriétaire d'un club e-sport qui s'appelle Guild, alors qu'il détient aussi un club de football à Miami, où joue Lionel Messi.

Je pense qu'il y a une forte relation entre le sport et l’e-sport. On a même tendance à voir les deux fusionner, comme l'événement qu'on appelle les Jeux du Futur ou Games of Futures, qui est l'événement phygital qui implique des disciplines digitales comme des disciplines sportives et physiques. Le Bénin était présent à ces jeux du futur avec son équipe de basketball, et celle d’e-basketball ( le basketball en mode jeu vidéo).

Parlant du Togo, c’est une nation qui a un potentiel avéré, disposant plus de 32 salles de jeu dans la capitale Lomé, et une première participation à des championnats du monde organisés par Alibaba en 2016 sur les disciplines Hearthstone ( jeu de cartes en ligne). Le pays a aussi obtenu la médaille d'or aux derniers Jeux africains qui ont inclus de l'e-sport au Ghana. De plus, le président de l'association e-sport France est un franco-togolais.  Je suis moi-même, Togolais basé au Sénégal, professeur d'e-sport certifié avec plus de 100 événements produits dans le domaine du jeu vidéo et du jeu vidéo compétitif en Afrique. Le président de la fédération du Togo est un ancien formé par l'agence Gamecampcities. Nous avons donc tous les ingrédients possibles pour avoir une nation e-sport forte. Le Togo est aussi membre de la confédération africaine d’e-sport (CASE) dont le siège est basé au Sénégal. La CASE compte aujourd’hui 30 pays et a comme partenaire le géant informatique HP.

 

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Rencontre avec Alexandra Philbin : questions à une activiste de la langue irlandaisehttps://fr.globalvoices.org/?p=291491http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241104_110300_Rencontre_avec_Alexandra_Philbin____questions_a_une_activiste_de_la_langue_irlandaiseMon, 04 Nov 2024 10:03:00 +0000La gestion du compte collaboratif @EuroDigitalLang sur X sera bientôt confiée à Alexandra

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo fournie par Alexandra Philbin et utilisée avec sa permission.

La diversité linguistique de l’Europe se reflète de plus en plus dans les médias numériques, où les locuteurs de langues régionales et minoritaires et leurs communautés utilisent les outils et médias numériques comme levier pour la préservation, la promotion et la revitalisation de leur patrimoine linguistique. Dans cet esprit, la campagne en ligne de Rising Voices, @EuroDigitalLang, a créé un compte collaboratif sur X (anciennement Twitter). Les activistes et défenseurs des langues y relatent leurs histoires personnelles avec leurs propres mots, en échangeant avec les internautes et en partageant les défis permanents et les victoires.

Rising Voices s’est entretenu avec Alexandra Philbin, doctorante à l’université de Valence en Espagne, qui mène des recherches sur la langue irlandaise. Vous pouvez suivre Alexandra sur X à @Alexandra_Phil_, où elle gère le compte X durant la semaine du 29 avril au 5 mai 2024.

Rising Voices (R.V.) : Parlez-nous de vous et de votre travail linguistique.

Alexandra Philbin (AP): I am originally from a small town called Domhnach Beathach outside of Baile Átha Cliath (Dublin), but I have been living in Valencia for the past three years. I first learned Irish in school and in immersion summer camps in Baile Átha Cliath and Conamara, and I have been involved in promoting the language since I was a teenager.

Alexandra Philbin (A.P.) : Je suis originaire d’une petite ville appelée Domhnach Beathach, à côté de Baile Átha Cliath (Dublin), mais je vis à Valence depuis trois ans. J’ai d’abord appris l’irlandais à l’école et dans des camps d’été d’immersion linguistique à Baile Átha Cliath et dans le Connemara, et je m’investis dans la promotion de la langue depuis que je suis adolescente.

Currently, I teach Irish to adult learners and research the experiences of Irish speakers in Baile Átha Cliath. I’m carrying out this research as a PhD candidate at the University of Valencia and I also look at the experiences of Valencian speakers in Valencia. I started learning Valencian when I moved to the city in 2021 and am massively inspired by the speakers I have met here.

Actuellement, j’enseigne l’irlandais à des adultes et j’étudie les expériences des locuteurs irlandais de Baile Átha Cliath. Je mène cette étude dans le cadre de mon doctorat à l’Université de Valence et je me penche également sur les expériences des catalans de Valence. J’ai commencé à apprendre le catalan lorsque j’ai emménagé à Valence en 2021 et les locuteurs que je rencontre m’inspirent énormément.

I also work as a mentor with the Endangered Languages Project, an organization that aims to support minoritized-language communities around the world by providing resources, building connections and sharing ideas across borders. In this role, I get to meet speakers who are doing amazing work to promote their languages, and I feel extremely lucky.

Je suis également mentor au sein du projet Langues en danger (Endangered Languages Project), une organisation qui vise à soutenir les communautés de langues minorisées dans le monde entier en offrant des ressources, en établissant des liens et en partageant des idées au-delà des frontières. Dans ce rôle, j’ai l’occasion de rencontrer des conférenciers qui font un travail extraordinaire pour promouvoir leurs langues, et j’ai le sentiment d’être privilégiée.

R.V. : Actuellement, quelle est la situation de votre langue à la fois dans le monde numérique et dans le monde réel ?

AP: Irish is the first official language of the Republic of Ireland and over 1.8 million people there claim some competence in it, according to the latest census results. Adding this to the 228,600 people in the six counties of the North of Ireland that have some ability in the language means that over two million on the island of Ireland are somewhat competent in the language. There are also speakers living all over the world, particularly in areas where many Irish people have emigrated historically. There is a higher proportion of speakers in areas of Ireland known as the Gaeltacht.

A.P. : L’irlandais est la première langue officielle de la République d’Irlande et les derniers résultats du recensement révèlent que plus de 1,8 million de personnes déclarent maîtriser l’irlandais. Si l’on y ajoute les 228 600 habitants des six comtés de l’Irlande du Nord qui ont une connaissance de la langue, plus de deux millions de personnes en Irlande ont une certaine compétence linguistique. Il y a aussi des locuteurs partout dans le monde, en particulier dans les régions où de nombreux Irlandais ont émigré au cours de l'histoire. La proportion des personnes parlant irlandais est plus élevée dans les régions d’Irlande connues sous le nom de Gaeltacht.

There are many efforts happening to increase the number of Irish speakers. Schools are an important focus for these efforts and there is huge demand for Irish-medium education. There are classes outside the formal education system for adult learners, including a great offering of online classes. There have been some important gains in recent years in the media, as the Irish-language channel TG4 launched a brand-new children’s channel last year. There are also many digital projects that aim to support language learning and use, including online conversation groups, dictionaries and grammar tools, podcasts and Irish-language servers.

De nombreux efforts sont déployés pour augmenter la proportion de personnes parlant irlandais. Les écoles font partie intégrante de ces efforts et la demande d'enseignement en langue irlandaise est très forte. Il existe des cours en dehors du système d’éducation formel pour les apprenants adultes, y compris une grande offre de cours en ligne. Depuis ces dernières années, les médias sont devenus un atout, la chaîne irlandaise TG4 ayant lancé l’année dernière une toute nouvelle chaîne pour les enfants. De nombreux projets numériques visent à soutenir l’apprentissage et l’utilisation des langues, tels que des groupes de conversation en ligne, des dictionnaires et des outils de grammaire, des podcasts et des serveurs en langue irlandaise.

It is important to note that speakers face many challenges when trying to live their lives in Irish. This is reflected by the fact that while 1.8 million people claim some competence in the language, only 71,968 people in the Republic of Ireland use the language on a daily basis outside of the education system, according to census figures. There are many dedicated activists working against this situation and drawing attention to the struggles of Gaeltacht communities and speakers across the country and fighting against the dominance of English.

Il est important de mentionner que les irlandophones sont confrontés à de nombreux défis lorsqu'ils essaient d'utiliser la langue irlandaise dans leur vie quotidienne. Les chiffres du recensement le démontrent : si 1,8 million de personnes déclarent maîtriser l’irlandais, seules 71 968 personnes en Irlande l’utilisent quotidiennement en dehors du système éducatif. De nombreux activistes engagés se battent pour renverser cette situation, attirent l’attention sur les combats des communautés et locuteurs du Gaeltacht à travers le pays, et luttent contre la suprématie de la langue anglaise.

R.V. : Qu’est-ce qui vous motive à donner de la visibilité à votre langue dans les médias numériques ?

AP: I started thinking more about using Irish in digital spaces in 2020, when COVID-19 came to Ireland. Up until that point, I had mainly used the language in person — in my schooling and professional life, and socially.

A.P. : J’ai commencé à réfléchir davantage à l’utilisation de l’irlandais dans les médias numériques en 2020, lorsque la COVID-19 est arrivée en Irlande. Jusque-là, j’avais principalement utilisé la langue dans le cadre de ma scolarité, ma vie professionnelle, et mes relations sociales.

When the pandemic started, I was living with my parents and only speaking English in person, so all of my communication in Irish was suddenly brought online. From my bedroom, I was catching up with how friends were doing in lockdown in Irish, attending work meetings in Irish, studying to be an Irish-language teacher for adults, going to a weekly Zoom gathering for Irish speakers. Having access to those digital spaces allowed me to continue to use Irish at a time when I had been cut off physically from other speakers — something that provided a lot of relief during a very difficult period.

Au début de la pandémie, je vivais avec mes parents et je ne parlais qu’en anglais. Mes communications en irlandais sont devenues soudainement exclusivement limitées aux espaces numériques. Depuis ma chambre, j’interrogeais mes amis, en irlandais, sur la façon dont ils vivaient le confinement, je participais à des réunions de travail en irlandais, j'étudiais pour devenir professeure d’irlandais pour adultes, j’assistais à des webinaires hebdomadaires pour les locuteurs irlandais. L’accès à ces espaces numériques m’a permis de continuer à utiliser l’irlandais à un moment où j’étais coupée physiquement des autres, ce qui m’a beaucoup aidée pendant cette période très difficile.

Moving to Valencia soon afterwards meant that I was still separated physically from a lot of my Irish-speaking friends in Ireland and the events that I would have attended were I living there. I still use the language on a daily basis thanks to the digital forms of communication that I started using in 2020. This means the world to me, and I know it does for other Irish speakers scattered across the globe.

Mon installation à Valence peu après m’a à nouveau séparée physiquement de beaucoup de mes amis irlandais et des événements auxquels j’avais l’habitude d’assister. J’utilise toujours la langue au quotidien grâce aux formes de communication numériques que j’ai commencé à utiliser en 2020. Ça signifie beaucoup pour moi, et je sais que c’est le cas pour d’autres irlandophones dispersés à travers le monde.

R.V. : Pouvez-vous décrire certains des défis qui empêchent votre langue d’être pleinement utilisée en ligne ?

AP: Before I moved to Valencia, I saw myself as being very dedicated to Irish-language promotion. Yet, when I came to Valencia, learned Valencian and started meeting language activists through the University of Valencia, I was really struck by how my language practices in Irish didn’t reflect those of the people I was meeting, who strive to use Valencian in every interaction. My use of Irish was mainly limited to people who I knew spoke Irish, rather than with strangers in spaces not associated with the language, and if I was posting publicly online, I’d do bilingual posts in Irish and English. In my daily interactions, I was constantly giving in to the dominance of English in public life, both online and offline, without really thinking about it too much.

A.P. : Avant de déménager à Valence, j’avais le sentiment d'être dévouée à la promotion de la langue irlandaise. Pourtant, lorsque je suis arrivée à Valence, que j’ai appris le catalan et commencé à rencontrer des activistes linguistiques à l’université, j’ai été vraiment frappée par le fait que mes pratiques linguistiques en irlandais ne reflétaient pas celles des gens que je rencontrais et qui s’efforçaient d’utiliser le catalan dans toutes leurs interactions. Mon utilisation de l'irlandais se limitait principalement aux personnes que je connaissais et qui parlaient irlandais, plutôt qu’à des étrangers dans des espaces non associés à la langue, et si je publiais des messages en ligne, je les rédigeais en irlandais et en anglais. Dans mes interactions quotidiennes, je cédais constamment à la domination de l’anglais dans la vie publique, en ligne ou pas, sans trop y penser.

Ideologies, then, around where and with whom Irish should be used, and also around what counts as language activism in a given context, were really affecting my use of the language online and are a major challenge preventing the language being fully utilized. Helping speakers to identify these ideologies, recognize the inequality that has led to our public interactions being so often in English and reflect on how our daily interactions can challenge or sustain this inequality is really important.

Les idéologies basées sur les lieux où utiliser l’irlandais, et avec qui, ainsi que la remise en question de l'activisme linguistique dans un contexte donné, m’empêchaient d’utiliser la langue en ligne. C’est un défi majeur qui entrave l’utilisation de la langue dans toutes les situations. Il est crucial d'aider les locuteurs à identifier ces idéologies, à reconnaître l’inégalité qui a conduit à ce que nos interactions publiques soient si souvent en anglais et à réfléchir à la façon dont nos interactions quotidiennes peuvent remettre en question ou soutenir cette inégalité.

R.V. : Selon vous, quelles mesures concrètes peuvent être prises pour encourager les jeunes à commencer à apprendre leur langue ou à continuer à l’utiliser ?

AP: In order to help the younger generation recognize those ideologies that I mentioned, it is important that we openly discuss issues of power, justice and equality when we are teaching and using our languages. I studied Irish to degree level and there was little to no focus during my formal education on language activism. While I appreciated a lot of the literature that I studied, I think there is a major need to include sociolinguistics in the curriculum for students of Irish at all levels. I think we should encourage discussions around these ideas at community gatherings and events and work out ways together to challenge ideologies that limit us linguistically.

A.P. : Afin d’aider la jeune génération à reconnaître ces idéologies, nous devons aborder ouvertement les questions de pouvoir, de justice et d’égalité lorsque nous enseignons et utilisons nos langues. J’ai étudié l’irlandais jusqu’à la licence et l'activisme linguistique était peu ou pas abordé. Une grande partie de l’enseignement de la littérature irlandaise m’a plu, mais je pense qu’il est primordial d’inclure la sociolinguistique dans le programme des étudiants en irlandais à tous les niveaux. Nous devrions profiter de rencontres et d'événements communautaires pour encourager les discussions autour de ces idées et trouver ensemble des moyens de remettre en question les idéologies qui nous limitent sur le plan linguistique.

As I described, moving to Valencia and meeting language activists here was pivotal for me in thinking through my own use of Irish and I think that speaks to something important: how much we have to learn from connecting with each other.

Comme je l’ai décrit, m’installer à Valence et rencontrer des activistes linguistiques a été essentiel pour moi dans ma réflexion à travers ma propre utilisation de l’irlandais et c’est la preuve qu'il nous reste encore beaucoup à apprendre en nous connectant les uns avec les autres.

Bringing young people together from different minoritized-language communities means they can share experiences and ideas, and also see that they are not alone and are part of a global fight for a more just world. Initiatives like the @EuroDigitalLang project provide a great space for such connections. These connections are also central to our work at the Endangered Languages Project so I’m really excited to be taking over the rotating account for the week.

Rassembler des jeunes issus de différentes communautés linguistiques minorisées encourage le partage d’idées et d’expériences, mais ces jeunes réalisent également qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils font partie d’un combat mondial pour un monde plus juste. Des initiatives comme le projet @EuroDigitalLang offrent un espace formidable pour de telles connexions. Ces liens sont également au cœur de notre travail au sein du projet Langues en danger et j'ai hâte de gérer le compte collaboratif pendant ma semaine.

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Sommet mondial Global Voices 2024 : retrouvez-nous au Népal du 6 au 7 décembre !https://fr.globalvoices.org/?p=291305http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241103_143702_Sommet_mondial_Global_Voices_2024___retrouvez-nous_au_Nepal_du_6_au_7_decembre__Sun, 03 Nov 2024 13:37:02 +0000Publié à l'origine sur Global Voices en Français

La place Durbar à Katmandou. Photo de Martijn Vonk sur Unsplash

Photo de Kathmandu Durbar Square par Martijn Vonk sur Unsplash

Nous sommes ravis d’annoncer que l’édition 2024 du sommet mondial de Global Voices aura lieu les 6 et 7 décembre à Katmandou au Népal, à l’hôtel Yak & Yeti.

Notre neuvième sommet nous transporte dans l'un des endroits les plus anciens et les plus peuplés du monde, une ville animée, grouillante d’une population multiethnique et empreinte d'une impressionnante richesse culturelle et architecturale. Katmandou sera le lieu de rencontre, entre autres, de journalistes, traducteurs, militants, technologues, décideurs politiques, experts en développement et autres participants venant du monde entier pour aborder, d’un point de vue de la majorité mondiale, les médias numériques, la connaissance et l’activisme.

Comme les précédents sommets mondiaux de Global Voices, l’édition de 2024 sera un lieu unique de connaissance et de partage au sein d’une communauté internationale aussi diverse que dynamique.

Pendant deux journées de débats et d’ateliers, nous analyserons les questions liées à la liberté d’expression et la diversité linguistique, et les conditions dans lesquelles elles sont favorisées ou entravées. Nous aborderons les menaces telles que la répression transnationale et l’autoritarisme numérique, et explorerons les initiatives de partage de connaissances dans un contexte de fragmentation progressive de l'Internet. Le Troisième pôle partagera ses expériences en matière de création de médias, d'activisme politique et de justice environnementale.

Parmi nos nombreux partenaires et donateurs figurent : la Fondation W.K.Kellogg, la Fondation MacArthur, Nepali Times, Accountability Lab, CMR Nepal journalism academy.

Cliquez ici pour réserver votre place et rester informés du programme !

 

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Les Îles Marshall demandent justice pour les essais nucléaires américains menés dans le Pacifiquehttps://fr.globalvoices.org/?p=291437http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241102_170255_Les_Iles_Marshall_demandent_justice_pour_les_essais_nucleaires_americains_menes_dans_le_PacifiqueSat, 02 Nov 2024 16:02:55 +0000Les essais nucléaires américains ont laissé un héritage radioactif mortel

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Bikini Atoll

Image colorisée des conséquences de l'explosion d'une arme nucléaire sur l'atoll de Bikini, dans les Îles Marshall, en 1946. Photo du gouvernement américain. Source: account Flickr de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires. CC BY-NC 2.0 [russe]

[Toutes les références dans le texte sont en anglais, sauf indication contraire.]

La République des Îles Marshall a remporté une victoire diplomatique : de 2025 à 2027, elle représentera la région du Pacifique au Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Les représentants des Îles Marshall ont promis sur X (anciennement Twitter) à faire avancer l’agenda des petits États insulaires aux prises avec les graves effets du changement climatique.

As the Marshallese proverb goes, ‘An pilinlin koba komman lometo’ (The collection of individual droplets makes a mighty ocean), the Republic of Marshall Islands is committed to representing the Pacific region and advocating for the interests of Small Island Developing States within the Council.

Comme le dit le proverbe marshallais « An pilinlin koba komman lometo » (ou littéralement : « un ensemble de gouttelettes d'eau créé un océan »), la République des Îles Marshall représentera la région Pacifique et protégera les intérêts des petits États insulaires en développement au sein du Conseil.

La République a également réitéré sa demande de justice nucléaire, dénonçant le rôle de l'ONU et du gouvernement américain dans les essais nucléaires menés dans le pays de 1946 à 1958. Au cours de cette période, l'armée américaine a effectué au moins 67 essais, au cours desquels environ 318 engins explosifs ont été abandonnés dans l'océan Pacifique, endommageant les écosystèmes marins et causant des dommages irréparables aux zones environnantes. Les essais ont également libéré des quantités massives de radiations qui ont irrémédiablement altéré la santé des habitants de l'île, entraînant des brûlures, des malformations congénitales et des cancers.

La puissance explosive totale de ces essais était plusieurs milliers de fois supérieure à celle de la bombe atomique qui détruisit Hiroshima en 1945.

Un dialogue interactif, parrainé par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, a mis en évidence l'impact dévastateur des essais. La Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies, Nada Al-Nashif, a résumé les conclusions du bureau :

During consultations, the Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights heard harrowing accounts of the historical and ongoing impacts of nuclear testing: Stories of radiation exposure and the proliferation of cancers, of painful memories of miscarriages, stillbirths, and of what some Marshallese refer to as ‘jellyfish babies’ – infants born with translucent skin and no bones. A somber reminder of the gendered impacts of radiation exposure.

Au cours des consultations, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a entendu des récits poignants sur les conséquences historiques et actuelles des essais nucléaires : des histoires d'exposition aux radiations et de propagation de cancer, des souvenirs douloureux de fausses couches, de mort-nés, et de ce que certains habitants des Îles Marshall appellent les « bébés méduses », des bébés nés avec une peau translucide et sans os. Un sombre rappel des conséquences de l’exposition aux radiations sur les hommes et sur les femmes.

Last Friday, 4 Oct, #HRC57 held an Enhanced Interactive Dialogue on the #nuclearlegacy in the Marshall Islands with @nuclear_RMI & @MEInonprofit. #OHCHR presented a report highlighting the ongoing effects of the 67 known nuclear tests performed between 1946 and 1958. pic.twitter.com/DOZpvyFQq8

— Marshall Islands Permanent Mission in Geneva (@RMIGeneva) October 7, 2024

Vendredi dernier, le 4 octobre, le #HRC57 [Conseil des droits de l'homme des Nations Unies] a tenu un dialogue interactif renforcé sur l'héritage nucléaire des Îles Marshall avec @nuclear_RMI [Commission nucléaire nationale de la République des Îles Marshall] et @MEInonprofit [ONG Marshall Islands Education Initiative]. Le #OHCHR [Haut-Commissariat aux droits de l'homme] a publié un rapport soulignant les conséquences actuelles des 67 essais nucléaires connus menés entre 1946 et 1958.
pic.twitter.com/DOZpvyFQq8

— Marshall Islands Permanent Mission in Geneva (@RMIGeneva) 7 octobre 2024

Lors de la 79e Assemblée générale des Nations Unies, la présidente des Îles Marshall, Hilda Heine, a appelé l'ONU à donner l'exemple et à s'excuser pour sa décision d'approuver les essais nucléaires dans les années 1950.

We did not choose this nuclear fate — it was chosen for us…We can't undo the past. But as a United Nations, we owe it to ourselves to make amends through the adoption of a resolution which formally apologizes for the failure to heed the petition of the Marshallese people. By doing so, all of us will begin the process of healing, and to re-establish faith and trust in this institution.

The trust was violated when 67 known nuclear weapons were tested on our atolls, leading to perpetual displacement and depriving our people of their rights.

Nous n’avons pas choisi ce destin nucléaire, il a été choisi pour nous… Nous ne pouvons pas changer le passé. Mais en tant qu'ONU, nous avons la responsabilité de faire amende honorable en adoptant une résolution qui présente des excuses officielles pour ne pas avoir donné suite à la pétition du peuple des Îles Marshall. En faisant cela, nous entamerons tous le processus de guérison et restaurerons la foi et la confiance dans cette institution.

La confiance a été brisée lorsque 67 armes nucléaires connues ont été testées sur nos atolls, entraînant un déplacement continuel de la population et privant nos peuples de leurs droits.

Heine a également déclaré qu'« il ne peut y avoir de justice sans vérité », faisant référence au refus du gouvernement américain de déclassifier les documents liés aux essais nucléaires.

Despite these wrongs, for almost 80 years, we have not received an official apology. There has been no meaningful reconciliation, and we continue to seek redress.

The Marshallese people were misled, forcibly displaced and subjected to scientific experimentation without their consent.

Malgré l’injustice commise, depuis près de 80 ans, nous n’avons pas reçu d’excuses officielles. Il n’y a pas eu de réconciliation significative et nous continuons de chercher réparation.

Les habitants des Îles Marshall ont été induits en erreur, déplacés de force et soumis à des expériences scientifiques sans leur consentement.

Danity Laukon, spécialiste des programmes d'études pour le système scolaire public de la République des Îles Marshall, a représenté les jeunes lors d'un événement parallèle des Nations Unies à Genève. Elle a souligné les conséquences à long terme des essais nucléaires dans son pays.

Unfortunately many of us in this generation are only starting to realize this history now. The younger generations are also impacted because of the nuclear testing and that's true.

My grandparents were survivors of World War II, and when the nuclear bombs were exploding it triggered the trauma again from the world war that they lived through.

Malheureusement, beaucoup d’entre nous au sein de cette génération commencent seulement à prendre conscience de cette histoire. Les jeunes générations ont également souffert des essais nucléaires, et c’est vrai.

Mes grands-parents ont survécu à la Seconde Guerre mondiale et les explosions de bombes nucléaires ont ravivé le traumatisme de la guerre mondiale qu'ils ont vécue.

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Quand la patrie n'existe pas : les apatrides de l’ex-URSShttps://fr.globalvoices.org/?p=291398http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241031_164757_Quand_la_patrie_n_existe_pas____les_apatrides_de_l___ex-URSSThu, 31 Oct 2024 15:47:57 +0000Des milliers de personnes dans le monde risquent toujours de devenir apatrides

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Cet article de Alina Mikhalkina a été initialement publié par NewsMaker le 28 septembre 2024. Une version éditée et traduite est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat médiatique.

Les crises secouant les pays de l'ex-Union Soviétique entraînent la perte de la citoyenneté d’un nombre croissant de personnes. Même s’il peut sembler que tout le monde a une nationalité, car il réside à l’intérieur des frontières d’un État, la réalité est différente. À la fin de l'année 2023, il y avait 4,4 millions de personnes apatrides dans le monde, c'est-à-dire des personnes sans nationalité ou de nationalité indéterminée. Ces individus font face à des obstacles importants, notamment pour se marier, ouvrir un compte bancaire ou enregistrer un bien. Ils disparaissent complètement des radars officiels et sont dépouillés de nombreux droits fondamentaux.

Sans passeport en Moldavie

Selon les Nations Unies, en 2014, plus de vingt ans après l'effondrement de l'Union Soviétique, plus de 600 000 personnes dans l’espace post-soviétique sont toujours apatrides. L’une d’elles était Elena Dergunov, résidente de Chișinău.

« Dans la région de Transnistrie, j’ai obtenu un passeport de la République de Moldavie avec lequel j’ai pu aller en Israël, où j’ai travaillé pendant plusieurs années. Mais quand je suis rentrée en Moldavie, il m'a été confisqué à la frontière ; on m'a expliqué que mon passeport était invalide », se souvient la femme.

En 1954, les pays de l'ONU ont élaboré la Convention relative au statut des apatrides, selon laquelle une personne apatride est « une personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». En 2024, 98 pays, dont la Moldavie, avaient signé la convention.

Elena Dergunov déclare :

I lived without documents for 12 years. All I had was a copy of that invalid Moldovan passport. I registered my middle son at the hospital using that copy. I was only able to obtain a birth certificate for my youngest son when he was five and a half years old.

J’ai vécu sans papiers pendant 12 ans. Tout ce que j’avais était une copie de ce passeport moldave invalide. J’ai inscrit mon deuxième fils à l’hôpital en utilisant cette copie. Je n’ai pu obtenir un certificat de naissance pour mon plus jeune fils qu'à l'âge de cinq ans et demi.

Quand il n'existe aucune protection

Être apatride signifie souvent que vous ne pouvez pas ouvrir un compte bancaire, enregistrer une propriété, vous marier, inscrire un enfant à l’école, trouver un emploi ou même voir un médecin de famille. Elena admet que son ex-mari la menaçait constamment, disant qu’il « ferait un rapport et que les enfants me seraient enlevés ». Pendant toutes ces années, elle n’a pas pu trouver un emploi officiel ni recevoir d’aide sociale.

Selon les experts de l'ONU, une personne peut devenir apatride en raison de diverses circonstances, comme la discrimination fondée sur l’origine ethnique, la religion ou l’appartenance à d’autres groupes minoritaires. Une autre cause importante de l’apatridie est la discrimination fondée sur le sexe.

De plus, l’apatridie peut survenir lors de la « succession d’États », lorsqu’un nouveau pays est formé ou qu’un ancien est dissous.

« Depuis 2005, j’ai postulé dans diverses institutions, mais on m’a refusé partout. Je n’étais pas citoyenne de l’Ukraine ni de la Moldavie. Plus tard, j’ai obtenu le statut d’apatride et je possède maintenant une carte d’identité et un passeport étranger. Pour la première fois, j’ai pu obtenir officiellement un emploi », dit Elena.

Selon Oleg Paliy, chef du Centre juridique des avocats, la différence entre les apatrides reconnus et ceux dont le statut juridique n'est pas défini est que ces derniers sont presque invisibles aux yeux des structures de l’État : « Une personne sans documents n’a pas de droits sociaux parce que ces personnes n’existent pratiquement pas, elles sont invisibles pour les institutions gouvernementales ».

Les Biélorusses sans droits

Le 5 janvier 2023, Alexandre Loukachenko a signé une loi permettant la révocation de la citoyenneté biélorusse pour ceux qui fuient le pays pour des raisons politiques. Officiellement, cette mesure repose sur la « perte des liens juridiques avec l’État ». Plus tôt, en 2022, le régime de Loukachenko avait introduit un mécanisme répressif permettant la poursuite d'opposants au gouvernement par contumace. Cette soi-disant « procédure spéciale » non seulement fournit aux autorités une justification formelle pour révoquer la citoyenneté, mais leur permet également de saisir librement les biens laissés par ces apatrides.

Le Cabinet de transition uni de Biélorussie, fondé par le chef de l'opposition Svetlana Tikhanovskaïa, a promis de lancer une initiative sans précédent : un passeport pour la Nouvelle-Biélorussie. Cependant, pour l’instant, le nombre de Biélorusses apatrides, qui se sont retrouvés dans des pays étrangers par la force des circonstances, continue à augmenter.

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Turquie : la violence à l'égard des femmes reste impuniehttps://fr.globalvoices.org/?p=291279http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241030_164739_Turquie___la_violence_a_l_egard_des_femmes_reste_impunieWed, 30 Oct 2024 15:47:39 +0000L'indignation se propage en raison de l'augmentation de la violence

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran d'un reportage de Gazete Duvar. Des femmes manifestant dans la province de Van. Édité sur Canva.

« La Turquie veut du changement», peut-on lire dans une publication du compte Instagram populaire Turkishdictionary, qui cite des chiffres indiquant qu'en trois jours sept femmes ont été assassinées. « Soyons honnêtes. La Turquie a un problème avec la violence », affirme une autre publication sur Instagram.

Lors de ces dernières semaines, des groupes de défense des droits en Turquie ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour attirer l'attention sur les problèmes de violence dans le pays. Au début du mois, deux femmes ont été tuées à Istanbul. İkbal Uzuner et Ayşenur Halil ont été tuées par Semih Çelik, âgé de 19 ans, qui s'est suicidé après avoir commis ces crimes. Çelik avait, dit-on, déjà été condamné et souffrait de troubles mentaux. Il était aussi lié à de nombreux groupes « incel » (célibataires involontaires) en Turquie, qui sont connus pour encourager les hommes à violer, harceler et assassiner des femmes, via des plateformes de réseaux sociaux. La dernière femme retrouvée morte était Rojin Kabaiş, une étudiante de 21 ans disparue depuis 18 jours.

Femmes et enfants morts

Uzuner et Halil n'étaient pas les seules femmes dont les noms ont fait la une des journaux turcs la semaine dernière. Une autre femme a été sexuellement harcelée à Istanbul par deux hommes qui avaient été relâchés dans un premier temps, puis arrêtés à nouveau suite à la diffusion d'une vidéo de cette agression sur les réseaux sociaux, qui a déclenché l'indignation du public.

Dans une publication récente, la journaliste Melisa Gulbas indique que la violence auprès des femmes et des enfants est en train d'atteindre un niveau sans précédent en Turquie. En comparant les chiffres de 2021 et de 2022, Melisa Gulbas a écrit qu'il y avait eu une hausse d'environ 60 pour cent de cas d'agressions sexuelles à l'encontre des femmes en 2023.

De plus, en octobre, un bébé de deux ans est mort dans le coma après avoir été victime d'une agression sexuelle dans la province de Tekirdağ. En parlant aux journalistes, le président du barreau de Tekirdağ, Egemen Gürcün, a déclaré que la violence à l'égard des enfants était en hausse dans la province, « citant 283 demandes d'avocats pour des cas de maltraitance d'enfants auprès de l'association du barreau pour seulement l'année 2023, et 172 demandes jusqu'à présent en 2024 », a rapporté Bianet.

En septembre, une policière âgée de 26 ans a été tuée par un assaillant qui avait à son actif 26 infractions pénales.

Également en septembre, le pays a été secoué par la nouvelle bouleversante de la découverte du corps de Narin Güran, huit ans, près du village où elle habitait avec sa famille. La mort de la petite fille a provoqué des protestations à une échelle nationale et des appels à la responsabilité de l'État. Des critiques affirment que les politiques de l'État contre les abus sont inadéquates, et sont fortement influencées par des valeurs religieuses et des normes dépassées qui sont permissives à l'égard des violences et des agresseurs.

En 2022, suite à la diffusion d'un rapport alarmant de Human Rights Watch (HRW), Emma Sinclair-Webb, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale de HRW, a expliqué pourquoi il est si difficile de lutter contre la violence fondée sur le genre en Turquie:

The government’s approach to combating violence against women is framed in paternalistic, conservative terms. The authorities see it as part of a national duty to protect women, whom they see as vulnerable and breakable, and to support the institution of the family. Turkey’s president is on record opposing gender equality and it has been written out of government policy. So while we are seeing government efforts to tackle violence against women, the government simultaneously undermines its own efforts by not seeing the fight against domestic violence as part of promoting women’s rights or ensuring gender equality.

L'approche du gouvernement en matière de la lutte contre la violence à l'égard des femmes est définie en termes paternalistes et conservateurs. Les autorités considèrent comme un devoir national de protéger les femmes, qu'elles jugent vulnérables et fragiles, et de soutenir l'institution de la famille. Le président de la Turquie s'est déclaré opposé à l'égalité des sexes et celle-ci a été exclue de la politique gouvernementale. Ainsi, alors que le gouvernement s'efforce de lutter contre la violence à l'égard des femmes, il sape simultanément ses propres efforts en ne considérant pas la lutte contre la violence domestique comme faisant partie de la promotion des droits de la femme ou de la garantie de l'égalité entre les sexes.

Un autre rapport publié en 2023 par la Fédération turque des associations de femmes (TKDF) et le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) Turquie, a révélé que 8 sur 10 personnes victimes de violence sont des femmes, que 73 % des femmes victimes de violence sont mariées et que les hommes sont les auteurs de la violence dans 90 % des cas enregistrés, répartis entre les conjoints (63 %) et les membres de la famille (21 %).

Selon la plateforme We Will Stop Femicides, 315 femmes ont été tuées par des hommes et 248 femmes ont été retrouvées mortes dans des circonstances suspectes, d'après la documentation de la plateforme en 2023. Selon une autre plateforme, 319 femmes ont été tuées depuis le début de l'année.

La solution de l'État pour ces décès est de bloquer l'accès à Discord, parce que, selon le ministre de la justice Yilmaz Tunc, la plateforme est la source de cette violence, incitant des crimes d'« agressions sexuelles sur les enfants et d'obscénité ».

Enfin un retour à la convention d'Istanbul ?

En 2021, la Turquie s'est retirée de la Convention d'Istanbul, une convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Depuis ce retrait, les groupes de défense des droits des femmes ont exigé que la Turquie réintègre la convention, bien que le président de la Turquie Recep Tayyip Erdoğan pense différemment. S'exprimant lors de la réunion de son parti le 9 octobre, le président a déclaré : « Notre retrait de la convention d'Istanbul n'a pas eu le moindre impact négatif sur les droits des femmes ». Le président a également promis d'arrêter et de juger les personnes ayant un casier judiciaire et d'empêcher les criminels de circuler librement dans le pays.

« C'est l'impunité qui est la principale raison des meurtres de femmes, d'enfants et d'animaux errants », a déclaré Sera Kadigil, membre du Parti des travailleurs et du Parlement, lors d'un entretien vidéo.

Parallèlement, selon les médias, la police a également commencé à surveiller les groupes « incel », tandis que la vente de bombes lacrymogènes a augmenté dans le pays, suite à la série de meurtres survenus au cours des deux derniers mois. Les défenseurs des droits des femmes et de nombreuses femmes sont également sortis manifester sur les rues à travers le pays, exigeant un changement de politique.

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Brésil : le « mouvement VAT » réclame une réduction du temps de travailhttps://fr.globalvoices.org/?p=291358http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241030_164648_Bresil___le____mouvement_VAT____reclame_une_reduction_du_temps_de_travailWed, 30 Oct 2024 15:46:48 +0000Un conseiller municipal est élu à Rio de Janeiro après avoir lancé sur TikTok un débat sur la réduction du temps de travail.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

[Tous les liens dans le texte sont en portugais, sauf indication contraire.]

Illustration par Global Voices

Rick Azevedo allume la caméra de son téléphone portable et passe une minute et sept secondes à exprimer son indignation face aux horaires de travail épuisants qui obligent les employés à travailler huit heures par jour, six jours par semaine, avec un seul jour de congé.

« Je n’arrête pas de penser : je suis une personne qui vit seule, je n’ai pas d’enfants et je ne peux rien faire ; рouvez-vous imaginer ce que c’est pour ceux qui ont des enfants, un mari, une maison dont ils doivent s’occuper ? Je veux savoir, quand nous, la classe ouvrière, allons-nous nous soulever contre cet esclavage désuet qu’on appelle la semaine de travail de six jours ? », a-t-il déclaré lors d'un streaming en direct le 12 septembre.

Sa vidéo a été interprété par certains internautes comme un appel à l’action. Le clip, publié sur TikTok le lendemain, a été visionné plus d’un million de fois en un an, et a inspiré un mouvement au Brésil appelé VAT, un acronyme portugais signifiant Vida Além do Trabalho, ou « La vie au-delà du travail ».

Les activistes du mouvement tentent de contester la législation du travail du pays, qui impose une journée de travail de huit heures, plus quatre heures le samedi, pour un total de 44 heures de travail par semaine. Et généralement pour un salaire minimum de 1 412 réaux (environ 250 dollars américains).

Les travailleurs des secteurs tels que le commerce, la restauration, les supermarchés, les centres d'appels et autres services, continueront probablement à travailler selon cet horaire. Pour certaines catégories, il existe des exceptions et des régimes de travail spécifiques.

Dans les commentaires de la vidéo d'Azevedo, un abonné a déclaré : « Habituellement, mon jour de congé est le dimanche et je ne peux pas aller chez le médecin ou le dentiste, ni régler quoi que ce soit », tandis qu'un autre s'est plaint : « Je déteste ça. J’ai l’impression que ma vie est en train de s’effondrer ». Un autre utilisateur a noté que les gens penseront que vous êtes paresseux si vous n'aimez pas vos horaires, « ils pensent que c'est normal de sacrifier sa vie pour son travail ».

Azevedo, 30 ans, a lui-même travaillé six jours par semaine pendant 12 ans dans une pharmacie, comme il l'a expliqué dans le podcast Lado B do Rio. Il affirme que cette routine l'a rendu malade, anxieux et déprimé, et l'a empêché d'étudier ou d'essayer quoi que ce soit qui puisse l'aider à développer sa carrière.

Il dit avoir quitté son emploi pendant un certain temps, mais a été contraint d'y retourner en juillet 2023 en raison du manque d'alternatives. Désespéré, il a un jour allumé sa caméra pour enregistrer la vidéo qui l'a fait connaître et a contribué à inspirer le mouvement.

Le 6 octobre, Azevedo a été élu au conseil municipal de Rio de Janeiro au sein du Parti du socialisme et de la liberté (PSOL) [fr], le même parti que Marielle Franco [fr], la conseillère municipale assassinée en 2018 après avoir affronté et dénoncé des groupes paramilitaires locaux [ang].

Rick, qui a reçu 29 364 votes, travaillera désormais avec la veuve de Marielle, Monica Benicio [fr].

Le mouvement VAT et la loi

Rick Azevedo, représentant du mouvement VAT, et la députée Erika Hilton lors d'une réunion avec le ministre du Travail et de l'Emploi Luiz Marinho. Image : Allexandre dos Santos Silva/MTE

Le prospectus de la VAT indique que les membres du mouvement se battent pour une réduction du temps de travail sans réduire les salaires ni restreindre les droits du travail. Ils ont également créé une chaîne Telegram qui recueille les témoignages des employés.

À un abonné sur X (anciennement Twitter) qui a déclaré que ses pouvoirs de conseiller municipal ne lui permettraient pas d'apporter des changements autres que ceux relatifs aux règles de travail des fonctionnaires, Azevedo a répondu qu'il avait, avec la députée Erika Hilton (aussi du PSOL), rédigé un « PEC », un projet de loi visant à modifier la Constitution. Le projet a été annoncé par Hilton en mai dernier et nécessite un certain nombre de signatures de parlementaires.

En mai également, Hilton et Azevedo ont rencontré Luiz Marinho, ministre du Travail et de l'Emploi du gouvernement de Luiz Inácio Lula da Silva [fr] (PT, Parti des Travailleurs) [fr], et lui ont remis les revendications du mouvement ainsi qu'une copie de la même pétition adressée au congrès national.

À la mi-octobre 2024, la pétition appelant à des discussions sur l’amélioration des conditions de travail des Brésiliens avait recueilli 1 329 085 signatures. Les suggestions incluent une révision du modèle de la semaine de travail de 6 jours et un horaire plus équilibré, un débat public sur les lois du travail et la manière d'améliorer les conditions actuelles, des politiques garantissant les droits des employés aux vacances, au congé parental et à une limitation des heures supplémentaires.

La CLT (« consolidation des lois du travail »), le droit du travail brésilien, est en vigueur depuis plus de 80 ans, mais a subi des changements au cours des dernières années.

En 2017, sous la présidence de Michel Temer, entré en fonction après la destitution de la présidente Dilma Rousseff [fr] (également du Parti des travailleurs), une réforme du droit du travail a été menée. Cette réforme a modifié certaines règles de la CLT : les cotisations syndicales sont devenues facultatives, il est devenu possible de diviser les congés en trois périodes et d'augmenter la journée de travail à 12 heures, suivies de 36 heures de repos.

La loi dite d'externalisation, adoptée la même année, a prolongé la durée autorisée du travail temporaire et a permis aux employeurs d'embaucher des employés pour leurs activités principales dans le cadre de ce système.

Getúlio Vargas a signé la CLT en 1943, pendant son règne dictatorial sous le régime du Nouvel État, mis en place après un coup d'état, ce qui explique son approbation sans passer par le congrès national. Dès lors, les travailleurs se voient garantir, entre autres droits, une journée de travail de huit heures, des congés payés hebdomadaires, des heures supplémentaires rémunérées, une protection contre le licenciement et une assurance chômage. Il fût un temps où l'on croyait que ces règles s'inspiraient de la Charte du travail du fasciste Benito Mussolini en Italie, mais beaucoup considèrent qu'il s'agit seulement d’un mythe.  

Au Brésil, comme dans d’autres pays, de nombreuses personnes sont confrontées à des conditions de travail précaires en raison de la flexibilité du droit du travail et de la montée de « l’économie des petits boulots ». Cela a entraîné une augmentation significative du nombre de personnes qui ont cessé de rechercher un emploi traditionnel : de 1,46 million à 4,98 millions entre 2014 et 2019, selon les données de l'IBGE (Institut brésilien de géographie et de statistique).

Le portail du Sénat note que le Congrès discute depuis 1995 de propositions visant à réduire le temps de travail, mais c'est seulement l'année dernière que des changements sont devenus possibles. En décembre 2023, l'une des commissions a adopté un projet visant à inclure dans la CLT la possibilité de réduire le temps de travail sans réduction de salaire, si cela est déterminé par un accord préalable.

Le sénateur Paulo Paim (PT), qui a également travaillé sur la proposition des années 1990, explique :

É preciso que todos entendam que a redução de jornada só representará uma vitória se for fruto de um grande entendimento não só no Congresso e no Executivo, mas também entre empregados e empregadores. Esse entendimento é que aponta caminhos, pois o país que queremos está baseado na humanização da relação de trabalho.

Il est important que chacun comprenne que la réduction des heures de travail ne sera une victoire que si elle résulte d’une compréhension mutuelle non seulement au sein du Congrès et du pouvoir exécutif, mais aussi entre les travailleurs et les employeurs. C’est cette compréhension qui montre la voie, puisque le pays dans lequel nous voulons vivre est basé sur l’humanisation des relations de travail.

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Les mots ont la parole: Épisode #18https://fr.globalvoices.org/?p=291524http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241030_103747_Les_mots_ont_la_parole__Episode__18Wed, 30 Oct 2024 09:37:47 +0000Au Rwanda, “Avoir le savon” veut dire “avoir de l'argent”

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de la chaîne YouTube de Imagiers français

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Cadeauter: ce terme vient du français parlé en Afrique et signifie offrir un cadeau. Il a une connotation politique dans le cadre de la Françafrique, ce système d’influence politique post-coloniale et de transferts opaques de fonds entre Paris et l’Afrique dans les deux sens, comme l’indique cet article de la BBC:

The system was so widespread that it gave rise to a verb cadeauter – from the French cadeau, meaning a present.

Le système était si répandu qu’il a donné naissance au verbe « cadeauter » – du français « cadeau ».

Spoiler: Ce terme, importé de l’anglais ‘spoil’ veut dire gâcher le suspens en racontant à l'avance autour les événements cruciaux d’un film ou d’un roman. Ce mot est parfois traduit par divulgâcher en français. Le mot, en tant que nom, est prononcé d’une façon qui imite sa prononciation en anglais (“spoiluh”). Mais, en tant que verbe, il est prononcé comme d’autres verbes français qui se terminent “-er” (“spoiler”) et fonctionne comme un verbe régulier. En ligne on peut trouver des articles dédiés aux spoilers, et, comme en anglais, on se plaint des “relous” qui commettent le “délit” de divulgâcheur.

L'ironie linguistique est que ce mot anglais vient de l'ancien français “espoillier” (d'où le mot français moderne “spolier”), qui montre bien comment les langues s’enrichissent mutuellement au cours du temps.

Avoir le savon: cette expression est elle-même une traduction de “sabune ya roho “, une expression argotique en swahili qui signifie le savon de l'âme. “Avoir le savon” renvoie à une personne qui a de l’argent et qui mène une vie de riche. A l’image du savon qui lave et rend propre, l'argent joue une rôle similaire en faisant disparaitre les problèmes quotidiens pour tout personne vivant dans l'aisance. L'expression est couramment utilisée dans le milieu urbain au Rwanda (situé en Afrique de l'Est).

Cette expression est reprise par des artistes musiciens. Comme dans le cas de la chanson titrée “Coup d'état” de Bulldogg feat Sacha, un collectif rwandais:

Un extrait de la chanson dit:

Tous prennent l'argent, ils se lavent avec l'argent. L'argent est devenu le savon avec lequel ils se lavent. Ils ont donc le savon pour oublier leurs problèmes et ils en augmentent pour la population.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org

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Les six plats les plus représentatifs de Hong Konghttps://fr.globalvoices.org/?p=291095http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241029_164317_Les_six_plats_les_plus_representatifs_de_Hong_KongTue, 29 Oct 2024 15:43:17 +0000Les plats choisis sont tous des collations courantes qui représentent Hong Kong.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image créée par Oiwan Lam

Le Centre d'études sur la jeunesse de la Fédération des associations de jeunes de Hong Kong (HKFYG) a récemment conduit une étude concernant les plats que les jeunes considèrent comme les plus représentatifs de la cuisine hongkongaise. On retrouve parmi eux la tarte aux œufs (16,5 pour cent), le pain ananas (15,2 pour cent), les gaufres en forme d'œufs (13,5 pour cent), le thé au lait (11,5 pour cent), le siu mai (8,8 pour cent), et les boulettes de poisson au curry (6 pour cent). Tous ces choix sont des en-cas populaires, et des versions locales de plats européens et d'autres plats asiatiques. 

Tarte aux œufs

Tartes aux œufs de See-ming Lee depuis Flickr. CC: AT

En 2014, le gouvernement a inscrit la tarte aux œufs au patrimoine culturel immatériel de Hong Kong. Beaucoup de personnes pensent que la tarte aux œufs dim sum a été inspirée par la tarte anglaise à la crème pâtissière, importée à Hong Kong par des chefs cantonais dans les années 1920. Afin de réduire les prix, les chefs cantonais ont remplacé le beurre par du saindoux pour la croûte et la crème pâtissière par de l'œuf cuit à la vapeur pour la farce. De ce fait, la croûte à l'extérieur est croustillante et l'intérieur sucré et moelleux. De plus, ces changements ont transformé ce plat considéré comme une collation de luxe en un snack accessible par le grand public depuis les années 1960. 

En parlant des tartes aux œufs, beaucoup de ceux qui ont vécu sous la colonisation britannique avant 1997 se souviennent encore de l'amour que portait Chris Patten, le dernier gouverneur, pour les tartes aux œufs. 

Le dernier gouverneur de Hong Kong, Chris Patten, visitant sa boulangerie préférée durant son voyage à Hong Kong en 2005. Capture d'écran de la chaîne YouTube de AP.

Pain ananas

Les pains ananas ont également été inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de Hong Kong en 2014. Contrairement à ce que son nom l'indique, il ne contient pas d'ananas, le nom faisant plutôt allusion à son apparence. Ce pain est inspiré de la pâtisserie mexicaine concha, composée d'un petit pain sucré recouvert d'une garniture croquante à base de farine, de beurre et de sucre.

Un pain ananas avec un morceau de beurre. Image de Johnson Wang depuis Flickr. CC: AT-SA.

La façon la plus authentique de savourer un bon pain ananas est d'ajouter une épaisse tranche de beurre froid à l'intérieur du pain encore chaud, et le manger en l'accompagnant d'une tasse de thé au lait dans un salon de thé local.

Comme le pain ananas fait partie du quotidien des Hongkongais locaux, il a été utilisé pour représenter l'enfance de la génération des années 1970 dans une animation populaire : McDull, Prince de la Bun (2004).

Gaufres en forme d'œufs (Gai daan jai)

Les ingrédients des gaufres en forme d'œufs ressemblent à peu près aux gaufres classiques. La particularité de la gaufre hongkongaise est son moule de cuisson qui lui donne une forme de bulles.

Gaufres en forme d'oeufs œufs. Image de Kaba depuis Flickr. CC: AT-NC-SA.

Les gaufres en forme d'œufs sont devenues populaires à Hong Kong après la Seconde Guerre mondiale. On retrouve deux explications contradictoires sur l'origine de la forme des bulles sur les gaufres. La première dit que la version originale ne contenait que peu ou alors pas du tout d'œufs, car ils étaient très chers dans les années 1950. La moule crée alors une illusion des ingrédients manquants. Par contre, d'un autre côté, on raconte qu'à l'origine, les œufs cassés du marché étaient utilisés comme ingrédient et que le moule redonne à l'œuf sa forme originale. 

De nos jours, les gaufres en forme d'œufs sont considérées comme l'un des snacks de rue les plus populaires de Hong Kong. Elles sont proposées dans une variété de parfums, comme le thé vert et la fraise, et sont accompagnées de glace. 

Thé au lait chaussette

Thé au lait façon Hong Kong. Image de Angeimoarm prise dans Wikipedia sous la licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 non transposée.

Le thé au lait de style hongkongais, ou thé au lait chaussette, est une version revisitée du thé du petit déjeuner anglais. Il s'agit d'un mélange de thé noir Ceylan de Sri Lanka et du thé chinois Pu'er, avec une technique de filtrage spéciale utilisant un sac en toile (ressemblant à une bas de soie) afin d'obtenir une texture épaisse et lisse. Le thé filtré est ensuite mélangé avec soit du lait concentré, soit du lait reconstitué (lait saturé d'huile) pour ajouter une touche crémeuse au thé. 

La technique utilisée pour faire ce thé a été reconnue et enregistrée au patrimoine culturel immatériel de Hong Kong dans le domaine de l'artisanat traditionnel en 2017. 

Siu Mai à la pâte de poisson. Image de DKIMAJGIM 882 depuis Wikipedia sous CC: AT-SA 4.0 International.

Siu Mai ou Shumai

Shumai est à l'origine une cuisine mongole venant de Hohhot, actuellement capitale de la Mongolie intérieure de Chine, et s'est répandue sur tout le pays pendant la dynastie Yuan. Le Shumai mongol est une fine poche de pâte garnie de viande d'agneau, tandis que la version chinoise contient du porc. La variante cantonaise du siu mai est souvent un ravioli garni de mélange de crevettes, de champignons, et d'autres ingrédients. La version la plus populaire à Hong Kong est le sui mai farci à la pâte de poisson, qui fait partie des snacks de rue les plus populaires en raison de son prix abordable.

 

Boulette de poisson au curry

La boulette de poisson au curry est aussi une spécialité populaire de la cuisine de rue de Hong Kong. Elle est originaire de Chaozhou, puis est devenue une collation populaire dans le Hong Kong d'après-guerre. Les premières boulettes de poisson ont été faites à partir des restes de poissons du marché. Pour améliorer le goût, les marchands faisaient des pâtes avec les chairs des poissons, ajoutaient des épices, puis faisaient cuire les boulettes dans un bain d'huile.

Boulettes de poisson au carry. Image de Wing11803 depuis Wikipedia sous CC: AT-SA 4.0 International.

Plus tard, les boulettes de poisson ont été produites en masse dans les usines, et les vendeurs ambulants ont concocté chacun leur propre sauce pour attirer le plus de clients. La sauce la plus populaire est la version locale du curry indien, parfois mélangée à de la sauce satay indonésienne (une sauce à base d'arachides, de chili, sauce soja, et d'ail), du lait de coco, ou bien du chocolat.  

Les boulettes de poisson étant un en-cas bon marché de Hong Kong, elles sont devenues un symbole commun de la ville. Durant les vacances du Nouvel an chinois en 2016, une émeute a éclaté à Mongkok en réponse à l'interdiction par le gouvernement de certains marchands ambulants non-licenciés. L'un des slogans les plus scandés était “Je veux manger des boulettes de poisson”. Les affrontements violents entre les manifestants et la police a été surnommée “La Révolution des boulettes de poisson“. 

Un dessinateur de bande dessinée politique a réalisé l'œuvre ci-dessous suite à cet incident :

Hong Kong était en feu toute la nuit. Une boulette de poisson s'est transformée en une balle tirée par la police. Le bruit des tirs marque la division de la société hongkongaise. Le peuple réclame du changement, et un déclencheur va le réaliser.

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La chanson « Donne naissance à 1000 enfants pour moi » interdite en Russiehttps://fr.globalvoices.org/?p=291264http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241028_172525_La_chanson____Donne_naissance_a_1000_enfants_pour_moi____interdite_en_RussieMon, 28 Oct 2024 16:25:25 +0000« Cela passera », un nouveau titre du groupe, a été censuré l'année dernière.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran d'une vidéo YouTube montrant le chanteur de Pornofilmy en train de chanter lors d'une manifestation à Tbilissi, en Géorgie. Vidéo de la chaîne YouTube RusNewsPublicMedia. Utilisée avec permission.

Roskomnadzor, le régulateur des médias russe, a interdit la chanson « Donne naissance à 1000 enfants pour moi » par le groupe Pornofilmy. Un autre titre de ce groupe, « Cela passera », a aussi été censuré l'année dernière. 

La chanson « Rodi mne 1000 detey » (« Donne naissance à 1000 enfants pour moi ») a été publiée en mars 2016 sur l'album « Rêve russe. Partie II », avec ces paroles :

Give birth to 1000 children for me. Give each of them a name — soldier. Our president will send them to die — to shoot in Donbas.

Donne naissance à 1000 enfants pour moi. Donne à chacun d'eux un prénom : soldat. Notre président les enverra mourir, combattre dans le Donbas.

Le project Roskomsvoboda suggère que la décision a sûrement été prise par le bureau du procureur général. L'agence peut bloquer des contenus si elle trouve des preuves de manque de respect envers les organismes gouvernementaux, des fake news sur l'armée russe, des incitations au désordre et d'autres violations qui sont incluses dans les nouvelles lois repressives qui sont apparues après l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine. Auparavant, en octobre de l'année dernière, « Donne naissance à 1000 enfants pour moi » avait disparu de nombreuses plateformes de streaming russes, dont Yandex Music et VKontakte, bien qu'aucune décision officielle de l'agence n'ait été publiée à son sujet. 

En octobre de l'année dernière, Roskomnadzor a ajouté la chanson « Cela passera » de Pornofilmy au registre des contenus interdits, et avant cela, une autre chanson de ce groupe, « Tuez les mendiants ! », a été incluse dans la liste des contenus extrémistes du ministère de la justice. De plus, l'année dernière, le réseau social VKontakte a bloqué la page du groupe en Russie suite à la demande du bureau du procureur général.

Всё пройдёт, точно майские грозы
Чьи-то слёзы, два пальца у рта
Как мандат охуевшего единороса
Как допрос, как усмешка мента

Как лефортовские коридоры
Как Беслан, как Норд-Остовский газ
Федеральная свора бездушных майоров
Севастополь, Донецк и Луганск
Это точно пройдёт
Это точно пройдёт!
С пакетом мокрым на голове
С электрометками на руке
Моя Россия сидит в тюрьме
Но верь же мне, это пройдёт!
Какой же чёрный нам выпал век
А мне мерещится вдалеке
Живой надежды забытый свет
Так верь же мне, это точно пройдёт
Словно свастика русского мира
Как пожары в сибирских лесах
Срок для честных ребят из Пензы и Питера
Набитый детьми автозак!
Или с ящика врущая нечисть
228 и шмон в пять утра
Как ОМОНовец, храбро калечащий женщин
Как декабрь, январь и февраль
Это точно пройдёт
Это точно пройдёт!
С пакетом мокрым на голове
С электрометками на руке
Моя Россия сидит в тюрьме
Но верь же мне, это пройдёт!
Какой же чёрный нам выпал век
А мне мерещится вдалеке
Живой надежды забытый свет
Так верь же мне, это точно пройдёт
Всё пройдёт, всё проходит когда-то
Будет год, будет день, будет миг
В одиночестве в морге вчерашний диктатор
А теперь просто мёртвый старик
И с петель срежут двери в Лефортово
И Россия воспрянет от сна
Малайзийским, истерзанным, взорванным бортом
В твою ледяную избушку ворвётся весна
Это точно пройдёт!
С пакетом мокрым на голове
С электрометками на руке
Моя Россия сидит в тюрьме
Но верь же мне, это пройдёт!
Какой же чёрный нам выпал век
А мне мерещится вдалеке
Живой надежды забытый свет
Так верь же мне, это точно пройдёт

Everything will pass, like May thunderstorms
Someone's tears, two fingers at the mouth
Like a mandate from a crazy United Russia member
Like an interrogation, like a cop's grin

Like Lefortovo corridors
Like Beslan, like Nord-Ostov gas
Federal pack of soulless majors
Sevastopol, Donetsk and Lugansk
This will definitely pass
This will definitely pass!
With a wet bag on your head
With electric tags on your hand
My Russia is in prison
But believe me, this will pass!
What a dark century we have had
And I see it in the distance
Living hope forgotten light
So trust me, this will definitely pass
Like the swastika of the Russian world
Like fires in Siberian forests
Prison for honest guys from Penza and St. Petersburg
A paddy wagon full of children!
Or evil spirits lying from a box
228 and search at five in the morning
Like a riot policeman bravely mutilating women
Like December, January and February
This will definitely pass
This will definitely pass!
With a wet bag on your head
With electric tags on your hand
My Russia is in prison
But believe me, this will pass!
What a dark century we have had
And I see it in the distance
Living hope forgotten light
So trust me, this will definitely pass
Everything will pass, everything passes someday
There will be a year, there will be a day, there will be a moment
Alone in the morgue, yesterday's dictator
And now he's just a dead old man
And the doors to Lefortovo will be cut off their hinges
And Russia will rise from sleep
Malaysian, tormented, blown up board
Spring will burst into your icy hut
This will definitely pass!
With a wet bag on your head
With electric tags on your hand
My Russia is in prison
But believe me, this will pass!
What a dark century we have had
And I see it in the distance
Living hope forgotten light
So trust me, this will definitely pass

Tout passera, comme les orages de mai
Des larmes, deux doigts sur la bouche
Comme un mandat d'un membre fou de la Russie Unie
Comme une interrogation, comme le sourire d'un flic

Comme les couloirs de Lefortovo
Comme Beslan, comme le gaz de Nord-Ostov
La meute fédérale des commandants sans âme
Sevastopol, Donetsk et Lugansk
Cela passera sans aucun doute
Ça va passer, c'est sûr !
Avec un sac humide sur la tête
Avec des pinces de courant électrique sur la main
Ma Russie est en prison
Mais croyez moi, ça va passer!
Quel siècle sombre avons-nous eu
Et je le vois dans le lointain
L'espoir vivant, une lumière oubliée
Alors croyez-moi, cela passera
Comme la croix gammée du monde russe
Comme les incendies dans les forêts de Sibérie
La prison pour les hommes honnêtes de Penza et de Saint-Pétersbourg
Un fourgon cellulaire rempli d'enfants!
Ou des esprits maléfiques sortant d'une boîte
228 et fouille à cinq heures du matin
Comme un policier anti-émeute mutilant courageusement des femmes
Comme décembre, janvier et février
Cela passera sans aucun doute
Ça va passer, c'est sûr !
Avec un sac humide sur la tête
Avec des pinces de courant électrique sur la main
Ma Russie est en prison
Mais croyez moi, ça va passer!
Quel siècle sombre avons-nous eu
Et je le vois dans le lointain
L'espoir vivant, une lumière oubliée
Alors croyez-moi, cela passera sans aucun doute
Tout passera, tout se termine un jour ou l'autre
Il y aura une année, il y aura un jour, il y aura un moment
Seul dans la morgue, le dictateur d'hier
Et maintenant il n'est plus qu'un vieil homme mort
Et les portes de Lefortovo sortiront de leurs gonds
Et la Russie sortira de son sommeil
Malaisien, torturé, planche explosée
Le printemps fera irruption dans ta hutte glacée
Ça va passer, c'est sûr !
Avec un sac humide sur la tête
Avec des pinces de courant électrique sur la main
Ma Russie est en prison
Mais croyez moi, ça va passer!
Quel siècle sombre avons-nous eu
Et je le vois dans le lointain
L'espoir vivant, une lumière oubliée
Alors croyez-moi, cela passera sans aucun doute

Le groupe Pornofilmy prend une position contre la guerre et a quitté la Russie après le début de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine. Les musiciens ont organisé une série de concerts caritatifs en compagnie du rappeur Face et du groupe Nervy pour soutenir les Ukrainiens touchés par la guerre. En septembre 2023, le ministère russe de la justice a déclaré que le chanteur de Pornofilmy, Vladimir Kotlyarov, était un « agent étranger. »

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États insulaires du Pacifique : l’écocide est un crime internationalhttps://fr.globalvoices.org/?p=291267http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241027_163206_Etats_insulaires_du_Pacifique___l___ecocide_est_un_crime_internationalSun, 27 Oct 2024 15:32:06 +0000Trois pays ont déposé une requête auprès de la Cour pénale internationale.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

[Toutes les références dans le texte sont en anglais, sauf indication contraire.]

Climate strike in 2019 in Vanuatu

Grève pour le climat au Vanuatu en 2019. Photo : account Flickr 350.org. CC BY-NC-SA 2.0 [rus]

Les États insulaires du Pacifique que sont Vanuatu, Fidji et Samoa ont officiellement demandé à la Cour pénale internationale (CPI) d’inclure le terme « écocide » dans leur liste de crimes.

Ils proposent de définir l’écocide comme « des actes illégaux ou gratuits commis en sachant qu’ils sont susceptibles de causer des dommages graves, étendus ou à long terme à l’environnement ».

Cette initiative a commencé alors que les nations insulaires du Pacifique sont confrontées à une menace unique et sans précédent liée à la crise climatique actuelle. Comme l’a noté l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dans un communiqué de presse d’août 2024, « les trois dangers que sont l’élévation accélérée du niveau de la mer, le réchauffement et l’acidification des océans, mettent en péril les îles du Pacifique dont la vitalité socio-économique, et l'existence même, sont de plus en plus menacées par le changement climatique ».

Si la CPI accepte l'appel, les dirigeants des gouvernements et des corporations accusés de polluer en toute impunité pourront être poursuivis pour écocide.

Les représentants de Vanuatu ont suggéré l’idée pour la première fois lors de l’Assemblée des États parties à la CPI en 2019. Ils ont déclaré que la détermination de la CPI à « renforcer l'état de droit international pour protéger notre patrimoine et environnement communs pourrait devenir notre héritage commun ».

Odo Tevi, représentant permanent de Vanuatu auprès de l'ONU, a déclaré que les règles de la CPI doivent être réformées car elles ne traitent que des crimes environnementaux pendant les conflits.

Reckless destruction of nature can and does take place at any time, not just during conflict. If we want to inhabit and inherit a livable planet, we must act now.

We must recognise the dire threat and dire consequences of severe environmental destruction wherever and whenever it occurs.

La destruction irresponsable de la nature peut se produire et se produit à tout moment, pas seulement pendant les conflits. Si nous voulons peupler et hériter d’une planète habitable, nous devons agir maintenant.

Nous devons reconnaître la menace désastreuse et les conséquences catastrophiques d’une grave destruction de l’environnement, où qu'elle se produise et à n'importe quel moment.

Tevi a expliqué pourquoi l'écocide devrait être reconnu comme un crime international.

The recognition of ecocide as a crime sends a powerful message: the destruction of nature will no longer go unpunished. This is about holding those responsible for environmental destruction accountable, whether they are governments, corporations, or individuals.

Environmental damage is often overlooked until it begins to affect humans. But by then, it’s often too late. We need to act now to ensure the long-term protection of ecosystems and prevent irreversible damage.

Reconnaitre l’écocide en tant que crime envoie un message fort : la destruction de la nature ne restera plus impunie. Il s'agit de demander des comptes aux responsables de la destruction de l'environnement, qu'il s'agisse de gouvernements, d'entreprises ou d'individus.

Les dommages environnementaux sont souvent ignorés jusqu’à ce qu’ils commencent à affecter les populations. Mais il est alors souvent trop tard. Nous devons agir maintenant pour garantir la protection à long terme des écosystèmes et prévenir des dommages irréversibles.

Ralph Regenvanu, Envoyé spécial de Vanuatu pour le changement climatique et l'environnement, a résumé la situation des petits États insulaires souffrant de l'élévation du niveau de la mer et d'autres impacts graves du changement climatique.

Environmental and climate loss and damage in Vanuatu is devastating our island economy, submerging our territory, and threatening livelihoods. This tragedy is not unique to Vanuatu but is shared by many small island nations that, despite bearing the least responsibility for the crisis, suffer most from its impacts.

Les pertes et dommages environnementaux et liés au climat au Vanuatu dévastent notre économie insulaire, inondent la région et menacent les moyens de subsistance de nos communautés. Cette tragédie n’est pas propre à Vanuatu, mais elle est partagée par de nombreux petits États insulaires qui, bien qu’ils soient les moins responsables de la crise, sont ceux qui souffrent le plus de ses conséquences.

Le juge de la Cour suprême des Samoa, Vui Clarence Nelson, a parlé à LawNews de la nécessité d'agir et de ne pas se contenter de parler du changement climatique.

This country has taken the view that to help protect the environment we need to push for the inclusion of ecocide in the ICC statute as a criminal offence. The thinking being that if you criminalise it, you make the larger nations, who are the major emitters, responsible for their actions.

There’s frustration, clear frustration, at how there’s been a lot of talk but not a hell of a lot of action. Certainly our government has expressed that very strongly on the international stage and that position is shared by a lot of the Pacific island nations.

This would give momentum to climate action. Momentum’s something that’s very important to something like this – beginning to get a bit of traction and keeping it going.

Ce pays est d'avis que pour protéger l'environnement, nous devons faire pression pour que l'écocide soit inclus comme infraction pénale dans les statuts de la CPI. L’idée est que si l’écocide est criminalisé, les grands pays qui sont les principaux responsables d'émissions seront tenus responsables de leurs actes.

Un sentiment de frustration s’installe, une frustration évidente, à cause de la quantité de discussions et du si peu d’action. Bien entendu, notre gouvernement l’a exprimé très clairement au niveau international, et notre position est partagée par de nombreux pays insulaires du Pacifique.

Cela donnerait une impulsion à l’action pour lutter contre le changement climatique, laquelle est très importante dans ce genre de situation : il est essentiel de commencer avec un certain élan et de le maintenir.

Les scientifiques Nathan Cooper et Leilani Tuala-Warren de l'Université de Waikato ont appelé la Nouvelle-Zélande à soutenir la proposition de ses voisins du Pacifique.

The crime of genocide was adopted in 1948 as a result of the horrors of the second world war, and much work was necessary to define and delimit it. Faced with an array of existential threats from ecological crises, it is timely that an ecological crime has been proposed.

Aotearoa [New Zealand] was the first country in the world to give a river the legal status of a person. It should now follow that we support this proposal to criminalise ecocide, for the sake of our own environment and that of our neighbours.

Le génocide est devenu un crime en 1948 à la suite des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, et il a fallu beaucoup de travail pour le définir de manière spécifique. Puisque nous sommes confrontés à un certain nombre de menaces existentielles causées par les crises environnementales, la proposition d'un terme pour décrire la notion de crime environnemental est particulièrement opportune.

Aotearoa [Nouvelle-Zélande] a été le premier pays au monde à accorder à une rivière le statut juridique d'une personne. Nous soutenons désormais la proposition visant à criminaliser l’écocide dans l’intérêt de notre propre environnement et de celui de nos voisins.

Djodjo Mehta, co-fondateur et PDG de Stop Ecocide International, a souligné l'importance juridique d'inclure l'écocide comme crime relevant de la compétence de la CPI.

By establishing legal consequences, we create a guardrail that compels decision-makers to prioritise safety for people and planet, fundamentally altering how they approach their obligations. We also create a route to justice for the worst harms, whether they occur in times of conflict or in times of peace.

En établissant des conséquences juridiques, nous créons un cadre qui oblige les décideurs à donner la priorité à la sécurité des personnes et de la planète, changeant fondamentalement la façon dont ils abordent leurs responsabilités. Nous ouvrons également une voie d'accès à la justice pour dénoncer les pires préjudices, qu'ils se produisent en temps de conflit ou en temps de paix.

Ces dernières années, certains pays ont introduit une protection contre l'écocide dans leur législation nationale, comme la Belgique, le Chili et la France.

Le chercheur Daniel Bertram a noté qu'il est difficile de convaincre les membres de la CPI d'accepter la proposition du Vanuatu, des Samoa et de Fidji. Il a rappelé à ses partisans que les diverses parties prenantes, y compris les États membres de la CPI, doivent être persuadées de soutenir la pétition visant à faire de l'écocide un crime international.

Ecocide’s prospects at success, then, hinge on a so far largely silent majority. It is this silent majority that supporting states and ecocide advocates in civil society and academia will have to sway. The outcome is far from certain. States may either decide to kill the proposal once and for all, to take it forward and mold it in line with their own expectations.

Ainsi, les chances de succès dépendent d’une majorité encore largement silencieuse. C’est cette majorité silencieuse que les États et les défenseurs de la société civile et du monde universitaire devront convaincre. Le résultat est très incertain. Les États peuvent soit décider de clore le débat, soit d'accepter la proposition et la transformer selon leurs propres attentes.

Un autre problème majeur de la campagne est le fait que les pays dont les émissions de gaz à effet de serre sont les plus importantes, comme les États-Unis, la Russie et la Chine, ne sont pas parties à la CPI.

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Hong Kong se bat pour que le souvenir du massacre de la place Tiananmen du 4 juin 1989 reste dans les mémoireshttps://fr.globalvoices.org/?p=287978http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241026_181435_Hong_Kong_se_bat_pour_que_le_souvenir_du_massacre_de_la_place_Tiananmen_du_4_juin_1989_reste_dans_les_memoiresSat, 26 Oct 2024 16:14:35 +0000Amnesty International a condamné Hong Kong pour avoir utilisé la loi comme arme pour faire taire les critiques.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Chow Hang-tung au Parc Victoria en 2019. Photo de Chow's Club sur Facebook.

L’ avocat spécialisé en droits de l'homme de Hong Kong, Chow Hang-tung, 39 ans, ainsi que cinq de ses sympathisants, ont été arrêtés et emprisonnés le 28 mai 2024, pour avoir publié des posts séditieux sur les réseaux sociaux qui auraient incités à la haine contre les gouvernements de Hong Kong et de la Chine continentale. Les arrestations ont marqué la premiere application de la nouvelle loi sur la sécurité nationale, plus connue sous « Article 23 »

Chow Hang-tung était la vice-présidente de l'aujourd'hui dissoute Alliance de Hong Kong de soutien des Mouvements patriotiques démocratiques de Chine (HK Alliance), et l'organisatrice de la veillée aux chandelles annuelle, commémoration de la répression de Tiananmen en 1989. La veillée avait lieu chaque année de 1990 à 2019. Elle est détenue depuis septembre 2021 et a été plus tard condamnée à 22 mois de prison après avoir été déclarée coupable d'incitation, d'avoir fait partie d'un rassemblement illégal pendant la veillée le 4 juin 2020 et d'avoir organisé celle de 2021. Chow, ainsi que Albert Ho et Lee Cheuk-yan, est en attente d'un procès pour subversion en vertu de la loi sur la sécurité nationale (LSN) de Pékin, dont la date reste à determiner. La peine maximale pour ce type d'accusation est l'emprisonnement à vie.

Depuis 2020, la veillée aux chandelles annuelle du 4 juin a été interdite à Hong Kong, en raison des restrictions liées à la pandémie. En 2022 et 2023, quand des individus ont spontanément commémoré la date à coté du Parc Victoria, ils ont été arrêtés ou emmenés par la police.

Cette année marque le 35e anniversaire de la répression du mouvement étudiant pro-démocratique de Tiananmen, le 4 juin 1989. Les manifestations organisées par des étudiants à la place Tiananmen à Pékin pour dénoncer la corruption généralisée et la privatisation des biens collectifs au nom de la libéralisation du marché ont eu lieu le 15 avril 1989 et ont duré jusqu'au 4 juin, date à laquelle elles ont été réprimées par une répression militaire sanglante dans le centre de Pékin.

Le chef de la sécurité à Hong Kong, Chris Tang, a déclaré que les messages publiés sur le club de Chow Hang-tung sur Facebook parlaient d'une « date sensible à venir » pour inciter à la haine. Toutefois, lorsqu'on lui a demandé si la date en question était le 4 juin, il a refusé de répondre.

 Chow's Club (Le club de Chow Hang-tung)

Qu'est-ce qui est si séditieux dans les publications publiés sur Facebook par Chow Hang-tung? Beaucoup ont remarqué une publication du 1er avril 2024, qui invitait les gens à partager leurs experiences du 4 juin, afin de les utiliser comme témoignages lors de son procès pour subversion (la publication a été écrite en chinois et anglais):

控方目前說要依賴的「證據」裏,包括了自1989年以來支聯會及友好團體出版過的單張、刊物,以及燭光集會的錄影等。…他們要說這30多年來發生過的事情都是我們的罪證,那這30多年來的參與者就都可以是我們的證人。…如果你 #曾是過去30多年來點點燭光的其中一人,不管是在台上還是台下,場內還是場外,本地還是海外,我都 誠邀你 在這場審訊中留下你的證詞,訴說你的經歷,和那段經歷的意義。

The evidence that the prosecution currently intends to rely on includes leaflets and publications issued by the Alliance and other organizations since 1989, as well as video recordings of candlelight vigils… If they claim that everything that has happened over the past thirty years is evidence against us, then all participants in the past thirty years can be our witnesses….if you have been one of the candlelight bearers in the past thirty years, whether on stage or off, inside or outside the venue, locally or overseas, I sincerely invite you to leave your testimony in this trial…

Les preuves sur lesquelles l'accusation compte actuellement s'appuyer comprennent des dépliants et des publications publiés par l'Alliance et d'autres organisations depuis 1989, dont des vidéos de veillées aux chandelles… S'ils prétendent que tout ce qui s'est passé ces trente dernières années est un élément de preuve contre nous, alors tous les participants de ces trente dernières années peuvent être nos témoins… si vous avez été l'un des porteurs de chandelles lors des trente dernières années, que ce soit sur scène ou pas, dans ou en dehors de la veillée, localement ou à l'étranger, je vous invite sincèrement à apporter votre témoignage dans ce procès…

La page Facebook a mentionné l'appel à «Une lutte de la mémoire contre la réécriture des souvenirs » #記憶和改寫記憶的抗爭, et Chow a commencé à apporter son propre témoignage et évoquer ses propres souvenirs de la commémoration du 4 juin à partir du 30 avril 2024, date qui marque un compte à rebours de 35 jours pour le 35e anniversaire des répressions du 4 juin.  

Le 10 mai, elle a été placée à l'isolement en prison. Cependant, ses souvenirs écrits du 4 juin ont continué à être publiés jusqu'à que l'avocat et ses cinq sympathisants soient arrêtés le 28 mai.

En ajoutant les deux autres arrestations du 29 mai et 3 juin, il y a, jusqu'à aujourd'hui, huit personnes arrêtées qui étaient affiliées avec la page Facebook de Chow, dont Medina Chow, la mère de Chow; Lau Ka-yee et Kwan Chun-pong, anciens membres du comité permanent de HK Alliance; Chan Kim-Kam, ancien conseiller de district; et Lee Ying-chi, dentiste et membre de la Ligue des sociaux-démocrates.

La Reine de l'eau et du riz

Chow Hang-tung est l'une des rares activistes encore en activité qui persiste à s'exprimer à Hong Kong même si elle est toujours en prison. Ses actions directes s'appuient sur sa compréhension de la nature des poursuites politiques, comme elle l'a expliqué sur la page Facebook de son groupe (en chinois et en anglais) :

…我們被控的「犯罪行為」,本身就是公共的,眾人參與之事,不是被告的私人問題。控方的角色也不是找出真相,而是壓抑真相——把原本就在陽光之下的公共記錄,選擇性地抽取一些,掩埋一些,以構建一個犯罪的論述,然後在法庭這裏留下白紙黑字的、權威的記錄。所以,對我們最「有利」的,不是陪控方玩這個由少數人改寫歷史的遊戲,而是把書寫歷史的權力交還給大家,讓全部的事實都能被看見。在這個案子裏,在六四這件事上,想要隠瞞,想要避重就輕的,是控方而不是我們啊!

“…the “criminal acts” we are accused of are inherently public, involving the participation of many, it is not about the defendant's private affairs. The role of the prosecution is not to uncover the truth but to suppress it—selectively extracting and burying public records that are already in the sunlight, to construct a narrative of crime and leave an authoritative record in the courtroom. Therefore, what is most “advantageous” for us is not to play along with the game of rewriting history by a few, controlled by the prosecution, but to return the power of writing history to everyone, allowing all facts to be seen. In this case, regarding the events of June Fourth, it's the prosecution, not us, who wants to conceal and trivialize matters!”

«… les « actes criminels » pour lesquels nous sommes accusés sont intrinsèquement publiques, et impliquent la participation de nombreuses personnes, il ne s'agit pas des affaires privées du défendeur. Le rôle de l'accusation n'est pas de découvrir la vérité mais de la supprimer, en extrayant et enterrant de manière selective des documents publics qui sont déjà disponibles, de construire un narratif de crimes et laisser un dossier faisant autorité dans la salle d'audience. Par conséquent, ce qui est le plus « avantageux » pour nous est de ne pas jouer le jeu de la réécriture de l'histoire par quelques personnes contrôlées par l'accusation, mais de rendre le pouvoir d'écrire l'histoire à tout le monde, afin de permettre à tous les faits d'être connus. Dans ce cas, concernant les événements du 4 juin, c'est l'accusation, et non nous, qui veut dissimuler et banaliser les faits !»

Mais des représailles s'ensuivent souvent. Elle a souvent été placée à l'isolement en prison. Par exemple, après avoir reçu le prix franco-allemand des droits de l'homme et de l'État de droit en décembre 2023, elle a été placée en isolement pendant 18 jours, selon une publication sur le page de Chow Hang-tung.

Selon l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (the United Nations Standard Minimum Rules for Prisoners), le placement à l'isolement ne doit être appliqué qu'en dernier recours avec un examen indépendant. En 2011, le Rapporteur spécial sur la torture, Juan E. Méndez, a suggéré que le prolongement de placement à l'isolement de plus de 15 jours soit interdit, car des études scientifiques ont établi que quelques jours d'isolement social peuvent provoqués des dommages mentaux à long terme.

Elle a pris ce retour en cellule d'isolement à la légère en se donnant le surnom « Reine de l'eau et du riz » (水飯女皇) puisque les prisonniers n'ont droit qu'à juste de l'eau et du riz.

Cette fois-ci, les mesures de représailles s'étendent à sa chère mère et à ses amis. La nouvelle loi sur la sécurité nationale permet une détention avant inculpation pouvant aller jusqu'à 16 jours, et l'accès des suspects à un avocat peut être limité. La sédition est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à sept ans, ou dix ans en cas de collusion avec une « force extérieure ».

L'armement de la loi pour faire taire les critiques

De nombreuses organisations de défense des droits de l'homme, dont Hong Kong Watch et Human Rights in China, basées à Londres, ont condamné ces arrestations. Sarah Brooks, directrice d'Amnesty International pour la Chine, a qualifié ces arrestations de « tentative honteuse » de réprimer la commémoration pacifique de la répression de Tiananmen et a condamné le gouvernement de Hong Kong pour avoir utilisé l'article 23 afin de faire taire les critiques :

Despite warnings from UN human rights experts that the law is inconsistent with international human rights laws and standards, the Hong Kong government insists on weaponizing it to silence critique…Chow Hang-tung and others in Hong Kong arrested simply for exercising the right to freedom of expression should be immediately and unconditionally released, and the Hong Kong police must refrain from suppressing other peaceful commemorations of the 1989 tragedy. Remembering the Tiananmen crackdown is not and never shall be a crime.

Malgré les avertissements des experts des Nations unies en matière de droits de l'homme, selon lesquels cette loi est incompatible avec les lois et les normes internationales en matière de droits de l'homme, le gouvernement de Hong Kong persiste à l'utiliser pour faire taire les critiques… Chow Hang-tung et les autres personnes arrêtées à Hong Kong simplement pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression devraient être libérés immédiatement et sans condition, et la police de Hong Kong doit s'abstenir de réprimer d'autres commémorations pacifiques de la tragédie de 1989. Se souvenir de la répression de Tiananmen n'est pas et ne sera jamais un crime.

Pourtant, ironiquement, les arrestations ont rappelé au monde le 35e anniversaire des répressions du 4 juin.

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Sainte-Lucie a accueilli un événement régional majeur pour l'environnementhttps://fr.globalvoices.org/?p=291131http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241025_130657_Sainte-Lucie_a_accueilli_un_evenement_regional_majeur_pour_l_environnementFri, 25 Oct 2024 11:06:57 +0000Le congrès du RedLAC s'est tenu avant la COP 16, organisée fin octobre

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Les pitons de Sainte-Lucie. (Photo : Canva Pro)

Écrit par Tyrell Gittens

Ce billet est une compilation de deux articles initialement publiés sur le réseau caribéen d'actualités environnementales Cari-Bois. Il est diffusé ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages Web en anglais.]

Des représentants de Cari-Bois, l'un des partenaires de republication de Global Voices, ont assisté au 26e congrès du Réseau des fonds environnementaux d'Amérique latine et des Caraïbes (RedLAC), qui s'est tenu à Sainte-Lucie du 7 au 10 octobre. Cet événement annuel dans le domaine de la finance environnementale était organisé pour la première fois dans les Caraïbes orientales. Il visait à mettre en relation les fonds environnementaux d'Amérique latine et des Caraïbes avec des alliés stratégiques, des partenaires internationaux, des investisseurs et des représentants de gouvernements.

Le thème de cette année, « 30x30x30 : la voie vers 2030 », consistait à « faire avancer les objectifs mondiaux de conservation dans les contextes nationaux et régionaux ». Il est ici question de l'objectif de conservation « 30×30 », un élément clé du Cadre mondial pour la biodiversité (GBF). Ce texte, adopté récemment, prévoit que 30 % des zones terrestres et maritimes soient préservées d'ici à 2030 grâce à la mise en place d'aires protégées entre autres.

Lors d'une interview récente, la présidente-directrice générale du Fonds caribéen pour la biodiversité (CBF), Karen McDonald Gayle, explique l'intérêt de ce congrès pour les Caraïbes dans leur manière d'aborder l'objectif 30×30 : « Il est primordial de faire entendre la voix des Caraïbes et plus particulièrement celle des Caraïbes orientales. » À cette occasion, les réalités quotidiennes liées à la poursuite et à la réalisation des objectifs de développement durable [fr] fixés par les Nations unies au niveau mondial ont pu enfin être abordées dans le cadre des expériences latino-américaine et caribéenne.

Alors que les efforts de conservation au niveau mondial se concentrent sur la mise en oeuvre de l'objectif n° 3 du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, le RedLAC se focalise sur le renforcement et le développement des partenariats avec les organes exécutifs de la région. Plus de 200 participants issus de 20 pays différents étaient attendus.

Dans le profil de pays de Sainte-Lucie, la Convention sur la diversité biologique indique que l'île abrite plus de 1 300 espèces végétales, 160 oiseaux, 250 poissons de récif, 50 espèces de coraux ainsi que d'autres espèces endémiques telles que l'amazone de Sainte-Lucie [Amazona versicolor] et le lézard de Sainte-Lucie [Cnemidophorus vanzoi]. La grande diversité biologique de l'île et sa reconnaissance internationale en tant que haut lieu de la biodiversité constituent des éléments supplémentaires pouvant inciter les participants à continuer d'investir dans la protection des espèces et des écosystèmes de la région.

Karen McDonald Gayle affirme que le congrès aidera à consolider les relations entre les fonds environnementaux de la région. Elle souligne également l'importance de la date de cet événement, la Conférence des Nations unies sur la biodiversité 2024 (COP 16) [fr] ayant lieu à Cali, en Colombie, quelques semaines plus tard :

[Le RedLAC] représente une ressource précieuse pour, d'une part, construire et encourager une présence plus importante des pays caribéens au sein du réseau et, d'autre part, renforcer notre discours collectif en faveur de financements environnementaux à long terme pour la région.

Les membres du RedLAC ont donc saisi cette occasion pour « faire le point » avant la COP 16. Ils ont identifié les avancées réalisées pour soutenir la mise en oeuvre de l'objectif prévu par le Cadre mondial pour la biodiversité, tout en abordant les axes de développement possibles.

Depuis sa création en 1999, le RedLAC élabore et met en place des mécanismes financiers destinés à soutenir les efforts de conservation dans la région. Compte tenu de la grande biodiversité des pays du réseau, les 32 membres du RedLAC contribuent à la protection d'environ 50 % des forêts tropicales sur Terre, 41 % des mammifères du monde, 33 % de l'ensemble des espèces de reptiles et 50 % des oiseaux de la planète – et l'objectif 30x30x30 a un impact sur tout cela.

Karen McDonald Gayle déclare :

Il est fondamental que [nous] nous réunissions pour déterminer comment travailler avec les gouvernements régionaux de la manière la plus globale possible et s'assurer de la disponibilité des financements pour mener à bien ce travail. Mais nous devons également discuter en toute honnêteté de la nature des défis que nous rencontrons et de la façon dont nous pouvons travailler ensemble.

Dans cette optique, les intervenants comptaient parmi eux des experts régionaux ainsi que des représentants d'organisations internationales telles que Conservation International et The Nature Conservancy.

Les discussions ont notamment porté sur des sujets tels que la comptabilité carbone, la circularité, la résilience climatique et le financement de projets bleus/verts. Le professeur Dale Webber, spécialiste de l'écologie marine et ancien président de l'université des Indes occidentales (Jamaïque), a ouvert la conférence et expliqué en quoi consistait précisément l'objectif 30×30 dans le contexte caribéen.

Le but était de s'assurer que les participants comprennent la situation des Caraïbes lors des échanges à propos du « 30×30 ». Alors que de nombreux pays d'Amérique latine ont déjà avancé dans la réalisation de l'objectif n° 3, Karen McDonald Gayle souhaite qu'une réflexion sincère soit menée sur ce que les Caraïbes envisagent de leur côté pour accélérer leur progression :

La conception selon laquelle nos problèmes doivent être résolus par les gouvernements est un mythe que nous devons dépasser. D'autres acteurs ont un rôle à jouer dans le financement des priorités nationales et régionales […] et il y a de la place pour que d'autres puissent participer.

Nous sommes peut-être plus petits en superficie, poursuit-elle, mais nous sommes plus grands pour ce qui est de l'océan – et le travail que nous réalisons est tout aussi important.

De leur côté, les participants espèrent que l'événement permettra d'œuvrer de manière significative au dialogue et à l'action en vue de la conservation de la vie sauvage et du patrimoine naturel de la région, qui continuent de subir les conséquences des changements climatiques et de la perte de biodiversité.

Tyrell Gittens est le coordinateur et le rédacteur en chef de Cari-Bois.
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Journée internationale de l’alphabétisation : entretien avec Paula Lucie-Smith, fondatrice de l’Association des tuteurs de l’alphabétisation des adultes de Trinité-et-Tobago (ALTA)https://fr.globalvoices.org/?p=291233http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241025_125340_Journee_internationale_de_l___alphabetisation___entretien_avec_Paula_Lucie-Smith__fondatrice_de_l___Association_des_tuteurs_de_l___alphabetisation_des_adultes_de_Trinite-et-Tobago__ALTA_Fri, 25 Oct 2024 10:53:40 +0000« …l’alphabétisation n’est pas à l’ordre du jour. »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Panneau d’affichage de l'événement « Lire sous les arbres », de l’Association des tuteurs d’alphabétisation pour adultes de Trinité-et-Tobago, qui s'est tenu le 18 mars 2023 dans les jardins botaniques royaux de Port of Spain. Photo de Janine Mendes-Franco, utilisée avec permission.

Le 8 septembre 2023 marque le 56e anniversaire de la première Journée internationale de l’alphabétisation (International Literacy Day) célébrée dans le monde entier, pour rappeler l’importance de l’alphabétisation pour la dignité humaine. L’accès à la lecture constitue l’un des fondements des droits de l’homme. Ce concept contribue à l’avancement du programme des Nations Unies pour créer des sociétés plus alphabétisées et plus durables. Le thème de 2023 est « Promouvoir l’alphabétisation pour un monde en transition : bâtir les fondations de sociétés durables et pacifiques. »

Cependant, la mise en œuvre de ce programme nécessite des personnes sur le terrain. Depuis plus de 30 ans, à Trinité-et-Tobago, ces personnes sont les bénévoles de l’Association des tuteurs de l’alphabétisation des adultes (Adult Literacy Tutors Association (ALTA)), qui est fière de contribuer aux changements sociaux dans les Caraïbes grâce à l’alphabétisation. J’ai interviewé la fondatrice de l’ONG, Paula Lucie-Smith, sur, notamment, la contribution de son organisation et le contexte territorial de l’alphabétisation.

Janine Mendes-Franco (JMF) : Comment ALTA a-t-elle vu le jour ?

Paula Lucie-Smith, fondatrice de l’Association des tuteurs d’alphabétisation pour adultes de Trinité-et-Tobago (ALTA). Photo de Lucie-Smith, utilisée avec permission

Paula Lucie-Smith (PLS): I started ALTA [in] 1992. As a secondary school teacher, I had been teaching students in Forms 4 and 5 who couldn’t read, so in 1990, International Literacy Year, I became a volunteer in a Ministry of Education/UNESCO adult literacy programme.

Assigned to teach at Woodbrook Government Secondary, students came from many parts of the country to my class. What little support I got ended with the year — but I had students.

PLS : J’ai fondé ALTA en 1992. Professeure du secondaire, j’enseignais aux élèves des 4ème et 5ème années qui ne savaient pas lire. En 1990, année internationale de l’alphabétisation, je suis devenue bénévole dans un programme d’alphabétisation des adultes du ministère de l’Éducation et de l’UNESCO.

J'étais affectée à l’école publique d'enseignement secondaire de Woodbrook, où mes élèves venaient de différentes régions pour suivre mes cours. Mais j'ai quitté le programme à la fin de l'année car je ne me sentais pas accompagnée. Malgré tout, j'avais des élèves.

I conceptualised ALTA as a way to bring together the adult literacy teachers to share ideas, as well as to direct students to teachers close to their home or work. But those who joined ALTA wanted training and a programme of instruction, so ALTA quickly moved beyond networking into teacher training and programme development.

J'ai imaginé ALTA comme un moyen de rassembler les enseignants de l'alphabétisation des adultes pour partager des idées, mais aussi pour permettre aux apprenants de trouver des enseignants proches de leur domicile ou de leur lieu de travail. Mais les bénévoles qui rejoignaient ALTA désiraient être accompagnés en termes de formation et avoir un outil d’enseignement. Alors ALTA a rapidement mis en place des programmes de formation pédagogique pour les enseignants.

JMF : Quelles sont les principales réalisations de l'ALTA ?

PLS: The key achievement: ALTA conducts a successful free national adult literacy programme with our own curriculum and materials – and we continued to do this through COVID-19, emerging with not one mode of literacy instruction, but three: ALTA-V (Zoom), ALTA Online (web-based application), and the community classes – now back [after pandemic restrictions]. As far as I know, we are the only non-profit to run a home-grown national adult literacy programme. I'm most proud of harnessing the power of good that lies latent to bring trained volunteers together with learners.

PLS : ALTA offre un solide programme national gratuit d’alphabétisation des adultes avec son propre cursus et ses propres supports, et pendant la COVID-19, nous avons proposé non pas un seul mode de formation en alphabétisation, mais trois : ALTA-V (Zoom), ALTA Online (application Web) et les classes communautaires, maintenant de retour après les restrictions de la pandémie. Pour autant que je sache, nous sommes la seule organisation à but non lucratif à proposer un programme national d’alphabétisation des adultes. Je suis très fière d’exploiter le pouvoir latent du bien pour réunir des volontaires formés et des apprenants.

JMF : À quoi ressemblent les taux d’alphabétisation à Trinité-et-Tobago et dans la région ?  Les statistiques semblent engageantes. La situation est-elle différente sur le terrain ?

AALTA Online : apprentissage de l’alphabétisation des adultes au centre international de formation de Belmont, Port of Spain, Trinidad. Photo utilisée avec la permission de l'ALTA.

PLS: Literacy rates in the Caribbean (and in most of the world) are unknown. Official statistics are based on the availability of primary school places rather than demonstrated literacy competence. What is cited as a literacy rate should be re-named ‘school access rate,’ as going to school does not mean a person is literate. An ALTA student who has NOT attended school is a rare exception.

A literacy survey gives the only valid estimate of literacy. Two national literacy surveys were done in Trinidad (ALTA 1994, UWI 1995) which show that 22–23 percent of persons aged 15-plus could not cope with everyday reading and writing. The UWI survey also showed only 45 percent could read and understand a newspaper article.

Low literacy is an issue in all English-speaking Caribbean countries and the problem is set to grow due to school closure during the pandemic.

PLS : Le taux d’alphabétisation dans les Caraïbes (et dans la plupart du monde) sont inconnus. Les statistiques officielles sont fondées sur les places disponibles dans les écoles primaires plutôt que sur les compétences démontrées en alphabétisation. Ce qui est cité comme un taux d’alphabétisation devrait être rebaptisé « taux de scolarisation », car aller à l’école ne signifie pas qu’une personne est alphabétisée. Il est très rare qu’un apprenant ALTA n’ait PAS fréquenté l’école.

Seule une enquête sur l’alphabétisation peut révéler une estimation pertinente des taux de l’alphabétisation. Deux enquêtes nationales ont été réalisées à Trinidad (ALTA 1994, UWI 1995), révélant que 22 à 23 % des plus de 15 ans étaient incapables de lire et écrire. L’enquête de l’UWI (University of West Indies) a également révélé que seulement 45 % pouvaient lire et comprendre un article de journal.

Le faible niveau d’alphabétisation est un problème dans tous les pays anglophones des Caraïbes et le problème va s’aggraver, car des écoles sont toujours fermées depuis la pandémie.

JMF : Selon vous de quelle manière l’alphabétisation peut avoir un impact direct sur la paix, en particulier dans les communautés rurales où les crimes violents sont de plus en plus préoccupants ?

PLS: Peace in a society is the result of each person feeling a sense of belonging and acceptance for who they are. Over 30 years, many students have said to me that before ALTA they did not feel a part of society. Students also say ‘ALTA is family’ – they belong. In the words of one student, Glenn, ‘Not being able to do things that you want to do, it could create a stress in you that other people might not see it, but you will feel it. So just being able to do these classes, it kind of cleans certain things, like the toxic part of the feedback that [you're] getting. It kind of soothes it.’

PLS : La paix dans une société est le résultat de chaque personne ressentant un sentiment d’appartenance et d’acceptation pour ce qu’elle est. Ces 30 dernières années, nombreux sont les apprenants qui m’ont révélé s'être sentis exclus de la société avant de rejoindre ALTA. Ils affirment également appartenir « à la famille ALTA ». Pour citer, Glenn, un apprenant, « ne pas être capable de faire les choses que vous voulez faire peut créer un stress en vous que d’autres personnes ne verront peut-être pas, mais vous le sentirez. Donc, juste être capable de suivre ces cours, ça remet les choses à leur place en quelque sorte, comme cette chose toxique que vous ressentez. C’est apaisant en quelque sorte. »

Des participants à l’événement ALTA du 18 mars 2023, « Lire sous les arbres » Photo de Janine Mendes-Franco, utilisée avec permission.

JMF : Sur la question de la criminalité, au moins à Trinité-et-Tobago, j’ai remarqué que le langage des lettrés pour décrire les auteurs de délits tend à refléter un état d’esprit « nous contre eux ». Cela vous préoccupe-t-il et comment ALTA change-t-elle cela ?

PLS: The word ‘illiterate’ in Trinidad [and Tobago] is synonymous with bad character and low morals. ALTA has worked for more than 30 years to sever this false connection. Our current awareness/student registration campaign, ‘I Am Skilled, and I Am ALTA Skilled,’ shows literacy learners not only to be productive members of society, but of good character and generous spirit despite harsh life experiences.

PLS : Le mot « analphabète » à Trinité (et Tobago) est synonyme de mauvaises mœurs et de moralité douteuse. ALTA travaille depuis plus de 30 ans pour rompre cet amalgame inexact. Notre campagne actuelle de sensibilisation et de recrutement des apprenants « Je suis qualifié, et je suis qualifié ALTA », montre que les apprenants en alphabétisation sont non seulement des membres productifs de la société, mais aussi de bonnes mœurs et généreux malgré des expériences de vie difficiles.

JMF : L’année internationle de l’alphabétisation est souvent observée dans notre région par ceux qui sont déjà alphabétisés, un peu comme prêcher à des convertis. En quoi la journée est-elle importante ?

PLS: Literacy is invisible. You can’t see a person’s literacy level or hear it. Speaking in Creole English is not a valid determiner of literacy. The stigma means that those who need literacy help instead spend a lifetime perfecting the art of keeping their poor literacy hidden. So, we need an international day to look and hear about literacy.

PLS : L'alphabétisation est invisible. Vous ne pouvez pas voir le niveau d’alphabétisation d’une personne ni l’entendre. Parler en anglais créole n’est pas un facteur déterminant valable de l’alphabétisation. La stigmatisation signifie que ceux qui ont besoin d’aide pour l’alphabétisation passent plutôt toute leur vie à perfectionner l’art de garder cachée leur pauvre alphabétisation. Nous avons donc besoin d’une journée internationale pour aborder et promouvoir l’alphabétisation.

Mickel Williams, apprenant de l’ALTA, lit l’un de ses essais lors de l’événement « Lire sous les arbres » aux jardins botaniques royaux de Port of Spain le 18 mars 2023. Photo publiée avec la permission de l’ALTA.

JMF : ALTA organise-t-elle des événements pour marquer la Journée internationale de l’alphabétisation ?

PLS: ALTA is marking ILD by opening ALTA community classes at 21 venues across Trinidad. We are back in the classroom after three years!

PLS : Nous marquons cette journée en ouvrant des classes communautaires ALTA dans 21 lieux à Trinidad. Nous sommes de retour dans les salles de classe après trois ans !

JMF : D'après vous, comment les petits États insulaires en développement comme les Caraïbes appréhendent-ils l’analphabétisme ? Des facteurs tels que la crise climatique, la numérisation, le fossé économique grandissant et même les effets de la COVID-19 nous affectent-ils différemment ?

PLS: Most of the Caribbean pretend, and even advertise, that their populations are literate. Apart from some drama when SEA and CXC results come out, literacy is not on the national agenda. No Caribbean government wants to know the real picture and when it does arise, literacy is lodged solely as a school issue. Trinidad launches new school literacy initiatives every year or two — none of which has ever been fully implemented or sustained.

Developed countries separate education policy from politics and make long term plans. In the year 2000, a [T&T] prime minister declared the end of the Common Entrance and universal secondary education, [but] 23 years on, non-literate 13- and 14-year-olds are put into a secondary curriculum requiring literacy. And you ask why children don’t want to go to school? Why parents don’t spend thousands of dollars on textbooks the children can’t read?

The factors you mention affect all equally. The difference is that the Caribbean has much fewer resources to weather these storms and battle an increasing brain drain to the developed world of the expertise needed to effect the needed changes.

PLS : La plupart des pays des Caraïbes prétendent, et même affichent que leurs populations sont alphabétisées. Mis à part les désastreux résultats des examens d’entrée aux écoles de second cycle (SEA) et du Conseil des examens des Caraïbes,  l’alphabétisation n’est pas à l’ordre du jour. Aucun gouvernement caribéen ne veut admettre la réalité et quand elle se présente, l’alphabétisation est abordée uniquement au niveau scolaire. Trinité-et-Tobago lance de nouvelles initiatives d’alphabétisation scolaire environ tous les un ou deux ans, dont aucune n’a jamais été pleinement mise en œuvre ou soutenue.

Les pays développés séparent la politique éducative de la politique nationale et élaborent des plans à long terme. En 2000, un Premier ministre de Trinité-et-Tobago a déclaré l’abandon de l’examen d’entrée commune et la mise en place d’un enseignement secondaire universel. Vingt trois ans plus tard, les analphabètes de 13 et 14 ans sont inscrits dans un programme secondaire exigeant l’alphabétisation. Et on se demande pourquoi les enfants ne veulent pas aller à l’école ? Pourquoi les parents ne dépensent-ils pas des milliers de dollars en manuels scolaires que les enfants ne peuvent pas lire ?

Les facteurs que vous mentionnez sont universels. Simplement, les Caraïbes disposent de beaucoup moins de ressources pour résister à ces tempêtes et amorcer des changements. Ils luttent contre une fuite croissante des cerveaux vers les pays développés.

JMF : De quelle manière peut-on contribuer à créer une culture de l’alphabétisation ?

PLS: Shame is what stops a child, a teen, an adult from admitting their literacy difficulties and getting help. They dread hearing, ‘« He must be can’t even read’ — and the laughter (or pity) that follows. And who engenders this shame? The literate. To build a culture of literacy, we, the literate, must change our mindset.

We must understand two things. One, literacy is a skill like any other – some of us have natural talent and acquire it easily; some have great difficulty and need specialised instruction; most fall at the various points between these two poles of ease and difficulty. So some brains come wired for reading and writing, others do not. Two, and of equal importance, this wiring does not say anything about your ability to think. Take away the shame and we can walk the road to literacy.

PLS : Un enfant, un adolescent, un adulte a honte d’admettre qu’il a des difficultés à lire et écrire et qu’il a besoin d’aide. Il redoute d’entendre « il ne sait même pas lire », sans parler des moqueries ou de la pitié. Et qui provoque cette honte ? Celui ou celle qui est alphabétisé. Pour construire une culture d’alphabétisation, nous, les personnes alphabétisées, devons changer notre façon de penser.

Il faut comprendre deux choses. Premièrement, l’alphabétisation est une compétence comme une autre, certains ont des talents naturels et apprennent facilement, d’autres ont plus de difficultés et ont besoin d’un apprentissage particulier. Donc, certains cerveaux sont programmés pour lire et écrire et d’autres pas. Deuxièmement, et c’est tout aussi important, ce n’est pas parce que votre cerveau n’est pas capable de lire et écrire que vous n’êtes pas capable de penser. Mettez de côté la honte et l’apprentissage viendra.

Une enfant est captivée par un livre de contes lors de l’événement « Lire sous les arbres » aux jardins botaniques royaux de Port of Spain le 18 mars 2023. Photo de Janine Mendes-Franco, utilisée avec permission.

JMF : Avez-vous une success story à partager avec nous ?

PLS: There is no way to choose one success story, but here are a few highlights that stay in my mind. Yvonne, a Spiritual Baptist Mother, looked at the sign she had been seeing for 30 years, broke it into parts and read the word. She said to me with awe and wonder: ‘All these years I didn’t know they was telling me ‘Welcome’.’

Linton, a very dyslexic student, proudly told me of passing [his] school-leaving exam with distinction and setting up his own business. He also passed on what he learned at ALTA to his two sons, and made sure they were not out on the street, but doing their schoolwork.

Jackie’s daughter became a medical doctor, who wrote, ‘As I observed my mother persevere to one day write post-primary examinations after completing ALTA Level 3, I gained an appreciation for education. As she practised her syllables, vocabulary and spelling, I practised too. In retrospect, I can say ALTA taught us both. Seeing my mother progress from a struggling student to someone who was able to stand before a crowd and read fluently was a marvel to me. Seeing her progress from spelling words completely different to their actual spelling to minor misspellings touched my life in a way I cannot translate into words.’

One day, a man walked into the [ALTA] office and donated TTD 10,000 [approximately USD 1,500], saying that he was earning good money now thanks to ALTA and he wanted to help us to continue helping others.

PLS : Impossible de n’en partager qu’une. Mais voici quelques moments gravés dans ma mémoire. Un jour, Yvonne, une membre de la communauté baptiste spirituelle a regardé le panneau devant lequel elle passait depuis 30 ans, et a réussi à le lire. Émerveillée et étonnée, elle m’a déclaré : «Pendant toutes ces années, je n’avais pas compris qu’on me souhaitait la “bienvenue”. »

Un enfant très dyslexique, Linton, m’a déclaré fièrement qu’il avait réussi son examen de fin d’études avec distinction et avait créé sa propre entreprise. Il a également transmis à ses deux fils ce qu’il avait appris avec ALTA et il s’assurait qu’ils ne trainaient pas dans la rue, mais faisaient leurs devoirs.

La fille de Jackie est devenue médecin, et a écrit : « c’est en observant ma mère persévérer pour passer un des examens ALTA en fin de niveau 3, que j’ai appris à apprécier l’enseignement. Quand elle s’entrainait sur les syllabes, le vocabulaire, l’orthographe, je m’entrainais aussi. Je réalise que nous avons appris toutes les deux grâce à ALTA. Je suis émerveillée de voir les progrès de ma mère, une élève qui s’est battue, et qui est capable de se tenir debout face à un public et lire couramment. Voir ses progrès en orthographe, les fautes mineures qu’elle fait aujourd’hui comparé aux fautes qu’elle faisait, me touche d’une manière que je ne peux même pas exprimer. »

Un jour, un homme est entré dans nos bureaux et a fait un don de 10 000 dollars de Trinité-et-Tobago (environ 1500 dollars US). Il gagnait bien sa vie grâce à son enseignement avec ALTA et il voulait nous apporter son soutien.

Gillon Henry, une apprenante de L’ALTA est félicitée suite à la lecture de l’un de ses essais lors de l’événement « Lire sous les arbres » aux jardins botaniques royaux de Port of Spain le 18 mars 2023. Photo de RT Photographie, utilisée avec permission.

JMF : Quelle est la prochaine étape pour ALTA ?

PLS: The world, and ALTA Online will take us there. [It's] an interactive, web-based programme of literacy instruction built around Caribbean life skills content and designed for independent use by persons aged nine and over. Interacting with a screen bypasses shame, meets differing learning rates, and is available 24/7. It’s the future of literacy learning.

PLS : Le monde et ALTA Online vont nous conduire à la prochaine étape. ALTA Online est un programme interactif en ligne d’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Il est conçu autour de contenus de compétences de vie caribéennes et accessible aux particuliers à partir de 9 ans. L’interaction avec un écran contourne la honte, inclut des caractéristiques d’apprentissage différentes et est disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. C’est l'avenir de l’alphabétisation.

JMF : Pouvez-vous compléter cette phrase : Je considérerai qu’ALTA a accompli sa mission quand…

PLS: When the stigma of low literacy has vanished, so coming to a literacy class is just like coming to any other class to learn a skill.

There will always be people who have difficulty with reading and spelling whose needs are not met by schools — and thus, a need for ALTA. What they need is freedom from fear so they can come to learn.

PLS : Quand les stigmatisations entourant un faible niveau d'alphabétisation auront disparu, et qu’un cours de lecture et d’écriture sera considéré comme n’importe quel autre cours.

Il y aura toujours des personnes qui ont des difficultés à lire et à écrire et que l’école ne peut pas aider, et donc, ALTA est nécessaire. Les apprenants ont simplement besoin de se sentir libres pour avoir le courage de venir apprendre.

Communiqué : L’auteur de cet article a collaboré avec ALTA sur sa récente campagne de sensibilisation et de recrutement.

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Le centre et l'ouest de l'Afrique sont inondés alors que le continent contribue peu au dérèglement climatiquehttps://fr.globalvoices.org/?p=290939http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241022_151924_Le_centre_et_l_ouest_de_l_Afrique_sont_inondes_alors_que_le_continent_contribue_peu_au_dereglement_climatiqueTue, 22 Oct 2024 13:19:24 +0000Les solutions existent mais ne sont pas appliquées

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image des maisons dans l'eau dans une région de l'extrême-nord du Cameroun ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de France24

Le changement climatique affecte de nombreux pays africains en causant, à chaque saison des pluies, des inondations répétitives qui plongent les populations dans un chaos total et ont pour conséquences des centaines de morts et des milliers de sinistrés.

Traditionnellement, la saison des pluies se déroule de mai à octobre avec des pics en juillet et août, mais les pluies ne respectent plus le calendrier habituel. De plus, les précipitations deviennent de plus en plus fortes. Le résultat est que l’Afrique de l'ouest et l’Afrique centrale ont connu des pluies torrentielles dévastatrices de juillet à septembre 2024.

Interviewée par le média France 24 sur cette situation, Aida Diongue-Niang, climatologue et vice-présidente du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) explique les raisons. Pour cette experte sénégalaise, la gravité de ce phénomène est la résultante d'une intensification des variations des saisons des pluies due au changement climatique:

Un effet domino qui peut conduire à un désastre humanitaire

De grandes villes se retrouvent ainsi les pieds dans l'eau, ce qui mène souvent à l’effondrement des maisons sous l'effet des inondations ; au relâchement des digues des barrages sous la menace des pluies torrentielles. La situation est souvent catastrophique. Selon les chiffres annoncés par l'ONU cités dans un article d’Anadolu Ajansi, plus de 700.000 personnes sont affectées par les inondations dans ces deux régions d'Afrique.

Ce reportage de France 24 décrit le cas du Tchad qui fait état de 503 morts et plus de 1,7 million de personnes affectées.

Fin septembre 2024, l’Organisation internationale de la migration (OIM) dresse un lourd bilan dans un rapport publié sur son site qui indique:

(…) des déluges d’eau ont ravagé des régions entières, faisant plus de 1 500 victimes, affectant 4 millions de personnes et déplaçant plus de 1,2 million d'individus à travers le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, la Guinée, le Mali, le Nigeria et le Niger.  

A cet effet, Sylvia Ekra, directrice régionale de l'OIM pour l'Afrique de l'Ouest et Centrale déclare:

Nous n’avions jamais connu d’inondations comme celles de cette année. Elles nous confrontent brutalement aux répercussions des changements climatiques, qui sont de plus en plus importantes dans notre région. Nos équipes travaillent sans relâche sur le terrain pour soutenir les communautés affectées et les autorités locales. Même si nous aidons les pays à mieux se préparer aux situations d'urgence toute l'année, l'ampleur de la situation actuelle exige un financement supplémentaire urgent pour répondre aux besoins immédiats et à plus long terme.

Si le dérèglement climatique impacte déjà négativement les cultures sur le continent, la crise humanitaire risque de s'aggraver dans ces pays touchés par de multiples inondations qui engloutissent les récoltes dans des sociétés où la population rurale représente souvent plus de 70% de la population générale. A titre d'exemple, au Tchad, plus de 400 000 hectares de terres arables sont dévastés. Dans cette situation, la sécurité alimentaire n'est plus garantie et les communautés sont dépourvues de leurs moyens de survie. Allah-Maye Halina, Premier ministre du Tchad, cité dans un article de Tchad Info, indique:

(…) Ces inondations ont détruit déjà plus de 250.000 hectares de culture, provoqué la perte de 60.000 têtes de bétail et causé des dommages considérables sur des milliers de maisons, des écoles, des centres de santé et des infrastructures publiques.

Le Programme alimentaire mondiale (PAM) s'inquiète du nombre élevé de personnes en besoin d'assistance qui peuvent être touchées par la faim. Selon cette  organisation:

Cette hausse inquiétante des besoins humanitaires survient dans un contexte de crise de la faim régionale qui touche déjà 55 millions de personnes, soit quatre fois plus qu'il y a cinq ans.

Dans son bilan, l’Organisation internationale de la migration (OIM) alerte sur les risques de maladies qui peuvent en découler:

En Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, les inondations ont exacerbé les problèmes sanitaires. La stagnation de l'eau et les mauvaises conditions sanitaires ont augmenté le risque de maladies liées à l’eau telles que le choléra, tandis que les infrastructures endommagées, telles que les routes, ont limité l'accès aux zones touchées, ce qui complique l’arrivée de l’aide humanitaire.

Des solutions connues mais non appliquées

Les solutions à ce problème croissant existent, comme l'explique Moussa Malam Abdou, géographe nigérien et enseignant à l’Université André Salifou de Zinder au Niger, sur le média BBC.  Selon lui, il faut atténuer l'émission des gaz à effet de serre en régulant le facteur humain: 

(…) Il faut tout faire pour accroître la rétention et l’infiltration des eaux à l’échelle des bassins et des aménagements intégrés, notamment des ouvrages d’écrêtement, comme les barrages de seuil et de retenu. Cela passe aussi par la restauration des sols.

Il faut éviter l’occupation des zones inondables et respecter les normes urbanistiques. Il faut aussi actualiser et respecter également les normes hydrologiques de dimensionnement des ouvrages hydrauliques.

Du côté du Programme alimentaire mondiale (PAM), on soutient que de telles actions doivent inclure des investissements dans les actions anticipatoires telles que les systèmes d'alerte précoce, le financement des risques de catastrophe et les systèmes de protection sociale. A cet effet, Margot Van der Velden, Directrice régionale du PAM pour l'Afrique de l'Ouest et centrale déclare:

Les actions anticipatoires sont une clé essentielle pour débloquer une aide humanitaire plus efficiente, plus efficace et tournée vers l'avenir. Elles peuvent sauver des vies, préserver la dignité des personnes et offrir des opportunités d'investissement financier significatives.

Dans certains pays, l'absence de grands barrage pouvant réguler le débit de l'eau pendant la saison des pluies joue beaucoup. La construction de ces infrastructures a été promise à maintes reprises mais ne se fait pas.

Fatiguées d'attendre, les populations crient souvent leur ras-le-bol. Ainsi Aline Taryam, étudiante tchadienne habitant la région du fleuve Chari (fleuve de l'Afrique centrale situé entre le Tchad, le Cameroun et la Centrafrique), dit au micro de la BBC:

Cela fait plus d'un an que nous attendons la construction de ce barrage, mais rien. Cette année, nous allons souffrir des eaux de pluie. Quand on voit ce barrage, il ne tient même pas debout. C'est un gaspillage d'argent.

Même frustration au Nigeria, pays de l'Afrique de l'ouest également touché par les inondations. Toujours selon la BBC, les autorités gouvernementales ont promis d'ériger un barrage dans l'État d'Adamawa, situé au nord-est du pays, pour entraver les débordements d'eau mais sans résultat. Un habitant explique à BBC:

Le gouvernement nous avait promis un barrage, mais deux ans après le lancement du projet, rien n'a été fait.

L'Afrique paie fort le prix du dérèglement climatique. Alors qu'elle demeure le continent le moins pollueur, et représente moins de 5% des émissions mondiales, elle devient de plus en plus exposée aux effets désastreux du changement climatique.

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Entre flammes et fumée, le Brésil tente de lutter contre des incendies de forêt d'envergurehttps://fr.globalvoices.org/?p=291189http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241017_182213_Entre_flammes_et_fumee__le_Bresil_tente_de_lutter_contre_des_incendies_de_foret_d_envergureThu, 17 Oct 2024 16:22:13 +000085 enquêtes policières déjà ouvertes, certaines pointant du doigt à des délits environnementaux

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Incendie de forêt dans le parc national de Brasilia, la capitale du Brésil, le 15 septembre 2024. Photo : Fabio Rodríguez-Pozzebom/Agência Brasil, utilisée avec permission

[Sauf indication contraire, tous les liens de ce texte renvoient à des pages en portugais.]

Selon les statistiques [ang] du Système mondial d'information sur les incendies de forêt, à la mi-septembre 2024, trois biomes brésiliens — la forêt amazonienne, les zones humides du Pantanal et du Cerrado — avaient enregistré 46 101 798 hectares de superficie brûlée, soit l'équivalent d'environ 46,1 millions de terrains de football.

Les huit premiers mois de 2024 ont été les pires périodes d'incendies en Amazonie depuis 2005 [ang], tandis que São Paulo, la plus grande ville d'Amérique latine, a enregistré la pire qualité de l'air de toutes les grandes villes du monde pendant cinq jours consécutifs en septembre. Au 3 octobre, la région de Brasilia, dans le District fédéral, a enregistré 163 jours sans pluie. Il s'agit d'un record depuis 61 ans, et il y a eu 3 000 incendies rien qu'en septembre.

Alors que certaines régions luttent contre la propagation du feu avec un manque de pompiers et de ressources essentielles, d’autres sont enveloppées dans une fumée qui se propage partout.

Des organisations telles que WWF et Greenpeace affirment que la sécheresse peut contribuer à la propagation des incendies, mais n'en est pas toujours la cause. Le plus souvent, la personne est à blâmer. Le gouvernement fédéral affirme qu'il y a actuellement 85 enquêtes policières, avec des preuves dans certains domaines pointant vers des crimes environnementaux.

Un système de surveillance lancé en 2019 par MapBiomas, avec une collaboration technique utilisant Google Earth, confirme que 70 % de la superficie brûlée au Brésil cette année se trouvait dans des zones de végétation indigène. Données obtenues de Fire Monitor.

11 millions de personnes touchées

En août déjà, près de la moitié des incendies de forêt de l’année ont été enregistrées. Le feu couvre les prairies et les pâturages utilisés à des fins agricoles.

La Fondation Rainforest rapporte [ang] :

The Brazilian Amazon registered a 104% increase in fire hotspots during the same eight-month period (January to August) compared to 2023, worsening an already critical situation. According to Brazil’s National Institute for Space Research (INPE), there were over 65,000 fire hotspots by the end of August 2024—the highest number for this period since 2005. Of these fire hotspots, over 38,000 were recorded in August alone, an increase of 120% compared to the same month last year, which recorded 17,373 fire hotspots.

Data from MapBiomas reveal that over five million acres were burned in the Brazilian Amazon in August alone. This year, the total burned area amounts to 13.4 million acres — an area larger than entire countries like Costa Rica or Denmark.

Au cours de la même période de huit mois (janvier à août), l’Amazonie brésilienne a enregistré une augmentation de 104 pour cent du nombre d’incendies par rapport à 2023, aggravant une situation déjà critique. Selon l'Institut national de recherche spatiale (INPE) du Brésil, plus de 65 000 incendies ont été enregistrés fin août 2024, soit le nombre le plus élevé pour cette période depuis 2005. Plus de 38 000 d'entre eux ont été signalés rien qu'en août, soit une hausse de 120 pour cent par rapport au même mois de l'année dernière, lorsque 17 373 incendies avaient été recensés.

Les données de MapBiomas montrent [ang] que plus de cinq millions d’acres ont brûlé en Amazonie brésilienne rien qu’en août. Cette année, les incendies totalisent 13,4 millions d'acres, soit une superficie plus grande que celle de pays entiers comme le Costa Rica ou le Danemark.

Mato Grosso, Mato Grosso do Sul, Pará, Tocantins, Amazonas et São Paulo, situés dans les régions du centre-ouest, du nord et du sud-est, sont les États avec le plus grand nombre d'incendies enregistrés en août [pdf, 4, 8 MB ].

La Confédération nationale des municipalités (CNM) estime que 11 millions de personnes ont été directement touchées par les incendies de forêt. Selon le rapport de l'organisation, les pertes économiques s'élèvent à au moins 1,1 milliard de réais brésiliens (environ 203 millions de dollars américains).

La pire qualité de l'air au monde

Le 9 septembre 2024, vers 10 heures du matin, Sao Paulo était en tête du classement des 120 grandes villes ayant la pire qualité de l'air au monde. Certaines régions ont enregistré une qualité de l’air médiocre à très mauvaise.

Le site suisse IQAir, qui calcule l'indice, a attribué à la ville de São Paulo une note de 160. Selon le site, sur une échelle de 0 à 50, la note est bonne ; sur une échelle de 151 à 200, il est considéré comme malsain. Les principales raisons qui ont amené Sao Paulo à la première place sont les températures élevées, la faible humidité relative et la fumée des incendies.

Des incendies de forêt ont également été signalés dans l'État de São Paulo, comme le rapporte l'Agência Brasil [ang]:

The Civil Defense of São Paulo has extended its high-risk alert for wildfires across the state through Tuesday, 10th Sept. According to the Emergency Management Center, temperatures are expected to continue rising, with relative humidity falling to critical levels below 35 percent over the coming days. (…)

The area with the worst air quality in São Paulo is Ponte dos Remédios, along the Tietê River. This location recorded high levels of fine inhalable particles (PM2.5), which are small enough to penetrate deep into the respiratory system.

These particles are associated with increased risks of heart and lung diseases.

La défense civile de São Paulo a prolongé son alerte de risque élevé pour les incendies de forêt dans l'État jusqu'au mardi 10 septembre. Selon le centre de gestion des urgences, les températures devraient continuer à augmenter et l'humidité relative devrait chuter à des niveaux critiques inférieurs à 35 pour cent au cours des prochains jours. (…)

La zone où la qualité de l'air est la plus mauvaise à São Paulo est Ponte dos Remédios, le long de la rivière Tietê. Cet endroit a enregistré des niveaux élevés de particules fines inhalables (PM2,5), qui sont suffisamment petites pour pénétrer profondément dans le système respiratoire.

Ces particules sont associées à un risque accru de maladies cardiaques et pulmonaires.

De plus en plus de pertes

ABC News, citant des responsables comme source, rapporte qu'environ 60 % [ang] de tous les incendies qui font rage en Amérique latine se produisent actuellement au Brésil. Le journal The Guardian écrit également sur les incendies dans la région :

Huge tracts of South America have been blanketed in smoke from largely man-made wildfires that are raging from Ecuador’s drought-stricken capital to Paraguay’s Chaco forest to the backlands of the greatest tropical jungle on Earth.

The smoke has been so dramatic that passenger planes have been unable to land in Rondônia’s riverside capital, Porto Velho, and schools have been forced to close.

De vastes étendues de l’Amérique du Sud sont enveloppées de fumée provenant d’incendies de forêt principalement d’origine humaine qui font rage depuis la capitale aride de l’Équateur jusqu’à la forêt du Tchaco au Paraguay et les profondeurs de la plus grande jungle tropicale de la planète.

La fumée est si forte que les avions de ligne n'ont pas pu atterrir à Porto Velho, la capitale côtière du Rondônia, et que les écoles ont été contraintes de fermer.

La sécheresse devrait aggraver les pertes au Brésil, qui connaît la pire sécheresse jamais enregistrée, affectant 58 % du pays. Selon le journal Folha de S.Paulo, l'intensification de la crise climatique exerce une pression sur les services de base tels que l'approvisionnement en énergie et en eau et renforce les avertissements concernant les impacts économiques potentiels à long terme des événements extrêmes.

La ministre brésilienne de l'Environnement et des Changements climatiques, Marina da Silva, affirme que cette situation met en évidence l'impact complexe des changements climatiques et d‘actes criminels. La ministre plaide pour des sanctions plus strictes [ang] en cas d’incendie criminel et qualifie ce à quoi le pays est actuellement confronté de « terrorisme climatique » [ang].

Selon Silva, certains groupes s'opposent à ce que le gouvernement actuel reprenne un programme de politique publique en matière d'environnement, comme l'a indiqué Agência Brasil :

Estamos agora diante de uma situação, é uma combinação de um evento climático extremo que está assolando não só o Brasil, mas o planeta, e criminosos ateando fogo no país.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation qui combine un événement climatique extrême qui ravage non seulement le Brésil, mais la planète entière, et les actions de criminels qui mettent le feu au pays.

Le Président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a admis [ang] que « le pays n'était pas préparé aux incendies ». Sur son Instagram, il a annoncé le 18 septembre l'ouverture d'une ligne de crédit d'une valeur d'environ 94 millions de dollars.

Image : Le gouvernement fédéral du Brésil s'engage à verser 514 millions de BRL (94 000 000 $) pour lutter contre les incendies et la sécheresse en Amazonie.

Suite à la réunion d'hier des trois puissances, nous avons annoncé l'ouverture d'un prêt d'urgence de 514 millions de réais brésiliens (environ 94 millions de dollars américains) pour lutter contre les incendies. Toutes les entités fédérales doivent se concentrer sur la lutte contre l’incendie.

Début octobre, le gouvernement fédéral a également publié un décret [pdf, 785 Ko] augmentant les sanctions contre les responsables d'incendies de forêt. Le décret double également les amendes pour les incendies sur les terres autochtones.

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Kenya : les jeunes utilisent la technologie pour se mobiliser contre le projet de loi de finances dans un contexte de mal-informationhttps://fr.globalvoices.org/?p=290978http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241017_150628_Kenya___les_jeunes_utilisent_la_technologie_pour_se_mobiliser_contre_le_projet_de_loi_de_finances_dans_un_contexte_de_mal-informationThu, 17 Oct 2024 13:06:28 +0000Les plateformes numériques ont donné une voix aux jeunes kenyans, mais ont également perpétué la désinformation

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran de quelques manifestants lors des manifestations contre le projet de loi sur les finances, tirée de la vidéo YouTube « Kenyans fought a deadly fight against their government. Here's how they won | About That » (Les Kenyans ont mené un combat mortel contre leur gouvernement. Voici comment ils ont gagné) de CBS News. Utilisée avec permission.

[Sauf indication contraire tous les liens renvoient vers des sites en anglais]  

En juin dernier, les jeunes kenyans sont descendus dans la rue et sur les espaces numériques pour protester contre le projet de loi de finances 2024 , qui a introduit de nouvelles taxes sur les biens essentiels comme les données Internet, l'huile de cuisson et le carburant. Ce projet de loi visait à faire face à la dette croissante du Kenya, mais il a suscité une opposition généralisée en raison de son impact sur le coût de la vie.

Avec près de 80 % de la population kényane ayant moins de 35 ans, il n’est pas surprenant que les jeunes aient dominé les manifestations. Les plateformes de réseaux sociaux telles que TikTok , X (anciennement Twitter) et Instagram sont devenues des outils essentiels pour organiser, mobiliser et documenter l’opposition au projet de loi. Les manifestants ont utilisé ces plateformes pour atteindre un public plus large, des centres urbains aux zones rurales.

En plus du contenu vidéo, les X Spaces (des débats audio en direct) ont attiré des centaines d’auditeurs, avec une session rassemblant plus de 100 000 participants . La visibilité croissante des manifestations en ligne a finalement poussé le président William Ruto [fr] à organiser son propre X Space , en dialogue direct avec les manifestants. Le président a dû répondre à des questions difficiles et a cherché à calmer l’opinion publique tout en justifiant le projet de loi de finances. Cette interaction a souligné un changement dans le discours politique du Kenya, où les jeunes, mobilisés en ligne, ont pu défier et confronter leurs dirigeants.

Les outils basés sur l’intelligence artificielle ont joué un rôle essentiel dans le mouvement. Le chatbot Corrupt Politicians GPT a révélé des cas de corruption impliquant des politiciens kenyans, fournissant des informations en temps réel sur les personnes au pouvoir. Un autre outil essentiel était le GPT Finance Bill GPT , qui a analysé les dispositions complexes du projet de loi, expliquant son impact sur les prix et la vie quotidienne des Kenyans. En outre, les militants ont même divulgué les numéros de téléphone des députés , que les manifestants ont utilisés pour les spammer de messages, les poussant à retirer leur soutien au projet de loi.

Les militants ont fait pression en créant un site Internet présentant un « mur de la honte » où sont cités publiquement les noms des hommes politiques qui ont soutenu le projet de loi. Cette stratégie de responsabilisation publique a galvanisé une nouvelle fois l’opposition, certains électeurs menaçant même de révoquer leurs députés .

Mobilisation numérique : hashtags et vidéos virales

L’engagement en ligne via les hashtags a joué un rôle majeur dans les manifestations. Selon la société d’analyse numérique Nendo , TikTok a généré à lui seul près d’un milliard de vues de vidéos liées aux manifestations, tandis que des hashtags comme  #RejectFinanceBill2024, #OccupyParliament et #RutoMustGo ont dominé le discours numérique. X a enregistré plus de 24 millions de mentions des manifestations, devenant ainsi la plaque tournante des débats politiques et des appels à l’action. TikTok a joué un rôle essentiel dans le partage de vidéos créatives de protestation, et les groupes WhatsApp ont permis une coordination en temps réel, aidant les jeunes militants à suivre les mouvements de la police et à partager les mises à jour.

Les hashtags #RejectFinanceBill2024 et #OccupyParliament ont été largement utilisés, le premier ayant gagné en popularité le 12 juin 2024. Les manifestants ont collaboré sur des vidéos TikTok expliquant le projet de loi, garantissant une plus grande portée et une meilleure compréhension, en particulier dans les zones rurales. Le 25 juin, les manifestations ont atteint leur paroxysme lorsque les manifestants ont fait irruption au Parlement , ce qui a encore accru l'engagement en ligne. Des vidéos montrant des manifestants prenant d'assaut des bâtiments gouvernementaux et des manifestations dans de grandes villes comme Nairobi [fr], Kisumu [fr] et Mombasa sont devenues virales, attirant l'attention du monde entier.

Bien que les politiciens aient minimisé l’importance des manifestations, qualifiant les participants de « Kenyans qui prennent Uber, mangent du KFC et boivent de l’eau en bouteille », la participation massive a surpris plus d’un. Un jeune manifestant a exprimé l’état d’esprit des manifestants en déclarant :

— Africa Uncensored (@AfUncensored) July 16, 2024 « Nous mourons déjà chez nous, donc en descendant au moins dans la rue, nous avons une chance de vivre une vie digne », a déclaré Kinuthia, un manifestant, à @tom_mukhwana lors des manifestations d'aujourd'hui. pic.twitter.com/FlxFJV0nay

Désinformation et mal-information

Cependant, la montée de l’activisme en ligne s’accompagne de difficultés : de désinformation et de mal-information. Les organisateurs des manifestations ont fait état de fausses rumeurs répandues sur des plateformes comme WhatsApp et X.

Un exemple frappant de désinformation est une publication virale faussement attribuée au journaliste de CNN Larry Madowo , qui déclarait : « Autant nous tenons à féliciter mes frères et sœurs de l’industrie créative et les jeunes créateurs de contenu qui se sont manifestés en grand nombre pour s’opposer au projet de loi de finances, autant je tiens à leur dire que rien de bon ne vient de la résolution violente des problèmes. » Madowo a par la suite démystifié le graphique, soulignant qu’il était complètement fabriqué.

Même les élus se sont retrouvés empêtrés dans des controverses liées à la mal-information. John Kiarie , un député de Nairobi, a été contraint de s’excuser après avoir accusé des militants d’avoir manipulé des images de manifestations pour les faire paraître  plus grandes.

La mal-information est néfaste car elle sape la confiance, sème la confusion et peut rapidement faire monter les tensions dans des situations sensibles. Lors des manifestations contre le projet de loi de finances, la diffusion de fausses informations a déformé le message du mouvement et semé la division parmi les participants et le public.

Le président William Ruto a directement attribué le déclin des manifestations au rôle de la mal-information. Dans une interview accordée à la radio Deutsche Welle (DW), il a déclaré : « Lorsque les gens ont réalisé que la négativité entourant le projet de loi de finances était basée sur de fausses nouvelles, ils ont arrêté. Les manifestations ont été alimentées par la désinformation, les fausses nouvelles et la désinformation. » Les remarques du Président soulignent comment la mal-information peut dissiper l’énergie d’un activisme légitime en jetant le doute sur son authenticité, en détournant l’attention des véritables problèmes en jeu et en semant la confusion dans l’opinion publique quant à la véritable nature des manifestations.

La mal-information se répandant sans contrôle, les manifestants ont plus de mal à maintenir un front uni et le soutien du public peut s'affaiblir lorsque les gens se demandent si les raisons de la manifestation sont valables ou exagérées. Cette dynamique s'est manifestée lors des manifestations contre le projet de loi de finances, où le flot de fausses rumeurs et de contenus falsifiés a déplacé l'attention des griefs soulevés par les jeunes vers des débats sur ce qui était réel et ce qui ne l'était pas.

Succès des manifestations et avenir de l’activisme en ligne

Malgré la désinformation, les manifestations ont remporté des succès significatifs. Fin juin 2024, le président Ruto a annoncé le retrait de plusieurs clauses controversées  du projet de loi, une victoire que le mouvement mené par les jeunes a célébrée. Cependant, l'élan ne s'est pas arrêté là, car le débat s'est déplacé vers une réforme politique plus large. Le hashtag #RutoMustGo a commencé à faire son chemin, avec des appels à une refonte du gouvernement.

Des personnalités internationales et locales ont soutenu les manifestations, notamment le chef de l'opposition ougandaise Bobi Wine [fr], qui a exprimé son soutien sur X, déclarant :

Le pouvoir est à vous, jeunes du Kenya. Vous vous exprimez et vos voix sont entendues bien au-delà des frontières du Kenya. Nous espérons que vos dirigeants vous écoutent également ! Nous restons solidaires avec vous. Allez! pic.twitter.com/mbcjRtz9wq

— BOBI WINE (@HEBobiwine) 23 juin 2024

Des personnalités de renommée internationale comme l'artiste jamaïcain Konshens fr] ont également amplifié la cause lors de sa performance au Summer Jam Festival 2024 en Allemagne.

Football Twitter, une sous-culture du football sur X, s'est également joint aux manifestations, ralliant un soutien mondial et amplifiant le hashtag #RejectFinanceBill2024. Des groupes comme Anonymous, un groupe international décentralisé de hackers, ont menacé de cyberattaques le  gouvernement du Pésident Ruto en solidarité avec le mouvement.

Les manifestations contre le projet de loi sur les finances au Kenya ont mis en évidence le pouvoir de la technologie pour renforcer et remettre en cause les mouvements modernes. Les plateformes numériques ont donné aux jeunes kenyans une voix forte, mais les ont également exposés aux risques de désinformation. Alors que le discours des manifestations évolue vers des revendications de réformes politiques, la capacité à naviguer de manière responsable dans le paysage numérique sera cruciale pour maintenir l’élan. Les leçons tirées de ces manifestations façonneront sans aucun doute les mouvements futurs au Kenya et au-delà.

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Une expérience mondiale dans une salle de classe de traduction : Interview du Dr Ya-mei Chenhttps://fr.globalvoices.org/?p=291067http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241017_140538_Une_experience_mondiale_dans_une_salle_de_classe_de_traduction___Interview_du_Dr_Ya-mei_ChenThu, 17 Oct 2024 12:05:38 +0000« L'introduction de Global Voices dans ma classe offre de nombreux avantages à mes élèves. »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo du Dr. Ya-mei Chen / Utilisée avec permission

Lingua, l’initiative de traduction de Global Voices (GV), a vu le jour il y a près de 20 ans. Tout a commencé par un projet personnel motivé par la passion du Taïwanais Portnoy Zheng qui a traduit bénévolement en chinois les histoires de GV pour son propre blog. Cette initiative s'est rapidement transformée en un mouvement communautaire couvrant des dizaines de langues.

Pendant toutes ces années, de nombreux collaborateurs allant des traducteurs expérimentés aux débutants cherchant à enrichir leurs expériences ont accompagné Lingua. Une traductrice, Ya-Mei Chen, se démarque parmi tous les contributeurs. Professeure agrégée à l’Université nationale de technologie de Taipei à Taïwan, elle a intégré GV Lingua dans son enseignement de la traduction.

Souhaitant découvrir son enseignement en situation réelle, Global Voices a organisé une rencontre avec Ya-Mei Chen dans son bureau. À travers cette conversation et l’échange de plusieurs courriels, le Dr Chen décrit son enseignement, sa passion, ainsi que ses expériences personnelles de travail dans le domaine. Le contenu de cette conversation a été édité pour plus de clarté.

Global Voices (GV) : Pourriez-vous nous parler un peu plus de vous et de comment vous avez décidé de poursuivre une carrière dans le domaine de la traduction ?

Ya-Mei Chen (YMC) : Mon amour pour les langues a tout déclenché. J’ai toujours été fascinée par la façon dont les différentes cultures s’expriment, ce qui m’a amenée à étudier la littérature étrangère pour mon diplôme de licence, puis la linguistique pour mon master à Taiwan. Cette passion m’a finalement amenée à l’Université d’Édimbourg pour un doctorat en traductologie.

Maintenant, j’enseigne à l’Université nationale de technologie de Taipei, où je peux partager ma passion pour la traduction avec les étudiants de premier cycle et les étudiants diplômés. Ce métier est en constante évolution, avec de nouvelles opportunités comme la traduction des actualités, la collaboration en ligne et l’influence de l’IA. Pendant plusieurs années j’ai travaillé pour des agences de traduction, j’ai également traduit des livres. Ce sont ces expériences concrètes que j’apporte à mon enseignement.

Ce que j’aime le plus dans la traduction, c’est la façon dont elle mélange la littérature, le langage et l’apprentissage perpétuel. Chaque projet donne l’impression d’ouvrir un nouveau livre. Un jour, c’est un manuel technique ; le suivant, c’est un poème. C'est toujours passionnant. La traduction offre également une façon unique de voir le monde, révélant différentes interprétations en fonction du public et du contexte. Cette exploration constante et les interprétations sans cesse différentes nourrissent ma passion pour la traduction. 

GV : Que pensez-vous du rôle d’un traducteur et du travail qu’il accomplit, dans le contexte actuel en particulier ?

YMC : Être traducteur aujourd’hui, c’est comme jongler dans un monde qui nous lance constamment de nouveaux défis. Nous ne nous contentons plus de remplacer des mots par d’autres ; nous sommes des bâtisseurs de ponts culturels, soucieux que nos traductions soient à la fois linguistiquement et culturellement correctes.

L’arrivée d’Internet a tout changé. C’est génial qu’il y ait autant de plateformes en ligne où tout le monde peut essayer de traduire, mais le contrôle de la qualité est d’autant plus difficile. Nous essayons continuellement d’équilibrer l’utilisation de ces nouveaux outils tout en maintenant les normes élevées acquises par l’expérience professionnelle.

Puis il y a toutes les nouvelles technologies, en particulier l’IA. C’est impressionnant et certaines de nos tâches sont vraiment facilitées. Mais l’IA ne peut pas remplacer le savoir-faire humain. Une machine ne peut pas identifier des références culturelles subtiles ou comprendre le contexte comme nous le pouvons. Maintenant, notre travail est de trouver comment travailler avec l’IA, pas contre elle.

Nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire. Les langues changent constamment, de nouvelles technologies apparaissent sans cesse, et nous devons suivre le rythme. C’est comme courir sur un tapis roulant qui ne cesse d’accélérer.

GV : En tant qu’enseignante, comment décririez-vous le domaine de la traduction à Taiwan tel qu’il est aujourd’hui ? Quels sont les principaux défis et opportunités, pour n’en nommer que quelques-uns ?

YMC : Le domaine de la traduction à Taiwan est dynamique et en constante évolution. Nos programmes académiques produisent des traducteurs qui excellent à la fois dans les compétences linguistiques et la compréhension culturelle. Le rôle de Taïwan en tant que plaque tournante pour les entreprises asiatiques entraîne une forte demande des services de traduction de qualité, en particulier pour les entreprises qui entrent sur le marché chinois.

Cependant, nous sommes confrontés à des défis comme une concurrence intense, une pénurie de traducteurs expérimentés et une adaptation plus lente aux nouvelles technologies. Malgré ces obstacles, l’industrie reste résiliente. Les agences de traduction investissent dans la technologie et s’associent avec les universités pour mieux préparer les futurs traducteurs. Des groupes gouvernementaux et privés encouragent également la culture de la traduction et la recherche, renforçant ainsi la renommée internationale de Taiwan.

Un problème important reste la présence de pratiques contraires à l’éthique, où certains opérateurs sous-paient les traducteurs et réduisent les coûts. Les droits des traducteurs et à la qualité du travail en souffrent. Pour y remédier, nous avons besoin de meilleures protections, de normes salariales équitables et de systèmes de certification. En outre, la promotion de la formation professionnelle en traduction est cruciale pour que le public reconnaisse notre travail.

Pour l’avenir, il existe des opportunités intéressantes. Les nouvelles technologies facilitent le processus de la traduction et la demande de traducteurs spécialisés dans des domaines comme le droit et la médecine est en augmentation. La situation géographique de Taiwan nous confère une position forte sur le marché mondial de la traduction, en particulier pour les traductions de l’anglais vers le chinois.

GV : Selon vous, comment l’intégration de Global Voices dans votre classe peut-elle profiter à vos étudiants ?

YMC : Intégrer Global Voices dans ma classe offre de nombreux avantages à mes étudiants. C’est l’occasion de travailler dans de réelles conditions. Les étudiants sont sensibilisés à leurs approches de traductions et à des perspectives diverses et le travail d’équipe est encouragé.

Tout d’abord, Global Voices Lingua permet aux étudiants de travailler sur de réels projets de traductions. Ils appréhendent des besoins du monde réel et s’imprègnent du contexte des contenus à traduire ; ce qui leur permet de développer des compétences pratiques qu’ils utiliseront dans leur carrière.

Deuxièmement, traduire des articles de Global Voices Lingua encourage les étudiants à approfondir leur travail. Ils apprennent à prendre en compte le public cible, les nuances culturelles et les besoins de chaque traduction. Cette approche les aide à prendre des décisions éclairées et à réaliser des traductions adaptées au contexte.

Troisièmement, les articles de Global Voices traitent de divers sujets et points de vue, favorisant ainsi l’ouverture d’esprit et la sensibilisation culturelle des étudiants. Ils ont accès à des informations qui ne sont pas toujours couvertes aux médias traditionnels ; ce qui leur permet de développer leur compréhension et d’être sensibilisés aux communautés sous-représentées. Savoir que leurs traductions contribuent à partager des contenus importants peut être très motivant. 

Enfin, le modèle de crowdsourcing de Global Voices Lingua favorise la collaboration. Les étudiants reçoivent des commentaires de bénévoles et de traducteurs expérimentés, ce qui leur permet d’améliorer leurs compétences grâce à l’interaction avec une communauté mondiale. Cet apprentissage collaboratif enrichit leur expérience globale et les aide à devenir de meilleurs traducteurs.

GV : Selon vous, comment l’IA change le domaine de la traduction ? Quels sont les conseils que vous donneriez à vos élèves pour surfer sur cette vague ?

YMC : L’IA bouleverse le champ de la traduction, en particulier avec des outils comme ChatGPT, Claude et Gemini. Ces technologies rendent nos traductions plus fluides et plus sensibles au contexte, améliorant ainsi la productivité et la qualité, en particulier pour les langues où les ressources sont plus rares. C'est aussi une opportunité de produire des traductions créatives. Pourtant ces avantages s’accompagnent de défis, tels que les préoccupations concernant la précision, l’éthique et le respect des nuances culturelles.

Je conseille à mes étudiants de se familiariser aux outils de l’IA et d’apprendre à évaluer de manière critique leurs résultats. Il est essentiel de comprendre comment utiliser efficacement ces outils et de connaître leurs implications éthiques. De plus, maîtriser la post-édition devient crucial, car c’est une compétence qui peut élever les traductions générées par l’IA au niveau supérieur. J’encourage également les étudiants à se concentrer sur les domaines où la créativité et une compréhension culturelle profonde sont essentielles — ce sont des contextes où l’IA est approximative, ce qui rend la traduction humaine essentielle.

Enfin, il est essentiel de rester informé des derniers développements en matière d’IA et de technologie linguistique. Le réseautage avec des professionnels de la technologie, d’autres traducteurs et linguistes peut être une source d’inspiration et aider les étudiants à garder une longueur d’avance dans ce domaine en constante évolution. Ces collaborations peuvent leur donner accès aux dernières tendances et aux meilleures pratiques, et les préparer à répondre aux exigences de notre industrie de haute technologie.

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Comment les réseaux sociaux accroissent les tensions géopolitiques dans la Corne de l'Afriquehttps://fr.globalvoices.org/?p=291082http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241016_182711_Comment_les_reseaux_sociaux_accroissent_les_tensions_geopolitiques_dans_la_Corne_de_l_AfriqueWed, 16 Oct 2024 16:27:11 +0000Les réseaux sociaux, le nouveau champ de bataille du conflit opposant l'Éthiopie, l'Égypte et la Somalie

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Capture d'écran de la vidéo YouTube « Pourquoi l'Égypte et la Somalie s'associent contre l'Éthiopie » par TLDR News Global. Utilisée avec permission.

Dans la Corne de l'Afrique, où les alliances politiques fragiles et les tensions militaires sont la norme, le conflit entre l’Éthiopie, l’Égypte et la Somalie a trouvé un nouveau champ de bataille : les réseaux sociaux. Des plateformes comme TikTok, X (anciennement Twitter) et Facebook sont devenues des acteurs clés de la guerre numérique, où la désinformation alimente la ferveur nationaliste et augmente le risque de véritables violences.

Deux points géopolitiques majeurs alimentent ce conflit en ligne : La construction par l'Éthiopie du barrage Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD) sur le Nil et son récent engagement diplomatique avec le Somaliland, une région autoproclamée indépendante qui cherche à obtenir une reconnaissance internationale. Pour l'Égypte, qui dépend du Nil pour son approvisionnement en eau, le barrage est perçu comme une menace directe pour sa survie. Par ailleurs, l'ouverture de l'Éthiopie au Somaliland a suscité l'indignation de la Somalie, qui y voit une remise en cause de son intégrité territoriale.

Bien que ces conflits découlent d’altercations historiques et géographiques profondément enracinées, ils touchent désormais des millions de personnes via les réseaux sociaux.

Capture d'écran de la vidéo TikTok de Mafi Fasil. Utilisée avec permission.

L’impact de TikTok

TikTok, en particulier, est devenu une plateforme où les tensions géopolitiques complexes sont simplifiées, dramatisées et souvent déformées. Une vidéo d'une utilisatrice éthiopienne dans laquelle une femme verse de l'eau d'une cruche avec un drapeau éthiopien dans des cruches plus petites étiquetées Égypte et Soudan, symbolisant le contrôle du Nil par l'Éthiopie, est devenue virale. Accompagnée de musique patriotique, la vidéo est une démonstration audacieuse de fierté nationale qui conforte les récits éthiopiens sur les réseaux sociaux.

Les utilisateurs égyptiens de TikTok ont ​​répondu de la même manière. Dans une vidéo, deux hommes versent de l'eau d'un bol avec le drapeau éthiopien dans des verres représentant l'Égypte et le Soudan, puis remettent l'eau dans le bol. La vidéo se termine avec un engin explosif placé sur la tasse, faisant allusion à l'irritation de l'Égypte et à la possibilité d'un sabotage. Même si ces vidéos sont symboliques, les tensions qu’elles traduisent sont bien réelles.

Sur fond de guerre de l'information entre l'Égypte et l'Éthiopie, les relations de plus en plus étroites entre l'Éthiopie et le Somaliland ont encore compliqué la dynamique fragile de la région. En janvier 2024, l'Éthiopie a signé un protocole d'accord avec le Somaliland, laissant entrevoir une possible reconnaissance de son indépendance, ce à quoi la Somalie s'est farouchement opposée. Sentant une opportunité, l'Égypte a renforcé ses liens avec la Somalie par le biais d'un accord de coopération militaire, ce qui a aggravé les tensions dans la région.

Capture d'écran d'une vidéo d'eslamyears22 sur TikTok. Utilisée avec permission.

Plus tard, il a été rapporté que l'Égypte fournit l'équipement et du personnel militaires à la Somalie.

Alors que la nouvelle de l’alliance entre l’Égypte et la Somalie se répandait, TikTok et d’autres plateformes de réseaux sociaux ont été inondées de vidéos de célébrations, dont beaucoup ont été créées à l’aide de l’intelligence artificielle et d’images fabriquées de toutes pièces.

Parmi les plus provocateurs, un utilisateur anonyme de TikTok, opérant sous le pseudonyme « user74220974543408 », a attiré l'attention par une série de messages incendiaires. Dans l'un d'eux, une carte de l'Éthiopie est montrée sous les pieds avec le drapeau égyptien circulant autour, accompagnée d'une musique sinistre destinée à évoquer un sentiment de menace.

Une utilisatrice égyptienne de Tiktok – @100_._._6 – publie souvent des vidéos louant la puissance militaire égyptienne et glorifiant son alliance avec la Somalie. Son contenu a gagné en popularité en Somalie, devenant un point de ralliement pour ceux qui considèrent le partenariat comme vital pour contrer l'influence régionale de l'Éthiopie. Les vidéos ont recueilli des centaines de commentaires en arabe, amharique, oromo et anglais, soulignant l’impact transfrontalier de ce conflit numérique qui s’intensifie.

Capture d'écran d'une vidéo TikTok de user74220974543408. Utilisée avec permission.

Les sections de commentaires regorgent de rhétorique nationaliste et de drapeaux. Les partisans de l'Éthiopie se vantent : « L'Éthiopie est prête » et « Nous sommes les rois de l'Afrique », tandis que ceux qui arborent le drapeau du Somaliland offrent leur soutien, qualifiant les Éthiopiens de « frères » prêts à « riposter ». Les témoignages somaliens, quant à eux, expriment leur volonté de s'aligner sur l'Égypte et d'unir leurs forces contre l'Éthiopie.

Certains comptes vont plus loin en prônant la violence contre des communautés spécifiques en Somalie. Des comptes comme @anti_qabiil2023 ont notamment pris pour cible la communauté oromo, attisant les tensions en encourageant la violence à son encontre, compte tenu notamment de l'héritage oromo du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.

Même la fonctionnalité « live match » de TikTok, où les utilisateurs rivalisent pour obtenir des cadeaux numériques de la part de leurs abonnés, a été utilisée pour ce combat. Certains utilisateurs organisent des « batailles » en direct où une personne représente l'Éthiopie et l'autre représente l'Égypte, exhortant leurs abonnés à envoyer des cadeaux numériques en guise de soutien. Ces concours de cinq minutes, bien que de nature humoristique, reflètent des tensions nationalistes profondément enracinées. Le camp qui reçoit le plus de cadeaux virtuels gagne, transformant ce qui semble être une conversation informelle en un reflet des différences politiques réelles de la région.

IA et tactiques de désinformation

Les tactiques de désinformation ne se limitent pas aux mèmes et vidéos viraux. Les acteurs égyptiens et somaliens utilisent les discours d’anciens dirigeants mondiaux pour attiser les tensions régionales. Une vidéo largement diffusée du commentaire de l'ancien président américain Donald Trump en 2020 selon lequel l'Égypte peut « faire exploser » le GERD a été utilisée par des personnalités égyptiennes et somaliennes pour alimenter les craintes d'un conflit imminent.

Pendant ce temps, des acteurs pro-éthiopiens et somalilandais ont utilisé les critiques passées de Trump à l'encontre de la députée américaine d'origine somalienne Ilhan Omar, en utilisant ses commentaires selon lesquels la Somalie était un État « sans loi » pour saper le gouvernement somalien.

La guerre de l’information repose également sur l’exploitation des divisions internes au sein de l’Éthiopie. Des acteurs liés aux gouvernements égyptien et somalien ont ciblé les groupes d’opposition de la diaspora éthiopienne, en particulier les groupes nationalistes amhara, afin d’approfondir les divisions politiques. Ces groupes propagent des complots suggérant que la communauté amharique peut rejoindre l'Égypte et la Somalie si ces pays intervenaient contre le gouvernement d’Abiy Ahmed. Ce narratif, décrivant le gouvernement éthiopien comme une menace pour la sécurité nationale, a été facilement repris par les acteurs égyptiens et somaliens qui cherchaient à tirer parti des discordes internes en Éthiopie.

Capture d'écran d'une vidéo TikTok de mona_christ1. Utilisée avec permission.

Les utilisateurs de TikTok pro-gouvernement éthiopien ne sont pas restés silencieux dans ce conflit numérique. Ils ont répondu avec un contenu qui s'inspirait de la longue histoire de résistance de l'Éthiopie aux états étrangers, y compris les conflits passés avec l'Égypte, et présentaient le GERD comme un symbole de souveraineté nationale. Ces récits soulignent la lutte plus large de l’Éthiopie pour l’autodétermination, faisant du projet de barrage un sujet de fierté nationale.

Pour compliquer encore la situation, les utilisateurs des réseaux sociaux favorables au gouvernement éthiopien ont mis l'accent sur les rivaux régionaux de l'Égypte, tels que l'Algérie et le Maroc, dans le but de modifier le discours en faveur de l'Éthiopie. Récemment, l'Éthiopie a signé un accord de coopération militaire avec le Maroc, ajoutant une nouvelle couche au réseau complexe d'alliances et de rivalités de la région.

Un célèbre compte de TikTok publie régulièrement de la propagande générée par l'IA glorifiant le potentiel militaire de l'Éthiopie : une image du drapeau éthiopien et un lion accompagnés d'une musique de motivation qui démontre la capacité de l'Éthiopie à écraser ses adversaires. Un autre compte imite la voix du Premier ministre Abiy Ahmed parlant arabe, suscitant des milliers de commentaires louant ses compétences linguistiques et diplomatiques.

Diffusion sur diverses plateformes

La guerre de désinformation s’est étendue à toutes les plateformes, les contenus étant republiés sur Facebook et X, souvent sans vérification appropriée. Cela a alimenté la popularisation et la viralisation des mèmes, alimentant la propagation de la désinformation et exacerbant les tensions dans un environnement politique déjà instable.

TikTok a lancé un Conseil consultatif sur la sécurité en Afrique subsaharienne, sur le modèle du Conseil de surveillance de Meta, même si son succès dans la lutte contre les contenus préjudiciables dans cette région encore reste à prouver.

À mesure que l’écart entre la désinformation en ligne et le conflit réel dans la Corne de l'Afrique se réduit, les enjeux de cette guerre numérique deviennent de plus en plus sérieux.

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Difficile pour les enfants népalais nés au Japon « d'être Népalais »https://fr.globalvoices.org/?p=290887http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241016_174549_Difficile_pour_les_enfants_nepalais_nes_au_Japon____d_etre_Nepalais___Wed, 16 Oct 2024 15:45:49 +0000Les enfants de parents népalais travaillant au Japon s'adaptent à la vie et à l'école de retour au Népal

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image via Nepali Times. Used with permission.

Image via Le Times népalais. Utilisée avec permission.

Cet article de Pinki Sris Rana est paru initialement dans le Times népalais. Une version révisée et abrégée est republiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu avec Global Voices.

Ayan Dallakoti a passé son enfance au Japon, parlant japonais et se considérant japonais à tous égards. Ce n'est qu'en grandissant qu'il a réalisé qu'il venait en fait du Népal.

Ayan avait huit ans quand sa mère Pratibha l'a ramené avec son petit frère Avan au Népal. Leur père Anjay, resté au Japon, a décidé d'envoyer les garçons au pays afin qu'ils « deviennent népalais ».

Ayan connaissait à peu près bien la langue népalaise et le pays, cependant à Katmandou, tout semblait étranger, y compris le système éducatif. Prabtibha se souvient:

Les choses étaient un peu plus faciles car il avait un camarade de classe qui revenait lui aussi du Japon, mais se faire des amis népalais n'était pas facile pour eux.

Le Japon est actuellement une destination phare pour les familles népalaises comme les Dallakotis. Officiellement, il y a  environ 180 000 Népalais au Japon et 35 000 de plus ont immigré juste l'année dernière — une augmentation de 30 % par rapport à l'année précédente.

Les chiffres de l'ambassade japonaise  montrent que parmi ceux qui sont partis l'an dernier, 23 124 avaient un visa étudiant, 8566 avaient un visa de travail et 7849 étaient des personnes à charge.

Tandis que la majorité de l'ancienne génération de Népalais au Japon était composée de cuisiniers accueillis comme «main-d'œuvre qualifiée», la nouvelle vague d'immigrés est principalement munie de  visas étudiant, et travaille à temps partiel. Pour le gouvernement japonais, un visa étudiant représente un système d'immigration temporaire soigneusement calibré pour combler le manque de main d'œuvre dans le secteur des services.

À la différence du Golfe, de la Corée, de la Malaisie et d’ autres pays, les Népalais sont autorisés à emmener leur famille au Japon. En réponse à cela, des écoles népalaises sont apparues dans les grandes villes au Japon. Ces écoles enseignent la langue et la culture népalaises et aussi l'anglais. Mais pour les familles qui habitent loin de ces villes, les enfants n'ont pas d'autre choix que de recevoir une éducation japonaise.

Anjay Dallakoti est d'abord allé au Japon en tant qu’ étudiant mais a prolongé son séjour avec un visa de travail. Pratibha l'a rejoint quelques années plus tard comme personne à charge. Ayan est né au Japon, et six ans plus tard Avan. Douze ans plus tard, Pratibha est de retour au Népal avec ses deux fils.

Dans beaucoup de familles népalaises au Japon, ce sont les enfants qui, pris entre deux mondes, doivent s'adapter. Beaucoup doivent d'abord s'adapter à leur arrivée au Japon puis à leur retour à l'école au Népal.

Masako Tanaka, professeure à l'université Sophia à Tokyo, a déclaré au Times népalais dans une interview par email que près de 20 000 Népalais au Japon sont mineurs. Tanaka travaille en étroite collaboration avec des immigrés népalais au Japon, et note que beaucoup de mères ramènent leurs enfants au Népal de peur qu'ils ne perdent contact avec leur identité et leur culture d'origine.

L'autre raison est que les enfants n'apprennent pas suffisamment à parler anglais, et les parents craignent qu'ils ne soient désavantagés plus tard.

« Retourner au Népal et étudier dans une école là-bas aide à construire un environnement permettant aux enfants de choisir plus tard de rester et travailler au Népal ou d'émigrer dans un troisième pays, » déclare Sapana Kharel, qui est aussi retournée au Népal avec ses deux enfants.

Image via Nepali Times. Used with permission.

Image via Le Times népalais. Utilisée avec permission.

Pour les familles népalaises n'ayant pas reçu le statut de résidents permanents, leur avenir est trop incertain pour rester au Japon et continuer l'éducation de leurs enfants. Ils craignent que l'éducation de leurs enfants ne soit interrompue s'ils doivent quitter le Japon au milieu du cursus scolaire.

«Il y a la peur que leurs enfants n'auront leur place ni dans les écoles népalaises ni dans celles du Japon, » ajoute Kharel.

D'autres disent qu'ils auraient choisi de revenir au Népal pour le bien de leurs enfants quoi qu'il en soit, même s'ils avaient obtenu le droit à la résidence permanente au Japon. D'ailleurs, il y a des mères népalaises qui ont déjà le statut de résident permanent et qui optent quand même pour un retour au pays avec leurs enfants.

Ahana Odari, dix ans,  a eu ses propres difficultés quand sa mère l'a emmenée au Népal il y a un an. Elle a dû redoubler le CE2. « Elle ne parlait pas pendant les premiers mois à cause de ses problèmes de langue, » se rappelle sa mère, Balika Odari. « Il a fallu une année entière pour qu'elle s'adapte et s'ajuste au Népal et à ses coutumes. Mais c'était nécessaire. »

Comme beaucoup de parents, Balika pense que bien que le Japon soit un des meilleurs systèmes éducatifs au monde, les enfants y sont plus reclus et ne socialisent pas autant. « Nous avions peur que nos enfants finissent de la même manière, et c'est ce qui nous a poussé à les ramener et à leur faire découvrir leur pays et leur culture, » explique-t-elle.

Sneha Khatri, maintenant 14 ans, a oscillé entre le Népal et le Japon pendant des années. Elle est née au Japon mais a émigré au Népal à l'âge de six ans. Elle est allée à l'école là-bas jusqu'au CE2 puis est allée à l'école népalaise Everest International à Tokyo.

Sneha est revenue au Népal il y a un mois pour se présenter au  Basic Level Examination (BLE) mais s'inquiète pour ses résultats. Elle prend des cours supplémentaires en mathématiques.

Image via Nepali Times. Used with permission.

Image via Le Times népalais. Utilisée avec permission.

Ayan est maintenant en cinquième, et s'inquiète aussi pour son BLE l'an prochain. Il dit en anglais avec un accent japonais: « sciences sociales est ma matière la plus difficile et népalais est ma deuxième plus difficile. »

Parler népalais avec la famille et les amis n'est pas difficile pour les enfants d'immigrés de retour, mais le népalais en tant que matière académique est difficile.

Professeure Tanaka affirme que les enfants en mobilité entre le Japon et le Népal passent entre les mailles du filet. Elle demande – de façon rhétorique – « qui va s'inquiéter du sort des enfants en mobilité? Qui en est responsable? »

Népalais en Nippon

L'école Everest International Japan (EISJ) à Tokyo suit le programme scolaire népalais et enseigne aussi l'anglais aux élèves. Initialement créée en 2013 par la communauté népalaise, cette école est passée sous l'autorité du ministère de l'Education du Népal (MoE) en 2015. EISJ est la seule école au Japon certifiée pour passer le SEE du Népal (examen à la fin du secondaire) au Japon.

D'autres écoles suivant le programme népalais ont vu le jour au cours des années. Mais deux seulement, Tokai Batika International School à Nagoya et Himalayan International Academy à Tokyo, sont certifiées pour suivre le programme népalais conformément au ministère de l'Education du Népal. Les deux ne  dispensent un enseignement que jusqu'à la seconde.

La majorité des familles népalaises et quelques familles non-népalaises travaillant au Japon choisissent d'envoyer leurs enfants dans des écoles comme EISJ à cause de l'anglais. Mais il s'agit là d'écoles privées internationales, différentes des écoles du gouvernement japonais qui sont gratuites.

Et parce que ces écoles ne sont pas certifiées, le gouvernement japonais ne leur accorde ni subventions ni réduction sur les transports entre autres privilèges, affirme Professeure Masako Tanaka de l'Université Sophia à Tokyo.

Image via Le Times népalais. Utilisée avec permission.

« Plus encore, les diplômés d’ EISJ ne peuvent pas obtenir de statut de visa indépendamment même après la fin de leurs études secondaires, alors que les élèves immigrés qui obtiennent leur diplôme dans les écoles japonaises y ont droit, » ajoute Tanaka.

Bien que ces écoles qui suivent le programme scolaire népalais au Japon représentent une solution pour les parents népalais qui souhaitent que leurs enfants reçoivent une éducation basée sur le programme népalais, il serait préférable que ces écoles soient certifiées par le gouvernement japonais.

« Nous vivions à Niigata. Cela nous aurait pris six heures pour arriver à l'Everest International School à Tokyo. Nous sommes donc allés au Népal pour que nos enfants aient accès à une éducation en anglais, » déclare Pratibha Dallakoti, qui est revenue du Japon en 2020 avec ses deux fils.

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Malgré la promulgation d’une loi accordant aux femmes le droit d'hériter de leurs familles, les Nigérianes restent toujours confrontées à des obstacles liés au partage des terreshttps://fr.globalvoices.org/?p=290907http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241016_173110_Malgre_la_promulgation_d___une_loi_accordant_aux_femmes_le_droit_d_heriter_de_leurs_familles__les_Nigerianes_restent_toujours_confrontees_a_des_obstacles_lies_au_partage_des_terresWed, 16 Oct 2024 15:31:10 +0000Si une femme hérite de son père, « cela signifie qu’elle en bénéficiera plus que l’homme »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Terrain communautaire de Rumuwhara. Photo fournie par The Colonist Report Africa, utilisée avec autorisation.

Cet article a été écrit par Elfredah Kevin-Alerechi et  publié à l'origine  par The Colonist Report  Africa, avec des reportages supplémentaires de Faith Imbu et Kevin Woke. La transcription en langue ikwere a été réalisée par Kevin Woke. Une version abrégée est republiée ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu avec Global Voices.

[Sauf indication contraire, tous les liens renvoient vers des sites en anglais]  

Les femmes de l’État de Rivers [fr] au Nigeria continuent de lutter pour obtenir des terres malgré la loi interdisant aux femmes de partager la propriété familiale, selon une enquête menée par The Colonist Report Africa.

Au moment de l'adoption de la loi, la Fédération internationale des femmes juristes (FIDA)  a déclaré  que la nouvelle loi permettrait aux femmes de l'État de Rivers de réaliser pleinement leur potentiel et d'hériter de leurs droits tout en ouvrant la voie à la contestation des discriminations devant les tribunaux.

Le Colonist Report a visité trois communautés de l’État de Rivers pour évaluer si les dirigeants communautaires respectaient la loi. Cependant, nous avons constaté que certains dirigeants ne s’y étaient pas encore conformés.

Toutes les communautés que nous avons visitées étaient des cultivateurs , la plupart des femmes dépendant des terres agricoles pour planter des cultures et subvenir aux besoins de leur famille en vendant leurs produits sur les marchés.

Nous avons découvert que, bien qu'on leur ait refusé des terres agricoles, certaines femmes avaient acquis des terres pour cultiver ou construire une maison en les achetant à des adolescents à qui on avait attribué des terres mais qui n’avaient pas les ressources pour les mettre en valeur .

En outre, nous avons constaté que les femmes hésitaient à partager leurs problèmes liés à la terre par crainte de représailles de la part de leur belle-famille ou des dirigeants de la communauté.

Des traditions qui oppriment les femmes

Dans la tradition ogoni [fr], les filles aînées n'ont pas le droit de se marier, mais elles peuvent avoir des enfants tant qu'elles vivent dans la maison de leurs parents. Ces enfants appartiennent automatiquement à la famille de la femme, et non à leur père biologique, une tradition connue sous le nom de syndrome de Sirah .

Susan Serekara-Nwikhana, dont la mère, Salome Nwiduumteh Nwinee, a été atteinte du syndrome de Sirah à l'âge de 15 ans, explique :

« En fin de compte, tous ces enfants appartiennent à sa famille élargie plutôt qu’à l’homme ou aux hommes qui l’ont mise enceinte. »

Selon Serekara-Nwikhana, bien que sa mère soit jolie et qu'elle attire de nombreux prétendants, elle n'a pas été autorisée à se marier.

« Même si la tradition a privé les filles du droit de se marier, les terres ne sont pas partagées avec ces femmes, dont elles dépendent pour subvenir aux besoins de leur propriétaire proche famille . Lorsque les terres familiales ne leur sont pas attribuées, les femmes et leurs enfants souffrent beaucoup. Ils n’ont d’autre choix que d’acheter des terres pour les cultiver », a-t-elle déclaré.

Communauté de Rumuwhara

Justine Ngozi Orowhu, une agricultrice de la communauté de Rumuwhara à Obia-Akpor [fr], nous a raconté qu’elle avait hérité de 14 parcelles de terre de son père, qu’elle utilisait pour l’agriculture. Cependant, après la mort de son père, les dirigeants de la communauté ont saisi les terres et les ont vendues à des hommes de la région parce qu’elle n’avait pas de frères et sœurs.

Orowhu a dû se contenter de petits commerces pour joindre les deux bouts. Mais elle a arrêté ses activités après la maladie de son mari. En 2014, elle a poursuivi les dirigeants de la communauté pour avoir confisqué ses terres, mais selon elle, justice n’a jamais été rendue. Elle cultive désormais sur des terres publiques, consciente qu’elle devra partir dès que le gouvernement les récupérera.

Son espoir repose sur une loi signée par l'ancien gouverneur de l'État de Rivers, Nyesom Wike , qui accorde aux femmes le droit d'hériter des terres de leur père. « Si je vois un avocat se battre pour moi, je rouvrirai l'affaire devant le tribunal », a-t-elle déclaré.

Chris Wopara, secrétaire à la jeunesse de Rumuwhara. Photo fournie par The Colonist Report Africa, utilisée avec autorisation.

Chris Wopara, secrétaire à la jeunesse de Rumuwhara, a expliqué que selon la tradition de la communauté, les femmes ne peuvent pas hériter de terres et que les hommes doivent avoir plus de 25 ans et participer aux activités familiales pour y avoir droit. « Le partage des terres avec l’homme intervient généralement après une année de travail continu pour la famille », a-t-il déclaré.

« Le gouvernement n’a pas le droit de nous forcer à donner des terres à nos filles, car elles finiront par se marier », a déclaré un autre aîné, Fineface Wopara.

Il a ajouté : « Si une femme reçoit des biens de la maison de son père, cela signifie qu’elle en bénéficiera plus que l’homme. Les biens de son mari lui appartiennent. »

La communauté d'Omuanwa

Femmes de la communauté d'Omuanwa. Photo fournie par The Colonist Report Africa, utilisée avec autorisation.

Dans la communauté d'Omuanwa, chaque enfant de sexe masculin, même âgé d'un an, se voit attribuer une parcelle de terre lors de la distribution annuelle des terres. Cependant, les femmes ne reçoivent pas de terrain pour construire ; elles peuvent louer des terres à des agriculteurs, qu'elles doivent ensuite quitter après la récolte.

Nous avons interrogé six femmes et deux hommes âgés en même temps pour mieux comprendre la situation et savoir si la communauté avait commencé à attribuer des terres aux femmes depuis l’adoption de la loi de 2022.

Selon les femmes interrogées, en 2023, les terres ont été partagées entre les hommes, y compris les enfants de la communauté d’Omuanwa, mais aucune femme, qu’elle soit « célibataire, veuve ou mariée, ne s’est vue attribuer de terre », a déclaré Florence Ejinya, une agricultrice qui lutte pour ne pas avoir accès à la terre. « Dans la communauté d’Omuneji, il n’y a plus de terres que les femmes peuvent cultiver », a-t-elle déclaré.

Femmes de la communauté d'Omuanwa. Photo fournie par The Colonist Report Africa, utilisée avec autorisation.

Lorsqu'on leur a demandé si des protestations avaient eu lieu contre cette discrimination, les femmes ont répondu qu'elles n'avaient jamais manifesté. Gibson Ajoku, un ancien, a expliqué que la pratique consistant à ne pas attribuer de terres aux femmes persistait depuis l'époque de ses grands-pères et qu'elle « ne pouvait pas être modifiée ». Il a ajouté que les femmes devaient compter sur les parts de terre de leur mari. Interrogé sur la nouvelle loi accordant des droits d'héritage aux femmes, il a répondu qu'il n'en était pas au courant.

Un autre membre de la communauté, ThankGod Ejiohor, a reconnu l'existence de la loi de l'État , mais a confirmé que les femmes n'ont toujours pas le droit d'hériter ou de se voir attribuer des terres, ni de participer à la distribution du prix de la mariée .

La communauté de Rumukurushi

Contrairement à Omuanwa, la communauté de Rumukurushi , dans la zone de gouvernement local d'Obio Akpor, dans l'État de Rivers, est située dans la métropole urbaine de l'État. Le marché aux huiles, un centre important, attire des personnes de l'intérieur et de l'extérieur de l'État pour échanger une grande variété de produits. Cependant, les femmes continuent de lutter pour obtenir des terres, l'urbanisation aggravant le problème.

Blessing Amam a rappelé que la dernière distribution de terres en 2021 avait totalement exclu les femmes.

Amam a dit : « En tant que femme, si vous n’avez pas d’enfant mâle, aucune propriété ne vous sera donnée à moins que vous n’ayez un bon beau-frère qui vous donne une partie de sa terre pour que vous puissiez la cultiver. »

Intervention du gouvernement et des groupes de défense des droits humains

Roseline Uranta, commissaire aux affaires féminines de l'État de Rivers, a précisé que le refus d'accorder des terres aux femmes est une tradition culturelle et non pas dû aux politiques ou aux lois gouvernementales, qui n'interdisent pas aux femmes de posséder des terres.

Dans une interview avec nous, Uranta a exhorté les femmes qui se voient refuser leurs biens à signaler le problème au ministère des Affaires féminines. Elle a noté que certaines femmes se manifestent et que des enquêtes sont menées pour résoudre ces cas. « Si la situation est grave, nous les renvoyons à la FIDA », a-t-elle déclaré.

Bio Adata, présidente de la FIDA, s'est déclarée préoccupée par les mauvais traitements infligés aux femmes, mais reste optimiste quant au fait que la loi leur permettra d'obtenir justice.

Le rapport de Colonist Africa a été facilité par le Centre Wole Soyinka pour le journalisme d'investigation (WSCIJ) dans le cadre du volet Champion Building de son projet Report Women! News and Newsroom Engagement.

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La Jamaïcaine Safiya Sinclair, autrice de « How to Say Babylon », revient sur son parcours.https://fr.globalvoices.org/?p=290151http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241016_171031_La_Jamaicaine_Safiya_Sinclair__autrice_de____How_to_Say_Babylon_____revient_sur_son_parcours.Wed, 16 Oct 2024 15:10:31 +0000Si je peux rendre la Jamaïque fière, je suis toujours heureuse ».

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

L'écrivaine jamaïcaine Safiya Sinclair. Photo de Beowulf Sheehan, utilisée avec autorisation.

Cette année en avril, vers la fin de l'annuel Bocas Lit Fest dans le port de l'Espagne, Trinidad, les mémoires de Safiya Sinclair « How to say Babylon », qui sont les chroniques de ses difficultés à s'affranchir de son éducation rastafari rigide et trouver son propre chemin, a été annoncé comme vainqueur de la prestigieuse remise de prix OCM Bocas pour la littérature des Caraïbes. Pour la jeune auteure jamaïcaine, ce fut un moment de choc mais également d'immense gratitude.

« J'étais surprise parce que nous nous sommes retrouvées en live à la cérémonie », m'a dit Sinclair via Zoom. Et c'était (l'Américaine haïtienne écrivaine et juge en chef) Edwige Danticat qui a annoncé le vainqueur. Cela a rendu le moment encore plus spécial pour moi parce qu'elle c'est une écrivaine que j'ai beaucoup suivie et qui a été une source d'inspiration pour de nombreux.ses d'entre nous, écrivains et lecteurs caribéens.

Pour Sinclair, la reconnaissance n'est pas juste une réussite personnelle mais un moment de récompense pour la Jamaïque. « Si je peux rendre la Jamaïque fière, je suis toujours heureuse. Bocas est le plus gros prix aux Caraïbes, et j'étais juste heureuse de pouvoir représenter la Jamaïque. Pour moi c'est énorme. »

Quand on a lui a demandé comment gagner ce prix pourrait influencer son futur travail ou la perception de la littérature non fictive caribéenne, Sinclair a insisté que son écrit n'est pas conduit par la recherche des récompenses. « Je n'ai jamais écrit en pensant aux prix », elle déclare « Bien sûr, c'est un grand honneur, mais l'écrit lui-même reste un vrai prix. Avoir un livre disponible dans les Caraïbes, avoir des personnes qui lisent et se connecte aux écrits, c'est là que je trouve la meilleure gratitude. »

La manière dont le festival littéraire basé à Trinidad a mis en lumière la littérature des Caraïbes ne lui a pas échappé « C'est ce qu'il nous faut dans notre région », « pour célébrer nos écrivains et pas seulement les écrivains caribéens célébrés ailleurs, pour que les Caraïbes reconnaissent leur valeur. »

« J'ai toujours pensé à moi quand j'étais une petite fille », poursuit-elle, « écrire dans ma chambre tard la nuit et comment de si petits actes d'encouragement ou de soutien avaient de l'importance pour moi. S'il y a un moyen pour que je puisse rendre ça et le faire en Jamaïque, c'est quelque chose que j'espère réaliser. Je regarde l'exemple que Bocas est en train d'implémenter comme une chose que j'aimerais voir sur les terres de la Jamaïque. »

En prenant connaissance des efforts aussi bien individuels que collectifs en Jamaïque qui se concentrent sur la littérature et la lecture en dehors du système d'éducation formel explique-t-elle, « Ils insistent sur le partage des livres auxquels les personnes peuvent s'identifier, pas seulement en termes de complexité ou de la nationalité de l'écrivain, mais également à travers les histoires qui en sortent ».

La passion de Sinclair pour nourrir la prochaine génération d'écrivains est évidente. « Nous avons besoin de plus de poètes jamaïcains. S'il y a un enfant de 10 ans ou un de 12 ans qui est le prochain poète jamaïcain que pouvons nous faire pour les encourager et s'assurer qu'ils ont le soutien dont ils ont besoin pour être cette future génération? ».

En grandissant dans un foyer Rastafari strict, Sinclair m'explique qu'elle et ses frères et sœurs se sentaient toujours différents. « Nos professeurs et pairs nous traitaient différemment car nous avions des dreadlocks », déclare-t-elle. « Nous nous sentions comme des marginaux. Même certains Jamaïcains ne savent pas ce que c'est de grandir en tant que Rastafari. Plus tard en tant qu'adolescent, je sentais que c'était quelque chose que j'allais mentionner dans mes écrits car il y a trop de choses encore méconnues sur le Rastafarisme, en particulier sur le fait d'être une jeune femme au centre d'une foi centrée sur les hommes. »

Les poèmes de Sinclair- Elle a gagné le prix OCM Bocas en 2017 pour la poésie avec son début de collection, « Cannibal »- explorent des thématiques centrées autour des communautés caribéennes, mais également les familles et l'Histoire. « How to say Babylon », elle explique, c'est une extension de ces thèmes plus internationaux sur l'exploration de communautés de filles et de femmes dans le contexte rastafari : « Beaucoup de personnes ne savent pas ce que c'est ».

Le titre, quant à lui, reflète une partie importante de l'éducation de Sinclair. « Il s'agissait toujours de dire non à Babylone », me dit-elle, »mais aussi d'apprendre ce que cela signifiait quand on le disait et comment le rejeter. C'était une grande partie de notre enfance et de notre éducation, comprendre le binaire nous contre eux, à l'intérieur de la maison contre à l'extérieur de la porte ».

Le père de Sinclair, que son site Internet décrit comme « un musicien reggae instable et un adhérent militant à une secte stricte de Rastafari », faisait partie d'un groupe appelé « Future Wind » lorsqu'il était adolescent. Selon la tradition familiale, le groupe était très populaire localement, atteignant « une notoriété proche de celle des Beatles ».

« Partout où ils jouaient, raconte Sinclair, les filles venaient crier dans le public. C'est ce que m'ont raconté ma mère et d'autres femmes de ma famille. Mais je suis arrivée bien après cela, au moins dix ans après ».

Mais lorsqu'elle le faisait, c'était avec un sens aigu de l'observation de ce qui se passait autour d'elle. L'écriture des mémoires n'a cependant pas été sans poser quelques problèmes : « Beaucoup d'entre eux étaient personnels, j'essayais d'aborder des souvenirs difficiles et douloureux. Je savais que pour que le livre soit vrai et honnête, je devais rester dans ces souvenirs et trouver un moyen de les écrire sans avoir l'impression de faire du mal ».

Pour décompresser du poids émotionnel de l'écriture, Sinclair s'est tourné vers diverses activités. « J'ai terminé une grande partie du manuscrit pendant la pandémie. Je suis devenu obsédé par l'émission « Survivor », dont j'ai regardé les 40 saisons. C'était un bon moyen de me changer les idées ; elles se déroulaient toutes sur des îles, donc c'était bien. J'ai également découvert « I Love Lucy », que je n'avais jamais vue auparavant. La regarder tous les soirs avant de me coucher était un bon moyen de sortir de l'espace pesant de l'écriture ». Elle a également lu beaucoup de romans et de poèmes, et a fait de nombreuses promenades.

Depuis la publication du livre, le 3 octobre 2023, Mme Sinclair a reçu de nombreux commentaires de la part de ses lecteurs. Des personnes du monde entier, d'âges et de milieux différents, l'ont contactée pour lui dire qu'elles s'étaient senties concernées par son histoire.

« Je reçois des messages tous les jours, ce qui est l'une des choses les plus surprenantes », révèle-t-elle. « Certains ont grandi de la même manière, dans des foyers fondamentalement chrétiens ou mormons, ou ont eu des pères similaires. Les messages les plus surprenants viennent d'hommes qui disent avoir pleuré en lisant le livre, ou les a fait réfléchir à leurs filles, ou au type de père qu'ils sont. Si le livre peut faire cela, alors j'ai fait quelque chose de bien dans le monde ».

En ce qui concerne la réaction de sa famille au livre, Sinclair a déclaré : « Cela a été plus difficile pour ma famille proche, en particulier mes frères et sœurs et ma mère, qui ont vécu le même traumatisme que moi. Il est difficile pour eux de revisiter ces souvenirs. Ma mère et ma deuxième sœur ont lu une partie du livre, mais elles pleurent à chaque fois. Elles m'ont toutes dit à quel point elles étaient fières de moi. Je leur ai parlé tout au long du processus d'écriture, en les consultant sur leurs souvenirs pour que ce soit un effort collectif. Ma tante, qui figure dans le livre, l'a lu avec son mari et a été mon plus grand soutien.

Son père, en revanche, ne lui en a pas parlé. « Il a demandé à lire le livre l'été dernier, et je lui en ai donné un exemplaire avant sa sortie. Au début, il m'a beaucoup appelée pour essayer de corriger des détails infimes. Je lui ai demandé de me promettre de ne rien dire avant de l'avoir lu jusqu'au bout, et c'est la dernière conversation que nous avons eue à propos du livre.

Si Sinclair a réussi à transformer un sujet aussi difficile en une lecture aussi convaincante et déchirante, c'est en partie grâce à ses influences littéraires. « Je pense que [Toni] Morrison est le plus grand écrivain qui ait jamais existé », dit-elle. « Son style d'écriture en prose, la profondeur, la complexité et le génie lyrique de son œuvre sont des choses auxquelles j'aspire. Si je pouvais atteindre ne serait-ce qu'un dixième de ce style, je serais heureuse ».

Sinclair se souvient en particulier d'avoir été « tout simplement époustouflée » après avoir lu le « Cantique des Cantiques » pour la première fois : « Je n'arrivais pas à croire que je ne l'avais jamais lu en classe, malgré mon doctorat. C'est un livre que tout le monde doit lire ». La « luxuriance, la musculature et la vivacité » de la prose de Gabriel García Márquez – elle cite en particulier « Cent ans de solitude » et sa nouvelle « L'automne du patriarche » – lui ont également laissé une impression durable : « Chaque fois que je lis [cette dernière], je suis stupéfaite par l'ampleur de ce que la langue peut faire. C'est magique.

Sinclair elle-même a exploré de nouveaux formats d'écriture, en travaillant sur des livrets – des pièces qui sont transformées en odes chorales et en courts opéras : « Je travaille actuellement sur une pièce de 80 minutes, qui implique un chœur principal et un orchestre. C'est un nouveau défi pour moi que d'imaginer comment les lignes prendront vie dans les voix et les instruments.

Elle ne lit pas la musique, mais aimerait bien le faire : « Dans une autre vie, je le ferais. C'est quelque chose que j'admire et que j'aimerais apprendre. » Elle a également des goûts éclectiques en matière de musique, notamment en ce qui concerne le rock indépendant, l'emo et les auteurs-compositeurs féminins comme Lana Del Rey. « Mais j'aime aussi la musique sur laquelle je peux danser et me changer les idées, comme le Top 40. Je ne me cantonne pas à un genre spécifique ; je suis simplement mon humeur.

En réfléchissant à son parcours littéraire, Mme Sinclair a reconnu l'impact de sa propre détermination et de sa résilience. « Je pense que mon jeune moi a imaginé que c'était une raison de continuer », dit-elle. J'ai toujours voulu exceller, mais il s'est passé tellement de choses que j'aimerais pouvoir revenir en arrière et lui dire : « Ma fille, tu ne sais même pas ce qui est sur le point d'arriver ». C'est grâce à sa ténacité que tout cela est possible ».

Depuis qu'il a remporté le prix OCM Bocas, « How to Say Babylon », a été traduit en français. Une version de poche a également été publiée, ce qui élargit encore sa portée et son impact. Cet automne, elle sera en Europe pour représenter Bocas et parler de la littérature caribéenne.

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L'impact des politiques de pêche de la Chine sur l'Afrique de l'Ouesthttps://fr.globalvoices.org/?p=290706http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241015_175845_L_impact_des_politiques_de_peche_de_la_Chine_sur_l_Afrique_de_l_OuestTue, 15 Oct 2024 15:58:45 +0000Les grands chalutiers détruisent l’écosystème de l’océan en Afrique de l'Ouest

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Un marché de poissons en bordure de mer à Dakar, au Sénégal, rempli de bateaux et de pêcheurs. Image via F lickr . Licence Creative Commons CC BY-NC-ND 2.0 .

[Sauf indication contraire, tous les liens renvoient vers des sites en anglais]  

Moktar Diop et Mohamed Jawo sont de jeunes amis sénégalais qui, comme leurs parents, grands-parents, arrière-grands-parents et bien d'autres de leur communauté côtière, travaillent dans le secteur de la pêche au large de Dakar [fr].

Moktar a partagé comment il s'est retrouvé dans cette profession :

Je me suis converti à la pêche comme la plupart des hommes de ma famille car je n'arrivais pas à trouver du travail après avoir quitté l'université. J'ai joint mes forces à celles de mon ami Jawo pour faire face à la vie. Cependant, je ne gagne presque rien à cause de la présence de vaisseaux étrangers incontrôlés qui détruisent les nids de poissons.

Aujourd’hui, ils ont du mal à gagner leur vie et envisagent d’abandonner leur communauté pour joindre les deux bouts. Le Sénégal est l’un des nombreux pays touchés par la surpêche dévastatrice due aux bateaux de pêche chinois illégaux. Le taux de chômage au Sénégal reste élevé car, selon Greenpeace, une organisation environnementale qui travaille dans plus de 50 pays dans le monde, dont l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, l’introduction de techniques de pêche à grande échelle par les bateaux chinois [fr] a dévasté les industries de la pêche locales, privant de nombreux habitants de leurs moyens de subsistance.

Pêcheurs dans un bateau de pêche aux couleurs vives, que l'on trouve couramment dans les communautés de pêcheurs au large des côtes de l'Afrique de l'Ouest. Image de Wikipédia, licence Creative Commons CC BY-SA 2.0 .

L’arrivée de bateaux de pêche hauturière en provenance de Chine et d’autres pays comme la Russie a dévasté l’économie locale de la pêche. Lorsque de gros chalutiers pénètrent dans les eaux locales, les pêcheurs traditionnels utilisant des pirogues ont du mal à rivaliser. Ces chalutiers utilisent des filets pouvant atteindre un mile de long, balayant tout sur leur passage et endommageant parfois les filets des pêcheurs locaux.

Ces types de navires ont suscité des débats internationaux sur les dommages environnementaux, car le chalutage de fond peut nuire considérablement, voire tuer, la faune aquatique et les espèces de poissons qui dépendent de la faune aquatique pour leur alimentation, leur abri, leur productivité, et donc la récolte durable peut diminuer avec l'augmentation des niveaux de perturbation des fonds marins.

Un chalutier de pêche chinois. Image de Picryl . Domaine public.

Selon Greenpeace, plus de 400 bateaux de pêche chinois [fr] opèrent actuellement au large des côtes de l'Afrique de l'Ouest. Selon les chiffres du ministère de la Pêche de la République populaire de Chine, ces bateaux rapportent plus de 400 millions d'euros par an grâce à leurs activités de pêche.

Au Sénégal , environ 220 000 personnes travaillent dans le secteur de la pêche ; 90 % sont des pêcheurs artisanaux, tandis que les 10 % restants travaillent sur des bateaux étrangers, des coentreprises ou des chalutiers industriels locaux.

Aujourd'hui, Moktar et Jawo doivent atteindre des eaux éloignées pour pêcher, car une grande partie de la côte est occupée par des bateaux chinois. La concurrence entre les bateaux chinois et les bateaux locaux est devenue impossible, disent-ils, et, dans un pays où le taux de chômage dépasse 23 %, de nombreux jeunes perdent espoir.

Pour compenser la baisse des prises nationales, la Chine a également développé ses opérations de pêche hauturière depuis 2000. Mais l’expansion de l’industrie chinoise de la pêche hauturière a suscité un débat international sur son manque de durabilité et de transparence. Selon l’Annuaire statistique des pêches de Chine, en 2022, la production de la pêche pélagique chinoise était de 2 329 800 tonnes et le nombre de navires de pêche pélagique était d’environ 2 551.

Selon un rapport de l’Environmental Justice Foundation (EJF), la majeure partie de la flotte de pêche chinoise opère dans plusieurs pays en développement, un tiers des opérations étant situées en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Ces régions ont souvent une capacité de pêche limitée, mais dépendent fortement de la pêche pour leur développement économique et leur alimentation. Les flottes chinoises ont souvent recours à des techniques de pêche à grande échelle qui mettent à rude épreuve les pêcheries locales et les moyens de subsistance des pêcheurs. Certaines activités sont considérées comme illégales, non déclarées et non réglementées (INN), ce qui attire un examen externe .

Depuis 1989, la Chine est le premier pays de pêche au monde, avec 13,14 millions de tonnes métriques (MMT) de poissons capturés en 2021, soit près du double du deuxième plus grand producteur, l'Indonésie, qui a capturé 7, 2 MMT. En 2022, la production de pêche chinoise a représenté 40 % des prises mondiales, une part importante provenant de sa flotte de pêche hauturière.

Surpêche en Afrique de l’Ouest

Selon le Collectif international de soutien aux travailleurs de la pêche, la pêche illégale a entraîné la perte de plus de 300 000 emplois dans la pêche artisanale ou traditionnelle en Afrique de l’Ouest. En conséquence, de nombreuses personnes sont obligées de chercher du travail dans d’autres secteurs, voire à l’étranger. De nombreux jeunes, ne pouvant rester dans leur ville d’origine, tentent de migrer vers l’Europe via le Maroc, au péril de leur vie.

Les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, comme la Guinée-Bissau et la Gambie, sont confrontés à des défis similaires. Bien que certains aient signé des accords de pêche avec la Chine, la pêche illégale continue de nuire aux écosystèmes locaux.

Pour promouvoir une pêche durable, la Chine a massivement investi dans l’aquaculture ces dernières années et a progressivement réduit la pêche de capture marine. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les prises marines chinoises sont passées de 14,4 millions de tonnes en 2015 à 11,8 millions de tonnes en 2022, soit une baisse d’environ 18 %.

Cependant, la pêche hauturière chinoise n’a pas diminué. Selon l’Annuaire statistique des pêches chinoises, la production de la pêche hauturière chinoise a atteint 2,33 millions de tonnes en 2022, soit une augmentation de 4 % par rapport à l’année précédente, ce qui représente près de 18 % de la production mondiale totale de pêche.

Depuis 2021, la Chine promeut activement l’aquaculture durable sur le plan national, en mettant l’accent sur les technologies agricoles vertes, la gestion des émissions d’eaux usées, la réduction de l’utilisation de médicaments pour les animaux aquatiques et la substitution d’aliments composés pour les juvéniles de poissons. La part de l’aquaculture a augmenté chaque année, la Chine contribuant à hauteur de 55,4 % (3,3 millions de tonnes) à la croissance de l’aquaculture en Asie en 2022. Cependant, la Chine n’a pas transféré ces technologies d’aquaculture durable aux pays d’Afrique de l’Ouest, se concentrant plutôt sur la formation des pêcheurs locaux et la création d’usines de transformation, ce qui accélère l’exploitation des ressources marines locales.

Les pièges des accords de pêche

Malgré les déclarations officielles de la Chine mettant l’accent sur la protection des pêcheries, on entend souvent parler de bateaux chinois pratiquant la pêche illégale. Par exemple, en mai dernier, le ministère sénégalais de la Pêche et de l’Économie maritime a publié une liste de bateaux agréés, mais aucun bateau chinois n’y était présent. Pourtant, des pêcheurs locaux ont signalé avoir vu des bateaux de pêche chinois dans les eaux voisines.

Le président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, serrant la main du président de la Guinée-Bissau, Umaro Mokhtar Sissoco Embaló. Image via la capture d'écran YouTube. Utilisée avec permission.

Les bateaux chinois ne pêchent pas tous illégalement. La Chine a par exemple conclu des accords de pêche avec plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, comme la Guinée-Bissau, où la China National Fisheries Corporation a établi sa première base de production à l’étranger en 1985 et déploie actuellement 11 chalutiers de fond.

Cependant, même les accords de pêche durable signés publiquement se sont révélés préjudiciables aux pays d’Afrique de l’Ouest. Une étude analysant les accords de pêche durable de l’UE avec l’Afrique de l’Ouest a révélé que ces accords aboutissaient souvent à des résultats inégaux : la compensation financière reçue par les pays d’Afrique de l’Ouest était bien inférieure à la valeur de leurs ressources marines. La Chine et la Russie font partie des participants à ces accords.

Certains pays d’Afrique de l’Ouest ont reconnu l’inégalité de ces accords de pêche. Le nouveau gouvernement du Sénégal, par exemple, a annoncé son intention de renégocier les contrats économiques passés avec l’UE et de mener des réformes dans le secteur de la pêche.

En outre, des pays comme le Sénégal [fr] et autres dépendent beaucoup plus de la clémence financière de la Chine, qui ouvre souvent son portefeuille pour financer des travaux gouvernementaux sur le continent. Sénégal également à travers son initiative «Initiative route et ceinture »[fr].

En attendant, les plus touchés par ces politiques sont les pêcheurs artisanaux locaux qui, depuis des générations, dépendent de la côte pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Mohammed Jawo a déclaré : « Nous avons des compétences, mais nous assistons impuissants à cette injustice qui nous est infligée par des contrats qui accordent nos océans à d’autres qui s’enrichiront. Nous espérons que le nouveau gouvernement d’Ousmane Sonko [fr] renégociera ces contrats injustes. »

Pour en savoir plus sur l’intersection entre les projets de développement chinois et la justice climatique dans la majorité des pays du monde , consultez notre projet de bourse pour la justice climatique :

La Global Climate Justice Fellowship s'associe à des journalistes sinophones indépendants et à des journalistes d'Asie centrale, d'Afrique francophone et d'Amérique latine pour évaluer le rôle de la Chine dans l'atténuation de la crise climatique mondiale.

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Voulant s'affranchir des exportations chinoises, le Brésil se lance dans l'exploration des terres rareshttps://fr.globalvoices.org/?p=290890http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241015_164452_Voulant_s_affranchir_des_exportations_chinoises__le_Bresil_se_lance_dans_l_exploration_des_terres_raresTue, 15 Oct 2024 14:44:52 +0000La Chine fournit entre 85 et 90 % des terres rares produites dans le monde.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Minéraux de terres rares en poudre. Image provenant de Wikimedia Commons, sous licence : public domain.

Au cours des dernières décennies, la Chine a incontestablement dominé le marché des terres rares. Le pays est au sommet de la plus grande réserve mondiale de ces minéraux, considérés comme des composants essentiels dans de nombreuses industries technologiques qui sont à l'avant-garde de la transition vers l'énergie verte. La Chine a dominé l'exploration et la chaîne d'approvisionnement, devenant un fournisseur clé pour les marchés mondiaux. Mais cette situation pourrait bientôt changer, car d'autres pays dont le Brésil, se lancent dans l'aventure, dans l'espoir de s'affranchir des exportations chinoises.

Selon un rapport de China Water Risk, la Chine fournit actuellement entre 85 et 90 % des terres rares du monde. Ce quasi-monopole lui confère une influence considérable sur le contrôle des flux de terres rares dans le monde. Les terres rares sont un groupe d'éléments chimiques que l'on trouve dans la nature avec des minéraux. Le nom « rare » vient de la difficulté d'extraire ces éléments, qui ont des caractéristiques particulières comme un magnétisme intense et l'absorption de la lumière, ce qui en fait des matériaux de choix pour l'industrie technologique.

Le Président chinois Xi Jinping visite une usine de traitement des terres rares dans la province de Jiangxi, en Chine. Capture d'écran provenant de YouTube.

Le pays n'a pas hésité à exercer ce pouvoir. En novembre 2023, Pékin a annoncé des contrôles plus stricts des exportations, exigeant des exportateurs de terres rares qu'ils déclarent le type de métal qu'ils exportent et les destinations finales. En décembre de la même année, la Chine a interdit l'exportation de technologies de traitement des terres rares, une mesure qui a effectivement entravé les chances des autres pays de développer leurs propres industries et de devenir moins dépendants des approvisionnements chinois.

Un extrait de bande dessinée référencée dans le texte. Image provenant de WeChat.

La Chine s'est également montrée préoccupée par les intérêts étrangers dans ses propres réserves de terres rares. En janvier dernier, le ministère chinois de la Sécurité d'État a publié une bande dessinée sur son canal WeChat dans laquelle il décrit une mine fictive où des agents de sécurité infiltrés arrêtent des espions étrangers qui se font passer pour des promoteurs immobiliers, insinuant que les étrangers tentent de voler leurs minerais et leur technologie.

La bande ne cite pas de pays ou d'entreprises, mais dans un article qui a suivi, le Global Times, une publication d'État liée au Parti communiste chinois (PCC), a cité un expert affirmant que des pays tels que les États-Unis, le Japon et l'Union européenne « convoitaient » les ressources en terres rares de la Chine et avaient « recouru à l'infiltration, à la corruption et à l'espionnage pour parvenir à leurs fins ». Aucune preuve n'a été fournie pour étayer ces affirmations.

Craignant que la Chine ne décide de restreindre ses exportations de terres rares, ce qui pourrait perturber un certain nombre d'industries clés au niveau mondial, les pays occidentaux cherchent à diversifier leur approvisionnement en développant l'extraction de terres rares dans d'autres pays. L'un d'entre eux est le Brésil, qui possède les troisièmes réserves mondiales de terres rares. Le gouvernement brésilien estime que le pays pourrait devenir l'un des cinq premiers producteurs mondiaux dans les années à venir. Le premier projet minier, Serra Verde, dans l'État de Goiás, est entré en production en janvier dernier et vise à extraire 5 000 tonnes par an lorsqu'il atteindra sa pleine capacité.

Plus qu'un jeu commercial, l'entrée du Brésil dans cette arène est une nécessité, car elle intervient à un moment crucial. Selon l’Agence internationale de l'énergie, le marché des minéraux critiques, y compris les terres rares, devrait être multiplié par sept au cours de la prochaine demi-décennie si l'on veut parvenir à des émissions nettes nulles d'ici à 2050, conformément aux accords de Paris de 2016.

Usine de traitement des terres rares à Serra Verde, au Brésil. Capture d'écran provenant de YouTube.

Un développement industriel plus durable repose sur l'exploitation de ce groupe de 15 éléments du tableau périodique, essentiels dans de nombreuses industries technologiques de pointe, telles que celles liées à la transition énergétique, notamment les véhicules électriques et l'énergie éolienne. Ces matériaux jouent un rôle de catalyseurs, permettant aux industries de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de diminuer la consommation énergétique, tout en favorisant l'innovation vers des solutions plus respectueuses de l'environnement.

Mais si les terres rares sont un élément essentiel pour garantir que les industries deviennent plus durables, leur extraction peut être très nocive pour l'environnement, ce que les experts ont appelé le « paradoxe des terres rares ».

Xianbin Yao, professeur d'études internationales à l'université De LaSalle, à Manille, et ancien conseiller principal spécial du département pacifique de la Banque asiatique de développement (BAD), a déclaré lors d'un entretien avec Global Voices :

D'une part, de nombreux éléments des terres rares sont indispensables à la fabrication de technologies clés pour un avenir plus propre, intelligent et à faible empreinte carbone, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. D'autre part, leur extraction et leur traitement génèrent une pollution significative, soulevant des défis environnementaux majeurs.

Conséquences de l'extraction et de la production de terres rares

La mine de Bayan Obo, située dans l'ouest de la Mongolie intérieure (une région autonome chinoise), est un exemple de l'empreinte laissée par l'extraction des terres rares. En 2019, elle a contribué à elle seule à 45 % de la production mondiale de ces éléments essentiels aux technologies modernes. Un rapport publié en 2023 par Science News la considère comme « l'un des endroits les plus pollués de la planète ». Des déchets miniers contenant des métaux lourds ont été déversés dans les rivières voisines, l'air est chargé de fumées et de poussières toxiques, la végétation du site a été enlevée pour permettre l'exploitation minière et la population locale a signalé des symptômes d'intoxication par les métaux lourds.

Smog en Mongolie intérieure, qui a été désignée comme « l'un des endroits les plus pollués de la planète » en raison de l'industrie excessive, notamment l'extraction et le traitement des terres rares. Capture d'écran provenant de YouTube.

Mais après l'exploitation minière, la transformation du minerai brut en un produit viable pour l'industrie – l'étape connue sous le nom de traitement – a également sa propre empreinte. Elle consomme de grandes quantités d'eau et produit de nombreux déchets.

En 2022, Sky News a visité un bassin de résidus à Baotou, situé près de la mine de Bayan Obo, où sont accumulés les sous-produits toxiques des activités minières de la région. Elle a interrogé deux villageois qui venaient d'arroser leurs champs avec de l'eau qui, selon eux, « ne répondait pas aux normes pour la consommation humaine ou animale ». Des habitants ont confié au journaliste qu'un village voisin comptait au moins 35 % de ses résidents diagnostiqués avec un cancer. Le gouvernement les a déplacés et a interdit l'agriculture sur ces terres. La vidéo suivante montre des déchets toxiques provenant du traitement des terres rares déversés à Baotou :

La voie à suivre pour le Brésil

Bayan Obo n'est qu'un exemple parmi d'autres. Jusqu'à présent, la production étant limitée à la Chine, les communautés chinoises ont été les seules à payer le prix de l'environnement. Mais à mesure que le Brésil et d'autres pays entrent sur le marché des terres rares, ils ont la possibilité de suivre une voie différente de celle de la Chine en évitant les mêmes erreurs et en minimisant le coût environnemental de l'exploration de ces minerais.

Il s'agit d'une préoccupation pertinente pour un pays comme le Brésil, qui a connu récemment deux tragédies de grande ampleur dans le domaine de l'exploitation minière. En 2015, un barrage de résidus de minerai de fer s’est effondré à Mariana (dans l'État de Minas Gerais), tuant 19 personnes. En janvier 2019, une autre digue de résidus provenant d'une mine de fer s'est rompue à Brumadinho (une ville du même État), faisant 270 morts. Nombreux sont ceux qui attribuent ces tragédies à la faiblesse de la réglementation et au laxisme dans son application.

José Gomes Landgraf, professeur à l'école polytechnique de l'université de São Paulo, souligne qu'il existe un autre facteur d'inquiétude au Brésil. « Une chose que nous devrions combattre est la possibilité d'une exploitation minière incontrôlée dans les régions du Brésil où l'on trouve de l'argile ionique [l'un des minéraux des terres rares] », a-t-il déclaré, expliquant que cela avait été un problème pour la Chine dans les années 1990 et 2000. Ce ne serait pas la première fois que des minéraux illégaux alimentent la chaîne d'approvisionnement technologique : en 2022, Repórter Brasil a révélé comment Apple, Google, Microsoft et Amazon utilisaient de l'or extrait illégalement au Brésil.

Village détruit par l'effondrement du barrage de Mariana dans le Minas Gerais, au Brésil. Image provenant de Wikimedia Commons, sous licence CC BY 3.0 BR

Selon M. Yao, de l'université De LaSalle, il est difficile d'éliminer toutes les menaces environnementales. « Ce qui est essentiel, c'est de mettre en place, d'une part, un ensemble de réglementations environnementales clairement établies et, d'autre part, un effort à l'échelle de la société pour faire respecter les réglementations et le contrôle par des tiers. La transparence et la participation sont donc essentielles », a-t-il expliqué à Global Voices par courrier électronique.

Yao souligne qu'à la suite d'enquêtes approfondies menées sur deux grands sites de terres rares (l'un dans le Nord et l'autre dans le Sud), la Chine a renforcé les réglementations environnementales et leur mise en œuvre à l'aide d'un ensemble d'outils tels que les taxes et les systèmes de quotas. En outre, au fur et à mesure de la maturation de son industrie, le pays a appris à rendre les processus plus durables.

Il estime que, même s'ils cherchent à gagner en indépendance vis-à-vis de la Chine, les pays devraient envisager de coopérer avec elle, ce qui leur éviterait de « réinventer la roue » dans le développement de leurs industries des terres rares. M. Yao a également déclaré que les pays pouvaient envisager d'attirer des investissements directs chinois avec des transferts de technologie. « Les deux parties bénéficieront mutuellement de ces opportunités de coopération », a-t-il déclaré à Global Voices.

C'est peut-être l'issue inévitable pour tous ceux qui tentent de s'imposer comme des acteurs indépendants de la Chine. Au Canada, une telle coopération est déjà en cours, selon un rapport de CBC News datant de décembre 2023. Le projet de mine Nechalacho, qui a été vendu pendant des années comme un moyen pour le Canada de devenir indépendant de l'approvisionnement en terres rares de la Chine, a reçu une participation de 9,9 % de la société chinoise Shenghe Resources.

Au Brésil, il n'y a pour l'instant aucune nouvelle d'investissement chinois dans les opérations liées aux terres rares, mais il y a des opportunités. Dans un rapport de 2023 sur les minéraux brésiliens, le Xinshijie Industry Research Center indique que les entreprises chinoises ont des perspectives prometteuses au Brésil en raison de « la technologie minière relativement arriérée et du manque d'attention de la part du gouvernement ».

En juin dernier, un groupe de représentants de l'industrie du Minas Gerais a effectué une mission technique en Chine afin d'établir des partenariats stratégiques pour la production d'aimants en terres rares. L'objectif de cette visite, qui a bénéficié du soutien de l'ambassade du Brésil en Chine, était de trouver des fournisseurs potentiels de matières premières pour la production au Brésil.

Mais au niveau fédéral, il n'y a pas encore de signes de coopération. Ni le gouvernement fédéral brésilien ni le ministère chinois des Affaires étrangères n'ont publié de nouvelles ou d'informations sur les partenariats concernant les terres rares sur leurs sites web. Les fonctionnaires brésiliens ont également choisi de ne pas aborder ce sujet lors de leurs récentes visites en Chine.

Pour en savoir plus sur l'intersection entre les projets de développement chinois et la justice climatique dans la majorité mondiale, consultez notre projet de bourses pour la justice climatique :

La Global Climate Justice Fellowship s'associe à des journalistes sinophones indépendants et à des journalistes d'Asie centrale, d'Afrique francophone et d'Amérique latine pour évaluer le rôle de la Chine dans l'atténuation de la crise climatique mondiale.

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Comment les migrants illégaux russes parviennent à vivre en Corée du Sud pendant des annéeshttps://fr.globalvoices.org/?p=291030http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241015_161039_Comment_les_migrants_illegaux_russes_parviennent_a_vivre_en_Coree_du_Sud_pendant_des_anneesTue, 15 Oct 2024 14:10:39 +0000После начала войны часть россиян бежала в Южную Корею

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Dans les rues du quartier chinois de Busan, en Corée du Sud. Photo : « Peuple du Baïkal », utilisée avec autorisation

Le média indépendant en ligne Ludi Baikala (Peuple du Baïkal) a publié un long article de Sofia Sukhonos sur la vie des immigrés russes qui entrent en Corée du Sud et prolongent leur séjour sans papiers. Global Voices a traduit l’article et l’a édité pour plus de clarté. Il est republié avec la permission de Ludi Baikala. 

Le nombre de migrants illégaux en Corée du Sud augmente chaque année. En mars 2024, 419 mille étrangers [cor] vivaient illégalement dans le pays, sur une population totale de 52 millions d'habitants. C’est deux fois plus qu’il y a 10 ans. Il y a au total 2,6 millions d’étrangers dans le pays, ce qui signifie qu’environ un sixième d’entre eux sont illégaux aux yeux de la bureaucratie sud-coréenne.

La plupart des travailleurs dans cette situation sont originaires de Thaïlande, du Vietnam et de Chine. Les citoyens russes arrivent en dixième position : en 2022, le ministère de la Justice n'a recensé que 9 108 personnes [cor].

Les Russes ont commencé à venir travailler [rus] dans le pays au début des années 2000, alors qu’ils devaient encore demander un visa. Ce flux a augmenté après l'entrée en vigueur en 2014 de l'accord entre la Russie et la Corée du Sud sur un régime d'exemption de visa pour les voyages de courte durée. Premièrement, les habitants de l’Est ont afflué pour de l’argent : de Bouriatie, de Transbaïkalie, de Primorie, du territoire de Khabarovsk et de la région de l’Amour. Aujourd'hui, les gens viennent de toute la Russie pour se rendre en Corée.

Lire la suite : Koryo-saram: The long and tragic story of Koreans in Russia (Koryo-saram : la longue et tragique histoire des Coréens en Russie)

À partir de 2022, les étrangers devront obtenir un permisélectronique K-ETA  avant l’entrée en remplissant une demande sur le site officiel [ang]. Le service des migrations s’intéresse à ce qu’est le travail d’une personne, combien elle gagne, pourquoi elle va dans le pays, où elle va rester et si elle a déjà été en Corée du Sud. Tout le monde n’a pas la permission. Les critères de sélection ne sont officiellement écrits nulle part, mais il arrive que même les vrais touristes ne puissent pas obtenir de K-ETA. Si un Russe parvient à se rendre en Corée du Sud, il peut [rus] rester dans le pays sans visa pendant 90 jours pendant six mois, mais pas plus de 60 jours consécutifs. Autrement dit, si une personne ne quitte pas le pays après deux mois, elle deviendra un immigrant illégal qui risque l'expulsion et une amende pour séjour illégal. Le montant de l'amende dépend de la durée de résidence de la personne en Corée du Sud et peut atteindre des dizaines de millions de won, soit des centaines de milliers de roubles.

Auparavant, les futurs immigrants illégaux cherchaient du travail en Russie par l'intermédiaire d'agences intermédiaires. Aujourd'hui, les Russes sont plus susceptibles d'entrer dans le pays sans leur aide et de rechercher des postes vacants dans les forums de discussion Telegram et KakaoTalk [ang]. « Il faut des femmes pour cueillir les fraises, le ginseng, les tomates, etc. », « Mallettes à cosmétiques : montage et contrôle des défauts », « Chantier de construction. Il faut 10 hommes » – exemples de publicités. Les salaires commencent à 9 860 wons de l'heure, ce qui correspond au salaire minimum. Si vous travaillez dans une usine 10 heures par jour avec un jour de congé par semaine, votre salaire mensuel sera de 2 millions 360 000 wons. Cela représente environ 150 000 roubles.

Photo de « Ludi Baikala », utilisée avec autorisation

Plus le travail est dur, plus ils paient cher. Par exemple, il y a des histoires dans les groups sur la cueillette saisonnière de pastèques pour 4,5 millions de won par mois (soit près de 300 000 roubles), bien qu'il est facile d'avoir une hernie ou des problèmes de dos à cause d'un tel travail. A titre de comparaison : le salaire moyen [rus] en Bouriatie en mars 2024 était de 69 000 roubles. En Transbaïkalie – 76,5 mille. Dans la région de l'Amour, il y en a près de 79 000. Mais ce sont des chiffres très moyens.

«À Tchita, j'ai travaillé dans un bureau en tant qu'administrateur de bases de données et j'ai également travaillé à temps partiel dans un salon en tant que spécialiste des extensions de cils. Je n'ai reçu qu'environ 45 000 roubles pour deux emplois», explique Zarina Gafurova, mère solitaire de 23 ans (nom modifié à la demande de l'héroïne), arrivée en Corée il y a un an et demi. Aujourd'hui, elle reçoit environ 2,7 millions de wons par mois (environ 175 000 roubles) dans une usine de production de matériaux d'insonorisation pour voitures.

Le pays ne constitue pas seulement une attraction à cause de la possibilité de gagner de l'argent. La Corée du Sud est l'un des endroits les plus sûrs [ang] au monde. L'indice de développement humain est ici élevé [ang]: il s'agit d'un indicateur qui prend en compte la durée de vie des citoyens, la manière dont ils étudient et combien ils gagnent. Les vêtements et l'équipement sont beaucoup moins chers qu'en Russie. Le dernier iPhone peut être acheté pour 1,2 million de wons (78 000 roubles) : cela représente environ la moitié du salaire mensuel d'un migrant à l'usine.

« En Corée, il est plus facile pour un Asiatique de se perdre »

Oleg Dorzhiev, un représentant commercial de 40 ans originaire d’Ulan-Ude, la capitale de la Bouriatie, a séjourné en Corée du Sud pendant huit mois.

Il a toujours voulu essayer de vivre à l'étranger. Beaucoup de Bouriates vont travailler en Corée du Sud, mais Dorzhiev hésite à s'y installer. Il n'a ni femme ni enfant, mais sa mère, atteinte d'une leucémie en rémission, pourrait avoir besoin d'aide. Tout a changé avec la mobilisation après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Le 24 septembre 2022, un ami de Dorzhiev lui a dit qu'ils devaient se rencontrer et avoir une discussion sérieuse. « Il lui a dit, en bref, de tout laisser tomber et de quitter Oulan-Oude immédiatement. Près de 700 personnes auraient été enlevées dans son district et tout le monde recevrait un avis de conscription d'ici un jour ou deux. Il a ajouté que la loi martiale était sur le point d'être instaurée et que les frontières allaient être fermées ».

L'ami n'y est pas allé en raison de la grossesse de sa femme. Dorzhiev s'est dit que s'il était appelé sous les drapeaux, sa mère se retrouverait avec sa dette hypothécaire. Il a mis ses affaires dans un sac à dos de touriste de 90 litres et est parti pour la Mongolie.

Sur place, il s'est avéré que vous pouvez y gagner de l'argent soit grâce à un travail physique pénible, soit en apprenant la langue. La plupart des fugitifs rencontrés par Oleg en Mongolie sont rapidement rentrés chez eux, mais il avait peur de nouvelles vagues de mobilisation et il est donc parti en Corée du Sud.

Lire la suite : The descendants of Buryat migrants in Mongolia have no feelings towards Russia (Les descendants des migrants bouriates en Mongolie n'ont aucun sentiment à l'égard de la Russie)

« Un ami avec qui nous avons vécu quelque temps à Oulan-Bator m'a transmis cette Corée. Je comprends qu'il existe trois options pour voyager illégalement : les États-Unis, Israël et la Corée. Mais les États-Unis coûtent cher et il n’est pas facile de se rendre en Israël. Et en Corée, il est plus facile pour un Asiatique de se perdre parmi la population locale », explique Dorzhiev.

Oleg savait que les gardes-frontières pourraient ne pas le laisser passer s'ils soupçonnaient qu'il allait travailler. Dorzhiev dit qu'il a composé une légende pour l'entrée : c'est un fan de K-pop qui va à un concert. Pour être authentique, il a acheté des vêtements qu'il pensait jeunes – un polo rose et une veste violette – et s'est fait coiffer dans un salon de beauté.

Le déguisement n'a servi à rien : se rendant compte que le fan de K-pop ne pouvait dire « I don't understand » qu'en anglais, l'agent des frontières l'a envoyé à l'interrogatoire. Là, Dorzhiev a bénéficié des services d'un traducteur parlant russe. Il s'était préparé en apprenant les questions habituellement posées : « Quel est le montant de la taxe K-ETA ? » « Quelle est la date à laquelle votre entrée a été approuvée ? « Quel est le taux de change du won par rapport au rouble ? « Combien coûte un déjeuner dans un restaurant sud-coréen ? » Dorzhiev a répondu à toutes les questions et a été autorisé à entrer dans le pays. À Oulan-Bator, il a trouvé un emploi par l'intermédiaire de connaissances dans une petite entreprise de la banlieue de Séoul où l'on cultive du soja en hydroponie. C'est là qu'il s'est rendu.

Le travail était difficile mais intéressant. L'ensemble du processus était automatisé et Dorzhiev, avec deux collègues, plantait des graines, récoltait le soja et le conditionnait douze heures par jour. Ils étaient payés trois millions de wons (près de 2 200 USD ou 200 000 RUB) par mois. Dorzhiev vivait dans une caravane près de l'atelier, équipée d'une douche, de toilettes, d'un lit et d'une table. L'employeur lui fournissait des repas préparés. Dorzhiev n'a eu aucun problème à obtenir une carte bancaire et une carte SIM.

Oleg n'avait droit qu'à deux jours de congé par mois – c'est une pratique courante en Corée du Sud. Mais il n'avait pas le temps de dépenser de l'argent : il en envoya la majeure partie en Russie pour payer l'hypothèque et aider sa mère.

Il réfléchit : « Je ne peux pas dire à 100 % ce qu’elle ressent à propos de mon départ. C’est le genre de personne qui ne le dira jamais honnêtement. Je pense qu'elle est un peu plus calme. Il vaut mieux aller en Corée que d’être mobilisé ».

« Nous ne prenons pas de Slaves »

Les agents des services de migration ont déjà visité des entreprises à la recherche de travailleurs illégaux, mais l'année dernière, la fréquence et l'ampleur des descentes ont augmenté. En 2023, un nombre record de 38 000 étrangers sans papiers [ang] ont été identifiés en Corée du Sud. Selon les immigrants illégaux vivant dans le pays, l'approche des forces de l'ordre a également changé. Ils ont commencé à attaquer les étrangers dans les rues, alors qu'auparavant ils ne venaient au travail que pour vérifier leurs papiers. Les policiers ordinaires, qui auparavant n'étaient pas intéressés à avoir une carte d'identité si la personne ne violait pas l'ordre public, ont commencé à participer à de telles descentes dans les rues.

Photo de Ludi Baikala, utilisée avec autorisation

Les efforts des autorités ne se reflètent pas dans les statistiques. Le nombre d'immigrés illégaux en Corée du Sud a augmenté de 12 000 personnes [cor] rien que l'année dernière. Vladimir Tikhonov, professeur à l'Université d'Oslo (spécialité en études est-asiatiques et coréennes), estime que l'intensification des raids n'est rien d'autre qu'une tentative de l'impopulaire président Yoon Suk-yeol, arrivé au pouvoir en 2022, d'obtenir l'approbation des citoyens. Son parti a perdu [rus] aux dernières élections législatives. 65% des citoyens ne soutiennent pas [cor] la politique du président.

« C’est pourquoi son ministère de la Justice a publié un plan si ambitieux selon lequel le nombre de migrants illégaux serait censé être réduit de quatre cent mille à deux cents. Je me souviens que des plans similaires ont été publiés il y a 10 ou 15 ans. Et personne n'a pu les réaliser », déclare Tikhonov dans une interview accordée à Ludi Baikala.

La Corée du Sud est le cinquième pays au monde [ang] en termes de production automobile et le troisième [ang] en matière d'électronique, mais il n'y a pas suffisamment de citoyens pour travailler dans les usines. Le pays a le taux de fécondité le plus bas [ang] au monde, avec 0,72 enfant par femme. De plus, les jeunes Coréens ne veulent pas occuper des emplois mal rémunérés et malsains.

« Les grandes usines d'assemblage, où est fabriqué le produit final — un bateau, une voiture, un téléphone portable, où les salaires sont élevés, nécessitent un personnel hautement qualifié. Les étrangers n'y sont pas acceptés. Mais derrière eux se trouvent des centaines de milliers de petits fournisseurs de pièces détachées pour les mêmes voitures, navires, téléphones portables — tout ce que produit l'industrie coréenne. Il s’agit de petites et moyennes entreprises, où les conditions de travail sont bien pires et les salaires plus bas. La plupart des étrangers y viennent », explique Vladimir Tikhonov.

Les travailleurs sans papiers ne sont pas les seuls à occuper ces emplois. Ils constituent en fait une minorité parmi les étrangers travaillant légalement. Les Coréens ethniques originaires d'autres pays qui peuvent travailler légalement constituent une source importante de main-d'œuvre. Certains étrangers reçoivent des visas de travailleurs migrants peu qualifiés et de travailleurs saisonniers : Les Russes ne peuvent pas le faire car il n'existe pas d'accord correspondant entre les deux pays. Les travailleurs sans papiers qui vivent dans le pays depuis de nombreuses années affirment qu'en raison de la concurrence avec ceux qui ont obtenu des papiers en bonne et due forme, les offres d'emploi appropriées sont de moins en moins nombreuses. Toutefois, le flux de ceux qui souhaitent gagner de l'argent en Corée du Sud ne se tarit pas.

Les personnes dépourvues de documents échappent aux raids de différentes manières. Certains vont travailler sur des îles éloignées où la police de l'immigration ne se rend pas. Là, les communautés agricoles recherchent des travailleurs pour cultiver des algues. D'autres attendent les périodes de perquisition, généralement annoncées à l'avance, perdant ainsi leurs revenus. Les immigrés d'origine asiatique se cachent plus facilement, car ils attirent moins l'attention.

Lire la suite : Casual racism in Russia's everyday life: ‘Even though you are Buryat, you are still one of us’ (Racisme occasionnel dans la vie quotidienne en Russie : « Même si tu es Bouriate, tu es toujours l'un des nôtres ».)

« En décembre et janvier, nos employeurs n'ont pas embauché de personnes d'apparence slave », explique Galina, employée d'une agence pour l'emploi de Séoul. « Les agents de l'immigration s'approchent naturellement s'ils voient que quelqu'un n'est pas coréen et demandent des documents. C'est pourquoi mon patron m'a dit directement que nous ne prenions pas de Slaves pour le moment. Mais ceux qui ont l'air asiatique, nous pourrons peut-être encore les placer quelque part ».

Les origines bouriates ont également aidé Dorjiev à trouver du travail

Après avoir changé plusieurs fois d'emploi temporaire, Dorzhiev a trouvé du travail en tant qu'agent d'entretien dans un hôtel. Au sein d'une équipe composée de deux Coréens originaires de Russie, Dorzhiev nettoie les chambres. Chaque chambre prend environ dix minutes. Il est chargé de changer les draps.

« J'ai récemment passé trois semaines sans prendre un seul jour de congé. Les trois derniers jours étaient complets, avec soixante chambres. D'un côté, il n'y a rien de compliqué à changer le linge de lit. D'autre part, après la cinquantième housse de couette et le cinquantième drap, on se sent mal », raconte Dorzhiev.

Ses deux collègues sont tout son cercle social, car il craint de quitter l'hôtel où il travaille et vit, et s'inquiète d'une nouvelle rencontre avec la police de l'immigration.

Les migrants arrêtés sans papiers sont ensuite expulsés. Le processus se déroule ainsi : les immigrés illégaux sont placés dans une prison pour migrants, où ils attendent leur départ. Habituellement, une personne achète son propre billet. Il reçoit également une amende. Si vous le payez, après un certain temps, vous pourrez à nouveau entrer dans le pays. Sinon, expulsion à vie.

Après le début de la guerre en Ukraine, les Russes ont découvert un moyen de rester légalement en Corée du Sud pendant plusieurs années. Un « visa de réfugié » est délivré à ceux qui demandent l’asile dans un pays et attendent que leur dossier soit traité. Les chances d'obtenir le statut de réfugié sont minimes : seulement 1 % [cor] des demandes sont approuvées. Mais on peut attendre plusieurs années pour un procès.

En 2023, 5 750 citoyens russes [ang] ont demandé l’asile. C’est plus que le nombre total de candidatures russes reçues de 1994 à 2019. Il est impossible de dire combien d’entre eux ont fui la mobilisation et ont été victimes de persécutions politiques dans leur pays d’origine. Mais dans les discussions avec les migrants, dans les vidéos de blogueurs vivant et travaillant en Corée du Sud, ce visa est évoqué précisément comme une opportunité de s'installer légalement dans le pays afin de gagner de l'argent supplémentaire.

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Alors que la Jamaïque se prépare à un impact direct, les efforts de secours ont commencé pour les iles dévastées par l'ouragan Bérylhttps://fr.globalvoices.org/?p=290794http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241014_221309_Alors_que_la_Jamaique_se_prepare_a_un_impact_direct__les_efforts_de_secours_ont_commence_pour_les_iles_devastees_par_l_ouragan_BerylMon, 14 Oct 2024 20:13:09 +0000« L'élévation du niveau da la mer représente une influence humaine claire sur le potentiel de dégâts d'un ouragan donné »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

un arbre qui se balance

Image principale via Canva Pro.

La saison des ouragans atlantiques 2024 venait à peine de commencer lorsque l'ouragan Béryl s'est avéré, sous plusieurs aspects, être sans précédent. Il a levé la tête plus tôt que la plupart des tempêtes majeures, gagnant rapidement en puissance, passant du statut de catégorie 3 à catégorie 4 en seulement 48 heures, et laissant une trainée de dévastation à travers des Grenadines , incluant au moins six décès, il est devenu la tempête  la plus intense   jamais enregistrée aussi tôt dans la saison, atteignant brièvement le statut de catégorie 5. à 21H00 (UTC-4) le 2juillet, il est redevenu une tempête de catégorie 4 alors qu'il se dirigeait vers la Jamaïque et les iles Caïmans.

Alors que les experts météorologiques and et les chasseurs d'ouragans peuvent être fascinés par l'exceptionnalité du Béryl, les populations des Caraïbes, qui subissent régulièrement les conséquences de la saison des ouragans, craignent que tous les facteurs qui rendent le Béryl exceptionnel ne deviennent, en réalité, la nouvelle norme.

Les scientifiques ont affirmé que les températures plus élevées des océans, entrainées par le changement climatique et les modèles météorologiques cycliques, font que les tempêtes tropicales se renforcent à une vitesse plus rapide.

Cette année, la National Oceanic and Atmospheric administration (NOAA) des Etats-Unis  a prévu une probabilité de 85% d'une activité tempétueuse supérieur à la normale, avec entre 17 et 25  tempêtes nommées au total, dont huit à 13 pourraient devenir des ouragans, et de quatre à sept de ces ouragans pourraient atteindre le statut d'ouragan majeurs, c'est-à-dire de catégorie 3 à 5.  Ils attribuent cela à une « convergence de facteurs », notamment une « abondance de chaleur océanique », une transition rapide vers des  « conditions de la Niña, » des vents commerciaux atlantiques réduits et moins de cisaillement du vent.

« Les vents commerciaux faibles », a expliqué la NOAA , « permettent aux ouragans de se renforcer sans être perturbés par un cisaillement du vent fort, et minimise également le refroidissement de l'océan ».  Cela confirme que la crise climatique « réchauffe nos océans à l'échelle mondiale et dans le bassin atlantique, et fait fondre les glaces terrestres, entrainant une augmentation du niveau de la mer », ce qui selon eux, représente « une influence humaine claire sur le potentiel de dégâts d'un ouragan donné. »

Les Bahamas, la Dominique, et tant d'autres iles avant elles dans les années passées, Barbados, Tabogo,  Sainte Lucie, la Grenada et surtout les  Grenadines, qui ont jusqu'à présent subi l'essentiel de l'impact de Béryl, le savent trop bien et tout comme ils l'ont  fait auparavant, la communauté caribéenne s'était rassemblée pour envoyer des secours et des fournitures essentielles aux personnes touchées.

A partir de Saint-Vincent, la photographe Nadia Huggins, a partagé un lien vers une page GoFundMe, en disant, « je suis sans mots pour exprimer l'ampleur de la dévastation. Je n'arrive pas à croire que nous devons encore une fois organiser une collecte de fonds pour un autre désastre » . Veuillez aider de quelque manière que ce soit. En regardant les  images « presque apocalyptiques » provenant de l'Ile de l'Union, ou les vidéos des conséquences de la tempête à Cariacou, on commence à comprendre l'ampleur de la situation.

Pendant ce temps , la Jamaïque se prépare à l'arrivée du Béryl, qui devrait frapper les côtes comme une tempête de catégorie 4, prévue pour le mercredi 3 juillet, avec l'œil passant au-dessus des iles caïmans plus tard dans la nuit ou tôt le jeudi.

Emma Lewis, la collaboratrice de Global Voices, qui vit en Jamaïque déclare que ses compatriotes se  sentaient stressés par l'arrivée imminente de la tempête, et que la circulation était mauvaise en raison des gens qui tentent de s'approvisionner ou de faire des réparations de dernière minute -minute:

Comme la plupart des territoires caraïbéens, la Jamaïque a subi des dévastations causées par des ouragans tels que Gilbert, un ouragan de catégorie 3 qui a frappé en septembre 1998. Bien que le Béryl devrait s'affaiblir après avoir touché la Jamaïque et les iles caïmans, on s'attend toujours à ce qu'il conserve son statut d'ouragan lorsqu'il traversera le Nord-Ouest des Caraïbes.  Dans ce contexte, des veilles d'ouragan sont en vigueur pour le sud d'Haïti, des avertissements de tempête tropicale pour la côte sud de la République dominicaine et une veille de tempête tropicale pour certaines régions du Belize.

Alors qu'une saison des ouragans potentiellement longue et active s'annonce, et que les dirigeants régionaux dénoncent l'absence d'action des pays développés, qui contribuent majoritairement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, le sentiment dominant de la région a été résumé dans un tweet de Greenpeace:

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Les indigènes défendent l'agriculture traditionnelle dans le nord de la Thaïlandehttps://fr.globalvoices.org/?p=290710http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241014_214329_Les_indigenes_defendent_l_agriculture_traditionnelle_dans_le_nord_de_la_ThailandeMon, 14 Oct 2024 19:43:29 +0000L’interdiction générale de pratiquer l'agriculture sur brûlis a miné les pratiques agricoles traditionnelles en rotation

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

North Thailand farmers

Les indigènes défendent leur pratique traditionnelle pendant que les autorités imposent des restrictions sur l'agriculture de rotation. Photo de Prachatai, un partenaire  de Global Voices.

Cet article de Ratcha Satitsongtham a été initialement publié par Prachatai, un site Internet  d'informations indépendant en Thaïlande. Une version éditée a été republiée par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Le Pwo Karen de Ban Mae San a prospéré en harmonie avec la nature, mettant à  jour leurs pratiques traditionnelles de l'agriculture et leur héritage culturel riche de plus de 300 ans. Cependant, les mesures  prises par le gouvernement mettent maintenant leur mode de vie en danger.

Ces dernières années, entre janvier et avril, les habitants de Bangkok et du nord de la Thaïlande ont lutté pour respirer à cause des niveaux élevés de pollution de l'air.  Pendant que l'index de qualité de l'air peut atteindre 150 et même 200 AQI pendant ces mois— les niveaux sont jugés dangereux pour les hommes — les masques anti polluants sont devenus essentiels. Comme réponse, le gouvernement a promis d'apporter des explications et des solutions.

Les indigènes sont souvent blâmés pour être une cause majeure de la pollution de l'air. L'agriculture de rotation , aussi connue  sous le nom de cultivation changeante ou l'agriculture casser-et-brûler, est fréquemment décrite négativement par les chefs du gouvernement et par les médias les plus suivis — pas seulement comme une source de pollution mais aussi comme une cause de désastres naturels comme les inondations et les glissements de terrain. Cette perspective qui renforce le préjudice contre les indigènes, est souvent  rependue sans raison évidente. Cependant, un regard particulier  sur comment l'agriculture de rotation est pratiquée révèle une image très nuancée.

Ensemencement des graines

Dans la région de Lampang au nord de la Thaïlande, il y'a au moins 12 communautés Karen qui ont pratiqué cette agriculture de génération en génération. Ban Mae San, une des communautés les plus riches en ressources et en culture , couvre une zone de 29 kilomètres carrés, selon la Fondation de Développement du Nord. Approximativement 40 pour cent de cette zone, et  12 kilomètres carrés, sont dédiés à l'agriculture de rotation , le reste est utilisé pour la conservation, les activités spirituelles et d'autres objectifs. Natthanon Lapma, un habitant de Ban Mae San, explique comment ils utilisent le pays :

Nous créons la vie. Nous suivons le système que nous ont laissé en héritage nos ancêtres. Ce que les domaines de l'agriculture de rotation étaient il y'a de cela 300 ans , aujourd'hui à Ban Mae San les domaines sont les mêmes . Dans un seul champ, nous plantons premièrement des graines de riz et nous plantons aussi différentes graines telles que les bananes, les chilis, le haricot, le taro, les maniocs, et d'autres légumes et fruits qui permettent aux villageois  de survivre tout au long de l'année.

En mais 2023, comme ils le font chaque année, les Karen avaient à peine fini de préparer la plantation et étaient sur le point de semer les grains de riz . Avant de planter, ils font  un rituel pour déterminer comment les différentes variétés de graines de  riz  permettront d'aider leurs familles. Natthanon dit que ce rituel est la clé pas seulement de leur résilience mais aussi celle de leur diversité culturelle.

Après l'ensemencement des graines dans les champs, les Karen portent leur attention sur la beauté des champs et sur les résultats fructueux de la saison des pluies. Pendant qu'ils attendent, ils nettoient régulièrement les soins des champs sans utiliser de produits chimiques. Basé premièrement sur la pluie, le riz  et les cultures poussent naturellement sans fertilisants  ou systèmes d'irrigation. Les fruits de leur travail sont d'abord utilisés pour leur survie, aidant à réduire le coût de vie.

Récolte et cycles de rotation 

En novembre, ils récoltent. Phichet Thuengwa, un Karen chrétien  de Ban  Mae San, était fatigué de récolter le riz provenant du dernier sion. Il a noté  que parmi les nombreuses variétés de riz , cinq ont particulièrement  bien poussé en 2023 et serait à utiliser de nouveau. Parmi elles, une variété  sort particulièrement du lot.

Comme Phichet est rentré au village après avoir fini la récolte, il a expliqué  qu'une fois que le riz sera récolté, il deviendra «rai lao.» Le pays a donc besoin  d'une période d'attente d'au moins 7 ans avant que le riz ne puisse encore pousser là bas. À  cause de l'influence du gouvernement, cette période est parfois prolongée  à 15-20 ans. Pour le prochain cycle, ils se déplacent vers un nouveau champ. Pendant  qu'ils attendent  le «rai lao» pour  recouvrir, ils plantent un arbre particulier et unique de leur village qui sert à  de nombreux objectifs.

«Voyez-vous ce petit arbre makhwaen là-bas ? Les villageois de Mae San utilisent l'âge des arbres  makhwaen pour mesurer l'âge du «rai lao» et la période d'attente appropriée,»  a affirmé Phichet.

Makhwaen, ou Zanthoxylum limonella, est connu pour ses parfums aromatiques et épicés dans la cuisine populaire du nord de la Thaïlande. Les villageois récoltent makhwaen de novembre jusqu'en début janvier,  commençant  autour du moment où le riz  récolté est presque complet. Makhwaen est prêt pour la récolte et  il pousse de quatre à cinq mètres . C'est  seulement une grande source de revenus et un moyen de vérifier leur cycle de récolte mais c'est  aussi une preuve au gouvernement que le pays recovering est prêt à être utilisé.

La répression de l'Etat

Les Pwo Karen à Ban Mae San ont traditionnellement  maintenu un mode de vie simple reposant sur la réciprocité entre les personnes et les ressources naturelles.Avec l'évidence de leur colonisation pendant plus de 300 ans leur communauté a pendant longtemps porté le nom donné  par le gouvernement de la zone à  savoir:  Tham Pha Thai Parc National en 1991, qui a laissé un très grand fossé entre leurs fields et les zones de conservation.

Après le coup d'état militaire de 2014, Gen Prayut Chan-o-cha a lancé la politique de réclamation de la Forêt, avec un état  intensifié sur  l'envahissement dans les communautés indigènes. En  2015, le département  du Parc National , de la Vie sauvage, et de la conservation des plantes a expédié  la déclaration à tous les parcs nationaux, y compris celui de Tham Pha Thai.

Appuyé par l'acte du parc national  de 2019, qui a été  pris sans la consultation du public, l'état a étendu son contrôle sur l'utilisation du pays et l'accès aux ressources. Les communautés  à côté de Ban Mae San ont souvent  fait face à du harcèlement de la part des responsables de la forêt, des rangers du parc, et des militaires des forces spéciales du camp Pratu Pha. Les villageois à Ban Mae San pensent que leur mode de vie est en danger. Natthanon a partagé l'opinion des villageois concernés :

Même pendant qu'ils étaient juste en train de se préparer à déclarer un parc national , nous sommes  maltraités par les responsables de l'état. Si finalement  ça devient un parc national , comme se sera négatif ? Les villageois  qui pratiquent l'agriculture de rotation sans autorisation ni preuve de droit, comment pourraient-ils vivre quand ils ne pourront plus faire l'agriculture de rotation ? Leur pays sera aussi divisé  pour le parc. Si ce jour arrive et qu'il se passe ainsi, ce ne sera pour nous en rien  différent d'être morts-vivants, parce que le pays c'est la vie. L'agriculture de rotation est le centre de la vie des habitants de Karen.

Interdiction de pratiquer l'agriculture sur brûlis

Une autre mesure problématique  est l'interdiction de pratiquer l'agriculture sur brûlis.  Le gouvernement a déclaré que l'interdiction de pratiquer l'agriculture sur brûlis est nécessaire pour diminuer la pollution qui est due au fait de brûler, qui peut apporter PM2.5 de particules dangereuses. En dehors de la prévention  des désastres et de l'acte de mitigation , la province de Lampang a imposé  en premier lieu une  interdiction  sur l'usage du feu en 2011. Cette interdiction est régulièrement renforcée de mars à avril , quand les villageois  brûlent traditionnellement les champs pour préparer la terre pour les semences.

Loin d'être une solution , l'interdiction  de pratiquer l'agriculture sur brûlis a empiré le problème. Somkit Thittha, un village situé avant Ban Mae San, explique:

Quand ils ne nous permettent pas de brûler , nous devons  nous presser à le faire en fin février avant qu'ils annoncent l'interdiction . Mais la période  avant que l'interdiction de pratiquer l'agriculture sur brûlis ne soit officielle, ce qui signifie que la terre n'est pas vraiment sèche . Donc le processus est incomplet. À la fin, nous devons  brûler encore et encore.

Phachara Kamchamnarn de la Fondation  de développement du Nord affirme: « la seule  manière de conserver l'agriculture   de rotation en vie chez les   Karen est de mettre fin à l'approche de blanket de bannir le fait de brûler » les communautés de Karen engagées dans l'agriculture ont une bonne maîtrise des plantes, incluant le fait de brûler, les pauses entre les périodes de brûle, et les mesures  de prévention pour maîtriser les flammes, en pas plus de 10 à  30 min par sion.

Défense pour le changement 

Les communautés indigènes , avec des groupes de défense , ont construit  une coalition pour avancer le programme des droits des indigènes. En tant  que membre de l'organisation administrative du sous-district de Ban Dong à Ban Mae San, Natthanon a complété des recommandations pour le gouvernement pour prévoir d'autres impacts sur l'agriculture de rotation.

La plainte des indigènes a eu un succès partiel avec le cabinet de résolution le 3 août 2010, qui a placé  la terre et leur mode de vie traditionnelle sous la protection du gouvernement.

Natthanon fait ressortir que le cabinet de résolution du 3 août 2010,  bien qu'important, n'est  pas suffisant pour sauvegarder les droits et les pratiques culturelles des minorités ethniques et des indigènes, surtout quand  il s'agit d'agriculture de rotation. Les responsables  du gouvernement allègent souvent les lois, qui sont vues comme ayant une meilleure autorité que le cabinet des résolutions.

«L'Etat veut que nous suivions la loi; il doit aussi  faire en sorte que la loi nous protège parce que nous étions là avant l'existence de cette loi» affirme Natthanon, « et nous  avons déjà prouvé comment les méthodes  de l'agriculture de rotation ont préservé 29 kilomètres carrés de forêt grâce aux  Karen of Ban Mae San.»

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Le prisonnier politique plus ancien des Philippines retrouve la liberté à 85 anshttps://fr.globalvoices.org/?p=290778http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241014_211051_Le_prisonnier_politique_plus_ancien_des_Philippines_retrouve_la_liberte_a_85_ansMon, 14 Oct 2024 19:10:51 +0000Deux fois incarcéré, l'agriculteur a passé plus d'une décennie en prison

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Deux hommes dans un bureau, l'un d'entre eux tient un certificat de libération.

Gerardo dela Peña (à droite) et son fils Melchor, tenant l'ordre de libération de prison. Photo de Kapatid, utilisée avec permission.

Cet  article de Nuel M. Bacarra a été initialement publié sur Kadao, un site d'informations indépendant aux Philippines. Une version éditée a été republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu. 

Le prisonnier politique plus ancien des Philippines, Gerardo Dela Peña âgé de 85 ans, retrouve sa liberté le 30 juin 2024. Il était incarcéré dans la Prison Nationale de Bilibid, dans la ville de Muntinlupa, après plus d'une décennie de détention.

Dela Peña était l'ancien responsable de la section de Camarines Norte du Samahan ng mga Ex-Detainees Laban sa Detensiyon at Aresto (SELDA), un groupe de défense qui promeut la justice pour les anciens prisonniers politiques. Des militaires l'ont arrêté le 21 mars 2013 et l'ont condamné à l'âge de 75 ans pour de fausses accusations de meurtre.

Le réseau de défense des droits humains de Karapatan a mis en lumière l'engagement de Dela Peña pendant la dictature de Marcos dans les années 1970 et au début des années 1980 :

Issu d'une famille de cultivateurs, Dela Peña était un organisateur paysan à Bicol. Dans ses jeunes années d'activiste, il a été détenu et torturé par la police et l'armée sous la dictature de Marcos en 1982. Après sa libération, il a présidé la section SELDA de Camarines Norte. Il a continué à militer, travaillant avec diverses autres organisations populaires dans la région, malgré les menaces qui pesaient sur sa vie et sa liberté.

Le groupe de soutien aux prisonniers politiques Kapatid a insisté sur le fait que la condamnation de Dela Peña pour avoir prétendument tué son propre neveu était erronée, puisque le groupe communiste armé, Nouvelle armée du peuple, avait précédemment admis l'acte.

Maigre et frêle, il portait un petit sac contenant ses maigres possessions et le certificat de sortie de prison délivré par l'administration pénitentiaire le 29 juin.

Accompagné du porte-parole de Kapatid Fides Lim, le fis de Dela Peña nommé Melchor a récupéré son père de la NBP après avoir voyagé 12 heures depuis leur province natale.

Dans un communiqué, Lim a déclaré:

Le parcours de Tatay Guerry [Père]  vers la liberté a été très difficile en raison d'obstacles systématiques et des retards bureaucratiques. Agé de plus de 80 ans et en mauvaise santé, Tatay Gerry remplit largement les conditions pour une libération pour raisons humanitaires.

Lim a ajouté qu'il était préoccupant que le Board of Pardons and Parole (BPP) n'ait pas immédiatement mis en œuvre ses propres résolutions politiques, qui offrent une clémence exécutive aux prisonniers qui ont atteint l'âge de 70 ans et ont purgé dix ans de leur peine.

« Le fait est que Tatay Gerry a déjà dépassé sa peine commuée, puisqu'il a purgé exactement 12 ans et deux mois au 12 juin, sans compter l'indemnité de bonne conduite qu'il a accumulée. Chaque minute supplémentaire passée derrière les barreaux est une injustice flagrante pour un homme innocent », a déclaré Lim.

La Commission des Droits de l'Homme a rappelé  au gouvernement, le 24 mai, son devoir d'appliquer les Règles de Mandela qui sont des  règlementations internationales concernant  le traitement des prisonniers, notamment en ce qui concerne la clémence pour les prisonniers malades et âgés.

Déjà atteint de surdité, Tatay Gerry souffre également de troubles de la vision, de diabète et d'hypertension. Pendant son incarcération, il a également fait un accident vasculaire cérébral.

Système judiciaire défaillant 

L'Union Nationale des Avocats du Peuple (UNAP) affirme que l'arrestation, la condamnation et l'emprisonnement de Dela Peña sont les conséquences d'un système judiciaire défaillant. Ephraim Cortez le président de l'UNAP a déclaré qu'un doute raisonnable a été établi lors du procès :

S'il y avait une preuve, je ne pense pas qu'elle aurait été suffisante, car  quelqu'un d'autre a avoué l'avoir fait et une autre personne affirme l'avoir fait. Cela aurait dû être pris en compte pour explorer cette piste. Le fait que quelqu'un d'autre ait affirmé l'avoir fait constitue déjà un doute raisonnable.

Lors d'une réunion de célébration en l'honneur de Dela Peña le 1er juillet, il a déclaré qu'il était très impatient de rentrer chez lui auprès de sa famille et de reprendre le travail dans leur ferme à Camarines Norte.

Ay, masaya syempre. Hindi na kayang sabihin ang kasayahan ko. Ang kasayahan ko ay pantay Langit na.

Bien sûr, je suis extrêmement heureux. Aucun mot ne peut décrire ma joie. Mon bonheur est immense.

Il a ajouté qu'il est impatient de revoir sa femme Pilar pour lui donner un baiser.

Dela Peña a déclaré être reconnaissant envers Lim et Kapatid, ses avocats, SELDA et Karapatan, ainsi que les autres organisations qui ont travaillé pour sa libération.

Il a également affirmé qu'il souhaite la libération de tous les autres prisonniers politiques, en particulier ceux qui sont malades et âgés.

Melchor, le fils de Dela Peña, de son côté, a déclaré à sa suite :

Pakiramdam naming, may nadagdag sa buhay namin. Masaya kami dahil ‘yung pamilya namin ay nag-aabang doon. Hindi kami nag-i-expect na makalabas pa siya. Sabi naming, wala na. Buti na lang may tumulong sa amin.

Nous sentons que nos vies ont été enrichies. Nous sommes heureux que notre famille nous attende à notre arrivée. Nous n'espérions plus sa libération. Heureusement qu'il y avait eu des personnes qui nous ont aidés.

Le gouvernement soutient que Dela Peña ne devait pas être considéré comme un prisonnier politique. « Sa condamnation n'a pas été prononcée pour un crime politique dirigé contre l'ordre politique ni pour les crimes de droit commun qui peuvent être commis pour atteindre un objectif politique », a déclaré  le ministère de la Justice.

Mais Kapatid a répondu promptement à cette affirmation :

… Il est clair que leur déni vise à dissimuler la réalité des prisonniers politiques et à cacher les pratiques injustes d'un appareil de sécurité qui fabrique des affaires non libératoires pour stigmatiser les activistes et les cibles politiques en les présentant comme des criminels ordinaires.

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Les tenues olympiques de la Mongolie appréciées à l'étranger mais critiquées au Payshttps://fr.globalvoices.org/?p=290774http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241014_204219_Les_tenues_olympiques_de_la_Mongolie_appreciees_a_l_etranger_mais_critiquees_au_PaysMon, 14 Oct 2024 18:42:19 +0000Une marque de mode peu connue fait sensation dans le monde entier

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

mannequine portant la tenue olympique de la Mongolie

Un mannequin portant la tenue cérémoniale olympique de la Mongolie. Capture d'écran d'une vidéo issue de la “Team Mongolia uniform for Paris Olympics 2024″  de  la chaine YouTube de  Michel Amazonka. Utilisée avec permission.

Le 3 juillet, la marque de mode mongole  Michet&Amanzonka dévoile des tenues cérémoniales, qui seront portées par des athlètes mongoles lors des cérémonies d'ouverture et de fermeture des Jeux olympiques à Paris. Ces tenues comportent quatre ensembles, deux pour les athlètes hommes et femmes et deux pour les porte-drapeaux hommes et femmes.

Ci-dessous se trouve la vidéo YouTube avec les tenues cérémoniales olympiques de la Mongolie.

Chacune d'entre elles est inspirée d'une pièce traditionnelle appelée deel, une robe asymétrique longue jusqu'à la cheville avec les manches longues. Les gilets qui constituent la pièce centrale des tenues présentent un mélange de symboles nationaux et olympiques, notamment le Gua Maral (cerf mystique), les Neufs Barrières Blanches , et la torche olympique.

Ci-dessous se trouvent des postes Instagram qui montrent  des tenues des porte-drapeaux hommes et femmes.

Depuis leur sortie, les tenues sont devenues virales en ligne, recueillant des éloges du monde entier. À en juger par les réactions des internautes, les blogueurs et les médias spécialisés dans la mode, la Mongolie a déjà remporté les prochains Jeux olympiques en matière de créations des plus belles tenues. Par exemple le célèbre magazine de mode Vogue a classé les tenues olympiques mongoles en tête de sa liste des meilleurs uniformes olympiques. Ce ressentiment positif écrasant venant de différentes parties du monde a transformé les tenues en l'un des sujets les plus discutés pendant la période précédant les Jeux olympiques.

Derrière ces uniformes célèbres dans la gloire de leurs créations sensationnelles se trouve une marque de mode mongole relativement peu connue, fondée par deux sœurs, Yanjindulam (Michel) et Nyamkhand (Amazonka) Chiogaalaa, en 2015. La marque est connue pour ajouter une touche moderne aux vêtements traditionnels mongols, une approche évidente dans les uniformes qui « expriment l'essence de la tradition et de la culture mongole sous une lumière contemporaine ».

Auparavant, la marque avait conçu et produit les tenues olympiques de la Mongolie pour les Jeux olympiques d'Hiver de Tokyo 2020 et les Jeux olympiques de Pékin 2022. Les tenues portées aux jeux de Tokyo ont également reçu des éloges, mais à une échelle beaucoup plus modeste et uniquement après que le public étranger les a vu lors de la cérémonie d'ouverture.

En contraste avec les éloges unanimes à l'étranger, la réaction initiale des Mongols aux tenues olympiques a été majoritairement négative. Les Mongols ont critiqué les designers Michel&Amazonka pour manque de créativité et les ont accusés d'avoir copié les vêtements du peuple Mandchoue, une minorité ethnique de Chine. Les critiques étaient si virulentes que la marque a réagi avec une vidéo dans laquelle l'un des fondateurs versa même des larmes en réponse à la haine du public.

Ci-dessous se trouve un poste sur Facebook critiquant la ressemblance des tenues au vêtement traditionnel du peuple Mandchoue en Chine.

Les explications des critiques résident dans l'histoire du pays. En 1691, la Mongolie tomba sous le contrôle de la Dynastie Qing dirigée par les Mandchous et resta soumise à la domination chinoise pendant plus de 200 ans, jusqu'à sa déclaration d'indépendance en 1911. Cette longue domination impériale a contribué à l'exploitation des ressources naturelles de la Mongolie, tenté d'assimiler la population locale à la culture chinoise et écrasé les tentatives pour regagner l'indépendance. Ces éléments de la culture mongole qui présentent des similitudes avec la culture mandchoue, à l'instar des tenues olympiques, servent de déclencheur pour les Mongols en leur rappelant l'héritage impérial et la période tragique de leur histoire.

Les éloges internationaux croissants réconfortent Michel&Amazonka et pourraient aider les Mongoliens à séparer les uniformes de leurs héritages historiques traumatisants et à apprécier leur beauté, qui a suscité l'admiration et l'intérêt pour leur pays.

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Ouzbékistan : est-ce la fin du travail forcé dans l’industrie cotonnière ?https://fr.globalvoices.org/?p=290994http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241008_172205_Ouzbekistan___est-ce_la_fin_du_travail_force_dans_l___industrie_cotonniere__Tue, 08 Oct 2024 15:22:05 +0000Certes, le travail forcé est éradiqué, mais d'autres problèmes demeurent

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une femme transportant du coton en Ouzbékistan. Capture d'écran de la vidéo « Uzbekistan: Forced Labor Linked to World Bank » (Ouzbékistan : le travail forcé lié à la Banque mondiale) de la chaîne YouTube de Human Right Watch. Utilisée avec permission

Le marché international a longtemps ignoré l'industrie cotonnière ouzbèke, autrefois synonyme de travail forcé. Les marques et fabricants occidentaux tels que Levi's, H&M et Adidas ont ignoré le secteur cotonnier du pays en raison de la pression constante des groupes de défense des droits de l'homme, ce qui a conduit à un boycott international du coton ouzbek [ang]. Cependant, en septembre 2024, deux ans seulement après la levée du boycott, l'Ouzbékistan a accueilli la plus grande convention textile annuelle au monde, la Fédération internationale des fabricants de textiles (ITMF).

Bien que le pays ait fait des progrès significatifs dans l’élimination du travail forcé et la transformation du secteur cotonnier, la motivation a été avant tout économique et politique. Le travail forcé avait une mauvaise influence sur les affaires et l’Ouzbékistan ne pouvait pas se positionner sur la scène internationale sans moderniser son industrie et l’éloigner de l’héritage de l’exploitation. La production de coton représente 12 pour cent du PIB du pays. D'un point de vue politique, le travail forcé a eu un effet néfaste sur l'image de l'Ouzbékistan à l'étranger, un problème que le gouvernement tente de corriger depuis 2016.

Mettre un terme à des années de pratique épuisante

Depuis le début des réformes en 2015, l'Ouzbékistan a libéré du travail forcé près de deux millions d'enfants et un demi-million d'adultes, selon l'Organisation internationale du Travail (OIT). Le pays a également développé une industrie textile verticalement intégrée, libéralisé les marchés et est passé de l'exportation de coton brut à l'exportation de produits textiles à valeur ajoutée.

Ce progrès est remarquable étant donné qu’il y a quelques années à peine, l’Ouzbékistan se vantait d’un passé tristement célèbre de travail forcé généralisé et profondément ancré dans son économie et sa société. Cette pratique de longue date a commencé [ang] lorsque l'Ouzbékistan faisait partie de l'Union soviétique et était l'un des plus grands producteurs de coton du bloc. La dépendance de l'industrie cotonnière au travail forcé a contraint des millions de personnes, y compris des enfants, à cueillir du coton pour respecter les quotas gouvernementaux.

Vous trouverez ci-dessous une vidéo YouTube sur le travail forcé dans l’industrie cotonnière de l’Ouzbékistan.

Pire encore, jusqu’en 2020, le monopole d’État du coton en Ouzbékistan a forcé les autorités locales à mobiliser les travailleurs et les agriculteurs à vendre le coton à des prix réglementés par l’État et artificiellement bas [ang, pdf, 513 КB], concentrant ainsi les profits entre une petite élite.

Esmira, trente ans, originaire de Samarcande, se souvient avec une certaine nostalgie du temps passé dans les champs. Elle se souvient de la camaraderie avec ses collègues de classe, des blagues et des soirées discothèques après une longue journée dans les champs.

Elle n’oublie cependant pas de mentionner à quel point le travail était éreintant.

I cried for the first few days because I was from the city and didn’t know how to pick cotton. My hands were in pain.

Eventually, I got the hang of it, but it was still backbreaking work. We had a quota of 50 kilograms a day. I would mix soil with the cotton in my sack just to make sure I wasn’t under.

J’ai pleuré les premiers jours parce que j’étais une citadine et je ne savais pas cueillir le coton. J'ai mal aux mains.

Je m'y suis enfin habitué, mais c'était quand même un travail épuisant. Nous avions une norme de 50 kilogrammes par jour. J'ai mélangé la terre avec le coton de mon sac, juste pour être sûr d'en avoir la bonne quantité.

Transformation de l'industrie

Depuis 2017, le gouvernement a mené des réformes à grande [ang] échelle visant à moderniser l'industrie cotonnière de l'Ouzbékistan. C'est ce qu'a fait l'actuel Président Shavkat Mirziyoyev, arrivé au pouvoir à l'automne 2016 après la mort du premier président coriace de l'Ouzbékistan, Islam Karimov. En 2018, des inspections du travail plus strictes ont été introduites et un système de clusters cotonniers a commencé à prendre forme – des entreprises verticalement intégrées gérant l’ensemble de la chaîne de production, de l’agriculture à la production de fils, de tissus et de vêtements.

Aujourd'hui, presque tout le coton d'Ouzbékistan est produit à travers 142 clusters [ang]. En 2020, les quotas sur le coton ont été abolis [ang] et le salaire minimum a été déterminé par le gouvernement en coopération avec les syndicats et les employeurs. La même année, l’OIT a rapporté [ang] que le travail systémique des enfants avait été éradiqué et ne constituait plus un problème grave. Le boycott a été levé en 2022.

Vous trouverez ci-dessous une vidéo YouTube sur le nouveau système de clusters et d'autres changements dans l'industrie cotonnière.

L'éradication du travail forcé a été saluée comme « l'une des victoires les plus importantes au monde dans la lutte contre le travail forcé au 21e siècle », a déclaré Bennett Freeman [ang], co-fondateur de la Campagne coton, en 2022. Cette réalisation a été rendue possible grâce au dévouement des militants des droits de l'homme en Ouzbékistan et d'organisations telles que le Forum ouzbek pour les droits de l'homme [ang], qui ont surveillé les champs de coton et identifié les violations, ainsi qu'à la réponse rapide du gouvernement aux rapports des observateurs.

Ces changements vertigineux ont été reconnus par les intervenants de la conférence annuelle de la Fédération internationale des fabricants de textiles (ITMF).

Dans une interview, Abou Youssef, directeur du programme Better Work en Ouzbékistan, un projet conjoint de l'OIT et de la Société financière internationale (IFC), a noté que les changements époustouflants survenus dans le secteur cotonnier de l'Ouzbékistan sont également dus à un changement de mentalité.

Based on my discussions with industry leaders and our colleagues in the government, there has been a clear shift in mindset, along with efforts to diversify export potential. They are committed to compliance and have demonstrated that commitment in their collaborations.

D’après mes discussions avec les dirigeants de l’industrie et nos collègues du gouvernement, il y a eu un net changement de mentalité parallèlement aux efforts visant à diversifier le potentiel d’exportation. Ils sont prêts à faire des concessions et à coopérer volontiers.

Violations des droits, persécution des militants et contrôle de l'État

Malgré les progrès réalisés dans la filière cotonnière en Ouzbékistan, la situation reste difficile. Bien que le travail forcé ait été largement éradiqué, des problèmes tels que les violations des droits du travail, la répression des travailleurs et l'intimidation des défenseurs des droits humains demeurent. En avril 2024, deux éminentes militantes des droits du travail, directrice et fondatrice du Forum ouzbek pour les droits de l'homme, Oumida Niyazova et Sharifa Madrakhimova, ont été harcelées par des inconnus qui tentaient de contrecarrer leurs efforts de surveillance des conditions de travail.

Les choses ne sont pas faciles avec les droits du travail [ang]. Les abus de contrats et les tentatives de suppression du syndicalisme sont des pratiques qui compromettent les objectifs de la réforme du secteur cotonnier.

Youssef reconnaît les progrès réalisés.

Through the reforms since 2017, Uzbekistan has opened its market to the West, allowing the industry and farmers more autonomy in dealing with business actors. This is a significant change from before, where the government controlled everything. Now, businesses themselves take ownership in working with their partners in the local market.

Grâce aux réformes depuis 2017, l'Ouzbékistan a ouvert son marché à l'Occident, donnant à l'industrie et aux agriculteurs plus d'autonomie dans leurs relations avec les entreprises. Il s’agit d’un changement important par rapport à avant, lorsque le gouvernement contrôlait tout. Maintenant, les entreprises elles-mêmes assument la responsabilité de travailler avec des partenaires sur le marché local.

Malgré la fin du travail forcé, le gouvernement continue de contrôler étroitement la production de coton, empêchant les agriculteurs de travailler entièrement selon leurs propres conditions. Bien que les agriculteurs reçoivent des intrants et du crédit, le système est inefficace et les prix du coton fixés par le gouvernement s'écartent souvent des prix mondiaux [ang]. Un décret présidentiel de 2023 a donné aux agriculteurs un choix limité pour vendre leurs excédents de coton sur le marché, mais il n’existe pas encore de véritable liberté de marché. En 2024, malgré les promesses de réforme, le gouvernement a de nouveau fixé des prix minimums pour le coton sur la base des taux de change mondiaux, de fait ainsi l’ancien système.

Alors que le gouvernement et l’industrie continuent de faire pression pour une conformité internationale et un potentiel d’exportation diversifié, le moment est venu de s’attaquer aux problèmes de longue date pour garantir une plus grande confiance et une plus grande transparence.

Les réalisations du gouvernement dans la réforme de l'industrie cotonnière jusqu'à présent ont été remarquables, mais il est désormais nécessaire de maintenir le niveau atteint. Les cas de harcèlement doivent faire l’objet d’une enquête rapide et approfondie, et les autorités doivent s’engager publiquement à exercer une surveillance indépendante des pratiques de travail.

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Indignation suite à une attaque du député sénégalais et régional, Guy Marius Sagna au Togohttps://fr.globalvoices.org/?p=290916http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241008_155944_Indignation_suite_a_une_attaque_du_depute_senegalais_et_regional__Guy_Marius_Sagna_au_TogoTue, 08 Oct 2024 13:59:44 +0000Le clan Gnassingbé se maintient au pouvoir depuis 1967

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Guy Marius Sagna, député sénégalais et parlementaire de la CEDEAO ; capture d'écran de la chaîne YouTube de RFI

Un député sénégalais et de la CEDEAO en mission au Togo est agressé suite à une rencontre organisée par un parti d'opposition dans un Togo qui tolère de moins en moins toute forme de critique publique.

Contexte togolais de la tenue des réunions publiques

Bien que la constitution togolaise, modifiée en août 2024, consacre en ses textes la jouissance des droits et libertés fondamentales à tous les Togolais, une autre loi fixant les conditions d'exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques publiques restreint cette liberté fondamentale. L'article 6 de cette loi sur la liberté de manifestation stipule que les organisateurs doivent informer l'autorité territoriale au préalable et recevoir l'accord favorable de l'autorité compétente. Mais comme l'explique l'article 8, certaines restrictions peuvent s'appliquer:

L'autorité administrative compétente ne peut prononcer l'ajournement ou l'interdiction d'une réunion ou d'une manifestation publique organisée dans un lieu privé que lorsque celle-ci est susceptible de troubler l'ordre public. La décision d'ajournement ou d'interdiction ne peut être prise que si l'autorité administrative compétente et les organisateurs de la réunion ou de la manifestation n'ont pas trouvé ensemble, dans le cadre de discussions préalables, des moyens adéquats pour éviter ces éventuels troubles à l'ordre public.

Pour le classement de Reporters sans frontières en 2024, le Togo occupe la 113ème position sur 180 pays en matière de liberté d'expression. En effet, la tenue des réunions et manifestations pacifiques publiques fait très souvent l'objet de restrictions et de répression de la part des forces de l'ordre. Le dernier exemple est l’ interdiction du front “Touche pas à ma constitution” (un regroupement mis en place pour empêcher la révision de la constitution) en date du 9 août 2024.

Mais toutes ces restrictions n'empêchent pas les acteurs politiques de l'opposition et de la société civile de manifester. De plus, cette situation d'abus de droits fait aussi l'objet de critiques au niveau africain. En témoigne cette ordonnance de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples d'avril 2024 qui épingle le Togo pour la restriction imposée aux manifestations en mars 2024 alors que l'Assemblée nationale adopte le projet de loi de révision constitutionnelle qui place aujourd'hui le Togo sous un régime parlementaire. Bien avant l'adoption de cette nouvelle constitution, le Togo était sous un régime présidentiel et la population avait la possibilité de choisir librement son président pour un mandat de cinq ans. Désormais, le président de la République togolaise sera choisi par le Parlement pour un mandat unique de six ans.

Agression d'un député étranger au Togo

C'est dans ce contexte de bras de fer entre les autorités du pouvoir en place et l'opposition que s'est tenu le 29 septembre 2024 une réunion du parti politique togolais Convention démocratique des peuples africains (CDPA). En mission avec le parlement de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en terre togolaise, Guy Marius Sagna, député du parti Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (PASTEF), parti au pouvoir au Sénégal, a pris part à cette réunion.

Lire: Le député sénégalais Guy Marius Sagna se fait le porte voix des populations devant le parlement de la CEDEAO

Durant cette réunion Guy Marius Sagan et une vingtaine de Togolais (militants du parti et journalistes) sont agressés par une milice. Les informations recueillies par le Collectif des associations contre l'impunité au Togo (CACIT), une organisation de la société civile togolaise indiquent que:

(…)des individus qui manifestement se trouvaient dans l’assemblée ont soudainement surgi et exercé une violence sanglante sur les personnes présentes. Ils auraient notamment fait usage de coups de poings, de chaises, de briques et de pavés dans cette manœuvre déplorable qui a porté atteinte à l’intégrité physique de plusieurs personnes dont les honorables Guy Marius Sagna et Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, secrétaire générale du parti CDPA

Un article de Tv5monde cite la police nationale togolaise, qui indique que le député sénégalais a été notifié du caractère illégal de ladite réunion. L'article rapporte que:

La police nationale togolaise a assuré (…) travailler étroitement avec les autorités judiciaires (…) pour faire toute la lumière sur les actes qui se sont produits. (…) Guy Marius Sagna avait été avisé de l'interdiction de la réunion projetée” et qu'il avait “été dûment informé des risques que comportaient ces activités (…) en violation des lois en vigueur au Togo.

Dans la nuit de l'incident, Yawa Kouigan, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement réagit au micro de RFI. Dans son intervention elle dit :

Il y a (…) beaucoup de mauvaise foi, parce que le Togo est un pays de paix, de quiétude. Les circonstances déplorables dont nous parlons ne doivent pas nous amener à apporter des accusations gratuites (…) Je pense d'autant moins qu'on devrait pointer un doigt accusateur sur le Togo et sur ses autorités que la la liberté de réunion, la liberté d'expression, ne sont pas en question.

Vague d'indignation

Plusieurs réactions et commentaires inondent la toile dans les heures qui suivent cette agression. Déjà dans la soirée du 29 septembre 2024, Nathaniel Olympio, acteur politique togolais alerte le public sur son compte X(ex-Twitter):

Des commentaires sous le tweet de Nathaniel Olympio condamnent ces actes de violence. Pour la majorité, le régime en place depuis 1967 et dirigé par le clan Gnassingbé: feu Gnassingbé Eyadema (1967-2005) et Faure Gnassingbé (depuis 2005), manifeste la peur de voir un changement qui ne serait pas en sa faveur. C'est le cas d'un compte X  au nom de ChicVoisin qui écrit:

Lire notre cahier spécial:

Un autre compte dénommé Palace ajoute:

David Dosseh, porte-parole du front citoyen Togo Debout, présent au moment de l'incident indique au micro de Radio France Internationale (RFI):

C'est une espèce de sentiment de honte qu'un étranger, un frère sénégalais puisse subir autant de violences. Cela démontre qu'une fois encore au Togo, la violence est instrumentalisée par le pouvoir pour empêcher les gens de se réunir et pour empêcher les gens de s'exprimer.

Le parlement de la CEDEAO  condamne aussi l'incident subi par son parlementaire le 29 septembre à Lomé. Il dit:

Le Parlement de la CEDEAO rassure l’opinion qu’il suit de près les mesures prises par les autorités togolaises pour garantir la sécurité du député et les autres dispositions nécessaires dans de telles circonstances

Le Sénégal, de son côté, exige des autorités togolaises l'ouverture d'une enquête pour élucider l'affaire afin que les commanditaires soient traduits en justice.

Plusieurs sites d'informations de la sous-région ouest africaine ont publiés des articles sur cet évènement malheureux qui n'honorent pas les principes fondamentaux de la CEDEAO ainsi que son parlement. RFI a consacré un article “colère et indignation après l’agression de Guy Marius Sagna” qui synthétise les publications des différents médias africains.

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Les mots ont la parole: Épisode #17https://fr.globalvoices.org/?p=290993http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241008_143045_Les_mots_ont_la_parole__Episode__17Tue, 08 Oct 2024 12:30:45 +0000Au Cameroun, “j’ai envie de tchop” veut dire “j’ai envie de manger”.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran du clip de la chanson “Tchop” de Keblack sur YouTube

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens. Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Маршрутка: en russe, ce mot, prononcé ‘marchroutka’ fait référence à un système de taxi collectif mis en place à l'époque soviétique et qui survit dans plusieurs pays de l’espace post-soviétique, que ce soit en Ukraine ou en Asie Centrale.

Ce terme vient de deux mots français: “marche” et “route” – à travers l’allemand pour la version russophone – et renvoie au déplacement d’un objet entre son point de départ et d’arrivée. Dans le contexte soviétique et post-soviétique, ces minibus pouvant transporter une vingtaine de personnes assises et tout autant debout attendent d'être pleins avant de partir sur un itinéraire connu de tous, et s'arrêtent sur indication des voyageurs qui paient leur trajet en transmettant la somme aux autres passagers installés devant eux.

La marchroutka est un symbole de longs déplacements, souvent dans des conditions peu confortables (froid, longue attente,passagers trop nombreux qui se disputent) et souvent en musique (selon le choix du chauffeur) et reste une expérience de vie partagée par de nombreux pays de l’ex-Union Soviétique qui conservent ce mot en russe dans leurs langues sans le traduire. Ce court-métrage kazakh illustre bien le fonctionnement des marchroutkas qui circulent aussi à la campagne et dans les villages proches des grandes villes:

Batom, au pluriel batons: signifie “rouge-à-lèvres”, mais vient du mot français “bâton” (“pau” en portugais), en référence à sa forme. Il se prononce presque de la même manière qu’en français, malgré la lettre “m” à la fin, car en portugais on nasalise les “n” ou les “m” qui suivent une voyelle.

Le portugais a importé plusieurs mots français du monde de la mode et des produits de beauté. Par exemple, en portugais “maquillage” est devenu “maquiagem”, et “boutique” est devenu “butique”. Le terme est entré dans la culture populaire et dans des chansons qui portent ce nom. “Batom” est aussi le nom d’un chocolat populaire, dont la forme et la taille rappellent celles d'un rouge à lèvres, de la marque “garoto” (qui signifie “gamin”).

Tchop : au Cameroun, ce mot est une expression argotique utilisée dans le langage de la rue comme substantif ou verbe pour parler de la nourriture ou de l'action de manger. Mais il a aussi un second sens qui renvoie à la mauvaise humeur d’une personne. Cet article du site Black Square donne quelques exemples de l’usage du terme “Tchop”:

J’ai envie de tchop = j’ai envie de manger. Quand le professeur parle, ça me tchop = Quand le professeur parle, ça m’énerve.

L’expression se retrouve parmi plusieurs mots adoptés par le Camfranglais qui est une des langues créoles du Cameroun, à l’instar de “Nouchi” parlé en Côte d’Ivoire. Issu du milieu estudiantin de Yaoundé, le Camfranglais est parlé dans tout le Cameroun. Keblack, artiste français d’origine congolaise, a utilisé “Tchop” comme le titre de l’une de ses chansons à succès dans laquelle il parle de sa mauvaise humeur suite à une aventure amoureuse qui a mal tourné. Ici, la vidéo du titre “Tchop” de Keblack:

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org

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Un écolier japonais tué en Chine, ce qui suscite des inquiétudes quant à la montée de la xénophobiehttps://fr.globalvoices.org/?p=290650http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241002_193509_Un_ecolier_japonais_tue_en_Chine__ce_qui_suscite_des_inquietudes_quant_a_la_montee_de_la_xenophobieWed, 02 Oct 2024 17:35:09 +0000Il a été tué le jour de l'anniversaire de l'incident de Muken.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des habitants de Shenzhen et de Hong Kong ont offert des fleurs près de l'école japonaise pour pleurer la mort de l'écolier. La note jointe à la fleur disait : « Je suis désolé : Je suis désolé ». Image fournie par un dénonciateur de l'actualité de la Chine continentale, Teacher Li. Domaine public.

Le 18 septembre 2024, 93e anniversaire de l’incident de Muken – une opération sous fausse bannière qui a servi de prétexte à l'invasion de la Chine par le Japon en 1931 – un écolier japonais de 10 ans a été poignardé par un homme de 44 ans près d'une école internationale japonaise à Shenzhen, une ville du sud de la Chine et une plaque tournante pour les entreprises technologiques. L'enfant a succombé à ses blessures.

Il s'agit de la deuxième attaque visant des écoliers japonais en Chine. La dernière attaque, qui a eu lieu à Suzhou le 24 juin, a entraîné la mort d'une accompagnatrice de bus chinoise qui tentait d'empêcher l'agresseur de s'en prendre à une mère et à son enfant japonais blessés.

En juin dernier, de nombreuses personnes ont accusé la propagation d'un sentiment antijaponais alimenté par un nationalisme chinois extrême d'avoir incité à l'hostilité envers les Japonais. Bien que le porte-parole du ministre chinois des Affaires étrangères ait affirmé que cet acte de violence était un cas « isolé », les censeurs du gouvernement chinois ont exigé des plateformes de médias sociaux en ligne qu'elles suppriment les commentaires antijaponais. Sina Weibo aurait suspendu 36 comptes d'utilisateurs et supprimé 759 messages qui propageaient un sentiment nationaliste extrême, encourageaient la haine et applaudissaient des actes criminels.

Pourtant, trois mois plus tard, le deuxième attentat a eu lieu. Le fait que cet attentat ait eu lieu lors d'une journée politiquement sensible, chargée d'un sentiment nationaliste, n'a fait que prouver que la violence à l'encontre des Japonais n'était pas un problème isolé, mais plus probablement des crimes de haine motivés par un sentiment collectif.

Les expatriés  japonais vivants en Chine sont en état de choc et s'inquiètent pour leur sécurité. Dans un courriel envoyé aux citoyens japonais résidant en Chine, le consulat du Japon a exhorté ses ressortissants à faire attention à leur environnement et à protéger leur sécurité. Les écoles japonaises de Pékin et de Guangzhou ont également demandé à leurs élèves de ne pas parler japonais en public et de ne pas s'aventurer dans les rues.

Le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, a qualifié l'attaque de « crime abject » et a exhorté la Chine à protéger les Japonais dans le pays et à révéler les détails de l'enquête. Toutefois, les médias de Chine continentale ont minimisé l'importance de la nouvelle. Sur Weibo, les censeurs ont également supprimé les commentaires et les hashtags concernant les attaques et ont empêché le sujet d'apparaître dans la liste des sujets d'actualité.

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a exprimé ses « regrets et sa tristesse » face à cet incident, tout en soulignant qu'il ne s'agissait que d'un nouveau crime isolé.

Lorsque la nouvelle de la mort de l'écolier s'est répandue sur les médias sociaux, certains utilisateurs de Weibo n'ont pas pu réprimer leur colère et se sont élevés contre la montée du nationalisme extrême en Chine. Un blogueur spécialisé dans les technologies de l'information, par exemple, a déclaré :

深圳10岁的日本男童被刺后,最终身亡!这就是这些年来,煽动民粹,盲目排外的后果。在网络空间,稍微有点理性的声音就会被禁言噤声,而那些宣扬极端民族主义的却大行其道……

养蛊必被反噬,大家都会是受害者…… 

À Shenzhen, un jeune Japonais de 10 ans a été poignardé et a fini par mourir ! C'est le résultat de l'incitation au populisme et à la xénophobie. Dans le cyberespace, la moindre voix de raison est bannie et réduite au silence, tandis que les promoteurs de l'ultranationalisme prospèrent ……
L'augmentation du Gu se retournera contre nous et tout le monde en sera victime ……

Le gu, qui désignait à l'origine la magie noire utilisant des insectes venimeux pour manipuler les individus, désigne aujourd'hui les idéologies toxiques et la propagande qui induit les gens en erreur.

L'histoire anti-japonaise en Chine

Bien que le sentiment antijaponais en Chine soit enraciné dans des conflits historiques, en particulier l'invasion japonaise de la Chine pendant la Seconde Guerre mondiale, il a connu une résurgence au cours de la dernière décennie, en grande partie en raison d'un flot de films et de drames antijaponais et de la montée du nationalisme en ligne qui répand l'hostilité et les théories de conspiration ciblant le peuple japonais. Ces dernières années, le conflit territorial sur les îles Diaoyu ou Senkaku et le déversement d'eau radioactive traitée provenant de Fukushima ont encore intensifié l'animosité des nationalistes chinois à l'égard du Japon.

Le fait que des écoles japonaises en Chine aient été attaquées peut être lié à un discours qui circule et qui qualifie les écoles japonaises de « concession » (租界), car ces écoles sont créées pour les enfants japonais résidant en Chine. Bien que de nombreuses personnes aient tenté de préciser que les écoles japonaises ne sont pas différentes des autres écoles étrangères, l'argument de la concession continue de circuler et a donné lieu à des théories conspirationnistes selon lesquelles les élèves sont formés à l'espionnage. Voici un post xénophobe sur Weibo qui propage une telle conspiration :

#日本无条件投降79周年#年轻的倭寇在中国烧杀抢掠后逃回日本,变老后又斗志昂扬进入中国大地养老,同时日租界学校在卖国贼团伙成员的扶持下,如雨后春笋遍地开花,从小就生活在完全中式的生活环境,学习我们的方言,熟悉我们的生活方式,之后就被投放华夏各地等待被激活。所谓的中日友好只不过是卖国贼团伙成员单方面的意淫罢了!倭寇自始至终都没有说出投降的字眼,人家只不过是打不过迫不得已下暂时的停战诏书而已!中国人何时才能觉醒

#79e anniversaire de la capitulation inconditionnelle du Japon. Les jeunes envahisseurs japonais sont rentrés au Japon après avoir brûlé, pillé et saccagé la Chine, puis sont entrés sur le territoire chinois pour y prendre leur retraite, tandis que des écoles de concession japonaises fleurissaient un peu partout avec le soutien des traîtres. [Les étudiants japonais] vivent dans un environnement entièrement chinois depuis leur enfance, apprennent notre dialecte et se familiarisent avec notre mode de vie, puis ils sont placés dans différentes régions chinoises, attendant d'être activés. La soi-disant amitié sino-japonaise n'est rien d'autre que la masturbation unilatérale des traîtres ! Les Japonais n'ont jamais prononcé le mot « reddition », ils ont seulement été contraints de suspendre la guerre parce qu'ils étaient battus. Quand le peuple chinois apprendra-t-il ?

Le 15 août 1945, l'empereur du Japon a signé un document mettant fin à la guerre sans condition. Sous le hashtag #79thAnniversaryOfJapan'sUnconditionalSurrender (#日本无条件投降79周年#), qui a été utilisé sur plus de 33 000 messages, les nationalistes chinois en ligne ont commémoré cette date avec des souvenirs de guerre et ont accusé le Japon de refuser de réfléchir et de s'excuser. Ce type de hashtags sert également d'agrégateur de discours haineux antijaponais.

Sur Weibo, en réaction à l'agression au couteau de Shenzhen, de nombreuses personnes ont condamné ce crime haineux et quelques-unes se sont élevées contre l'éducation et la propagande patriotiques du pays. Un utilisateur de Weibo a déclaré

看见深圳10岁日本小男孩被国人杀害的新闻了 我发的这句话懂了吗 ?!在仇恨教育下继续繁衍战狼们吧 这是你们想要的结果吗 离愚昧和蛮荒更近 文明逐渐远去

Lisez la nouvelle du meurtre d'un garçon japonais de 10 ans par un ressortissant de notre pays. Permettez-moi de dire ceci : des guerriers-loups élevés dans une éducation à la haine, vous voulez un tel résultat ? [Nous nous rapprochons de l'ignorance et de la barbarie et la civilisation s'éloigne.

Un autre affirme :

这十几年天天在各大卫视给本就教育程度极低的民众播放抗日神剧,再加上抖音快手毫不控制的极端民族主义宣传,不发癫才怪。 ​

Un tel engouement est inévitable. Au cours de la dernière décennie, des dramatiques antijaponaises ont été diffusées quotidiennement sur les grandes chaînes de télévision à l'intention d'une population déjà peu éduquée, auxquelles s'ajoute la propagande ultranationaliste incontrôlée diffusée sur Douyin [la version chinoise de TikTok] et Kuaishou [une autre plateforme de vidéos courtes].

Les internautes chinois ont découvert que Kuaishou contenait plus de 200 vidéos prônant la démolition des écoles japonaises en Chine. Le 21 septembre, trois jours après le meurtre dans la rue, la plateforme a supprimé 90 comptes d'utilisateurs qui diffusaient des contenus haineux à l'encontre des Japonais.

Dans le même temps, les commentaires de sang-froid ne sont pas rares et continuent d'apparaître sur les médias sociaux, même si les administrateurs de la plateforme sont intervenus pour les supprimer. Voici quelques exemples typiques :

日本需要反思了,为什么就针对他们

Le Japon devrait se demander pourquoi il est visé ?

太危险了,小日本应该全回日本去

C'est trop dangereux. Le petit Japon [terme péjoratif désignant les Japonais] devrait retourner au Japon.

死就死了呗,凶手也被抓了还能怎样

La mort c'est la mort, le meurtrier a été arrêté. Que pouvons-nous faire de plus ?

Bien que le gouvernement chinois ait tenté d'étouffer la montée d'un nationalisme extrême sous la forme de manifestations antijaponaises en 2012 et en 2005, le sentiment xénophobe continue de hanter le pays. Un utilisateur de Weibo basé au Canada a souligné le danger d'une explosion xénophobe en période de récession économique :

几十年来煽动民粹加上近年来的经济发展社会环境的恶化,注定会不断出现底层人的恶性犯罪事件。吉林袭击美国人,苏州袭击日本学校,深圳又来针对日本学校。有钱的时候底层人民好骗又好控制,没钱的时候根本就没办法预测其行为。历史经常在这样的处境下发生意外的转折。 ​

Des décennies de fomentation du populisme couplées à la détérioration du développement économique et social, les crimes vicieux commis par les classes défavorisées sont inévitables. Les Américains ont attaqué à Jilin, l'école japonaise a été attaquée à Suzhou, puis à Shenzhen. Lorsqu'il y a de l'argent, les gens de la base sont faciles à tromper et à contrôler ; lorsqu'il n'y a pas d'argent, il n'y a aucun moyen de prédire leur comportement. Dans de telles situations, l'histoire prend souvent des tournures inattendues.

À Shenzhen, de nombreux citoyens ont déposé des fleurs devant l'école japonaise pour pleurer la mort de l'écolier. Le consulat du Japon a déclaré avoir reçu plus de 1 000 bouquets de fleurs. Certains Chinois d'outre-mer ont cosigné une déclaration exprimant leurs regrets pour l'incident et critiquant l'éducation antijaponaise pour incitation à la haine.

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Béryl en Jamaïque, la couleur de la merhttps://fr.globalvoices.org/?p=290776http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241001_005747_Beryl_en_Jamaique__la_couleur_de_la_merMon, 30 Sep 2024 22:57:47 +0000Avant, pendant et après

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une tempête effroyable

Image principale créée à l'aide d'éléments de Canva Pro elements.

L'article suivant a été initialement publié par une collaboratrice de Global Voices Emma Lewis sur Substack. Une version éditée a été republiée ici avec permission. 

Un Beryl est un minéral translucide plutôt charmant. Parfois vert, parfois bleu, parfois doré ou rose.

Beryl est un prénom anglais désuet, inspiré de la pierre précieuse mentionnée ci-dessus. L’origine du nom vient apparemment du mot grec « beryllos » qui signifie « couleur de la mer ».

Béryl est également le nom de la seconde tempête dans la  saison des ouragans 2024 .

L'attente d'un ouragan est toujours difficile. ( veuillez consulter la description parfaite de mon amie Diana McCaulay , et ses pensées sur  l'origine de tout ce chaos, ici). Mon mari et moi étions complètement épuisés par le  COVID               (apparemment, contractés pendant nos voyages) et complètement épuisés au point que cette période est un peu floue.

La Période d'Attente d'Un Ouragan est généralement d'un jour ou deux de  grande vigilance, de doutes, d'incertitudes, en observant les cartes de l'ouragan et les « cônes » de trajectoire prévue du cyclone émis par le  Centre National des Ouragans  en Floride; les responsables gouvernementaux parlant de préparation, de nombreux abris et de numéros d'urgence , notre  Premier Ministre Andrew Holness  avec sa voix sévère de « Dunkirk » l'lorsqu'il est devenu évident que le Béryl allait nous frapper tôt ou tard et débâtant pour savoir s'il fallait se risquer dans la frénésie des courses pré-tempêtes qui ont eu lieu dans les quartiers relativement aisés de la ville. J'entends qu'il y a eu des batailles pour des pains de brioches dès qu'ils ont  été mis sur les étagères.

Pendant le Béryl, nous étions reconnaissants pour les fixations cycloniques sur notre toit. Les chiens se sont abrités sur la véranda. Les arbres de notre cours ont été secoués et tordus par le vent, mais n'ont perdu aucune branche, juste quelques brindilles de bois et feuilles. Nos dernières mangues de Bombay sont tombées du haut de l'arbre et ont été bien reçues. Nous étions reconnaissants de ne pas avoir perdu l'électricité ni l'eau, alors que nous  nous y attendions.

La partie la plus douloureuse pour l'ile en général, c'est l'après-tempête. Cela est devenu de plus en plus évident que d'énormes dégâts ont été causés dans plusieurs régions du pays. De plus, peu après, nous avons eu une autre vague de pluie,  qui a encore aggravé les zones inondées  et entrainé l'effondrement des ponts et des routes.

Aujourd'hui nous avons eu un rayon de soleil pour la première fois. Pour ceux qui pensent que les ouragans sont incroyables, intéressants ,fascinants  (le Béryl a battu de nombreux records)  devrais-je vous rappeler que pour ceux qui sont en plain cœur de telles tempêtes ne  sont pas du même avis. Ils sont fatigants, fastidieux, souvent dangereux et déstabilisants , ces derniers poussent votre résistance à la limite. La dépression frappe de nombreux humains après une tempête dévastatrice.

Vous êtes fatigués avant , pendant et après.  J'ai juste essayé. Mes condoléances à ceux qui ont perdu ceux qu'ils aimaient  ( une femme âgée avait été emportée pendant la tempête et son corps a été retrouvé aujourd'hui.) Toutes mes sympathies à ceux qui doivent ramasser les morceaux physiques, mentaux et spirituels. Que l'aide arrive vite.

Pendant ce temps la saison des ouragans n'est qu'a ces débuts; après tout n'est « B » juste que la seconde lettre de l'alphabet . Nous sommes déjà fatigués et tristes . Souhaitez-nous bonne chance pour la suite …Nous pourrions en avoir besoin.

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La particularité des sonorités d’Afrique du Sud rappellent les traditions, la lutte et la résilience du payshttps://fr.globalvoices.org/?p=290489http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241001_005515_La_particularite_des_sonorites_d___Afrique_du_Sud_rappellent_les_traditions__la_lutte_et_la_resilience_du_paysMon, 30 Sep 2024 22:55:15 +0000La musique sud-africaine reflète l’héritage culturel complexe du pays

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Groupe musical Dizu Plaatjies & The Ibuyambo Ensemble. Image de Ninara de Flickr (CC BY 4.0 Deed).

[Sauf indication contraire tous les liens mènent vers des sites en anglais]

Du tempo entraînant du kwela [fr] au désormais phénoménal  amapiano [fr], l’Afrique du Sud [fr] possède un paysage musical riche qui comprend un kaléidoscope de genres, chacun étant une expression unique de l'identité multiforme du pays.

Les rythmes du pays ont transcendé les frontières, captivant les publics du monde entier avec leur mélange unique d'influences traditionnelles et modernes. Des artistes contemporains comme Ladysmith Black Mambazo [fr], Wouter Kellerman , Brenda Fassie [fr], Mandla Mofokeng , Seether [fr], Die Antwoord [fr], Jeremy Loops , Yvonne Chaka Chaka [fr], Lucky Dube [fr], Goldfish , Freshlyground [fr], Black Coffee , Anatii et Tyla [fr] ont consolidé la place de l'Afrique du Sud sur la scène musicale mondiale, fusionnant divers genres et repoussant les limites de la créativité.

Leur succès a non seulement mis en valeur le talent musical du pays, mais a également contribué à une meilleure compréhension et appréciation de son patrimoine culturel complexe.

Dans cet article, nous nous plongeons dans la riche histoire de certains sons uniques de l'Afrique du Sud avec Mtsotso Avela, un ingénieur du son passionné de musique sud-africaine, comme le montre sa chaîne TikTok . Voici une version abrégée de l'interview de Global Voices avec Avela.

Zita Zage (ZZ) : Parlez-nous de vous et pourquoi vous vous intéressez à la musique sud-africaine. 

Mtsotso Avela (MA) : Je suis un jeune professionnel sud-africain qui se considère comme un spécialiste du multimédia. J'ai une vaste expérience et des qualifications dans plusieurs domaines.

Je suis ingénieur du son, spécialiste du marketing numérique, manager d'artistes, présentateur radio, producteur de contenu et créateur. Je fais cela la plupart, sinon le tout , dans l'industrie des médias et du divertissement. Je suis ce qu'on peut appeler un entrepreneur numérique.

J'ai grandi dans l'est du pays, dans une ville appelée Queenstown [fr], le pays des Xhosa [fr], dont je fais partie, et c'est là que mon amour du divertissement s'est manifesté.

Au lycée, entre 2008 et 2012, j'étais le DJ de l'école. Nous organisions des événements et des journées civiques où je mettais en place le système et tous les groupes soumettaient leurs chansons avant la représentation. Aujourd'hui encore, je continue à faire cela en tant que compilateur de musique pour une émission que je présente sur la radio Sauma HD, une station en ligne qui diffuse 90 % d'artistes inconnus et de musique pop.

Je suis incroyablement passionné par ce que je fais et mon objectif ultime est d’avoir un impact dans l’industrie et d’apprendre continuellement.

ZZ : Pendant la lutte pour la liberté, quel genre musical a émergé et comment a-t-il influencé la lutte cette lutte ?

MA : L’un des genres musicaux qui a émergé était la musique kwela [fr] .

Il s'agit d'un genre musical qui a émergé au début des années 1950 dans les townships de Johannesburg.  Il utilise un instrument important, le  penny whistle [fr], qui est étranger ou d'origine non sud-africaine.

Ce genre musical n'était pas axé sur la protestation ou la lutte contre l'oppression. Il avait plutôt un rythme vif et optimiste qui rassemblait les gens. Il garantissait que tout le monde puisse passer un bon moment et se sentir inclus.

Le mot « kwela » vient des langues zoulou [fr] et xhosa [fr] et a deux significations : la traduction littérale est « grimper, monter, élever ou « monter à bord ».

Le terme fait également référence à la montée à bord des fourgons de la police locale, communément appelés « kwela-kwela ». Les musiciens de rue locaux qui se produisaient dans des shebeens [fr] étaient harcelés par la police et risquaient souvent d’être arrêtés en vertu de la loi de l’apartheid [fr] . Les jeunes hommes qui jouaient du sifflet à un sou aux coins des rues faisaient également office de guetteurs, criant souvent « Voici le kwela, kwela ! » pour avertir ces musiciens de l’arrivée du kwela. Les Blancs, ignorant la signification de kwela kwela, pensaient à tort qu’il faisait référence à la musique.

Un autre genre qui a émergé est le jazz africain :

Le jazz en Afrique du Sud a joué un rôle important en révélant au monde l'état du pays. Bien que je ne puisse pas vraiment donner une date précise de son émergence, on dit qu'il a commencé peu après la Première Guerre mondiale [fr], vers 1918, et cette introduction s'est faite via Cape Town [fr] .

Je peux affirmer avec certitude que le jazz a été utilisé comme un outil et une voix pour s'exprimer contre le gouvernement de l'apartheid. Même le groupe de musique Mahlathini et les Mahotella Queens , qui n'étaient pas ouvertement politiques, faisaient parfois allusion aux souffrances de l'apartheid ou louaient Nelson Mandela dans leurs chansons. Ainsi, de nombreux artistes de jazz ont dû s'exiler ou fait volontairement parce que la police voulait les arrêter pour avoir dénoncé l'apartheid . Par exemple, des artistes comme Chicco Twala , qui a écrit la chanson « Manelo » (en référence à Nelson Mandela ), ainsi que Brenda Fassie ou n'importe quel autre artiste, ne pouvaient pas mentionner le nom de Mandela dans leurs morceaux, car c'était criminel. Plusieurs chansons ont été interdites, notamment la chanson de Johnny Clegg et Savuka, Asimbonanga, dédiée à Mandela.

Et voici juste une chanson de jazz qui décrit les états d'alors :

Comme le dit la chanson : « Tu nous manques Manelo (Mandela). C'était à l'époque où il était en prison avec d'autres camarades et la musique a rendu le combat plus fort.

En mars 1960, le massacre de Sharpeville [fr], premier d’une série de petits soulèvements, eut lieu . Le gouvernement de l’apartheid augmenta considérablement la censure, ce qui entraîna la fermeture de tous les lieux et événements qui accueillaient ou employaient à la fois des personnes noires et blanches. Les rassemblements de plus de 10 personnes furent également déclarés illégaux. Il en résulta un exode massif de musiciens de jazz qui quittèrent l’Afrique du Sud à la recherche d’un emploi. Parmi eux se trouvaient le trompettiste Hugh Masekela [fr] et les chanteuses  Miriam Makeba [fr](surnommée « Mama Africa »), Letta Mbulu [fr] et Dorothy Masuka [fr] .

ZZ : À l’époque de Makeba, Masekela, comment les chansons de protestation ont-elles contribué à galvaniser le mouvement anti-apartheid ?

MA : Je vous suggère de regarder un film intitulé Sarafina [fr].  Il est disponible sur Netflix et DSTV, et de faire une recherche sur YouTube pour  Sarafina Broadway .

Quand j’étais enfant, j’ai grandi en écoutant cet enregistrement. De plus, regarder des films comme When We Were Black m’a donné une idée de la situation à l’époque. Sans avoir recours à la technologie, les jeunes de l’époque utilisaient leur voix pour se battre. Ce n’étaient pas seulement les jeunes qui se battaient, mais aussi les femmes qui étaient contre l’utilisation du dompass [fr] (le document utilisé pour faire respecter les lois de l’apartheid).

En juin 1976, lors du soulèvement de Soweto [fr], plus de 20 000 femmes de toutes origines ethniques ont défilé jusqu'aux Union Buildings de Pretoria pour présenter une pétition contre le port de laissez-passer par les femmes au Premier ministre, JG Strijdom. Les femmes ont chanté un chant de liberté : « Wathint’ abafazi wathint’ imbokodo » (« Tu frappes une femme, tu frappes une pierre »). Et des personnalités comme Lillian Ngoyi [fr], Helen Joseph [fr], Rahima Moosa [fr] et Sophia Williams-De Bruyn [fr] étaient en première ligne de la marche. Lors de toutes ces marches, elles chantaient haut et fort pour que tout le monde les entende et rejoigne le mouvement de libération.

Ces chansons n'étaient pas seulement chantées, mais elles étaient aussi un message et une direction ou un appel à l'action sur ce qui doit se passer à ce moment-là. « iGwijo » ou des chants qui disent « Une blessure à un est une blessure à tous » suggéraient que nous n'allions nulle part et que je me battrais. Une chanson : « Asiwafuni amagwala sifuna amaqabane ka Thambo, ka Mandela » (« Nous ne voulons pas de lâches, nous voulons des camarades d'OR Thambo et de Mandela et des héros de la lutte »).

ZZ : Quel genre musical est populaire actuellement et quel impact a-t-il eu sur l’industrie ?

MA : L’Amapiano est le plus populaire en ce moment.

Apparu au milieu des années 2010, l'amapiano est un sous-genre de musique kwaito [fr] et house [fr], mélangeant deep house, jazz, soul et musique lounge [fr]. Il se distingue par son utilisation de synthétiseurs, de larges lignes de basse percussives et du son de batterie distinctif lancé par MDU TRP .  L'essor du genre a vu des changements importants dans la scène musicale, illustrés par Major League DJz , qui sont passés du New Age Kwaito (NAK) à des artistes amapiano [fr] en tournée mondiale.

L'amapiano est devenu un phénomène, avec de nouveaux hits et des défis de danse qui émergent régulièrement et gagnent en popularité dans le monde entier. Par exemple, le défi de danse Tshwala Bam a vu la participation de célébrités comme Chris Brown [fr] et Jason Derulo [fr] :

@tresori_25 Chris brown dansant sur du rythme tshwala bam 🔥🔥🔥🔥 ——-.————————————-.————.———-#1111tour #chrisbrown #chrisbrownofficial #chrisbrownexclusives #chrisbrownworld#teambreezy #chrisbreezybrown #chrisbrownconcert #chrisbrowntiktok #chrisbrownfans #chrisbrownfanpage #chrisbreezy #teambreezy #chrisbrownvibes #chrisbrownvideos #rnbvibes #rnbmusic#teambreezy4life #breezyseason #breezyera #fyp #foryou #fypシ #viral #viralvideo #viraltiktok #foryoupage #f #explor #explorepage #foryou #foryourpage ♬ original sound – 𝕀𝕥’𝕤 𝕓𝕣𝕖𝕖𝕫𝕪

L'influence du genre est vaste, catapultant des artistes comme Tyla, qui est devenue une superstar mondiale quelques années seulement après la sortie d'une seule chanson :

 

Des tons provocants des chansons de protestation aux rythmes irrésistibles de l'amapiano, la musique sud-africaine témoigne de l'esprit indomptable du pays et de sa capacité durable à captiver le monde avec la créativité sans limites de son peuple.

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Australie : les journalistes grèvent pour de meilleurs salaires et conditions de travailhttps://fr.globalvoices.org/?p=290550http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241001_004905_Australie___les_journalistes_grevent_pour_de_meilleurs_salaires_et_conditions_de_travailMon, 30 Sep 2024 22:49:05 +0000Après cinq jours de grève, les journalistes ont obtenu un accord amélioré

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Les journalistes de Nine Publishing en grève

Les  journalistes de Nine Publishing  mettent fin à leur grève le 31 juillet après avoir obtenu gain de cause sur leurs revendications: meilleurs salaires, emploi stable et diversité dans les rédactions.  Capture d'écran  d'une vidéo YouTube de MEAA YouTube. Utilisée avec permission.

Des centaines de journalistes de  Nine Publishing en Australie ont terminé leur cinquième jour de grève et ont repris le travail le 31 juillet après que la direction ait acceptée de proposer une offre améliorée à ses employés. 

La grève a commencé le 26 juillet avec les membres du personnel du Sydney Morning Herald, the Age, Australian Financial Review, Brisbane Times et WAtoday organisant des rassemblements hors de leurs bureaux à Melbourne, Sydney, Brisbane et Perth. Ces journaux font partie de l'entreprise Nine.

Les représentants syndicaux et la direction de Nine Entertainment ont négocié depuis des mois pour avoir un accord salarial. Les principaux points de revendication incluent des augmentations de salaire « légèrement supérieurs à l'inflation  » notamment après le gel des salaires pendant la pandémie, des barèmes de rémunération transparente pour les travailleurs indépendants.

Les employés ont décidé de prendre une action industrielle à travers leur syndicat en réponse à « l'offre inadéquate » de la direction. Pendant les négociations, la direction a également annoncé que près de  90 postes seraient supprimés  dûs aux difficultés financières. Le syndicat a rappelé  à l'entreprise qu'« il n'y a pas de résultat financier solide sans une ligne de front journalistique solide ».

Les grévistes ont réclamé « des rémunérations équitables, des emplois stables, de la diversité dans les rédactions, des protections contre l'impacte de l'Intelligence artificielle (IA), de meilleurs droits pour les travailleurs indépendants, et la protection du journalisme ». La direction a exprimé une « profonde déception  » depuis que la grève a coïncidé avec la couverture des Jeux Olympiques de Paris et elle exhorte le syndicat de continuer avec la renégociation.

Après cinq jours de protestation et l'obtention de soutien de diverses parties prenantes, la grève s'est terminée par un accord entre la direction et les employés qui prévoit « des augmentations de salaire supérieures à l'inflation, une utilisation éthique de l'IA, un engagement a rapporté au travail, un accord pour négocier un contrat équitable pour les travailleurs indépendants ».

La directrice Michelle Rae de Media Entertainment and Art Alliance  a félicité les membres du syndicats pour leur engagement inébranlable à défendre leurs droits.

Nos membres devraient être fière du fait que leur solidarité envers les uns les autres et leur engagement à leur rôle de journalisme d'intérêt public ait permis d'obtenir ce résultat.

Ils ont pris position pour protéger le journalisme de qualité dans leurs médias et il est clair, grâce au soutien massif du public envers les journalistes pendant la grève, que les conseils d'administration des entreprises de médias doivent trouver un nouveau modèle économique.

Pendant la grève, le Comité de la Chambre de Guardian a exprimé sa solidarité avec les journalistes de Nine:

Les  journalistes avaient travaillé dur à travers une pandémie mondiale et une crise des prix de vies, dans une industrie qui est de plus en plus volatile. Cela est irresponsable et irrespectueux de punir les personnes mêmes dont l'entreprise dépend pour son succès au profit des actionnaires.

Le personnel de la Rédaction de Sydney Morning Herald a quitté son bureau au début de la grève:

Cette caricature illustre le soutien apporté par les journalistes collègues aux employés de Nine en grève.

Le syndicat travaillait simultanément à renforcer les protections pour écrivains free-lance et ils ont également rejoint la ligne de pique pour exiger de meilleurs salaires:

Les journalistes en grève ont utilisé le X (Twitter) hashtag  hashtag #Pas Touche Au Journalisme  pour partager l'information et obtenir du soutient sur les médias sociaux.

Tito Ambyo, vice co-président, a répondu aux critiques selon lesquelles la grève a affecté la couverture des Jeux Olympiques à Paris. Il a écrit sur Crikey:

Qu'est ce qui est le plus important: deux semaines de couverture sportive ou l'avenir d'une profession dédiée à informer le public et faire respecter la responsabilité des détenteurs de pouvoir?

Il est essentiel de rappeler que les journalistes n'ont aucune obligation morale de donner la priorité à leur audience par rapport à leurs conditions de travaille. Ils ont le droit de manifester et les manifestations sont censées être perturbatrices.

MEAA a célébré la réussite de la grève en affirmant que la campagne pour un journalisme de qualité continuera.

La grève et les négociations qui ont suivi reflètent un problème plus vaste dans de nombreux pays à écosystèmes médiatiques, il existe une tension entre la recherche du profit dans les rédactions, la garantie de salaires équitables et la protection pour les journalistes.

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Cinquante nuances de noir au Soudanhttps://fr.globalvoices.org/?p=290686http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241001_003450_Cinquante_nuances_de_noir_au_SoudanMon, 30 Sep 2024 22:34:50 +0000Explorer la riche diversité des couleurs de peau et des identités culturelles au Soudan

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

une main qui tien une calebasse avec du henné dessiné sur la main Cette article a été écrit par Weam Al bachir et a été initialement publié sur Raseef22 le 19 mars 2024. Une version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

J'ai récemment retrouvé une photo de moi bébé, et au dos, griffonnée de la main de mon père, se trouvaient les mots suivants : « Notre fille est bleue » : « Notre fille est bleue ». Il avait l'intention de l'envoyer à ses frères et sœurs au Soudan avec l'un des pèlerins revenant de la Mecque, accompagnée d'une lettre annonçant l'arrivée de sa nouvelle petite fille « bleue ».

Une personne naît blanche ou noire, avec quelques différences et variations. Certains privilèges sont attachés aux premiers, et des complications aux seconds. Les Arabes noirs ont encore des niveaux de citoyenneté inférieurs dans divers pays du Golfe et du Levant, stigmatisés comme le produit d'anciennes migrations africaines ou de descendants de serviteurs et d'esclaves.

Le peuple du Soudan, un pays africain avec diverses tribus et races mixtes, est considéré comme noir aux yeux du monde. Dans le dictionnaire, le nom du pays est devenu le pluriel du mot « noir » en arabe (« aswad »). Ironiquement, cependant, les Soudanais n'utilisent presque jamais le terme noir pour décrire la couleur de la peau!

Ils ne se réfèrent qu'aux aubergines comme noires, donc une version soudanaise du baba ghanoush est connue sous le nom de « salade noire. » En ce qui est de la couleur de la peau, le peuple soudanais présente cinquante nuances de noir.

Kaléidoscope des couleurs de peau du Soudan

Une personne soudanaise à la peau extrêmement claire est appelée « rouge, » une référence à la teinte rougeâtre parfois présente chez ceux qui ont la peau extrêmement claire. Parfois, ils sont aussi appelés « Halabi » en référence à la ville de Halab, arabe pour le  (« Alep »), descendants de communautés syriennes qui ont migré au Soudan dans les temps anciens. La description est générale, même si les origines diffèrent, et comprend les Soudanais d'origine égyptienne, ainsi que ceux à la peau claire et aux cheveux foncés.

Et puis il y a le Soudanais jaune, à ne pas confondre avec un signe de jaunisse! Cette étiquette fait référence à ceux dont la blancheur a une teinte de jaune; c'est le teint prédominant des habitants du Golfe. Cette couleur portait les privilèges mondiaux associés à la peau blanche et est conforme aux notions de beauté occidentales, par rapport aux « Halaibis, » en référence à la ville de Hala'ib. Les Soudanais « jaunes » sont considérés comme d'origine soudanaise plus pure.

Il y a aussi la couleur « vin » ou « blé », les nuances les plus claires de la peau brune. Au fur et à mesure que la mélanine augmente, la couleur de la peau d'une personne est appelée « vert. » Dans mon pays, la peau verte n'est pas seulement la couleur des extraterrestres et des plantes. Vous entendez souvent la blase, « sa verdure est rafraîchissante, » ce qui signifie que sa peau sombre est radieuse, comme un fruit mûr.

Et puis il y a le Soudanais « bleue », qui, contrairement aux schtroumpfs, ne sont pas bleus, mais plutôt noirs minuit, comme le ciel nocturne de Vincent van Gogh avec ses teintes bleues. Au Soudan, comme dans une grande partie du reste du monde, les personnes à la peau « bleue » sont soumises à certains privilèges, mais aussi à la discrimination et au racisme.

J'ai souvent entendu une personne « bleue » s'appeler abed, arabe pour « esclave, » un terme grossier semblable au mot n pour les Nord-Américains. J'entends également des commentaires silencieux remettent en question l'origine ethnique arabe d'une personne « bleue » analysant la forme de son nez, à quel point ses cheveux sont bouclés— des caractéristiques que certains soudanais considèrent comme des tests de génétique raciale précis.

Certains traient les Soudanais « bleus » à des tribus spécifiques et à des pays africains voisins dans le but de prouver l'arabisme pur. Les mariages interethniques, ou tout écart par rapport aux normes sociétales, sont rejetés et sont soumis à des remarques sarcastiques et silencieux: « Comment ont-ils pu épouser cet arabe? »

Echos de l'identité sociale

La société soudanaise s'accroche à l'arabisme et à la lignée présumée des anciens califes arabes. Interroger une personne soudanaise sur sa tribu est une référence sociétale commune, et il n'est pas surprenant pour un jeune homme instruit de chercher une épouse sans autres attributs que d'être « blanc aux cheveux longs. »

Soumises à des normes de beauté occidentales sévères et irréalistes, certaines filles ont recours à l'utilisation de médicaments à la cortisone. Ces médicaments réduisent la sécrétion de mélanine et provoquent une rétention d'eau dans le corps, ce qui les rend  « rafraîchissants. » Les produits blanchissants et exfoliants de la peau sont considérés comme des nécessités pour la plupart des filles en âge de se marier.

Mes deux parents sont considérés comme à la peau claire; mon frère aîné est de couleur blé et ma sœur est jaune. Cependant, je suis venu comme un écart par rapport à la génétique. Je suis « vert, » ou comme mon père l'a dit dans sa not envoyée, « bleue. »

Je dois mon amour de la couleur de ma peau à mes parents, et je déteste donc utiliser les filtres de beauté répandus sur les plateformes de médias sociaux.

Un jour, je suis rentré de l'école avec un bulletin mensuel de haut niveau à la main, pleurant parce que mon camarade de classe saoudien « jaune » m'a appelé abda en sortant de l'école. Ma mère m'a réconforté, m'assurant que la petite fille était jalouse de mon excellence académique, de mes beaux yeux, de mes sourcils fins et de mes longs cheveux.

J'ai grandi en croyant que j'étais belle. J'ai chéri mes cheveux et je ne les ai jamais coupé. Je vois mes yeux aussi beaux, bien que je n'aie jamais entendu ce compliment de la part de quelqu'un d'autre que ma mère. J'ai gardé mes sourcils minces en les modelant continuellement, et je refuse d'utiliser des produits blanchissants, ignorant les suggestions de mes proches.

Donc, je vois au-delà de ce que chaque entremetteur voit. Ou quel professeur d'université, qui insistait pour m'appeler « Chocolat » au lieu de mon vrai nom (j'ai souri à contrecœur et lui ai rappelé mon nom à chaque fois), ou ce qu'une passante en Egypte m'a dit un jour affectueusement, « mais vous avez tous un cœur blanc et beau », ce qui implique que cela pourrait compenser notre peau foncée.

Nous sommes tous plus profonds que la concentration de mélanine dans notre peau, et cela ne devrait en aucun cas déterminer notre privilège ou notre infériorité.

Je ne prétends pas comprendre pleinement les préjugés sévères et la classification raciale auxquels les Soudanais « blues » ont été confrontés en tant que minorité noire dans un pays du Golfe, ou enfant « vert » pour des parents « jaunes », m'a donné une vision et une conviction qui, je l'espère, aideront à surmonter les stigmates improductifs.

Et j'espère qu'après nous nous être remis de cette guerre, que nous nous nettoyons de l'héritage des privilèges raciaux et tribaux que le régime précédent promouvait, permettant l'extermination des tribus de l'ouest et du sud du soudan. Parfois, j'ai l'impression que les autorités de khartoum paient le prix de son silence sur les événements au Darfour, tandis que le monde regarde en silence. De plus, les citoyens ordinaires souffrent le plus, subissant de graves répercussions des troubles intérieurs et de l'examen international.

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Un activiste indigène montagnard arrêté en Thaïlande, résiste à l'extradition vers le Vietnamhttps://fr.globalvoices.org/?p=290552http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20241001_001233_Un_activiste_indigene_montagnard_arrete_en_Thailande__resiste_a_l_extradition_vers_le_VietnamMon, 30 Sep 2024 22:12:33 +0000Il a été condamné au Vietnam pour terrorisme présumé

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Y Quynh Bdap

Capture d'écran d'une vidéo mettant en vedette Y Quynh Bdap. Source : 88 projet, partenaire de contenu de Global Voices. Utilisée avec permission.

Malgré son statut de réfugié, l'activiste indigène Y Quynh Bdap, qui milite en faveur des groupes indigènes Montagnard et Edea été arrêté le 11 juin en Thaïlande et fait actuellement face à une procédure d'expulsion après que le gouvernement vietnamien ait demandé son extradition.

Les Montagnards font référence à environ 30 tribus indigènes dans les hauts plateaux centraux du Vietnam, parmi lesquels les Ede. Ces groupes ethniques minoritaires font face à la discrimination et la violence liés aux conflits fonciers et attaques soutenues par l'Etat.

Après des années de persécution en tant que jeune activiste, Y Quynh Bdap  s'est enfuie  pour la Thaïlande en 2018 et a obtenu le statut de réfugié de la part du Haut-Commissariat de l'Organisation des Nations Unies pour les réfugiés. En 2019, il a fondé une organisation nommée Montagnards Stand For Justice la Justice (MSFJ), qui milite pour la réforme pacifique et la protection des droits de l'homme pour les communautés indigènes.   Cependant, en mars 2024, l'autorité vietnamienne a déclaré l'organisation MSFJ de groupe terroriste.

En juin 2023, des émeutes  ont éclaté dans la province de Dak Lak, ce qui conduit à une attaque d'un bureau  le gouvernemental. Six membres du peuple indigène Montagnard ont été accusés de terrorisme en lien avec cet incident, dont Y Quynh Bdap qui a été jugé en son absence. En janvier 2024, Y Quynh Bdap et ses coaccusés ont été déclaré coupables et condamnés à dix ans de prison.

L'organisation MSFJ a décrit son inscription sur la liste des terroristes comme une « accusation illogique et injuste  » et dénonce les autorités pour utilisation « d'accusations fausses afin de supprimer la liberté religieuse et les mouvements pacifiques  ». Il a affirmé être engagé  en faveur des réformes pacifiques.

… dès sa création , MSFJ s'est fixé des objectifs clairs pour lutter par des moyens pacifiques, conformément à la loi. Cela est attesté par les centaines de rapports de violation adressés à l'Organisation des  Nations Unies. C'est un témoignage éloquent de l'esprit pacifique et compassionné de ce groupe. Ils osent lutter pour la vérité, pour les droits des prisonniers d'opinions et des personnes opprimées, même aux prix des sacrifices personnels pour traverser la frontière de Thaïlande et continuer de défendre leur compatriote.

Apres sa condamnation en janvier, Y Quynh Bdap a été forcé de restreindre ses mouvements en Thaïlande par peur d'être arrêté renvoyer au Vietnam.

Dans une vidéo enregistrée le 7 juin, Y Quynh Bdap a maintenu son innocence et continué à défendre son engagement pour la protection des droits des indigènes.

Dans une autre  vidéo, il a résumé sa situation: « j'ai peur d'être kidnappé; je sors uniquement pour quelques minutes par jour et je ne peux pas contacter ma famille ».

Les autorités thaïlandaises ont arrêté Y Quynh Bdap pour allégation de violation des visas. Le Vietnam a demandé son extradition et l'a traité de « fauteur de trouble » qui menace la vie des civiles dans les hauts plateaux.

Les organisations et  institutions mondiales  de défense des droits de l'homme ont parlé en sa faveur et ces derniers ont exhorté le gouvernement thaïlandais à rejeter la demande du Vietnam.

Les experts de l'ONU ont averti  sur le fait que  l'extradition de Y Quynh Bdap pourrait engendrer plus de violence envers l'activiste. « Nous  croyons que, si extradé  Y Quynh Bdap serait exposé au risque de disparation forcée ,de torture ou d'autres mauvais traitements ou punitions ».

ChanatipTatiyakaroonwong, chercheuse d'Amnesty International pour la Thaïlande, a critiqué  le Vietnam pour sa suppression de la dissidence à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières. « le cas de Y Quynh Bdap illustre clairement les efforts des autorités vietnamiennes pour exercer leur répression à la longue portée contre les défenseurs des droits de l'homme au-delà de leurs frontières. »

Pendant ce temps, Human Rights Watch a signalé une << tendance à la répression transfrontalière » dans laquelle les autorités thaïlandaises engagent un  « marché d'échange » de réfugiés et de dissidents avec les pays voisins. Elle a cité l'arrestation de critiques thaïlandais vivant au Laos, au Vietnam et en Colombie.

L'audience d'extradition de Y Quynh Bdap a été initialement prévue pour le 15 juillet, mais a été reportée au 1 août. Son avocat a insisté sur le fait que l'affaire est motivée sur le plan politique and et que l'accusé exige le droit d'avoir un procès équitable.

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Australie : Le « Ghost Net Art », ou l'ingéniosité des peuples autochtones à transformer les déchets marins en chefs-d’œuvres culturelshttps://fr.globalvoices.org/?p=290769http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_235235_Australie___Le____Ghost_Net_Art_____ou_l_ingeniosite_des_peuples_autochtones_a_transformer_les_dechets_marins_en_chefs-d_____uvres_culturelsMon, 30 Sep 2024 21:52:35 +0000Création d'œuvres d'art à partir d'engins de pêche abandonnés, perdus et rejetés

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Toad Fish, Michael Norman

Poisson-crapaud (et autres créatures marines), Michael Norman. Photo de l'auteur. Utilisée avec l'autorisation de l'auteur.

Les engins de pêche abandonnés, perdus et rejetés (ALDFG) constituent une menace mondiale. Les filets de pêche, en particulier, continuent de piéger des poissons et d'autres créatures marines (on parle souvent de « pêche fantôme »).

Selon le World Wide Fund for Nature (WWF) :

On estime que les engins de pêche fantômes représentent au moins 10 % des déchets marins. Cela représente entre 500 000 et 1 million de tonnes d'engins abandonnés chaque année dans l'océan. Ils ont un impact sur les mammifères marins, les oiseaux de mer, les tortues de mer et bien d'autres, et c'est le type de débris qui s'est avéré le plus mortel.

L'un des moments forts du Cairns Indigenous Art Fair 2024 (CIAF) a été l'exposition d'œuvres réalisées à partir de « Ghost Nets » (filets fantômes). Cet art unique recycle des filets de pêche abandonnés et divers matériaux rejetés sur les plages, transformant les déchets en créations artistiques inspirées.

Ghost Net Art CIAF 2024: A gauche: Raie – Douceur, Florence Gutchen, 2024; A droite: Ecrevisse sur le récif – Eric’s Home Reef, Jimmy John Thaiday, 2024. Images fournies par le CIAF. Utilisée avec l'autorisation du CIAF.

Il s'agit d'une forme d'art qui se développe depuis le début des années 2000. GhostNets Australia a été créé en 2004 et fait partie des programmes de la Ocean Earth Foundation. Depuis lors, elle s'efforce de trouver des solutions.

Cette vidéo donne un aperçu de l'ampleur du problème et de son travail avec les communautés des îles Erub et Darnley dans le détroit de Torres :

Le CIAF a également organisé une masterclass sur les filets fantômes avec Lavinia Ketchell d‘Erub Arts, qui a fait salle comble.

Les musées australiens ont largement présenté les œuvres d'art. Le Musée maritime national australien a présenté une collection dans le cadre de l'exposition Au Karem Ira Lamar Lu – Ghost Nets of the Ocean (Filets fantômes de l'océan). Cette vidéo capturée en intervalle régulier présente son installation en 2018 :

LAustralian Museum de Sydney possède des sculptures de filets fantômes dans sa collection.

La fondation Ocean Earth Ghosts Nets Australia promeut l'art des filets fantômes depuis plus de 20 ans. Leur vidéo, The Young Man and the Ghost Net, ne se contente pas de présenter le tout premier spectacle de marionnettes dans le détroit de Torres, elle met aussi en lumière les ravages des filets fantômes sur l'environnement de la région.

Il n'est pas difficile de trouver des matériaux pour réaliser des œuvres d'art. Cette nasse à crabes a été repérée lors d'une promenade dans les mangroves près de l'aéroport de Cairns en 2024 :

Abandoned crab net

Nasse à crabe abandonnée à Cairns, juillet 2024. Photo de l'auteur, utilisée avec son autorisation.

Mylene Holroyd, du Pormpuraaw Arts and Culture Centre, a utilisé un filet similaire pour créer l'œuvre présentée ci-dessous lors du CIAF 2024. Celle-ci représente un aileron de requin et un saumon, symboles totémiques de la région. Un totem est un objet naturel qui a une signification particulière pour chaque peuple autochtone.

Sea Turtle in Ghost Net - Mylene Holroyd

Tortue de mer dans un filet fantôme. Auteur de la photo : Mylene Holroyd. Utilisée avec son autorisation.

Cette grande sculpture ci-dessous, dénommée Nga'a Pinporro, a été créée par la communauté aborigène de Pormpuraaw et se trouve dans le centre de découverte du barramundi à Karumba, sur la côte du golfe de Carpentarie :

Nga’a Pinporro ghost net art

Nga’a Pinporro – Centre de découverte du barramundi, Karumba Queensland. Photo de l'auteur. Utilisée avec son autorisation.

Dans d'autres pays, des initiatives transforment également les débris marins en œuvres d'art : comme le projet d'Angela Pozzi fondé en 2010 dans l'Oregon (États-Unis). Dénommé Washed Ashore, celui-ci a permis de créer plus de 66 sculptures monumentales, dont celle-ci présentée sur Instagram.

L'art des filets fantômes ne se limite pas à sensibiliser sur les enjeux environnementaux ; il soutient également financièrement les artistes et leurs communautés tout en finançant des initiatives de nettoyage des déchets. Le programme Hunter Gatherer Network Oceans Art est une initiative précieuse qui aide les artistes indigènes en leur fournissant du matériel et des formations sur la récupération, la réutilisation et le recyclage des débris marins. Ce programme est soutenu par le Plastic Collective en partenariat avec l'université Charles Sturt (CSU). Le réseau a également tenu un stand au marché de l'art du CIAF.

Hunter Gather Network - Cairns Indigenous Fair 2024AF

Hunter Gather Network – Dr Anwaar Ulhaq (CSU), Lousie Hardman, Jeremy Sheehan (Hunter Gatherer Network) – à la foire d'art indigène de Cairns. Photo de l'auteur. Utilisée avec son autorisation.

On trouve des filets sur les plages les plus reculées d'Australie. Chilli Beach se trouve sur la côte est du Cap York. Il y a 12 ans déjà, des déchets abandonnés marquaient le rivage et contribuaient à la propagation des micro-plastiques :

De nombreux autres efforts sont déployés pour débarrasser les océans des débris de pêche, notamment des initiatives mondiales telles que Ocean Conservancy. Son programme Trash Free Seas mobilise des bénévoles, mène des recherches, et des campagnes de sensibilisation du public. Il s'agit également d'une démarche proactive de prévention :

Nous luttons contre l'intrusion des déchets dans les eaux en collaborant avec tous les acteurs, des particuliers aux entreprises, afin de modifier les produits, les pratiques et les comportements responsables de la pollution marine.

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Les êtres humains cachés derrière l'IA en Amérique latinehttps://fr.globalvoices.org/?p=290760http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_205651_Les_etres_humains_caches_derriere_l_IA_en_Amerique_latineMon, 30 Sep 2024 18:56:51 +0000Les emplois fantômes qui alimentent ChatGPT et d'autres plateformes d'IA : une autre forme de précarisation du travail ?

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des humains bidouillent des machines remplies de fils dans un décor apocalyptique entourés de montagnes et d'une rivière, deux randonneurs sont ébahis devant cette scène

Illustration : image générée avec Midjourney par David Orjuela (Colombie), ingénieur de prompts

Ceci est un extrait d'un article de María Camila Botero Castro, Francisca López Molina et  Johan Alexander Sanabria Restrepo publié sur Distintas Latitudes, republié sur Global Voices dans le cadre d'un accord média.

El impacto de la Inteligencia Artificial (IA) en la humanidad es incuestionable. Desde la automatización de tareas repetitivas hasta el desarrollo de vehículos autónomos, la IA ha demostrado su capacidad para transformar la forma en que trabajamos y vivimos. Al mismo tiempo, ha planteado serias preguntas sobre su efecto en el futuro de los empleos, la privacidad y la ética.

L'impact de l'intelligence artificielle (IA) sur l'humanité est indéniable. De l'automatisation des tâches répétitives au développement des véhicules autonomes, l'IA a démontré sa capacité à transformer notre façon de travailler et de vivre. Dans le même temps, elle soulève des questions cruciales concernant l'avenir des emplois, la protection de la vie privée et les enjeux éthiques.

Le texte que vous venez de lire a été écrit par Chat GPT, un modèle de langage développé par l'entreprise américaine OpenAI, capable de générer des réponses cohérentes en quelques secondes. Mais qu'est-ce qui rend cet outil apparemment magique possible ?

Les IA sont alimentées par des données : plus elles en disposent, plus leurs résultats sont précis. Et on ne parle pas de n'importe quelle quantité, mais de milliards de données ! Rien que pour rédiger le premier paragraphe de ce texte, Chat GPT a dû se référer à 175 milliards de variables. Le dilemme réside dans la provenance de ces données et les conditions dans lesquelles elles sont collectées.

« Emplois fantômes »

Álvaro Montes, directeur de contenus de Inteligencia Artificial Colombia chez Grupo Prisa, explique que pour que les IA fonctionnent telles que nous les connaissons, il faut des humains pour les entraîner. Ce travail, appelé étiquetage des données, consiste à analyser et à classer les informations afin que les algorithmes d'IA puissent en tirer des enseignements. Les tâches les plus courantes incluent la reconnaissance vocale et d'images, la transcription de textes et la dictée de mots.

« Les intelligences artificielles ne pensent pas comme les humains, mais effectuent un “raisonnement” mathématique. Elles comparent les pixels, les bords, la forme des yeux… », explique Álvaro Montes. Pour qu'elles puissent faire la différence entre un chien et un chat, par exemple, elles doivent d'abord avoir vu des millions de photos de ces animaux.

Le Vénézuélien Allan González est l'une des (nombreuses) personnes qui ont contribué à cet océan d'informations rendant les IA intelligentes. Il a travaillé pendant un an et demi (depuis 2019) avec la société Spare5, analysant notamment des images de rues, d'avenues, de panneaux de signalisation et de piétons, afin de contribuer à l'entraînement des voitures autonomes.

« Ça ressemblait un peu à de l'esclavage », se souvient-il.

Allan passait sa journée assis devant son écran d'ordinateur à analyser des images. Le temps imparti pour chaque activité variait entre cinq et vingt minutes. En cas de dépassement, il n'était pas rémunéré. C'est pourquoi il décrit son travail comme « la main-d'œuvre bon marché qui alimente les IA ».

Álvaro Montes partage son avis :

Estos trabajos se hacen en Venezuela, Colombia o países de África y Asia porque, como son labores no calificadas que no requieren ningún tipo de estudio, pueden pagar barato.

Ces tâches sont souvent effectuées au Venezuela, en Colombie ou dans des pays d'Afrique et d'Asie, car elles ne nécessitent pas de qualifications particulières et peuvent donc être rémunérées à bas coût.

« Dans le capitalisme, tout est sous-traité », ajoute Álvaro Montes. Ce n'est pas une exception. Dans de nombreux cas, l'étiquetage des données est effectué par des sous-traitants de la Silicon Valley, qui à leur tour sous-traitent ces tâches à d'autres entreprises. Cette externalisation rend plus difficiles la syndicalisation et la contestation des pratiques contraires à l'éthique, ainsi que la revendication de meilleures conditions de travail.

Une étude du MIT Technology Review indique qu'à la mi-2018 « environ 200 000 Vénézuéliens s'étaient inscrits sur des plateformes telles que Spare5 et Hive Micro, représentant 75 % de leur main-d'œuvre respective ».

Les employés de ces entreprises sont pour la plupart originaires de pays du Sud global. En effet, sur le site web de Remotasks, tous les témoignages proviennent de personnes originaires du Kenya, du Vietnam, des Philippines et du Venezuela.

Outre le Venezuela, les principaux pays d'Amérique latine fournissant de la main-d'œuvre à ces entreprises sont la Colombie, l'Argentine, le Panama et le Chili, selon DignifAi, une entreprise américaine basée en Colombie spécialisée dans les services d'étiquetage des données.

Ces entreprises prétendent créer des emplois et améliorer les conditions de vie de leurs travailleurs. Cependant, l'étude du MIT révèle que les étiqueteurs perçoivent de faibles salaires (environ 2 dollars de l'heure), ne bénéficient d'aucun avantage social et travaillent dans des conditions précaires, sans garanties d'emploi.

D'autres spécialistes, tels que l'anthropologue Mary L. Gray et le sociologue Siddharth Suri, ont également rapporté que la santé mentale des étiqueteurs de données est affectée par des journées de travail épuisantes, des emplois de courte durée et une rotation élevée.

Allan n'a pas été exposé à des images traumatisantes, mais il a dû accomplir d'autres tâches très éprouvantes, tant mentalement que physiquement.

Yo decía: ‘me estoy embruteciendo aquí dándole clic a la computadora’. Es un trabajo completamente repetitivo y sin ningún tipo de crecimiento.

Je me disais : « Je suis en train de m'abrutir ici en cliquant sur l'ordinateur ». C'est un travail complètement répétitif, sans aucune perspective d'évolution.

Il a décidé de se lancer dans l'étiquetage de données parce que la rémunération était en dollars et que « la situation au Venezuela était alors assez compliquée ». À l'époque, il était payé entre 50 cents et un dollar par tâche, selon la difficulté. Malgré tout, il gagnait plus que le salaire moyen dans son pays. Il explique :

El sueldo mensual en Venezuela era de 30 dólares, así que en un día podía hacer lo que otros hacían en un mes.

Le salaire mensuel au Venezuela était de 30 dollars, je pouvais donc faire en un jour ce que d'autres faisaient en un mois.

Pour toutes ces raisons, l'étude du MIT conclut que l'étiquetage des données, loin d'être une source d'emploi digne de ce nom, est devenu une nouvelle forme d'exploitation de la main-d'œuvre. En effet, les chercheurs affirment que « l'IA est en train de créer un nouvel ordre mondial colonial ».

Que faire pour améliorer les conditions de travail des étiqueteurs de données ?

Certaines entreprises affirment offrir des conditions de travail différentes, comme DignifAI, qui embauche principalement des migrants vénézuéliens et des Colombiens ayant vécu au Venezuela.

Selon María Garcés, responsable des opérations chez DignifAI au moment de l'entretien, l'une des garanties offertes aux collaborateurs est « un salaire décent ».

‘Si te vas a las estadísticas de la industria del etiquetado, hablamos de unos salarios incluso por debajo del dólar la hora. Nosotros nos hemos querido caracterizar por ser diferentes a eso y, dependiendo de la tarea, el pago está entre 2 y 20 dólares la hora. Siempre pagamos, al menos, un 30 por ciento por encima del salario mínimo mensual en países de Latinoamérica,’ explica. DignifAI no paga prestaciones sociales a sus etiquetadores.

« Si vous consultez les statistiques du secteur de l'étiquetage, vous constaterez que les salaires sont inférieurs à un dollar de l'heure. Nous nous distinguons de ces salaires et, en fonction de la tâche à accomplir, la rémunération se situe entre 2 et 20 dollars de l'heure. Nous payons toujours au moins 30 % de plus que le salaire mensuel minimum dans les pays d'Amérique latine », explique-t-elle. Toutefois, DignifAI ne verse pas de prestations sociales à ses étiqueteurs.

Parmi les projets proposés, certains concernent la modération de contenu, l'analyse des sentiments ou le langage toxique, que María définit comme « des tâches très courantes dans le domaine de l'intelligence artificielle, où il faut souvent voir des images choquantes ou lire des textes racistes ou homophobes ».

Afin de réduire l'impact négatif sur la santé mentale, dit-elle, un soutien psychologique est proposé aux employés, qui ont aussi des travailleurs sociaux à leur disposition. Elle assure également qu'ils reçoivent une formation sur d'autres sujets, tels que le marketing numérique, l'entrepreneuriat, le community management, ainsi que les finances professionnelles et personnelles.

Ingrid Hernández est l'une des employées de cette entreprise. Elle l'a rejointe fin 2022 en tant qu'étiqueteuse de données et, en février 2023, elle a été promue superviseuse d'un projet d'analyse textuelle des sentiments. Avant de travailler dans ce domaine, elle était professeure de langue et littérature dans son pays natal, le Venezuela, mais la situation dans son pays l'a poussée à émigrer en Colombie à la recherche de meilleures opportunités.

Bien qu'elle n'ait pas pu exercer directement sa profession, elle affirme que chez DignifAI, elle a pu mettre en pratique certaines de ses connaissances en analysant des textes, et qu'elle est donc satisfaite de ses conditions de travail.

Solo se trabaja cuatro horas al día y, por lo menos en el caso de los anotadores, se gana más de lo que se estaría ganando en cualquier otro lugar por medio tiempo.

On ne travaille que quatre heures par jour et, du moins dans le cas des étiqueteurs, on gagne plus que ce qu'on gagnerait ailleurs à mi-temps.

Pour María, toutes les sociétés d'étiquetage doivent améliorer les conditions économiques de leurs étiqueteurs.

La industria está despertando hacia la ética de la inteligencia artificial, porque están en el ojo del huracán. Estamos en un buen momento para seguir haciendo ruido y dar a conocer la vida de estas personas que están al final de la escalera, para que se den esos cambios que se necesitan.

Le secteur s'éveille à l'éthique de l'intelligence artificielle, car il se trouve dans l'œil du cyclone. C'est le bon moment pour continuer à faire du bruit et à rendre visible la vie de ces personnes au bas de l'échelle, afin que les changements nécessaires soient apportés.

Álvaro Montes est d'accord. Cependant, il pense que le véritable problème est que l'Amérique latine est une région de spectateurs passifs de la quatrième révolution industrielle. Il ajoute :

El problema no es solo resolver la situación laboral de estos migrantes venezolanos que etiquetan fotos. Claro, eso es lo justo, pero tenemos que salir del rol de consumidores para convertirnos en el Thor de la tecnología.

Le problème n'est pas seulement de résoudre la situation de l'emploi de ces migrants vénézuéliens qui étiquettent des photos. Bien sûr, c'est juste, mais nous devons sortir du rôle de consommateurs pour devenir les Thor de la technologie.

Il estime que l'on résoudrait ainsi le problème de fond, en créant des emplois qualifiés qui contribueraient à la croissance de la région.

¿Queremos ser un continente que desarrolle tecnología y que tenga muchos ingenieros, técnicos, tecnólogos, matemáticos y científicos?, ¿o queremos repartidores de pizza y etiquetadores de datos bien pagados?

Voulons-nous être un continent qui développe la technologie et qui compte de nombreux ingénieurs, techniciens, technologues, mathématiciens et scientifiques, ou voulons-nous des livreurs de pizza et des étiqueteurs de données bien payés ?

Pour lui, la réponse réside dans le renforcement de l'innovation afin de garantir la souveraineté technologique et de cesser d'être ceux qui importent la technologie pour devenir ceux qui la produisent.

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La censure dans le monde contemporainhttps://fr.globalvoices.org/?p=290799http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_205356_La_censure_dans_le_monde_contemporainMon, 30 Sep 2024 18:53:56 +0000Aujourd'hui, la vérité et la liberté d'expression sont souvent mises à mal par des sanctions sociales.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Gros plan d'une page de dictionnaire avec le mot “censure” en évidence. Photo de Mick Haupt via Unsplash. Utilisée sous la licence Unsplash.

Cet article, rédigé par Omar Zahirović, a initialement été publié sur Balkan Diskurs, un projet du Centre de recherche post-conflit (PCRC). Une version révisée a ensuite été republiée par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Le poète et fonctionnaire anglais John Milton, parlant de la liberté d'expression, avait déclaré : « Car c'est la liberté qui donne le plus de bonheur ou de misère, de succès ou de déception, d'honneur ou de honte. » Cette déclaration reste l'une des plus puissantes sur ce sujet, car elle reconnaît une vérité fondamentale sur la nature humaine : en tant qu'espèce, nous aspirons naturellement à la liberté. Les humains sont des êtres qui imposent des limites et des cadres. On nous enseigne des modes de comportement et nous les suivons tout au long de notre vie. La liberté d'expression est inhérente à toutes les libertés. Dans le monde moderne, où un discours fluide est propagé, des formes cachées de censure apparaissent souvent.

Tout au long de l'histoire ancienne, des lois encadrant les libertés ont commencé à émerger, les détenteurs du pouvoir contrôlant la parole, une réalité qui a peu évolué jusqu'au Moyen Âge. Par la suite, le discours public fut principalement dominé par l'Église. Les premières réflexions sur les libertés ont vu le jour à l’époque de l’humanisme et de la Renaissance. La littérature de cette période témoigne d’un dialogue plus ouvert et transparent. De la Renaissance à l'époque moderne, la censure a été façonnée par les seigneurs féodaux, les dirigeants et les élites fortunées. Ce qui demeure le plus préoccupant, c'est que la situation n'a guère changé : aujourd'hui encore, le discours public est largement influencé par des individus puissants et les structures au sein desquelles les voix s’expriment.

Pour comprendre le phénomène de la censure moderne, nous avons échangé avec une chercheuse en communication et un sociologue sur cette problématique pressante.

La censure dans le monde contemporain

Amina Vatreš est Chargée de cours et chercheuse au Département des études de communication de l'Université de Sarajevo. Selon elle, comprendre les formes contemporaines de censure nécessite d’analyser les caractéristiques complexes et multidimensionnelles de l’espace informationnel. Cela inclut l'examen du rôle de la technologie, des réseaux sociaux, des pressions politiques et économiques, ainsi que de l'(in)existence de la responsabilité individuelle et sociale chez les professionnels des médias et autres créateurs de contenu médiatique.

« La censure agit souvent de manière latente et implicite, posant ainsi de nouveaux défis, plus complexes, à la préservation de la liberté d'expression, à l'indépendance des médias, et à la fonction de surveillance des médias », affirme Vatreš.

Remplaçant les méthodes conventionnelles de censure qui consistent à bloquer explicitement certains contenus à partir d'un ou plusieurs centres, Vatreš explique que les théoriciens de la communication récents désignent cette nouvelle forme de censure par le terme « censure par le bruit ». Ce phénomène est étroitement lié à la surcharge d'informations, une caractéristique clé de l'écosystème informationnel et communicationnel actuel.

Amina Vatreš, Chargée de cours et chercheuse au Département des études de communication de l'Université de Sarajevo. Archive privée via Balkan Diskurs, utilisée avec autorisation.

Vatreš affirme que la censure par le bruit brouille la distinction entre les reportages basés sur des faits et les informations complètement fabriquées. Cela entraîne une sorte d’étouffement de la vérité dans un flux de mensonges et favorise l'émergence de nombreuses vérités fragmentées, décontextualisées et subjectives. De cette manière, comme elle l'ajoute, la multitude de médias crée l'illusion d'une pluralité d'opinions, ce qui est particulièrement évident dans le domaine des réseaux sociaux.

Vladimir Vasić, sociologue, souligne le rôle des conseils de rédaction dans la censure moderne.

« Il est dangereux que certains médias, agissant comme une ‘fenêtre sur le monde’, étouffent la liberté d’expression en raison de leurs politiques éditoriales, au lieu de fonder leur travail sur des principes éthiques et scientifiques qui sont fondamentaux pour leur existence », a ajouté Vasić.

« La liberté d'expression cesse dès qu'un discours, cherchant à s'inscrire dans le cadre de cette liberté, compromet l'intégrité d'une autre personne ou d'autres valeurs », a-t-il déclaré.

Vladimir Vasić, sociologue. Archive privée via Balkan Diskurs, utilisée avec autorisation.

La censure actuelle est plus sournoise, subtilement différente de la censure traditionnelle, avec des modes dissimulés.

Néanmoins, Vasić ajoute en soulignant le rôle du conformisme de groupe : « Les individus tentent d'imposer une forme d'activité publique qui s'inscrit dans le cadre de la censure — quiconque pense différemment de moi est contre moi — ce qui, en science, porte un nom bien précis. Dans leur cas, la censure concerne la transparence du travail et la gestion des fonds publics. »

L'autocensure dans une culture de la peur

Aujourd'hui, la vérité et la liberté d'expression sont souvent mises à mal par des sanctions sociales. Ces dernières années, nous avons tous observé que la plupart des gens optent pour un mode de défense plus discret. De nombreux jeunes préfèrent ignorer ou accepter les tabous générationnels propres à notre époque. Influencés par les réseaux sociaux, ils choisissent l'autocensure.

Selon Vatreš, l'autocensure est une manière d'éviter les répercussions négatives qui peuvent découler de l'expression d'idées, de points de vue ou de réflexions critiques sur la société. Dans le domaine en ligne, la question de la censure prend de nouvelles dimensions.

Vatreš soutient qu'il s'agit d'une manifestation d'une forme moderne de censure, qui atteint en substance les mêmes objectifs que la censure traditionnelle.

« La situation est d'autant plus compliquée que, dans l’abondance d’informations, d’informations partielles et de fausses nouvelles, il devient difficile de faire une distinction claire entre les faits et la fiction, alors même que nous ne sommes pas pleinement conscients du changement fondamental dans la manière dont l’information est contrôlée », a déclaré Vatreš.

En évoquant les attitudes sociales face aux désaccords et aux conflits, le sociologue Vasić affirme : « Tout va bien tant que personne ne tire ! Cette phrase masque leur passivité et leur incompétence. Par ‘leur’, je fais référence à tous ceux qui nous ont fait croire que le summum du confort est ‘tout va bien tant que personne ne tire’ — et pas seulement cela — ils ont créé de telles conditions de vie pour nous. Tant que nous restons silencieux, la situation ne fera qu’empirer, car en gardant le silence, nous prouvons que nous ne méritons pas mieux. »

« Tant que personne ne tire »

Si les individus souhaitent devenir des consommateurs actifs d'information, ils doivent se demander s'il est nécessaire de filtrer ce qu'ils voient. Vasić répond par l'affirmative.

« Je crois que filtrer le contenu accessible au public est bénéfique, mais il est essentiel que chacun ait des filtres mentaux en tête, fonctionnant selon le principe du ‘je veux, je ne veux pas !’. Il est important d'apprendre à lire les nouvelles et à recevoir l'information de manière critique, car tout ce qui est écrit dans les journaux ou dit à la télévision n'est pas forcément vrai », a déclaré Vasić.

Selon Vasić, la censure qui sape la liberté et la liberté qui attaque l'intégrité d'autrui sont deux sœurs issues des mêmes parents — et ils sont mauvais.

À travers notre échange avec Amina Vatreš et Vladimir Vasić, nous avons compris les principes fondamentaux de la censure moderne et son impact sur les masses et les individus. Il est temps d'apprendre à transformer le monde de la communication et de l'information en une communauté sécurisée et stimulante, qui fonctionne de manière saine et protectrice.

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Venezuela : les femmes affirment que la polarisation est terminéehttps://fr.globalvoices.org/?p=290619http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_204626_Venezuela___les_femmes_affirment_que_la_polarisation_est_termineeMon, 30 Sep 2024 18:46:26 +0000« Cette fois-ci, le rejet que nous ressentons est généralisé »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de Yeni, utilisée avec permission.

Une version plus longue de cet article a été publiée sur le site Internet roumain HotNews et est republiée sur Global Voices avec autorisation.

C'est le 29 juillet au matin et Yeni (nom modifié), 26 ans, est dans le bus qui la conduit de Valence à Caracas, au Venezuela. Le lendemain, elle prendra l'avion pour retourner en Roumanie, où elle vit depuis trois ans. Elle s'est rendue au Venezuela pour voir sa famille et pour pouvoir voter aux élections présidentielles qui ont eu lieu le 28 juillet.

Les rues du Venezuela sont plongées dans une atmosphère de deuil : le silence règne et les gens sont tristes. Personne ne célèbre le résultat des élections annoncées la veille par le Conseil national électoral, il n'y a pas de musique comme lors des élections précédentes. Selon le Conseil national électoral, Nicolas Maduro a remporté les élections, un résultat que contestent l'opposition et des personnes de différents horizons .

Le vote n’a pas été facile : elle a dû attendre huit heures. « Alors que les bureaux de vote étaient censés ouvrir à 6 heures du matin, il était presque 10 heures du matin, et ils n’arrêtaient pas de nous trouver des excuses comme le fait que les machines à voter ne fonctionnaient pas, que les témoins n’étaient pas arrivés… Tout cela pour nous décourager d’aller voter. Ils n’ont ouvert que lorsqu’une personne âgée s’est évanouie et que des journalistes sont arrivés », raconte Yeni.

Yeni estime que quelque chose a changé dans la société vénézuélienne. « Aujourd’hui, on ne peut plus distinguer qui est favorable au gouvernement de qui ne l’est pas », me dit-elle. « Autrefois, on le savait mieux grâce à la façon dont les gens parlaient ou à leurs manières. Les personnes issues de groupes sociaux défavorisés avaient l’habitude de rencontrer fréquemment des membres du gouvernement qui leur inculquaient une idéologie et leur distribuaient des colis alimentaires. »

Les spécialistes définissent la polarisation créée par le gouvernement socialiste au cours des dernières décennies comme la radicalisation d'individus ou de groupes vers l'un ou l'autre côté du débat. Dans cette polarisation, chaque camp nie la légitimité de l'autre, généralement avec une forte charge émotionnelle et des répercussions dans les relations personnelles.

« Même les membres de ma famille ne se parlaient plus depuis des années, jusqu'à récemment. J'avais 11 ans lorsqu'une camarade de classe est venue me dire que nous ne pouvions pas être amies avec une autre fille parce qu'elle et sa famille étaient chavistes … On se demande : pourquoi les enfants parlent-ils de ces choses-là ? », se demande Yeni.

Elle explique avoir grandi dans un pays où, dans chaque quartier, il y avait des gens payés par le gouvernement, appelés « jefes de calles » (chefs de rue), pour distribuer des colis alimentaires et des tracts d'idéologie politique : « S'ils savaient que vous étiez contre le gouvernement, ils ne vous donnaient pas de nourriture. Ces mêmes personnes prenaient des photos [des gens] lors des manifestations et déposaient plainte contre eux. »

En voyageant en bus vers Caracas, Yeni voit des groupes militaires au milieu du silence, « comme si quelqu’un était mort, comme si le pays était mort », explique Yeni.

Mais, quand la nuit tombe et qu'elle traverse l'un des quartiers pauvres perchés sur les collines qui entourent le centre-ville, elle entend le bruit des casseroles et des poêles (un « cacerolazo »), une forme de manifestation pacifique qui caractérise les protestations populaires contre les gouvernements au Venezuela.

« Ces quartiers n’ont jamais connu de manifestations car ils ont toujours été faciles à acheter. Ceux qui manifestaient auparavant appartenaient davantage à la classe moyenne, car leur niveau de vie était vraiment affecté. Ce qui se passe maintenant est totalement différent », explique Yeni.

Florantonia, journaliste vénézuélienne, le confirme. « La vérité est que le rejet du gouvernement de Maduro est énorme. Cette fois, il y a une très grande différence par rapport aux autres manifestations (de 2014, 2017 et 2021), c'est que les couches sociales les plus basses sont sorties en masse », affirme-t-elle.

Selon les feuilles de décompte recueillies par l'opposition, 70% de la population est contre Maduro. Maduro et le Conseil national électoral n'ont pas encore publié les procès-verbaux qui confirmeraient la victoire de Maduro aux élections.

Florantonia affirme que Maduro apparaît à la télévision jusqu’à cinq fois par jour, comparant l’opposition aux nazis et parlant tout le temps d’Hitler. Elle ajoute que la nuit est le moment où la répression contre les manifestants est la plus forte, où se produisent la plupart des arrestations et des violences. « Même s’il y a une atmosphère de deuil, les gens sentent que cette situation n’est pas comme les précédentes parce que le rejet que nous ressentons cette fois-ci est généralisé », dit-elle.

Yeni a été très touchée en entendant le bruit des manifestations dans ce quartier ; à ce moment-là, elle a compris que les murs de la société étaient tombés, tout comme sa propre famille l'avait vécu au cours des semaines qu'elle avait passées à la maison.

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Adela (nom d'emprunt), 38 ans, a quitté le Venezuela en 2016, a vécu au Pérou et est revenue au Venezuela six ans plus tard. Elle a trouvé que tout était différent : des marques alimentaires à la mentalité des gens.

« Quand je suis partie, les gens soutenaient aveuglément le gouvernement. La zone où je vis aujourd’hui est une ville populaire, une zone qui soutenait Chávez à presque 100 % et où il était difficile d’avoir une conversation pour critiquer le gouvernement ou suggérer qu’un changement était nécessaire. Depuis mon retour, j’ai constaté un énorme changement, comme si un voile avait été retiré des yeux des gens », dit-elle. « J’ai vu les mêmes personnes, qui soutenaient aveuglément le chavisme, pleurer le lendemain des élections parce que le gouvernement refuse d’accepter sa défaite ».

Adela me raconte que dans la zone où elle vit, il n’y a pas eu de manifestations depuis le début du gouvernement Chavez il y a 25 ans, car les « chemise rouge » (partisans du gouvernement) étaient les seuls à y vivre.

Pour Adela, ce retournement de situation est la plus belle chose qui pouvait arriver au peuple vénézuélien : prendre conscience de la profonde division dont il est victime depuis tant d’années et fermer ce cycle.

« Le gouvernement dit que les manifestants sont des fascistes, mais ce n’est pas vrai. Ce sont des gens ordinaires, des quartiers populaires, qui descendent finalement dans la rue pour dénoncer la fraude et exiger des résultats transparents. »

Adela ajoute que « Maria Corina Machado [la leader de l’opposition] a parcouru le Venezuela en profondeur et a visité les communautés ouvrières, comprenant les besoins de la population. Tout au long de cette période, elle est restée fidèle à ses convictions et a fait preuve d’un véritable engagement en faveur du bien commun. »

Adela croit que la seule chance pour le peuple de gagner est que les forces de l’ordre de l’État se rangent du côté du peuple.

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Nigéria : comment les religieux exploitent des personnes désespérées et à mobilité réduitehttps://fr.globalvoices.org/?p=290611http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_203900_Nigeria___comment_les_religieux_exploitent_des_personnes_desesperees_et_a_mobilite_reduiteMon, 30 Sep 2024 18:39:00 +0000Les gens parcourent sans succès de grandes distances à la recherche d'une guérison spirituelle pour soulager leurs handicaps.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Damilola Olawoyin. Photo de Toheeb Babalola, utilisée avec permission.

De Toheeb Babalola

Le Nigéria  regorge 29 millions de personnes handicapées (PH) qui sont parfois obligées de voyager sur de longues distances à la recherche d'aide spirituelle pour alléger leurs souffrances. Malheureusement, beaucoup réalisent éventuellement qu'ils ont été abusés après avoir perdu de fortes sommes d'argent et des biens. 

Selon le reportage sur les abus sur personnes handicapées de la banque mondiale, environ 7 pour cent des membres d'une famille âgés de plus de cinq ans (comme c'est aussi le cas de 9 pour cent pour ceux de 60 ans et plus) ont des degrés de difficulté dans au moins un des domaines fonctionnels, incluant la vue, l'ouïe, la communication, la cognition, la marche ou les soins auto-administrés.

Lorsqu'il s'agit de rechercher une guérison spirituelle, Damilola Olawoyin, un enseignant aveugle de 32 ans, a vécu suffisamment d'expériences qui l'ont laissé avec des traumatismes émotionnels et psychologiques à long terme.

Olawoyin a commencé à éprouver des problèmes de vision à l'âge de 10 ans, mais ses parents en étaient ignorants. Enfant espiègle, il s'est replié sur lui-même jusqu'à ce que sa vision commence à se dégrader. Ses parents l'emmènent alors d'un hôpital à l'autre à la recherche d'une solution médicale. Après avoir effectué divers tests à l’University College Hospital (UCH) d'Ibadan, dans l'État d'Oyo, les médecins ont diagnostiqué chez Olawoyin un glaucome, une maladie qui affecte le nerf optique.

Il a été conseillé à ses parents de ne pas toucher ses yeux après le traitement pour permettre une guérison progressive. Cependant, le traitement n'a pas été efficace. En grandissant, Olawoyin a donc dû compter sur l'aide d'autres personnes pour se déplacer en raison de sa mauvaise vision.

En 2009, il a entrepris un voyage de 208 km (129 miles) d'Ikọtun, dans l'État de Lagos, à Ile-Ifẹ dans l'État d'Osun, dans le sud-ouest, dans l'espoir de trouver une solution. Un parent de son grand-père maternel l'a invité à assister à une croisade ouverte au stade d'Ife. Au cours de l'événement, une femme évangéliste, l'une des organisatrices de la croisade, s'est approchée de lui et lui a dit : « Laisse-moi prier pour toi afin que tu puisses voir à nouveau. »

« Elle a prétendu être au courant de ma cécité sans même me le demander », a raconté M. Olawoyin dans un entretien avec Global Voices. « Avant que je ne m'en rende compte, deux hommes sont arrivés et m'ont traîné jusqu'au podium pour témoigner que j'avais recouvré la vue. Ils m'ont forcée à dire quelque chose qui n'était pas vrai ».

Après avoir rendu ce faux témoignage, alors qu'Olawoyin retournait à sa place, l'évangéliste l'a invité à la rencontrer le lendemain. Son père s'est également rendu à Ile-Ifẹ pour rencontrer cette femme qui prétendait pouvoir rendre la vue à son fils.

L'évangéliste les a conduits vers une prophétesse, qui leur a demandé à tous les deux d'acheter un bélier blanc sans tâche et une alvéole d'oeufs , qui serait utilisé  pour réparer la vision d'Olawoyin.

« On m'a dit de me tenir debout sur le bélier et de me baigner avec du savon. Ensuite, j'ai commencé à casser les œufs un par un. Malgré mes objections, elle a fini par exiger 17 000 NGN (10 USD) », a-t-il révélé.

La vision d'Olawoyin a empiré, et il a perdu son père. Sa mère s'est ensuite remariée. 

En 2014, après son retour à Lagos, la mère d'Olawoyin, Funmilola, a cherché à obtenir une guérison spirituelle auprès d'un prophète de l'église Cherubim and Seraphim à Ikotun-Egbe. Elle lui a été présentée par une prophétesse qui était une amie de son nouveau mari. « Ils ont dit que le prophète avait le pouvoir de ressusciter les morts. S'il pouvait faire cela, retrouver la vue ne serait pas un problème », a déclaré Mme Olawoyin. Dans la vidéo YouTube ci-dessous, Olawoyin et d'autres partagent leurs expériences :

Après une longue attente, Olawoyin et sa mère ont finalement rencontré le prophète. Il a pressé les yeux d'Olawoyin sans professionnalisme, a posé quelques questions, et a ensuite demandé  60000 nairas (37 dollars). Malgré le plaidoyer de sa mère pour une réduction, le prophète est resté ferme sur le prix.

Éventuellement, elle  a accepté de payer le montant demandé, le prophète a prié pour son fils, et ils ont quitté la maison avec beaucoup de questions qui taraudaient l'esprit d'Olawoyin.

Deux semaines plus tard, alors que la mère d'Olawoyin rassemblait l'argent nécessaire pour payer le prophète, le chaos a éclaté dans l'église. Elle s'est précipitée et a vu un fourgon de police garé à l'extérieur, avec l'autel de l'église brisé. Les officiers avaient menotté le prophète, révélant qu'il était à la tête d'une bande de voleurs armés violents responsables de nombreux bains de sang à Lagos et ailleurs.

« Cela m'a brisé le cœur. Personne ne s'attendait à son arrestation. Il était le chef de gang et utilisait l'église comme façade », a déclaré Olawoyin.

La police a trouvé de l'argent, sept pistolets, des breloques, et d'autres épées à l'église. Plus tard le prophète a été inculpé et jugé coupable par la Cour Suprême de Lagos.

À Apẹtẹ, Ibadan, État d'Oyo, Ridwan Tijani, un cordonnier de 30 ans qui se déplace en fauteuil roulant, a vécu une expérience similaire avec un guérisseur traditionnel nommé « Ìyá Ọsun » alors qu'il cherchait un remède à sa paralysie.

Ridwan Tijani. Photo prise par Toheeb Babalola, utilisé avec permission.

Paralysé depuis son plus jeune âge, Tijani ne comprenait guère la cause de son handicap. Il se souvient que son père l'a emmené à Ijẹbu Ode un après-midi pour rencontrer la femme dans son sanctuaire traditionnel appelé « Osun shrine ».

Après avoir parcouru 73 km entre Ibadan et Ijẹbu Ode, dans l'État d'Ogun, Tijani a rencontré Ìyá Ọsun. Elle était vêtue d'une simple robe blanche assortie à son sanctuaire. Elle lui a coupé les jambes avec un rasoir, a aspiré le sang avec sa bouche et l'a recraché sur des morceaux de papier blanc attachés avec du fil noir et blanc.

« À l'époque, il y avait un certain Ifa qui disparaissait devant moi mais continuait à communiquer. Je n'étais pas sûre qu'il soit humain. Rien n'a marché et je ne les ai plus revus après quelques semaines », a déclaré Tijani à Global Voices. « Nous cherchions la guérison, mais nous les considérions comme des magiciens.

Samuel Oluwasegun Dabiri, un autre malvoyant, est diplômé en relations internationales de l’université Obafemi Awolowo (OAU).

Samuel Oluwasegun Dabiri. Photo de Toheeb Babalola, utilisée avec permission.

Dabiri avait la rougeole  en 1996, et ses parents étaient incapables de le soigner jusqu'à ce que la maladie infiltre son corps et affecte ses deux yeux.

Son père l'a emmené sur le site de Sango, le dieu du tonnerre, où il leur a été demandé de faire des sacrifices tels qu'apporter des béliers, des chèvres et de l'huile de palme, ainsi que de collecter une importante somme d'argent.

« Ces choses étaient plus chères à l'époque qu'aujourd'hui. Mon père a dépensé une somme importante pour que le sacrifice ait lieu, mais c'était un gaspillage d'argent, de ressources, de temps et même d'énergie », a déclaré Dabiri à Global Voices.

Après avoir subi divers traumatismes psychologiques au fil des ans, Olawoyin, Tijani et Dabiri ont accepté leur situation et poursuivi leur carrière. Ils ont exhorté le gouvernement nigérian à appliquer la loi de 2018 contre la discrimination et l'interdiction des personnes handicapées.

Que disent les experts ?

Grace Fehintola, fondatrice du centre de santé God Grace, a exprimé son indignation face à la pression exercée par les prophètes sur les yeux qui se détériorent, ce qui pourrait causer des dommages supplémentaires à l'orbite. Elle a également averti que les savons utilisés pour les rituels spirituels, qui n'ont pas été approuvés par des professionnels, pouvaient endommager la peau.

Yinka Olaito, directeur exécutif du Centre for Disability and Inclusion Africa (CDIA), a noté que la religion est devenue comme un narcotique hautement addictif, et que de faux chefs religieux exploitent les personnes handicapées. Il a suggéré que « les organismes religieux et leurs dirigeants soient sensibilisés aux dangers de ces pratiques ». Pour que de réels progrès soient accomplis, les forces de l'ordre et la communauté des personnes handicapées devront peut-être collaborer.

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Hong Kong : des journalistes victimes d'attaques systématiques et organiséeshttps://fr.globalvoices.org/?p=290584http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_195530_Hong_Kong___des_journalistes_victimes_d_attaques_systematiques_et_organiseesMon, 30 Sep 2024 17:55:30 +0000Des dizaines de journalistes de Hong Kong menacés, intimidés et harcelés depuis juin

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

une interview sur la liberté de presse à Hong Kong

Selina Cheng, présidente de l'Association des journalistes de Hong Kong, le 13 septembre 2024. Photo de Kyle Lam/HKFP : Kyle Lam/HKFP. Utilisée avec permission.

Ce rapport a été publié dans Hong Kong Free Press le 13 septembre 2024. La version éditée suivante est publiée dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Des journalistes d'au moins 13 médias à Hong Kong ont été harcelés en ligne et hors ligne dans ce qui semble être une « attaque systématique et organisée », a déclaré le plus grand groupe de journalistes de la ville.

Selina Cheng, présidente de l'Association des journalistes de Hong Kong (HKJA), a déclaré lors d'une conférence de presse le 13 septembre 2024 que depuis juin, des dizaines de journalistes ont reçu des courriels et des lettres au contenu diffamatoire envoyés à leur domicile, sur leur lieu de travail et ailleurs. Parmi les journalistes visés figurent ceux de Hong Kong Free Press, InMediaHK, HK Feature et ceux qui sont membres du comité exécutif de la HKJA.

Quinze journalistes ont reçu des plaintes adressées à des membres de leur famille, à des propriétaires, à des employeurs et à des organisations auxquelles ils sont associés, a déclaré Cheng. Certaines de ces plaintes menaçaient les destinataires en leur disant que s'ils continuaient à s'associer aux journalistes, ils pourraient enfreindre les lois de la sécurité nationale.

Cheng a déclaré que la HKJA n'était pas au courant de la manière dont les personnes derrière la campagne avaient obtenu les informations personnelles des journalistes, ajoutant qu'elle était préoccupée par des fuites apparentes et potentiellement illégales provenant de bases de données gouvernementales ou privées.

Des utilisateurs de Facebook ont ​​également publié des « contenus haineux » visant des médias et des journalistes dans des groupes Facebook privés. Au moins 36 journalistes ont été nommés et leurs photos ont été partagées dans ces publications.

Le harcèlement s’est également accompagné de menaces de mort, a indiqué Cheng. Des photos de journalistes et de membres de la HKJA ont été publiées en ligne, à côté de couteaux et de cibles de tir. Des captures d’écran de ces photos ont ensuite été envoyées aux journalistes et à leurs parents dans un « effort notoire de les effrayer et les intimider », a déclaré Cheng.

« HKJA, ainsi que plusieurs personnes concernées, ont signalé le harcèlement et le comportement nuisible à la police, et deux journalistes ont également déposé des plaintes criminelles pour doxxing auprès du Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée », a poursuivi Cheng, faisant référence à l'organisme de surveillance de la vie privée de la ville.

En réponse aux questions des journalistes, Cheng a déclaré que « la plupart » des membres du comité exécutif de la HKJA avaient été victimes de ce type de harcèlement, y compris elle-même. Elle a ajouté que deux membres de sa famille avaient également reçu des messages de menaces envoyés sur leur lieu de travail.

Interrogée sur la question de savoir si le harcèlement visait des sujets ou des médias spécifiques, Cheng a répondu que ce n’était pas le cas. Certains messages mettaient en avant des reportages sur les élections présidentielles à Taiwan ou sur la fuite des eaux usées de Fukushima, mais il s’agissait de sujets « appropriés », a-t-elle déclaré en cantonais.

Ce harcèlement ne vise pas des rapports ou des médias spécifiques, mais l’industrie du journalisme dans son ensemble.

Selon Cheng, il s’agit de l’exemple le plus répandu de harcèlement présumé de journalistes à Hong Kong dont la HKJA ait eu connaissance. Les années précédentes, les attaques avaient été « assez sporadiques », a-t-elle ajouté.

Il est clair que certains de ces partis et auteurs estiment que cela aurait pu fonctionner parfois en continuant d'élargir leur zone d'attaque, même si la plupart du temps, c'est un coup de chance ou un échec. Tant qu'ils ciblent suffisamment de personnes… [il y aura] des cas où ils parviendront à soumettre les gens à leur volonté. Je ne crois pas que ce soit juste. C'est pourquoi nous lançons un appel fort aujourd'hui pour dire que nous n'acceptons pas ce genre de comportement.

Le président de la HKJA a également appelé les organes de presse à condamner le harcèlement en public et à demander aux forces de l'ordre et à l'organisme de surveillance de la vie privée d'enquêter.

La semaine dernière, le propriétaire du logement du directeur de HKFP et les agences immobilières locales ont reçu des lettres anonymes contenant des allégations diffamatoires, des mensonges et des menaces de « conséquences inimaginables » et de « dommages collatéraux » à moins qu'il ne soit expulsé de la propriété et du quartier. Bien que les agences et le propriétaire aient ignoré les menaces, le directeur de HKFP, Tom Grundy, a signalé l'incident à la police samedi.

Interrogé par la HKFP sur la situation, un porte-parole a déclaré vendredi : « Hong Kong est une société fondée sur l’État de droit. Si des citoyens soupçonnent qu’ils sont victimes d’intimidation ou de harcèlement, ils doivent signaler l’affaire à la police. La police traitera chaque cas conformément à la loi et aux circonstances réelles. »

Selon RTHK , Michael Cheuk, sous-secrétaire à la sécurité, a déclaré : « Hong Kong est un lieu de droit.  Nous condamnons toutes sortes d’actions qui devraient être interdites. Tout individu doit être à l’abri des menaces, de la peur et du harcèlement… Qui que vous soyez, si vous êtes victime de menaces ou de harcèlement, n’hésitez pas à le signaler. »

Il a ajouté : « La liberté de chacun, pas seulement la liberté de la presse, la liberté de vivre sans peur, la liberté d'expression, quelle qu'elle soit, ces droits doivent être respectés et ne doivent pas être compromis. »

« Grave atteinte à la liberté de la presse »

Cette campagne d’intimidation intervient alors que Hong Kong  continue d’afficher de mauvais résultats  dans les classements mondiaux de la liberté de la presse sous l’effet de la loi sur la sécurité nationale.

Depuis que Beijing a imposé une loi sur la sécurité nationale en 2020, la ville a vu la fermeture de plusieurs médias, notamment Apple Daily et Stand News , qui ont fermé après des raids de police et l'arrestation de leurs principaux rédacteurs en chef.

Les autorités ont toutefois  affirmé que la liberté de la presse était « respectée et protégée » à Hong Kong.

Lors de la conférence de presse, Selina Cheng a souligné que ces attaques constituaient une « grave atteinte à la liberté de la presse », ajoutant qu’elle condamnait ces tentatives d’utiliser « des moyens illégaux tels que les menaces et le harcèlement pour entraver et effrayer les journalistes dans l’exercice de leur travail protégé par la Constitution ».

Le groupe a encouragé les journalistes victimes de harcèlement à en informer leurs employeurs et à déposer une plainte auprès de la police et de l'organisme de surveillance de la vie privée de la ville.

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Singapour : trois femmes inculpées pour avoir organisé un rassemblement « illégal » en faveur de la Palestinehttps://fr.globalvoices.org/?p=290554http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_194643_Singapour___trois_femmes_inculpees_pour_avoir_organise_un_rassemblement____illegal____en_faveur_de_la_PalestineMon, 30 Sep 2024 17:46:43 +0000Les autorités ont prévenu que des activités similaires « anarchiques » menaçaient l'harmonie sociale.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Cortège à l'Istana

Environ 70 personnes ont marché vers le Palais présidentiel de Singapour pour remettre une lettre demandant au gouvernement de rompre ses liens avec Israël. Les participants portaient des parapluies « pastèque » dont les couleurs reflètent le drapeau palestinien. Photo issue de la publication Facebook de Ng Yi-Sheng. Utilisée avec permission.

Le 02 février, environ 70 personnes ont marché  vers le Palais présidentiel du Singapour et ont déposé une lettre  exhortant le gouvernement à rompre ses liens avec Israël en raison d’attaques continuelles  contre le peuple palestinien à Gaza. Le 27 juin,  la police a déposé des accusations contre trois femmes pour avoir prétendument organisé l'évènement sans en obtenir l'aval.

Les trois femmes dénommées : Annamalai Kokila Parvathi, Siti Amirah Mohammed Asori et Mossammad Sobikun Nahar, étaient accusées d'avoir organisé une procession dans une zone interdite, une infraction en vertu de la Loi sur l'Ordre Public et d'autres participants pourraient également faire face à des poursuites judiciaires.

La police à publier un communiqué conseillant au public de s'abstenir d'imiter les manifestants d'autres pays.

Nous comprenons que certaines personnes peuvent avoir des sentiments forts concernant le conflit Israël-Hamas, mais elles ne doivent pas enfreindre la loi pour exprimer leurs opinions, ni imiter les manifestants d'autres pays. Elles peuvent plutôt participer aux nombreux forums et dialogues, ainsi qu'aux collectes de fonds, qui ont été organisés de manière appropriée sur cette question.

Le Collectif Justice Transformative, organisation de défense de l'une des accusées, Annamalai Kokila Parvathi  a dénoncé le fait que « le gouvernement ait choisi de réagir de manière vindicative avec des sanctions pénales ». Le Collectif ajoute :

Les sanctions prises contre ces trois femmes sont également une continuation de l'intimidation de ceux qui soutiennent pacifiquement les Palestiniens à Singapour.

Notre liberté de nous tenir en solidarité avec les autres, de demander des actions lorsque nous voyons des injustices, d'agir selon des principes moraux et non en fonction de l'autorisation du gouvernement est fondamentale pour une société démocratique saine et prospère.

Nous exigeons l'abandon des charges et la fin de toutes les autres enquêtes et intimidations contre les actions pacifiques en faveur de la Palestine.

Le Parti Démocratique du Singapour (PDS) dénonce vivement le dépôt d'accusations contre les jeunes activistes.

Les pétitionnaires ont marché de manière ordonnée et pacifique pour remettre une lettre. Comment auraient-ils pu être plus respectueux ? Et portant, le gouvernement a jugé bon de briser l'âme de ces jeunes Singapouriens consciencieux.

Sans la liberté de parler et de penser librement, Singapour sera définitivement enlisée dans le passé. A une époque où notre nation doit évoluer vers une société mature et sophistiquée, poursuivre nos citoyens pour l'exercice de leurs droits fondamentaux est à la fois myope, non éclairé et contre-productif.

Toutefois, le gouvernement de Singapour a clarifié  que les trois femmes étaient poursuivies en justice pour rassemblement illégal et non pour avoir exprimé leur soutien aux Palestiniens.

Elles n'ont pas été poursuivies pour avoir organisé un soutien au Peuple palestinien. Organiser un soutien à la cause palestinienne n'est pas un délit. Le gouvernement lui-même a organisé de nombreux évènements en soutien à la cause palestinienne.

Cela a également rappelé aux citoyens de maintenir la stabilité et l'harmonie sociale à Singapour.

Nous exhorterons les membres du public à éviter les activités qui pourraient nuire à la paix, à l'ordre public et à l'harmonie sociale que les Singapouriens  ont travaillé dur pour atteindre et dont ils jouissent aujourd'hui.  Nous ne devrions pas délibérément enfreindre la loi, même pour faire valoir un point de vue. Si nous le faisons, nous risquons de devenir une société sans loi, instable et désordonnée.

Le gouvernement a imposé un avis de « fausse information » remarqué sur un poste du PDS en invoquant la Loi de Protection contre les Faux Renseignements et la Manipulation en Ligne  (LPFRML ). Le PDS a répondu en affirmant que cet avis porte atteinte au droit constitutionnel des citoyens à la liberté d'expression. Il a insisté que « étant donné la nature pacifique et constructive de la procession, les poursuites judicaires étaient injustifiées ».

Singapouriens , jeunes et vieux, doivent considérer les actions actuelles avec une grande préoccupation. Nous ne devons pas laisser le [Parti d'Action populaire ou PAP] de retirer nos droits qui donnent une signification à notre citoyenneté. La LPFRML pour faire taire ses critiques rend encore plus insignifiante la notion de citoyenneté singapourienne.

La simple action des Singapouriens pour avoir pacifiquement déposé une lettre au bureau du président doit être respectée et protégée.

L'écrivaine Kristen Han a critiqué  les actions du parti au pouvoir à Singapour.

Je ne pense pas que le gouvernement du PAP réalise pleinement l'intensité des sentiments de nombreux Singapouriens en particulier les jeunes envers la situation actuelle des Palestiniens et à quel point ils sont choqués et dégoutés par les liens de Singapour avec cette violence.

… Plus la police ouvre des enquêtes inutiles et pédantes sur des évènements et des actions qui n'auraient jamais dû faire l'objet d'une intervention étatique en raison de législations trop larges et portant atteinte aux droits, plus elles banalisent l'idée d'être interrogé par la police.

La jeunesse singapourienne pour la paix a exprimé sa solidarité envers les activistes pro-palestiniens.

Si la Palestine est un test décisif de l'humanité mondiale, elle est également un test des principes de Singapour . Le premier indicateur de notre réussite dans ce test est la manière dont nous traitons nos activistes et la société civile. Pour quelles raisons trois personnes ont-elles été traduites en justice?

Si elles sont déclarées coupables, les trois femmes risquent une amende pouvant aller jusqu'à 10,000 SGD (7,300 USD) ou une peine de prison maximale de six mois. Des individus et des groupes à l'extérieur de Singapour ont exprimé leur soutien aux activistes.

Le gouvernement de Singapour  affirme rester neutre dans le conflit Israélo-Palestinien. Cependant, il entretient des programmes conjoints avec Israël, tout en ayant voté en faveur des résolutions de L'ONU visant à protéger les civils de Gaza.

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Après la conférence des PEID4 à Antigua-et-Barbuda, la « petite île » se bat pour conserver son statut de « cas particulier » à l'ONUhttps://fr.globalvoices.org/?p=290572http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_192455_Apres_la_conference_des_PEID4_a_Antigua-et-Barbuda__la____petite_ile____se_bat_pour_conserver_son_statut_de____cas_particulier____a_l_ONUMon, 30 Sep 2024 17:24:55 +0000« Les réalités des changements climatiques pour les PEID sont très différentes et uniques »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des représentants de diverses organisations de la société civile qui ont participé au récent forum de la société civile de la conférence des PEID4 à Antigua-et-Barbuda. Photo de CANARI, gracieusement offerte par Cari-Bois Environmental News Network.

Par Stefanie Lauchman

Cette histoire a initialement été publiée sur Cari-Bois Environmental News Network. Une version modifiée apparaît ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

La quatrième conférence sur les petits Etats insulaires en développement (PEID4) s‘est achevée il y a près de trois mois, le 30 mai à Antigua-et-Barbuda. Depuis lors, les parties prenantes se sont engagées dans leurs efforts de plaidoyer dans l'espoir de s'assurer que les PEID restent classés comme un « cas particulier » pour le développement durable, une désignation qu'ils avaient acquise en 1992, lors de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement de cette année-là à Rio de Janeiro, au Brazil.

La classification a reconnu que si de nombreuses menaces environnementales émergentes comme les changements climatiques peuvent affecter le PEID, les pays eux-mêmes n'étaient pas intrinsèquement les forces motrices derrière de telles menaces. En tant que telle, la désignation a également fourni une voix aux pays développés pour être tenus responsables du rôle qu'ils jouent dans la crise climatique et, à leur tour, prendre des vulnérabilités et améliorer la résilience des PEID.

Depuis lors, cependant, certains pays du « Nord global » ont résisté au point où les PEID se retrouvent maintenant à mener une bataille silencieuse pour sauvegarder leur désignation. La directrice de l'institut des ressources naturelles des Caraïbes (CANARI), Nicole Leotaud — qui a continuellement souligné la question lors de la conférence des PEID4 de cette année — a déclaré que le « repousser » contre l'idée que les PEID n'ont pas besoin d'une aide spéciale pour leur développement durable est décevant.

Elle a également noté que les vulnérabilités qui ont conduit à la désignation des « cas spéciaux » pour les PEID – leur taille géographique et leurs économies – sont toujours importantes à prendre en compte, expliquant: « Nous ne créons pas ces problèmes, mais ils sont extrêmement perturbateurs pour notre développement. » Le problème le plus évident, a poursuivi Leotaud, est les changements climatiques, où les PEID ne sont pas le principal contributeur aux gaz à effet de serre: « Cependant, les PEID sont en première ligne, et nous sommes l'un des groupes les plus vulnérables. »

Alors qu'un plan d'action sur 10 ans intitulé « Le programme d'Antigua-et-Barbuda (ABAS) pour les PEID » a été approuvé à PEID4, Leotaud a soutenu que les petits Etats insulaires en développement comme les Caraïbes doivent toujours bénéficier d'un soutien, même s'ils dirigent leur propre programme de développement durable. Avant le début de la conférence, CANARI a organisé un pré-sommet pour les organisations de la société civile afin de s'assurer qu'elles contribuent efficacement aux actions décrites dans le document ABAS.

Le ministre surinamais de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, Marciano Dasai, est indigné par la « résistance » des PEID auxquels il est confronté. Il pense qu'il y a suffisamment de preuves pour soutenir le « cas particulier » du statut de développement durable – pour le Suriname et d'autres petits territoires insulaires. De la sécheresse extrême aux inondations dévastatrices, Dasai a déclaré que les effets des changements climatiques au Suriname sont devenus plus perceptibles ces derniers temps.

Le Suriname est le pays le plus boisé du monde et contribue de manière significative à la séquestration du carbone émis par les pays du Nord depuis des siècles.

James Ellsmoor, fondateur et directeur de la société mondiale de conseil et de conseil en environnement Island Innovation, qui aide SDIS dans ses efforts de développement durable depuis plusieurs années, a déclaré qu'il était important pour eux de maintenir leur statut spécial.

Alors que certains PEID peuvent être considérés comme un revenu intermédiaire supérieur, Ellsmoor a soutenu qu'ils sont particulièrement vulnérables en raison de leur petite taille géographique, car l'ensemble du produit intérieur brut (PIB) d'un pays peut être anéanti par un seul événement météorologique comme un ouragan : « Cette fragilité doit être prise en compte, car les réalités du changement climatique pour les PEID sont très différentes et uniques. »

Ellsmoor a également averti qu'il y a des défis à utiliser le PIB par habitant comme mesure du développement et de l'accessibilité, en particulier compte tenu des réalités sur le terrain dans les petits Etats insulaires en développement. Un grand développement hôtelier au sein d'une industrie touristique robuste, par exemple, peut contribuer à l'augmentation du PIB, mais les revenus générés peuvent ne pas toujours être restitués à l'économie locale et aider les citoyens.

L'un des résultats encourageant de la conférence PEID4, cependant, a été la façon dont les organisations de la société civil s'unissent dans leur plaidoyer. Tout au long de la conférence, ces groupes — qui ont mis l'accent sur leur rôle dans l'élaboration des politiques et le renforcement de la collaboration des parties prenantes pour faire progresser le programme de développement durable — se sont engagés à faire en sorte que leurs voix soient entendues et que leurs contributions concernant les besoins des PEID soient prises en compte.

Alors que les PEID continuent d'exiger que les pays du Nord mondial assument la responsabilité de leur rôle dans la catastrophe climatique à laquelle nous sommes confrontés, il semble claire que le recul de « l'affaire spéciale » pour la désignation du développement durable se poursuivra. « Heureusement, » Ellsmoor a dit, « la conférence PEID4 a vue une voix forte pour défendre les besoins particuliers des PEID. »

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Selon vous, à quoi renvoie la gouvernance des données ? Rejoignez-nous pour une discussion en ligne le 30 septembrehttps://fr.globalvoices.org/?p=290535http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_184421_Selon_vous__a_quoi_renvoie_la_gouvernance_des_donnees___Rejoignez-nous_pour_une_discussion_en_ligne_le_30_septembreMon, 30 Sep 2024 16:44:21 +0000L'Observatoire des récits de données accueillera une session avec Conneced by Data.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de Giovana Fleck. Utilisée avec permission

Depuis un an, l'Observatoire des médias civiques (CMO) a développé un projet de recherche pour comprendre et analyser le discours sur les données utilisées pour la gouvernance, le contrôle et la politique au Salvador, au Brésil, en Turquie, au Soudan et en Inde. L'Observatoire des récits de données se termine par une session en partenariat avec Connected by Data, une organisation qui s'efforce d'inclure les communautés au centre des récits, des pratiques et des politiques en matière de données.

Selon vous, à quoi renvoie la gouvernance des données ? Avec cette question en mémoire, nous allons discuter le 30 septembre (13 heures TU / 16 heures à  Londres / 9 heures à Washington) de ce qui rend la gouvernance des données pertinentes lorsqu'il s'agit de son impact sur la vie des gens. La discussion se déroulera principalement en anglais.

Connected Conversations est une série de sessions de discussions informelles et virtuelles axées sur les principes de la gouvernance collective, démocratique, participative et délibérative des données. Ces événements visent à explorer et à approfondir la compréhension de la façon dont les données peuvent être gérées et gouvernées de manière à inclure diverses perspectives et à promouvoir la prise de décision partagée.

Selon nos recherches, au Soudan, les activistes et les chercheurs considèrent la gouvernance des données comme les réglementations et les pratiques qui gèrent les données, en mettant l'accent sur un traitement responsable afin de donner la priorité au bien-être des personnes. L'approche réglementaire du Brésil reconnaît la complexité et la portée de la gouvernance des données, la considérant à la fois comme politique et multiforme. Au Salvador, elle est considérée comme un cadre juridique centré sur la protection des données, la vie privée, l'intégrité et l'authenticité, en particulier en ce qui concerne l'intelligence artificielle et la réglementation des crypto-monnaies. L'Inde aborde la gouvernance des données par couches, en traitant de la protection des données, de la sécurité et de la gouvernance des contenus en ligne, reconnaissant l'influence significative des Big Tech dans ces domaines. En Turquie, la gouvernance des données est considérée comme faisant partie de la gouvernance numérique, liée à la gouvernance de l'internet et de l'information, mais elle se heurte à des difficultés de définition en raison du chevauchement et de la généralisation des termes.

Dans ces Connected Conversations (échanges en ligne), nous nous demanderons ce que ces perspectives de terrain peuvent signifier pour les campagnes mondiales sur la gouvernance des données, en explorant comment les résultats de l'Observatoire des médias civiques soutiennent ou remettent en question le plaidoyer existant en faveur d'une gouvernance des données collective et pilotée par la communauté.

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Webinaire de GV : les bases de la répression digitale au Venezuelahttps://fr.globalvoices.org/?p=290509http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_182231_Webinaire_de_GV___les_bases_de_la_repression_digitale_au_VenezuelaMon, 30 Sep 2024 16:22:31 +0000L'événement est organisé conjointement par l'Observatoire des médias civiques de Global Voices et Advox.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de l'Observatoire des médias civiques. Utilisée avec permission

Le 24 septembre 2024, Global Voices a organisé une discussion en anglais sur la stratégie du régime vénézuélien en matière de répression numérique, de la propagande aux stratégies de harcèlement et de persécution rendues possibles par l'utilisation de la technologie.

Le 28 juillet 2024, l'Autorité nationale électorale (CNE) du Venezuela a déclaré le président Nicolás Maduro vainqueur tard dans la nuit des élections, sans partager les résultats électoraux avec les résultats détaillés. Quelques heures après l'annonce de la CNE, la dirigeante de l'opposition Maria Corina Machado a contesté les résultats, affirmant que González Urrutia avait gagné et présentant les décomptes à l'appui.

Des manifestations ont immédiatement éclaté et se poursuivent depuis plus de six semaines, les manifestants exigeant la reconnaissance des résultats partagés par l'opposition, en particulier dans les quartiers traditionnellement favorables à Chávez. Plus de 1 700 personnes ont été arrêtées et 24 ont été tuées. La pression internationale s'est également accrue sur le CNE pour qu'il publie les données complètes des élections, tandis que le régime de Nicolás Maduro a intensifié ses tactiques de répression à l'encontre des voix dissidentes.

Pour plus d'informations : (La lutte pour la démocratie au Venezuela)

Dans ce webinaire, nous avons exploré le « lot » d'instruments de répression numérique du régime vénézuélien, comment ils ont évolué dans le temps et analysé comment ils ont été utilisés après l'élection présidentielle du 28 juillet.

L'événement, organisé conjointement par l'Observatoire des médias civiques de Global Voices et Advox, était animé par Giovana Fleck, responsable de l'Observatoire des médias civiques de Global Voices, et réunissait les panélistes suivants :

L'enregistrement complet de l'événement est disponible ici :

Ce billet fait partie d'Advox, un projet de Global Voices consacré à la protection de la liberté d'expression en ligne. Tous les articles
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Relier la biologie à l'art : entretien avec l'artiste nigérien Samuel Ubonghttps://fr.globalvoices.org/?p=290467http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240930_174830_Relier_la_biologie_a_l_art___entretien_avec_l_artiste_nigerien_Samuel_UbongMon, 30 Sep 2024 15:48:30 +0000« L'art c'est la vie et biologie, l'étude de la vie »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Samuel Ubong « Aritokonson » Okon est un instituteur nigérian et un artiste autodidacte dont les peintures surréalistes comprennent des représentations d'organes humains, de squelettes, de sang, de plantes, d'animaux et de processus de la vie.

Ses œuvres et ses illustrations peuvent également être vues dans les livres pour enfants, et ses peintures ont été exposées lors d'une récente exposition personnelle intitulée « Metanoia » qui s'est déroulée du 30 août au 2 septembre à la Photocarrefour Gallery à Abuja, la capitale du Nigeria . 

Ubong, 32 ans, est titulaire d'un baccalauréat scientifique en biologie. Il reconnaît l'influence de ce sujet sur son art : « Mes œuvres d'art capturent le paradoxe de la brièveté de la vie et des rythmes infinis de la nature. » C'est une histoire qu'il raconte de la première à la dernière peinture de la série Metanoia sur  « le vaste continuum et le cycle de la vie. »

Dans une interview téléphonique avec Global Voices, Ubong a partagé son approche de son art.

« L'essence de l'union, » en 2024. Acrylique sur la toile, 90 x 87 cm (35 x 34 pouces). Photo de Aritokonson, utilisée avec permission.

Pamela Ephraim (PE): Parlez-nous de votre récente exposition, « Metanoia » et l'inspiration qui en découle. 

Samuel Ubong (SU): Metanoia est une représentation des processus de la vie, un voyage de l'enfance à l'âge adulte à partir au début; le concept de naissance- la fusion/collaboration entre un père et une mère, comment ils doivent se réunir pour donner naissance à un enfant. Ce qu'ils apportent forme l'idée et la perception de l'enfant sur le monde. Metanoia est un mot grec qui signifie des changements, et les pièces explorent la métamorphose de la vie du début à la mort.

L'une de mes pièces, intitulée « L'essence de l'union » tisse ensemble les concepts de biologie, d'amour, de création et l'influence profonde que les parents ont sur la perception du monde d'un enfant. Cette œuvre d'art est centrée sur un cœur humain, méticuleusement détaillé pour montrer ses ventricules et ses oreillettes, à l'intérieur desquels deux visages, un homme et une femme sont entrelacés. Leurs cerveaux se chevauchent, symbolisant la connexion intellectuelle et émotionnelle profonde qui définit leur partenariat. L'œil représente le pouvoir partagé de la connaissance que ces couples partagent de leur monde, d'eux-mêmes et du processus de connaissance de l'évolution de leur enfant de la création aux années de formation en passant par le développement de leur tempérament. 

Leurs moelles épinières, s'écoulant de leurs formes entrelacées, représentées comme des brins d'ADN, convergent vers la tête et le cordon ombilical du fœtus en développement, nichés dans son propre monde à l'intérieur du cœur .

Cette connexion représente visuellement le rôle crucial que jouent les parents dans la formation de la réalité de leur enfant dès le tout début de la vie. Le fœtus, entouré par la chaleur et la protection du cœur, symbolise un monde construit par les pensées, les émotions et les expériences des parents. Cela démystifie la théorie selon laquelle un enfant est né sous forme de  « tabula rasa », car le parent a déjà inculqué des données intuitives, qui sont innées et uniques grâce à la fusion de leurs codes génétiques.

« Etreinte épineuse » en 2024. Acrylique sur la toile, 76 x 68 cm (30 x 37 pouces). Photo de Aritokonson, utilisée avec autorisation.

PE : Pouvez-vous parler davantage de votre formation en biologie et de la façon dont vous avez commencé à la fusionner dans l'art?

SU : J'ai toujours eu une passion pour les arts. Je me souviens avoir beaucoup griffonné quand j'étais enfant, mais ma mère n'aimait pas ça. Elle voulait que je devienne médecin. Je ne la blâme pas parce que cela a été perçu comme une décision économiquement intelligente. Elle ne connaissait pas la valeur de l'art, alors elle a mal vu mon désir de faire de l'art. J'ai fini par obtenir un baccalauréat en biologie à l’Université Ahmadu Bello et un diplôme de troisième cycle en éducation.

J'ai travaillé comme enseignant de classe pendant des années, et je suis actuellement boursier  Teach for Nigeria , où j'enseigne aux élèves du primaire 3e (3e année) . Je suis deux fois auteur de livres pour enfants. Le premier est un livre d'illustration intitulé Hayatou et les abeilles à miel; et le second est Nipsey the Ginger Cat.

PE : Quelle est votre approche pour intégrer la biologie dans votre art ? Quel est la message que vous cherchez à partager par cette combinaison ?

SU: Mon travail cherche à montrer la relation entre la biologie et l'art et comment cela nous affecte. L'art c'est la vie, et la biologie est l'étude de la vie. La vie en elle-même est une fonction de la biologie. L'art nous dit que nous ne pouvons pas nous passer de la biologie et la biologie nous dit d'apprécier l'art. Mon travail explore l'intégration de la biologie dans l'expression artistique. Bien que la plupart des gens les classent comme deux disciplines très distinctes, leur combinaison peut créer de nouvelles opportunités pour améliorer la diffusion.

PE : Quel a été l'impact ou la réception de votre art? 

SU : L'accueil de mon art a généralement été positif parce qu'il vient d'un point de vue original où la plupart des idées sont liées à des événements, des idées et des états se sentiment. A l'exposition, la connexion de l'histoire avec la biologie, les émotions et la psychologie inspire une forme d'introspection, des pensées et une réflexion plus profondes. Dans les contextes quotidiens, mon art a pu inspirer le rire, la nostalgie et la mini-controverse parmi les pairs et les étrangers qui rencontrent le travail. Ils posent des questions comme, « Comment avez-vous même pensé à cela ? »

PE : Comment réalisez-vous ces pièces bizarres ? Faites-nous passer votre processus créatif.

SU : Mon processus créatif est fortuit. C'est accidentel. Je m'inspire de la conversation et des processus de pensée aléatoires, puis j'essaie d'effectuer certains types de rituels à mon retour du travail, je me douche, je brûle mon encens, je joue de la musique calme, puis j'attrape mes pinceaux pour peindre. J'essaie de travailler tranquillement. 

PE : Y a-t-il une pièce particulière de la série Metanoia que vous aimez particulièrement?

SU : J'aime toutes mes pièces, mais celle qui résonne le plus avec moi est en fait « Le bonheur malgré tout » et « L'essence et l'union » parce que dans l'histoire de Metanoia, elles représentent le début et la fin, ce qui est une ironie. « Le bonheur malgré tout » est en fait une promesse de début, tandis que « L'essence et l'union » est le début d'une union.

« Bonheur malgré tout,» en 2024. Acrylique sur la toile 48 x 63 cm (19 x 25 pouces). Photo de Aritokonson, utilisée avec autorisation.

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Chine : expansion des véhicules électriques et enjeux environnementaux en Asie centralehttps://fr.globalvoices.org/?p=290636http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240927_201607_Chine___expansion_des_vehicules_electriques_et_enjeux_environnementaux_en_Asie_centraleFri, 27 Sep 2024 18:16:07 +0000Alors que les émissions globales diminueront, l'exploitation minière augmentera.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Les véhicules électriques BYD Han et Xpeng P7. Le constructeur automobile chinois Xpeng prévoit d'accroître ses investissements dans les véhicules verts en Asie centrale. Image provenant de Wikipedia, sous licence CC BY-SA 4.0.

En plein essor, l'industrie chinoise des véhicules électriques fait des percées significatives en Asie centrale, région historiquement dépendante des technologies automobiles traditionnelles et des combustibles fossiles. Lors d'une récente visite au Tadjikistan en juillet, le dirigeant chinois Xi Jinping a souligné la nécessité d'une collaboration dans le domaine des voitures à énergie verte. Deux des plus grandes entreprises chinoises de véhicules électriques, Xpeng et Li Auto, ont récemment annoncé leur intention de se concentrer sur les marchés émergents d'Asie centrale et du Moyen-Orient. Les médias d'État chinois ont salué les exportations de véhicules électriques comme un signe d'amitié et de collaboration entre la Chine et l'Asie centrale.

Toutefois, les experts avertissent que l'expansion des VE (véhicules électriques) en Chine pourrait s'accompagner de certains coûts environnementaux à court terme, en particulier en Asie centrale. Cette région est riche en minéraux essentiels à la production de VE, mais dépend fortement des combustibles fossiles pour sa propre consommation d'énergie.

Le paysage énergétique de l'Asie centrale : dépendance à l'égard des combustibles fossiles

La Chine est à l'avant-garde de la transition mondiale vers les véhicules électriques (VE) en grande partie parce qu'elle a passé des décennies à investir et à développer ses talents, sa capacité de production et son infrastructure dans le domaine des technologies vertes. Son approche globale comprend de solides capacités de production, des investissements importants dans la technologie des batteries, une formation et un enseignement approfondis, ainsi qu'un soutien gouvernemental substantiel.

Cet investissement constant a créé une sorte de problème de surcapacité, car de nombreux chercheurs et économistes internationaux affirment que le niveau de production et la capacité des technologies vertes de la Chine dépassent la demande mondiale. Les autorités chinoises et les médias d'État nient catégoriquement ces affirmations, qu'ils qualifient de « calomnie ». Néanmoins, la Chine se tourne de plus en plus vers les marchés étrangers pour trouver des consommateurs pour ses produits d'énergie et de technologies vertes. Cette approche a été couronnée de succès puisque, malgré les droits de douane élevés imposés par les États-Unis et l'Europe pour freiner son expansion dans le domaine des VE, la Chine représente aujourd'hui près de 60 % de tous les nouveaux VE vendus dans le monde.

Pour en savoir plus : As electric vehicles gain momentum in Brazil, China's influence shines through (Alors que les véhicules électriques gagnent du terrain au Brésil, l'influence de la Chine se fait ressentir)

Alors que les VE deviennent une option attrayante pour le transport propre dans le monde entier, leur impact environnemental pourrait être inégal en Asie centrale, une région où la consommation d'énergie est dominée par les combustibles fossiles, en particulier au Kazakhstan et en Ouzbékistan. En 2021, le charbon a produit 67 % de l'énergie au Kazakhstan. En Ouzbékistan, la production de charbon a également augmenté de 40 % au cours des deux dernières années.

« Les VE chinois sont abordables. Ils réduisent la demande de produits pétroliers, dont une partie est importée de Russie, et ils représentent la tendance future », a déclaré à Global Voices Laurent Ruseckas, analyste chez S&P Global Commodity Insights. « Mais à court terme, ils sont moins utiles pour réduire les émissions de carbone qu'on pourrait le penser. Le réseau électrique d'Asie centrale est loin d'être décarboné. » Par exemple, le Kazakhstan possède le charbon le moins cher du monde et, bien que le gouvernement kazakh se soit fixé pour objectif de passer à l'énergie verte, à l'instar d'autres pays d'Asie centrale, le passage à des technologies à faible émission de carbone nécessite des investissements considérables.

Collaboration régionale sur les VE

Le Kazakhstan et l'Ouzbékistan sont devenus des plaques tournantes régionales pour les véhicules électriques chinois. Premier partenaire commercial de la Chine en Asie centrale, le Kazakhstan s'est engagé à renforcer sa collaboration dans le domaine des VE et des minéraux essentiels. En ce qui concerne l'Ouzbékistan, BYD, le leader chinois des VE, a commencé à produire des véhicules à énergie nouvelle dans une usine ouzbèke, marquant ainsi l'implantation de sa première usine en Asie centrale. BYD a des plans ambitieux pour augmenter sa production en Ouzbékistan jusqu'à 500 000 voitures par an.

Le BYD Song Plus EV. L'un des véhicules électriques les plus populaires de la région. Image provenant de Wikipedia, sous licence CC BY-SA 4.0.

Malgré la popularité croissante des VE, au Kazakhstan, la part des VE par rapport aux voitures à essence/diesel n'est que de 0,11 %. Jusqu'à présent, l'Ouzbékistan est le chef de file des VE dans la région, où les VE représentent 5,7 % de l'ensemble des véhicules.

Si certains craignent que l'adoption généralisée des VE n'entraîne une augmentation de la demande d'électricité, ce qui pourrait se traduire par une hausse des émissions – d'autant plus qu'une grande partie de l'électricité de la région est actuellement produite à partir de charbon – de nombreuses études et rapports ont démenti cette crainte.

Des études menées par les universités de Cambridge (Royaume-Uni) et de Nimègue (Pays-Bas) montrent que les véhicules électriques restent plus respectueux de l'environnement que les voitures à essence dans 95 % du monde, même lorsque l'électricité provient essentiellement du charbon. Toutefois, les avantages d'une transition vers les véhicules électriques pourraient être réduits à néant dans un réseau électrique basé sur le charbon, à moins que la capacité d'énergie verte d'un pays ne soit simultanément augmentée.

Pour soutenir cette transition verte, l'Ouzbékistan s'est engagé à produire 30 % de son électricité à partir de l'énergie solaire, avec des projets de construction de centrales électriques solaires et éoliennes d'une capacité de huit gigawatts d'ici à 2030, avec l'aide d'investisseurs étrangers. Toutefois, le développement de ce réseau vert se heurte déjà à certains obstacles, les investisseurs occidentaux hésitant à investir en Ouzbékistan en raison de l'absence d'État de droit et de protection des investissements, selon des personnes proches de l'environnement des investissements étrangers en Ouzbékistan qui ont parlé à Global Voices sous le couvert de l'anonymat.

Augmentation de la demande de minéraux en raison de l'expansion des véhicules électriques

En plus de vendre des VE à l'Asie centrale, la Chine exploite également les riches ressources minérales de la région pour répondre à sa demande de nickel, de cobalt et de lithium, qui sont tous des minéraux essentiels à la fabrication de batteries pour les véhicules électriques. Le Kazakhstan, par exemple, a bénéficié d'importants investissements chinois dans l'infrastructure minière pour répondre aux besoins de la production de véhicules électriques et de la fabrication de batteries.

Lors de sa récente visite au Kazakhstan en juillet, le dirigeant chinois Xi Jinping s'est engagé à cultiver la croissance et la coopération dans des domaines tels que les énergies renouvelables et les minéraux essentiels. L'année dernière, le Kazakhstan a accepté de collaborer avec le principal producteur de métaux chinois, Zijin Mining Group, afin d'améliorer sa technologie minière.

Outre le lithium, le Kazakhstan est également riche en cuivre, un minéral essentiel pour les batteries des véhicules électriques. Le Kazakhstan figure parmi les 15 premiers pays au monde pour la production et les réserves de cuivre. L'année dernière, la Chine et le Kazakhstan ont signé un mémorandum de collaboration en matière d'énergie propre à Zhezkazgan, la plus importante ville d'extraction de cuivre du Kazakhstan.

Cette exploitation minière complique encore la transition vers l'énergie verte au Kazakhstan, car les activités minières peuvent avoir un impact considérable sur l'environnement et nuire à la santé et à la qualité de vie des travailleurs et des habitants des régions avoisinantes.

Depuis des décennies, Zhezkazgan connaît une dégradation de l'environnement et un mauvais état de santé de ses habitants en raison de sa dépendance à l'égard de l'exploitation minière du cuivre. Le taux de mortalité global par cancer et maladies respiratoires à Zhezkazgan est beaucoup plus élevé que la moyenne nationale du Kazakhstan. Selon Yipeng Zhou, qui étudie l'histoire de l'exploitation minière en Eurasie centrale, il est peu probable que les nouveaux investissements chinois dans l'industrie du cuivre de Zhezkazgan répondent aux préoccupations des habitants concernant la sécurité de l'eau et de l'air ou les mauvaises conditions de travail.

La réduction de l'empreinte carbone de la région et le passage à l'énergie propre nécessitent l'intensification du déploiement des véhicules électriques, un marché dominé par la Chine. Toutefois, l'expansion des VE chinois met également à rude épreuve les ressources minérales de l'Asie centrale, où les pratiques minières ont mis en péril l'environnement local et la santé des habitants.

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J’ai essayé la thérapie en ligne en Ouganda, mais est-ce une alternative de santé mentale accessible à tous ?https://fr.globalvoices.org/?p=290379http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240927_193936_J___ai_essaye_la_therapie_en_ligne_en_Ouganda__mais_est-ce_une_alternative_de_sante_mentale_accessible_a_tous__Fri, 27 Sep 2024 17:39:36 +0000La téléthérapie est nouvelle en Ouganda. Elle est survenue au cours de la période du COVID-19

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration de Minority Africa, utilisée avec permission.

Cette histoire a été écrite par Hellen Kabahukya et initialement publiée  par Minority  Africa le 6 septembre 2024. Une version abrégée est republiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

C'est jeudi matin et j'ai décidé de me montrer vulnérable au téléphone. Pour la première fois, j'ai essayé la téléthérapie. Contrairement à la façon traditionnelle de faire une thérapie dans mon passé, où je rencontrais un thérapeute en personne, j'ai choisi de suivre la voie anonyme.

L’option recommandée était Mental Health Uganda (MHU). La panique m’a envahie lorsque j’ai composé le numéro gratuit. Lorsque le téléphone a sonné, j’ai écouté une mélodie qui m’a détendu de la panique que je ressentais. Le téléphone a sonné pendant environ 30 secondes avant qu’un monsieur ne réponde. La question que je me posais était : comment cela peut-il fonctionner ?

En décrochant l’appel, l’homme s’est présenté comme étant David et m’a demandé de me présenter. Il m’a assuré que l’appel était confidentiel et qu’aucune de mes informations ne serait partagée en dehors de notre appel téléphonique. Il m’a ensuite expliqué que la séance dure généralement de 45 minutes à une heure au maximum.

Pour la première fois depuis longtemps, j'ai pu dire à quelqu'un ce que j'avais gardé pour moi. Nous avons exploré mon deuil, mes relations et la façon dont je devais faire face aux exigences du quotidien. J'ai fait la plupart des conversations pendant que David écoutait en silence.

« Voudriez-vous parler des problèmes entourant la mort de votre père et de ce que vous avez ressenti à ce sujet ? », a demandé David.

Quelque chose dans sa voix m’a rassuré sur le fait que je pouvais être ouvert, et je me suis retrouvé à parler de problèmes qui étaient depuis longtemps enfouis dans ma tête.

Je lis les visages, donc je suis toujours consciente des réactions faciales des gens lorsque je parle. Avec le conseiller au téléphone, je n'avais pas peur d'être jugée, et il demandait souvent où il avait besoin d'éclaircissements, ce qui me rassurait sur le fait qu'il m'écoutait.

Finalement, il m’a donné des recommandations et quelques pistes de réflexion en vue de notre prochaine discussion la semaine suivante.

Téléthérapie et santé mentale en Ouganda

La téléthérapie est un nouveau  traitement en Ouganda qui n’a gagné en popularité que pendant la période  COVID-19 .

Plusieurs organisations, dont Mental Health Uganda, proposent ce service. L'organisation propose des services de santé mentale depuis près de 27 ans.

« Nous avons développé l'idée en 2018, mais nous l'avons pleinement mise en œuvre en 2021 pendant le confinement lié au COVID-19, lorsque nous avons réalisé que de nombreuses personnes avaient besoin de soutien, mais ne pouvaient pas se rencontrer physiquement », explique Géraldine Kauma, chargée de communication de Mental Health Uganda.

Nanteza Teopista est une femme de 26 ans atteinte du VIH/SIDA. Lorsqu'on lui a diagnostiqué la maladie, elle a tout d'abord suivi une thérapie, mais elle a continué à lutter contre des idées suicidaires.

Pendant deux ans, elle suit des thérapies à répétition. Teopista rencontre son thérapeute une fois par mois et parfois, quand elle se sent dépassée, elle prend rendez-vous en ligne.

« Honnêtement, je préfère utiliser la thérapie en ligne lorsque je suis en contact avec une nouvelle personne. Je trouve que c'est plus sûr et anonyme, mais avec la thérapeute que j'ai depuis deux ans, je préfère que nous nous rencontrions physiquement ; j'ai l'impression qu'elle est capable de mieux me comprendre lorsqu'elle me voit », explique Teopista.

L'état des problèmes de santé mentale en Ouganda

La santé mentale est un état de bien-être mental qui permet aux gens de faire face au stress de la vie, de réaliser leurs capacités, de bien apprendre et de bien travailler, ainsi que de contribuer à leur communauté.

Les troubles mentaux varient et se manifestent différemment. Ils comprennent la dépression et l'anxiété, les troubles bipolaires, les troubles de la personnalité, la schizophrénie et d'autres troubles neurologiques ainsi que du développement comme l'autisme.

« En l’absence de diagnostic, de nombreuses personnes finissent par vivre avec des problèmes de santé mentale, et la stigmatisation entourant les troubles mentaux empêche beaucoup d’entre elles de rechercher l’aide dont elles ont tant besoin », explique le Dr Hafsa Lukwata, commissaire par intérim à la santé mentale et au contrôle de la toxicomanie au ministère de la Santé.

En Ouganda, les problèmes de santé mentale vont bien au-delà des statistiques et ont des répercussions profondes sur les individus, les familles et les communautés. La prévalence des problèmes de santé mentale dépasse la moyenne mondiale confrontée à ces problèmes entre 11 et 24 ans, âge critique de la population.

87 % des Ougandais vivent dans des zones rurales. Le pays compte 28 unités de soins psychiatriques et un seul hôpital de référence pour les malades mentaux. Plus de 60 % de ces unités se trouvent près de la capitale, Kampala. Les habitants des zones rurales ont donc un accès limité aux soins de santé mentale.

Selon les rapports des  professionnels de la santé mentale ougandais , 35 % des Ougandais souffrent d’une maladie mentale et 15 % d’entre eux ont besoin d’un traitement.

« Les troubles mentaux les plus courants sont la dépression et l’anxiété. Ces troubles peuvent être traités, mais le problème est que la plupart des gens ne croient pas à l’importance de demander de l’aide », explique Moses Mpanga, psychologue clinicien et fondateur de MIND Nest Uganda (MNU).

Malheureusement, la stigmatisation entourant la santé mentale aggrave la situation, laissant les personnes touchées isolées, honteuses et souvent réticentes à demander l’aide dont elles ont besoin.

« Outre les symptômes graves qui peuvent présenter un patient comme un danger pour lui-même ou pour son entourage, et dans ce cas, nous étudions les idées et pensées suicidaires, la schizophrénie. Souvent, les patients ont besoin d'une thérapie ou de méthodes de traitement ambulatoire », explique le Dr Lukwata.

Pas une solution miracle

La pratique de la téléconsultation en est encore à ses balbutiements . Elle permet aux individus de bénéficier de services de thérapie et de conseil de la part de professionnels agréés par vidéoconférence, par téléphone ou par messagerie en ligne.

« La téléthérapie offre une alternative pratique et accessible à la thérapie traditionnelle en personne, en particulier pour ceux qui peuvent avoir des obstacles à l'accès à la physiothérapie, tels que la distance géographique, les limitations physiques ou les conflits d'horaire », explique Lorna Nakabuye, fondatrice de Kampala Counselling Services.

Selon Afsan Mirza, conseillère privée en santé mentale, les personnes qu'elle a conseillées par téléphone préfèrent cela aux rencontres physiques, car elles peuvent le faire sans craindre que quelqu'un le découvre et les stigmatise.

De nombreux conseillers ont également noté que les femmes sont plus intéressées par la physiothérapie et préfèrent avoir une relation étroite avec leur thérapeute, tandis que les hommes préfèrent rester anonymes et privilégient donc la téléconsultation.

Même si la téléconsultation a de bonnes chances de constituer une nouvelle étape dans l’accès aux traitements de santé mentale, son coût reste un défi pour de nombreux Ougandais qui ont besoin de ce service.

« Le coût de l’accès à la thérapie varie entre 50 000 et 300 000 shillings (13,44 dollars) et la durée de la séance est d’une heure maximum, selon l’endroit où vous recevez le service. C’est très cher pour quelqu’un qui doit consulter un professionnel deux fois par semaine ou plus », explique Teopista.

Cela exclut également de nombreuses personnes qui ne peuvent pas se permettre de suivre une thérapie en général. Les organisations qui proposent ce service gratuitement doivent néanmoins en supporter les frais auprès des prestataires, ce qui rend la prestation onéreuse. Une organisation, qui a souhaité garder l'anonymat, a fait remarquer que le coût d'une prise en charge téléphonique d'un client était le même que celui d'un traitement en personne pour quatre personnes.

En outre, seuls  63,8 % de la population ont accès au téléphone, la plupart vivant en zone urbaine. Cela signifie que de nombreux citoyens n’ont pas accès à la téléphonie et peuvent donc avoir du mal à accéder à ces services.

La téléthérapie m’a toujours semblé inutile. Après tout, pourquoi payer pour appeler un thérapeute si vous pouvez simplement appeler votre meilleur ami ? De plus, étant une personne émotive, j’ai toujours préféré la thérapie en personne. La seule différence est que, tout comme avec mon meilleur ami, je me censurais pour éviter de partager des informations qui pourraient me faire juger.

Cependant, avec la téléthérapie, c’était la moindre de mes craintes ; même mon nom était faux – c’était comme écrire une histoire anonyme sur Reddit, et en fin de compte, je recevais toujours la même attention et les mêmes soins qu’avec un thérapeute en personne.

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Être en exil c'est s'efforcer à dire « ici »https://fr.globalvoices.org/?p=290473http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240927_192010_Etre_en_exil_c_est_s_efforcer_a_dire____ici___Fri, 27 Sep 2024 17:20:10 +0000« Vous n'êtes pas sûr de quand, ou même si, cette résistance chez soi viendra un jour » 

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

de grands bâtiments lumineux

Centre ville de Hong Kong, front de mer.  Photo de 蓝茶 Bluetea sur Pexels, sous Pexels licence.

Cet article a été initialement publié dans le Hong Konger  le 2 juillet, 2024. Il s'agit d'une plateforme multilingue mondiale et indépendante qui explore l'identité de Hong Kong et le discours de la diaspora à travers un contenu riche et diversifié sur la société, la politique, le business, la culture, le mode de vie. Cette version éditée a été publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

« Exile est un mot lourd », ai-je répondu à mon amie lorsqu'elle me demandait si je me considérais comme un exilé. Elle m'a encouragé à ne pas me voir comme tel, que je n'en étais pas un. Mais j'ai d'autres amis qui m'ont encouragé, très souvent, à ne pas retourner à Hong Kong, car cela ne serait pas sûr pour moi. En toute honnêteté, je ne sais pas ce qui se serait passé si j'y étais retourné. Je me suis installé aux Pays-Bas, où j'étais né et avais vécu jusqu'en 2004, pour écrire un livre et être avec ma partenaire. Dans l'idéal, je veux rentrer à Hong Kong, que j'ai fini par considérer comme ma maison. Mais avec la situation politique qui se détériore là-bas, où j'ai vécu en 2010, j'ai commencé à réaliser que mon retour n'était peut-être pas pour bientôt et c'est difficile à accepter.

La conversation avec mon amie m'a amené à me demander ce que signifie être en exil. j'ai trouvé une description utile sur la différence entre les exilés et les migrants dans le livre  Exile in Global Literature and Culture : Homes found and Lost (L'exil dans la littérature mondiale et la culture : maisons trouvées et perdues) écrit par Asher Milbauer et James Sutton : « cependant, il existe des différences significatives entre les exilés et les migrants. Les premiers regardent en arrière, se souviennent, et désirent rentrer chez eux ; tandis que les seconds regardent vers l'avant, rêvent et souhaitent s'intégrer. De plus, les exilés sont fiers de leur langue et de leur culture. Ils les transmettent à leurs enfants presque avec arrogance ; pourtant, les migrants se battent à apprendre tout sur la société qu'ils ont rejointe. Plus est, les exilés se sentent toujours déracinés alors que les migrants se sentent anxieux de s'intégrer.  »

J'ai réalisé qu'être en exil n'est pas juste de savoir si rentrer chez soi est sûr ou non, mais c'est également une expérience profonde, une liaison affective avec le pays natal. Être en exil c'est vivre dans l'attente perpétuelle du retour, suspendre son existence en attendant ce moment hypothétique où l'on pourra enfin rentrer chez soi. C'est comme attendre un vol de correspondance à l'aéroport, dont les retards s'enchainent sans fin, sans savoir quand ni même si cet avion te ramènera à la maison.

Amsterdam et les vélos . Photo de Jace & Afsoon sur Unsplash, sous Unsplash license.

Gustavo Pérez Firmat, écrivain cubain en exil aux États-Unis, a publié un essai intitulé « Dreamers and Lifers : Exile Terminable and Interminable » dans Exile in Global Literature and Culture, dans lequel il nous aide à comprendre qu'il y a trois étapes dans l'exil. La première est dominée par le désir, l'espoir et même l'attente d'un retour, affirme-il. À ce stade, nous sommes des Hongkongais exilés et nous ne nous contentons pas d'attendre le retour, nous l'attendons immédiatement.

Selon Firmat,  vu que le retour est de plus en plus renvoyé, nous attaquons la seconde phase. Nous espérons encore peut-être rentrer chez nous, mais nous avons commencé à réaliser que cela ne sera pas pour bientôt, et nous sommes devenus de plus en plus nostalgiques. A ce niveau,  nous ne sommes plus des Hongkongais en exil, mais des Hongkongais à l'étranger. L'exil n'est plus qu'un statut temporaire, mais est devenu une partie permanente de notre identité.

Firmat déclare que, la  troisième phase arrive lorsque vous avez quitté le chez vous pendant longtemps à tel point qu'y retourner serait un type d'exil en lui-même. Il poursuit en disant que, cette phase vient avec des sentiments de haine compliqués, de désaffection, ou de détachement. Pour terminer, il y ajoute que nous pouvons marquer la fin de l'exil quand nous pourrons enfin dire « ici ».

Chaise et étagère vide. Photo de Mark Zastrow sur Flickr (CC BY-NC 2.0).

Lorsque je suis arrivé aux Pays-Bas au tout début, je ne permettais pas de m'acheter  beaucoup de livres. Je ne m'attendais tout simplement pas à rester longtemps, mais j'aimais les livres. Alors avec le temps, ma collection de livres a encore commencé à s'agrandir. Ma partenaire avait remarqué cela et a proposé que nous ayons une étagère à livres mais j'ai refusé. « Qui sait combien de temps nous resterons ici ? » Ai-je rétorqué. Le temps s'était écoulé et nous avons refait le bail de notre appartement pour un autre thème. Puis Noël est arrivé et elle m'a demandé quel cadeau je voudrais « Que penses-tu d'une étagère à livres ? » m'a t-elle demandé gentiment. Cette fois j'ai acquiescé en silence. Ce que j'essaye de dire est que le processus d'être en exil, d'accepter certaines vérités prend du temps.

Ce que je dois admettre est que je lutte pour dire « ici ». Je ne sais pas si les Pays-Bas est où je veux rester pour longtemps, je pense que non. Je ne pense pas garder ma vie dans cette transition pour toujours. Finalement je dois m'en aller. Je me dis que cela ne veut pas dire abandonner Hong Jong sur l'espoir d'une liberté, équitable et ouverte mais cela signifie à un certain moment ; je dois réserver une place pour dire « ici ». Ce n'est pas seulement s'engager pour un lieu, mais aussi pour se faire de nouveaux amis, s'intégrer à une nouvelle communauté et peut-être même avoir un nouveau « chez moi ». Je veux être capable d'imaginer un avenir ensemble avec ma partenaire et pour cela nous devons être capables de décider ensemble et dire « ici ».

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La nouvelle directrice exécutive de Global Voiceshttps://fr.globalvoices.org/?p=290452http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240927_184000_La_nouvelle_directrice_executive_de_Global_VoicesFri, 27 Sep 2024 16:40:00 +0000Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Malka Older, Global Voices' new Executive Director. Photo by Allana Taranto, Ars Magna. Used with permission.

Malka Older, la nouvelle directrice exécutive de Global Voices. Photo de Allana Taranto, Ars Magna. Utilisée avec permission.

15 septembre 2024

Global Voices accueille sa nouvelle directrice exécutive, Malka Older, une écrivaine de science-fiction reconnue, universitaire, formatrice et ancienne travailleuse humanitaire ayant plus de dix ans d'expérience sur le terrain dans le domaine de l'aide humanitaire et du développement international, du Soudan à l'Indonésie.

Older, qui a été choisie par le conseil d'administration de Global Voices à l'issue d'une recherche mondiale rigoureuse de six mois, succède à Ivan Sigal, directeur exécutif de Global Voices, qui, au cours des 16 dernières années, a renforcé et élargit le travail de Global Voices et sa communauté de contributeurs. Sigal a annoncé en février son intention de passer à un nouveau chapitre et travaille maintenant avec  Older pour assurer une transition aisée et réussie.

« Au cours des 16 dernières années, Ivan a dirigé Global Voices avec grâce, empathie et sagesse à travers de profonds changements dans le monde et les médias que nous utilisons pour le comprendre. Il est difficile d'imaginer Global Voices sans lui », a déclaré Ethan Zuckerman, cofondateur de Global Voices, ainsi que Rebecca MacKinnon, tous deux membres actuels du conseil d'administration. « Mais il est également difficile de décrire à quel point nous sommes enthousiasmés par Malka Older et par sa combinaison unique de compétences et d'expériences. Il est facile d'imaginer un Global Voices sous sa direction qui se transforme pour répondre à ce moment tout en maintenant les valeurs de diversité et d'engagement que nous avons toujours défendues. »

Mary Kay Magistad, présidente du conseil d'administration de Global Voices, qui a dirigé la recherche d'un nouveau directeur général, a déclaré que Older avait impressionné le conseil par sa profonde compréhension et son respect des valeurs et missions de Global Voices, ainsi que par sa vision du travail que Global Voices accomplit et pourrait accomplir.

Malka nous a confié qu'elle pensait que « l'information transparente, éthique et multi-perspective est l'un des leviers les plus importants que nous puissions utiliser pour améliorer la démocratie, l'équité et l'empathie », a déclaré Magistad. Elle affirme voir Global Voices comme « une expérience, une communauté et une plateforme incroyables pour construire un monde meilleur ». C'est exactement l'état d'esprit dont Global Voices a besoin au sein de sa direction, et qu'elle a trouvé chez Ivan et chez Georgia Popplewell, directrice générale. Nous serons toujours reconnaissants à Ivan pour le travail extraordinaire qu'il a accompli à la tête de Global Voices au cours des 16 dernières années, et nous sommes ravis d'accueillir Malka pour lui succéder.

Fondée en 2004, Global Voices est une communauté internationale et multilingue d'écrivains, de traducteurs et d'activistes des droits humains présents dans une dizaine de pays, qui connaît le pouvoir d'Internet pour raconter des histoires qui favorisent la compréhension au-delà  des frontières. Older est depuis longtemps une adepte de Global Voices et voit des synergies entre ses propres intérêts et les domaines d'intervention de Global Voices.

« En rejoignant Global Voices, je suis ravie de faire partie d'une organisation qui s'intéresse à de nombreuses questions qui me tiennent à cœur : l'information, les liens interculturels et interlinguistiques et l'empathie, les droits de l'homme et la démocratie, la communauté, la décentralisation et la gouvernance, les langues indigènes et les langues menacées », a déclaré Mme Older. « Je suis incroyablement impressionnée par tout ce que la communauté Global Voices a accompli, et j'ai hâte de travailler ensemble pour continuer à renforcer la compréhension et à raconter des histoires importantes parmi les nouveaux défis et les nouvelles opportunités dans cet environnement médiatique en évolution rapide.

La pensée d'Older sur ces défis et ces opportunités se reflète à la fois dans ses écrits de science-fiction et dans son travail universitaire en tant que maitre de conférences à la faculté de l'école pour l'avenir de l'innovation dans la société de l'université d'État d'Arizona, et en tant qu'attachée de recherche au Crisis Lab de Sciences Po à Paris. C'est également à Sciences Po qu'Older a obtenu son doctorat en sociologie, axé sur la dynamique des approches post-catastrophes des gouvernements. Au cours de sa décennie d'expérience dans le domaine de l'aide humanitaire et du développement, elle a notamment dirigé le bureau de Mercy Corps au Darfour, au Soudan, et a été directrice des programmes de Mercy Corps en Indonésie. Elle a également participé à des projets de conseil en Équateur, aux Îles Salomon, au Japon, au Myanmar, en Ouganda et au Sri Lanka.

Les trois premiers romans de science-fiction d'Older, Infomocracy (2016), Null States (2017) et State Tectonics (2018), forment la trilogie Centenal Cycle, finaliste du prix de la meilleure série des Hugo Awards en 2018. Infomocracy a également été désigné comme l'un des meilleurs livres de 2016 par le Washington Post et Kirkus. La novella de Older The Mimicking of Known Successes (2023) a été finaliste pour un prix Hugo en 2024, et a été suivie par The Imposition of Unnecessary Obstacles (2024).

« En lisant le travail de Malka, j'ai eu l'impression que la conversation que j'avais quotidiennement avec mes collègues de Global Voices aurait pu être transposée dans ses histoires. C'était troublant », a déclaré Sigal. « Son approche polymathique et non conventionnelle des questions relatives à l'ordre de l'information, à la gouvernance et à la manière dont les communautés et les organisations sortent d'une crise résonne vraiment avec la mission et les aspirations de Global Voices.

Older, citoyenne américaine d'origine cubaine par l'un de ses parents, vit actuellement en Europe. Outre l'anglais sa langue maternelle, elle parle couramment l'espagnol et le japonais ainsi qu'un peu le français, l'italien et le Bahasa Indonesie.

Older peut être contactée à travers sa page d'autrice de  Global Voices.

Le Conseil d'administration de Global Voices 

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La course au visa européen en Afrique: un gouffre financier sans aucune garantie de succèshttps://fr.globalvoices.org/?p=290712http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240927_181955_La_course_au_visa_europeen_en_Afrique__un_gouffre_financier_sans_aucune_garantie_de_succesFri, 27 Sep 2024 16:19:55 +0000Au Sénégal le revenu moyen mensuel est de 140 dollars; un visa coûte plus de 100 dollars

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de l’aéroport Charles de Gaulle de Paris ; capture d'écran de la chaîne YouTube de This Gemini

Chaque année, des milliers d'Africains tentent leur chance sur la route de l'immigration régulière à destination de l'Europe, mais la grande majorité essuie des refus. Les difficultés rencontrées auprès des ambassades créent un marché qu'exploitent des services qui revendent des places pour interviews de visa.

En 2022, une enquête de la BBC révèle qu'une forte proportion de la jeunesse africaine veut quitter le continent, espérant trouver une vie meilleure en occident. Alors que des initiatives telles que campagnes médiatiques, sensibilisations, formations, se multiplient pour encourager l'immigration officielle, les demandeurs de visa se voient en très grande majorité des cas refuser leur visa après avoir payé des couts exorbitants pour leur dépôt de dossier. A titre d'exemple, au Sénégal le revenu moyen mensuel est de 140 dollars américains mais un Sénégalais doit débourser 90 euros (soit 100 dollars américains) comme frais de visa.

En 2023, on estime que les Africains ont dépensé plus de 54 millions d'euros (soit 60 millions de dollars américains) en frais de visa refusé pour l’espace Schengen. Ce mini-documentaire de la chaine AJ+ du Réseau Al Jazeera Media illustre la situation:

Rémy Nsabimana, journaliste de AJ+ estime dans ce mini-documentaire qu'il existe une stratégie orchestrée par les pays de l'Union européenne pour compliquer la vie aux nombreux demandeurs de visas, surtout pour les Africains. Il se demande s'il ne serait pas temps pour les pays africains d'appliquer la réciprocité, puisque les Européens n'ont pas besoin de visas pour se rendre dans les pays sur le continent. Selon un article de BBC, il s'agit d'un business juteux que les nations européennes ont mis en place. L'article déclare:

Schengen News indique dans ses statistiques qu’en 2023, les ressortissants africains ont reçu 704 000 réponses négatives à leurs demandes de visa. Ce nombre de visas refusés représente 41,3 % de tout le montant généré par les demandes rejetées cette année.

Surenchères pour trouver une place dans la queue pour une interview de visa

Au Sénégal, un autre phénomène se greffe aux difficultés que subissent la grande majorité des Africains: des services payants proposent de sécuriser un créneau pour un rendez-vous en vue d'une interview pour l'obtention d'un visa alors que les sites officiels des ambassades indiquent qu'il n'y a pas de créneau libre avant plusieurs mois. Il s'agit en fait des revente de places pour des interviews de visa, moyennant un paiement, par des personnes qui ont monopolisé a l'avance et sur le long terme toutes les places disponibles.

Dans ce contexte, La maison des Reporters, un média sénégalais a mené une enquête pour essayer de mettre en lumière ce système de surenchère et de vente au plus offrant. Dans ce podcast titré « Besoin d’un visa, mais je n’ai pas de rendez-vous » : enquête sur un trafic organisé, La maison des Reporters explique les facteurs qui favorisent cette pratique: l'inquiétude des citoyens liées à la saisine des créneaux de rendez-vous ; l'obligation pour les demandeurs de se plier à certains exigences pour obtenir le rendez-vous ; et le rôle joué par les missions diplomatiques qui favorisent le développement de ce marché noir même si elles démentent toute responsabilité. Le podcast est à écouter ici:

Devant le nombre de demandes de visas et la pression économique qui entretient le rêve du départ pour une vie imaginée comme meilleure, il semble que les vendeurs de places pour interviews n'aient pas à s'inquiéter pour leurs affaires.

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Deux ans après les manifestations, l'Iran enregistre une hausse de 80 % du nombre d'exécutionshttps://fr.globalvoices.org/?p=290424http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240926_205817_Deux_ans_apres_les_manifestations__l_Iran_enregistre_une_hausse_de_80___du_nombre_d_executionsThu, 26 Sep 2024 18:58:17 +0000L'Iran a le taux d'exécutions documentées par habitant le plus élevé au monde.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

une image des personnes manifestants pour la vie et la liberté de la femme en Iran

Depuis janvier 2024, plus de 410 exécutions ont été enregistrées. Image de Iran Open Data. Utilisée avec permission.

Cet article a été initialement publié par IOD. Une version traduite et éditée est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat avec les médias .

Deux ans après la mort de Mahsa Zhina Amini a enflammé le « Femme, vie, liberté » manifestation en Iran, les exécutions dans le pays ont grimpé en flèche de 80%, selon les données sur les droits de l'homme. Les militants ont lié cette vague à une stratégie plus large de la République islamique pour installer la peur et supprimer la dissidence. Les groupes de défense des droits ont condamné l'exécution, qui suit souvent des procès qui manquent de transparence et ne répondent pas aux normes internationales de justice.

La femme iranienne-kurde de 22 ans a été arrêtée par la soi-disant police de moralité iranienne le 13 septembre pour avoir prétendument violé la loi controversée sur le hijab du pays. Elle est décédée en détention trois jours plus tard, apparemment d'un traumatisme cérébral causé par des « multiples coups » à la tête. Sa mort a déclenché une vague de protestation contre le régime. La manifestation, menée par des femmes, s'est rapidement répandue à travers le pays et à l'étranger, le slogan « Jin, Jiyan, Azadi » (femmes, vie, liberté) devenant son chant le plus reconnaissable.

En réponse à la mobilisation de masse, le gouvernement iranien s'est engagé dans une violente répression qui comprenait l'utilisation de la force mortelle, de la torture, des agressions sexuelles et d'autres formes de violence sexiste et sexuelle, selon  Amnesty International.

Pour en savoir plus, voir notre couverture spéciale des révoltes en Iran « Femmes, vie, liberté »

Le groupe Droit de l'Homme Iranien (DHI) rapporte que d'octobre 2022 à septembre 2024, au moins 1 452 personnes ont été exécutées, une augmentation significative par rapport à 779 dans les deux années précédent les manifestations de 2022. Selon Human Right Watch, la plupart des personnes exécutées sont condamnées pour des accusations de sécurité nationale liées à la drogue ou vagues.

Rien qu'en août 2023, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a signalé au moins 93 exécutions, bien que le DHI et le HRANA suggèrent que le chiffre dépasse 100. Certains mois de 2023, comme mai, ont connu un nombre exceptionnellement élevé, avec 145 exécutions. Depuis janvier 2024, plus de 410 exécutions ont été enregistrées, reflétant une répression plus profonde.

Le gouvernement iranien reste silencieux sur ces chiffres. Cela laisse les organisations non gouvernementales à l'extérieur du pays pour documenter et mettre en évidence l'ampleur de la répression. L'Iran détient la sinistre distinction d'avoir le taux d'exécutions documentées par habitant le plus élevé au monde.

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L'impact des pluies imprévisibles et des inondations sur l'agriculture et la sécurité alimentaire au Kenyahttps://fr.globalvoices.org/?p=290125http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240926_192855_L_impact_des_pluies_imprevisibles_et_des_inondations_sur_l_agriculture_et_la_securite_alimentaire_au_KenyaThu, 26 Sep 2024 17:28:55 +0000Les inondations ont détruit des cultures, des terres agricoles, du bétail et des moyens de subsistance.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une maison inondée

Une maison avec une cour inondée d'eau après la pluie. Image de Bobbybopy sur  Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0 Deed)

Par Grace Kobare 

Le Kenya  a fait face à  des pluies excessives et des inondations soudaines , particulièrement durant les mois de mi-mars jusqu'en mai cette année.  Les pluies de mars, avril , mai (MAM) ont entrainé de fortes précipitations dans plusieurs régions du pays Est-Africain, notamment le bassin   du Lac Victoria, la Vallée du Rift, les hautes terres à la fois sur les côtés Ouest et Est de la Vallée du Rift (comprenant la capitale Nairobi), les basses terres du Sud-Est, la côte et, le secteur du Nord-Est. Les pluies ont causé   des dégâts importants dans les 42 des 47 comtés du Kenya ,  notamment la capitale the  Nairobi , Homa Bay , Kajiado, Mandera et  Nakuru  étant les zones les plus sévèrement touchées par les inondations.

En 2020,  Plus de 50% des Kenyans étaient employés dans l'agriculture.   Le 10 mai 2024, plus de 41,000 hectares de terres agricoles ont été submergés , laissant beaucoup d'agriculteurs sans moyens de subsistance. Le 29 avril, les inondations ont perturbé le commerce dans nombreux pays. La destruction des routes et des ponts, ainsi que  la fermeture préventive de certaines routes, ont également affecté les activités quotidiennes entre les pays.  

Le 14 avril,  le gouvernement a annoncé  que les équipes de réponse rapide étaient mises en alerte pour effectuer des répartitions et de maintenance et assurer la continuité des services essentiels, car des dommages importants étaient prévus sur les routes, les ponts, les établissements d'enseignement, les installations de santé et les bâtiments résidentiels étaient anticipées. Le  26 avril, après avoir déployé plus de 150 personnels et 1,000 volontaires pour aider aux efforts de réponse aux inondations, la  Croix-Rouge kenyane a signalé être débordée et a lancé un appel à l'aide auprès d'autres organisations. 

Selon Africanews, l'un des principaux défis auxquels les agriculteurs ont été confrontés en raison des inondations soudaines qui ont commencé à la mi-mars était la montée rapide des niveaux d'eau. Cela a rendu les fermes inaccessibles et a gravement perturbé les activités agricoles. Martha Waema, une agricultrice du comté de Machakos au Kenya, S'attendait à un rendement de 200,000KSh(1,500USD) grâce à son investissement de 80,000KSh(613USD) dans la culture de maïs, de pois, de choux, de tomates et de chou frisé. Cependant ses espoirs étaient anéantis. Pendant ses 38ans d'agriculture, elle a dit qu'elle n'avait jamais fait face a des pertes  d'une telle ampleur. La dévastation a impacté de manière significative sa sécurité financière, sa stabilité, et son optimisme. 

 L'Autorité nationale de Gestion de la Sècheresse Management de  (NDMA) a signalé en mars  que 1,9 million de Kenyans  étaient dans le besoin d'aide alimentaire à cause des pluies torrentielles auxquels ils faisaient face. La NDMA a lancé un appel pour les dons de nourriture et une assistance alimentaire régulière et des transfères monétaires inconditionnels , notamment pour les groupes vulnérables dans les zones inondables.   

Les effets déterminés des inondations sur la sécurité alimentaire sont devenus de plus en plus évidents , avec  des inondations qui saccagent la production agricole . Les zones agricoles le long de nombreuses rivières ont été inondées entraînant des dégâts importants aux cultures. En outre, plus de 9,000 têtes de bétail ont été perdues et au moins 41,000 de terres agricoles ont été submergées

Les fortes pluies ont eu des répercussions significatives sur le système alimentaire du Kenya, poussant les experts à mettre en garde contre les défis indépendants et la nécessité de mesures proactives

Les experts affirment que pour atténuer les impacts négatifs de l'érosion du sol causé par l'inondation , il est important de pratiquer la gestion durable des sols.

Le député de Tianga West (MP)   John Mutunga  , qui préside le Comité de l'Agriculture à l'Assemblée Nationale, a déclaré que la saturation excessive en eau peut entraver la respiration des racines et freiner la croissance des cultures, ce qui pourrait entraîner des pertes pour la récolte de cette année. Il poursuivit en disant que la saison des pluies prolongée de cette année << constitue une menace significative pour notre production agricole>>. L'érosion du sol, qui non seulement épuise les terres fertiles, mais également perturbe la structure du sol, compromettra finalement la productivité à long terme. 

Pour faire face à ces défis, Muntunga a recommandé aux agriculteurs d'adopter des pratiques de conservation telles que la culture en terrasses  et la mise en place stratégique de bande de gazon pour réduire l'érosion des sols et mieux gérer les écoulements d'eau. Afin de contrer les effets de l'excès d'eau, qui entraine la perte des minéraux essentiels, rendant les engrais inefficaces et nécessitant des investissements supplémentaires, il a conseillé aux agriculteurs de considérer des approches alternatives, telles que les méthodes biologiques pour restaurer les nutriments du sol et maintenir la productivité . 

Selon Africa News , like John Mutunga ainsi que Jane Kirui, officière agricole du gouvernement du comté de Narok, ont souligné l'importance de la culture sur terrasse et d'autres mesures telles que les cultures en couverture, qui sont des plantes cultivées pour protéger et améliorer la santé des sols et prévenir l'érosion, comme le trèfle, les pois, le seigle, pour améliorer l'absorption de l'eau. 

La Politique de Gestion des Sols Agricoles 2023 est également une clé pour relever ce défi.  Le secrétaire principal de l'agriculture , Paul Ronoha noté que, « La politique fournira un cadre pour évaluer les zones dans différentes zones écologiques et déterminer leur teneur en nutriments. Elle servira également de feuille de route pour le traitement des sols et guidera la mise en œuvre d'interventions pour améliorer la santé des sols ». La politique comprends des éléments tels que des pratiques de gestions durables des sols, des interventions spécifiques comme les cultures en couverture et les cultures  en terrasses pour améliorer l'absorption de l'eau, et des lignes directrices pour le traitement des sols pour restaure la fertilité. De plus, elle met l'accent sur le renforcement des capacités , la recherche et les pratiques durables pour protéger les ressources du sols à long terme .

Les inondations de MAM ont mis en évidence l'insuffisance de la préparation aux catastrophes au Kenya, soulignant l'urgence d'une gestion durable des terres et d'une amélioration des prévisions, il reste à voir si les stratégies d'atténuation et de durabilité proposées par les experts seront mises en œuvre pour mieux faire face aux scénarios de fortes pluies intenses  futures.

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Célébration de l'arrivée de Malka Older à Global Voiceshttps://fr.globalvoices.org/?p=290419http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240926_190948_Celebration_de_l_arrivee_de_Malka_Older_a_Global_VoicesThu, 26 Sep 2024 17:09:48 +0000Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une photo de Malka Older et de Ivan Sigal .

Malka Older remplace Ivan Sigal comme directrice exécutive de Global Voices. Illustration faite avec la permission d'Ivan Sigal.

Alors que je mets un terme à mon mandat en tant que directeur exécutif de Global Voice, je célèbre les nombreux amis que je me suis faits, la communauté  que nous avons construite, les nombreux projets et succès que nous avons réalisés ensemble. Je célèbre également l'arrivée de Malka Older comme ma remplaçante !

Malka est un écrivain de science-fiction et une sociologue qui étudie et enseigne les risques futurs, avec une vaste expérience dans le travail d'intervention humanitaire dans le monde entier. J'ai rencontré son écriture pour la première fois en 2018, avec son cycle du centenaire, qui explore un monde avec un système de gouvernance radicalement différent. Dans ce monde, la citoyenneté n'est pas attachée à la géographie, dans une configuration surnommée micro-démocratie. Le système est maintenu par une agence qui combine les caractéristiques d'une organisation internationale et d'une entreprise technologique monopolistique ressemblant à Google. La complexité s'ensuit.

En lisant le travail de Malka, il semblait que la conversation que j'avais quotidiennement avec des collègues de Global Voices pouvait être transposée dans se histoires. C'était étrange. Les contributeurs de Global Voices ont débattu, voyagé, écrit, travaillé et socialisé dans un univers expansif et polyglotte, imprégné d'une politique qui fait de la place aux nombreuses identités potentielles que chaque personne possède, pas seulement celles qui nous sont conférées par les forces sociales, les géographies ou les pays d'origine. Malka avait imaginé un monde dans lequel ces aspirations, combinées à des compétences de combat exceptionnelles (c'est après tout, de la science-fiction), pourraient s'épanouir.

Depuis lors, j'ai continué à réfléchir aux points communs entre l'approche polymathique et non conventionnelle de Malka à l'égard des questions d'ordre de l'information, de gouvernance et de la façon dont les communautés et les organisations émergent des crises, et la vision de Global Voices .

Le choix de Malka en tant que prochaine directrice exécutive de Global Voices me donne donc l'assurance que cette organisation et cette communauté seront prises en charge par quelqu'un qui a non seulement les compétences et l'expérience nécessaires pour effectuer les parties techniques du travail, mais qui a développé un ensemble commun de valeurs. Je suis impatient de voir dans quelles directions elle, avec nos collègues de l'organisation, feront avancer nos projets et programmes dans les années à venir.

Comme je l'ai dis en février lorsque j'ai annoncé mes projets de démissionner en tant que directeur exécutif, il y aura un besoin de ce que Global Voices fait pendant longtemps. Les espaces d'échange et d'expression créatifs sont, dans le monde entier, sous la pression croissante des systèmes politiques et technologiques. Global Voices cherche depuis longtemps à placer les intérêts humains au centre de notre réflexion. Dans un monde optimisé pour la consommation passive, nous célébrons la capacité de toutes les personnes à contribuer à un savoir commun. Nous traitons les personnes sur lesquelles écrivons comme si nous les connaissons, et essayons d'établir des liens et de la compréhension avec l'humilité curiosité, en résistant à l'accent mis sur les conflits, le drame et les sensations qui récompensent les médias par l'attention. Nous célébrons la traduction humaine et l'apprentissage des langues comme un moyen de découvrir d'autres cultures et lieux, malgré l'omniprésence et la facilité d'utilisation des outils de traduction automatique et de l'intelligence artificielle.

J'ai de grands espoirs que toute la communauté Global Voices, avec Malka, trouvera des moyens créatifs de continuer à construire cette mission pour les années à venir. J'ai hâte de venir pour le trajet.

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Message de Malka Older, la nouvelle directrice exécutive de Global Voiceshttps://fr.globalvoices.org/?p=290417http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240926_184057_Message_de_Malka_Older__la_nouvelle_directrice_executive_de_Global_VoicesThu, 26 Sep 2024 16:40:57 +0000C'est un honneur de rejoindre Global Voices, une organisation que j'admire depuis de nombreuses années.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

A smiling woman on a beach

Malka Older, la nouvelle directrice exécutive de Global Voices . Photo de Malka Older, utilisée avec permission.

Je suis honorée de rejoindre  Global Voices, une  organisation que j'ai admiré pendant de nombreuses années. Je suis d'abord arrivée à Global Voices comme lectrice, impatience  de trouver un endroit où je pourrais lire des histoires sur des lieux dont je ne savais rien, avoir une mise à jour de ceux qui me manquent, des histoires écrites par des personnes qui les vivent et dans leur langue. J'ai  apprécié avoir des informations sur la nourriture, la musique, et les intrigues locales grâce aux analyses des meilleures histoires et avec des Impacts géopolitiques. Lire Global Voices m'a donné une meilleure compréhension du monde et une connexion forte avec des lieux que je n'ai jamais visités. 

Quelques années plus tard, j'ai cherché une organisation qui partageait mes valeurs et qui était particulièrement liée aux questions sur lesquelles j'écrivais, parce que je voulais relier les lecteurs de mes romans à des initiatives de la vie réelle qui s'occupent du travail désordonné, difficile et important d'améliorer le monde. Le choix de Global Voices s'est imposé de lui-même, car cette organisation s'intéresse à un grand nombre de questions qui me tiennent à cœur. Fournir des informations fiables, fondées sur les perspectives de ceux qui les vivent, favoriser la compréhension entre les langues et les frontières, amplifier les voix de ceux qui sont habituellement ignorés, raconter des histoires qui vont au-delà des nouvelles de dernière minute et des récits de crise : tous ces éléments sont cruciaux pour rendre le monde meilleur.

En effet, ce que  je recherchais le plus dans Global Voices, c'est ce que j'ai le plus aimé. Traduction, soutien pour les langues vernaculaires et minoritaires, la couverture médiatique, les droits digitaux, la recherche—la recherche sur les récits dans les médias !— toutes ces choses sont des choses que j'aime voir dans le monde, des choses auxquelles je veux participer.

Pendant que j'en apprenais  plus sur l'organisation, un autre élément  important est devenu apparent pour moi: la communauté. Oui, les histoires, les traductions et les recherches que Global Voices montre dans le monde sont vitales ; et c'est la manière dont l'organisation le fait , qui crée une communauté de personnes multiculturelles avec des discussions actives et des représentations attentionnées. Construire et soutenir  une telle communauté est une réussite en elle même —en tant que  sociologue d'organisations, je suis intellectuellement fascinée par les expériences à venir sur la gouvernance virtuelle, et en tant que travailleuse dans l'humanitaire, je suis impatiente.

C'est aussi, je crois, une partie de la façon dont Global Voices parvient à continuer à produire un impact aussi positif : en faisant l'effort d'écouter, de maintenir des mécanismes de prise de décision décentralisés, de considérer le processus aussi bien que le résultat ; plus que tout, en devenant un groupe dont les gens aiment faire partie. J'ai hâte de me plonger dans tous les projets de Global Voices, mais je me réjouis surtout de faire partie d'un groupe de personnes qui s'engagent avec curiosité et joie à travailler ensemble pour rendre le monde meilleur.

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Pourquoi les artistes des Caraïbes ne sont-ils pas assez financés?https://fr.globalvoices.org/?p=290375http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240926_181812_Pourquoi_les_artistes_des_Caraibes_ne_sont-ils_pas_assez_finances_Thu, 26 Sep 2024 16:18:12 +0000« L'impact continu du projet colonial [signifie] qu'il est très difficile pour les artistes d'obtenir un soutien ».

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 Image crée en utilisant les éléments de Canva Pro.

Plus tôt cette année, le 26 février, la plateforme Barbade Fresh Milk, avec pour objectifs de supporter et d'encourager les artistes visuels caribéens contemporains, a fait une annonce : la Fondation Mellon, basée aux États-Unis, a accordé à l'organisation à but non lucratif une subvention de 350 000 USD dans le cadre de son programme « Arts et culture ». Le financement que va couvrir l'opération et la programmation de  Fresh Milk de 2024 à  2026, va prendre  en charge les résidences des artistes, les cours, les passages à la télé, les ateliers, les conférences, les exhibitions et les projections, aider à  rendre l'écosystème culturel de la région plus robuste.

C'est la première fois que  Mellon, qui a traditionnellement limité ce type de recherche de financement aux entités américaines (avec l'inclusion de Puerto Rico), cherche des partenaires avec des  organisations d'art indépendantes au niveau des alentours des États unis. Fresh Milk n'est qu'une ONG culturelle régionale parmi tant d'autres qui ont reçu le soutien de la Fondation. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle son financement est un jeu changeant.  

Pour l'artiste et fondatrice de  Fresh Milk Annalee Davis, l'appui de Mellon reconnaît l'importance  de soutenir les organisations culturelles caribéennes , mais elle espère aussi «que cette marque de confiance […] Va entrainer des partenaires  potentiels dans le paysage local régional pour se sentir en  confiance avec les investisseurs financiers à venir.»

La lutte est réelle. Malgré la richesse de la région et la diversité culturelle du paysage, les artistes caribéens ont des options  limitées quand il s'agit de soutien financier. Un couple  d'exceptions à  cette règle est Cuba et Puerto Rico — ceci parce que depuis la Révolution cubaine, l'état  a priorisé les arts comme un moyen  d'expression culturelle et d'identité nationale, en investissant sur l’éducation artistique, le bâtiment, et les programmes accessibles, et ce dernier parce qu'en tant que territoire non incorporé des États unis, l'île a accès aux financements des Etats-Unis.

Dans une conversation via WhatsApp avec Global Voices , Davis a expliqué  que pendant qu'il n'y a  pas assez d'artistes dans les Caraïbes, l'écosystème qui demande de les soutenir est inefficient. En dehors  des deux territoires sus- mentionnés, il n'y a pas de nation caribéenne qui a un conseil artistique en marche.

CHASE, le Fonds jamaïcain pour la culture, la santé, les arts, les sports et l'éducation, manque de ressources ; la Fondation culturelle nationale de la Barbade a souvent du mal à répondre aux besoins des professionnels de la culture ; et alors que des organismes publics comme FilmTT, la commission cinématographique de Trinité-et-Tobago, a déclaré dans un communiqué de presse de septembre 2023 que son Fonds de création de contenu et de marketing avait « soutenu plusieurs projets cinématographiques et créatifs pour un montant de [TTD] 250 000. 00 » [un peu moins de 37 000 USD] au cours des 12 derniers mois, certains professionnels du secteur se demandent s'il a l'effet escompté.

Un directeur local, parlant avec Global Voices au téléphone, a noté que :« le budget pour les films pour étudiants est de 35,000 dollars ou moins. Film TT est en train de partager ce budget entre plusieurs personnes durant le cours de l'année et ce mettent  eux même en arrière  parce qu'ils financent trop de projets, mais ça  n'a pas un impact réel.» un autre réalisateur trinidadien qui a aussi parlé avec Global Voices sous anonymat, a affirmé que le pays  — et l'étendue de  la région — a un seul problème à résoudre : «celui de trouver leurs propres prescriptions », s'explique t-il. «Vous avez besoin d'engager des personnes qui travaillent sur le terrain », ajoute t-il.

Les organismes artistiques indépendants, comme la NLS en Jamaïque, font du bon travail, mais sont toujours à la recherche de donateurs et de financements. Les agences internationales engagées dans la diplomatie culturelle, comme la Prince Claus Fund des Pays-Bas et le British Council du Royaume-Uni – qui ont toutes deux de bons antécédents en matière de financement des arts dans la région – ne soutiennent plus les nations considérées comme des pays à revenus moyens ou élevés sur la base du revenu national brut. La plupart des territoires des Caraïbes ne répondent pas aux critères de l’aide publique au développement (APD).

La réalité économique, à cet effet, laisse beaucoup trop d'artistes Caribéens avec une double option: laisser la passion ou laisser le pays. D'autre part, les pertes de la région. Selon le réalisateur de films Trinidan , la pandémie du COVID -19 a laissé des réalités graves à la situation déjà existante: «tellement de personnes  ont soit migré soit  ont complètement quitté l'industrie — et vous ne pouvez pas les convaincre de revenir, car vous ne leur offrez rien du tout.»

Le soutien de la Fondation Mello  a apporté une touche d'argent, pas seulement à cause des montants versés, mais parce que  les dons sont illimités. Parlant des moyens par lesquels les dons sont «énormément déboursés» pour les créations caribéennes ,  Davis est excité par rapport à  comment Fresh Milk va relevé le défi  qu'elle appelle « plantation mentale» en offrant  des dons illimités aux artistes.

«C'est vraiment difficile pour les artistes d'obtenir du soutien,» ajoute t-elle, comme résultat de «l'impact continu du projet colonial.» Acceptant que le peu de corps de financement qui existe soit «vraiment archaïque», Davis est surprise de comment le système de plantation « continue d'autoriser les institutions de financement et les organes nationaux culturels.»

Le danseur et réalisateur trinidadien Sonja Dumas, dans un article sur «la culture du développement culturel,» a observé que, «les arts étaient, pendant longtemps, simplement  l'agent d'une lutte pour la post-indépendance nationaliste, et [que] c'est la culture de comment  nous Les approchons . Cette vague notion prolétaire de «culture» est «les personnes» et les personnes sont la (multiculturelle) nation, est elle-même une culture — la culture d'un petit nombre de personnes qui construisent et entretiennent  une histoire patriotique.»

Citant « ce type de culture qui n'est pas la faute de la population ,» Dumas a affirmé  que le manque d'éducation dans le domaine des arts est une cause directe de comment les œuvres créatives sont financièrement soutenues. Elle a aussi  remarqué «en termes économiques, l'effort artistique n'est pas comme  une activité commerciale avérée,« ce qui signifie que ceux sont des travailleurs acharnés, avec une courbe économique faible et aucune  garantie— maintenant, «la société  va souffrir  s'il n'y a pas de représentation ou arts visuels dans nos vies.»

À cette fin, le Caribbean Culture Fund (CCF), basé en Haïti, a rejoint le paysage et lancé son premier appel à projets. Le fonds, qui vise à « permettre une écologie culturelle innovante, inclusive et socialement transformatrice dans les Caraïbes » en soutenant les arts et la culture régionaux de manière à la fois « respectueuse de la tradition » et spécifique à la culture, a été envisagé comme un conseil régional des arts dont on aurait grand besoin. Pour l'instant, cependant, le financement provient de l'extérieur de la région, ce premier appel étant soutenu par l’Open Society Foundations.

Pendant que beaucoup sont à l'aise avec ces financements, les voyant comme un mécanisme de réparation, d'autres sont étonnés de pourquoi pas la région elle même — les gouvernements, les entités coopératives, les philanthropes— aimeraient  savoir quel est le besoin précis de leurs artistes pour les soutenir.

Dans une interview via WhatsApp, la directrice exécutive de FCC Kellie Mangus affirme qu'au lieu  de dépendre de quelques donateurs, qu'elle trouve  «irréaliste», l'approche du FCC  est de sortir du lot. Le besoin est évident. Premièrement  les finances  — les récipiendaires seront annoncés le 11 juillet — seuls 16 donateurs pouvaient gagner; ils ont reçu plus de 470 applications.

« Les bénéficiaires de dons doivent comprendre que chaque donateur a ses priorités», continue Magnus. Observant que le manque courant d'opportunités peut souvent créer des attentes non réalistes d'opportunités qui n'existent pas, elle pense que l'espace peut être créé pour des financements de fondation d'arts privée et non privée. — « Une diversité de joueurs a des besoins divers.»

Dans le but de changer le modèle de transaction de financement passé, le FCC veut se concentrer sur créer des fonds et fournir des informations sur (un soutien pour) comment obtenir d'autres opportunités de financement . Un d'un récent  du Mellon au FCC aidera dans ce sens.

L’alliance philanthropique Caribéenne (APC), une organisation qui a juste deux ou trois ans mais que Magnus décrit  comme:«des gens qui  essaient de faire du bon travail, font un effort pour mettre la cohésion dans le secteur,» c'est juste une des   organisations avec laquelle  le FCC collabore pour développer la fierté caribéenne et raconter les histoires caribéennes. «C'est ce travail», explique Magnus, «qui a le potentiel d'effacer les divisions dues à la colonisation. Les créations ont le pouvoir.»

Magnus  est vraiment intéressé à avoir une conversation sur les financements qui incluent le retour sur investissement, mais il va aussi plus loin. «Les arts et la culture ont beaucoup à offrir,» dit-elle. «il y'a des retours financiers, mais il y'a aussi le retour de la cohésion de la communauté, les retours de la santé mentale, les retours de satisfaction personnelle.» Elle est tentée de rendre le FCC capable de soutenir, la création  de travaux basés sur de précédents  travaux qui ont déjà été faits dans l'environnement caribéen  — «en résumé les arts et la culture peuvent valoriser la région.»

Le FCC n'a pas non plus l'intention de concurrencer les fondations locales. « Nous viserons des sources de financement plus importantes, explique Mme Magnus, et donc plus difficiles à atteindre pour les personnes seules. Avec des organisations qui partagent les mêmes idées, comme le CPA, elle est « impatiente de voir cette croissance se développer ».

Cette nouvelle approche de financement tient compte du point de vue de Dumas sur « le décalage entre la vision de l'artiste, la valeur intrinsèque de l'art qu'il crée et la personne ou l'institution chargée de le soutenir ». En fin de compte, le développement culturel de la région ne peut se faire que si les gens acquièrent une culture de base, sont fiers de leur identité culturelle, s'efforcent d'innover et sont rémunérés équitablement pour leurs efforts.

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Bulgarie : la propagande LGBT+ dans les écoles désormais censurée par une nouvelle loi similaire à celle en vigueur en Russiehttps://fr.globalvoices.org/?p=289894http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240926_133509_Bulgarie___la_propagande_LGBT__dans_les_ecoles_desormais_censuree_par_une_nouvelle_loi_similaire_a_celle_en_vigueur_en_RussieThu, 26 Sep 2024 11:35:09 +0000Le « populisme de bas étage » à l'origine de l'interdiction de la « propagande LGBT+ » à l'école.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

« Ça suffit! Arrêtez de vous taire! » Manifestation contre l'homophobie en Russie, en 2013. Photo de Marco Fieber sur Flickr. CC BY-NC-ND 2.0.

Le 7 août dernier, le parlement bulgare a adopté des amendements (proposés par le parti d'extrême droite Renaissance) à la loi sur l'éducation préscolaire et scolaire qui désormais interdit la « propagande » en faveur d'une« orientation sexuelle non traditionnelle » dans les écoles, suscitant l'indignation et des manifestations. Les hommes politiques libéraux, la société civile et les militants LGBT+ ont mis en garde contre le fait que ces amendements reflètent une législation similaire à celle adoptée en Russie et en Hongrie au cours des dernières années.

Selon le Comité Helsinki bulgare, la plus grande organisation de défense des droits humains en Bulgarie, la ratification des amendements signifie que « concrètement, toute information, qu'elle soit scientifique ou non, sur l'homosexualité, la bisexualité ou la transsexualité, communiquée dans le cadre du système éducatif préscolaire ou scolaire, quel que soit le niveau, constitue une violation de la loi. »

La loi adoptée et publiée qui est entrée en vigueur le 16 août « interdit » textuellement de…

Извършване на пропаганда, популяризиране или подстрекаване по какъвто и да е начин, пряко или косвено, на идеи и възгледи, свързани с нетрадиционна сексуална ориентация и/или определяне на полова идентичност, различна от биологичната.

Faire de la propagande, promouvoir ou inciter de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, des idées et des points de vue liés à une orientation sexuelle non traditionnelle et/ou à la définition d'une identité de genre différente de la biologique.

D'après un article de Radio Free Europe (RFE) publié le 7 août dernier, l'amendement proposé par les ultra-nationalistes d'extrême droite a été adopté à une large majorité, avec le soutien des partis populistes, qui se déclarent pro-Union européenne, ainsi que de tous les députés indépendants. RFE mentionne Elizabeta Belobradova, députée de la coalition libérale de lutte contre la corruption, Nous Continuons le Changement – Bulgarie Démocratique, qui est intervenue durant le débat parlementaire :

Когато взимаме текстове от Уикипедия, за да правим закони, не е дясно ориентирано, не е консервативно ориентирано и не е защита на българските деца, а е евтин популизъм.

Lorsque des textes issus de Wikipédia sont utilisés pour élaborer des lois, nous obtenons une législation qui n'est ni de droite ni conservatrice, et qui ne protège pas les enfants bulgares, mais encourage un populisme de bas étage.

Toujours selon RFE, Georgi Georgiev, député du parti populiste de droite, Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), aurait critiqué les amendements comme étant « un précédent inédit dans un État membre de l'UE » qui encourage une discrimination directement opposée à la Convention européenne des droits de l'homme , et a également condamné l'adoption précipitée de la loi.

Balkan Insight confirme que 135 députés sur 240 ont voté en faveur de la législation : « Le soutien du Parti socialiste bulgare pro-russe était prévu, mais le projet de loi a été ratifié en grande partie grâce au vote inattendu du parti de centre-droit GERB, favorable à l'UE.

L'organisation LGBT+ Deystvie met en garde contre le fait que « la Bulgarie est en train de prendre le chemin de la Russie » et dénonce également de la part de certains députés leurs « propos haineux et tout à fait discriminatoires, qui portent atteinte de manière tendancieuse aux fondements de la démocratie et de l'État de droit », et qui sont réprimables en vertu de la loi sur la protection contre la discrimination.

Le 9 août dernier, des groupes féministes, LGBT+ et de défense des droits humains ont organisé une manifestation devant le Parlement bulgare pour demander l'annulation de l'amendement, qui interdit ce que ses partisans appellent la « propagande LGBT+ dans les écoles ». Selon le site d'Euronews, les manifestants ont scandé des slogans tels que « Non à la loi ! », en brandissant le drapeau arc-en-ciel LGBT.

D'après une publication de Deutche Welle datant du 15 août dernier, le président bulgare Rumen Radev aurait affirmé avoir voté contre les amendements de la loi, et ce « malgré les appels des institutions européennes, des organisations non gouvernementales et des militants. »

Des manifestants se sont rassemblés dans la soirée devant la présidence pour protester contre sa décision. Novini.bg révèle que le parti politique Renaissance a organisé en parallèle une contre-manifestation sous le slogan « NON à la propagande LGBT+ ! Oui à la normalité. »

La Bulgarie n'est pas la seule concernée

D’après le Comité Helsinki bulgare, bien que les amendements ne prévoient pas de sanctions spécifiques, elles seront appliquées par le biais de procédures disciplinaires à l'encontre des enseignants, des directeurs d'école, des infirmières et psychologues scolaires ou de tout fonctionnaire du ministère de l'Education. En outre, l'accès aux écoles d'organisations de la société civile, de l'organisme national de promotion de l'égalité ou d'autorités sanitaires vouées à la prévention de la discrimination ou à la promotion de la santé sexuelle, sera aussi limité.

Politico cite Rémy Bonny, directeur général de Forbidden Colours, une association européenne de défense des droits LGBT+ basée en Belgique, qui a déclaré :

This law is not just a Bulgarian issue — this is a Russian law that has found its way into the heart of Europe… The European Commission must step in and hold Bulgaria accountable.

Cette loi ne concerne pas seulement la Bulgarie ; il s'agit d'une loi russe qui s'est frayée un chemin au cœur de l'Europe… La Commission européenne doit intervenir et demander des comptes à la Bulgarie.

« Dans ce cas précis, les institutions internationales ne sont d'aucune utilité », a déclaré Radoslav Stoyanov, coprésident du Comité Helsinki bulgare.

While their reaction is much needed, no doubt, no international institution can directly invalidate the law despite the possibility for them to issue binding judgments or impose sanctions. At the end of the day, the decision to repeal the law lies with Bulgarian institutions. The question is how strong the incentive is for them to do that when the law is very popular and when sanctions are paid by the taxpayers who don’t mind that.

Il ne fait aucun doute que les institutions internationales se doivent de réagir face à ce type de situation, mais elles n'ont pas le pouvoir d'annuler directement la loi, bien qu'elles aient la possibilité de rendre des jugements contraignants ou d'imposer des sanctions. En fin de compte, la décision d'abroger la loi appartient aux institutions bulgares. Mais lorsqu’une loi est populaire et que les contribuables sont prêts à payer pour ses infractions, alors les institutions internationales ne sont pas inclinées à intervenir.

« La propagande russe est en train de se répandre comme une trainée de poudre au sein de la société bulgare et la possibilité d’une réélection de Donald Trump à la prochaine élection présidentielle américaine joue aussi un rôle important », a ajouté Stoyanov, soulignant que les lois américaines « Don’t say gay » (« ne dites pas gay ») et « Don’t say they » (« ne dites pas ils ») ont été utilisées comme argument pour défendre la loi bulgare.

Forbidden Colours condamne la législation « qui interdit la représentation des identités LGBTI+ dans les écoles » :

 This law is a blatant attack on children’s rights and echoes the discriminatory policies seen in Russia and Hungary. This law is a direct assault on the fundamental human rights of LGBTIQ+ individuals, particularly children. It is deeply troubling to see Bulgaria adopting tactics from Russia’s anti-human rights playbook. Such actions are not only regressive but are also in direct contradiction to the values of equality and non-discrimination that the European Union stands for.

Cette loi est une attaque flagrante contre les droits de l’enfant, fait écho aux politiques discriminatoires de la Russie et de la Hongrie, et est une attaque directe contre les droits fondamentaux des personnes LGBTI+, en particulier les enfants. Il est très préoccupant de voir la Bulgarie adopter les tactiques de la Russie pour lutter contre les droits humains. De telles actions ne sont pas seulement régressives, elles sont aussi en contradiction directe avec les valeurs d'égalité et de non-discrimination défendues par l'Union européenne.

L'homophobie et la transphobie sont très répandues en Bulgarie, où les gouvernements se sont rapprochés de l'extrême droite durant la période d'instabilité actuelle, donnant lieu à six élections générales en trois ans.

Le pays a également refusé de ratifier la Convention d'Istanbul sur la prévention de la violence à l'égard des femmes en raison d'une propagande largement répandue selon laquelle elle favoriserait les droits LGBT+. La communauté LGBT+ bulgare est souvent la cible de discriminations et de violences.

Des lois anti-LGBT+ similaires ont été adoptées dans d'autres pays de l'Europe du Sud-Est, dont la Hongrie, membre de l'UE, la Moldavie et la Turquie, pays candidats à l'adhésion à l'UE.

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Les mots ont la parole: Épisode #16https://fr.globalvoices.org/?p=290657http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240925_020154_Les_mots_ont_la_parole__Episode__16Wed, 25 Sep 2024 00:01:54 +0000En Afrique de l'ouest, on ne dit plus amante mais Tchiza

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Capture d'écran du clip de la chanson “Tchizambengué” de Shan'L sur YouTube

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Tchiza: En français parlé au Gabon, le mot “tchiza” renvoie à l’amante ou la maîtresse d’un homme marié. Ce terme est une version améliorée du mot “maîtresse” et décrit des femmes qui affirment leur rôle et déclarent leurs exigences, au besoin à l'encontre des épouses officielles. Le mot est le pendant féminin du terme “tchizo” qui renvoie à l'appellation de l'homme, comme l'explique cet article du média gabonais Lebanco.

Ce terme s'est répandu dans toute l'Afrique francophone. Ainsi de nombreux artistes africains tels que la Gabonaise Shan’L, l’Ivoirien Lil Jay Bingerack, la Togolaise Ralycia, ou encore le Béninois Axel Merryl en feat avec le Congolais Gaz Mawete reprennent le terme de Tchiza dans leurs chansons, pour célébrer ou dénoncer cette situation.

Voici la vidéo de la chanson de Shan’L :

Dans cet extrait de la chanson, l'artiste Shan’L utilise le mot pour rendre compte des rapports entre amante (“tchiza”) et femme légitime (“Maman”).

Tu me traites de tchizambengué [forme longue du mot tchiza]

Mais je suis la seule qui le rend dingue

Maman arrête tu nous embêtes

J’ai pas le time: cette expression qui mêle le français et l'anglais signifie “ne pas avoir le temps”. Toutefois elle introduit une certaine ironie dans le langage des jeunes, plus influencé par la langue anglaise, surtout par les contenus en ligne. Il s'agit au final d’utiliser un mot étranger à la place d’un mot français que tout le monde connaît, pour jouer un peu avec la langue et se montrer espiègle. Cette expression se retrouve dans les paroles de plusieurs chansons.

Alors que certains peuvent s’alarmer d’un éventuel déplacement des mots français, de nombreux experts  affirment que l’utilisation des anglicismes par les jeunes ne pose pas de problème et qu’au contraire, ce processus enrichit la langue en offrant plus de choix lexicaux et de niveaux de langues. .

Debakl: ce mot tchèque vient bien sûr du mot français “débâcle” et se retrouve surtout dans la langue littéraire ou celle des médias, surtout dans les commentaires politiques et sportifs, comme l'illustre cette vidéo portant sur les élections récentes en République tchèquequi  contient le mot dans son titre:

Krajské volby 2024: Ani úspěch, ani fatální debakl, zhodnotil Fiala volby. Musíme být lepší, dodal

Élections régionales 2024 : Ni un succès ni une débâcle fatale, Fiala [le Premier ministre] dresse un bilan des élections. Nous devons faire mieux, a-t-il ajouté.

En français, le mot renvoie à l'origine à la fonte des glaces, puis a pris le sens de défaite, souvent honteuse, comme il est employé dans cet article de Global Voices:

Cette récompense est survenue lorsque le président Petro a surgi pour défendre le Mexique dans la débâcle de l’ambassade, et que le Nicaragua et le Venezuela ont coupé les liens avec l’Équateur.

Il est aussi entré en littérature française avec le roman de 1892 de Zola, intitulé “La débâcle”.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org

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Pourquoi est-ce que les filles et les femmes continuent de mourir en Turquie?https://fr.globalvoices.org/?p=290314http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240923_203722_Pourquoi_est-ce_que_les_filles_et_les_femmes_continuent_de_mourir_en_Turquie_Mon, 23 Sep 2024 18:37:22 +0000Le cas le plus récent suscite à nouveau l'indignation

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image par Arzu Geybullayeva

Le nom de Narine Güran et sa disparition ont tenu en alerte la Turquie jusqu’ à la nouvelle du meurtre d'un enfant de huit ans dans le  pays le 21 août. Le 8 septembre, 19 jours après, le ministre de l'Intérieur a annoncé que les recherches étaient achevées, car les autorités avaient trouvé le corps de la fille à côté du village de Tavsantepe au sud-est de la Turquie dans la province de Diyarbakir. Le ministre a promis la sanction la plus sévère pour le crime commis.

Vingt-quatre personnes notamment les membres de la famille de la fille ont été arrêtées pour les investigations . Selon le reportage  quotidien de Hurriyet , «les indices retrouvés indiquent que Narin a été tué et son corps placé à l’ intérieur d'un sac qui a été jeté dans un ruisseau et englouti.» La confession d'un des suspects résident du village a apporté plus d'horreur à l'histoire qui est complètement familière dans un pays qui s'est retiré de la Convention d'Istanbul en 2021et de la lutte avec des offres de protection adéquates pour les filles et les femmes quand il s'agit de violence et d'abus domestiques.

Au moins 14 filles ont été tuées pendant les sept premiers mois de 2024. Le nom de Narin au sommet de la liste d'une recherche organisé par l'initiative locale , nous devons  arrêter les féminicides, qui causent des cas de meurtres de femmes. Depuis septembre 2024, 268 femmes ont été tuées . Le dernier rapport sur les disparitions d'enfants du comité d'état de statistiques a été publié en 2016, jusqu'à ce que l'institution arrête de publier les données .

Confession

L'oncle de Narin, Salim Güran est le maire  du village. Il a été interpellé le 31 août et arrêté le 2 septembre avec pour charge meurtre intentionnel, après que les investigations aient révélé que les empruntes ADN sur la voiture  de  l'oncle correspondent à celles de sa nièce disparue. Le 9 septembre, un aveu d'un suspect a révélé que Salim lui avait ordonné de se débarrasser du corps le 21 août et lui a offert pour cela 200000 soit 5800 dollars. Le suspect dit qu'il a pris le corps de la voiture du Salim et, avec l'aide de Salim, il l'a placé dans un sac qu'il a trouvé dans la malle de sa voiture et l'a conduit dans une crique non loin comme le stipulaient les instructions reçues de l'oncle . L'homme a aussi affirmé qu'après avoir abandonné le corps il est rentré chez lui, a fait sa prière et a rejoint les recherches et l'opération de sauvetage .

Le suspect a également affirmé avoir eu peur de Salim et que Salim pouvait monter un coup contre lui, donc quand la gendarmerie a sonné chez lui, il a décidé de confesser ce qu'il a fait.

T24, une nouvelle plateforme d'informations, a rapporté comment d'autres membres de la famille ont effacé leurs conversations WhatsApp. Les enquêteurs sont entrain de travailler avec Méta pour retrouver lesdites conversations qui seront utilisées comme pièces à conviction.

Les résultats de l'autopsie complète seront disponibles seulement dans quinze jours. Les résultats provisoires ont indiqué qu'il n'y avait pas de signes visibles de blessures d'un objet tranchant, ni d'une arme à feu, ni d'hémorragie interne. Cependant, à cause de la longueur du temps mis dans le sac, le corps de Narin était déjà assez décomposé comme le rapporte Bianet.

Le 9 septembre, le coordonnateur de l'émission en Turquie, le conseil suprême de la Radio et de la Télévision (CSRT) ont levé l'interdiction de diffusion imposée le 29 août.

Nombres grandissants et politiques défaillantes

Un grand nombre de manifestations et d'initiatives a été organisé par plusieurs organisations pour les femmes au Diyarbakir, Istambul, Ankara, Elazig comme dans d'autres régions. Des appels à la prise en charge de ses responsabilités par l'état et la critique de ses politiques influencées par la religion et d'autres normes ont été lancés pendant toutes les manifestations .

Sedef Kabas, journaliste  vétéran, a partagé une vidéo du ministre Bekir Bozdag, dans laquelle il justifie l'enlèvement d'enfant en affirmant :«ce ne sont pas des enlèvements, ce ne sont pas des gens qui commettent un crime d'abus sexuel par force. Ces choses ont été faites avec l'accord des familles et le consentement de la petite fille.» Le  ministre a fait ces commentaires  pendant les discussions parlementaires portant sur la proposition de pardonner  aux kidnappeurs d'enfant dans le cas où ils décident d'épouser leur victime . La proposition a été  rejetée suivant l'avis du pays entier.

Ce genre de négligence au niveau de l'état est commun en Turquie . Suite au tremblement de terre dévastateur de février, le représentant de la religion Diyanet a dit qu'il sera permis aux adultes d'épouser les enfants adoptés qui ont été laissés pour orphelins après le séisme. Cette affirmation a été enlevée plutard suite à la réaction violente du public.

En 2022, après le rapport de libération, Emma Sinclair-Webb, directrice associée de la division asiatique, de l'Europe et du centre des droits de l'homme a affirmé dans une interview que les raisons de violence basées sur le genre qui prévaut en Turquie sont nombreuses :

La seule approche du gouvernement pour combattre la violence contre les femmes repose sur un système paternaliste et conservatoire . Les autorités le perçoivent comme une partie du devoir national de protéger les femmes  qu'ils considèrent comme vulnérables et fragiles et pour qui le rôle est de supporter l'institution de la famille. Le président de la Turquie s'est déclaré opposé à l'égalité des sexes et sa politique gouvernementale est d'ailleurs écrite selon cela. Par conséquent, pendant que nous voyons le gouvernement faire des efforts pour arrêter la violence faite aux femmes, ce dernier détruit simultanément ses propres efforts en ne luttant pas contre les violences domestiques et en ne promouvant ni les droits de la femme ni l'égalité des sexes.

Un autre rapport publié en 2023 par la Fédération des associations des femmes en Turquie (FAFT) et le Fond des populations des Nations Unies (FPNU) en Turquie, a démontré que 8 à 10 personnes sujettes à la violence étaient des femmes, soit 73 pour cent etaient mariées et ces hommes étaient des initiateurs de violence, dans 90 pour cent des cas enregistrés parmi les mariés(63 pour cent)et les membres  de la famille (21 pour cent).

Selon la plateforme Nous allons arrêter les Féminicides, 315 femmes ont été tuées par des hommes, et 248 femmes ont été  retrouvées mortes dans des circonstances suspectes comme le montre la démonstration de la plateforme en 2023.

La Turquie a signé la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant en 1990. Selon les statistiques  criminelles du ministère de la Justice de Turquie, il y'a une baisse de 4 pour cent dans les cas reportés dans lesquels il y'a eu abus sexuel sur les enfants en 2023 . Cependant, selon le rapport de ces dernières années, ce nombre a augmenté de 33 pour cent comparé à l'année dernière.

Dans une interview avec Turquie ReCap l'année dernière, Ezgi Koman,  un spécialiste du développement de l'enfant et cofondateur du centre des droits de l'enfant FISA  (FİSA Çocuk Hakları Derneği), en commentant l'augmentation du nombre d'abus sexuel chez les enfants, a dit que c'est dû à une négligence des politiques  et de la normalisation des abus dans le pays . «nous pouvons seulement voir des cas de négligence , abus et violence infligés aux enfants dans le quotidien de la société  quand  une action «cruelle» est prise . Donc, tous les autres types d'abus peuvent être perçus plus «acceptables» et encore plus grave, «légitime.» »

Le journaliste Nevsin Mengu a critiqué la décision des parents  de mettre une robe de mariée sur le cercueil de  Narin, disant que c'est  emblématique qu'en Turquie une fille de huit ans ait été tuée le jour du début de l'année académique , et ses parents mettent une robe de mariée au-dessus de son cercueil. «si vous cherchez du symbolisme , en voici. Pourquoi une petite fille voudrait porter une robe de mariée ? Parce que c'est ce type de vie qui est proposée aux filles dans ce village. Qu'elles doivent être la femme de quelqu'un . Et ici nous  avons, ceux qui disent  qu'elle allait commencer l'école aujourd'hui .» Les parents ont expliqué plus tard que le mariage de sa cousine approchait et Narin leur avait demandé de lui acheter une robe de mariée pour l'occasion.

À son compte, le 9 septembre , suivant la réunion de cabinet, le président Recep Tayyip Erdoğan à  décidé de continuer l'enquête à  hui clos et d'amener les coupables  devant la justice. Mais ce genre d'affirmation sonne faux quand elle a déjà été faite dans le passé. Il y a de cela deux ans le porte-parole du parti pour une justice qui marche et le développement, Ömer Çelik, a dit la même chose sur le mariage d'un enfant qui a choqué le pays. «Nous condamnons les abus aux enfants. L'abus d'un enfant est un crime impardonnable.,» a écrit  sur twitter Çelik en réponse aux critiques montantes . Le procès dans ce cas continue, et la prochaine audience a été confirmée pour le 23 septembre.

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Les ONG de Hong Kong en faveur des minorités sexuelles subissent des coupes budgétaires et des pressions gouvernementaleshttps://fr.globalvoices.org/?p=290200http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240923_194830_Les_ONG_de_Hong_Kong_en_faveur_des_minorites_sexuelles_subissent_des_coupes_budgetaires_et_des_pressions_gouvernementalesMon, 23 Sep 2024 17:48:30 +0000Le gouvernement n'a aucune explication sur la réduction du financement

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Affiches célébrant les droits LGBTQ. Photo : Kyle Lam/ HFKP .

Ce rapport a été initialement rédigé par Irene Chan et publié  dans Hong Kong Free Press (HKFP) le 18 août 2024. Une version modifiée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

La fête battait son plein à 23 heures. Portant un gros sac de tracts, Kit est entré dans un bar gay du quartier de Sheung Wan à Hong Kong, s'est frayé un chemin à travers la foule de gens qui buvaient et discutaient, et a distribué des paquets gratuits, chacun contenant un préservatif, du lubrifiant et une carte d'information sur la prévention du VIH.

Mais Kit, un employé de l'ONG Gay Harmony qui n'a donné que son prénom, en était à sa dernière mission de sensibilisation.

« Le gouvernement a réduit nos subventions. Je vais devoir chercher un nouvel emploi », a-t-il dit en faisant ses adieux au barman.

Kit fait de la sensibilisation dans un bar gay du quartier de Sheung Wan à Hong Kong en juillet 2024. Photo : Kyle Lam/ HKFP. Utilisée avec autorisation.

Fondée en 2009, Gay Harmony s'adresse à la communauté gay en défendant l'égalité des droits et en proposant des services de soutien tels que des tests de dépistage du VIH. Elle a commencé l'année avec quatre employés à temps plein, mais a subi une série de revers au cours des six premiers mois de 2024.

En février, une subvention que le groupe recevait depuis longtemps d'un fonds gouvernemental a été réduite d'environ 30 %. Par ailleurs, en juin, le Bureau des affaires constitutionnelles et continentales (CMAB), qui apporte un soutien financier à Gay Harmony dans le cadre de son programme de financement pour l'égalité des chances (orientation sexuelle) depuis 2015, a rejeté les demandes de subvention du groupe pour trois projets.

Le programme de financement du CMAB a été créé en 1998 pour promouvoir la compréhension des différentes orientations sexuelles comme alternative aux appels à une législation contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Francis Tang, le fondateur de Gay Harmony, a désormais licencié du personnel et déménagé dans un bureau plus petit.

Alors que Tang essayait encore de comprendre la raison de ces coupes budgétaires, un événement public organisé par le groupe, un bazar du mois des fiertés prévu dans un centre commercial fin juin,  a été annulé par les autorités , invoquant l'absence de licences appropriées. Cette annulation soudaine a coûté au groupe plus de 80 000 HKD (10 260 USD) qu'il avait dépensés pour décorer 20 stands et imprimer des brochures.

Des employés de Gay Harmony faisant leurs bagages avant de déménager dans un bureau plus petit début août 2024. Photo : Kyle Lam/ HFKP .

Les problèmes de Gay Harmony ne sont pas uniques. Deux autres groupes de minorités sexuelles ont déclaré à HKFP qu'ils avaient dû faire face à des coupes budgétaires gouvernementales cette année et qu'ils avaient subi davantage de pression lorsqu'ils avaient cherché à obtenir des financements étrangers ou à organiser des événements publics.

Dans une ville où la société civile a été durement touchée depuis la promulgation de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en 2020, les groupes au service des communautés marginalisées évaluent attentivement la position du gouvernement de Hong Kong à l'égard des minorités sexuelles.

« Je ne pense pas que le gouvernement cible les minorités sexuelles, mais nous ne sommes certainement pas ceux qu'il souhaite soutenir. La tendance a toujours été la même. Pourtant, nous étions traités un peu plus équitablement auparavant », a déclaré Tang à HKFP en cantonais.

« Fortement démoralisé »

Les groupes LGBTQ+ de Hong Kong ont toujours eu des ressources limitées. Judy Kan, directrice exécutive de Her Fund, qui promeut l'égalité des sexes, a déclaré à HKFP que même si la ville a vu se multiplier les organisations de minorités sexuelles, la plupart d'entre elles sont restées dans le secteur bénévole, incapables de se permettre d'engager du personnel à temps plein.

Pride Lab est l'un d'entre eux. Kenn Chan, qui a fondé le groupe en 2013, a déclaré à HKFP fin juillet qu'il s'était appuyé sur le programme du CMAB pour fournir une éducation publique.

Pendant cinq ans, le groupe a postulé avec succès au programme et a reçu des dizaines de milliers de dollars de Hong Kong chaque année.

Cela n’a pas suffi à couvrir les frais de main-d’œuvre ou d’administration, mais les bénévoles du groupe ont réussi à produire un livre photo et un documentaire pour partager des histoires de minorités sexuelles et à donner des conférences aux ONG et aux ministères pour sensibiliser à la diversité des genres.

« Nous pensions que ce type d’éducation publique correspondait à la vision du gouvernement. Cette année, nous avons demandé des subventions pour deux projets – une bibliothèque humaine avec des histoires réelles et un autre pour organiser des conférences sur la sensibilisation au genre – mais ils ont échoué », a déclaré Chan en cantonais.

« Il n'y a eu aucun commentaire ou retour [de la part du gouvernement]. Est-ce parce que nous ne nous en sortons pas bien ? Nous ne le saurons jamais », a déclaré Chan.

Il n'existe aucun moyen pour les groupes LGBTQ+ de contacter le bureau.

« Nous étions très démoralisés… Comment pouvons-nous continuer à faire notre travail ? »

Kenn Chan, fondateur de l'ONG Pride Lab de Hong Kong. Photo : Kyle Lam/ HKFP .

Après des enquêtes menées en 1995 et 1996, le gouvernement a estimé qu’il était « prématuré d’adopter une approche législative dans le domaine de l’orientation sexuelle », selon un  document officiel . Il a plutôt cherché à améliorer « la compréhension et l’acceptation publique » des minorités sexuelles, ce qui a conduit à la création du programme CMAB en 1998.

À ce jour, Hong Kong ne dispose d’aucune loi protégeant les minorités sexuelles contre la discrimination.

De 2018 à 2023, le programme CMAB a accordé un financement à 18 à 24 groupes par an, avec un budget total de plus d'un million de HKD (environ 128 000 USD) par an.

Mais pour l'exercice 2024-2025, son budget a fortement chuté, passant de 1,349 million de HKD à 698 000 HKD, le nombre de bénéficiaires étant réduit à 10, selon le site Web du CMAB .

Outre les coupes budgétaires, les groupes LGBTQ+ se demandent également pourquoi le gouvernement a alloué de l’argent à des groupes jugés hostiles à la communauté gay.

Selon la liste de financement du CMAB, des groupes, dont la New Creation Association, la Post Gay Alliance et la Hong Kong Psychosexual Education Association, reçoivent des subventions depuis 2014.

En 2023, HKFP a rapporté que les trois groupes, fondés par la même personne,  proposaient une thérapie pour changer l'orientation sexuelle des personnes homosexuelles , un processus connu sous le nom de thérapie de conversion, qui, selon les critiques, peut causer des dommages psychologiques .

Le trio fait partie des dix groupes qui recevront des subventions dans le cadre du programme CMAB pour 2024-2025.

« Cela m'a bouleversé de savoir que ces groupes anti-gay continuaient à recevoir des fonds alors que le montant total des fonds avait été réduit », a déclaré Chan.

Un changement dans l’allocation des ressources

Les trois demandes de subventions de Gay Harmony ont été rejetées par le CMAB en juin, même si l'association recevait une aide annuelle depuis 2015.

« Nous étions curieux de connaître les réflexions des membres du comité du programme. Certains des projets qu'ils ont financés ne favorisent pas réellement l'égalité des sexes », a déclaré Tang.

Un  comité de cinq membres  évalue les demandes de subventions. L'un d'eux est une secrétaire du CMAB, les autres sont un médecin, une travailleuse sociale pour les jeunes, une femme d'affaires pro-establishment et un avocat qui a activement promu la loi sur la sécurité nationale.

Depuis le programme 2024-2025, le CMAB a introduit  une nouvelle condition pour les candidatures, stipulant que tout candidat qui « s'est livré, se livre ou est raisonnablement soupçonné d'avoir participé à des actes mettant en danger la sécurité nationale » ne sera pas pris en considération.

Le CMAB n’a pas répondu aux questions du HKFP concernant les réductions de financement, le financement des groupes qui proposent des thérapies de conversion ou le profil des membres du comité.

« Le bureau a déclaré que le comité, dont les membres étaient issus de divers horizons, avait évalué les demandes en fonction du « contenu, de la faisabilité, des considérations budgétaires, du nombre prévu de bénéficiaires et de l'expérience et de la capacité de gestion des demandeurs ». Il a ajouté qu'il ne ferait aucun commentaire sur des demandes spécifiques.

Le Fonds de lutte contre le sida (ATF), qui dépend du Bureau de la santé et qui constitue une autre ressource importante pour les ONG qui s'occupent de la communauté gay, a également réduit ses financements. Chaque année, l'ATF fournit à ces organisations des centaines de milliers de dollars de Hong Kong pour couvrir leurs frais de personnel et d'administration.

Benjamin, un travailleur d'une ONG locale au service des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et qui a demandé à utiliser un pseudonyme, a déclaré à HKFP que la subvention annuelle offerte par l'ATF pour 2024-2025 était nettement inférieure.

« Nous recevons des subventions de l’ATF depuis environ sept ans. Elle nous aidait à hauteur de 3,5 personnes, mais cette année, elle est tombée à deux personnes », a déclaré Benjamin en cantonais. « Nous ne sommes pas un cas isolé. De nombreuses autres ONG ont subi une telle réduction de financement de la part de l’ATF. »

« Bien que le budget du personnel ait été réduit, les indicateurs de notre travail sont restés les mêmes, ce qui signifie que nous devons suivre le même nombre de cas et fournir le même niveau de services », a déclaré Benjamin. « De nombreux groupes ont déposé des plaintes auprès de l'ATF concernant notre lourde charge de travail, mais c'est inutile. » 

Le fonds a alloué chaque année des dizaines de millions de dollars de Hong Kong à une dizaine d'ONG. En mars 2023, il restait 54,3 millions de dollars de Hong Kong sur son compte. Cependant, le chef de la santé de la ville n'a pas encore demandé de fonds supplémentaires au parlement.

Le ministère de la Santé n'a pas répondu aux demandes de renseignements du HKFP concernant le montant des fonds alloués aux ONG pour l'exercice en cours. Il a toutefois souligné que grâce aux efforts collaboratifs du gouvernement et des ONG, Hong Kong a connu une « baisse significative » du nombre de cas d'infection au VIH.

Le nombre de cas d'infection au VIH à Hong Kong  a atteint un pic en 2015, avec 725 cas. L'année dernière, la ville a enregistré 397 cas de VIH et 101 cas de sida, soit une augmentation par rapport aux deux années précédentes.

« Le gouvernement poursuivra ses efforts en matière de contrôle et de prévention du VIH/SIDA et gardera à l'esprit le fonctionnement et la situation financière du Fonds », a déclaré le ministère dans une réponse vendredi.

Créé en 1993, l'ATF fournit des services aux personnes infectées par le VIH et sensibilise le public au virus et au sida. Au cours des 28 dernières années, le gouvernement a injecté un total de 700 millions de dollars de Hong Kong dans le fonds, la dernière injection d'argent ayant eu lieu en 2013.

« Le gouvernement poursuivra ses efforts en matière de contrôle et de prévention du VIH/SIDA et gardera à l'esprit le fonctionnement et la situation financière du Fonds », a déclaré le ministère dans une réponse vendredi.

Le fonds a alloué chaque année des dizaines de millions de dollars de Hong Kong à une dizaine d’ONG. En mars 2023, il restait 54,3 millions de dollars de Hong Kong sur son compte. Cependant, le responsable de la santé de la ville n’a pas encore demandé de fonds supplémentaires au parlement.

Le ministère de la Santé n'a pas répondu aux demandes de renseignements du HKFP concernant le montant des fonds alloués aux ONG pour l'exercice en cours. Il a toutefois souligné que grâce aux efforts collaboratifs du gouvernement et des ONG, Hong Kong a connu une « baisse significative » du nombre de cas d'infection au VIH.

« Le gouvernement poursuivra ses efforts en matière de contrôle et de prévention du VIH/SIDA et gardera à l'esprit le fonctionnement et la situation financière du Fonds », a déclaré le ministère dans une réponse vendredi.

Benjamin a déclaré que le gouvernement devrait maintenir les ressources pour que les ONG puissent continuer à fournir le même niveau de services de prévention du VIH.

Nous avons maintenant accompli des progrès. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas poursuivre nos efforts, n'est-ce pas ?

Le fondateur de Gay Harmony, Tang, a déclaré que le gouvernement avait changé d'avis sur le financement.

« Les autorités modifient leur modèle d’allocation des ressources, en consacrant moins d’argent aux services sociaux », a déclaré M. Tang.

Et ils  ont joué avec des drones, organisé des spectacles pyrotechniques … Si nous consacrions tous ces fonds aux services sociaux, nos projets ne seraient pas réduits.

Hong Kong a annoncé dans le dernier budget qu'elle  allouait environ 1,1 milliard de dollars de Hong Kong pour « vendre en douceur » la ville aux visiteurs, notamment en organisant des spectacles mensuels de drones et de feux d'artifice.

L'évolution de la position du COE

Outre le financement, les groupes locaux de minorités sexuelles ont ressenti un changement dans l’attitude officielle à leur égard.

Les hauts fonctionnaires parlent rarement directement des minorités sexuelles, ce qui signifie que la Commission pour l'égalité des chances (EOC) était considérée comme un indicateur de leur attitude, a déclaré Chan à HKFP.

Tang a déclaré que c'était une tradition pour le président de l'EOC d'assister à des événements ouverts aux LGBTQ pour montrer son soutien ou son inquiétude. Fin mai, Gay Harmony a invité des représentants de l'EOC à assister à son bazar du mois de la fierté, mais leur demande a été refusée.

Selon une réponse envoyée par courrier électronique et consultée par HKFP, l'EOC a déclaré que son travail consistait à mettre en œuvre les quatre ordonnances contre la discrimination fondée sur le handicap, le sexe, la race et la situation familiale, et qu'il n'était « pas apte » à être impliqué dans des activités liées à une éventuelle législation sur l'orientation sexuelle.

Tang a déclaré que la réponse l’avait surpris. Au cours des dix dernières années, l’EOC avait fait pression en faveur d’une législation interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. En juillet 2021, le président de l’époque, Rick Chu, avait déclaré qu’il espérait mener une consultation publique sur une telle législation dans un avenir proche.

Mais la consultation n’a pas encore eu lieu. En avril, la nouvelle présidente de l’EOC, Linda Lam, a déclaré qu’elle étudierait comment protéger les droits des minorités sexuelles « dans le cadre des quatre ordonnances actuelles ».

En réponse aux questions de HKFP, l'EOC a déclaré que son rôle statutaire était de faire respecter les quatre ordonnances anti-discrimination existantes. Elle n'a pas répondu aux questions concernant une éventuelle nouvelle législation.

La législatrice Doreen Kong a déclaré à HKFP qu'elle pensait que le gouvernement n'était pas actuellement intéressé par la mise en œuvre d'une législation interdisant la discrimination en raison de l'orientation sexuelle.

« C'est difficile pour l'instant. Je pense que le gouvernement n'a pas eu la détermination nécessaire pour faire avancer la législation. Dans une certaine mesure, cela semble être un sujet délicat pour le gouvernement », a déclaré Kong en cantonais.

Elle a néanmoins déclaré que le gouvernement devrait clarifier les raisons pour lesquelles l’ATF et le CMAB ont réduit leur financement et devrait mieux informer les ONG.

« Le gouvernement ne doit pas penser que sans soutien, les minorités sexuelles n’existeront plus – l’orientation sexuelle est innée et ne peut pas être modifiée », a déclaré Kong.

Même si le gouvernement ne soutient pas les minorités sexuelles, il ne doit pas les réprimer, a-t-elle déclaré.

Nous devons adopter une attitude de respect et non de discrimination.

« Nous ne savons pas évaluer les risques »

À la mi-août, Gay Harmony avait déménagé dans des locaux plus petits et licencié deux employés à temps plein. Malgré ces difficultés, Tang n’a pas demandé l’aide d’un législateur ou d’un conseiller de district.

« Ceux avec qui nous avions l'habitude de communiquer sont tous partis », a-t-il déclaré, ajoutant que le groupe avait déjà parlé à des législateurs pro-démocratie tels que « Long Hair » Leung Kwok-Hung, Raymond Chan et Fernando Cheung, qui s'étaient battus pour l'égalité des droits pour la communauté LGBTQ+.

Alors que Cheung a quitté Hong Kong, Leung et Chan sont en détention dans l'attente de leur jugement après  avoir été reconnus coupables de subversion dans une affaire de sécurité nationale impliquant 47 démocrates .

En plus de la répression contre le camp pro-démocratie et la société civile, les minorités sexuelles de Hong Kong affirment qu'il est plus difficile de faire entendre leur voix et qu'organiser des événements publics est plus risqué. La Pride Parade de Hong Kong, un rassemblement et une marche pour célébrer l'inclusion depuis 2008, se déroule sous la forme d'un marché couvert depuis 2021.

Défilé de la fierté de Hong Kong en 2017. L'événement a été transformé en marché couvert depuis 2021. Photo : Kris Cheng/ HKFP .

Tang a émis l'hypothèse que le bazar du mois de la fierté avait été annulé parce que son jour d'ouverture prévu était proche du 1er juillet, date anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la Chine.

Un organisateur d'événement de la communauté LGBTQ+ qui a demandé à rester anonyme pour des raisons de sécurité a déclaré à HKFP qu'il y avait de nombreux risques à organiser une activité publique.

« On ne peut pas choisir n’importe quel jour au début du mois de juin, qui est l’anniversaire de la répression de Tiananmen en 1989. Ni à la fin du mois de juin, qui est proche du 1er juillet. On ne peut pas non plus choisir le début du mois d’octobre, qui est la fête nationale de la Chine. De plus, nous devons éviter tout jour proche d’une élection », ont-ils déclaré.

Et pour éviter tout lien avec la politique, nous n’inviterons aucun membre du personnel consulaire que nous avions l’habitude d’inviter. Ni aucun fonctionnaire du gouvernement ni aucun représentant du COE.

La recherche de financements étrangers comporte également de nombreux risques. Un employé d’un autre groupe LGBTQ+ a déclaré à HKFP qu’après l’adoption de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin, le groupe avait cessé de solliciter des financements étrangers. Il recevait auparavant des subventions des consulats de Hong Kong. Les groupes qui reçoivent de l’aide étrangère à Hong Kong sont soumis à une surveillance étroite et peuvent potentiellement être arrêtés.

« Nous avons eu des discussions internes et avons convenu que nous ne devions pas accepter l'argent car les risques étaient trop élevés », a déclaré le travailleur, qui a également demandé à ne pas être nommé.

Comme de nombreux groupes au service de la communauté LGBTQ+, Pride Lab dépend actuellement des subventions du Her Fund. Judy Kan, la directrice exécutive du fonds, a déclaré que les groupes locaux de minorités sexuelles avaient des difficultés à collecter des fonds.

« Nous faisons de notre mieux pour soutenir davantage de groupes, mais en tant que fonds civil, nous devons également organiser notre propre collecte de fonds », a déclaré Kan. Les subventions pour les groupes LGBTQ+ sont limitées dans toute l'Asie. Bien qu'il en existe davantage dans les pays occidentaux, ces subventions, même si elles sont considérées comme « sûres », pourraient ne pas permettre à Hong Kong d'y prétendre, car il est considéré comme riche et développé, a ajouté Kan.

Chan, du Pride Lab, a déclaré que le groupe était impatient d'obtenir des « subventions sûres ».

« Nous avons toujours voulu obtenir des subventions du CMAB parce qu'elles proviennent du gouvernement et qu'elles sont sûres », a déclaré Chan. « L'atmosphère sociale de ces dernières années nous a fait penser que même si nous étions éligibles à certaines subventions, oserions-nous en faire la demande ? Serait-ce lié à des « forces étrangères » ? Franchement, nous ne savons pas comment évaluer les risques.

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Deux journalistes hongkongais reconnus coupables de sédition après deux ans de procèshttps://fr.globalvoices.org/?p=290217http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240920_210942_Deux_journalistes_hongkongais_reconnus_coupables_de_sedition_apres_deux_ans_de_procesFri, 20 Sep 2024 19:09:42 +0000La Cour juge séditieux 11 interviews et commentaires sur Stand News, aujourd'hui disparu.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

deux hommes se tenant debout devant un magasin.

Des rédacteurs de Stand News Patrick Lam (parti) et Chung Kuen hors du tribunal de District le 15 novembre,2023. Image de réserve : Kyle Lam/HKFP. Utilisée avec permission.

Ce document  résume deux rapports (1 & 2) écrit par Han Tse et publié dans la presse libre de Hong Kong le 29 août, 2024. Cela a été publié comme une partie d'un accord de contenu de partenariat.

Deux anciens rédacteurs de l'ancien journal Stand News ont été déclarés coupables de sédition le 29 août 2024, marquant la première condamnation de journalistes à Hong Kong  pour des faits similaires  depuis le retour de l'ancienne colonie britannique à la chine en 1997.

Chung Pui-Kuen et Patrick Lam, tous deux rédacteurs en chef  du média avant qu'il n'a été forcé de fermer en décembre 2021, ont été accusé aux côtés de la société mère Stand New, Best Pencil  Limited, d'avoir pris part dans  une « conspiration pour publier et reproduire des publications séditieuses.  » Ils ont plaidé non coupables  à l'accusation en  octobre 2022 et  risquent jusqu'à deux ans de prison s'ils sont déclarés coupables.

Le juge Kowk Wai-Kin de la Cour de district, qui est également désigné juge des affaires liées à la sécurité nationale, a écrit dans son jugement:

Le tribunal a jugé que l'atmosphère politique était extrêmement tendue au moment des faits. De nombreux résidants étaient insatisfaits ou même opposés aux gouvernements de [Hong kong]et [central] […]  Dans ce contexte le tribunal a jugé que 11 des 17 articles étaient séditieux.

L'accusation a présenté 17 articles  publiés par Stand News comme une évidence de sédition, soutenant que le média avait cherché à inciter à la haine contre les autorités à travers eux.

Les articles ont inclus des entretiens avec les activistes actuellement détenus  et des textes d'opinion  qui avaient pour but de promouvoir  « des idéologies politiques radicales  » et inciter à la haine contre la loi sur la sécurité imposée par Pékin.

Ceux-ci jugés « séditieux » ont inclus un entretient avec  l'ancienne journaliste Gwyneth Ho devenue activiste , elle a été condamnée en mai  pour conspira en vue de commettre la subversion sur son rôle dans une élection primaire non officielle avec 44 autres personnalités pro démocraties et des textes d'opinion écrits par  l'activiste exilé Nathan Law  et le professeur de journalisme Allan Au.

Kwok  a tenu responsable Chung responsable pour la publication de 10 des 11 articles en question, tandis que Lam était responsable de la publication de l'article restant. Il a écrit dans le jugement:

[Chung and Lam] savaient et étaient d'accord avec les intentions séditieuses des articles. Ils ont fourni à Stand News une plateforme de publication pour inciter  la haine contre Hong Kong et la Chine […]   Cela est même devenu un outil pour  calomnier et diffamer le gouvernement” central et celui d'Hong Kong pendant les manifestations de 2019.

Kwok a également jugé que Stand News a défendu une idéologie « localiste » et a promu la notion de « l'autonomie localiste » pour Hong Kong.

La sentence devait être prononcée le 26 septembre, Chung et Lam ont été autorisés à rester sous liberté sous caution jusqu'à ce moment là.

« Pour les sans pouvoir ,les marginalisés »

Représentant Chung et Lam , l'avocate principale  Audrey Eu a dit à la Cour que les deux accusés avaient préparés leurs propres lettres de circonstances atténuantes . Elle n'a lu qu'à haute voix celle de Lam, tandis que celle de Chung a directement té envoyé au juge.

Dans sa lettre, Lam se souvient qu'Il a rejoint l'industrie des médias en 2010 quand le secteur faisait face à de « diverses préoccupations », tandis que « la censure évidente ou subtile » devenait de plus en plus fréquente.

Stand News  a été fondé dans un contexte où  l'autonomie éditoriale dans les médias de Hong Kong était entrain de diminuer,  a dit Lam, mais le média en ligne s'est engagé à « donner la parole aux sans pouvoir, les marginalisés et la minorité », même face aux “condamnations et aux attaques.

Je crois que la principale raison  pour laquelle Stand News pouvait survivre pendant sept ans  était parce que les lecteurs voulaient lire des informations qui n'étaient pas influencées par des entreprises , pouvoirs ou des partis politiques.

Lors de l'audience du 29 aout, Eu a dit que Chung a été détenu pendant plus de 11 mois , tandis que Lam a été en détention pour dix mois, en attente de procès. Considérant que la sentence maximum de la peine pour l'infraction de sédition abrogée dans le code des infractions pénales était de deux ans d'emprisonnement, les journalistes ont purgé la majeure partie de leur peine de prison potentielle.

Eu a demandé à Kwok d'imposer une peine de prison qui de dépassera pas le temps imparti du duo qui avait déjà été derrière les barreaux.

Eu a également révélé à la court que Lam était souffrant d'une « maladie rare » qui recommandait une chimiothérapie,   et qu'il avait été hospitalisé à plusieurs reprises pour le traitement. Si Lam avait été en prison, cela aurait été difficile pour lui d'avoir accès au traitement dont il avait besoin ,a dit l'avocate.

Eu a ajouté que pendant que certains considéraient les articles publiés par Stand News comme une « propagande », c'était du devoir de Chung et Lam en tant que journalistes de rendre compte des différents points de vue .

« Vous avez la liberté de décider… vous prenez en compte la peine de prison… alors ils n'ont pas besoin de retourner en prison » a dit Eu en cantonais.

jusqu'à deux ans d'emprisonnement

Chung et Lam ,ont plaidé non coupable d'avoir pris part dans une conspiration consistant à publier et reproduire des documents séditieux  lors du procès qui a commencé en octobre.

Ils ont fait face à deux ans d'emprisonnement pour crime de sédition, qui était auparavant régi par l'ordonnance sur les crimes de l'époque coloniale de la ville, mais a été remplacé par une nouvelle législation sur la sécurité adoptée en mars 2024, qui porte la peine maximale pour sédition jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.

Le duo a été détenu pendant près d'un an après leur arrestation en décembre 2021. Ils ont été libérés sous caution après l'ouverture du procès.

Pendant le procès, la défense a contesté l'accusation, la qualifiant de poursuite injuste, accusant les procureurs d'avoir sélectionné de manière sélective des articles et d'avoir introduit de nouvelles preuves au cours du procès. Cela dit, les accusés étaient des journalistes légitimes de reporter les sujets que les autres médias de la ville avaient également abordés .

Les arrestations et la fermeture de Stand News

Stand News a gagné en notoriété en 2019 pour sa couverture des manifestations et des troubles qui ont secoué Hong Kong cette année-là, manifestations et des troubles qui ont secoué Hong Kong cette année là ,déclenche par un amendement proposé à la loi d'extraction de la ville.

Les manifestations ont été en grande partie réprimées par le mesures de distanciation sociale introduites pour freiner la propagation de la COVID-19 au début de 2020, et après que Pékin ait imposé une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en juin de la même année.

Le 29 décembre 2021, plus de 200 policiers de la sécurité nationale ont perquisitionné les bureaux de Stand News , gelant des actifs de l'ordre de 7,9 millions de dollars de Hong Kong (environ 1 million de dollars américains) appartenant au média. Quelques heures plus tard, Stand News a annoncé sa fermeture et a retiré son contenu en ligne.

Sept personnes liées à Stand News ont été arrêtées lors de l'opération policière, mais seuls Chung, Lam et le média avaient été accusés de crime de sédition.

Les arrestations ont suscité des inquiétudes quant à la liberté de presse dans la ville de la part de la communauté internationale, y compris l'ONU, l'UE, les Etats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni. Ces inquiétudes ont été rejetées par Pékin et par Teresa Cheng, qui était à l'époque la ministre de la Justice de la ville.

L'Association des Journalistes d'Hong Kong a déclaré être « profondément occupée » par les arrestations et a exhorté le gouvernement à protéger la liberté de presse.

le Chef de l'Exécutif John Lee, qui occupait le poste de secrétaire de la ville à l'époque a déclaré qu'après les arrestations qu'il y avait des « éléments malfaisants qui portent atteinte à la liberté de presse  ». Il a exhorté les travailleurs des médias à maintenir leur professionnalisme et à se tenir à distance de tels éléments.

Liberté de presse

In 2022, Hong Kong a chuté de la 68 places dans le classement mondial de la liberté de presse de Reporters Sans Frontière passant à la 148e place, avec l'organisation de surveillance des médias mondiaux citant les fermeture forcées de Stand News et Apple Daily comme des signes  déclin de la liberté de presse .

Le dirigeant de la ville a  incessamment dit qu'Hong Kong profite de la liberté de presse en conformité avec la loi.

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Vingt-cinq nouveaux cas de coqueluche en une semaine en Macédoine du Nord, principalement des bébés non vaccinéshttps://fr.globalvoices.org/?p=290339http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240920_204142_Vingt-cinq_nouveaux_cas_de_coqueluche_en_une_semaine_en_Macedoine_du_Nord__principalement_des_bebes_non_vaccinesFri, 20 Sep 2024 18:41:42 +0000Les épidémiologistes préviennent que la vaccination est la seule solution pour la coqueluche

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Cet article est basé sur la couverture de Meta.mk .Une version éditée est republiée ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu entre Global Voices et Metamorphosis Foundation. 

Au cours de la semaine se terminant le 5 septembre, 25 nouveaux cas de coqueluche ont été signalés en Macédoine du Nord, ce qui représente une augmentation de 47,1% par rapport à la période de sept jours précédente, l'Institut de santé publique de la République de Macédoine du Nord a annoncé. En ce qui concerne la distribution géographique, la plupart des cas ont été signalés dans la capitale Skopje.

L'âge des patients infectés varie de 1 mois à 60 ans, tandis qu'environ un tiers ont moins d'un an. En ce qui concerne leur statut vaccinal, les personnes infectées comprennent 18 personnes qui ne sont pas vaccinées, incomplètement vaccinées ou qui ont été vaccinées inconnues en fonction de leur âge. Cinq de ces 25 nouveaux cas ont été hospitalisés.

Entre le 1er janvier et le 5 septembre, un total de 1074 nouveaux cas de coqueluche ont été enregistrés en Macédoine du Nord. Il s'agit d'une énorme augmentation du nombre de personnes infectées par rapport à la période des cinq années précédentes (2019-2023) où un total de 10 cas ont été enregistrés.

Les experts médicaux avaient mis en garde contre l'augmentation de la coqueluche depuis février, a rapporté Global Voices à l'époque. L'épidémiologiste a averti que la vaccination est la seule solution pour la coqueluche, qui avait été éradiquée au cours des cinq dernières décennies. Et bien que ce type de vaccination avec le vaccin DTaP ou DTP soit obligatoire en vertu des lois macédoniennes, la vision du monde scientifique avait été contestée par une propagande anti-vaccination généralisée. Ainsi, la couverture recommandée supérieure à 95% n'a été atteinte pour aucun vaccin primaire au niveau national.

L'Europe et les Amériques sont particulièrement touchées

L'hésitation à la vaccination a entrainé un retour de la coqueluche dans le monde entier. En juillet, l'Organisation panaméricaine de la santé(OPS) a émis une alerte épidémiologique, appelant les pays à renforcer la surveillance et à assurer une surveillance constante de la couverture vaccinale chez les enfants.

Aux États-Unis, le Centre pour le Contrôle et la Prévention des Maladies (CCM) a averti en mai que les cas de coqueluche sont en hausse de près de 3 fois plus élevés que l'année dernière. En juin, ils ont noté que la hausse se poursuit à l'échelle nationale. En septembre, les cas de coqueluche étaient de 169% cette année, rien qu'à New York, a rapporté Yahoo.

La maladie s'est propagée en Asie, avec des pays touchés, y compris la Chine, où cela a conduit à des dizaines de morts et les Philippines, en raison du nombre élevé d'enfants non vaccinés. Les données de l'Organisation mondiale de la santé montrent une augmentation post-pandémique en Inde, également. La coqueluche a également surgé en Australie, en raison d'un niveau de vaccination inférieur après la dernière épidémie il y a huit ans.

L'Agence britannique de sécurité sanitaire a exhorté les femmes enceintes à se faire vacciner pour protéger leurs nouveau-nés, car les cas de coqueluche sont passés à plus de 10 000 au Royaume-Unis cette année en août.

Le Centre européen de prévention et de Contrôle (ECDC), un de l'Union européenne a annoncé qu'en 2023 et jusqu'en avril 2024EU/EUA les pays ont signalé près de 60 000 cas, soit une multiplication par plus de 10 par rapport à 2022 et 2021. Stella Kyriakides, commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire, a déclaré:

L'augmentation du nombre de cas de coqueluche à travers l'Europe montre la nécessité d'être vigilant. C'est une maladie grave, en particulier chez les nourrissons. Nous avons des vaccins surs et efficaces qui peuvent l'empêcher. La vaccination est notre outil clé pour aider à sauver des vies et empêcher la maladie de se propager davantage.

Andrea Ammon, directrice de l'ECDC, a déclaré :

Alors que nous nous attaquons à cette épidémie de coqueluche, il est essentiel de se souvenir des vies en jeu, en particulier de nos petits. Les vaccins contre la coqueluche se sont avérés surs et efficaces, et chaque action que nous prenons aujourd'hui façonne la santé de demain . Nous avons la responsabilité, en tant que parents ou professionnels de la santé publique, de protéger le groupe le plus vulnérable de l'impact mortel de cette maladie.

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De MENA à WANA : l'importance des terminologieshttps://fr.globalvoices.org/?p=290300http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240920_201933_De_MENA_a_WANA___l_importance_des_terminologiesFri, 20 Sep 2024 18:19:33 +0000Le passage de MENA à WANA est plus qu'un simple changement de nom.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

La carte du monde d'AI-Idrisi

Une copie de la carte du monde de Muhammad Al-Idrisi par ‘Alî ibn Hasan al-Hûfî al-Qâsimî de 1456. La carte originale remonte à 1154. Le Sud est en haut de la carte.  Image de Wikimedia Commons. Domaine public

Le terme « Moyen-Orient et Afrique du Nord » (MENA) A longtemps été utilisé pour décrire une région vaste et diversifiée s'étendant du Maroc à l'Ouest à l'Iran à l'Est. Cependant, l'eurocentrisme du terme a été critiqué, et ces dernières années, nous avons vu un élan croissant pour remplacer  MENA par des termes tels que SWANA (Asie du Sud-Ouest et Afrique du Nord) ou WANA (Asie de l'Ouest et Afrique du Nord).

Dans le cadre de notre mission d'amplifier les voix du monde entier, et en reconnaissance de l'importance de la langue, chez Global Voices, nous avons décidé d'adopter le terme WANA au lieu de MENA comme une guerre pour défier des terminologies aussi dépassées et coloniales.

Ce changement reflète une prise de conscience croissante des héritages coloniaux et un désir de les démanteler à travers le monde. La décolonisation du langage et de la terminologie pour parler du monde et de ses peuples fait partie de ce processus.

« Quel Moyen, l'Orient de quoi ? »

« Moyen-Orient » est un terme enraciné dans le colonialisme européen, inventé au XIXe siècle. Il reflète une vue euro centrique, plaçant l'Europe au centre de la carte du monde et étiquetant les régions à son est en fonction de leur distance de ce centre.

L'utilisation du Moyen-Orient perpétue cet état d'esprit colonial en continuant à encadrer la région à travers cette lentille. L'ajout de « l'Afrique du Nord » pour créer MENA ne fait pas grand-chose pour résoudre ce problème, car il relie toujours ces deux régions  — l'une décrite sur la base de sa propre géographie continentale et l'autre basée sur sa relation avec l'Europe — sous un seul parapluie qui ne parvient pas à reconnaitre leurs identités et expériences historiques distantes.

Un débat arabe ?

En arabe, les termes utilisés pour décrire la région varient et dépendent souvent des contextes politiques. Le plus couramment utilisé est en fait le « الشرق الأوسط » qui se traduit directement par l'euro centrique « Moyen-Orient. » Bien que d'autres termes comme « غرب آسيا » qui signifie « Asie occidentale » sont parfois utilisés comme un choix dé colonial dans le discours académique et politique, ils ne sont pas aussi couramment utilisés que le « Moyen-Orient. » L'Asie de l'Ouest est cependant principalement rencontrée dans les rapports des Nations Unies, ainsi que dans les événements sportifs ou les championnats régionaux.

Les autres termes couramment utilisés sont « الوطن العربي » traduit comme « la partie Arabe » ou « العالم العربي » traduit comme « le monde Arabe » qui sont fréquemment utilisés pour mettre l'accent sur la linguistique partagée, liens culturels, et historiques entre les peuples arabes dans les Arabes les 22 Etats qui forment la ligue arabe. Cette terminologie contestée exclut à la fois les Etats non arabophones dans la région WANA au sens large, mais, plus important encore, les nombreux groupes non arabes qui cultivent une partie intrinsèque des divers peuples de la région, tels que les Kurdes, les Amazighs, les Arméniens, les Assyriens et bien d'autres. « Monde musulman » c'est un autre terme souvent utilisé pour décrire une région plus large, ce qui exclut à son tour les nombreux groupes non musulmans qui existent dans cette géographie, et de nombreux groupes musulmans qui se trouvent en dehors de celle-ci.

Bien que des débats arabes sur l'utilisation de la langue par rapport à l'identité, à la géographie et à la décolonisation aient lieu, ils restent moins influents dans leur impact général que leurs homologues en anglais. On peut dire la même chose d'autres langues majeures telle que le français, l'espagnol ou même le mandarin qui continuent d'utiliser principalement des termes équivalents à “Moyen-Orient” au lieu de termes plus précis géographiquement comme l'Asie de l'Ouest. Néanmoins, les débats, même s'ils sont limités, ont lieu.

Pourquoi SWANA ou WANA ?

L'un des principaux arguments pour adopter SWANA ou  WANA est la précision géographique que ces termes fournissent. « Asie du Sud-Ouest » et « Asie de l'Ouest » comme « Afrique du Nord » sont des descriptions géographiques d'une région, la positionnant dans son contexte continental. Ces termes décentrant la perspective européenne et se concentrent plutôt sur la géographie de la région.

L'utilisation de WANA a gagné du terrain parmi les chercheurs et les militants décoloniaux qui cherchent à remettre en question l'eurocentrisme ou l'orientalisme porté par des termes tels que MENA, Monde arabe, Monde musulman, etc. Utilisé pour décrire ces régions vastes et diverses.

La désignation purement géographique de SWANA ou WANA est capable de reconnaitre la diversité au sein de ces régions ainsi que la proximité et les connexions entre ses parties.

Ces termes géographiques permettent une compréhension plus nuancée de l'identité, qui n'est pas limitée par des catégorisations coloniales ou culturelles. En adoptant WANA pour décrire la vaste région géographique interconnectée, nous pouvons mieux honorer sa riche diversité et les personnes qui l'appellent chez elle.

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« Buddha est avec nous ! » Comment la guerre en Ukraine a changé le bouddhisme russehttps://fr.globalvoices.org/?p=290244http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240920_193153____Buddha_est_avec_nous______Comment_la_guerre_en_Ukraine_a_change_le_bouddhisme_russeFri, 20 Sep 2024 17:31:53 +0000La mobilisation et les horreurs de la guerre ont provoqué une rupture

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Un temple.Temple bouddhiste en Russie. Image de Vello Väärtnõu via wikimédia common. CC BY-SA 3.0.

Cet article  d'Alexey Voloshinov  été écrit pour le média russe en  7 x 7. Global Voices l'a traduit et l'a édité pour plus de clarté et le republie avec autorisation .

Les bouddhistes russes, une partie importante d'entre eux réside dans les trois régions russe : la  Bouriatie, la Touva, et  la Kalmycie, ont également été touchées par la  guerre russe avec l'Ukraine. La mobilisation brutal et les horreurs de la guerre ont causé une fracture dans la communauté bouddhiste. Beaucoup font des déclarations anti-guerre et émigrent à l'étranger. D'autres vont en première ligne malgré les valeurs bouddhistes.

La religion la plus anti-guerre en guerre

Les autorités de Bouriatie et Kalmoukie, deux régions russes sur trois avec beaucoup de bouddhistes, ont mené  le projet militaire d'urgence en 2022 particulièrement dure. Selon les militaires de Bouriat  dans trois jours à partir du 21 septembre 2022, environ 7000 hommes ont été emmenés dans les bureaux d'enrôlement militaire en Bouriatie, avec le plan de mobilisation du ministère de la défense fixé à 300 000 personnes pour l'ensemble du pays.

Kalmoukie est devenu l'une des rares régions en Russie où le quota de mobilisation a été dépassé. Au lieu du 1% requis ,ils ont réussi à faire appel entre 2 et 3% de réservistes, selon divers rapports.

En même temps, selon une analyse conjointe de média zone et de le BBC au moins 1500 habitants de la Bouriatie avec une population régionale de 972 000 habitants sont morts pendant la guerre Ukraine. A Tuva, avec une population de  338 000, au moins 618 soldats sont morts.

Le 22 septembre, le lendemain du début du projet militaire d'urgence, les témoins oculaires ont commencé à poster des vidéos de longues files d'attente à la frontière russo-mongole.

Les premiers à arriver étaient des résidents des colonies frontalières en Bouriatie et Tuva, les régions frontalières à Mongolie. Plus tard, la capitale de la Mongolie, Oulan-Bator, est également devenue une destination populaire pour ces Kalmyks. Outre l'emplacement géographique, la raison réside sur le fait que les Kalmyks, les Bouriates, les Tuvans, et d'autres font partie du peuple mongol vivant en Russie. En Mongolie, ils sont considérés  ‘les leurs’ et sont accueillis comme à la maison , expliquent les locaux.

Il est difficile d'accéder à l'ampleur de l'émigration bouddhiste de la Russie dans le contexte de la guerre. Selon des données fragmentaires fournies par l'Etat ,nous parlons de milliers de personnes. Selon les autorités mongoles, dans les 10 jours suivant l'annonce de la mobilisation, 6 200 Russes sont entrés dans le pays. Au même moment, la partie russe a signalé qu'en  2022, les Russes ont battu le record de cinq ans pour les entrées en Mongolie et dans plusieurs autres pays voisins.

Combattez les lamas : comment les dirigeants spirituels bouddhistes soutiennent la guerre en Ukraine

Dans la zone de guerre en Ukraine, le bouddhisme n'est pas seulement représenté par des bouddhistes mobilisés de Bouriatie, de Touva, de Kalmykie et d'autres régions. Par exemple, à l'été 2023, les médias d'état russes ont commencé à faire un reportage actif sur le seul  « lama militaire » en Russie, qui est arrivé au front pour soutenir les soldats. Cela fait référence à un membre du conseil public du ministère de la Défense russe, Lama Bair Batomunkev de Buryatie.

Le ministère de la Défense décrit le travail de Batomunkuev à l'avant dans son communiqué de presse comme suit : « Il aide le personnel militaire à renforcer sa foi, à répondre à ses questions spirituelles complexes et à se mobiliser lorsqu'il effectue des tâches pour défendre leur patrie. »

En hiver 2023, les médias ont écrit sur l'ouverture de deux temples de terrain dans la  « zone d'opération militaire spéciale » [c'est ainsi que le gouvernement russe autorise les références à la guerre en Ukraine]: un orthodoxe et un bouddhiste. « Les Bouriates ne fuient pas le champ de bataille s'il y'a encore une yourte qui est devenue un dugan [temple] » a déclaré le chef du Sangha traditionnel bouddhiste de Russie, Pandito Khambo Lama Damba Ayusheev.

Le président de l'administration spirituelle centrale du bouddhiste, Geshe Yonten (Sergey Kirishov), a félicité Vladimir Putin après les élections de mars 2024. Il n'a pas directement soutenu la guerre en Ukraine, mais était heureux que l'état russe ait ces dernières années « une attention particulière a été accordée à la préservation et au renforcement de nos valeurs spirituelles et morales traditionnelles. » [L'état russe de l'idéologie de « préserver les valeurs traditionnelles » joue un rôle majeur dans la justification par le gouvernement de la guerre en Ukraine et de la répression interne ].

Dans une conversation avec la publication des gens de Baïkal, un soldat de buryatia s'est souvenu de la façon dont les prêtres orthodoxes et les lames bouddhistes ont visité son camp de campagne dans la zone de combat avant les batailles.

Je suis d'abord allé chez les prêtres, puis chez les lamas. Parce qu'au front, vous croyez en tout, pour être honnête. Nos lamas lisent les prières et nous ont dit d'aller vers l'ennemi sans colère ni agression. Eh bien, comme, vous tirez sur un soldat ukrainien et ne vous réjouissez pas si vous le frappez, mais ressentez de la compassion pour lui. Parce que c'est la manière bouddhiste.

Dans le même article, les habitants de Baïkal ont cité lama Oleg Namzhilov de Buryatie:

Maintenant, nous, bouddhistes ordinaires, nous trouvons dans une situation où nous ne décidons de rien. Nos gars sont allés en guerre par nécessité. Notre tâche est de les soutenir. Si nous nous écartons d'eux, disons qu'ils sont des traitres et de la racaille, alors qui sommes-nous après cela?

Baldan Bazarov, un ancien abbé des Kuren Datsan en Bouriatie  qui a quitté la Russie pour les Etats-Unis à l'été  2022 en raison de ses croyances anti-guerre, estime que l'opinion des lamas bouddhistes influence les attitudes des bouddhistes russes envers la guerre. Ceux qui soutiennent les actions militaires, à son avis, en bénéficient d'une manière ou d'une autre. Dans une conversation avec 7×7, Bazarov a dit:

Disons que le Khambo Lama ne peut rien demander personnellement [Il est interdit aux moines bouddhistes d'utiliser l'argent], mais, par exemple, il a demandé à  Putin au Kremlin de construire un datsan à Moscow, ce que les bouddhistes eux-mêmes n'ont pas pu faires depuis le dernier millénaire. Certains lamas sont allés à la guerre en Ukraine pour soutenir leurs compatriotes. Ils [les lamas] reçoivent de l'argent pour le voyage, afin qu'ils puissent y aller et revenir , rester à l'hôtel à Moscou — ce sont aussi des  ‘avantages’ pour eux. Ils montrent qu'ils se soucient de l'état, et après cela, ils peuvent demander quelque chose pour leurs datas.

« Aider les soldats est un karma négatif » : bouddhistes anti-guerre

Bazarov lui-même, comme il le dit, il a prévu de déménager non pas aux Etats-Unis, mais en Ukraine, pour « aider les Ukrainiens à défendre leur maison ,leurs enfants, leurs proches. » « Je voulais me rendre en Ukraine pour dire la vérité à mes compatriotes  — Bouyats et Mongols — qui croyaient à la propagande de Poutine, » le lama a dit.

Il croit qu'il n'y a pas de contradiction entre l'esprit anti-guerre de la foi bouddhiste et le désir d'aller dans l'un des pays en guerre:

La guerre est une manifestation du samsara [le monde de la souffrance, de la passion et du manque de liberté, inséparablement lié au cycle répétitif des naissances et des décès dans le bouddhisme]. Buddha a expliqué qu'il faut s'éloigner de toute manifestation de samsara. Mais au même moment, si quelqu'un vient vous tuer chez vous, vous devez protéger votre famille, vos proches…  Mais dans notre cas, nos proches sont allés tuer, et nous devons soutenir cela pour le bien d'un état éphémère. C'est mal.

Cependant ,Bazarov affirme que l'aide aux troupes russes mobilisées ne s'aligne pas sur les principes bouddhistes:

Les gens sont allés en Ukraine pour tuer des gens ,et toute aide pour eux est un karma négatif

La déclaration anti-guerre la plus frappante du bouddhisme russe a été faite par le président de l'association des bouddhistes de Kalmoukie, Telo Tulku Rinpoche (Erdeni-Basan Ombadykov). Il a déclaré en Septembre 2022 dans une interview avec la chaine  YouTube  « Alchemy of the Soul ».

Le coté ukrainien a, bien-sûr raison. Ils défendent leur pays, leur terre, leur vérité, leur constitution, leur peuple,

Quelques mois après, les autorités russes ont ajouté Rinpoché à la liste des agents étrangers (il est un citoyen américain), et il a démissionné de son poste de lama suprême de Kalmoukie. Ombadykov, commentant sa démission, a déclaré:

Au peuple de Kalmykia et à tous les adeptes du bouddhisme en ces temps difficile, je souhaite du courage, de la résilience ,et de l'engagement envers les idéaux de compassion , d'amour, de non-violence, sur lesquels notre enseignement de Bouddha est basé

Le ministère des Affaires intérieures de Kalmykie a révoqué le permis de séjour du lama suprême en Russie.

En février 2023, Tenzin Choedak, l'abbé du principal temple bouddhiste de la république a été nommé nouveau lama suprême de Kalmykie. On ne sait rien de ses opinions politiques.

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Les Africaines qui travaillent dans les mines: un documentaire d'Aïssatou Fofanahttps://fr.globalvoices.org/?p=290496http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240920_093857_Les_Africaines_qui_travaillent_dans_les_mines__un_documentaire_d_Aissatou_FofanaFri, 20 Sep 2024 07:38:57 +0000Certaines femmes sont géologues, d'autres conductrices d'engins lourds

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image d'une femme togolaise du secteur minier ; Capture d'écran de la chaîne YouTube du média L’écologiste Infos

Le travail dans les mines est associé à un métier particulièrement genré et réservé aux hommes. Mais en Afrique, de nombreuses femmes travaillent dans ce secteur.

Le continent détient en effet la majorité des richesses minières mondiales: plus de 50% de minerais au niveau mondial se trouvent dans les sous-sols africains. Ces ressources  attirent la convoitise des géants miniers internationaux qui cherchent à s'implanter dans certains pays où l'exploitation minière devient une part principale de leur économie.

Aïssatou Fofana, journaliste environnementale ivoirienne raconte l'historie des femmes travaillant dans ce secteur dans son premier film documentaire qui retrace ce qui se déroule en Côte d'Ivoire et au Togo. Loin d'être victimes des clichés et d'idées préconçues dans un domaine d'activité souvent perçu comme exclusivement masculin, les femmes interviewées et filmées par  Aïssatou Fofana racontent leur propre histoire.

Interviewée par Global Voices, via Whatsapp, la réalisatrice du film documentaire raconte son expérience et les raisons qui l'ont poussée à faire entendre ces voix de femmes.

Jean Sovon (JS): Qu’est-ce qui vous a amené à réaliser un film documentaire sur les femmes dans le secteur minier en Afrique? Comment avez-vous pris connaissance de cette situation? 

Aïssatou Fofana (AF) : Ce film a été réalisé dans le cadre du projet final du programme de Bourse consacrée aux médias et aux créateurs de contenu de l'Union africaine. On devait faire un choix entre diverses thématiques proposées dans le cadre de la bourse et réaliser un projet. Cela pouvait être un film documentaire, un article de presse (dossier), des émissions radio, des podcast….

Mon choix s’est porté sur les femmes de ce secteur. J'avais remarqué qu'on entendait pas beaucoup parler d'elles dans les médias, alors qu'elles participent à leur niveau, au développement de socio-économie de leur pays. C'est en cela que mon choix s'est porté sur la Côte d'Ivoire et le Togo. Voilà un peu comment se situe le contexte du choix de ce sujet là.

En vidéo, la première partie du film documentaire. Ici, la réalisatrice met un cap sur ces femmes du secteur miner de la Côte d'Ivoire qui racontent leur quotidien :

JS: Quels sont les défis propres aux femmes dans cette profession? Comment sont-elles perçues par leurs collègues masculins ? Par la population en général?

AF: Le premier défi qui me vient à l’esprit, c'est le fait d'évoluer dans un secteur qui est à majorité dominé par les hommes. Vous pouvez comprendre que c'est pas vraiment évident d'évoluer dans un tel domaine, surtout si la plupart d’entre eux ont une vision “traditionnelle” ou “patriarcale” de la femme dans la société :  celle dont la place est d’emblée à la cuisine ou encore à la maison à s’occuper de son époux et de ses enfants. Cela occasionne des frictions pour celles qui s’y aventurent.

Le second challenge est au niveau de la famille. Si elle est mariée et a des enfants, c'est sûr qu'il va falloir faire la part des choses et vraiment s'organiser pour pouvoir travailler convenablement pour que son travail n'empiète pas sur sa famille. C’est dans ce type de contexte qu’avoir un partenaire de vie compréhensif et ouvert tient tout son sens ! Car sinon, ce serait un problème de plus auquel il faudra faire face au quotidien.

En général, les informations sont limitées sur ce milieu, en particulier celles sur les femmes qui y travaillent; d'où mon intérêt sur cette question. L’idée était de réaliser un documentaire afin de lever un coin de voile sur ce qu'elles font, les réalités qu'elles traversent, comment elles font face à ces défis et comment elles arrivent aussi à faire carrière dans ce secteur dit d’hommes.

JS: Quels métiers exercent les femmes exactement: sont-elles ingénieures? minières dans la mine?

AF: Dans le film documentaire, les femmes interviewées exercent à différents niveaux, et selon leur domaine d’expertise au sein de leurs sociétés de mines. Dans la société de mine d’Ity en Côte d’Ivoire, Laetitia Gadegbeku Ouattara est la directrice Pays d'Endeavour Mining ; Carine Kouko est géologue de production sénior ; Kadidiatou Diarra, est géologue d’exploration junior ; et Marthe Bertine Yavo est superviseur camp et voyage.

Quant aux femmes du Togo, Rosine Atafeinam Abalo est Dr en géologie et géotechnique et chargée d'investissement à Togo Invest. Dotse Akouavi Jeannette et Aladouadjo Belam, sont toutes deux sont des conductrices d’engins lourds appelés dumper.

Dans cette seconde partie du film documentaire, les femmes togolaises interviewées racontent leurs parcours et les obstacles qu'elles ont du surmonter pour arriver à ce stade de leur carrière dans les mines:

JS: Pourquoi font-elles ce travail? Est-ce parce que c'est mieux payé que d’autres métiers? 

AF: Au cours de mes entretiens, jamais ces femmes n'ont parlé du fait que c'était un métier mieux payé que d'autres métiers ou un métier qu’elles voulaient pour pouvoir être riche, avoir beaucoup d'argent. C'est un secteur qui les a attirées et elles voulaient faire carrière là-bas. C'est cette motivation et cette passion qui a déterminé leur choix et elles ont tout fait pour intégrer ce secteur et y évoluer. Donc ce n'est pas pour des raisons financières.

Est-ce que ce secteur est mieux payé que d'autres, je ne saurais le dire parce que je n'ai pas focaliser mon travail sous cet angle et je n'ai même pas eu à poser cette question. Ce qui m'intéresse, c'est le parcours, les challenges qu'elles ont traversés, comment elles ont pu relever ces défis et comment elles continuent d'évoluer dans ce secteur là malgré tous ces problèmes auxquels elles ont fait face.

Elles n’ont également pas fait mention de ce que c’était un métier mal payé. Ce que je peux vous assurer, c’est qu’elles sont épanouies et heureuses de leur choix de carrière.

JS: Les mines où travaillent ces femmes sont-elles plutôt nationales? Étrangères? Illégales? Les femmes ont-elles leurs propres syndicats? 

AF: Les sites miniers que j’ai visités sont légalement constitués. Le Société des Mines d'Ity est en activité depuis 1991. L’État ivoirien y est actionnaire à 10% et la Société des Mines, à 5%, et les 85% sont détenus par Endeavour Mining. Les femmes ont également leurs associations. En Côte d’Ivoire, au niveau national, il y a le Réseau des Femmes du Secteur Minier de Côte d’Ivoire (FEMICI), et He For She Mines Côte d’Ivoire. Au niveau de la Société des mines d'Ity, il y a l’Association des Femmes des Mines de Ity(AFEMI). Au Togo, l’Association des Femmes du Secteur Minier ou en Entreprise du Togo (AFEMET) existe au niveau national. Mme Rosine Atafeinam Abalo, l’une des femmes que j’ai interviewée, en est la présidente.

Au niveau africain, l’AWIMA (Association of Women in Mining in Africa) le réseau d’organisations et d’associations nationales de femmes africaines dans les secteurs de l’exploitation minière, du pétrole et du gaz.

Au niveau international, les prix WIN100 récompensent les 100 femmes qui sont pionnières, qui apportent des changements positifs et significatifs pour que le secteur minier puisse fonctionner de manière responsable, durable et inclusive.

JS: Quelle est la politique environnementale de ces entreprises? 

AF: Les sites miniers que j'ai visité en Côte d'Ivoire au Togo sont légalement constitués, avec le respect des consignes de sécurité pour entrer sur les sites. La société des Mines d'Ity par exemple, à un axe environnement et développement durable dans sa politique de gestion. Nous avons également pris part à un planting d’arbres lors du tournage du film.

Dans un secteur en pleine mutation et de plus en plus internationalisé, les femmes africaines occupent la place qu'elles méritent pour affirmer leur égalité avec les hommes.

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Aller à l'école en Afrique: une pratique risquée pour des millions d'enfantshttps://fr.globalvoices.org/?p=290383http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240920_000703_Aller_a_l_ecole_en_Afrique__une_pratique_risquee_pour_des_millions_d_enfantsThu, 19 Sep 2024 22:07:03 +0000Près de 98 millions d'enfants en Afrique ne vont pas à l'école.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Des élèves en salle de classe au Cameroun ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Solidarité Laïque

L'éducation joue un rôle primordial dans le développent socio-économique de tout pays. En Afrique, l'accès à l'éducation reste très inégal et délaisse une large majorité de la jeunesse. Cette situation est due en partie à deux problèmes: la situation sécuritaire et économique du personnel enseignant.

Alors que la rentrée scolaire 2024-2025 a déjà commencé, plusieurs crises éclatent dans le domaine de l'éducation à l'échelle du continent: des grèves répétitives alimentées par des revendications salariales et de meilleures conditions de travail par des syndicats, absence ou retard dans les réformes des programmes éducatifs pour assurer une adéquation formation-emploi, crises sanitaires et sécuritaires. Global Voices enquête dans trois pays pour mesurer l'étendue des défis: au Cameroun, en République Démocratique du Congo (RDC), et au Togo.

Au Cameroun, la division entre francophones et anglophones prive 700 000 enfants de scolarité

Au Cameroun, pays officiellement francophone et anglophone, la crise est double. Les revendications syndicales troublent la fréquentation des écoles pour plus de 3 millions d'élèves du primaire et du secondaire. Ces revendications sont surtout financières: le paiement des salaires et indemnités de logement ainsi que la revalorisation salariale ; et statutaires: intégration effective des enseignants dans la fonction publique dès leur prise de fonction après formation. Le salaire mensuel des instituteurs fonctionnaires est de 153.316 FCFA ( 259 dollars américains) alors que le revenu moyen mensuel est à 83.902 FCFA (141 dollars américains).

Mais l’aspect sécuritaire est le principal obstacle à l'accès pour tous à l'école. En 2016, débute un conflit armé qui oppose le gouvernement aux groupes séparatistes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La marginalisation et l'exclusion des populations de cette partie du pays à dominance anglophone au profit des francophones est la principale base de ce conflit qui se répercute surtout sur l'éducation des enfants.

Par conséquent, depuis 2016, l’éducation dans le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun est problématique: le 24 octobre 2020, des enfants sont victimes de ces tensions quand un massacre a lieu dans une école et cause la mort de huit enfants.

Pour cette nouvelle année académique, la situation ne semble pas s’apaiser. Valentine Semma, présidente du syndicat des enseignants au Cameroun indique à Radio France Internationale (RFI):

Cela fait presque huit ans d'affilée que la crise a débuté dans les régions nord-ouest et sud-ouest du Cameroun, dans le cadre de la lutte pour la réforme du système éducatif et plus particulièrement celui du système éducatif anglais. Depuis, les enseignants de ces deux régions ont fait l'objet de très sérieuses menaces. Nombre d'entre eux ont perdu la vie, ont été kidnappés. Un confinement nous a été imposé pour environ deux semaines. On n'est pas censé aller à l'école, les enfants doivent rester à la maison. Ils ne pourront commencer les cours qu'à partir du 2 octobre. (…) L'école devrait être un endroit libre. L'environnement scolaire, les apprenants, les enseignants, ne devraient être soumis à aucune forme de menaces ou préjudices.

Les impacts sont palpables: fermeture des établissements scolaires et les apprenants sont privés du droit à l’éducation. Le site Yenisafak annonce un bilan de 700 000 enfants qui sont privés d’école. A long terme les répercussions de cette crise menace le développement du pays.

En RDC, un triple défi

En République démocratique du Congo (RDC), la rentrée a débuté le 2 septembre, mais l’année académique risque d’être vraiment difficile : une triple menace pèse sur le droit à l’éducation des enfants congolais.

D’un côté, la crise sanitaire liée à la variole du singe, déjà présente sur l’ensemble du territoire menace toujours: 700 décès sont enregistrés depuis début septembre. Les autorités assurent que le pays a pris toutes les mesures nécessaires pour garantir un meilleur environnement éducatif aux enfants. Un article de Radio France Internationale (RFI) cite Raïssa Malu, ministre de l'Éducation de RDC en ces termes:

Je voudrais vous rassurer qu'il y a une étroite collaboration avec le ministère de la Santé pour s'assurer que nos écoles restent sûres. Que les conditions soient assurées pour nos élèves au sein de l'ensemble de nos établissements. Le ministère de la Santé va diffuser un ensemble de messages que notre administration va relayer. Il est notamment recommandé aux écoles, aux parents et aux élèves d’observer les mesures barrières.

Lire: L'Union africaine s’inquiète de la propagation de la variole du singe sur le continent

A cela s'ajoute un autre problème: les conditions précaires dans lesquelles vivent les enseignants congolais. Une majeure partie d'entre eux gagne moins de 140 dollars américains par mois, et réclament une augmentation de 400%. Cécile Tshiyombo, présidente du syndicat des enseignants du Congo (Syeco) dit sur RFI:

Il n'y a pas classe. Que le chef de l'État s'en occupe puisque ça devient peut-être une question politique sinon il y a une batterie d'actions qui vont être déroulées. L'enseignant craie à la main souffre. Aujourd'hui, les enseignants exigent à ce que le gouvernement leur verse 500 dollars. Nous avions préféré avoir un dialogue, mais il n'y a pas eu de dialogue.

La menace a été mise en exécution, et depuis deux semaines, les enseignants sont en grève, surtout à Butembo et à Béni au Nord-Kivu dans le nord-est du pays.

Enfin, une autre crise empêche toute vie normale pour les professeurs et les élèves. Les conséquences de la crise sécuritaire qui agite l'est du pays en raison des attaques du groupe rebelle du M23. Dans ce contexte d’insécurité dans les zones occupées par le M23, les écoles continuent de servir d’abri pour les déplacés, alors que les autorités du pays ordonnent la reprise des classes. Balira Kakule, directeur de l’école primaire de Muchungaji, située dans la localité de Lubero, dans le Nord-Kivu) déclare au média Congo Quotidien:

Certains déplacés ont exprimé le droit des enfants à l’éducation. Ils vont partager les salles de classe avec nos élèves. Le matin, ils plient leurs affaires et les salles de classe sont nettoyées pour les cours.

Cet imbroglio n'est pas du goût des syndicats qui manifestent leurs mécontentements et appellent au boycott.

Lire: Qui sont les rebelles du Mouvement du 23 mars à l'Est de la RDC?

Au Togo, interdiction des portables

Au Togo, les élèves ont repris le chemin de l’école le 16 septembre. Les syndicalistes, à travers la Coordination des Syndicats des Enseignants du Togo (CSET), dans un message adressé le 12 septembre par Abalo-Essé Assih, secrétaire général, rappellent que:

(…) nous voudrions évoquer le maintien du dialogue entre le Gouvernement et les fédérations de l’éducation, le renforcement du système éducatif en termes de qualité de l’enseignement, […] bref, les grandes réformes structurelles et fonctionnelles engagées par le Gouvernement pour faire du milieu scolaire togolais, un cadre attractif, favorable à une formation rigoureuse et de qualité pour des résultats crédibles.

Rebondissant sur l'interdiction de l’usage du téléphone portable ordonnée par les autorités, Abalo-Essé Assih dit:

Chers élèves,(…) observez scrupuleusement la discipline (…) par rapport à l’usage du téléphone portable en milieu scolaire et évitez d’être une proie facile pour des personnes mal intentionnées qui utilisent les réseaux sociaux pour vous attirer dans leurs pièges.

Les autorités togolaises ont déjà eu recours à cette mesure courant l’année scolaire 2018-2019 mais cette interdiction a été de courte durée.

Au vu des récents incidents survenus au nord du pays le 20 juillet 2024, à la suite d'une attaque djihadiste faisant une douzaine de militaires tués selon le journal LeMonde, l'inquiétude demeurent, en ce qui concerne la sécurité des établissements scolaires.

En ce début de l'année scolaire 2024, le taux de scolarisation au Togo est de 94,6 % au niveau primaire. Au secondaire, le taux est de 76,6% au premier cycle et 35,2 % au second cycle, selon les chiffres de 2023. Au Cameroun, le taux de scolarisation en 2022 est de 66% pour les filles et de 73% pour garçons au niveau primaire, et passe en dessous de 50% au niveau secondaire.  En RDC, les derniers chiffres remontent à 2021, avec un taux de scolarisation au niveau primaire qui est de 79% pour les filles et de 86% pour les garçons. Au niveau secondaire, le taux s'écarte entre 44% pour les filles et 70% pour les garçons.

Selon le site ONU Info: 

Près de 98 millions d’enfants en âge d’être scolarisés ne vont pas à l’école. De plus, 9 enfants scolarisés sur 10 ne peuvent pas lire et comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans.

La marche pour l'école pour toutes et tous reste donc un défi majeur en Afrique.

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Développer la culture littéraire du Népal : interview avec Saguna Shah, fondatrice de bOOkahOlicshttps://fr.globalvoices.org/?p=290212http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240918_195159_Developper_la_culture_litteraire_du_Nepal___interview_avec_Saguna_Shah__fondatrice_de_bOOkahOlicsWed, 18 Sep 2024 17:51:59 +0000Nourrir une communauté littéraire au Népal

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Saguna Shah, fondatrice de BOOkahOlics. Image fournie par l'auteur. Utilisée avec la permission de l'auteur.

La culture de la lecture au Népal se développe progressivement, sous l'influence de la mondialisation et de l'accès croissant à la technologie. Cependant, malgré ces progrès, la culture de la lecture au Népal reste relativement sous-développée, avec une grande marge de progression.

Cependant , il y'a des travaux actifs pour changer ce paysage et un des noms qui sort du lot est celui de Saguna Shah— une personne aux multiples facettes dans la littérature Népal et la scène culturelle. Saguna Shah est connu comme écrivaine, traductrice, actrice de théâtre, éducatrice et fondatrice de bOOkaholics, le plus grand club du livre en ligne du Népal. En dehors de ses occupations littéraires, Shah joue un rôle significatif dans le développement de la culture littéraire au Népal à travers son club du livre, ses discussions mensuelles et son atelier créatif d'écriture. bOOkahOlics ne prévaut pas juste au Népal ; il est aussi utilisé par les amoureux du livre népalais résidents dans divers pays, cherchant un espace leur permettant de ce connecter à leur passion pour la lecture et la littérature.

Bhupeen, poète et romancier du Népal,membre de bOOkaholics , a partagé son optimisme dans une interview avec Global Voices, affirmant : « La profondeur de l'étude et de la recherche effectuée dans le groupe bOOkaholics me donne l'espoir que la culture du livre au Népal devienne vibrante et forte.» il a mis en exergue l'enthousiasme des jeunes lecteurs et leur ouverture à divers genres littéraires .

Une autre membre,Nirmala Prasai Sapkota, une Booktubeuse basée  au Royaume Uni, partage ce sentiment dans une interview avec Global Voices, disant:«c'est un groupe actif pour des personnes accros aux livres… La meilleure partie de bOOkaholics est «Chakati Bahas» (une revue de séries mensuelle), que j'aime et apprécie vraiment beaucoup,» démontre l'impact unique du groupe sur les lecteurs. Un autre membre, Jayant Sharma, un traducteur australien , reconnaît aussi les progrès du groupe en notant : «La culture litteraire au Népal n'a jamais été particulièrement forte, mais elle a connu des avancées significatives ces dernières années , aussi bien dans le domaine des clubs de lecture que dans celui des discussions sur les livres, spécialement au Kathmandu.» Il insiste sur les moyens mis en œuvre pour développer l'intérêt à la littérature népalaise et comment bOOkaholics a été un instrument dans le changement du paysage litteraire dans le pays.

Global Voices a interviewé Saguna Shah via e-mail pour comprendre son rôle dans la transformation de la culture littéraire au Népal et pour présenter comment ses initiatives, telles que  bOOkahOlics, connectent les lecteurs népalais. Cette interview a été éditée avec minutie et clarté.

Sangita Swechcha : pouvez-vous nous parler de la création de bOOkaholics et comment il s'est développé tout au long des années ? Qu'est-ce qui vous a inspiré à commencer le plus grand club du livre en ligne du Népal ?

Saguna Shah : Lire seul demande un engagement actif pour le texte lui-même. Cependant, ma quête d'apprentissage s'étend au-delà de cet aspect solitaire. Après avoir achevé mon Master et commencé ma carrière dans l'enseignement de la littérature , j'ai cherché plus que de simples discussions de salle de classe; je voulais être parmi d'autres qui partagent mon amour pour les livres et être engagé dans des conversations réfléchies en dehors du cadre académique . En dépit de mon enthousiasme à discuter de littérature sur les réseaux sociaux, certains ont perçu ma passion comme une prétention . En 2011, avec un nombre de plateformes limité pour des discussions littéraires pleines de sens, j'ai eu une idée : Créer un espace virtuel dédié uniquement à la discussion littéraire. Puis, bOOkaholics est né, commençant juste avec une poignée d'amis.

Sangita Swechcha : Dès discussions mensuelles telles que «Chakati Bahas» sont-elles l'unique raison de la création de bOOkaholics ? Comment cette évolution a-t-elle contribué à la mission originale qui est celle de promouvoir la culture littéraire au Népal ?

Saguna Shah : Martin Chautari, premièrement envisagé comme bibliothèque de recherche, a facilité des discussions qui prônent les besoins des chercheurs, des activistes sociaux,des journalistes et d'autres professions. En 2013, Prabhakar Gautam, un journaliste et un confrère dans l'administration, a proposé d'héberger des discussions mensuelles dans cette espace. Chautari  a apprécié l'idée. Deux ans après sa création, nous avons lancé Chakati Bahas, une initiative qui a brisé le gap entre les lecteurs et les écrivains en leur permettant à tous dans un espace d'engager des discussions critiques sur des livres choisis.

Le confinement dû au COVID-19 a perturbé plusieurs aspects de nos vies que nous avions pendant longtemps cru garantis. Pas seulement l'arrêt des activités , mais aussi l'ennui de l'isolation, le confinement dans nos maisons, et maintenir la distance sociale entre les individus fût très stressant. Pendant cette période, l'équipe administrative : Ganesh Karki, Mohit Joshi, Sanjit Bharati, Richa, Bible Mishra, et Karmath Subedi – ont eu l'idée pendant une réunion virtuelle, de passer une heure avec les auteurs chaque soir. Le but était d'avoir des auteurs qui partagent leurs expériences comme lecteurs, leurs journées d'écriture, leurs livres et tout ce dont ils souhaiteraient parler avec leurs lecteurs. Pendant que certains auteurs étaient enthousiastes, d'autres étaient au départ septiques. Cette initiative a continué pendant cent jours avec cent sessions consécutives. Nous n'avions jamais imaginé  que ça deviendrait quelque chose à anticiper chaque soir, mais cela a apporté un réconfort significatif .

Chakati Bahas, a discussion forum of BOOkahOlics. Image via author. Used with permission.

Image de Chakati Bahas, un forum de discussion de bOOkaholics. Image proposée par l'auteure. Utilisée avec autorisation.

Sangita Swechcha : À votre avis, comment la culture littéraire a-t-elle changé durant ces années, spécialement dans le cadre des plateformes digitales et des réseaux sociaux ?

Saguna Shah:Nous sommes passés d'un petit groupe de lecteurs à une communauté d'environ vingt six mille membres,et le nombre continue de croître. Avec l'avantage des plateformes digitales et des réseaux  sociaux, nous avons enregistré des changements significatifs durant ces dix dernières années. Les livres sont devenus plus accessibles pas seulement en format papier mais aussi an format audio. De nombreux groupes et communautés d'écrivains et de lecteurs  ont émergé , tels que: Shabdapath, Aahwaan, le club des lecteurs de Random, Gunjan, Sahitya Post, et le Gorkha Times, pour ne nommer que ceux-ci. Avant il n'y avait que le festival littéraire du Népal, maintenant il y'a plusieurs festivals littéraires. En plus, des communautés de lecteurs enthousiastes ont vu le jour dans presque toutes les villes, contribuant au fleurissement de la culture littéraire.

Mist and Mountain, une plateforme créative internationale basée à Scotland, en collaboration avec bOOkaholics, a organisé une retraite d'écriture créative au Kathmandu en 2022. La conférence a été dirigé par Amal Chatterjee, un auteur, tuteur senior et assistant du chargé de cours au programme d'écriture créative de l'université d'Oxford, et Nabin K. Chéri, un auteur et poète au Scottish Book Trust(R.U). Le travail consistait à aider les écrivains créatifs et les poètes à affûter leur plume. Nos plans pour une autre séance de travail est de surpasser le score de telles initiatives rendues possibles par le bon vouloir de bOOkaholics durant ces années.

Sangita Swechcha : quelles difficultés pensez-vous que la littérature  népalaise rencontre aujourd'hui par rapport à l'impact d'une grande audience aussi bien sur le plan local qu'à l'international ?

Saguna Shah: Nous sommes riches en diversité culturelle et littéraire avec des travaux phénoménaux écrits pas seulement en népalais mais aussi dans d'autres langues régionales. Cependant, seule une quantité minime a été traduite en anglais. Il n'y a pas de raccourcis pour la progression des auteurs qui écrivent depuis des années, mais pour gagner une reconnaissance globale, les traductions sont cruciales . Pendant que beaucoup de littératures étrangères sont lues au Népal à travers les traductions, au contraire, la littérature népalaise traduite dans d'autres langues reste presque inexistante . Les auteurs népalais qui écrivaient d'abord en anglais rencontrent des difficultés à gagner de la reconnaissance . Ceci peut être dû à de nombreux facteurs incluant: les moyens limités de publication en anglais  au Népal, une préférence pour les langues locales ou simplement la petite audience pour la littérature anglaise dans un pays dont la langue première est le Népalais. Augmenter la visibilité et encourager les échanges culturels sont essentiels.

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Tunisie : en prélude aux élections controversées, le pays interdit le magazine Jeune Afrique pour avoir critiqué le Présidenthttps://fr.globalvoices.org/?p=290149http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240917_225502_Tunisie___en_prelude_aux_elections_controversees__le_pays_interdit_le_magazine_Jeune_Afrique_pour_avoir_critique_le_PresidentTue, 17 Sep 2024 20:55:02 +0000L'interdiction de Jeune Afrique est une nouvelle étape dans la répression de Kais Saied contre les médias indépendants, annulant encore davantage les acquis démocratiques de la révolution de 2011

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Un manifestant porte une pancarte sur laquelle est écrit « À bas le coup d’État » lors d’une manifestation anti-coup d’État en Tunisie le 21 octobre 2021. Photo de Dodos photography, via Wikimedia Commons . CC BY-SA 4.0 .

[Sauf indication contraire, tous les liens mènent vers des sites en anglais ou ar]

A l'approche des élections présidentielles controversées, la Tunisie a interdit la diffusion du numéro de septembre du magazine francophone Jeune Afrique. Cette décision rappelle les pratiques autoritaires de l'époque de la dictature de Zine El Abidine Ben Ali, lorsque le magazine avait également été interdit  pour avoir dénoncé la corruption et les violations des droits humains qui ont caractérisé son règne de 23 ans.

Jeune Afrique, une publication bien connue pour sa couverture approfondie des pays africains et arabophones, est depuis longtemps la cible de la censure de régimes intolérants à l’égard des dissidents. La récente interdiction de publication sous le président Kais Saied [fr] reflète ces efforts antérieurs visant à réprimer le journalisme indépendant et à faire taire les voix critiques.

Depuis son coup d’État en 2021 [fr], Kais Saied a de plus en plus centralisé le pouvoir et réprimé les médias indépendants, des personnalités de l’opposition [fr] et toute forme de dissidence. Cette répression s’inscrit dans un retour plus large à l’autoritarisme, qui a réduit à néant de nombreuses libertés acquises par les Tunisiens après la révolution [fr] de 2011 qui a renversé Ben Ali. Le climat politique actuel, notamment l’exclusion des principaux candidats de l’opposition des prochaines élections, dresse un sombre tableau de l’avenir de la démocratie en Tunisie.

Jeune Afrique

Fondé en 1960 à Tunis par Béchir Ben Yahmed [fr] et d’autres intellectuels tunisiens, Jeune Afrique s’est imposé comme l’une des publications les plus respectées du monde francophone, couvrant la politique, l’économie et les questions sociales en Afrique et dans les pays arabophones. Au fil des décennies, le magazine s’est forgé une réputation de journalisme audacieux et critique, s’attirant souvent les foudres des régimes autoritaires de la région.

Cette dernière interdiction est liée au dossier « L'hyper-président » [fr] de Jeune Afrique , qui expose la situation politique actuelle de la Tunisie sous la présidence de M. Kais Saied, notamment la montée de l'autoritarisme et l'érosion des acquis démocratiques obtenus après la révolution de 2011.

La journaliste féministe Monia Ben Hamadi a partagé la couverture interdite sur X en disant :

Annuler la révolution

L’interdiction de Jeune Afrique n’est pas un incident isolé. Elle s’inscrit dans une tendance plus large de montée de l’autoritarisme sous Saied, qui a systématiquement démantelé les institutions démocratiques et les libertés pour lesquelles les Tunisiens se sont battus pendant la révolution de 2011. Depuis qu’il s’est emparé de pouvoirs extraordinaires en juillet 2021, lorsqu’il a dissous le Parlement et commencé à gouverner par décret, M. Kais Saied a réprimé les personnalités de l’opposition, les journalistes et la société civile. Il a notamment limogé des juges indépendantsrestructuré la commission électorale [fr] pour l’adapter à son programme et imposé des lois restrictives sur les médias [fr] qui ciblent toute personne critique à l’égard de son gouvernement.

Fida Hammami, conseillère en recherche et plaidoyer pour la Tunisie à Amnesty International, a écrit sur X :

On s'est habitué aux complots, on s'y est habitué. Les télégrammes qui s'appuient sur l'imagination étroite de leurs auteurs, on s'y est habitué aussi. Mais interdire l'entrée d'un magazine sur le territoire, c'est nouveau ! On est passé au stade de la censure flagrante. Si @jeune_afrique confirme ce qui s'est passé, il faudra qu'il y ait une forte réaction. Si ça passe sous silence, ce ne sera que le début. #Tunisie pic.twitter.com/qhgDTBGECL

— فداء الهمامي Fida Hammami (@FidaaHammami) 4 septembre 2024

En 2023, le père d'Hammami, l'avocat des droits humains Ayachi Hammami, a lui-même fait l'objet d'une enquête criminelle basée sur ce qu'Amnesty a appelé des « accusations infondées de “complot” », aux côtés de l'avocate féministe Bochra Belhaj Hamida et des personnalités politiques de l'opposition Nejib Chebbi et Noureddine Bhriri.

Un avenir sombre

Alors que des élections sont prévues pour le 6 octobre 2024, l’avenir de la démocratie en Tunisie s’annonce de plus en plus sombre. Le pays, autrefois salué comme la seule réussite du soi-disant « Printemps arabe », est désormais confronté à la triste réalité d’un retour au système de gouvernance que la révolution cherchait à renverser. Le processus électoral lui-même a été critiqué pour être fortement biaisé en faveur du président sortant, la plupart des candidats sérieux de l’opposition ayant été arrêtés ou disqualifiés, ne laissant que deux prétendants, tous deux trop faibles pour constituer un véritable défi. La question qui se pose est de savoir si la Tunisie peut retrouver son chemin démocratique ou si elle continuera sur la voie de l’autoritarisme.

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Qui est Iron Biby, le sportif qui fait la fierté du Burkina-Faso?https://fr.globalvoices.org/?p=290201http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240916_105843_Qui_est_Iron_Biby__le_sportif_qui_fait_la_fierte_du_Burkina-Faso_Mon, 16 Sep 2024 08:58:43 +0000“Maintenant, l'objectif pour moi, c'est 240 kg.”

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Iron Biby soulevant la barre de 231 Kg au championnat du monde de Log lift du 7 septembre 2024 à Birmingham, au Royaume-Uni ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Giants Live STRONGMAN

Dans le monde sportif, l’haltérophilie ou la levée de poids fait la réputation du Burkina-Faso, seul pays africain à compter un champion du monde dans cette discipline grâce à l'athlète Iron Biby.

Iron Biby est surnommé l'homme le plus fort du monde en raison de sa performance à la dernière compétition mondiale de Log Lift (levée de poids) tenue le 7 septembre 2024 à Birmingham, au Royaume-Uni. De son vrai nom Cheick Ahmed al-Hassan Sanou, Biby voit le jour le à Bobo-Dioulasso (ville située au sud-ouest du Burkina-Faso). Plus tard, il découvre sa passion pour le sport et s'investit dans la pratique du sprint, la gymnastique et le basket-ball.

Le sport comme planche de salut

Dès son enfance, Iron Biby est en surpoids et essuie de nombreuses moqueries de la part de ses camarades d'écoles. Ces épreuves subies forgent sa personnalité et font de lui un gagnant quand il réalise que le sport est une manière de changer son quotidien. Il dit dans un article du journal La Croix:

J'essayais tous les sports mais on me décourageait à chaque fois. J'avais le complexe d'être très corpulent, je voulais transformer mon corps, alors j'ai commencé à m'entraîner doucement.

C'est ainsi qu'il découvre l'haltérophilie à 17 ans alors qu'il effectue ses études universitaires au Canada. Entre ses études et son travail à temps partiel de vigile la nuit pour subvenir aux besoins financiers liés à son logement, Iron Biby trouve le temps de s'entraîner.

En 2014, alors âgé de 22 ans, Iron Biby décroche son premier titre mondial dans la catégorie junior en Power lifting aux États-Unis. En 2016, il confie au média Burkina24:

Mes épreuves principales étaient le « développé couché [qui consiste à repousser une barre de poids vers le haut en position allongée]» et le « soulevé de terre [le fait de soulever puis reposer une barre de poids]». A l’âge de 22 ans, en étant un athlète super naturel, j’ai soulevé 240 kg en « développé couché» et 340 kg en « soulevé de terre ». Une charge rare pour les jeunes de mon âge et ce même jour,  si on devait faire le classement avec les séniors j’allais être classé 2e du monde. Mais vu que je ne suis pas senior, on ne m’a pas classé en catégorie senior.

La conquête du monde

Cette première consécration pour Iron Biby est le début d'un long parcours entre plusieurs compétitions internationales couronnées de succès et de records mondiaux. En 2018, il est sacré champion du monde de Log lift en soulevant 213 kg. La même année, il fait son entrée dans le livre Guinness des records en réalisant le plus grand nombre de pompes en une minute. Iron Biby confie au média Burkina24:

Mon épreuve … était de soulever une personne dans les airs pour le maximum de répétitions en une minute. L’ancien record était de 45 répétitions et je l’ai brisé en faisant 69 répétitions. Ça n’a pas été facile. Enfin pour une fois dans l’histoire, le Burkina Faso sera bien reconnu dans ce Prestigieux livre des records.

A l'époque, CBBC publie sur son compte X:

L'incroyable @GiantsLiveWSM @IronBiby a tenté de battre le record du monde du plus grand nombre de développés-cousus par une personne en une minute… a-t-il réussi ? Retrouvez #BluePeter sur CBBC iPlayer pour le savoir !
— CBBC (@cbbc) 6 septembre 2018

En 2019, Biby glane un autre titre de champion au Log lift Europe Strongest Man en soulevant 220 kg. Il établit un nouveau record dans la compétition en 2021 avec la levée de 229 kg. En battant son propre record en 2023, il enchaîne ainsi avec un autre record en atteignant la levée de 230 kg.

Après avoir établit son record de 230kg, Biby est interrogé par la Radio France Internationale (RFI) sur ce à quoi il pense quand il a au-dessus de sa tête une lourde charge. A cet effet, il confie:

Sincèrement, je dirais qu'il faut être un peu fou, dans le bon sens, pour oser soulever cette charge. Parce que si ça te tombe dessus, ça peut causer une blessure très grave. Donc il faut avoir un mental solide, l'envie de le faire, l'envie de se surpasser et c'est cette envie qui m’a poussé à travailler dur pour relever ce défi.

Ce qui joue le plus, c'est le mental. On peut être bon à l'entraînement mais mentalement, si tu n'es pas solide, il n’y aura pas la connexion qui va te permettre de bien performer. J'ai eu beaucoup de séances avec des professionnels de la préparation mentale et c'est ça qui m'a aidé à me surpasser. Cela m'a pris deux ans pour ajouter un kilo, mais j'aime écrire quand même l'histoire. J'aime relever le défi et mes objectifs. Maintenant, l'objectif pour moi, c'est 240 kg.

Déterminé à continuer à mettre la barre très haute, en 2024, Biby pousse son record dans le Log lift à 231 kg.

Voici en vidéo, la démonstration d'Iron Biby lors de cette compétition:

 

Fierté nationale au Burkina-Faso

En dix ans de carrière, Cheick Ahmed al-Hassan Sanou allias Iron Biby devient donc le maître absolu dans une discipline sportive exigeante. Au Burkina-Faso, il est une fierté nationale toujours très bien accueilli à son retour au pays après les compétitions.

En 2023, l'athlète a même été décoré du rang d'Officier de l'ordre de l’Étalon (un ordre honorifique qui consacre la reconnaissance de la nation burkinabé à l'endroit des civils ou militaires pour ses services rendus au pays). A l'issue de cette distinction, il dit à Burkina24:

Cette reconnaissance de la Nation est une invite à continuer à travailler et à défier les limites. En tant que fils de ce pays, c’est le moment de ne pas baisser les bras. La lutte continue à mon niveau. Je vais bosser dur pour représenter dignement le Burkina Faso.

Même si le Burkina Faso ne remporte pas de médailles aux Jeux Olympiques de Paris en 2024, le pays compte un autre héros sportif: Hugues Fabrice Zongo, champion du monde du triple saut en 2023.

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La condition des femmes dans le Sahel au cœur de l'engagement de Djaïli Amadou Amalhttps://fr.globalvoices.org/?p=290254http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240911_120900_La_condition_des_femmes_dans_le_Sahel_au_c__ur_de_l_engagement_de_Djaili_Amadou_AmalWed, 11 Sep 2024 10:09:00 +0000Le principal handicap de la littérature subsaharienne est la faiblesse structurelle qui entoure le monde du livre.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Photo de Djaili Amadou Amal ; Image d'Amas Flash, utilisée avec permission

Dans leur quotidien, les femmes vivant dans les pays du Sahel font face à de nombreuses violences dont leurs sociétés refusent de parler en public. Seule la littérature permet de briser les tabous et de commencer un débat sur ces questions.

C'est bien ce qu'accomplit l'écrivaine camerounaise-égyptienne, Djaïli Amadou Amal. Djaïli a connu une jeunesse difficile: mariée de force à 17 ans à un homme plus âgée qu'elle, elle divorce mais se remarie avec un homme qui se révèle violent. Déterminée à trouver sa liberté par l'écriture, elle signe plusieurs romans : “Walaande, l’art de partager un mari” (2010) ; “Mistiriijo, la mangeuse d'âmes” (2013) ; “Munyal, les larmes de la patience” (2017) ; la reprise de Munyal sous le titre “Les Impatientes” (2020) ; en 2022 “Coeur du Sahel“, et “Le harem du roi” (2024) son dernier roman.

Interviewée par Global Voices, via e-mail, l'autrice parle à cœur ouvert de son œuvre ainsi que de son engagement aux côtés des femmes du Sahel.

Jean Sovon (JS): Les femmes du Sahel sont les principales héroïnes de vos romans. En quoi ces personnes qui deviennent des personnages forts et émouvants vous inspirent?

Djaïli Amadou Amal (DAA): Dans mes romans, il s’agit avant tout de la condition des femmes dans le Sahel. Je mets en perspective leur condition et leur désir d’émancipation. D’une part en amenant les femmes (aussi bien que les hommes), les lecteurs je veux dire, à prendre conscience de cette condition. D’autre part, en disant aux femmes que c’est à chacune de prendre ses responsabilités dans la lutte collective pour leur émancipation. Ma vie est faite de résilience et d’abnégation. J’ai une grande conviction pour des principes humains inaliénables. Tout ceci a alimenté ma vision des choses et, d’une certaine façon, justifie et conditionne le sens et les priorités de mon engagement littéraire. Les personnages de mon univers romanesque inspirent ma sensibilité, ils répondent à mes aspirations et désirs de faire évoluer les choses en matière de la condition de la femme dans l’aire culturelle soudano-sahélienne dont je suis issue, et bien au-delà.

JS: Dans vos romans, vous écrivez sur des sujets relativement tabous, comme le rapt et le viol des femmes. Votre statut d'écrivaine reconnue internationalement vous permet-il une certaine liberté et protection contre des courants plus traditionalistes? Que vous disent vos lectrices camerounaises?

DAA : Les thématiques que j’aborde dans mes textes reposent sur mon engagement et mon centre d’intérêt. Dans ce cadre, d’une manière générale je ne me limite pas de sujet. Je ne me pose pas de question sur le caractère tabou ou non des sujets que je traite. Tout ceci, à mon sens, relève des considérations superflues, surtout quand il est question des sujets qui causent arbitrairement des souffrances à la femme. Que vaut l’intérêt de préserver ces sujets au regard des terribles souffrances qu’ils font endurer à la femme aliénée dans son humanité au nom de je ne sais quelle doctrine ? Soyons clairs, aucune tradition ne tienne dès lors qu’elle fait souffrir et aliène quelque composante de la communauté qu’elle caractérise. L’humanité et les droits de l’humanité sont universels et reposent sur des valeurs humaines qui sont elles aussi évidemment universelles. Aucune tradition ne peut se prévaloir au-dessus de ces valeurs. Et d’ailleurs, le temps qu’on y est, je précise que les traditions ne nous viennent pas du ciel et encore ! Elles nous viennent de nos ancêtres. Elles ont certainement évolué pour nous parvenir sous la forme que nous constatons de nos jours. Celles qui étaient adaptées il y a des siècles, ne le sont forcément pas aujourd’hui. Chaque génération, chaque communauté, dans un souci de progrès et d’épanouissement collectif des siens, a pour mission de faire évoluer ses propres traditions pour les adapter à son époque. Une communauté qui ne sait pas faire évoluer positivement ses traditions est condamnée à sa propre déchéance. Et cette évolution ne sera possible que grâce à des personnes éclairées, animées des convictions humanistes profondes et éprises de la vérité que l’humanité, indépendamment de genre ou de couleurs, est unique.

Pour le reste, ma notoriété en tant qu’écrivaine ne guide pas le choix des sujets abordés dans mes textes. Mes premiers romans traitaient déjà des questions taboues dans notre société. Ce que disent les lectrices camerounaises ? Je sais simplement que je reçois beaucoup de soutiens. Nombreuses (et pas seulement les Camerounaises d’ailleurs) m’écrivent pour dire à quel point mes livres les ont aidées à changer et sont fortes désormais. Et tenez, des hommes aussi, il y en a qui m’adressent leurs encouragements. Ceux qui critiquent chez nous, ne lisent généralement pas.

Djaïli Amadou Amal revient sur son expérience de mariage forcé et sa décision de devenir libre et féministe dans cette vidéo du média français 20 minutes:

 

JS: Les littératures africaines restent peu visibles. Notez-vous des changements, sur le continent ou ailleurs? Les maisons d'édition arrivent-elles à changer le paysage du livre en rendant l’accès, et le prix du livre pour le lectorat africain plus abordable?

DAA : Lentement peut-être mais sûrement, la réalité évolue et elle change. La littérature africaine est une voix à part entière dans le concert de la littérature mondiale. Et cette voix est de plus en plus respectée à la faveur de l’ouverture des peuples au monde. Il y a cependant à noter sur le continent, le principal handicap de la littérature africaine, subsaharienne en particulier, est la faiblesse structurelle qui entoure le monde du livre. La politique du livre est généralement défaillante, et ceci, conjugué au manque de moyens des maisons d’éditions, bride la diffusion et la compétitivité des livres produits sur le continent, quand les livres produits hors du continent arrivent au coût prohibitif pour le citoyen moyen.

En matière de coût, j’ai essayé à mon niveau d’apporter des solutions en conservant les droits de mes ouvrages en Afrique subsaharienne, de sorte que les mêmes textes produits en Europe le soient localement co-publiés au tiers du tarif à l’international.

JS: Quelles autrices et auteurs d’Afrique sub-saharienne, connus ou peu connus, recommandez-vous à nos lecteurs.rices des pays du Sud pour mieux découvrir toutes les nuances de cette partie du continent?

DAA : Il y en a beaucoup dans ce registre. Loin d’être exclusive, je cite Fatou Diome, écrivaine, poétesse et professeure d'université franco-sénégalaise ; Mbarek Ould Beyrouk, journaliste et écrivain mauritanien ; Danielle Éyango, juriste, poétesse et écrivaine camerounaise ; Imbolo Mbue, écrivaine américano-camerounaise.

Après la publication de son roman “Les Impatientes” qui présente les vécus de trois femmes condamnées à être patientes depuis leurs tendres enfances afin d'espérer les époux auxquels elles sont destinées, Djaïli Amadou Amal est reçue sur les plateaux de Tv5monde en janvier 2021. A cette occasion, l'autrice parle de son engagement contre les violences contre les femmes, y compris à travers son association “Femmes du Sahel” qui œuvre pour le développement de la femme dans le Nord-Cameroun.

 

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Les coupures d'Internet au Soudan permettent de contourner la réglementationhttps://fr.globalvoices.org/?p=289837http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240910_203657_Les_coupures_d_Internet_au_Soudan_permettent_de_contourner_la_reglementationTue, 10 Sep 2024 18:36:57 +0000La bataille pour le contrôle des infrastructures de télécommunications et de l'accès à Internet

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de Giovana Fleck, utilisée avec permission.

Cet article fait partie de Data Narratives, un projet de l’Observatoire des médias civiques qui vise à identifier et à comprendre le discours sur les données utilisées pour la gouvernance, le contrôle et la politique au Salvador, au Brésil, en Turquie, au Soudan et en Inde. Pour en savoir plus sur le projet, cliquez ici et consultez notre ensemble de données publiques pour l'analyse complète présentée dans le texte ci-dessous.

[Sauf indication contraire, tous les liens mènent vers des sites en anglais ou ar]

Le Soudan est situé stratégiquement au carrefour entre les pays arabophones et l’Afrique subsaharienne, reliant les pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique centrale à la mer Rouge. Cette situation géographique stratégique en a fait un pays d’intérêt pour les principaux acteurs régionaux et internationaux. Leur profonde implication dans les affaires soudanaises a conduit à un état d’instabilité, notamment à des incidents qui ont poussé les autorités à couper les communications pour les citoyens.

Le soulèvement de 2018 a marqué le début d’une tendance croissante aux coupures d’Internet, en particulier lors de troubles politiques, d’examens nationaux et de coups d’État militaires . Les autorités ont utilisé ces coupures pour restreindre plusieurs droits, notamment le droit à la liberté d’expression, l’accès à l’information et le droit de réunion libre.

Toutefois, lorsqu’il n’y a pas d’autre choix, les autorités contournent leurs propres mesures de coupure. Par exemple, les autorités soudanaises ont utilisé Starlink , un réseau Internet par satellite, lors de la coupure survenue en février 2024.

L'impact des Forces de soutien rapide sur les télécommunications et la société soudanaise

Les Forces de soutien rapide (RSF) sont un groupe paramilitaire créé par le président déchu du Soudan, Omar el-Béchir , en 2013, initialement pour combattre les groupes rebelles. En 2017, le parlement soudanais a adopté la loi RSF , légalisant leurs activités et les plaçant sous le commandement direct du président, plutôt que de l’armée officielle, les Forces armées soudanaises (SAF). En 2015, Human Rights Watch a qualifié les RSF d’« hommes sans pitié », reflétant leurs violations des droits humains.

En décembre 2023, RSF ont annoncé avoir pris le contrôle du centre de données de la société Sudatel, principal fournisseur d’accès Internet au Soudan. Par la suite, lors d’une coupure généralisée , des rapports ont émergé accusant RSF d’être responsable de la mise hors service des centres de données de divers fournisseurs d’accès Internet (FAI) à Khartoum. RSF n’a pas commenté ces accusations. Cependant, l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (TPRA), l’organisme de régulation des télécommunications du Soudan, a publiquement accusé RSF d’être responsable de la panne de télécommunications. Corroborant ces affirmations, l’ancien PDG de la société Zain Telecommunication a confirmé que RSF avait bel et bien coupé l’alimentation des centres de données.

Nos sources ont confirmé que les forces de @RSFSudan ont pris le contrôle des centres de données des FAI à Khartoum.

#Sudan.#KeepItOn pic.twitter.com/150qnemJPL

— Digital Rights Lab – Sudan (@DRLab_Sudan) 14 février 2024

Le contrôle des infrastructures de télécommunications pourrait donner plus de pouvoir aux RSF en leur ouvrant l'accès à des données critiques, en contrôlant le flux d’informations et en leur donnant la possibilité d’écouter le trafic de télécommunications, en plus de la possibilité de collecter des fonds auprès des opérateurs de services.

Le 8 février 2024, plusieurs organisations de la société civile, dont Hadhreen Initiative, la Sudanese American Physicians Association (SAPA) et la Strategic Initiative for Women in the Horn of Africa (SIHA Network), ont publié une déclaration commune condamnant les RSF et les tenant pour responsables de la panne d’électricité. Hadhreen et SAPA sont les bras médicaux de la révolution soudanaise, soutenant les besoins de santé et la vie quotidienne des blessés. Ces organisations ont continué à travailler sans interruption, même après le renversement de l’ancien régime, en conservant leurs mandats initiaux, ce qui souligne leur professionnalisme et leur neutralité.

Selon certaines informations, RSF a coupé les télécommunications en signe de protestation contre l’incapacité du fournisseur d’accès à Internet à résoudre les problèmes de communication au Darfour, qui persistent depuis plusieurs mois, depuis février 2024. Plusieurs rapports accusent les Forces armées soudanaises (SAF) d’avoir provoqué des coupures de télécommunications dans la région du Darfour, dans l’ouest du Soudan. À la suite de l’enquête, Hadhreen indiqué que les dirigeants des SAF ont directement ordonné la coupure des services de communication dans de vastes zones du Darfour et du Kordofan depuis le début de la guerre.

La coalition Keep It On a publié une déclaration condamnant la coupure des télécommunications, soulignant la violation des droits humains et les implications possibles de cette action. De plus, Clémentine Nkweta-Salami , la coordonnatrice résidente et humanitaire des Nations Unies pour le Soudan, a déclaré que la coupure des télécommunications entrave les efforts de réponse humanitaire essentiels et restreint l'accès aux informations vitales.

Perspective juridico-historique

Par le passé, les coupures d’Internet étaient justifiées par plusieurs lois, notamment la loi de 2018 sur la réglementation des télécommunications et des postes (TPRA) et la loi de 1997 sur les situations d’urgence et la sécurité publique . Il est important de noter que le Soudan a ratifié des instruments internationaux clés relatifs aux droits humains , notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ( PIDCP ), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels  [fr] PIDESC ) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples [fr] (CADHP). Ces accords garantissent le droit de recevoir, de communiquer et de diffuser des informations. En outre, la charte constitutionnelle du Soudan de 2019 garantit l’accès à Internet.

Avant les coupures d’Internet de 2024, les autorités soudanaises avaient invoqué de tels actes juridiques et lois pour justifier la coupure des télécommunications. La TPRA a utilisé son pouvoir sur les fournisseurs de services et les opérateurs, les obligeant à se conformer à ces ordres. Cependant, chaque incident de coupure d’Internet remet en cause l’accord contractuel entre les fournisseurs de services et leurs clients, comme l’a souligné une décision de justice lors de la coupure d’Internet suite au coup d’État militaire d’octobre 2021.

Pour en savoir plus : Au Soudan, la Cour libère l'Internet [fr]

Fin 2023, la TPRA a interdit l’importation d’appareils Internet par satellite sans son autorisation explicite. Cette décision fait suite à des informations selon lesquelles Starlink était utilisé dans les zones touchées par les coupures de télécommunications dans la région du Darfour.

Malgré les restrictions imposées aux communications par satellite au Darfour, leur coupure par les FSR a incité le gouvernement soudanais à adopter des mesures extraordinaires. Dans certaines zones contrôlées par les FAS, le gouvernement a commencé à fournir gratuitement Internet aux citoyens de la région d’Omdurman via Starlink. C’est la première fois que les autorités soudanaises fournissent aux citoyens des services de communication qui ne sont pas sous leur contrôle.

Starlink, comme tout fournisseur de services par satellite, offre une couverture qui limite le contrôle des gouvernements et des régulateurs. Sa connectivité sans fil remet en cause le contrôle physique des gouvernements. Cette fonctionnalité met en évidence le potentiel de Starlink en tant qu'outil efficace pour faire face aux coupures d'Internet à l'avenir, présentant une alternative prometteuse pour maintenir la connectivité lors d'événements où le flux d'informations est restreint.

Plaidoyer pour l'action de RSF

Les partisans de RSF défendent le contrôle des centres de données du fournisseur d’accès à Internet à Khartoum. Ils soutiennent que ces mesures sont justifiées par les injustices commises par les forces armées soudanaises, en particulier les coupures d’Internet dans la région du Darfour, qui est en grande partie sous le contrôle de RSF. Ils affirment également qu’en contrôlant Internet, ils mettent en lumière les souffrances des habitants de la région. L’accès à Internet via Starlink coûte entre 2 000 et 3 000 SDG, soit environ 2,5 dollars de l’heure, ce qui est très cher par rapport au niveau de revenu des Soudanais.

En outre, il a été signalé  que RSF proposait le service Starlink à titre commercial et imposait une sorte de taxe dans certaines régions, notamment en Algenina.

Blanchiment de réputation des SAF

L’initiative des forces armées soudanaises de fournir un service Internet gratuit via Starlink dans la région d’Oumdurman est considérée comme une tentative d’améliorer son image publique, qui a été ternie pendant la période de transition qui a précédé la guerre. Au cours de cette période, les forces armées soudanaises ont été responsables de plusieurs coupures liées à des violations des droits humains et à la répression de manifestants pacifiques. Cependant, en fournissant Internet pendant la guerre, les forces armées soudanaises cherchent à gagner la faveur des citoyens, se démarquant ainsi des RSF, qui ont coupé les services et commis des actes de violence et de terribles violations des droits de l’homme dans les zones qu’elles contrôlent.

Cette action de sensibilisation vise également à signaler à la communauté internationale que les forces armées soudanaises représentent les intérêts légitimes de l’État soudanais et qu’elles constituent la force militaire officielle du pays, bénéficiant d’un large soutien populaire. Une publication sur Facebook a salué la solution des forces armées soudanaises et a fait valoir que cette action montrait à quel point elles étaient garantes du « bien-être » des Soudanais.

Malgré les batailles narratives en ligne entre le SAF et RSF, où chaque partie défend ses actions et accuse l'autre, des voix au sein de la communauté, comme l'ancien ministre des Télécommunications et de la Transformation numérique, ont critiqué  l'approche du RSF consistant à fermer le service de télécommunications, qui est exactement la tactique utilisée pendant les manifestations, mais maintenant exécutée par l'autorité de facto.

Impact potentiel des coupures en cours et à venir au Soudan

Les discours autour des coupures d’Internet visent à déformer la perception du public, en utilisant souvent la manipulation émotionnelle pour justifier de telles actions, influençant potentiellement l’avenir de la gouvernance d’Internet.

De même, les discours défendant les actions des RSF peuvent accroître le sentiment de haine et de colère contre les composantes sociales de ces forces, ce qui complique les efforts de rétablissement de la paix. À l’avenir, l’Internet au Soudan pourrait passer par un vaste processus de réhabilitation, notamment en termes de réglementation et d’aspects juridiques. L’émergence de services échappant au contrôle gouvernemental tels que Starlink représente une nouvelle ère avec laquelle les régimes autoritaires doivent compter. De plus, les actions des RSF ont incité les FAI à créer de nouveaux centres de données dans d’autres villes, ce qui pourrait conduire à de nouvelles politiques prônant une infrastructure décentralisée pour améliorer les objectifs de reprise après sinistre.

Ces mesures sont importantes pour maintenir les échanges commerciaux et la circulation de l’information dans la région, d’autant plus que le Soudan fournit à ses voisins enclavés comme l’Éthiopie, le Soudan du Sud et le Tchad une connectivité grâce à son câble sous-marin sur la mer Rouge. Dans le contexte d’après-guerre, les investisseurs pourraient exiger des changements pour garantir la protection de leurs intérêts, en exhortant éventuellement les autorités à modifier les lois et réglementations qui facilitent actuellement les fermetures de services. Ce paysage en évolution souligne la nécessité d’un cadre juridique solide qui équilibre les préoccupations de sécurité avec les impératifs d’un Internet ouvert et accessible.

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Quand le travail décent pour les personnes handicapées deviendra-t-il une réalité en Thaïlande ?https://fr.globalvoices.org/?p=289588http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240910_201838_Quand_le_travail_decent_pour_les_personnes_handicapees_deviendra-t-il_une_realite_en_Thailande__Tue, 10 Sep 2024 18:18:38 +0000Les conséquences de la pandémie et de l'automatisation sur l'emploi

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

PWD Forum

Intervenants du panel du 25 mai. De droite à gauche : Ronnapat Wongpa, Chompoonuch Bussarakham, Anurak Pathomlikitkarn et le présentateur Auttapon Srichitsanuwaranon. Photo et légende de Prachatai, contributeur au contenu de Global Voices.

Cet article de Chutikan Chaikittiwatana a été publié sur Prachatai, le site des nouvelles thaïlandaises indépendantes. Une version éditée est publiée sur Global Voices issue d'un accord afin de partager le contenu.

La loi pour l'autonomie des personnes à mobilité réduite contenant les articles relatifs à l'employabilité de ces personnes est en vigueur en Thaïlande depuis 2007. Cependant, les personnes à mobilité réduite doivent faire face à des obstacles à chaque étape du processus de sélection; allant du fait de trouver un travail jusqu'à obtenir des entretiens et de conditions de travail justes.

Le 25 mai 2024, le Phutthamonthon Independent Living Centre for People with Disabilities, Thisable.com, Boon Rawd Brewery, Prachatai et Die Kommune ont organisé un séminaire sur les conditions de travail des personnes handicapées, la discrimination au travail et les barrières qui existent malgré la loi.

Trouver du travail pour une personne en situation de handicap

Les conférenciers se sont accordés sur le fait que l'obstacle majeur dans le monde du travail pour les personnes en situation de handicap est la mentalité générale de al société qui ne reconnaît pas leurs droits et juge de façon injuste leurs capacités. Ils se sont également mis d'accord sur le fait que les personnes en situation de handicap désirent gagner de l'argent pour ainsi réduire la charge portée par leurs familles.

Comme l'explique Ronnapat Wongpa, qui a un handicap moteur, les personnes en situation d'handicap « .. nous sommes également des êtres humains et souhaitant vivre comme les autres. Le plus important c'est que nous souhaitons réduire la charge portée par nos familles au lieu d'attendre que nos parents économisent de l'argent pour nous entretenir. S'ils meurent, comment survivrons-nous ? C'est pour cela que nous sentons la nécessité de travailler. »

Les autres conférenciers partagent le même sentiment, et ils se sentent tous en capacité de travailler. Ils souhaitent contribuer à la société en ayant accès à des études supérieures ou en obtenant des certificats de formations professionnelles. « Peu importe le type de travail, il renvoie de la valeur à la société ». l'a dit Chompoonuch Bussarakham, un autre conférencier avec un handicap moteur.

Cependant, les personnes en situation de handicap doivent affronter de nombreux obstacles lorsqu'ils cherchent un travail digne de ce nom, très enracinés dans ce que Chompoonuch appelle les fausses idées sur leurs capacités, qui souvent conduisent les personnes à juger injustement leur capacité professionnelle.

Anurak Pathomlikitkarn, qui a un handicap visuel a révélé qu'on lui a souvent déconseillé de suivre des études supérieures, mais plutôt à devenir masseur ou vendeur de numéros de loteries. Après avoir étudié à l'université de Thammasat et avoir obtenu son diplôme, il a fait face au rejet des lieux dans lesquels il postulait pour trouver un emploi. Un des employeurs allant même jusqu'à lui dire que, bien qu'ils cherchaient une personne avec un handicap visuel, ils souhaitaient « quelqu'un qui pourrait voir davantage ».

Après avoir obtenu son diplôme, Chompoonuch a été rejeté par pas moins de 80 emplois. La majeure partie des employeurs se sont excusés en disant que leurs entreprises n'ont pas d'accès pour les fauteuils roulants. Chompoonuch a rapporté que certains ont dit qu'ils “ne savaient pas comment s'occuper de moi en tant que personne en situation de handicap”.

Les obstacles persistent malgré la loi

L'article 33 de la loi pour l'autonomie des personnes en situation de handicap qui date de 2007, et modifiée en 2013, exige que les entités publiques et privées embauchent une personne avec un handicap sur 100 employés qui ne sont pas en situation de handicap. En conséquence, cela suppose qu'ils doivent embaucher une personne avec une situation de  handicap en plus  pour toutes les 50 personnes à charge qui ne sont pas en situation de handicap.

Les entités privées qui ne respectent pas ce quota, ou qui décident de ne pas le respecter ont deux options : contribuer financièrement au Fonds d'autonomie des personnes en situation de handicap en vertu de l'article 34, ou embaucher des personnes en situation de handicap comme sous-traitants ou par le biais de services d'emploi spécialisés pour les contrats annuels rémunérés avec le salaire minimum, selon l'article 35 (cette dernière option s'applique pour les entités publiques).

Auttapon Srichitsanuwaranon, activiste pour les droits des personnes en situation de handicap, qui a présidé ce séminaire, a déclaré dans une interview avec Prachatai qu'une loi promulguée il y a quasiment 20 ans déjà ne peut répondre de façon adéquate aux défis auxquels les personnes en situation de handicap font face.

La récession économique qui a résulté de la pandémie de Covid-19 et d'autres conditions politiques, assemblée à l'automatisation en croissance qui remplace le travail humain, ont donné lieu à la diminution des opportunités professionnelles pour les employés en situation de handicap. Auttapon a dit que cela s'est reflétée sur les opportunités professionnelles disponibles pour les personnes en situation de handicap en vertu du taux d'emploi légal.

Auttapon a dit que les personnes embauchées en vertu de l'article 35 retrouvent souvent en situation désavantageuse, déjà on ne les considère pas comme des employés ordinaires avec tous les bénéfices que cela implique. Par exemple, il n y a aucune garantie que leurs contrats annuels soient renouvelés. De plus, ils n'obtiennent peut-être jamais d'augmentation. Anurak a également remarqué qu'il n’ y a pas de régulations dans cette loi qui assurent une rémunération juste basée sur l'expérience professionnelle de l'emploi, et il a exprimé sa frustration avec la rémunération qui a été la même pendant sept ans.

Les personnes en situation de handicap peuvent être sujettes à un contrat injuste pour de nombreuses circonstances. Ronnapat a révélé des cas où certains de ses collègues handicapés n'étaient payés que pour les jours où ils travaillaient, ce qui entraînait des réductions de salaire pour les week-ends et autres absences. Comme résultat, ils ont reçu un salaire inférieur en comparaison aux travailleurs “sains” en vertu de l'article 35, qui garantit un salaire minimum pendant 365 jours. Apparemment, ces situations se sont produites pour de nombreuses raisons. De nombreuses fois, les travailleurs ne comprenaient pas les termes du contrat, et d'autres fois les opportunités limitées les obligeaient à accepter des conditions injustes.

Après avoir observé que les défis et les inégalités auxquels faisaient face les personnes en situation de handicap proviennent en grande partie, de comment l'état et la société  les perçoivent en général, Auttapon a proposé que les parties responsables réfléchissent à la situation professionnelle actuelle des personnes en situation de handicap et évaluent l'efficacité et la viabilité des lois en vigueur.

 Des espoirs pour des opportunités équitables et justes

Auttapon a souligné que l'emploi ne bénéficie pas seulement aux personnes en situation de handicap mais à toute la société :

When people with disabilities have jobs, they earn income. With that income, they spend, consume, and buy goods, all of which contribute to the value-added tax (VAT) system. This means they can actively participate in the economy and contribute to society.

Quand les personnes en situation de handicap travaillent elles génèrent des revenus. Avec ces revenus elles dépensent, consomment et achètent des biens, ce qui contribue au système d'imposition sur la valeur ajoutée. Cela signifie qu'ils peuvent participer activement à l'économie et, par conséquent contribuer à la société.

Pour Auttapon les barrières auxquelles font face les personnes en situation de handicap proviennent d'attitudes sociales :

It all comes back to the question of how society views people with disabilities. Does society perceive them as people with dreams and aspirations, or solely as vulnerable and marginalised with scarce opportunities all the time? They will continue to lack opportunities because they have never been given fair opportunities in the first place.

Tout nous ramène à la question de comment on voit la société des personnes en situation de handicap. On les perçoit comme des personnes avec des rêves ou aspirations, ou seulement comme des personnes vulnérables et marginalisées avec de rares opportunités? Ils continueront ainsi sans opportunités parce que depuis le début on ne leur fournit jamais d'opportunités adéquates et justes.

Pendant le débat, Chompoonuch souligne également l'importance de reconnaître les droits et potentielles contributions des personnes en situation de handicap : « Certaines personnes se demandent, pourquoi devons nous payer des impôts pour maintenir ces personnes ? Et la raison est que la société n'a pas donné aux personnes en situation d handicap des opportunités, ce qui fait que nous continuons de suivre un groupe qui peut-être ne pourrait pas prendre soin de lui même complètement. »

Il a également ajouté que, personnellement, il n'a pas eu de grandes difficultés dans son lieu de travail avec les entités qui l'ont embauché de façon juste, bien que ses collègues soient prêts à communiquer pour comprendre ses conditions. Cependant, il a fait face à des difficultés dans le processus précédent à l'embauche des personnes qui jugeaient à tort leurs capacités avant de leur offrir des opportunités.

I may not be able to walk, but I can use a wheelchair to reach my destination. If I say I can do it, I truly can, but people tend to assume otherwise. People with disabilities have faced numerous challenges in their lives. Our hearts and minds are determined to overcome obstacles and find solutions for things to work out. This is something I hope people will understand.

Je ne peux peut-être pas marcher, mais je peux utiliser mon fauteuil roulant pour aller où il faut. Si je dis que je peux le faire c'est parce-que je le peux, mais les personnes tendent à croire que non. Les personnes avec des situations de handicap ont fait face à de nombreuses difficultés dans leurs vies. Nos cœurs et nos esprits sont décidés à dépasser les obstacles et rencontrer des solutions pour que les choses se passent bien. J'espère que la population pourra entendre ceci.

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L'Azerbaïdjan se débarrasse de ses détracteurs en prélude à la COP29https://fr.globalvoices.org/?p=289881http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240910_193710_L_Azerbaidjan_se_debarrasse_de_ses_detracteurs_en_prelude_a_la_COP29Tue, 10 Sep 2024 17:37:10 +0000De jeunes universitaires et chercheurs ont été arrêtés lors de la dernière vague de répression.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image de Arzu Geybullayeva

Le gouvernement Azerbaïdjanais se prépare à accueillir la COP29, la plus grande conférence internationale annuelle sur l’environnement qui se tiendra à Baku du 11 au 22 novembre. Cependant, leur préparation ne consiste pas à élaborer les plans pour soutenir une économie verte ou de limiter le réchauffement climatique a moins de 1.5 degré Celsius, comme le prévoit  l'accord de Paris 2015 . le président Ibrahim Aliyev a clairement precisé que le pays n’avait pas de tel projet, et qu’ils continueront d'investir et de produire des combustibles fossiles. Plutôt que cela, avant la COP29, les autorités azerbaïdjanaises ont attaqué les dernières voix indépendantes qui critiquaient le régime, en arrêtant des dizaines d’activistes, de politiciens et d’universitaires sur la  base d'accusations fallacieuses. Le président Aliyev a souligné que les persécutions à l’encontre de la société civile étaient légitimes en Azerbaïdjan, l’un des pays les moins respectueux des droits et libertés des citoyens.

La vague de persécution la plus récente comprend l'arrestation d'un jeune universitaire, Bahruz Samadov, qui préparait un doctorat à l'université Charles en République Tchèque. Samadov a été arrêté le 21 août à Bakou et emmené au service de sécurité de l'État. Deux jours plus tard, un tribunal de Bakou l'a condamné  à quatre mois de détention provisoire pour trahison. Il est accusé d'avoir conspiré contre l'État en communiquant avec des ressortissants arméniens sur WhatsApp. Ce qui d'après Samadov est complètement faux.

Ces dernières années,  Samadov a  nié une série d’articles d'opinions sur l'Azerbaijan pour divers médias internationaux et  régionaux. Il a également fait partie de la communauté des militants pacifistes qui se sont fermement opposés à la deuxième guerre du Karabakh en 2020, pour laquelle Samadov et d'autres militants ont été pris pour cible.

Dans un entretien avec Global Voices, un ami de Samadov, qui a préféré garder l'anonymat pour des raisons de sécurité, a déclaré que ce sont ses écrits qui ont conduit à son arrestation..

 He was harshly criticizing the undemocratic regime in Azerbaijan in his articles. He was one of the few public voices who stood up against violations of human rights and the rights of Armenians in Karabakh. Bahruz has been threatened a couple of times because of his articles and social media activities. He was the target of the state because of his opinions.

Dans ses articles, il critiquait sévèrement le régime non démocratique de l'Azerbaïdjan. Il était l'une des rares voix publiques à s'élever contre  les violations des droits de l'homme et des droits des Arméniens du Karabakh. Bahruz a été menacé à plusieurs reprises en raison de ses articles et de ses activités sur les médias sociaux. Il a été la cible de l'État en raison de ses opinions.

Outre Samadov, la police a arrêté et condamné un autre jeune chercheur, Ilgar Abilov, qui étudie les minorités ethniques et vit en Biélorussie, à quatre mois de détention provisoire en juillet 2024. Abilov est accusé de trahison, d'avoir lancé des appels contre l'État sur ordre d'acteurs étrangers et d'incitation à la haine et à l'hostilité nationale, raciale, sociale ou religieuse.

Peu après l’arrestation de Bahruz Samadov, un autre militant pacifiste Samad Shikhi a été arrêté  à l’aéroport et empêché de quitter le pays. Il a ensuite été interrogé en tant que témoin dans le cadre d’une enquête ouverte contre Samadov. La dernière détention à l’aéroport concerne également   Cavid Agha, un chercheur indépendant qui quittait le pays pour poursuivre ses études.

En Fin août, l'Azerbaïdjan a procédé à une nouvelle purge de jeunes chercheurs et de voix sur les médias sociaux dont la préoccupation première était la paix. Il ne s'agit pas de praticiens de projets, de programmes ou d'organisations, mais d'étudiants étant des travailleurs indépendants avec des esprits critiques.                                                                                                                                    — Laurence Broers (@LaurenceBroers) 29 août 2024

Un groupe d'universitaires travaillant dans le Caucase et en Azerbaïdjan a publié une déclaration condamnant la répression : « L'arrestation et la détention arbitraire de membres de la communauté universitaire sont incompatibles avec les engagements internationaux de l'Azerbaïdjan et entachent durablement la réputation du pays ».

L’été dernier, un autre doctorant, Fazil Gasimov, étudiant à l’université d’Istanbul, a été expulsé de Turquie vers l’Azerbaïdjan, où il a été accusé d'avoir produit de la fausse monnaie et condamné à la détention provisoire. Gasimov a été arrêté dans le cadre d’une autre enquête lancée contre  Gubad Ibadoglu homme politique vétéran, universitaire et expert en corruption. Le 30 août, lors d’une audience Gasimov a décrit en détail comment il a été maltraité et torturé en détention et contraint de témoigner contre Ibadoglu. Il a également déclaré que malgré sa grève de la faim contre son arrestation illégale et injuste, depuis le 11 juin, il continuait à être traité de manière inhumaine. « Je suis en grève de la faim depuis le 11 juin. En conséquence, j’ai de graves problèmes de santé. Je ne peux pas me déplacer correctement. Et pourtant, je suis détenu pendant des heures, les mains menottées dans le dos, dans une petite cellule sombre. C’est de la terreur émotionnelle et de la répression politique », a déclaré Gasimov.

À la grande inquiétude du public, l’État a intensifié sa répression au cours de l’année écoulée et arrêté des dizaines de journalistesd'hommes politiques et d'activistes. Et la liste des détenus semble s’allonger.

En avril, la police  a arrêté engAnar Mammadli, militant politique, ancien prisonnier politique et directeur d’une ONG locale pro-démocratique, l’Election Monitoring and Democracy Studies Centre (EMDC). La police a également arrêté Imran Aliyev, militant pro-démocratie et fondateur de meclis.info, un site web qui documente les déclarations des législateurs azerbaïdjanais.  Tous deux ont été arrêtés sous de fausses accusations de contrebande et condamnés à une détention provisoire qui a été prolongée à plusieurs reprises.

En août 2024, des accusations supplémentaires ont été portées  contre l’équipe d’Abzas Media, un partenaire de contenu de Global Voices. Les journalistes détenus risquent des peines de douze ans d’emprisonnement

« Il ne s’agit pas d’un nouveau silence de routine. Il s’agit d’un assaut calculé contre tous ceux qui osent s’opposer à l’emprise autoritaire du régime », peut-on lire dans un  essai du Feminist Peace Collective.

Le gouvernement  a déjà eu recours[eng] à des mesures de répression à grande échelle et arrête régulièrement ceux qui le critiquent. C’est l’un des facteurs qui a permis au président sortant de remporter récemment une élection présidentielle anticipée. Ainsi, l’effacement récent de la dissidence civile à l’approche de la COP29 est une tentative de polir sa position sur la scène internationale, mais aussi une mission visant à éradiquer les critiques  à l’approche des élections législatives anticipées prévues pour le 1er septembre.

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Les mots ont la parole: Épisode #15https://fr.globalvoices.org/?p=290225http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240910_132531_Les_mots_ont_la_parole__Episode__15Tue, 10 Sep 2024 11:25:31 +0000En Ukrainien, le mot ‘shanson’ fait aussi référence à une musique issue du monde criminel

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Image of ‘Radio Shanson’ in Ukrainian, screenshot from Shanson FM YouTube channel.

Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens. 

Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.

Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:

Nionsologie: en lingala “nionso” signifie “tout” et a donné ce terme de “nionsologie” en français parlé en RDC. Il fait référence à de faux experts qui sont surtout présents sur les réseaux sociaux et donnent leur avis sur toutes les questions, prétendant être qualifies pour le faire.

Cet article de Global Voices décrit en détail ce concept du pseudo savoir universel:

Ces « nionsologues », parfois aussi appelés « toutologues », se basent souvent sur du sensationnel et des suppositions pour paraître plus compétents ou mieux informés que les autres.

 

Шансон: ce mot ukrainien, prononcé ‘chanson’ tire son origine du mot français chanson, mais prend certaines nuances particulières dans le cadre de la culture ukrainienne. Il fait bien référence à des œuvres artistiques combinant musique et parole, mais s’applique surtout à deux types de chansons: celles issues de la culture pop, que l'on va chanter en karaoke, et celles très spécifiques issues du monde criminel qui, à l’époque soviétique a développé son propre code artistique à travers tatouages, chansons, argot et autres pratiques d’expression uniques à ce milieu. 

Voice une compilation de chansons dans le style pop ukrainien:

 

Autodafé: Le terme « autodafé » vient du portugais, ou de l’espagnol. L'expression « auto de fé », est d’origine latine: « actus fidei », et signifie « acte de foi ». A l’origine, il s’agit d’une cérémonie de pénitence publique organisée par les tribunaux de l‘Inquisition catholique lancée en 1478, après la reconquête de la péninsule ibérique à la suite de plusieurs siècles sous gouvernance musulmane. L’Inquisition se donne pour mission de « purifier » cette région en ciblant en particulier musulmans et juifs  soupçonnés de ne pas s’être entièrement convertis à la religion catholique. 

Au fil du temps, le mot est devenu synonyme d'une exécution publique par le feu de personnes condamnées comme hérétiques. 

Selon le Larousse, le terme peut aussi faire référence à la « destruction par le feu d'un objet (en particulier des livres) qu’on condamne dans un but similaire de  « purification » des idées. En 2022,, Amnesty International parle d’un autodafé moderne quand un pasteur évangelique aux Etats-Unis brûle publiquement des livres qu’il considerait comme démoniaques (en l’occurrence, Harry Potter et Twillight). 

Cet article de Global Voices illustre justement l’utilisation du mot autodafé:

La scène d’autodafé de mon roman est imaginaire. La vente libre de Mein Kampf, le fait qu’il soit un best-seller en Inde, surtout parmi les jeunes, m’ont révoltée. Depuis la montée au pouvoir national de Modi alias son parti suprémaciste hindouiste BJP, depuis les déclarations massives et éhontées pro-Hitler, islamophobes de ses électeurs, j’ai voulu en parler dans mon roman.

Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org 

 

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De la révolution à l'exil : le parcours de la militante iranienne Nasrin Bassirihttps://fr.globalvoices.org/?p=289947http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240906_210752_De_la_revolution_a_l_exil___le_parcours_de_la_militante_iranienne_Nasrin_BassiriFri, 06 Sep 2024 19:07:52 +0000Une histoire d'activisme et de résilience, de l'agitation iranienne au refuge berlinois

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Nasrin Bassiri. Photo de Yana Kaziulia (utilisée avec permission).

Cette histoire fait partie d'une série intitulée « Portraits d'exil » observant l'expérience des femmes iraniennes de la diaspora dans leur quête de liberté et de résilience. Cette histoire vient commémorer la disparition tragique de Mahsa Jina Amini, une femme kurde tuée à l'âge de 22 ans par la police des mœurs pour n'avoir pas couvert entièrement ses cheveux. Cet incident a déclenché de vastes manifestations qui se poursuivent encore aujourd'hui en Iran malgré l'escalade de l'oppression gouvernementale.

Lorsque la dynastie des Pahlavi s'est effondrée en Iran en 1979, Nasrin Bassiri, , alors âgée de 33 ans, faisait partie des Iraniens de l'étranger qui se sont rapidement rendus dans leur pays.

Militante politique de gauche, elle s'est empressée de rentrer au pays, aspirant à vivre librement maintenant que le règne du Shah's avait pris fin.

Elle aurait précédé le premier dirigeant de la révolution islamique Ruhollah Khomeini, « si elle avait pu trouver des billets ». Au lieu de cela, elle est arrivée deux jours plus tard, se souvient-elle.

Son retour ne s'est pas déroulé comme elle le souhaitait et l’envisageait . Le départ de Khomeini de Paris pour Téhéran en février de cette année-là, entraine la prise du pouvoir par le clergé et les opportunités se rétrécissent pour les récalcitrants à son autorité.

Nasrin est titulaire d'un doctorat en sciences politiques de l'université de Graz, en Autriche. Elle a vécu à Berlin, en Allemagne avant la révolution iranienne , où elle a enseigné à la Berlin School of Economics.

« Je pensais qu'il était impossible que des extrémistes religieux arrivent au pouvoir”. J’estimais que l'Iran comptait de nombreuses femmes actives et instruites, et que la probabilité de prise de contrôle du pays par les extrémistes était faible », se souvient- elle. “J'avais sous-estimé la structure religieuse et le pouvoir des mosquées, qui leur servaient de base. J'avais sous-estimé leur potentiel de violence », ajoute Bassiri alors qu'elle me raconte sa vie dans son appartement de Berlin, dont la porte s'ouvre sur un jardin entouré de peupliers et de buissons de fleurs.

La nature violente du nouveau régime s'est manifestée par les exécutions massives de plusieurs milliers d'opposants politiques, principalement des gauchistes, dans les prisons au cours des années 1980. Cette violence s'est étendue au-delà des frontières de l'Iran, ciblant les dissidents à l'étranger. Parmi eux, quatre militants politiques kurdes abattus en 1992 au restaurant Mykonos de Wilmersdorf, à Berlin, dont l'un était un ami de Nasrin.

Échapper à l'Iran, revenir à l'activisme à Berlin

Quatre ans et neuf mois après son arrivée en Iran, au cours desquels elle a enseigné à l'université de Téhéran, , cofondé l'Union nationale des femmes, et vécu dans la clandestinité pendant deux ans , Bassiri a été contrainte de fuir le pays.

Alors que l'université de Téhéran traversait ses jours les plus sombres avec la fermeture de l'établissement dans le cadre de la “« révolution culturelle », du nouveau régime” elle s'enfuit en Turquie. Un guide local – souvent qualifié à tort de « passeur » – l’a aidé à franchir la frontière à pied.

Bassiri est arrivée à Berlin en tant que demandeuse d'asile en décembre 1983, et sa vie en exil a commencé. Elle se souvient s'être sentie mal à l'aise à la vue du bus attendant de transférer des passagers à l'aéroport de la ville, car cela symbolisait la réalité de son retour. Ayant risqué sa vie pour fuir l'Iran, elle se sentait malheureuse maintenant d'être de retour en Allemagne. Malgré les contraintes financières, elle a repris son activisme politique, désormais dirigé contre les ayatollahs au pouvoir à Téhéran.

Vivant à Berlin-Ouest, la capitale de l'Allemagne de l'Ouest à l'époque, Bassiri a fait partie d'une communauté qui a servi de refuge à de nombreux dissidents politiques iraniens dans les années 1980. Ces personnes sont d'abord entrées à Berlin-Est avant de gagner Berlin-Ouest plus sécuritaire. Mettant à profit sa maîtrise de l'allemand, Bassiri a assisté de grandes vagues de réfugiés iraniens dans leurs démarches quotidiennes.

Elle est devenue membre du Conseil berlinois pour les réfugiés, le seul Conseil allemand pour les réfugiés à l'époque, et a joué un rôle clé dans la création du Centre pour les réfugiés politiques iraniens, encore opérationnel dans le quartier de Neukölln à Berlin. De 1984 à la fin de 2023, 215 451 iraniens ont cherché refuge en Allemagne, selon le Centre d'études et de recherches sur l'immigration.

Bassiri a également contribué à la formation de divers groupes iraniens actifs, , notamment des groupes de femmes et de médias, dans la conception et la gestion du programme persan sur Radio Multikulti de RBB (Rundfunk Berlin-Brandenburg) à l'intention des Iraniens vivant à Berlin. Elle a également collaboré avec d'autres médias, animé un blog et publié un livre à succès apportant des éclaircissements sur la situation en Iran.

Après plusieurs décennies de contributions à l'institutionnalisation de la société civile iranienne en exil à Berlin et après avoir aussi bien suscité de l'admiration qu'essuyé des critiques, Bassiri s'est retirée de son rôle professionnel de responsable de l'égalité de l'école d'art Weissensee en 2019. Cependant, elle est restée active en tant que journaliste, contribuant aux médias allemands. Ces dernières années, elle a aussi été membre du magazine en ligne Iran Journal, qui fournit des informations en allemand sur les événements en Iran.

Retrouver « la mère patrie » parmi les Iraniens ‘

« D'un point de vue pratique, j’habite Berlin », me dit Bassiri. « « J’accomplis ma vie ici entre mes tâches administratives et mon appartement. Mais d'un point de vue émotionnel, Berlin n'est pas ma maison. Cela n'a jamais été le cas. Je passe la plupart de mon temps avec des Iraniens. Je préfère certains aspects de la culture et de la communauté iraniennes », explique-t-elle.

Pour Bassiri , le Zan, Zendegi, Azadi le mouvement révolutionnaire (« Femme, Vie, Liberté ») en Iran, qui perdure encore aujourd'hui grâce à la résistance quotidienne des femmes iraniennes à l'intérieur du pays, est différent des mouvements précédents dont elle a été témoin. « Même les hommes les plus ordinaires d'Iran l'ont remarqué et se sont rangés derrière les femmes », explique-t-elle. « Les femmes pensent qu'elles ne doivent plus laisser la discrimination à leur encontre les définir. Lorsque des jeunes filles manifestaient au prix leur vie pour la liberté, même le concept de bravoure, longtemps considéré comme viril, ne l'était plus », ajoute-t-elle.

« Le canon d'un fusil peut souvent octroyer du pouvoir. Quant aux femmes iraniennes , leur force vient de leur passion pour la liberté, qui brûle leurs foulards, en dansant ou en chantant dans les rues citadines de leur pays, et rien ne pourra l'arrêter », affirme Nasrin Bassiri. Cette femme de 79 ans ne se définit pas comme une personne optimiste, mais elle estime que le soulèvement de 2022 est irréversible.

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Myanmar : une artiste hip-hop se remémore l’exécution de son marihttps://fr.globalvoices.org/?p=289480http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240906_205517_Myanmar___une_artiste_hip-hop_se_rememore_l___execution_de_son_mariFri, 06 Sep 2024 18:55:17 +0000« Nous n’avons pas dit au revoir… nous n’avons rien dit de personnel »

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Ma Thazin Nyunt Aung et Zeya Thaw (derrière) lors d’une manifestation anti-coup d'État en février 2021. / Photo et légende de The Irrawaddy, partenaire de contenu de Global Voices

Cet article de Nyein Nyein a été initialement publié sur The Irrawaddy, un site d’information indépendant au Myanmar. Cette version modifiée est republiée sur Global Voices dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

Juillet 2024 a marqué le deuxième anniversaire de l’exécution de l’artiste hip-hop, défenseur de la justice sociale et législateur Ko Phyo Zeya Thaw au Myanmar. Sa mort, ainsi que celle de trois autres personnes par pendaison à la prison d’Insein, a marqué la fin d'un moratoire de plus de 40 ans sur les exécutions au Myanmar. La junte, qui a pris le pouvoir en février 2021, a invoqué des violations de lois antiterroristes pour justifier leur assassinat.

C'était impitoyable et rapide. Ko Phyo Zeya Thaw a été arrêté le 18 novembre 2021, condamné à mort par un tribunal militaire deux mois plus tard et exécuté le 23 juillet avec Ko Jimmy, le leader étudiant de la Génération 88 — un mouvement étudiant pro-démocratie birman en vue — et deux autres défenseurs de la démocratie : Ko Hla Myo Aung et Ko Aung Thu Zaw.

Au Myanmar, les gens connaissaient les exécutions pour ce qu’elles étaient, des représailles et un avertissement pour d’autres dissidents et activistes. La junte a également profané les hommes en ne rendant pas leurs corps ou leurs cendres à leurs familles.

Avant l’exécution, l'épouse de Ko Phyo Zeya Thaw, l’artiste hip-hop Ma Thazin Nyunt Aung, a supplié la communauté internationale de ne pas rester les bras croisés et laisser le régime tuer son mari. Elle était en fuite. Après l'arrestation de Ko Phyo Zeya Thaw par la junte, ils ont commencé à la rechercher. L’exécution de son mari a renforcé sa détermination à combattre le régime, qui a illégalement pris le pouvoir lors d’un coup d’État en 2021.

Ma Thazin Nyunt Aung anime désormais des programmes de divertissement en ligne comme « Send Your Letter » et « By-The-Way » avec l’acteur birman Aung Myint Myat. Les revenus récoltés soutiennent les résistants. L’année dernière, elle a cédé les droits de sa chanson « Longing for Days of Yangon » à une campagne ciblant le régime.

Dans une interview accordée à The Irrawaddy, à l'approche du deuxième anniversaire de l’exécution de son mari, Ma Thazin Nyunt Aung se remémore le temps qu'ils ont passé ensemble, ce que signifie son absence et l’interaction entre la politique et l’art au cours d’une révolution. L’interview a été modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.

The Irrawaddy (TI) : S’il y avait un dernier mot que Zeya Thaw aurait dit avant d’être arrêté, quel serait-il ?

Thazin Nyunt Aung (TNA) : Chaque année je me dis, et parfois à mes amis, voilà le mois de juillet qui arrive. L’anniversaire de l’injustice.

Quand nous étions ensemble avant qu’il ne soit arrêté, nous nous regardions la plupart du temps. En fait, il y a eu des derniers mots, mais ils concernaient surtout le travail lié à la [crise politique].

C'était tout.

Nous ne nous sommes pas dit au revoir… Nous n’avons rien dit de personnel.

TI : Ko Phyo Zeya Thaw est particulièrement populaire auprès des jeunes. Son intérêt pour la politique, et pas seulement pour l’art, l’a amené à devenir un défenseur de la justice sociale. Que voulez-vous que les jeunes retiennent de lui ?

TZNA : Je pense que tout le monde aura des mots pour se souvenir de lui. Il a déclaré dans une interview : « Nous sommes derrière vous et si nous devons rester devant, nous sommes également prêts. »

Je vois toujours des gens qui l’aimaient poster cette phrase lorsqu'ils partagent leurs souvenirs de lui sur les réseaux sociaux. Ils utilisent toujours cette phrase. Une autre phrase serait : « Le grand frère qui est toujours avec nous » ou « Notre grand frère ».

TI : Quel est le souvenir le plus mémorable pour vous?

TZNA : Je pense aux souvenirs les plus heureux que nous avons eus ensemble. Au fil du temps, j’ai développé une attitude selon laquelle il faut se souvenir de lui pour de bonnes choses et non pour de mauvaises. Plutôt que d’être triste à propos de ce malheureux incident [exécution], je pense au moment où nous étions heureux, à l’aise… des moments réussis… et je pense à notre attitude l'un envers l'autre, aux mots que nous nous disions et à nos décisions. Je m'en souviendrai toujours.

J’ai plein de souvenirs de lui. C’est difficile d'en choisir un seul. Les camarades qui ont vécu avec lui ou l’ont rencontré ont aussi des souvenirs de lui. Ils me parlent toujours d’eux chaque fois que je les vois. « Le frère a dit ceci et cela à la réunion. A cette époque, il était en colère et nous grondait. Le grand frère nous a encouragés.» Ils partagent [des souvenirs comme] ceux-ci chaque fois que nous nous rencontrons.

Ma Thazin Nyunt Aung

Ma Thazin Nyunt Aung lors d’une manifestation anti-coup d'’État en février 2021. La photo a été prise par son mari, Ko Phyo Zeya Thaw. Photo et légende de The Irrawaddy, partenaire de contenu de Global Voices

TI : Vous avez été profondément impliqué dans le mouvement anti-régime depuis le coup d’Etat de 2021. Vous êtes déterminé. Qu’est-ce qui motive votre politique et votre engagement dans l’art ?

TZNA : Je pense toujours au type de contenu que je vais créer lorsque je compose des chansons. Je me concentre rarement sur les chansons d’amour ou sur trop de désir d’amour. Mes chansons reflètent ma vie. Je suis née à Yangon et j’ai grandi dans cette ville. Dans mes chansons, il y a beaucoup de paroles qui représentent la ville de Yangon et la vie urbaine. Je souligne également la discrimination [contre] les femmes dans la société.

Dans cette révolution, et jusqu'à ce jour, je dis toujours que « c’est trop honteux d'être encore en vie » parce que nous avons perdu beaucoup de vies au cours des trois dernières années. Les gens font beaucoup de sacrifices et ils n’ont pas peur d’entrer dans les champs de bataille. De nombreux manifestants pacifiques ont été tués par balle. Des jeunes ont été traînés dans la rue après avoir été abattus. Nous les avons perdus. J’ai toujours l’impression que nous ne sommes rien comparés à eux.

En ce moment, ma tristesse est présente… Je veux dire que ma perte est [d’] une personne, et elle est incomparable aux pertes de [beaucoup] d'autres chaque jour. L’armée terroriste tue des familles innocentes, viole les filles devant les membres de leur famille, arrête des jeunes ou frappe sévèrement les parents lorsqu’ils ne trouvent pas leurs enfants.

Récemment, une famille de six personnes a été tuée par des tirs d’artillerie. Chaque jour, nous entendons parler et voyons des gens qui sont frappés par des bombes. Plus je vois, plus je deviens forte…

Parfois, nous pouvons nous sentir déprimés, parfois nous pouvons être actifs et pleins d’énergie…

Nous devons redoubler d'efforts et continuer.

TI : Quel message avez-vous pour vos abonnés?

TZNA : Le travail de l’artiste est de créer. Comment pouvons-nous promouvoir l’art sans empathie ? En prenant parti, il y a des bons et des mauvais côtés. Serez-vous du bon côté ? Ou serez-vous du mauvais côté ? Allez-vous soutenir ceux qui oppriment, incendient, tuent ou bombardent des civils innocents ?

Nous devons réfléchir au type d’art et d’artistes que nous soutenons. En ce qui concerne le boycott [des artistes qui se rangent du côté de la junte], j’ai toujours exhorté les gens à connaître clairement ceux qu'ils soutiennent, car l’art est puissant et très important pour persuader les gens.

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Libye : de nouvelles inondations suscitent des craintes un mois avant la commémoration des inondations de Dernahttps://fr.globalvoices.org/?p=289641http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240906_204738_Libye___de_nouvelles_inondations_suscitent_des_craintes_un_mois_avant_la_commemoration_des_inondations_de_DernaFri, 06 Sep 2024 18:47:38 +0000Des causes humaines et naturelles ont contribué à la tragédie

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

 

Capture d’écran de la vidéo téléchargée le 13 août 2024 par l’utilisateur de X @MasliMohamed. Utilisée avec permission.

Alors que la Libye s’approche du triste premier anniversaire des tragiques inondations de Derna, une nouvelle vague de pluies torrentielles et d’inondations a frappé la ville sud-est de Koufra, causant des dommages généralisés et ravivant les craintes et les souvenirs douloureux du désastre de l’année dernière qui a coûté la vie à des milliers de personnes dans la ville côtière nord-est de Derna et a laissé la nation dans un état de deuil.

Le 11 août, des pluies exceptionnellement abondantes ont frappé la région de Koufra. L’Autorité météorologique nationale a estimé qu’il y avait 46 mm de pluie en une heure — 51 mm en 24 heures — le plus fort taux depuis 1952. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, au moins 3000 personnes ont été déplacées à cause des inondations qui ont endommagé les services, les infrastructures et les habitations dans la zone affectée. Quatre personnes de nationalité tchadienne auraient été tuées, tandis qu’une vidéo de l'évacuation d'un hôpital de la ville par le Croissant-Rouge circulait en ligne.

Les souvenirs des inondations de l’an dernier (2023) sont encore récents dans l’esprit de nombreuses personnes, et la situation à Koufra n’a fait qu’approfondir le sentiment de vulnérabilité ressenti dans tout le pays.

Des inondations torrentielles ont ravagé la ville libyenne de Koufra, à la suite de fortes pluies, causant d’importants dégâts matériels et faisant craindre une répétition de la catastrophe des inondations de Derna. pic.twitter.com/wDm94c8WhK

— شو صار (@shusar279) 12 août 2024

Le 11 septembre 2023, après des jours de pluies torrentielles, deux barrages dans la région de Derna se sont effondrés, libérant une énorme vague d’eau qui a balayé la ville voisine, détruisant tout sur son passage. Un an plus tard, le bilan de morts n’est toujours pas définitif, et différentes sources estiment le nombre de victimes entre 6000 et 20000 y compris ceux qui sont portés disparus à ce jour.

Crise humaine et climatique

Les inondations dévastatrices sont un rappel de l’impact de la crise climatique et la fréquence croissante des phénomènes météorologiques extrêmes, notamment les inondations et les glissements de terrain. Les experts ont averti à maintes reprises que ces événements sont de plus en plus fréquents en raison de l’augmentation de la température mondiale. Cependant, ces catastrophes ne sont pas uniquement le résultat de causes naturelles ; des facteurs humains, y compris les conflits, la corruption, le défaut d'entretien des infrastructures et une planification urbaine inadéquate, ont considérablement aggravé les effets.

Un rapport du groupe World Weather Attribution a révélé que la crise climatique induite par l’homme avait considérablement augmenté la probabilité de fortes pluies en Libye, rendant ces événements météorologiques extrêmes jusqu’à 50 fois plus probables. L’analyse a également souligné qu'une meilleure préparation et de meilleures infrastructures auraient pu atténuer l'impact de la catastrophe, bien que la crise climatique ait joué un rôle essentiel dans l’intensification de la tempête qui n'avait que la probabilité de frapper la Libye une fois tous les 300 à 600 ans.

Après les inondations de Derna, des enquêtes ont révélé que l’effondrement des barrages était dû à une combinaison de facteurs, y compris la corruption, la négligence et le manque de supervision. Malgré l’allocation de fonds pour l’entretien des barrages, aucun travail important n’a été effectué, laissant l’infrastructure dans un état précaire. Les résultats ont conduit à l’arrestation et la condamnation de 12 fonctionnaires, qui ont été condamnés le 28 juillet 2024 à une peine d'emprisonnement comprise entre 9 et 27 ans. La plupart d’entre eux étaient dans l’administration des ressources hydriques et des barrages, notamment le responsable du Fonds de reconstruction de Derna et un membre du comité financier chargé de mettre en œuvre le plan de reconstruction.

Une semaine après l’ouragan Daniel et les inondations qui ont suivi, les habitants de la ville libyenne de Derna ont attaqué et incendié dans la nuit la maison du maire, Abdul Moneim Al-Ghaithi, après une journée de rassemblements et de manifestations exigeant la destitution du parlement et de son président, Aguila Saleh.

Les manifestants ont lu une déclaration au nom des « habitants de Derna » lors de leur manifestation devant la Grande Mosquée, exigeant l’accélération des résultats de l’enquête et la tenue pour responsable « tous ceux ayant participé à la négligence ou au vol qui a mené à cette catastrophe », ainsi que la dissolution du conseil municipal et l’enquête sur ses budgets précédents. La dernière demande a été respectée, car Oussama Hammad, le chef du gouvernement de l’est du pays, a décidé de dissoudre le conseil municipal de Derna.

Les conséquences de l’inondation sont encore avérées à ce jour, car le dernier communiqué officiel a enregistré la mort d’environ 3338 personnes, avec des attentes que ce nombre croît davantage. La recherche de milliers de personnes disparues se poursuit, et parallèlement les Nations unies continuent d’alerter sur la propagation de nouvelles maladies dans la région touchée.

pic.twitter.com/eS7VZiW9vE

— Megaphone (@megaphone_news) 9 septembre 2023

Amnesty International a indiqué que le gouvernement d’unité nationale (GNU) basé à Tripoli et les Forces armées arabes libyennes (FAAL), qui contrôlaient les régions touchées par les inondations de 2023, n’ont pas donné suffisamment de préavis et n'ont pas pris des mesures essentielles d’atténuation des risques avant la tempête Daniel, ce qui a finalement conduit à l’effondrement des barrages.

Lire aussi : Floods and flooding ‘will be part of our lives,’ says Brazilian architect and urbanist (Les inondations «feront partie de nos vies», déclare l’architecte et urbaniste brésilienne)

De nombreux Libyens demeurent sceptiques quant à la véritable responsabilité des personnes impliquées, d’autant plus que les puissants acteurs militaires et politiques ont largement échappé à l’examen.

Le rôle du conflit actuel en Libye ne peut pas non plus être ignoré. La guerre a dévasté les infrastructures du pays et l’a divisé, ce qui rend difficile la mise en œuvre de stratégies efficaces de préparation aux catastrophes et complique les efforts d'assistance, laissant de nombreuses communautés vulnérables face aux effets des catastrophes naturelles.

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Qu’est-ce qui se cache derrière le terrible problème de la violence domestique en Asie centralehttps://fr.globalvoices.org/?p=289997http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240906_203420_Qu___est-ce_qui_se_cache_derriere_le_terrible_probleme_de_la_violence_domestique_en_Asie_centraleFri, 06 Sep 2024 18:34:20 +0000La paresse et l'inaction des autorités coûtent la vie et le bien-être aux femmes

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Kuandyk Bishimbayev, who killed his wife Saltanat Nukenova, sitting in court in Astana, Kazakhstan. Screenshot from the video “«Шесть с половиной часов она меня мучила»: Бишимбаев рассказал, за что мстил Салтанат” from Informburo 31‘s YouTube channel. Fair use.

[Toutes les références dans le texte sont en anglais, sauf indication contraire.]

Cet article contient des références à la violence domestique, ce qui peut déranger certains lecteurs.

Depuis fin mars, le Kazakhstan était aux prises avec [если менее дословно – était passionné par] le procès devant jury de l'ancien ministre de l'Économie Kouandyk Bishimbayev, qui a assassiné son épouse Saltanat Nukenova. Un détail particulièrement troublant de cette affaire est que Bishimbayev a brutalement battu sa femme pendant huit heures dans un restaurant appartenant à sa famille. Après ces huit heures monstrueuses, la femme est décédée. La retransmission du procès a constitué un tournant dans l’affaire, en faisant l’événement le plus médiatisé du pays et en déclenchant des débats houleux sur la violence domestique.

Alors que Bishimbayev était jugé, les nouvelles du meurtre de deux femmes ont fait la une des journaux du Kirghizistan voisin, faisant de la question de la violence domestique un sujet brûlant. L'une des femmes a été tuée [russe] par son partenaire. Il a gardé son corps chez lui pendant neuf jours avant de le jeter dans une poubelle à proximité. Une autre [russe] a été tuée par son ex-mari, qui a poignardé la victime 27 fois avant d'appeler une ambulance.

À la suite du tollé général [или résonance] et des demandes de changement, le 11 avril, le parlement kazakh a approuvé un projet de loi criminalisant la violence domestique. Même s’il s’agit d’une mesure juridique indispensable, elle ne suffit pas pour résoudre un problème aussi complexe que la violence domestique au Kazakhstan et dans d’autres pays d’Asie centrale. Il faut bien plus que de nouvelles lois. Une législation similaire existe en Ouzbékistan et au Kirghizistan, mais elle n’a pas contribué à résoudre le problème des horribles violences domestiques. Derrière tout cela se cachent des normes sociales destructrices et le travail inefficace des agences gouvernementales compétentes pour prévenir la violence et traduire les auteurs en justice.

Un problème transfrontalier et ancien

La violence domestique est un problème courant dans les cinq pays d'Asie centrale : le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan. Dans ces pays, des nouvelles de violences et de meurtres de femmes, commis par des partenaires intimes, maris ou petits amis, apparaissent constamment dans les médias. Cela témoigne de l’ampleur croissante du problème et du manque de mécanismes efficaces pour protéger les femmes.

En 2023, les forces de l'ordre kazakhes ont reçu [russe] plus de cent mille plaintes pour violences domestiques. Cela représente trois fois le nombre de plaintes enregistrées au cours des cinq années précédentes. En 2023 [russe], on a enregistré qu'au cours des quatre dernières années et demie, 869 personnes ont été tuées et 2 086 ont été gravement blessées à cause de la violence domestique. Une enquête nationale de 2017 a révélé qu'au moins 17 % de toutes les femmes du pays avaient subi des violences physiques de la part d'un partenaire intime, et 51 % des victimes ont déclaré ne l'avoir jamais signalé à personne auparavant.

Vous trouverez ci-dessous un documentaire sur la violence domestique au Kazakhstan.

En Ouzbékistan, la violence domestique n'a été criminalisée qu'en avril 2023, et la même année, 9 131 personnes ont été reconnues coupables en vertu de cette loi [russe] et poursuivies en responsabilité administrative et pénale. En 2024, ce nombre est susceptible d'augmenter, puisque rien qu'au cours des trois premiers mois de l'année, 4 477 personnes ont déjà été condamnées en vertu de ces articles [russe].

La violence domestique n'a pas encore été criminalisée au Tadjikistan. En 2023, le pays se classait au dernier rang du groupe dans la catégorie « Niveau actuel de violence conjugale » dans le classement mondial de 177 pays de l’Indice « Des femmes, la paix et la sécurité ». Cet indicateur particulier mesure le pourcentage de femmes qui ont subi des violences physiques et sexuelles de la part de leur partenaire intime. Selon une étude de l'ONU publiée en 2023, un tiers des femmes au Tadjikistan souffrent de violence domestique [russe] de la part de leur partenaire intime.

Au Turkménistan, une enquête nationale de 2020 a révélé que 12 %, soit une femme sur huit dans le pays, avaient subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d'un partenaire intime. L’étude a également mis en lumière le fait que le nombre réel de cas de violence domestique est largement sous-estimé, avec moins de 12 % des victimes ayant porté plainte à la police ou demandé de l'aide auprès d'autres établissements.

Le Kirghizistan, qui est devenu le premier pays d’Asie centrale à criminaliser la violence domestique en 2017, continue d’enregistrer un nombre élevé d’incidents de ce type. En 2022, 92 % des victimes des 9 959 cas de violence domestique enregistrés [russe] étaient des femmes. En 2023, le nombre de plaintes a augmenté [russe] à 13 104 – 95 % des victimes étaient des femmes. De plus, dans l'indice mondial « Des femmes, la paix et la sécurité », le Kirghizistan a reçu le titre de pays le plus dangereux d'Asie centrale.

Vous trouverez ci-dessous un documentaire sur la violence domestique au Kirghizistan.

Patriarcat et institutions étatiques inefficaces

Le problème est si répandu que le cycle d’histoires scandaleuses d’attaques et de meurtres de femmes dans la région est véritablement sans fin. Par exemple, avant le meurtre controversé de Nоukenova en novembre 2023, le cas d’Asel Nogoybayeva [russe] du Kirghizistan était suivi de près dans la région. En septembre 2023, l’ex-mari de Nogoybayeva l’a agressée et lui a coupé le nez et les oreilles.

La raison la plus évidente de cette tendance alarmante est l’absence d’un cadre juridique efficace, qui conduit à l’impunité. En 2017, le Kazakhstan a décriminalisé la violence domestique [russe] et le Kirghizistan est resté le seul pays de la région où les coups domestiques sont punissables. En raison des demandes du public, les autorités kazakhes sont revenues sur la décision de 2017 en 2024, et l’Ouzbékistan n’a introduit la responsabilité pénale pour violence domestique qu’en avril 2023. Le Tadjikistan et le Turkménistan ne criminalisent toujours pas les violences conjugales, et les auteurs de ces actes peuvent s'en tirer avec des amendes et des ordonnances d'éloignement.

Le problème de la violence domestique repose sur deux piliers. Le premier concerne les fondements patriarcaux [russe], qui justifient la violence domestique et conduisent à son acceptation tant par les auteurs que par les victimes. Dès leur plus jeune âge, les enfants sont élevés selon les canons, lorsque les garçons sont censés faire preuve d'agressivité, et les filles sont censées être des épouses soumises et obéissantes, acceptant toutes les conditions de l'agresseur lors des conflits intra-familiaux.

Les résultats d’une enquête au Turkménistan montrent que pour 20 % des femmes interrogées, le mari a le droit de battre sa femme [russe] si elle quitte la maison sans la permission de son mari. Au Tadjikistan, près de 48 % des femmes interrogées sont d'accord avec l'affirmation selon laquelle la violence domestique est une affaire privée pour chaque famille, et 41 % des personnes interrogées considèrent que battre une partenaire pour diverses raisons est justifié. Ces fondements patriarcaux sont complétés par une propagande gouvernementale sur les valeurs traditionnelles sur lesquelles repose l’intégrité de la famille au détriment des droits et de la protection des femmes.

Le deuxième pilier est la réticence des autorités à prendre des mesures sévères, ainsi que l'indifférence des organes gouvernementaux compétents à l'égard de la prévention de la violence domestique. La militante des droits humains Svetlana Dzardanova note qu'au lieu de s'attaquer au problème, les autorités locales préfèrent s'en prendre aux personnes qui soulèvent la question de la violence domestique. Les organisations locales qui promeuvent le débat sur la violence domestique sont perçues par les autorités comme des outsiders qui imposent des normes étrangères qui contredisent les valeurs traditionnelles.

Au niveau local, au lieu d'enregistrer les plaintes des victimes et de lancer des enquêtes, la police essaie souvent de réconcilier [russe] la victime avec l'agresseur. Les juges rendent des verdicts indulgents dans les affaires de violence domestique, permettant aux auteurs d'éviter la prison. Par exemple, dans le cas de Nogoybayeva, le juge a libéré son mari sous surveillance probatoire [russe] après que celui-ci ait violé la victime à deux reprises.

La lutte contre la violence domestique en Asie centrale progresse lentement. Aujourd’hui, d’autres progrès et victoires nécessitent encore des affaires marquantes, comme le procès télévisé de Kouandyk Bishimbayev.

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Bangladesh : l'Inde accusée d'être responsable des inondations sévissant dans le payshttps://fr.globalvoices.org/?p=289772http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240906_202832_Bangladesh___l_Inde_accusee_d_etre_responsable_des_inondations_sevissant_dans_le_paysFri, 06 Sep 2024 18:28:32 +0000Selon certaines sources, les inondations se seraient intensifiées après l'ouverture d'un barrage en Inde.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Flash flood in Feni and Noakhali. Screenshot from an YouTube video by Bioscope Entertainment. Fair use.

Inondations à Feni et Noakhali. Capture d'écran d'une vidéo de Bioscope Entertainment sur YouTube. Utilisée avec permission.

Le Bangladesh est frappé par l'une des pires inondations qu'il ait connues, provoquées par des pluies torrentielles et un afflux d'eau en provenance de l'État indien de Tripura. Des milliers de personnes ont été déplacées et au moins 18 personnes sont décédées le 24 août dernier. Les crues soudaines ont submergé des villages entiers et les habitants sont à présent dans une situation désespérée.

Plus de 5 millions de personnes dans 12 districts ont été touchées par les inondations, y compris 300 000 qui ont été accueillies dans plusieurs milliers d’abris d'urgence et ont maintenant besoin d'aide, de logements et de soins.

Les inondations dans ces districts ne sont pas rares. Cependant, cette fois-ci, la gravité de la catastrophe est sans précédent. Les habitants des zones sinistrées ont déclaré n'avoir jamais connu de crues aussi dévastatrices. À certains endroits, l'eau était si profonde qu'elle a submergé des maisons et inondé des communautés entières.

La maison du romancier Swakrit Noman a également été inondée. Il témoigne sur Facebook :

[…] বাড়িতে কারো সঙ্গে কোনো যোগাযোগ করতে পারছি না। বিদ্যুৎ নেই, নেট নেই। মায়ের সাথে শেষ কথা হয়েছিল পরশুদিন। তারপর যোগাযোগ বন্ধ।
স্বজনেরা বেঁচে আছে, না ভেসে গেছে জানি না। কোনোভাবে বেঁচে থাকলেও খেতে না পেয়ে অবস্থা সঙ্গীন হয়ে পড়বে। কারণ নলকূপ ডুবে গেছে, খাবার পানি নেই। চুলা ভেসে গেছে, রান্নার উপায় নেই। হয়ত ফুরিয়ে গেছে দোকানপাটের শুকনো খাবারও।

[…] Je ne peux contacter personne à la maison. Il n'y a ni électricité ni internet. La dernière fois que j'ai parlé à ma mère, c'était avant-hier. Depuis, toute communication a été coupée.

Je ne sais pas si mes proches sont en vie ou s'ils ont été emportés par les eaux. Même s'ils sont vivants, la situation deviendra critique s'ils n'ont pas de nourriture. Le puits tubulaire est submergé, il n'y a plus d'eau potable. La cuisinière a été emportée par les flots et il est devenu impossible de préparer des repas. Les stocks d’aliments secs dans les magasins sont sans doute eux aussi épuisés.

Pendant ce temps, les eaux ont englouti plusieurs parties de l'autoroute qui relie Dhaka à Chittagong, rendant difficile l'acheminement de l'aide et de provisions aux sinistrés. Selon un poste de Shakhawat Hossain Ahad sur X :

Cette photo a été prise lors d'un vol entre Dhaka et Chittagong. Toute la région semble entièrement submergée. Pourtant, le district de Comilla est le point culminant du Bangladesh. #বন্যা #বাংলাদেশ #sarwarsir #IndiaOut#FloodInBDForIndia #FloodInBDForIndia #Flooding #ShameOnIndia #BangladeshFlood2024 pic.twitter.com/BEpsZmNkif

— Shakhawat Hossain Ahad (@ahad1_rk) 22 août 2024

Bien que le Bangladesh soit souvent considéré comme un « modèle » en matière de gestion des catastrophes dans la région, la mise en garde et la préparation aux dernières inondations ont été insuffisantes. Après la démission forcée du Premier ministre Sheikh Hasina le 5 août dernier, une grande partie du plan de contingence et des efforts de secours, habituellement menés par les autorités locales et les bénévoles, ne se sont pas concrétisés en raison de la chute du gouvernement local.

L'Inde accusée d'être à l'origine des inondations

Les utilisateurs bangladais sur les réseaux sociaux ont prétendu que l'Inde était responsable de ces crues soudaines, affirmant que les pluies torrentielles s’étaient intensifiées après l'ouverture par l'Inde du barrage de Gomti à Tripura, entraînant les inondations au Bangladesh. Bien que des experts aient réfuté cette allégation, soulignant que les fortes précipitations à Tripura étaient la cause de la catastrophe, plutôt que l'ouverture des vannes du barrage, les tensions persistent entre le Bangladesh et l'Inde.

Selon Nahian Tasnim sur X :

Les inondations les plus catastrophiques depuis des siècles ont frappé la région sud-est du #Bangladesh, affectant plus de 350 000 personnes. Sans même en informer le Bangladesh, l'Inde a ouvert les vannes du barrage de Dumbur à minuit, causant du désarroi et des dégâts considérables. #FloodInBDForIndia #IndiaOut pic.twitter.com/Nd9BOJwSnF

— Nahian Tasnim (@nahian_tas37443) 22 août 2024

Certaines personnes au Bangladesh sont hostiles envers les Indiens, une attitude aggravée par les rumeurs sur le rôle de l'Inde dans les inondations. L'internaute Atiya Tamanna a ainsi écrit sur X :

L'inde a créé une inondation artificielle au Bangladesh en libérant subitement l'eau de ses barrages et vous vous demandez toujours pourquoi les gens détestent tant l'Inde ?

Rappelez-vous que vous n'avez pas besoin d'ennemis si votre pays voisin est l'Inde. #FloodInBangladesh#ShameOnIndia#Bangladesh 🇧🇩 pic.twitter.com/HbzZnnJ3DR

— Atiya Tamanna (@_Tama_Anna) 22 août 2024

Sheikh Rokon, journaliste et spécialiste des rivières, explique sur Facebook que les crues subites sont devenues plus meurtrières à cause de l'ouverture des vannes du barrage :

[…] না জানিয়ে ড্যাম বা ব্যারাজ খুলে দিলে কী অসুবিধা? বন্যা তো এমনিতেই হচ্ছে। স্বাভাবিক বন্যা হতেই পারে, তাতে খুব একটা অসুবিধা নেই। কিন্তু যখন হঠাৎ ড্যাম বা ব্যারাজ খুলে দেওয়া হয়, তখন সেই বন্যা বিপর্যয়কর হতে বাধ্য। স্বাভাবিক বন্যায় হয়তো তিন দিন ধরে পানি বাড়ে ও চলে যায়। কিন্তু ড্যাম বা ব্যারাজ খুলে দিলে তিন দিনের বন্যা তিন ঘণ্টার ঘনত্বে চলে আসে। আর যদি ভাটির দেশকে না জানিয়ে ব্যারাজ ছাড়া হয়, তাহলে বন্যা মোকাবিলার প্রস্তুতি ও দুর্গতদের উদ্ধার তৎপরতার সময়ও থাকে না। জান ও মালের ক্ষতি অনেক বেশি হয়। এবার সেটাই ঘটেছে।

Quelles sont les conséquences de l'ouverture de vannes d’un barrage sans en informer quiconque ? Les inondations sont un phénomène naturel, et peuvent progresser sans causer de problèmes majeurs. Mais lorsque les vannes d’un barrage sont soudainement ouvertes, les inondations deviennent forcément catastrophiques. Lors d'une inondation naturelle, l'eau peut monter et descendre en trois jours. Mais lorsque la cause est l’ouverture d’un barrage, une crue de trois jours survient en général en l'espace de trois heures. Et le pays en aval n'a pas le temps de se préparer aux inondations et aux opérations de secours s'il n'en est pas préalablement informé. Les pertes humaines et matérielles sont beaucoup plus importantes. C'est exactement ce qui s'est passé cette fois-ci.

En réponse aux allégations des citoyens bangladais, le ministère indien des Affaires étrangères a publié une déclaration. Niant les accusations selon lesquelles l'ouverture des vannes du barrage de Dumur avait provoqué les inondations, le communiqué explique que le bassin de la rivière Gomati, qui traverse à la fois l'Inde et le Bangladesh, avait enregistré les plus fortes précipitations de l'année en l’espace de quelques jours. Les inondations au Bangladesh sont principalement dues à l'excédent d'eau du vaste bassin hydraulique situé en aval du barrage. Tripura est bordé par le Bangladesh sur trois côtés et, en outre, se trouve à une altitude plus élevée que la région environnante, favorisant l’écoulement naturel des eaux pluviales vers le Bangladesh.

August 2024 Bangladesh flood-affected areas

Régions du Bangladesh affectées par les inondations du mois d'août 2024. Image de Wikipedia par Meghmollar2017. CC BY 4.0.

L'Inde a également indiqué qu'elle avait informé le Bangladesh de l'augmentation excessive du débit d'eau. Cependant, Sheikh Rokon affirme que le fait de ne pas avoir alerté spécifiquement le Bangladesh de l'ouverture des vannes du barrage a provoqué les inondations dans le pays, lesquelles « se sont avérées dévastatrices.»

Pendant ce temps, réfutant les allégations concernant l'ouverture des vannes du barrage, Ratan Lal Nath, le ministre de l’Energie de Tripura, a parlé de désinformation et a déclaré sur Facebook que le niveau de l'eau dans le réservoir de Gomati est de 94 mètres, et que lorsque le niveau de capacité est dépassé, l'eau s'échappe automatiquement par les vannes.

 

Il existe 54 rivières transfrontalières entre le Bangladesh et l'Inde. En construisant des barrages en amont sur plusieurs de ces cours d'eau, l'Inde, qui de cette manière s’octroie un monopole sur les prélèvements d’eau de la région, viole le droit fluvial international. En conséquence, le Bangladesh connait souvent une pénurie d'eau durant la saison sèche et est exposé au risque de désertification. D'autre part, pendant la mousson, l'ouverture des vannes du barrage provoque une avalanche d'inondations. Un artiste de Dhaka a illustré ce phénomène dans un graffiti :

#Streetart à Dhaka.

Lieu : Textile Lab, Daffodil international university.

ন্যায্য পানির হিস্যা নাই। বানের জলে ভাইস্যা যাই।

Traduction : Nous nous noyons dans le déferlement d'eau en amont alors que nous ne recevons pas notre juste part d'eau en aval.

Pour le contexte: https://t.co/Ssea1i96l0 pic.twitter.com/5lWJ7EWebi

— Rezwan (@rezwan) 23 août 2024

Risques climatiques au Bangladesh

Selon les dernières données de l’Indice mondial des risques climatiques, le Bangladesh figure parmi les dix pays les plus vulnérables aux changements climatiques. Dans son plan d'adaptation national (PAN), le gouvernement du pays a identifié 14 risques climatiques dans différentes régions, notamment les précipitations excessives, les inondations et les crues soudaines.

Le 28e Forum sur les perspectives climatiques en Asie du Sud s'est tenu le 29 avril dernier à Pune, en Inde. Au cours de la conférence, des météorologues ont établi les prévisions météorologiques pour la saison de la mousson (de juin à septembre) en Asie du Sud, et anticipent un affaiblissement d'El Niño et l’arrivée de La Niña. Les deux phénomènes météorologiques devraient se traduire par une pluviosité excessive et des moussons beaucoup plus intenses dans la région, y compris au Bangladesh.

Dans un article publié dans le quotidien Prothom Alo, Mustafa Kamal, météorologue et chercheur, titulaire d'un doctorat en sciences de l'atmosphère à l'université de Saskatchewan au Canada, énonce les quatre facteurs météorologiques responsables des précipitations et inondations records au Bangladesh et à Tripura : El Niño, l'oscillation Madden-Julian (OMJ), les courants-jets et les moussons dues à une faible pression atmosphérique dans le golfe du Bengale.

Son analyse indique que ces quatre facteurs étaient présents au Bangladesh et dans les États de l'est de l'Inde après le 15 août, et que leur effet combiné a entraîné des précipitations records.

Au Bangladesh, la menace des changements climatiques s'intensifie. Le pays connaît actuellement une série de catastrophes économiques, sociales et environnementales qui peuvent être attribuées au réchauffement climatique. En conséquence, les écologistes appellent à une meilleure préparation et à beaucoup plus d’initiatives pour faire face à ses impacts et les atténuer.

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En Côte d'Ivoire, la communauté LGBT+ est tolérée juridiquement mais pas socialementhttps://fr.globalvoices.org/?p=289900http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240904_150035_En_Cote_d_Ivoire__la_communaute_LGBT__est_toleree_juridiquement_mais_pas_socialementWed, 04 Sep 2024 13:00:35 +0000De nombreuses personnes LGBT+ des pays limitrophes trouvent refuge en Côte d'Ivoire

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

La ville d'Abidjan, capitale de la Côte d'Ivoire. Capture d'écran de la chaîne YouTube de Afrique Révélée

En République de Côte d'Ivoire, l'homosexualité n'est pas criminalisée mais la communauté LGBT+ ne dispose pas de protection juridique. Dans ce contexte de flou juridique, les personnes LGBT+ peuvent certes organiser certaines activités et rencontres, mais restent en marge d'une société qui ne les accepte pas comme des citoyens et citoyennes à part entière.

Refuge non protégé

A ce jour, les personnes queers ivoiriennes ne sont pas persécutées juridiquement, comme l'explique Brice Stéphane Djédjé, sociologue spécialiste des questions LGBT+. Dans un article du journal Le Monde, Brice Stéphane Djédjé affirme:

L’État ivoirien est neutre sur la question. Ce vide juridique permet à la communauté queer ici de bénéficier d’une relative tolérance par rapport aux pays voisins.

Toutefois elles restent exclues de toute législation s'opposant à toute forme de discrimination, suite à un refus de les inclure dans un changement de la loi à ce sujet datant de 2021.

Cette situation est unique sur le continent africain où dans la majorité des pays – à l'exception notable de l'Afrique du Sud -, l'homosexualité est déclarée illégale, et souvent passible d'amendes et de prison.

C'est le cas dans les pays limitrophes de la Côte d'Ivoire, comme la Guinée, le Ghana ou même le Sénégal. Ceci explique pourquoi nombreux sont ceux et celles qui trouvent refuge en Côte d'Ivoire.

Le journal Le Monde cite le cas d'un jeune citoyen LGBT+ qui trouve refuge à Abidjan (capitale économique de la Côte d'Ivoire) après avoir vécu des calvaires en Guinée, au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso.

A Conakry, je me suis fait agresser physiquement plusieurs fois et sexuellement trois fois. A Dakar, les mêmes choses ont recommencé. A Bamako, je me suis fait poignarder, je n’osais même plus sortir le jour. A Ouagadougou, quand mes voisins ont découvert que j’étais gay, ils m’ont chassé du quartier. Ici, je peux sortir maquillé et faire la fête en talons.

Mais cette relative tolérance ne signifie pas que les personnes queers, d'où qu'elles viennent, soient en sécurité, comme le note Brice Stéphane Djedje dans le même article:

Abidjan est le melting-pot queer de l’Afrique de l’Ouest. Mais les LGBT+ restent rejetés par une large partie de la population. Les violences et agressions sont fréquentes, en particulier envers les femmes transgenres.

Un rapport titré “Situation des LGBT+ en Côte d'Ivoire” publié en décembre 2023 présente de façon détaillé les conditions dans lesquelles vivent les personnes queers dans le pays.

Homophobie et transphobie des discours en ligne

La position juridique de la Côte d'Ivoire sur les droits des LGBT+ est clairement insuffisante pour assurer l'égalité de tous les citoyens et leur sécurité, dans une société où deux religions sont dominantes: l’Islam (42,5% de la population) et le Christianisme (39,8%) selon le dernier Recensement général de la population et de l'habitat (RGPH 2021).

En témoigne une vague de protestations en ligne à l'encontre de personnes appelées “Woubi” , terme que le site d'information ivoirien Koaci explique en ces termes:

Le terme “woubi”, popularisé dans la culture locale, désigne des jeunes hommes qui se distancient de la masculinité traditionnelle et s'identifient ouvertement comme homosexuels. Cette situation soulève de vives réactions, reflétant une opposition profonde dans la conscience collective ivoirienne face à ces orientations sexuelles non conformes aux normes établies par les coutumes locales.

Le droit à la visibilité des personnes Woubi est revendiqué dans cette vidéo relayée par l'influenceuse ivoirienne Farafina Wamy sur le réseau X:

Les voix s'opposant à la visibilité des personnes queers dans les lieux publics se font plus virulentes, en particulier sur les réseaux X et TikTok. L'influenceur ivoirien au nom du Général Camille Makosso (qui compte près de trois millions d'abonnés) interpelle le président ivoirien et son gouvernement dans une vidéo TikTok relayée sur X:

Dans un article consacré à la question, le site Abidjan.net recense des commentaires d'Ivoiriens qui condamnent le comportement  des homosexuels. L'artiste Zagba Le Requin, du groupe musical ivoirien “Team Paiya” cité dans ledit article indique que:

Les Woubis sont sans gêne. Vos cheveux même dépassent pour nos femmes. Certains même font le rang pour mettre de faux ongles. Chacun à son choix OK. Je ne suis personne pour juger OK. Mais respectez les valeurs de ce beau pays.

Toujours dans le même article, Hassan Hayek, une personnalité publique des médias sociaux en Côte d'Ivoire soutient de son côté que les vrais homosexuels se font plutôt discrets. Il affirme ceci:

Les vrais Woubis ne sont pas ceux qui dansent sur les réseaux sociaux. Les vrais sont cachés.

Face à cette vague d'intolérance, les autorités ivoiriennes, par le biais du Ministère de la justice et des droits de l'Homme, mettent en garde la population contre l'usage non-éthique des réseaux sociaux et rappellent les peines encourues. Ainsi l'article 367 du code pénal ivoirien rappelle en ces termes:

est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 5 000 000 à 100 000 000  francs ( 8 412 à 168 248 dollars américains), quiconque profère ou émet toute expression outrageante, tout terme de mépris ou toute invective qui ne renferme l’implication d’aucun fait par le biais d’un système d’information.

L’ONG Gromo (organisation ivoirienne pour la défense des droits des LGBT+), de son côté, multiplie les initiatives pour l'insertion sociale des membres de cette communauté. Mais dans un contexte d'intolérance montante pour ces groupes minoritaires,  la solution passe aussi par une reconnaissance juridique du droit à la protection.

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Conflits de pouvoir en Équateur : est-ce une « tentative de coup d'État » ou une « violence politique de genre » ?https://fr.globalvoices.org/?p=289748http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240903_195035_Conflits_de_pouvoir_en_Equateur___est-ce_une____tentative_de_coup_d_Etat____ou_une____violence_politique_de_genre_____Tue, 03 Sep 2024 17:50:35 +0000La Vice-présidente Abad accuse le gouvernement de Noboa de mauvais traitements et d'envoi forcé en Israël.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

De gauche à droite : La vice-présidente de l'Équateur, Veronica Abad, et le président de l'Équateur, Daniel Noboa. Il s'agit de leur dernière photo prise ensemble le jour de leur investiture en novembre 2023. Image extraite du

De gauche à droite : La Vice-présidente de l'Équateur, Veronica Abad, et le Président de l'Équateur, Daniel Noboa. Il s'agit de leur dernière photo prise ensemble le jour de leur investiture en novembre 2023. Image extraite du compte Flickr de la Présidence de l'équateur (sous un domaine public ) et édité par Global Voices.

Durant  la nuit du 14 août 2024, le gouvernement de Daniel Noboa a partagé du  contenu[esp]  avec l’hashtag « #IntentoDeGolpeDeEstado »[esp] (#Coupd’État)  pour défendre sa position en tant que Président de la république de l’Equateur contre une plainte déposée par la Vice-présidente Verónica Abad.

La Vice-présidente Abad affirme avoir été victime d’une campagne de diffamation et d’obstruction dans l’exercice de ses fonctions notamment par  le refus d’autorisation, les attaques personnelles, et son envoi à Israël sans équipe de sécurité ni budget. Elle perçoit cela comme une manœuvre visant à  la bannir du pays et de l’empêcher d’assurer la présidence  lors de la campagne électorale de 2025.

Le Ministre du Gouvernement, Michele Sensi Contugi, à travers un communiqué[esp], accuse la Vice-présidente Véronica Abad de « déstabiliser » et « non de partager les valeurs et les principes » du gouvernement de Noboa. Le chef du parti gouvernementale à l’assemblé nationale, Valentina Centeno a fait de même : elle a rejeté[esp]  les accusations d’Abad et l’a traité de « déloyale ».

Deux femmes ministres influentes au sein  du gouvernement du président Noboa, donc  la ministre des Affaires étrangères Gabriela Sommerfeld[esp] et la ministre de l’Intérieure Monica Palencia[esp], ont pris la défense  du Président Noboa sur les réseaux sociaux.

De son côté, le Président Daniel Noboa, dans une  lettre publiée sur le réseau social X [esp]( autrefois appelé Twitter), accuse la Vice-présidente Abad de convoiter son poste et d’être soutenu par les forces politiques de l’opposition. Il  accuse également l’avocat de la Vice-présidente, Oswaldo Trujillo, d’être le   « défenseur des narcotrafiquants  »[esp] afin de délégitimer les plaintes portées contre lui.

Les soupçons du président Noboa sont dus au fait que les partis législatifs de l’opposition actuelle  ont protégé [esp] l’immunité de la Vice-présidente malgré les poursuites engagées contre son fils  pour trafic d’influences présumé dans l’affaire dite « nene ».

Abad envoyée loin de l’Equateur pour une mission en Israël

La rivalité entre le Président Noboa et la Vice-présidente Abad était évidente depuis  le 23 novembre 2023 date à laquelle le nouveau gouvernement équatorien est entré en fonction pour achever  la période actuelle 2021-2025. La première élection a eu lieu après « la muerte cruzada » (morts croisés), qui est un processus équatorien qui consiste à dissoudre simultanément l’assemblé et la présidence, en laissant le pouvoir aux autorités exécutives de régner sans aucune contrepartie du pouvoir législatif.

Après l’investiture, le président et les autorités nationales et étrangères ont été conviés à prendre part à un banquet au Carondelet Palace. Mais la Vice-présidente Abad a décidé de dîner dans le marché populaire Iñaquito situé dans la ville de Quito. Depuis ce jour, elle nie toute rupture avec le Président et a justifié sa célébration séparée en affirmant que « Notre véritable célébration est avec le peuple équatorien ».

Le Président Noboa a choisi la Vice-présidente Abad pour l’accompagner lors des élections anticipées de 2023. La paire avait été enregistrée par le National Democratic Alliance (ADN), formé par les parties Mover et Pueblo, Igualdad y Democracia (PID)[esp] devant le conseil national électoral. Lors du second tour des élections présidentielles tous deux sont devenus populaires grâce à leur campagne et Veronica Abad l’est encore plus devenue en raison de ses déclarations précédentes comme la dénonciation de la violence basées sur le genre et son soutien pour la privatisation de la santé et l’éducation.

Noboa a alors signé son premier décret présidentiel, qui portait sur l’attribution des nouvelles fonctions du Vice-président. Il décida d'envoyer Abad à Tel Aviv en Israël en tant qu'« Ambassadeur de la  paix  » au milieu d’une  guerre contre Gaza. La Vice-présidente Abad accepta la mission. Mais une fois en Israël, elle accusa  le Président Noboa de la « malmener » pour l’inciter à démissionner, afin qu’elle ne puisse pas remplacer Noboa à la Présidence pendant la campagne électorale qui durera 45 jours du 5 au 6 février 2025.

Selon le Vice-ministre du gouvernement Esteban Torres, le gouvernement craint que le remplacement de Noboa par Abad à la Présidence, apporterait de l’instabilité, car « la première chose qu’elle fera sera de renverser toute les victoires remportées par le  gouvernement sur la lutte contre l’impunité et sur la sécurité ». L’Equateur a connu une forte croissance de violence au cours de ces dernières années . De plus la conseillère présidentielle, Diana Jácome, a  qualifié[esp] la Vice-présidente de « déloyale » car elle serait en contact avec des groupes politiques qui souhaiteraient s’en prendre au gouvernement.

La principale préoccupation du gouvernement de Noboa est que la Vice-présidente Abad devienne la principale adversaire de Noboa ; ce qui aurait un impact significatif sur lui lors de la campagne électorale de 2025 en vue de sa réélection. Abad a cependant garanti qu’elle ne prendra pas sa « revenge »[esp].

Abad a également affirmé qu’elle a été prise en otage en Israël car elle n’avait pas le droit de prendre des congés pour retourner au pays. En février 2024, le ministre des Affaires étrangères et de la mobilité humaine, Gabriela Sommerfeld, a interdit à Abad de faire des déclarations au nom du gouvernement équatorien.  Ce qu’elle n’a pas respecté. Elle a également dit qu’elle « ne comprenait pas d’où venait la haine du Président  Noboa » à son égard, car elle a le sentiment de passer par une « persécution historique ».

La Vice-présidente, craignant pour sa sécurité au milieu d’un conflit armé entre Israël et Gaza, a qualifié sa mission de « difficile »et organise régulièrement des réunions pour appeler à la réflexion face a la violence de cette guerre. Noboa en vertu du décret N°353 a décidé pour la sécurité de la Vice-présidente Abad et de sa famille de les transférer le 8 août 2024  en Turquie. Mais selon les informations du ministre des Affaires étrangères, Gabriela Sommerfeld, Abad serait  encore en Israël[esp].

Lire la suite : Ecuador revokes visa of critical Cuban–Ecuadorian journalist (L'Équateur révoque le visa d'un journaliste cubano-équatorien critique)

Abad a également critiqué Daniel Noboa pour l’emprisonnement préventif prononcé par le système juridique à l’encontre de son fils accusé de trafic d’influence présumé. Il a été envoyé dans la prison la plus sécurisée[esp] en Guayaquil le 22 mars 2024. Son fils fait actuellement l’objet d’une mise à l’épreuve pendant que le bureau du procureur enquête sur l’affaire.

Une plainte est déposée auprès d'un tribunal dans le cadre d'un changement de direction mouvementé.

Après plusieurs mois d’instabilité, Abad a rédigé une plainte contre le Président Noboa, le ministre des Affaires étrangères Gabriella Sommerfeld, le député ministre du Gouvernement Esteban Torres et la conseillère présidentielle Diana Jácome pour  violence politique sexiste devant le contentieux électoral le 8 août 2024. Selon la Vice-présidente Abad, les accusés ont mené une campagne de diffamation à son égard et accuse également le Président Noboa d’avoir sapé sa participation en tant que femme ç la prise de décision politique de l’Etat.

La plainte exige la destitution du Président, du chancelier, de la conseillère présidentielle, et du Vice-ministre du Gouvernement, la suspension de leurs droits politiques de participation pendant 4 ans et une amende de 32.000 dollars. Ce qui empêcherait à Noboa d’être candidat à sa réélection lors des élections présidentielles de 2025.

La plainte n’a été rendue publique que le lundi 12 août 2024. Dans l’après-midi, une nouvelle majorité de juges a licencié [esp] le Président du Tribunal du contentieux électoral (TCE), Fernando Muñoz, qui a qualifié[esp] cette mesure d’illégale et a également dénoncé l’usurpation de fonction. La nouvelle Présidente du TCE Yvone Coloma a justifié le renvoi de Munoz  par une « mauvaise administration »[esp].

Jeudi 15 août, Diana Jácome, a riposté avec une autre plainte pour violence politique sexiste [esp] contre Verónica Abad.

La réaction des avocats et des journalistes

Certains avocats ont donné leur avis sur la plainte déposée par Abad. Pour André Benavides il ne serait pas facile de démettre le président Noboa de ses fonctions, car il existe des motifs explicites qui empêcheraient cette Cour de le faire.

The famous “Coup d'Etat” is a crime typified in the COIP as Rebellion and punished with 5 to 7 years in prison.

👉I still haven't found the governing verb of the criminal offense “filing a complaint with the TCE.” 🤪

📍On the other hand, the @TCE_Ecuador cannot remove the president from office, since there are express grounds in the Constitution for his removal (Art. 145 CRE).

pic.twitter.com/YXr5TBXG22

— André Benavides (@AndreBenavidesM) August 15, 2024

Le fameux « coup d’état » est un crime classé dans le COIP comme une rébellion et est puni de 5 à 7 ans de prison.

👉Je n’ai pas encore trouvé le qui verbe qui régit l’infraction pénale << déposer une plainte au TCE>>.🤪

📍D’un autre côté le @TCE_équatorien ne peut pas démettre le Président de ses fonctions, car la constitution prévoit expressément des motifs de révocation (Art.145).

pic.twitter.com/YXr5TBXG22

— André Benavides (@AndreBenavidesM) 15 août 2024

Selon l’avocat Gonzalo Muñoz : « le TCE n’a pas le pouvoir de démettre le Président et le Vice-président ».

The @TCE_Ecuador does not have the power to remove the President of the Republic.

Nor does it have the power to remove the Vice President.

Its grounds for removal are exhaustive and are established in the Constitution (arts. 130 145 and 148).

How inappropriate to use the electoral courts to satisfy personal vendettas.

— Gonzalo Muñoz (@gonzalomunozh) August 15, 2024

Le @TCE_Équateur n’est pas en mesure de démettre le Président de la République de ses fonctions. Encore moins le Vice-président

Les motifs de révocation sont pluriels et sont établis par la constitution (selon les articles 130, 145 et 148).

Comment il est inapproprié d’utiliser la cour électorale pour satisfaire les besoins personnels.

— Gonzalo Muñoz (@gonzalomunozh) 15 août 2024

Pour l’avocat Washington Andrade, la démission d’Abad serait indécente.

A PRESIDENT CONCERNED WITH DOMESTIC AFFAIRS⁉|||
Mr. Daniel Noboa and the government of #ElNuevoEcuador are so afraid of their vice-president Verónica Abad that they don't care to make ridiculous statements like this, almost like of housekeeping outdoors 🤦🏻‍♂️ indecent and unconstitutional 🤷🏻‍♂️

UN PRESIDENT IMPLIQUE DANS DES AFFAIRES DOMESTIQUES⁉|||

Daniel Noboa et le gouvernement d’#ElNuevoEcuador ont tellement peur de leur  Vice-présidente Véronica Abad qu’ils ne se préoccupent pas de faire des déclarations ridicules comme celle-ci presque comme une scène de ménage en plein air, indécente et inconstitutionnelle. https://t.co/LMSRpQUkiK

— Washington Andrade Escobar (@Drwandradee) 16 août 2024

Pour Esteban Ron, il n’y a pas de coup d’Etat comme l’aurait déclaré le Président et il n’y a pas de violence basée sur le genre contre Abad.

#ATTENTION: The coup d'état that Noboa talks about does not exist as such, says constitutionalist @EstebanPRonC in #VisaVis.

➡ In his opinion, a personal fight between Noboa and Abad has reached instances such as the TCE.

Watch the interview 👇https://t.co/rx9SjQ7N9O pic.twitter.com/kWO0RG1QLc

— Visionarias (@visionariasec) August 15, 2024

#ATTENTION : le coup d’Etat dont parle le Président Noboa n’existe pas en tant que tel d’après le constitutionnaliste @EstebanPRonC dans #VisaVis.

➡ Selon lui,  un combat personnel entre le président Noboa et sa vice-présidente Abad  a atteint le tribunal des contentieux électoral.

Voir l’interview 👇https://t.co/rx9SjQ7N9O pic.twitter.com/kWO0RG1QLc

— Visionarias (@visionariasec) 15 août 2024

D’un autre côté la journaliste María Sol Borja pense que la Vice-présidente Abad a été victime de violence sexiste à la vue de tout le pays..

More and more disgraceful officials are applauding the evident violence exercised by those at the highest levels of power against women, pretending to establish an unsustainable narrative. Violence against the VP has been exercised in full view and in full silence of the country, and she has not been the only one. And she has not been the only one. Have we already forgotten Goldbaum? Arrobo? Alondra Santiago?

— María Sol Borja (@mariasolborja) August 15, 2024

La violence évidente exercée par les plus hauts responsables à l’encontre des femmes est applaudie par davantage de fonctionnaires indignes, prétendant établir un récit insoutenable : la violence contre la Vice-présidente a été exercée au vu et au su du pays, et elle n’a pas été la seule, et elle n’a pas été la seule. Avons nous déjà oublié. Goldbaum ? Arrobo ? Alondra Santiago ?

— María Sol Borja (@mariasolborja) 15 août 2024

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Les Vénézuéliens utilisent des avatars d’IA et Instagram Live pour combattre la répression de Madurohttps://fr.globalvoices.org/?p=289638http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240903_183509_Les_Venezueliens_utilisent_des_avatars_d___IA_et_Instagram_Live_pour_combattre_la_repression_de_MaduroTue, 03 Sep 2024 16:35:09 +0000Les journalistes et les militants font tout leur possible pour maintenir le flux d'information

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une femme et un homme qui s'expriment en langue espagnole

Des captures d’écran combinées de « La Chama » et « El Pana », les deux avatars journalistiques créés par une alliance de médias vénézuéliens et régionaux pour contourner la répression de la liberté d’expression au Venezuela. Images d’un post de Connectas sur X (anciennement Twitter), utilisées avec autorisation.

Face aux multiples accusations de fraude après les élections présidentielles du 28 juillet au Venezuela, le régime du président Nicolás Maduro a augmenté la surveillance, persécuté la dissidence politique et bloqué le flux d’information en ligne. Les groupes de défense des droits humains tirent la sonnette d’alarme au sujet de l’utilisation d’applications par des civils pour porter préjudice à autrui, des attaques en ligne, de la censure des médias numériques et des sites web d’organisations de défense des droits humains, et plus récemment de la restriction de dix jours de X (anciennement Twitter), l’application de messagerie chiffrée Signal, Reddit et Microsoft Teams. Les journalistes, les militants et les dissidents politiques du Venezuela cherchent des moyens pour contourner et dénoncer les abus.

La crise électorale au Venezuela a éclaté lorsque le Comité national électoral (CNE) a annoncé la victoire de Maduro lors de l’élection présidentielle sans suivre les protocoles et sans publier les résultats des votes. Cependant, l’opposition a réussi à recueillir les décomptes des votes et les utilise comme preuve que le candidat de l’opposition, Edmundo González Urrutia, a remporté le scrutin avec 64% des voix. Les protestations se sont propagées à travers le pays en rejetant l’annonce du CNE, et en réponse, le gouvernement de Maduro a riposté par la répression. Près de trois semaines plus tard, 25 personnes ont été tuées lors des manifestations, plus de 1300 personnes ont été arrêtées et des perquisitions illégales dans le pays ont été dénoncées sur les réseaux sociaux.

Lire aussi : In a historic move, Venezuelans work together to expose Maduro's electoral fraud (Dans un mouvement historique, les Vénézuéliens s'unissent pour exposer la fraude électorale de Maduro)

Le 8 août, Maduro a émis un ordre de blocage du réseau social X. Cette décision est particulièrement préoccupante et indique de graves implications pour le Venezuela, où l’écosystème des médias est déjà fragile et où les réseaux sociaux constituent une plate-forme essentielle pour partager des informations, dénoncer la persécution de l’État et exprimer des opinions. Le même jour, CANTV, la plus grande entreprise publique de télécommunications et le principal fournisseur d’accès à Internet au Venezuela, a également bloqué Reddit, qui sert d’espace de discussion et de partage de nouvelles entre diverses communautés et sur différents intérêts. L’accès à Signal, une application open source de messagerie et d’appel connue pour son accent sur la confidentialité et la sécurité, a également été restreint. Signal est notamment utilisé par les journalistes et les militants qui se préoccupent de la cybersurveillance.

VE SinFiltro, une organisation non gouvernementale [ONG] qui surveille les blocages sur Internet, affirme que :

El discurso oficial que criminaliza las expresiones en redes sociales ha aumentado de tono en los últimos días, acusando a plataformas que todavía siguen accesibles, y anunciando propuestas legislativas con las que se calificaría de facista, neofacista o ciberfacista a quienes compartan ideas opuestas al gobierno de Venezuela por internet. Estas acciones, con frecuencia llevan a detenciones y la publicación de vídeos con un contenido intimidante por parte de los cuerpos de seguridad.

Le discours officiel qui incrimine les expressions sur les réseaux sociaux a augmenté en ton ces derniers jours, accusant des plateformes encore accessibles et annonçant des propositions de lois qui qualifieraient de fascistes, néofascistes ou cyber-fascistes ceux qui partagent des idées opposées au gouvernement vénézuélien sur internet. Ces actions conduisent souvent à des arrestations et à la publication de vidéos avec un contenu intimidant par les forces de sécurité.

Enregistrement des perquisitions illégales sur Instagram Live

Le régime dépend de la vidéosurveillance et de l’utilisation fréquente de drones pour contrôler les citoyens. Cette surveillance s'est jointe à l’initiative d'État appelée « Opération Tun Tun » , qui a conduit à une augmentation de la violence, du doxing et des détentions arbitraires d’activistes, de journalistes et de citoyens. Selon une déclaration publique d’Access Now, les forces de sécurité vénézuéliennes ont attaqué de manière agressive des individus qu’elles accusent d’être « des ennemis internes ».

Certaines des tentatives de détention et des raids illégaux ont été enregistrés et rendus publics par des militants persécutés et des acteurs politiques sur Instagram Live. Tel est le cas de María Oropeza, membre du parti d’opposition Vente Venezuela, qui a diffusé en direct son arrestation par les agents des forces de contre-espionnage (DGCIM) qui ont forcé sa porte pour entrer dans son domicile sans mandat et l'ont arrêtée sans présentation des documents nécessaires. Le lendemain, le compte officiel de la DGCIM sur Instagram a publié une vidéo déshumanisante de la détention d’Oropeza avec une chanson du personnage de film d’horreur Freddy Krueger : « Un, deux, vous ne dormirez plus. Trois, quatre, fermez votre porte. Cinq, six, ils viennent pour vous. »

Koddy Campos, un militant LGBTQ+, a également diffusé en direct un groupe d’hommes masqués qui se sont identifiés comme des policiers essayant de casser sa fenêtre et prétendant qu’ils avaient un mandat de perquisition, même s’ils ne l’ont jamais montré.

Lire aussi : Dear international left: Stop telling Venezuelans what to think (Chère gauche internationale : Arrêtez de dire aux Vénézuéliens ce qu'ils doivent penser)

Suppression d’une application de messagerie gouvernementale

Les efforts de surveillance et de répression du régime de Maduro ont également été soutenus par VenApp, l’application de messagerie gouvernementale, pour recueillir les noms et les lieux des figures de l’opposition ainsi que des témoins électoraux qui ont recueilli les dossiers de vote démontrant la victoire de González Urrutia. Au moment de la rédaction du présent article, VenApp n’est plus disponible sur Google Play et l’App Store en raison des nombreux rapports reçus à son encontre.

« J’ai passé trois jours à signaler l’application et à partager les informations avec toutes mes connaissances. Notre objectif était de faire retirer l'application du Play Store le plus rapidement possible avant que d’autres personnes ne soient arrêtées », explique Nathaly à Global Voices, journaliste vénézuélienne vivant à Santiago du Chili. « C’est la moindre des choses que la diaspora peut faire pour aider ceux qui sont au Venezuela et qui font face à des réactions violentes après les élections. »

Les avatars de l’IA pour protéger les journalistes

Les plateformes médiatiques ont conçu une nouvelle stratégie afin de protéger les journalistes, qui courent de grands risques lorsqu’ils couvrent la crise électorale : l'utilisation des avatars créés par l'intelligence artificielle pour diffuser l’information. Jusqu’à présent, neuf journalistes ont été arrêtés et quatre sont accusés de terrorisme après les élections.

Le projet s’intitule #OperaciónRetuit, et présente deux avatars d’IA qui diffusent des informations vérifiées et de bonne qualité. Les partenaires médiatiques de Global Voices tels que CONNECTAS et ProBox font partie de l’initiative, ainsi que les médias indépendants vénézuéliens Efecto Cocuyo, Tal Cual, El Pitazo et Runrunes.

Les avatars expliquent dans leur première vidéo :

Fuimos generados por inteligencia artificial, pero nuestros contenidos sí son reales, verificados de calidad y creados por periodistas. Como es conocido desde la jornada electoral del pasado 28 de julio en Venezuela se incrementó la persecución y la represión contra todo aquel el gobierno considere que no piense como el oficialismo, o que lo vea como contradictorio a él. Entonces por medidas de seguridad usaremos la inteligencia artificial para difundir la información de una docena de medios independientes venezolanos, parte de las iniciativas Venezuela Vota y La Hora de Venezuela, que además han logrado reunir un centenar de medios internacionales en 13 paises.

Nous avons été générés par l’intelligence artificielle, mais notre contenu est réel, vérifié, de bonne qualité et créé par des journalistes. Comme nous le savons, depuis le jour des élections du 28 juillet au Venezuela, le gouvernement a intensifié la persécution et la répression contre quiconque n'ayant pas la même pensée que le parti au pouvoir ou quiconque considéré comme étant opposé à lui. Ainsi, par mesure de sécurité, nous utiliserons l’intelligence artificielle pour diffuser des informations provenant d’une douzaine de médias indépendants vénézuéliens qui font partie des initiatives Venezuela Vota et La Hora de Venezuela, et qui ont également réussi à réunir une centaine de médias internationaux dans 13 pays.

Les deux avatars sont appelés La Chama (argot pour « fille ») et El Pana (argot pour « ami »). L'objectif est de diffuser une vidéo par jour contenant des informations recueillies par l'équipe de journalistes.

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Azerbaïdjan : annulation de mariages pendant la COP29https://fr.globalvoices.org/?p=289490http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240903_175103_Azerbaidjan___annulation_de_mariages_pendant_la_COP29Tue, 03 Sep 2024 15:51:03 +0000Les couples azerbaïdjanais devront se marier après la COP29

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Deux anneaux de mariage portant un cachet avec une croix rouge

Image de Arzu Geybullayeva

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des
pages Web en anglais]

Cet article a été initialement publié sur Meydan TV. Une version modifiée est republiée ici dans le cadre d’un accord de partage de contenu. 

Les couples en Azerbaïdjan devront attendre la fin de la COP29 pour célébrer leur mariage, selon les rapports fournis par des médias locaux. La 29e session de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29) se tiendra à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre 2024.

Meydan TV a parlé à un certain nombre de salles de mariage pour confirmer si les restrictions étaient vraies. Et elles l’étaient. Plusieurs salles de mariage ont confirmé à Meydan TV qu’on leur a demandé de refuser les réservations du 8 au 22 novembre afin de se concentrer sur le confort des invités internationaux et d’éviter les embouteillages.

Les économistes interviewés par Meydan TV, disent que l’État devrait compenser les salles de mariage et offrir des avantages fiscaux. Natig Jafarli a déclaré à Meydan TV dans une interview :

L’État devrait offrir une compensation pour les 14 jours de revenus perdus parce que ceux qui y travaillent sont des travailleurs quotidiens. Leur situation sera difficile s’ils ne travaillent pas pendant la moitié du mois. Malheureusement, je ne pense pas que les gestionnaires feront de telles demandes, étant donné que la propriété de ces salles appartient aux fonctionnaires.

Jafarli a également déclaré que les salles de mariage « ont le droit d’exiger une indemnisation. Mais la question des avantages fiscaux n’est pas la seule solution au problème. L’État devrait également payer pour leurs recettes perdues. »

L’expert agricole Vahid Maharramli considère la décision récente du point de vue des capacités, affirmant que le pays a une capacité limitée pour réaliser des événements mondiaux d’une telle ampleur et, par conséquent, cela porte préjudice aux moyens de subsistance des populations. Il s’est demandé pourquoi l’Azerbaïdjan devait accueillir de tels événements dans une interview avec Meydan TV :

Un certain nombre de restrictions ont déjà été introduites à la suite de la COP29. Pourquoi ne sommes-nous pas autorisés à vivre normalement nos vies ? Chaque fois qu’un événement international se tient en Azerbaïdjan, des restrictions sont introduites. Arrêter le travail des salles de mariage, n’a pas seulement un impact sur leurs propriétaires, mais aussi sur les personnes qui y travaillent.

Dans une interview[az] avec Abzas Media, l’avocat Asabali Mustafayev a déclaré que parce que l’Azerbaïdjan n’a pas de législation pertinente sur la gestion de telles situations, «il est difficile de savoir quel type de mesures devraient être prises [pour les entreprises concernées]. Pendant la pandémie, le gouvernement a dit aux gens de rester à la maison et il a indemnisé les particuliers ainsi que les entreprises.» Mustafayev a noté que le fait d'imposer des restrictions pendant la COP29 qui affectent directement les entreprises devrait avoir des mesures similaires.

Les institutions gouvernementales compétentes n’ont pas fait de déclaration officielle sur une éventuelle indemnisation.

Hausse des prix et inflation

À la fin de juin, le pays a connu une augmentation[az] des tarifs pour l’essence, le diesel, les transports publics et le transport des déchets ménagers. Selon le Conseil des tarifs, l’organisme d’État chargé de fixer les prix locaux, la décision d’augmenter le prix du diesel était environnementale compte tenu de l’impact du diesel sur l’environnement. Les experts pensent le contraire[az] et disent que les augmentations sont la tentative du gouvernement de compenser la baisse des revenus du pétrole et du gaz par des hausses de prix tout en déguisant[az] ces hausses comme une solution aux « problèmes écologiques ». Pendant ce temps, la capitale Bakou est en pleine rénovation alors que les habitants de la ville font face à une chaleur torride, aux embouteillages dus aux fermetures de routes et à la poussière de la reconstruction.

Des experts indépendants ont prédit[az] que les prix des produits alimentaires de base augmenteraient, une fois que le gouvernement aurait augmenté les coûts du carburant. Et ils ont augmenté. Par exemple, les agriculteurs ont déclaré[az] que l’augmentation des coûts du carburant affectait tout, du labourage et du transport jusqu'à la récolte. Maharramli, l’expert agricole, prévoit[az] que les coûts des agriculteurs augmenteront de 60 millions de manats [AZN] (environ 35.200 dollars) sur la base des données fournies par le Comité d’Etat des statistiques [de la République d'Azerbaïdjan], ce qui entraînera une augmentation des coûts de tous les biens et produits dans les mois à venir.

Le 11 juillet, le Comité d’Etat des statistiques a également mentionné[az] une augmentation des denrées alimentaires de base telles que la farine[az], les pâtes, la viande rouge et les œufs ainsi que l’huile d’olive, les fruits et les légumes.

D’autres économistes indépendants comme Rovshan Aghayev prédisent[az] également une inflation à la suite des récentes hausses. Dans une interview avec Meydan TV, Aghayev a affirmé que, compte tenu des coûts mensuels par ménage sur le transport public et l’essence qui sont de plus de 10%, un taux d’inflation supplémentaire de 1% devrait être prévu en automne. La Banque centrale d’Azerbaïdjan estime que le taux d’inflation est de 1,5% en raison de la hausse des tarifs.

Natig Jafarli prévoit[az] aussi les hausses des services publics. « Les dépenses augmentent, les revenus diminuent et ce n’est que le début. Les services publics vont également augmenter et, d’ici 2025, le manat perdra de la valeur », a déclaré Jafarli à Meydan TV.

À l'approche de la COP29, la capitale Bakou a subi des réparations et reconstructions importantes. Les habitants qui ont parlé avec Global Voices se sont plaints des embouteillages et des déviations sur les voies de transport public, qui font que le trajet normal soit désormais deux fois, voire trois fois plus long. Dans une interview accordée à Meydan TV, l’économiste Natig Jafarli a déclaré qu'environ 470 millions de manats (environ 277 millions de dollars) avaient été alloués pour des travaux de rénovation dans toute la ville avant la COP29. « Ces travaux démontrent que ce gouvernement se soucie davantage de faire bonne impression auprès de ses invités internationaux, plutôt que d’impressionner ses citoyens », a mentionné Jafarli à Meydan TV. Officiellement, les autorités et le comité organisateur n’ont pas divulgué le budget total alloué pour ces projets de rénovation et le financement de l’évènement entier.

Certains experts estiment que les dépenses indirectes de la COP29 s'élèvent à plus d'un milliard de dollars, y compris les dépenses liées aux infrastructures, aux hôtels, au transport, à la logistique, la communication et la sécurité.

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Gaza : la vie est encore plus difficile qu’elle ne paraît à l’écranhttps://fr.globalvoices.org/?p=289593http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240903_174111_Gaza___la_vie_est_encore_plus_difficile_qu___elle_ne_parait_a_l___ecranTue, 03 Sep 2024 15:41:11 +0000Un témoignage sur les difficultés de la vie quotidienne à Gaza.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Illustration de personnes marchant dans la rue

Photo d’Issam Hajjaj, illustrée par Zena El Abdallah, utilisée avec autorisation.

Cet article a été écrit par Issam Hani Hajjaj et publié à l'origine en arabe par UntoldMag le 1er août 2024. Il a été traduit en anglais par Walid El Houri et publié avec autorisation sur Global Voices.

La réalité à Gaza est plus difficile qu’on ne l’imagine. Il y a deux semaines, j’ai bu ce qui était censé être de l’eau potable. Et jusqu'à ce jour, mon estomac me fait encore mal de temps en temps. L’eau est aussi potable que Gaza n'est vivable.

Une semaine après notre déplacement de l’hôpital européen de Gaza à la zone humanitaire d’Al-Mawasi — une zone que l’armée israélienne vend au monde entier — j’ai été réveillé par la voix d’un enfant qui criait : « l’Amérique bombarde la Palestine! »

Bien que ce soient les forces d’occupation israéliennes qui frappent la Palestine, avec le soutien des États-Unis, je me suis demandé comment de telles pensées se sont formées dans l’esprit de cet enfant. Comment est-il arrivé à formuler une telle phrase ?

Al-Mawasi est une vaste zone de Khan Younès et Rafah que les forces d’occupation israéliennes ont désignée comme zone pour les citoyens déplacés avant qu’ils n’entrent dans un gouvernorat. Les tentes y sont très entassées, certaines portant les noms de pays donateurs. Ces tentes diffèrent par leur forme et leur tissu, certaines étant en cuir et d’autres en différents matériaux. Les tentes les plus importantes sont celles des Émirats arabes unis, de l’Arabie saoudite et de l’Allemagne en raison de leur taille, suivies par les tentes pakistanaises connues pour leur forme géométrique distincte et leur tissu.

Les habitants d’ici vivent dans un état constant de déplacement, forcés à se déplacer chaque fois que l’armée décide d’entrer dans une nouvelle zone, laissant derrière eux une traînée de vies innocentes.

En réalité, la zone de Mawasi est devenue l’endroit le plus dangereux de la bande de Gaza à cause des bombardements répétés par l’armée israélienne. Des milliers de personnes ont été tuées en un instant, pour la seule raison que l’armée a le pouvoir de tuer.

Le voyage de déplacement commence dès l'instant où l’armée annonce l’évacuation d’un lieu. Les gens se démènent pour trouver des véhicules pour se transporter eux-mêmes ainsi que leurs biens, et la souffrance des personnes déplacées commence avec les profiteurs de guerre qui exigent des prix exorbitants pour le transport. Personne n’a d’autre choix que de payer, car la survie est la priorité.

Vous démontez votre tente, rassemblez tout ce que vous pouvez et déménagez à un nouvel endroit où vous pourrez à nouveau installer la tente. Une fois sur place, vous commencez à préparer une salle de bain. L’eau est la ressource la plus importante, par conséquent les gens cherchent des endroits près des sources d’eau.

Après avoir trouvé un endroit pour installer notre tente dans la région de Mawasi, plus précisément à Asdaa, nous avons acheté une tente et l’avons installée avec l’aide du vendeur. Le lendemain, nous avons creusé un trou circulaire de deux mètres de profondeur pour vider les toilettes. Nous avons acheté une base en ciment pour la salle de bain, prolongé un tuyau en plastique au trou et ainsi nous avons terminé la construction de la salle de bain au sol, connue sous le nom de « salle de bain arabe ». Il s’agit d’un petit espace clos de 1,5 mètre (4,9 pieds) sur 1,5 mètre, entouré de tissus ou de bâches.

Certaines personnes peuvent construire une salle de bain de style occidental, surtout dans les camps soutenus par certains partis. Cependant, la salle de bain arabe est plus adaptée au déplacement, car elle utilise moins d’eau et est plus saine pour la posture du corps. Toutefois, ce type de salle de bain est difficile pour quelqu’un comme mon père qui a des blessures à la main et au pied, qui devraient être soignées dans un hôpital.

Mon père souffre de doubles fractures à la main gauche et au pied droit, les deux contenant désormais des plaques internes. Il a également perdu son œil gauche, rendant la vie à l’intérieur de la tente insupportable sous le rude soleil, ce qui aggrave encore sa condition. Il a besoin de trois opérations immédiates, mais personne ne voit sa souffrance à part nous et malgré son état critique, nous n’avons pas été en mesure de le faire sortir de Gaza pour le faire soigner.

Pour créer un peu d’intimité, vous vous encerclez avec des bâches, couvrant un côté de la tente et vous désignez les coins pour la cuisine et la buanderie.

Dans la ville d’Asdaa, l’élimination des déchets est différente de celle des autres zones de Gaza. Les gens creusent des trous pour enterrer leurs déchets parce que les camions-poubelles ne peuvent pas atteindre cet endroit, et il est impossible de construire une décharge ici.

La tente est incroyablement chaude dans la journée et glaciale la nuit. Pendant la journée, vous avez envie d'enlever tous vos vêtements, tandis que la nuit, vous frissonnez sous vos couvertures. Le soleil vous réveille le matin, vous êtes trempé de sueur, avec des mouches qui bourdonnent autour de votre visage. Le sable est partout — sur votre corps, dans vos vêtements et même dans votre nourriture.

Au début, l’inconfort est accablant, mais finalement, vous vous adaptez. Dans la région, il y a un grand puits appelé « Al-Hawoz », qui fournit de l'eau à toute la région. Les gens viennent de différentes zones pour remplir leurs réservoirs, en les transportant sur des charrettes tirées par des ânes et des charrettes de fortune ou en transportant l’eau à la main sur de longues distances.

En ce qui concerne l’eau potable, parfois un camion gratuit arrive et les gens se précipitent vers lui, se battant pour obtenir de l’eau. C’est la seule occasion d’obtenir de l’eau quelque peu potable sans payer 1 dollar pour 10 litres (2,6 gallons). Dans cette chaleur intense et avec le besoin pressant d’eau, une si petite quantité est insuffisante.

Beaucoup de personnes ne peuvent pas subvenir à leurs besoins quotidiens et survivre avec le peu qu’ils ont. Cette situation oblige les gens à boire de l’eau courante, ce qui entraîne souvent des coliques et des diarrhées[en]. Avec un manque de soins appropriés, leur situation est désolante.

Lire aussi : La guerre d'Israël contre Gaza

Pour une famille comme la mienne, composée de huit personnes, nous avons besoin d’environ 550 dollars par mois juste pour la nourriture en raison des prix élevés. D’autres nécessités, comme la recharge des téléphones, l’utilisation d’Internet et beaucoup d'autres choses ont un coût supplémentaire. La vie vous oblige à prioriser ce qui est le plus important pour vous et votre famille en fonction de vos revenus, mais vous ne réussirez pas toujours.

De nombreuses personnes ont perdu leur emploi et se sont tournées vers la vente de marchandises. Le commerce est devenu la profession la plus courante, car tout le reste a cessé — à l’exception du commerce des marchandises et les profits de guerre. Aussi terrible que la vie à Gaza paraisse sur les écrans, la réalité est bien plus difficile qu’on ne peut l’imaginer.

Il y a deux semaines, j’ai bu de l’eau et mon estomac en souffre encore aujourd'hui. L’eau était censée être potable, tout comme Gaza est censée être habitable.

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90 pour cent des Kenyans sont-ils homophobes ?https://fr.globalvoices.org/?p=289667http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240903_171549_90_pour_cent_des_Kenyans_sont-ils_homophobes__Tue, 03 Sep 2024 15:15:49 +0000Le groupe de défense ultra-conservateur CitizenGo a fait circuler une pétition contenant des données trompeuses

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Cet article a été rédigé par Linda Ngari avec le soutien de l’ Initiative pour l'égalité et la non-discrimination (INEND) pour surveiller et démystifier les informations erronées ciblant la communauté LGBTQ+ du Kenya en ligne et hors ligne. 

[Sauf indication contraire, tous les liens mènent vers des sites en anglais]

Un  arrêt de la Cour suprême du Kenya , censé réaffirmer les droits des homosexuels kenyans garantis par la  Constitution , a été ironiquement utilisé pour déclencher une homophobie déséquilibrée et politiquement motivée, en particulier par la classe politique et les groupes de pression de droite.

La décision rendue en février 2023 a mis fin à une bataille judiciaire d’une décennie et a permis aux organisations défendant les droits LGBTQ+ de s’enregistrer officiellement auprès du Conseil de coordination des ONG. Cependant, cela a suscité une rhétorique homophobe troublante en ligne et hors ligne, les principaux partisans du discours de haine contre les Kenyans queer étant des dirigeants politiques .

Une motion  déposée par le député de Nyali , Mohamed Ali, prétendant protéger « les valeurs familiales et la race humaine contre l'extinction », a abouti à  l'adoption par le parlement du Kenya d'un projet de loi interdisant la discussion, la publication  et la diffusion de contenus LGBTQ+ dans le pays. . La motion a été adoptée à l'unanimité en avril 2023 .

Même après le jugement de février 2023, l'indignation du public a conduit à ce que l'affaire, initialement présentée devant le tribunal en 2012, soit examinée par la Cour suprême en septembre 2023 . Une fois de plus, le tribunal a maintenu sa position en faveur de la liberté d’association des organisations LGBTQ+ .

L’opposition à la décision s’est manifestée à la fois en ligne et hors ligne. Le 15 septembre 2023 , Mohamed Ali a partagé sur X (anciennement Twitter) qu'il avait rejoint une marche anti-LGBTQ+ à Momabasa . Le vice-président Rigathi Gachagua [fr] a  également ignoré la décision de la Cour suprême . Cependant, l'une des oppositions les plus notables est venue de la proposition du député de Homa Bay [fr], Peter Kaluma , d'amender le projet de loi sur la protection de la famille du Kenya pour inclure la criminalisation des relations LGBTQ+ et interdire l'éducation sexuelle complète.

Pour soutenir la proposition de Kaluma, une organisation de droite appelée CitizenGo [fr[ a fait circuler une pétition intitulée « Je soutiens le projet de loi sur la protection de la famille de 2023 de l'honorable Peter Kaluma ». La pétition a été lancée en avril 2023 et a jusqu'à présent reçu plus de 4 000 signatures. Il contient une affirmation selon laquelle un sondage « récent » réalisé par la société d'études marketing IPSOS aurait révélé que 90 pour cent des Kenyans seraient opposés à l'homosexualité. 

Pour commencer, qualifier les suggestions de Peter Kaluma de projet de loi est trompeur. Le parlement du Kenya définit une proposition de loi comme un projet de loi présenté pour débat. Il n'y a aucune mention du projet de loi sur la protection de la famille dans le système de suivi des projets de loi [fr] du parlement kenyan . Le hansard parlementaire ne contient pas non plus de trace du projet de loi sur la protection de la famille n'ayant jamais été discuté au Parlement.

Pour vérifier l'affirmation selon laquelle IPSOS, dont le nom a déjà été utilisé pour fabriquer de faux sondages , aurait réalisé les données citées par CitizenGo, cet auteur a contacté IPSOS. En réponse, le directeur général d'IPSOS Kenya, Chris Githaiga, a publié une déclaration précisant qu'IPSOS Kenya « n'a mené aucun sondage sur l'homosexualité ni aucune étude connexe.

D’ailleurs, une recherche sur Google de la phrase : « 90 pour cent des Kenyans sont opposés à l’homosexualité », fait apparaître un article publié par The Guardian en 2015 . L’article montre qu’en 2013, soit il y a 11 ans, 90 pour cent des Kenyans étaient contre l’homosexualité. L’article cite une enquête menée par l’American Pew Research Center, d’où proviennent les données citées par CitizenGo – et non d’IPSOS, comme on le prétend.

En règle générale, la recherche est considérée comme périmée et obsolète si elle elle de 10 ans. Cela prouve que l’affirmation de CitizenGo, citant prétendument un « sondage récent », est issue d’une recherche effectuée il y a 11 ans et est donc obsolète.

Qu'est-ce que c'est CtizenGO ? 

CitizenGO est une organisation basée en Espagne fondée par Ignacio Arsuaga [es], se présentant comme une communauté de citoyens dédiés à la défense des « valeurs familiales ».  L'organisation mène des campagnes particulièrement alignées sur les idéologies de droite, telles que  des campagnes anti-choix, ainsi que l'interdiction et l'arrêt de la mise en œuvre d'une éducation sexuelle complète.

Certaines des réussites dont CitizenGo se vante sur sa page Web des victoires incluent leur pétition pour exempter les églises du Kenya de .payer l'impôt , une autre pétition pour interdire Tiktok au Kenya pour contenu sexuellement provocateur et encore une autre pour une pétition pour arrêter la légalisation de l’avortement au Libéria . Sur la base de trois seuls échantillons, les victoires revendiquées par le groupe désinforment soit par omission, soit en déformant les faits.

Même s'ils ne déclarent pas la méthodologie qu'ils emploient avant de qualifier une campagne de réussie ou de « victorieuse », la décision visant à exempter les églises du Kenya du paiement de l'impôt a en réalité été rendue possible par un arrêt de la Haute Cour . Concernant la prétendue interdiction de TikTok au Kenya, cette affirmation a déjà été vérifiée et jugée fausse . Le Parlement a discuté d’une pétition visant à interdire TikTok en août 2023, mais cette motion n’a pas été adoptée. Au lieu de cela, le gouvernement du Kenya a ordonné en avril 2024 à TikTok de déposer des rapports de conformité tous les trois mois dans le but de réglementer la plateforme de contenu au lieu de l'interdire complètement. Quant à la pétition visant à mettre fin à la légalisation de l'avortement au Libéria, la pétition de CitizenGO cite des affirmations infondées initialement faites par un média en ligne selon lesquelles le gouvernement suédois aurait payé 20 000 dollars à chaque sénateur libérien pour légaliser l'avortement. Hormis trois autres blogs qui ont publié cette allégation, cette affirmation n’a été rapportée par aucun média libérien crédible.

Selon un rapport de la Fondation Mozilla [fr], CitizenGo était à l'origine de campagnes de diffamation sponsorisées contre le projet de loi kenyan sur les soins de santé reproductive de 2020 et le projet de loi sur la maternité de substitution de 2021. Les campagnes étaient évidentes en ligne à travers des hashtags tels que #stopsurrogacybillKE #notoabortionKE  et #Notoabortionincovid19 , les campagnes ciblaient également les législateurs kenyans qui soutenaient les projets de loi via des hashtags tels que #stopkihikaabortionbill  #passarisabortionkills et #KihikaAbortionBillSuspended. Le rapport de Mozilla indique en outre que les influenceurs derrière les campagnes auraient été payés entre 10 et 15 dollars par campagne par des individus au nom de CitizenGO.

Ignacio Arsuaga avait initialement fondé l’ organisation controversée HazteOir, qui précède sa branche mondiale, CitizenGo. L'organisation est liée au parti politique de droite espagnol appelé Vox Party [fr] . D'après un article du Washington Post , CitizenGo finance et est financé par des idéologies qui divisent et des partisans politiquement alignés à l'échelle mondiale. L'organisation a participé à la collecte de fonds pour la campagne présidentielle de Donald Trump [fr] en 2016 et est non seulement déterminée à mener des campagnes anti-choix, mais s'aligne également sur les mouvements islamophobes, révèle le Washington Post .

Contrairement aux lois sur la protection des données, CitizenGo ajoute automatiquement tous les e-mails répondant à leurs pétitions à leur liste de diffusion sans consentement. Les courriels suivants demandent des dons et des signatures pour les pétitions les plus récentes.

Est-il possible que les opérations d’influence étrangère occidentales entraînent des pays africains comme le Kenya dans des guerres culturelles dont eux seuls comprennent l’issue ?

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Le conflit diplomatique avec l’Équateur en faveur du Mexiquehttps://fr.globalvoices.org/?p=289486http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240903_163729_Le_conflit_diplomatique_avec_l___Equateur_en_faveur_du_MexiqueTue, 03 Sep 2024 14:37:29 +0000L’Équateur est devenu isolé au niveau régional

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Homme se tenant debout devant une assemblée

Jorge Glas, ancien vice-président de la République d’Équateur, a demandé antérieurement l’asile à l’ambassade du Mexique à Quito et se trouve actuellement dans une prison équatorienne pour corruption présumée. Photo de l’Assemblée nationale de l’Équateur/Flickr modifiée par Melissa Vida. CC BY-SA 2.0

Dans la nuit du 4 avril 2024, les forces équatoriennes ont perquisitionné l’ambassade du Mexique à Quito, violant la Convention internationale de Vienne qui réglemente les droits et obligations entre les États internationaux. Ils y ont maîtrisé le responsable de l’ambassade et arrêté l’ancien vice-président équatorien Jorge Glas, recherché par les autorités équatoriennes pour corruption dans l’affaire de la société brésilienne Odebrecht. Il a également été l’une des principales figures de l'infâme administration de l’ancien président Rafael Correa.

Son arrestation avait une importance politique claire pour le président équatorien Daniel Noboa. Noboa espérait que cela montrerait sa ferme conviction sur la politique de sécurité et porterait atteinte au moral des bases de la gauche, el correísmo, actuellement la force majeure du congrès équatorien.

Pour Noboa, cela valait la peine d’entrer dans un petit conflit diplomatique avec le Mexique ; il n’y avait vraiment pas grand-chose à perdre. Dans son premier discours à la Nation, Noboa n'a pas mentionné le différend diplomatique avec le Mexique. Pour Daniel Noboa de centre droit, le commerce pesait plus lourd. Et les relations commerciales entre l’Équateur et le Mexique étaient presque inexistantes. Le 9 juillet, Daniel Noboa a déclaré que «le Mexique est l’un de ses pires partenaires» se référant aux échanges commerciaux inégaux entre les deux pays.

En décembre 2023, Glas est arrivé à l’ambassade du Mexique et, à partir de ce moment, les relations entre l’Équateur et le Mexique étaient dans une impasse. Le Mexique ne libérait pas Glas, le considérant comme une victime politique, et l’Équateur a allégué sa corruption. L’homme a été enfermé pendant trois mois dans une prison de haute sécurité dans la ville équatorienne de Guayaquil. Le 8 juillet, la justice équatorienne a refusé la libération de Glas sur la base d’un «habeas corpus» ; les autorités n’ont pas trouvé de présumée maltraitance physique et psychologique pendant son séjour en prison.

Le Mexique en tête des progressistes

En ce moment, l’Amérique latine se retrouve divisée en deux pôles idéologiques : un front avec des dirigeants tels que le mexicain López Obrador et maintenant sa successeure Claudia Sheinbaum, Lula da Silva au Brésil, Gustavo Petro en Colombie et Gabriel Boric au Chili. Ces derniers partagent des idées communes du progressisme social et cherchent à renforcer les liens entre les pays latino-américains.

D’autre part, en réponse aux résultats électoraux en Équateur et en Argentine, un front libéral de droite est apparu, qui n’est pas nécessairement uni, mais vise à être révolutionnaire et unilatéral dans ses politiques, en donnant la priorité aux politiques de sécurité nationale plus strictes et aux investissements étrangers. Ici, nous retrouvons des personnalités comme Javier Milei d’Argentine, le Salvadorien Nayib Bukele et Daniel Noboa, qui promeuvent l’idée du scepticisme latino-américain, en revenant à une politique de renforcement des liens avec les États-Unis et les pays occidentaux, car la recherche d'investissements est plus importante que les projets de développement régional.

Cependant, au Mexique, le discours patriotique était présent tout au long de l’administration de López Obrador (communément appelé AMLO [Andrés Manuel López Obrador]). AMLO a acquis une énorme notoriété dans la région en favorisant le rapprochement avec l’Argentin Alberto Fernández, en protégeant la famille de l’ancien président de gauche péruvien Pedro Castillo, en offrant l’asile à l’ancien président bolivien Evo Morales en 2019, et grâce à la rencontre avec ses homologues chilien et colombien, Gabriel Boric et Gustavo Petro, respectivement. Par ces choix, AMLO a renforcé la position de la gauche latino-américaine, mal représentée par les gouvernements du Venezuela et du Nicaragua.

Le Mexique se sentait habilité à devenir la voix de l’Amérique latine et a proposé, lors de sa réunion avec la Communauté d'États latino-américains et caraïbes (CELAC), la création d’une organisation pour remplacer l’Organisation des États américains (OEA). Selon AMLO, l’OEA avait échoué avec la crise politique en Bolivie en 2019. Le Mexique a renforcé ses liens avec la région, espérant un retour sur investissement.

Cette récompense est survenue lorsque le président Petro a surgi pour défendre le Mexique dans la débâcle de l’ambassade, et que le Nicaragua et le Venezuela ont coupé les liens avec l’Équateur. Le Brésil, l’Uruguay, Cuba et la plupart des pays d’Amérique centrale (à l’exception du Salvador) se sont rangés à la défense du Mexique, laissant l’Équateur complètement isolé sur la scène régionale.

Lorsque le Royaume-Uni, l’Union européenne, la Norvège, la Chine et même la Russie ont défendu la position du Mexique, c’est alors que les États-Unis d’Amérique et le Canada se sont timidement rangés du côté du Mexique. La position d’AMLO a été renforcée dans la région et s'est intensifiée en interne, tandis qu’en Equateur, Noboa a perdu un accord politique avec le parti de la Révolution citoyenne [el Correísmo] — un allié essentiel pour faire passer son programme législatif.

Cependant, la violation flagrante de la Convention de Vienne représentait un dilemme même pour les politiciens de droite, car tout réfugié politique pouvait être expulsé de force des missions diplomatiques. L’événement a été si perturbateur que la présidente du Pérou Dina Boluarte, qu’AMLO avait qualifiée d'« usurpatrice », et même l’Argentin Javier Milei, qui avait échangé des insultes avec AMLO, ont fermé les rangs sur le flanc mexicain.

En Équateur, cela a conduit Noboa à la perte du soutien de l’assemblée équatorienne et lui a attiré une animosité internationale, mais sur le plan positif, il a remporté une victoire retentissante lors du référendum du 29 avril, où neuf propositions sur onze ont été approuvées par la population. En fin de compte, son programme de sécurité lui a assuré la victoire.

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Les villages côtiers peinent à se remettre de la marée noire survenue près de la capitale philippinehttps://fr.globalvoices.org/?p=289713http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240903_161714_Les_villages_cotiers_peinent_a_se_remettre_de_la_maree_noire_survenue_pres_de_la_capitale_philippineTue, 03 Sep 2024 14:17:14 +0000Les opérations de nettoyage se poursuivent près d'un mois après le déversement.

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Bataan coastal area

Un garde-côte  et des habitants  inspectent une zone côtière près d'un navire abandonné à Bataan. Source: la page Facebook des garde-côtes de Philippine, une agence gouvernementale. Domaine public.


Près d’un mois après la marée noire qui a affecté les provinces de Cavite et Bataan situées respectivement au sud et au nord de la région de la capitale nationale des Philippines, au moins 50 000 pêcheurs et leurs familles sont aux prises avec les conséquences persistantes de ce désastre.

Un navire transportant  1,4 million de litres de fioul industriel a coulé  en juillet 2025 au large de Bataan. Deux jours plus tard, un autre navire  transportant 55 000 litres de diesel a également chaviré à Bataan. Tandis qu’un troisième navire transportant du pétrole a été abandonné dans la même province. L’accident peut être particulièrement associé au Typhon Carina (mondialement connu sous le nom de Gaemi) qui a entrainé des conditions maritimes dangereuses et à de fortes pluies dans la région.

La marée noire a atteint les 84 kilomètres carrés et est accusée d’avoir affecté la moitié de la baie de Manille. Un état d'urgence a été signalé dans huit villes côtières de Cavite.

De nombreuses agences gouvernementales ont dirigé les efforts de nettoyage et la distribution des secours d’urgence. Le gouvernement a signalé une interdiction de pêcher  dans la province de Cavite; ce qui a énormément affecté la vie de 30 000 pêcheurs.

Le 18 août, les Garde-côtes  ont déclaré que seuls 42 000 litres de pétrole ont pu être récupérés.

L’interdiction de pêcher a été levée dans la plupart des régions, mais depuis le 22  août les autorités continuent de penser que les poissons capturés dans cinq villes de Cavite restent impropres à la consommation humaine. Ce qui a impacté négativement l’approvisionnement alimentaire des consommateurs et a privé les personnes travaillant dans l’industrie de la pêche de leur principale source de revenus.

Les habitants, les pêcheurs et les groupes environnementaux ont  dénoncé la réponse « inadéquate » du gouvernement. L’urgence de la situation a incité les différents groupes locaux et nationaux à faire du bénévolat  et à prêter main-forte aux communautés affectées.

Le groupe de pêcheurs Pamalakaya  a déclaré lors d’une interview avec les médias  que les subventions étaient faibles lorsque l’interdiction avait déjà été appliquée.

L’aide d’urgence  est insuffisante et irrégulière. Si l’interdiction de pêcher est maintenue, l’aide aux pêcheurs affectés doit être garantie, car ils ont été privés de leur seule source de revenus.

En raison d'un vide juridique, les entreprises responsables de la marée noire  ne peuvent être tenues pour responsable de cette catastrophe.  Lors d’une audience au Sénat, Jefferson Chua, responsable de campagne à Greenpeace, a montré les failles de cette législation. Il a recommandé ce qui suit :

Le gouvernement devrait demander aux entreprises concernées de prendre leurs responsabilités. Il doit contraindre ces entreprises à s’afficher au grand jour, à assumer les responsabilités de la marée noire, à indemniser les communautés et les autorités locales pour les dommages causés sur la santé, les écosystèmes et les moyens de subsistance,  et payer les réparations sur les répercussions de ce désastre…

Advocates of Science and Technology for the People (AGHAM) a remis en question la décision des garde-côtes de donner l'accès aux navires de naviguer malgré les conditions maritimes difficiles qu’a entraîné le typhon Carina le 25 juin. « Cela montre le manque de sincérité du gouvernement dans la mise en place des mesures préventives en cas de catastrophes ». A-t-il déclaré.

Cavite fishing village

Les habitants d'un village de pêcheurs s'efforcent de s'ouvrir et de se rétablir après la marée noire qui a frappé la baie de manille . Source: page Facebook d'Agham, utilisée avec permission.

Le réseau philippin des Programmes de Sécurité alimentaire a décrit  toutes les réponses du gouvernement comme « ne répondant pas à la gravité de la situation ».

Ce qu’il faut c’est une action décisive et compréhensible du gouvernement nationale pour résoudre les dommages écologiques et sociaux causés par la marée noire. Ceci est non seulement un appel d’effort immédiat d’assainissement mais aussi une mesure qui priorise les mesures de protection de l’environnement, des producteurs de denrées alimentaires et des consommateurs.

Gloria Estenzo Ramos d'Océanie a mis en garde sur les effets négatifs à long terme de cette marée noire.

La présence de la marée noire  dans notre océan est comme un feu de brousse dans nos forêts, laissant une trace de destruction qui a suivi des décennies d’impactes négatifs. Nous savons tous que la marée noire représente un piège mortel pour les écosystèmes marins et provoque des effets négatifs sur les Hommes, la vie sauvage et sur notre environnement. Si la mer n’est pas nettoyée sainement des plus d’un million de litres d’huile, cela pourrait tuer nos animaux marins, détruire notre mangrove et mettre la santé des Hommes en danger ainsi que leur source alimentaire et leur style de vie.

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A la rencontre du boxeur américain qui est a l'origine de la première école de boxe en Ouzbékistanhttps://fr.globalvoices.org/?p=289662http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240903_150257_A_la_rencontre_du_boxeur_americain_qui_est_a_l_origine_de_la_premiere_ecole_de_boxe_en_OuzbekistanTue, 03 Sep 2024 13:02:57 +0000Sydney Jackson a entraîné des enfants à Tachkent pendant 45 ans

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Sydney Jackson et ses élèves de l'école de boxe àTashkent. capture d'écran de la vidéo “«Феномен Сиднея Джаксона» документальный фильм” from Uzbek TV de la chaîne YouTube. Utilisée avec permission.

L’équipe nationale masculine de boxe de l’Ouzbékistan est entrée dans l’histoire des Jeux olympiques de Paris en été 2024, en gagnant la médaille d'or dans cinq des huit catégories de poids, ce qui lui a permis de s’inscrire comme la performance la plus réussie dans l’histoire de la boxe olympique. Hasanboy Dusmatov (jusqu'à  51 kg), Abdulmalik Khalokov (jusqu'à  57 kg), Asadhudja Muidinhujaev (jusqu'à  71 kg), Lazizbek Mullojonov (92 kg), Bakhodir Jalolov (plus de 92 kg) tous devenus champions olympiques . C'était la deuxième fois pour Dusmatov et Zhalolov de recevoir la médaille d’or scellant ainsi leurs statuts dans l’histoire de la boxe en Ouzbékistan.

Les performances des boxeurs ouzbeks ont permis à l’Ouzbékistan d'enregistrer sa meilleure performance aux Jeux olympiques en sortant 13e sur 206 pays  avec huit médailles d’or, deux médailles d’argent et trois médailles de bronze. La performance historique des boxeurs ouzbeks à Paris n’était pas une surprise pour les passionnés de boxe. Depuis l’indépendance du pays en 1991, les boxeurs ouzbeks ont été brillants durant la plupart des tournois internationaux, avec un succès croissant au cours des 33 dernières années.

La vidéo suivante montre l’évolution des boxeurs ouzbeks.

En été 2016, l’équipe de boxe ouzbek a fini première lors des Jeux olympiques de Rio de Janeiro au Brésil après avoir gagné 3 médailles d’or, deux d’argent et trois de bronze. En 2023, le championnat mondial de boxe organisé à Tashkent, la capitale de l’Ouzbekistan, annonçait le succès des boxeurs ouzbeks aux Jeux olympiques de Paris après avoir gagné 5 médailles d’or, deux médailles d’argent et deux médailles de bronze. Alors que les figures modernes  de la boxe ouzbek Jalolov, Dusmatov, et l’entraineur principal de l’équipe nationale Tulkin Kilichev, sont des noms connus de tous, il y a une personne dont les contributions sont souvent oubliées.

Les fondements de la réussite actuellement de l’Ouzbekistan dans le monde de la boxe reposaient il y a plus de 100 ans peut-être sur la personne la moins probable pour ce rôle, un entraîneur et boxeur ouzbek américain appelé Sydney Jackson. Née en 1888 dans une famille américaine juive appartenant à la classe ouvrière à New York. Jackson s’est  mis à faire de la boxe à l’âge de 2 ans. Il a été champion national et a fait partie de l’équipe nationale américaine, une collaboration qui lui a permis de faire le tour du monde.

En 1914, Jackson s’est rendu en Russie pour voir les « ours marché sur la route » lorsque la Première Guerre Mondiale éclata rendant impossible son retour en Europe. La seule façon de rentrer était de passer par l’Afghanistan et c’est ainsi qu’en 1916, Jackson arriva à Tashkent, la capitale de la République socialiste soviétique d'Ouzbékistan qui est une zone frontalière  a l’Afghanistan. N’ayant pas reçu l’argent de sa famille pour pouvoir  traverser, Jackson se voit obligé de rester en Afghanistan, travaillant premièrement comme coiffeur pour ensuite combattre dans le rang de l’Armée rouge lors de la Guerre Civile Russe.

En 1921, il retourna à Tashkent et devint entraîneur de boxe dans un nouveau club de sport local. C’était le tout premier club de boxe en Ouzbékistan. La même année, il assista à une réunion avec un diplomate américain, qui lui présenta une opportunité de retourner en Amérique mais Jackson répondit qu’il était déjà « trop tard » pour retourner en Amérique et il choisit de rester en disant que c’était « un honneur » pour lui de servir les intérêts de son pays.

Il continua d’entrainer les enfants jusqu’à sa mort en 1966. En 1957, il fut honoré de porter le titre de « meilleur entraineur » de l’Union soviétique. Des milliers d'enfants sont passés par son école de boxe, et certains d'entre eux sont devenus des champions du monde et des champions olympiques, sans parler des dizaines de boxeurs qui ont remporté des championnats nationaux.

Le documentaire ci-dessous raconte l’histoire de Sydney Jakson.

L’incroyable histoire de Jackson sert de testament qui montre comment un homme peut influencer le monde du monde du sport et plusieurs générations d’athlètes. Il a marqué définitivement le sport en Ouzbékistan. Et a permis de fonder ce qui est sans doute devenu l’une des meilleures écoles de boxe du monde.

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Roméo Mivekannin: « L’histoire de la colonisation est une plaie qui n’est pas refermée »https://fr.globalvoices.org/?p=289821http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240903_085807_Romeo_Mivekannin_____L___histoire_de_la_colonisation_est_une_plaie_qui_n___est_pas_refermee___Tue, 03 Sep 2024 06:58:07 +0000Roméo Mivekannin est l'arrière-petit-fils du Roi Béhanzin, roi du Royaume du Dahomey dans l'actuel Bénin

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une des toiles de Roméo Mivekannin représentant Béhanzin dans son fauteuil, Roméo Mivekannin derrière, à la place de l’épouse du souverain, tenant un parapluie. © Roméo Mivekannin

Cet article est repris sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec www.afriquexxi.info. L'article original est à retrouver sur le site d’Afriquexxi.

De l’esclavage à nos jours, le corps des Africain⸱es a toujours servi les intérêts du capitalisme mondial. Des Marocain⸱es vêtu⸱es de copies de marques de luxe européennes aux « migrant⸱es économiques » rejeté·es par la mer ou exploité⸱es, en passant par les déchets industriels déversés par l’Occident et triés à mains nues… Des artistes, comme Roméo Mivekannin, expliquent leur travail à travers une de leurs œuvres et confient leur rapport à cette mondialisation asymétrique.

Né à Bouaké en Côte d'Ivoire en 1986, Roméo Mivekannin est l’un des artistes les plus en vue de la scène artistique contemporaine africaine. Béninois, représenté par la galerie Cécile Fakhoury (basée à Abidjan, Dakar, Paris), Roméo Mivekannin est passé par l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse (France). Ses peintures à l’acrylique sont réalisées sur des draps cousus entre eux et longuement trempés dans des décoctions traditionnelles. Essentiellement en noir et blanc, les toiles reprennent souvent des motifs ou des œuvres issus l’histoire de l’art occidentale pour y réintégrer le corps noir. L’artiste lui-même se représente dans ses compositions avec des autoportraits aux teintes bleues.

Arrière-petit-fils de Béhanzin, le roi Royaume du Dahomey (l'actuel Bénin), battu par les Français à la fin du XIXe siècle et exilé d’abord sur l’île de la Martinique, puis en Algérie, Roméo Mivekannin a réalisé toute une série de peintures à partir des photographies de l’exil du souverain. Certaines d’entre elles seront exposées entre le 4 octobre 2024 et le 5 janvier 2025 à la Conciergerie de Paris, à l’occasion de l’exposition « Révélation ! Art contemporain du Bénin ».

La suite de cet article est le récit de Romeo Mivekannin dans ses propres mots: 

Voyage clandestin au pays

L'histoire de ma série sur le Roi d'Abomey, Béhanzin, est assez complexe. En fait, l’une de mes grands-mères, Yvette, était sa petite-fille. Son père était donc chef de famille et jouait un rôle important à Abomey (ville située au sud du Bénin) à l’époque où Béhanzin a été envoyé en exil en Martinique, en 1894, puis en Algérie par les Français. Cette grand-mère m’a inculqué ses valeurs et m’a raconté sa version de l’histoire béninoise. Comme il était de coutume dans ma famille, à l’heure de finir mes études, j’ai été envoyé en France. Arrivé dans l’Hexagone, j’ai dû mettre en sourdine ces valeurs que l’on m’avait inculquées. Ici, en France, on te fait parfois comprendre que ta fierté, il vaut mieux la mettre un peu de côté. Je me trouvais désormais dans un monde d’étrangers auxquels il était difficile de m’identifier. J’avais l’impression de devoir faire profil bas, alors qu’à Cotonou, quand des gens qui venaient d’Abomey croisaient ma grand-mère, ils lui faisaient une salutation royale !

Un jour, je suis rentré de France pour les vacances, et mes parents n’étaient pas à la maison. Je me suis rendu clandestinement à Abomey, comme un touriste, avec des visiteurs allemands. Évidemment, chez nous, cela ne se fait pas : quand on appartient à la communauté, il faut avertir avant sa venue. Si j’avais été reconnu, cela aurait été perçu comme un véritable affront. La famille royale est, au fond, très conservatrice, elle a ses règles et ses lois. Mais j’avais envie d’en savoir plus sur l’histoire de ce royaume, de faire la part des choses entre ce que me racontait ma grand-mère et ce que je pouvais entendre en France et en Europe, les deux récits étant souvent fondamentalement différents.

« Face à l’altérité, on gagne, mais on perd aussi »

C’est à cette période que j’ai commencé à rechercher et à récolter des photos de la famille royale. Autour de moi, au Bénin, j’ai d’abord rencontré beaucoup d’incrédulité. Les miens ne me croyaient pas quand je leur montrais des images, ils pensaient qu’il s’agissait d’une mise en scène. Comme les rois d’Abomey sont eux-mêmes considérés comme des dieux, il n’est évidemment pas possible de les prendre en photo ! En tout, j’ai récolté une trentaine d’images d’archives sur l’exil de Béhanzin, la première étant une photographie de lui au Fort Tartenson, à la Martinique, où il fut d’abord conduit en 1894. Sur l’ensemble, elles couvrent tout son parcours entre son exil et sa mort, en décembre 1906, en Algérie.

J’ai travaillé sur ces images entre 2019 et 2022 pour réaliser des toiles qui ont ensuite été exposées à Paris, dans la galerie Éric Dupont. À l’origine, les photographies sont au format carte postale 10×12 cm. Comme il est important pour moi de rejouer la scène comme au théâtre, je les agrandies ensuite à taille humaine pour réaliser mes peintures. Je travaille sur des draps que je fais préalablement tremper dans des bains d’élixir, c’est-à-dire des décoctions de plantes et d’alcool vendues dans des bouteilles qu’au Bénin on appelle « atingo ». Avant son décès, mon père m’emmenait dans les bons endroits pour les acheter. Aujourd’hui, je les prépare moi-même avec les feuilles que j’achète – il n’est pas possible de les cueillir soi-même car cela demande une grande connaissance et des pratiques particulières. Les draps trempent pendant plusieurs semaines. Ensuite, j’en réunis plusieurs pour former une toile : il est très important pour moi que plusieurs draps soient liés dans le tableau.

Chez nous, les tissus revêtent une importance capitale tout au long de la vie, ils sont littéralement imprégnés par les corps, jusqu’au linceul de la mort. En reliant plusieurs draps, je réunis plusieurs géographies. Cette démarche est en partie liée à mon histoire : je suis né en Côte d’Ivoire, mes parents ont fui le communisme au Bénin, et je suis ensuite parti en Europe. J’ai toujours été partagé entre plusieurs rives. En partant, on perd toujours quelque chose, et au retour chez soi on n’est plus vraiment considéré comme béninois. Face à l’altérité, on gagne, mais on perd aussi…

L’esclavagisme de Béhanzin, « un tabou à lever »

Bref, quand les draps ont trempé suffisamment de temps, je les fais sécher, je les fixe au mur, je projette l’image à l’échelle humaine et je commence à peindre. J’essaie surtout, d’abord, de saisir le mouvement et le rythme avant d’opérer mon interprétation d’artiste. Je travaille rapidement, à l’acrylique. Le geste est essentiel pour moi. Parfois, je recommence deux ou trois fois parce que je ne suis pas satisfait. Dans la plupart des images, je me mets en scène avec un autoportrait, mais pas dans toutes.

Pendant plusieurs mois, je n’ai travaillé que sur ce projet et j’ai réalisé une vingtaine de toiles. Mon père n’était pas très en forme et je voulais à tout prix terminer la série. Au début, il n’a pas trop aimé. Il s’inquiétait que j’expose cette histoire qui, selon lui, n’appartenait qu’à nous, que je fasse ressurgir de vieux démons. L’histoire du royaume d’Abomey, de l’exil de Béhanzin, de la colonisation, c’est une plaie qui n’est pas vraiment refermée. Mon père me disait : « Tu vis là-bas, es-tu sûr que cela ne va pas te porter préjudice ? » Mais je crois que, vers la fin, il a compris et apprécié. L’exposition a ouvert en juin 2021, le lendemain de son enterrement. Pour moi, il y a un avant et un après cette série.

Au moment de l’exposition, j’ai entendu toutes sortes de critiques. C’est sans doute le travail le moins commercial que j’aie jamais fait, mais je l’ai fait aussi pour mon fils. L’esclavagisme de Béhanzin et du royaume d’Abomey demeure un tabou qui, je pense, doit être levé. Ceux qui vivent aujourd’hui ne sont pas responsables de cette histoire. Pour moi, il est important d’en connaître tous les aspects et de se la réapproprier. Il faut raconter pour continuer d’exister. Aujourd’hui, je collecte encore des images de Béhanzin lors de son exil. Je trouve aussi intéressant de connaître l’image qu’il a laissée à la Martinique, terre d’esclavage, par exemple. Quand j’y étais en décembre 2023 pour l’exposition « Révélation ! » sur les artistes contemporains béninois, j’ai entendu quelqu’un crier : « Béhanzin, tu ne quitteras jamais cette île ! » Pour les Martiniquais, il est presque un de leurs ancêtres. »

Ce reportage vidéo de Tv5monde met en lumière les œuvres de l'artiste:

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Un activiste vietnamien condamné à 5 ans de prison à la suite des propos de « propagande contre l'Etat »https://fr.globalvoices.org/?p=289658http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240902_205000_Un_activiste_vietnamien_condamne_a_5_ans_de_prison_a_la_suite_des_propos_de____propagande_contre_l_Etat___Mon, 02 Sep 2024 18:50:00 +0000Les vidéos d'Anh Chi sur YouTube dénoncent les abus de pouvoir

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Anh Chi

Nguyen Chi Tuyen, également connu sous le nom d'Anh Chi, lors d'un entretien avec le groupe de la société civile The 88 Project, partenaire de Global Voices. Capture d'écran de la video « Vietnam's Message Rings Clear with the Arrest of Nguyen Chi Tuyen – We Will Arrest Whoever We Want, Whenever We Want » (Le message du Vietnam est clair avec l'arrestation de Nguyen Chi Tuyen – Nous arrêterons qui nous voulons, quand nous le voulons) sur The 88 Project. Utilisée avec permission.

Nguyen Chi Tuyen, aussi connu sous le nom Anh Chi, est un activiste vietnamien et youtubeur influent condamné à cinq ans de prison lors d’un procès pour « propagande contre l’Etat. »

Anh Chi a été inculpé le 29  février 2024 en vertu de  l’article 117 du Code pénal qui interdit la fabrication, le stockage, ou la diffusion disséminés des informations à l’encontre de l’État.

Anh Chi est un youtubeur connu pour ses vidéos YouTube sur le droit foncier et la protection de l’environnement. Sa première chaîne YouTube AC Media contient 1000 vidéos avec près de 60.000 followers . Sa deuxième chaîne YouTube, Anh Chi Rau Den, contient 1.600 vidéos avec 98.000 followers. Sa page Facebook quant à elle contient plus de 40 000 followers .

Anh Chi a rejoint les manifestations de 2015 qui ont forcé le gouvernement à laisser tomber l’idée d’abattre 7000 arbres à Hanoi. L’année d’après, il a rejoint les manifestations dénonçant l’impacte d’une hécatombe de poissons causée par le déversement des déchets d’une société sidérurgique.

Il devint actif dans le processus de dénonciation de la politique chinoise de la ligne à neuf traits  qui couvre presque tout le lac du sud, y compris les eaux à l’intérieur du Territoire maritime vietnamien. Depuis que le gouvernement a interdit le rassemblement de plus de 2 personnes, Anh Chi et ses collègues ont  ouvert le club de football No-U FC qui renvoi a la ligne de démarcation en forme de U dévoilé par la chine. .

Anh Chi a soutenu les prisonniers politiques et a milité pour la liberté d’expression. Il a autre fois posté une  lettre ouverte en ligne  défendant le droit des citoyens de dénoncer les abus de pouvoir. « La seule chose que nous avons faite c’est d’agir selon notre conscience, de faire entendre nos idées, nos attentes et nos prises de position ».

Lors d’un interview avec Mekong Review ,en 2017, Anh chi a souligné le rôle des réseaux sociaux dans le renforcement des messages d’activiste à l’intérieur et à l’extérieur du Vietnam.

Les réseaux sociaux sont un outil vraiment important pour nous. C’est le seul moyen que nous avons  d’exprimer nos opinions, d’échanger nos idées, de se connecter avec les autres … cela aurait été très difficile pour nous sans réseau social.

Aujourd’hui nous avons un flux en direct sur Facebook, [qui] peut rendre l’information accessible non seulement au Vietnam, mais aussi dans le monde entier. Ce qui ralentit [les autorités] dans  leur abus de  pouvoir. Grâce à la diffusion en direct, nous pouvons garder les traces [de] leurs crimes. Alors ils ont peur.

L’ancienne génération d’activistes n’avait pas de réseau social, c’est pourquoi ils étaient facilement tués sans éveiller les soupçons. Mais aujourd’hui… le Vietnam n’est plus un pays isolé.

Il s’est également exprimé sur la répression des dissidents dans le pays.

[Le parti communiste] a tout le pouvoir entre ses mains. Ils ont tout en leur possession.  Les prisons, les armes, les policiers, les forces armées, les tribunaux. Nous nous avons rien appart nos cœurs et nos esprits. Et nous pensons que c’est la meilleure chose à faire…c’est tout.

Maintenant que [les membres de ma famille] reçoivent de plus en plus d’informations. Ils se rendent progressivement compte que je ne suis pas seul.  Je suis juste mis à l’avant mais j’ai beaucoup de personnes derrière moi qui peuvent me soutenir discrètement et qui petit à petit commence à comprendre ce que je fais…Et  je pense qu’ils sont plus confiants aujourd’hui qu’il y a quelques années.

Le journaliste Bennett Murray ancien chef de bureau de l’agence allemande Agentur (l’agence de presse allemande) a Hanoï  noté  efficacité des vidéos YouTube de Anh Chi  lors d’un interview avec un groupe de la société civile The 88 project en aout 2024 :

Je pense qu’il s’est adressé aux gens à un niveau très individuel, pas seulement en échangeant des histoires et des idées avec des compagnons de route, mais en s’adressant aux gens sur les réseaux sociaux et en parlant vraiment aux gens qui …. Ont besoin d’entendre des points de vue alternatifs sur la façon dont les choses se passent au Viêt Nam et sur le parti communiste.

Anh Chi a passé plusieurs années sans protester ce qui n’a qu'en même pas empêché son arrestation en février. le groupe The 88 project pense que son arrestation marquait une escalade de la répression gouvernementale à l’encontre des dissidents.

son arrestation en a déconcerté plus d’un et constitue aujourd'hui  la preuve  que personne n’est à l’abri de la répression croissante de la dissidence au Vietnam. Cette dernière répression se caractérise non seulement par la persécution des dissidents antiétatiques, mais aussi par la criminalisation de l’activisme politique et les restrictions qui en découlent pour la société civile et les financements étrangers.

Le groupe a indiqué qu’entre 2018 et 2023, les autorités ont arrêté près de 330 personnes sur la base d’accusation politique.

Après la Condamnation de Anh Chi, l’ ancien prisonnier d’opinion Le Anh Hung a mis en garde contre les effets négatifs de cette communication. Il l’a dit dans un interview avec la radio vietnamienne Radio Free Asia partiellement financé par le gouvernement américain.

Ceci est une condamnation injuste, pour quelqu’un qui milite pour le progrès de son pays.

Ce sont des arrestations et des condamnations faites dans le but d’effrayer et de dissuader quiconque de protester. Aucune nation ou pays ne peut prospérer si ses citoyens vivent dans la peur.

L’avocat de Mr Chi continue de clamer l’innocence de son client et l’inappropriation de sa condamnation. Son équipe juridique prépare leur prochaine étape qui consiste à faire appel.

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Roméo Mivekannin: « L’histoire de la colonisation est une plaie qui n’est pas refermée »https://fr.globalvoices.org/?p=289821http://sebsauvage.net/streisand.me/globalvoices/index.php?20240828_165807_Romeo_Mivekannin_____L___histoire_de_la_colonisation_est_une_plaie_qui_n___est_pas_refermee___Wed, 28 Aug 2024 14:58:07 +0000Roméo Mivekannin est l'arrière-petit-fils du Roi Béhanzin, roi du Royaume du Dahomey dans l'actuel Bénin

Publié à l'origine sur Global Voices en Français

Une des toiles de Roméo Mivekannin représentant Béhanzin dans son fauteuil, Roméo Mivekannin derrière, à la place de l’épouse du souverain, tenant un parapluie. © Roméo Mivekannin

Cet article est repris sur Global Voices dans le cadre d'un partenariat avec www.afriquexxi.info. L'article original est à retrouver sur le site d’Afriquexxi.

De l’esclavage à nos jours, le corps des Africain⸱es a toujours servi les intérêts du capitalisme mondial. Des Marocain⸱es vêtu⸱es de copies de marques de luxe européennes aux « migrant⸱es économiques » rejeté·es par la mer ou exploité⸱es, en passant par les déchets industriels déversés par l’Occident et triés à mains nues… Des artistes, comme Roméo Mivekannin, expliquent leur travail à travers une de leurs œuvres et confient leur rapport à cette mondialisation asymétrique.

Né à Bouaké en Côte d'Ivoire en 1986, Roméo Mivekannin est l’un des artistes les plus en vue de la scène artistique contemporaine africaine. Béninois, représenté par la galerie Cécile Fakhoury (basée à Abidjan, Dakar, Paris), Roméo Mivekannin est passé par l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse (France). Ses peintures à l’acrylique sont réalisées sur des draps cousus entre eux et longuement trempés dans des décoctions traditionnelles. Essentiellement en noir et blanc, les toiles reprennent souvent des motifs ou des œuvres issus l’histoire de l’art occidentale pour y réintégrer le corps noir. L’artiste lui-même se représente dans ses compositions avec des autoportraits aux teintes bleues.

Arrière-petit-fils de Béhanzin, le roi Royaume du Dahomey (l'actuel Bénin), battu par les Français à la fin du XIXe siècle et exilé d’abord sur l’île de la Martinique, puis en Algérie, Roméo Mivekannin a réalisé toute une série de peintures à partir des photographies de l’exil du souverain. Certaines d’entre elles seront exposées entre le 4 octobre 2024 et le 5 janvier 2025 à la Conciergerie de Paris, à l’occasion de l’exposition « Révélation ! Art contemporain du Bénin ».

La suite de cet article est le récit de Romeo Mivekannin dans ses propres mots: 

Voyage clandestin au pays

L'histoire de ma série sur le Roi d'Abomey, Béhanzin, est assez complexe. En fait, l’une de mes grands-mères, Yvette, était sa petite-fille. Son père était donc chef de famille et jouait un rôle important à Abomey (ville située au sud du Bénin) à l’époque où Béhanzin a été envoyé en exil en Martinique, en 1894, puis en Algérie par les Français. Cette grand-mère m’a inculqué ses valeurs et m’a raconté sa version de l’histoire béninoise. Comme il était de coutume dans ma famille, à l’heure de finir mes études, j’ai été envoyé en France. Arrivé dans l’Hexagone, j’ai dû mettre en sourdine ces valeurs que l’on m’avait inculquées. Ici, en France, on te fait parfois comprendre que ta fierté, il vaut mieux la mettre un peu de côté. Je me trouvais désormais dans un monde d’étrangers auxquels il était difficile de m’identifier. J’avais l’impression de devoir faire profil bas, alors qu’à Cotonou, quand des gens qui venaient d’Abomey croisaient ma grand-mère, ils lui faisaient une salutation royale !

Un jour, je suis rentré de France pour les vacances, et mes parents n’étaient pas à la maison. Je me suis rendu clandestinement à Abomey, comme un touriste, avec des visiteurs allemands. Évidemment, chez nous, cela ne se fait pas : quand on appartient à la communauté, il faut avertir avant sa venue. Si j’avais été reconnu, cela aurait été perçu comme un véritable affront. La famille royale est, au fond, très conservatrice, elle a ses règles et ses lois. Mais j’avais envie d’en savoir plus sur l’histoire de ce royaume, de faire la part des choses entre ce que me racontait ma grand-mère et ce que je pouvais entendre en France et en Europe, les deux récits étant souvent fondamentalement différents.

« Face à l’altérité, on gagne, mais on perd aussi »

C’est à cette période que j’ai commencé à rechercher et à récolter des photos de la famille royale. Autour de moi, au Bénin, j’ai d’abord rencontré beaucoup d’incrédulité. Les miens ne me croyaient pas quand je leur montrais des images, ils pensaient qu’il s’agissait d’une mise en scène. Comme les rois d’Abomey sont eux-mêmes considérés comme des dieux, il n’est évidemment pas possible de les prendre en photo ! En tout, j’ai récolté une trentaine d’images d’archives sur l’exil de Béhanzin, la première étant une photographie de lui au Fort Tartenson, à la Martinique, où il fut d’abord conduit en 1894. Sur l’ensemble, elles couvrent tout son parcours entre son exil et sa mort, en décembre 1906, en Algérie.

J’ai travaillé sur ces images entre 2019 et 2022 pour réaliser des toiles qui ont ensuite été exposées à Paris, dans la galerie Éric Dupont. À l’origine, les photographies sont au format carte postale 10×12 cm. Comme il est important pour moi de rejouer la scène comme au théâtre, je les agrandies ensuite à taille humaine pour réaliser mes peintures. Je travaille sur des draps que je fais préalablement tremper dans des bains d’élixir, c’est-à-dire des décoctions de plantes et d’alcool vendues dans des bouteilles qu’au Bénin on appelle « atingo ». Avant son décès, mon père m’emmenait dans les bons endroits pour les ache