Le Royaume-Uni dispose d'un bail de 99 ans sur Diego Garcia
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Archipel des Chagos sur une partie de la carte ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde
La rétrocession de l'archipel de Chagos à l'Ile Maurice vient couronner plusieurs décennies de batailles diplomatiques entre l'Ile et le Royaume Uni. Mais la réinstallation et l'identité des Chagossiens reste une question non-résolue.
L'archipel des Chagos est un territoire faisant parti intégrante des îles qui composent l’Ile Maurice, pays situé en Afrique de l'Est. Trois ans avant l'indépendance du pays, le 12 mars 1968, l'administration britannique confisque l'archipel des Chagos et procède en 1973 à la déportation des communautés locales vers d'autres îles. Ce processus fait de l'archipel un territoire britannique d'outre mer, sur lequel le Royaume Uni établit des bases militaires en collaboration avec les États-Unis pour coordonner des opérations militaires conjointes dans l'océan indien depuis la base d'une autre île, Diego Garcia. Cette île isolée fait partie des Chagos.
Dès 1998, les Chagossiens commencent une série de revendications : réclamations d'une meilleure compensation d'expulsion, le droit d'un possible retour sur leurs terres, le droit d'obtenir la nationalité britannique. Toutes ces demandes sont ignorées par l'administration britannique.
Mais cette lutte de longue durée finit par faire plier le Royaume Uni. En 2017, l'assemblée générale des Nations-Unies apporte son appui à l'île Maurice dans sa bataille contre Londres. Alors que ce dernier refuse de reconnaître la souveraineté de l'île Maurice sur ces terres, la Cour internationale de justice (CIJ) entame des procédures. En mai 2020, l'ONU publie une carte du monde sur laquelle l'archipel des Chagos s'affiche clairement comme territoire appartenant à l'île Maurice.
En janvier 2023, le Royaume Uni finit par accepter de négocier avec l'île, ce qui aboutit à un accord entre les deux parties en octobre 2024. Selon ledit accord, les autorités mauriciennes peuvent réinstaller les Chagossiens sur l'île, sauf sur Diego Gracia qui abrite les bases militaires.
Dans l’exercice de sa souveraineté sur l’archipel des Chagos, Maurice est libre de mettre en œuvre un programme de réinstallation sur les îles de l’archipel des Chagos autres que Diego Garcia. Cette réinstallation sera mise en œuvre conformément aux termes du présent Accord et aux lois mauriciennes.
Toutefois, les questions environnementales sont également inscrites à l'agenda de cet accord qui stipule :
Les Parties coopéreront sur d’autres questions relatives à la protection de l’environnement, notamment en ce qui concerne les déversements d’hydrocarbures et autres, ainsi que la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.
Le Royaume Uni s'autorise donc à continuer l'exploitation de l'île Diego Garcia pour les opérations militaires. Keir Starmer, Premier ministre déclare, le 22 mai 2025, à Radio France Internationale (RFI):
…j'ai signé un accord pour sécuriser la base commune Royaume-Uni-États-Unis sur Diego Garcia. Ceci est absolument essentiel pour notre défense et notre renseignement et donc pour la sécurité du peuple britannique.
Par cet accord, le Royaume doit verser annuellement un montant à l'île Maurice. Citant les dessous de cet accord historique, le même article de RFI, cité plus haut, indique :
le Royaume-Uni dispose d'un bail de 99 ans sur Diego Garcia – avec une option de prolongation – moyennant le paiement annuel de 101 millions de livres (140 millions de dollars américains], soit 3,4 milliards de livres [4.5 milliards de dollars américains], au total.
En territoire mauricien, la nouvelle est accueillie avec ferveur. Le gouvernement du Premier ministre Navin Ramgoolam se réjouit de la concrétisation d'un rêve devenu réalité. Olivier Bancoult, leader du groupe Réfugiés Chagos, qui a fait de cette rétrocession son combat personnel, explique à Tv5monde Afrique son enthousiasme de retrouver sa terre natale qu'il a quittée dès l'âge de quatre ans :
A la question de savoir s'il considère la possibilité d'aller vivre aux Chagos, Olivier Bancoult répond:
…absolument, c'est ce que nous rêvons. Je suis née à Peros Banhos mais je n'ai jamais eu l'occasion de donner la chance à mes enfants de voir comment est cette île. Tout comme, les autres Chagossiens aussi y rêvent.
Tout n'est pas pour autant résolu. Des Chagossiens présents sur le territoire britannique depuis des décennies estiment que, dans leur lutte pour l'accès à leur terre et à leur pleine souveraineté, cet accord ne constitue pas une victoire. Bertrice Pompe, représentante des habitants originaires de l'île des Chagos, déclare à Africa News (0:25) :
Selon Pompe, les Chagossiens ne se reconnaissant pas comme pas Mauriciens et Mauriciennes, cet accord compromet leurs droits. Pour eux, il est hors de question que leurs droits soient remis dans les mains de l'île Maurice.
Frankie Bontemps, président du groupe Chagossian Voices poursuit dans le même sens. Au micro de RFI, il dit:
Pour nous, ce n'est pas une victoire. Aujourd'hui, nous sommes ignorés comme nos parents et nos grands parents l'ont été… Nous, Chagossiens, nous considérons comme un peuple autochtone qui n'a rien à voir avec les Mauriciens : nous avons notre propre langue, notre créole n'est pas le même que le créole de l'île Maurice. Nos traditions culinaires, nos danses… tout est complètement différent ! Alors que nous avons le sentiment d'être traités comme des citoyens de seconde zone, nous avons aussi l'impression d'avoir été trahis par les deux gouvernements [mauricien et britannique]…
Comme dans de nombreux territoires et pays anciennement colonisés par l'Europe, les capitales européennes continuent d'imposer leurs politiques, preuve que le processus de décolonisation n'est toujours pas terminé.
Un atelier intitulé Wikiteny pour valoriser la langue Malgache en ligne
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Son album emblématique « War Ina Babylone » reflétait les turbulences politiques de la Jamaïque des années 1970.
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Max Romeo sur la scène principale du Sunsplash, le 16 août 2010. Photo de Luca Paolassini_Rototom Sunsplash ©2010 via Flickr, utilisée sous licence (CC BY-NC-SA 2.0).
L'artiste de « Roots » reggae Max Romeo, connu pour ses paroles sans concession, est décédé le soir du 11 avril dans un hôpital privé à St Andrew, en Jamaïque, suite à des complications cardiaques. Il avait 80 ans.
Sa famille a partagé sur Instagram:
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Né Maxwell Livingston Smith (également connu sous le nom de « Maxie Smith ») le 22 novembre 1944, à Saint D’Acre, une petite ville de la campagne près d'Alexandria, sur les collines de St Ann, en Jamaïque, Roméo a quitté la maison à l'âge de 14 ans. Il a eu une enfance très difficile, travaillant dans une plantation de cannes à sucre à Clarendon, où il a remporté un concours de chant à 18 ans. Comme d'autres artistes de reggae en herbe des zones rurales, il est alors parti pour la grande ville — Kingston, le berceau du reggae, où il avait de la famille — pour faire fortune.
Là, Romeo s'est associé à deux musiciens, Kenneth Knight and Lloyd Shakespeare (frère du légendaire bassiste Robbie), pour former The Emotions en 1965. Leur premier titre, « (Buy You) A Rainbow » (1966), a été produit par Ken Lack. Romeo travaillait comme promoteur pour la maison de disques de Lack, un jour le producteur l'aurait entendu chanter tout seul et lui aurait suggéré d'enregistrer le morceau. Ce fut un succès immédiat, et plusieurs titres à succès suivirent pour The Emotions.
En 1968, Romeo s'est senti prêt à se lancer dans une carrière solo; ne rencontrant pas beaucoup de succès, il revint auprès de The Emotions. Il a ensuite rejoint un groupe appelé The Hippy Boys, formé par le producteur Lloyd Charmers; le groupe comptait deux frères, Aston Barrett (bass) et Carlton Barrett (drums), qui devinrent plus tard membres des Wailers de Bob Marley.
Romeo était un collaborateur musical. Il a continué à travailler comme chanteur résident et auteur-compositeur avec l'influent producteur Bunny Lee, contribuant ainsi aux débuts des chanteurs Derrick Morgan et Slim Smith, qui chantaient un mélange de ska et de rocksteady, précurseurs du reggae.
Romeo a ensuite écrit la chanson « Wet Dream », qui attira l'attention du public et le fit remarquer en tant qu'artiste solo. Morgan et Smith avaient refusé la chanson à cause de ses paroles osées. Lorsque Lee suggéra que Romeo l'enregistre lui-même, ce dernier accepta avec réticence; elle devint alors un grand succès dans plusieurs pays.
Après seulement deux diffusions, la British Broadcasting Corporation (BBC) bannit la chanson de ses ondes en raison de ses paroles explicites. Néanmoins (et peut-être sans surprise), elle est devenue par la suite un énorme succès au Royaume-Uni et, selon Romeo, une sorte de titre culte auprès des « skinheads », une sous-culture de la jeunesse ouvrière blanche des années 1960, qui curieusement adopta le ska et le reggae et favorisa la popularité de cette musique au Royaume-Uni. Romeo affirma par la suite, sans conviction, que la chanson traitait d'un toit qui fuit. Son premier album, « A Dream, » tout aussi osé, suivit.
Après toute cette coquinerie, le célèbre producteur Niney the Observer (Winston Holness) prit Romeo sous son aile, l'orientant vers une musique plus consciente, influencée par le rastafarisme. En 1971, le second album de Romeo, « Let the Power Fall (on I) », surprit ses fans; cependant, à cette époque, l'atmosphère était différente, fortement politisée à l'approche des élections de 1972 en Jamaïque. Son troisième album, « Revelation Time » (1975), auquel ont participé les formidables frères Barrett, célèbres membres des Wailers, avec qui il avait collaboré plutôt dans sa carrière, explorait des thèmes religieux et sociaux.
L'album emblématique de Romeo qui suivit, « War Ina Babylon » (1976), reflétait la situation politique tendue de la Jamaïque des années 1970. Il a été produit par son très bon ami, le légendaire Lee « Scratch » Perry, et enregistré sur l'influent label Island Records de l'entrepreneur musical jamaïcain Chris Blackwell. En 2022, Romeo a intenté une action en justice afin d'obtenir des royalties totalisant 15 millions de dollars américains (plus de 2,27 milliards JAD) pour des droits d'auteur prétendument non payés pour « War Ina Babylon » et un album ultérieur, « Reconstruction » (1977), auprès du groupe Universal Music et de Polygram (qui a repris Island Records). Ces sociétés ont cherché à obtenir un non-lieu en 2023; il n'y a pas d'information depuis.
La chanson militante, « Chase the Devil, » tirée de l'album de 1976, était le morceau ouvertement politique de Romeo le plus populaire et a largement été choisi par des artistes tels que les rappeurs américains Jay-Z et Kanye West, entre autres. Cependant, l'excentrique « Scratch » n'était pas une personne avec qui il était facile de s'entendre; après la sortie de l'album et de son immense succès, lui et Romeo se sont brouillés; il n'y eut plus de collaboration entre eux, bien que plus tard ils se réconcilièrent.
Le role de la musique de Romeo dans la politique jamaïcaine des années 1970 restera gravé dans les mémoires. Sa chanson « Let the Power Fall on I » est devenue l'hymne du Parti National Populaire de Michael Manley (PNP) lors des élections de 1972, que le Parti remporta . Ayant ouvertement déclaré son soutien pour Manley, Romeo enregistra plusieurs chansons afin de soutenir sa campagne, dont « Michael Row the Boat Ashore » et « Press Along Joshua, » qui était le surnom de Manley. Lors de ses discours les plus enflammés, Manley brandissait souvent un bâton rastafari, surnommé le « Bâton de Correction. » Plus tard, déçu par la politique de Manley , Romeo enregistra une chanson, « No Joshua No, » exprimant sa déception.
En 1978, Romeo s'est rendu à New York, où il a composé et interprété une comédie musicale, « Reggae, » avec en vedette Philip Michael Thomas et Sheryl Lee Ralph. Il a aussi collaboré avec le groupe de rock britannique The Rolling Stones; leur guitariste Keith Richards a coproduit et joué sur son album sorti en 1981, « Holding Out My Love to You. »
Bien que ses dernières chansons n'aient pas connu de succès majeurs, Romeo a continué à faire de nombreuses tournées à l'étranger et était un artiste extrêmement populaire. Il a construit un studio d'enregistrement chez lui, dans la région rurale de St. Catherine, où ses enfants, Azana (son manager) et Azizi, ont débuté leurs carrières musicales. En 2014, il a sorti l'album Father and Sons, en collaboration avec ses fils Ronaldo and Romario (plus connu sous le nom du duo Rominal). Azana, Azizi et Romeo ont ensuite réalisé ensemble un « album familial », enregistré dans leur home-studio, preuve que même s'il ne produisait plus de grands succès, l'influence et la présence de Romeo sur la scène musicale continuaient.
Depuis l'annonce de son décès, de nombreux hommages ont été rendus, tant par des musiciens que par des hommes politiques.
Le porte-parole de la culture pour le parti de l'opposition, le Parti National Populaire, a qualifié la mort de Romeo de « véritable fin d'une époque », tandis que le leader de l'opposition Mark Golding a déclaré sur Instagram qu'il était « profondément attristé » par son décès:
Max était une voix puissante de la musique jamaïcaine — un artiste influent dont les paroles disaient la vérité au pouvoir et donnaient une voix aux luttes et aux aspirations de notre peuple.[…] La Jamaïque a perdu un géant de la culture, mais son héritage perdurera à travers sa musique intemporelle et l'impact qu'il a eu sur notre conscience nationale.
Romeo a effectué son dernier « Ultimate Tour » à l'étranger, à l'âge de 78 ans, visitant 56 villes du Royaume-Uni et d'Europe, où il a chaleureusement été accueilli. Après cette tournée, il s'est retiré dans sa ferme de St Catherine pour passer le reste de son temps avec sa femme, Charm, et leur famille.
Des paroles calmes à un style militant abordant des questions sociales, Max Romeo est resté un chanteur et auteur-compositeur extrêmement influent pendant plus de 50 ans. Ses deux chansons les plus célèbres illustrent le passage d'un répertoire plus léger de jeunesse à des préoccupations sérieuses pour son île, la Jamaïque, en période de turbulences. On se souviendra toujours de lui comme d'un artiste authentique, qui exprimait la souffrance et les aspirations du peuple.
Un vibrant appel à l'autonomie lors du sommet Russie-Afrique
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Le capitaine Ibrahim Traoré, Président de la transition du Burkina Faso, lors d'une rencontre à Ouagadougou avec une délégation du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine. Crédit photo : Lamine Traoré/VOA – Voice of America sur Wikimedia Commons, 24 juillet 2024. Domaine public.
Le 28 juillet, le président par intérim du Burkina Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, a prononcé un discours marquant lors du deuxième Forum économique et humanitaire Russie-Afrique au cours duquel il a plaidé pour une plus grande souveraineté, pour la sécurité alimentaire et pour une revalorisation des contributions historiques de l'Afrique. En écoutant son discours marquant, beaucoup ont fait des comparaisons avec le légendaire leader panafricaniste , Thomas Sankara, suggérant que les propos de Traoré reflétaient la ferveur et l'engagement en faveur de l'autonomie et de la prospérité de l'Afrique qui caractérisaient la vision de Sankara. Ce discours a ravivé la mémoire des propos prophétiques tenus par Sankara en 1987 alors que son entourage l'avait alerté d'une menace imminente d'assassinat par coup d'État: «Tuez Sankara, et des milliers de Sankara naîtront». Ce n'est que vingt ans plus tard que Radio France Internationale (RFI), le principal média international français, a évoqué une éventuelle implication de la France dans son assassinat.
Dans un discours marqué par de fortes références à la mémoire historique et la reconnaissance, Traoré a souligné le rôle souvent oublié de l'Union soviétique et de l’Afrique dans la lutte contre le nazisme en Allemagne et le fascisme en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale, aux côtés des puissances occidentales telles que le Royaume-Uni, la France et les États-Unis. Il a déploré que les récits historiques marginalisent fréquemment les contributions essentielles de ces nations, perpétuant ainsi une vision déformée de l'histoire qui néglige le rôle fondamental de l'Afrique.
Dans un appel manifeste à un changement de paradigme au sein des dirigeants africains, Traoré a exhorté ses homologues à résister à la manipulation des forces impérialistes en ces mots: « Nous, chefs d'États africains, devons cesser de nous comporter comme des marionnettes qui dansent chaque fois que les impérialistes tirent les ficelles.»
« À la fin de 2022, a-t-il poursuivi, mon administration et moi avons lancé des appels au volontariat, ce qui a permis l'enrôlement de 100 000 civils supplémentaires. Plusieurs centaines de ces braves personnes ont déjà sacrifié leur vie pour protéger leurs compatriotes.»
« Ce que je ne comprends pas, a déclaré Traoré, c'est pourquoi d'autres dirigeants africains, qui n'apportent aucune aide, s'abaissent à qualifier ces braves hommes et femmes de ” miliciens”. Ailleurs, on les aurait reconnus comme ”patriotes”.»
Traoré a également insisté sur l’importance cruciale de l’autosuffisance alimentaire pour les nations africaines. Il a salué l’annonce du président russe Vladimir Poutine d’envoyer gratuitement des cargaisons de céréales à six pays africains après l’effondrement de l’initiative céréalière de la mer Noire, tout en y voyant un signal d’alarme pour les dirigeants africains. « Au prochain forum, nous ne devons pas venir ici sans avoir garanti l’autosuffisance alimentaire de nos peuples », a-t-il déclaré.
En conclusion, Traoré a fait résonner les paroles puissantes de Thomas Sankara prononcées à l’ONU en 1984 : « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort », accompagnées de la formule de conclusion emblématique de Sankara: « La patrie ou la mort, nous vaincrons ! » Ces mots ont résonné comme un appel au combat, se propageant rapidement sur les réseaux sociaux et trouvant un écho profond dans le cœur et l’âme de la jeunesse africaine.
Capture d'écran de la vidéo ”Ibrahim Traore. Burkina Faso President's Pan African speech wins him fans all over Africa” publiée par African Insider sur YouTube. Utilisée avec permission.
C’est cet esprit que Traoré cherche à insuffler, non seulement à son propre pays, mais à tout le continent africain. Son plaidoyer est celui d’un avenir où l’Afrique ne serait plus soumise à l’exploitation extérieure, mais se tiendrait debout, en fédération de nations autonomes, résilientes et reconnues équitablement sur la scène internationale. Comme le suggère son discours, il ne s’agit pas seulement d’un idéal, mais d’une nécessité vitale pour la survie et le développement du continent.
Ce cri de ralliement ne se contente pas juste d’éveiller l’esprit endormi et résilient du peuple africain ; il incarne bien plus que de simples mots. Il renferme l’âme même d’un continent déterminé à poursuivre sa quête de dignité, d’autonomie et de prospérité, malgré les épreuves du passé et du présent. Ce sentiment s’est illustré de façon éclatante à travers l’accueil triomphal réservé par une foule en liesse au Burkina Faso lors du retour de leur chef d’État le 31 juillet.
Traoré, officier militaire originaire de Bondokuy à l’ouest du Burkina Faso, a mené avec succès un coup d’État le 30 septembre 2022, renversant le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Il a endossé la fonction de chef de l’État et de leader du « Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration », devenant ainsi, à 34 ans, le plus jeune chef d’État en exercice au monde.
Ce renversement n'est pas un cas isolé. Il s'inscrit dans une série de cinq coups d'État survenus en Afrique entre août 2020 et juillet 2023, au Mali, au Tchad, en Guinée, au Burkina Faso, et plus récemment au Niger , toutes d'anciennes colonies françaises. Ces bouleversements politiques majeurs traduisent un rejet de ce qui est perçu comme la persistance des mécanismes du colonialisme, désignés sous le terme de « Françafrique ».
Les auteurs de ces coups d'État dénoncent grandement l'inaction et la soumission des autorités politiques civiles aux anciennes puissances coloniales, mettant en cause la responsabilité , voire la complicité, de l’Occident, dans la montée du terrorisme en Afrique. Ces préoccupations ont été particulièrement amplifiées par l'assassinat du président libyen Mouammar Kadhafi par l’OTAN.
Les questions controversées incluent la prolifération des bases militaires sur le continent africain ainsi que le maintien de contrats commerciaux inéquitables établis au profit de multinationales étrangères. Les auteurs des coups d'État affirment que ces éléments ne font que perpétuer un cycle d'exploitation, au détriment de la croissance et du développement de l'Afrique. Les citoyens de ces pays ont souvent manifesté leur soutien aux prises de pouvoir militaires. Au Mali, par exemple, des manifestations de masse ont conduit à la destitution du président en place, en faveur des forces armées et de leur projet.
L'accession au pouvoir de Traoré au Burkina Faso s'inscrit ainsi dans une dynamique plus large, une vague de coups d'État militaires touchant l’Afrique francophone. Tandis que ces nations traversent des secousses politiques majeures, le monde observe avec espoir, espérant des transitions pacifiques et un développement durable. L’histoire africaine est tachée par les assassinats de figures noires et africaines influentes telles que like Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Amílcar Cabral, Fred Hampton, Malcolm X, Martin Luther King Jr., et Muammar Khadafi, dont les idéaux se heurtaient bien souvent aux intérêts occidentaux. Face à un précédent aussi troublant, l’espoir demeure que le dirigeant actuel du Burkina Faso poursuive résolument sa quête de souveraineté et de prospérité pour l’Afrique, en défiant les mêmes forces géopolitiques hostiles qui ont jadis anéanti ses prédécesseurs révolutionnaires.
Cette nouvelle vague de gouvernance militaire s’inscrit également dans un contexte de compétition géopolitique croissante, une nouvelle “ruée vers l'Afrique.” Dans ce cadre, les anciennes puissances coloniales, telles que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, marquent leur retour sur le continent. Cependant, le paysage a évolué pour accueillir de nouvelles puissances mondiales comme la Chine, la Turquie, l’Inde ou encore le Brésil, tous désireux de s'y implanter. Contrairement à la Conférence de Berlin de 1884–1885, qui avait mis en œuvre le partage historique de l’Afrique en la morcelant en micro-entités désignées comme États-nations et utilisé comme une source inépuisable d’enrichissement des puissances étrangères, un vent nouveau souffle sur le continent, marqué par une contestation croissante et un désir d’autonomie.
Plutôt que de demeurer de simples spectateurs dans la sphère des affaires mondiales, les nations africaines s’efforcent désormais de s’affirmer comme des acteurs influents, traçant leurs propres trajectoires au sein de l’attention internationale croissante, en gardant une volonté inébranlable de décider de leur propre sort. Ce changement s’opère dans un monde qui devient progressivement et irréversiblement un monde « multiplexe ». Une tendance reconnue par Amitav Acharya en 2014, qui stipule que dans « le multiplexe cinématographique, (…), aucun réalisateur ni producteur ne peut monopoliser longtemps l’attention ou la fidélité du public. Celui-ci dispose d'une pluralité de spectacles ».
Alors que ce vent de transformation souffle à travers l’Afrique, il demeure difficile de mesurer pleinement la portée et le potentiel de ces changements radicaux. Ce qui est néanmoins manifeste, c’est l’écho croissant de ces voix révolutionnaires, qui résonnent bien au-delà du continent africain. Cet impact est particulièrement visible à travers le soutien de la diaspora africaine à sa terre d’origine, devenant un acteur clé dans le renforcement de l’autonomie et du développement de l'Afrique par le biais d'initiatives telles que les transferts de fonds, les investissements, les prises de position, la valorisation culturelle et le transfert de connaissances, incarnant la vision portée par des figures emblématiques telles que Marcus Garvey, W.E.B. Du Bois, Richard Wright, Martin Luther King Jr., Malcolm X, et Huey P. Newton.
Le chemin vers l’autonomie est davantage renforcé par l’émergence de figures africaines influentes qui captivent de plus en plus l’imagination de la jeunesse du continent : des icônes comme Kemi Seba, Nathalie Yamb, et Ousmane Sonko. Leurs voix puissantes dénoncent le partage de l’Afrique au profit des puissances étrangères, inspirant une jeunesse qui aspire au changement.
Peut-être le moment est-il réellement venu pour la concrétisation de la prédiction formulée en 1893 par Charles Henry Pearson ainsi que les lois psychologiques de l’évolution des peuples énoncées par Gustave Le Bon en 1894 évoquant l’essor de l'Afrique à la suite de celui de la Chine, une résurgence portée par la croissance démographique et l’industrialisation.
Il ne fait aucun doute que la composition démographique de l’Afrique apporte une dimension supplémentaire à ce scénario porteur d’espoir. Forte d’une population jeune et en constante expansion, ainsi que des terres riches en ressources naturelles, l’Afrique peut tirer parti de cette puissance démographique pour concrétiser ses ambitions d'autonomie gouvernementale. Alors que la pendule du changement est en mouvement, l’énergie collective de cette jeunesse africaine pourrait bien constituer le levier essentiel pour propulser le continent vers un avenir où il ne serait plus relégué à un rôle subalterne, mais reconnu comme un acteur à part entière sur la scène mondiale.
L'Église catholique togolaise, elle aussi, monte le ton
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L'artiste togolais Aamron ; Capture d'écran du clip “Vérité” de la chaîne YouTube d’Aamron Officiel
L'arrestation d'un artiste pour son indignation contre la mauvaise gouvernance et l'injustice sociale soulève de sérieuses inquiétudes sur le droit à la liberté d'expression au Togo.
De son vrai nom Tchala Essowè Narcisse, Aamron est un artiste togolais connu pour son style de rap hardcore dans l'arène musicale locale et qui n'hésite pas à parler de questions sociales. En mai 2019, l'artiste produit une vidéo pour sa chanson “Vérité“, dans laquelle il met en lumière le chef d'une communauté qui abuse de son pouvoir et manipule ses citoyens. Cette dernière sortie musicale donne une nouvelle tournure à la carrière de l'artiste. Voici le lien de sa vidéo “Vérité“:
En légende de cette vidéo, Aamron écrit:
Apolitique Mais Humain
la mise en scène faite dans cette vidéo ne fait que refléter le fonctionnement de nos différentes sociétés depuis que le MONDE est monde. Nous n'avons rien contre PERSONNE. NOUS défendons juste des PRINCIPES UNIVERSELS. EN VÉRITÉ tout n'est que VANITÉ.
Renonçons, comme l'a fait le ROI CIVILISATEUR à la fin de cette vidéo, aux MASQUES des FAUSSES VALEURS, aux RITUELS des FAUSSES CROYANCES, à la course aux FAUX pouvoir et partons COURAGEUSEMENT, à la quête du VÉRITABLE POUVOIR…DIEUpuisse cette vidéo ouvrir à des milliers, LA VUE!
Depuis fin 2024, Aamron multiplie ses prises de parole publique pour dire haut ce que de nombreux Togolais pensent très bas et vivent au quotidien: un abus de pouvoir d'un clan minoritaire dans un pays dont la population ploie sous le poids de la misère. Ce que confirme d'ailleurs le rapport d'une étude d’Afro Barometer publié en 2024 où les Togolais déplorent la situation économique du pays.
Dans des vidéos, publiées sur son compte social Facebook, l'artiste interpelle les gouvernants et dénonce les abus de pouvoir. Sur le réseau Tiktok, dans des vidéos en live publiées régulièrement sur son compte Aamron Officiel, l'artiste expose ouvertement et sans langue de bois ses positions critiques à l’égard du gouvernement de Faure Gnassingbé, président du Togo pendant 20 ans (2005-2025) et Président du Conseil de la République (la plus haute fonction selon la constitution de la 5è république) depuis le 3 mai 2025. Le 29 mai, le média togolais Plume d'Afrique publie un article dans lequel il cite l'artiste :
…le rappeur s’est distingué de ses collègues à travers ses sorties tonitruantes à l’encontre du régime en place. Depuis quelques mois, sur les réseaux sociaux, il s’est lancé dans une aventure d’éveil des consciences de la jeunesse togolaise, en décortiquant l’actualité sociopolitique et la gestion de son pays le Togo, qu’il qualifie de « calamiteuse ».
Alors qu'il multiplie ses appels incessants – à retrouver dans ses vidéos sur sa page Facebook – à la jeunesse pour une mobilisation nationale qui semble-t-il, irritent le gouvernement, Aamron est arrêté dans la nuit du 26 mai 2025 à son domicile à Lomé. L'information est rapidement relayés dans les médias togolais.
Le premier soutien à l'artiste lui vient de sa famille. Quelques heures après l'arrestation, sa fille publie une vidéo qui a été relayé par un compte au nom de Draufgängerisch sur X:
La fille d'Aamron, 14 ans, prend la parole. https://t.co/tWTQrhVkkq, où est donc passé votre courage ?#FreeTogoNow pic.twitter.com/0N7KXxdxDA
— Draufgängerisch (@_khayone) May 27, 2025
Dans le pays, les réactions sont vives: une vague d'indignation embrase les acteurs politiques et de la société civile qui appellent à la libération inconditionnelle de l'artiste. La Dynamique pour la majorité du peuple (DMP), un regroupement de six partis politiques et sept organisations de la société civile dénonce une arrestation arbitraire dans un pays en crise politique.
Dans ce contexte, au travers d'un communiqué rendu public le 27 mai 2025, la DMP exige du gouvernement togolais la libération de plusieurs personnes: d'Aamron, mais aussi du poète et cyberactiviste Koffi H. Sitsopé Sokpor connu sous le pseudonyme « Affectio », et détenu pour ses publications engagées sur les réseaux sociaux ; et de détenus politiques, notamment ceux de l’affaire dite “Tigre Révolution” survenue en 2019 et selon laquelle ces détenus sont accusés de tentative de déstabilisation des institutions de la République.
De son côté, le parti politique d'opposition Alliance nationale pour le Changement (ANC), à travers une déclaration du 29 mai 2025, condamne une énième arrestation arbitraire et met en garde le régime togolais.
…L’ANC met en garde le pouvoir RPT/UNIR [Rassemblement du Peuple Togolais/Union pour la République, parti au pouvoir] que le peuple togolais ne saurait accepter plus longtemps les violences et les brutalités policières, les dénis de justice et les exactions d’un autre âge.
Sur la toile, les soutiens à l'artiste se multiplient. Nathaniel Olympio, acteur politique et Président du Cercle Kekeli – le Cercle d’Études Stratégiques sur l'Afrique de l'Ouest, estime dans une vidéo publié sur son compte X que les arrestations à Lomé sont un signe annonciateur de la fin du régime.
#Togo : Aamron, le talentueux et courageux artiste qui dénonçait les dérives du pouvoir est jeté en prison la nuit dernière.
Mais, la répression n’empêche plus des voix de s’élever, comme AAmron, Affectio, Marguerite Gnakadé, et il y en aura de plus en plus.
Les Togolais sentent… pic.twitter.com/QgzHieJuPq— Nathaniel Olympio (@nathanielolymp) May 27, 2025
Farida Nabourema, activiste des droits humains et citoyenne togolaise en exil depuis plusieurs années, indique, dans une publication sur son compte X, qu'il s'agit d'une pratique qui s’inscrit dans la logique implacable du régime de Faure Gnassingbé.
J’ai appris, sans aucune surprise, l’arrestation du rappeur togolais Amron. Depuis quelque temps, il dénonçait avec détermination et courage le régime sanguinaire de Faure Gnassingbé. Cette arrestation ne m’a pas étonnée, car elle s’inscrit dans la logique implacable de la… pic.twitter.com/P9F0wdugDY
— Farida Bemba Nabourema (@Farida_N) May 27, 2025
La liberté d'expression est garantie au Togo, du moins c'est ce que déclare l'article 25 de sa constitution de la 5è république. Mais sa jouissance est devenue un privilège que peu de Togolais peuvent se permettre sans risques. La situation actuelle constitue donc une grave violation des droits de l'homme. L'arrestation d'Aamron vient s'ajouter à une longue liste de Togolais interpellés et détenus, dans un contexte précaire comme l'indique le rapport d'Amnesty International de 2024 sur la situation des droits de l'homme au Togo.
L'indignation est telle que l’Église hausse aussi le ton, dans un pays à plus de 25% catholique. Quelques heures avant l'interpellation de l'artiste Aamron, un appel à un dialogue sincère, a été lancé par la Conférence des Évêques du Togo (CET) à l'endroit des autorités togolaises à travers un communiqué:
Une conviction nous habite : le pays court un risque en couvant les frustrations ; car une Nation ne se bâtit pas durablement sur le silence imposé, sur la peur suscitée et entretenue, sur le mépris de la voix de son Peuple ou encore sur un entêtement à faire croire au Peuple, le contraire du vrai. Les peurs, les frustrations tuent, se muent en actes désespérés et les colères muettes deviennent des déflagrations imprévisibles.
A ce jour, le pouvoir de Lomé ne s'est pas prononcé sur les multiples appels des hommes politiques, acteurs de la société civile, citoyens et religieux togolais. Qu'attendent donc les autorités togolaises pour engager ce dialogue avec l'ensemble des Togolais?
Shégué ne se traduit pas en français congolais, et utilisé tel quel pour décrire ce phénomène social.
Initialement publié le Global Voices en Français
En image, “Los Petipán” ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de Betty Cake
Les différentes versions de la langue française qui se parlent aux quatre coins du monde ne se ressemblent pas toujours. Dans notre rubrique “Les mots ont la parole”, nous mettons à l’honneur les mots ou expressions qui sont spécifiques à une région, un pays, une communauté, mais aussi les intraduisibles qu’on garde en français tels quels, ou qu’on traduit à moitié, et enfin les mots français qui passent dans d’autres langues et ne se traduisent pas, mais prennent parfois un nouveau sens.
Tous nos épisodes précédents sont à retrouver ici: Les mots ont la parole.
Aujourd’hui, nous avons choisi ces trois termes et expressions:
Petipán: ce mot d‘espagnol péruvien est une adaptation locale des mots français ‘petit pain’ utilisée pour nommer des pains ronds de petite taille servis comme amuse-gueules dans des fêtes. Il existe une catégorie appelée ‘petipanes con pollo‘ ou ‘petits pains au poulet‘ qui sont fourrés avec un mélange de blanc de poulet, de céleri et de mayonnaise.
Cette vidéo en donne la recette complète:
Lavage de cerveau: l'expression « lavage de cerveau » est la traduction littérale d'une expression chinoise composée de deux caractères xǐ nǎo (洗脑) qui signifient ‘laver’ et ‘cerveau’. Cette expression fait principalement référence à un processus politique dont le but est de réformer la pensée pour obéir au dogme communiste.
Elle est à retrouver dans le titre d’un article traduit sur Global Voices: Hong Kong: Le lavage de cerveau éducatif
Shégué : ce mot vient du lingala, une des langues nationales parlées en République démocratique du Congo (RDC). “Shégué” désigne les enfants qui vivent dans la rue. Ce sont souvent des enfants abandonnés par leurs familles pour plusieurs raisons, notamment pour des faits de sorcellerie dont ils sont accusés. Ces enfants, laissés à leur propre sort, usent de tous les moyens pour survivre. Il ne se traduit pas en français congolais et est utilisé tel quel pour décrire ce phénomène social.
Si vous avez des mots ou expressions à partager pour les faire figurer dans notre rubrique “Les mots ont la parole” contactez-nous: filip.noubel@globalvoices.org ou jean.dedieusovon@globalvoices.org
Robert Francis Prevost, devenu le Pape Léon XIV, est né citoyen américain et mais reste Péruvien par naturalisation
Initialement publié le Global Voices en Français
La ville de Chiclayo célèbre le Pape Léon XIV. Capture d'écran de la vidéo “PERÚ: La CIUDAD de CHICLAYO CELEBRA al PAPA LEÓN XIV | RTVE Noticias” publiée sur la chaîne YouTube de RTVE Noticias. Droit d'utilisation.
Le 8 mai, les fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre au Vatican ont vu s'élever la fumée blanche tant attendue depuis la chapelle Sixtine, annonçant au monde l'élection d'un nouveau pape. Après trois tours de scrutin infructueux, le conclave a finalement élu le successeur du Pape François. Premier pape originaire d'Amérique latine, François avait exercé son pontificat de 2013 jusqu'au 21 avril 2025, date de son décès.
L'évêque Augustinien Robert Francis Prevost, l'un des candidats pressentis à la succession, a été élu. Il a choisi le nom de Pape Léon XIV.
Así fue el momento donde se mostró el #humoblanco al mundo para decir que hay un nuevo #papa. #LeónXIV nacido en Chicago, naturalizado peruano invitó en su primer discurso a la paz. pic.twitter.com/YP0vcUg00m
— La Otra Escucha (@laotraescucha) May 8, 2025
Le Pape Léon XIV, fraîchement élu, salue la foule présente sur la place Saint-Pierre. Photo : Wikimedia commons sous licence CC BY-SA 4.0.
This was the moment where the #whitesmoke was shown to the world to say that there is a new #pope. #LeonXIV born in Chicago, naturalized Peruvian, spoke about peace in his first speech.
Voici le moment où la #fuméeblanche est apparue, annonçant au monde l'élection d'un nouveau #pape. #LeónXIV né à Chicago et naturalisé péruvien, a évoqué la paix dans son tout premier discours. pic.twitter.com/YP0vcUg00m — La Otra Escucha (@laotraescucha) 8 mai 2025
Le Pape Léon XIV a surpris le monde en rompant le protocole. Il a interrompu son discours en italien pour s'exprimer, dans un espagnol parfait, en ces termes :
Quiero agradecer a todos aquellos, y de manera particular, a mi querida diócesis de Chiclayo en el Perú, donde un pueblo fiel ha acompañado a su obispo, ha compartido su fe, y ha dado tanto y tanto para seguir siendo iglesia fiel de Jesucristo.
I want to thank all those, and in particular, my dear diocese of Chiclayo in Peru, where a faithful people have accompanied their bishop, shared their faith, and have given so much to continue being a faithful church of Jesus Christ.
Je tiens à remercier tout le monde, et en particulier mon cher diocèse de Chiclayo, au Pérou, où un peuple fidèle a accompagné son évêque, partagé sa foi et tant donné pour continuer à être une Église fidèle à Jésus-Christ.
Les Péruviens ont été comblés de joie par cette salutation spontanée, et à Chiclayo, l'émotion a été particulièrement intense.
Momento exacto cuando recibieron la noticia en el Seminario Mayor Santo Toribio de Mogrovejo en la Diócesis de Chiclayo donde fue obispo Mons. Robert Prevost, ahora el Papa León XIV
pic.twitter.com/QI882X0g0J
— Jóvenes Unidos Perú (@JovenesUnidosP) May 10, 2025
Front pages of some Peruvian newspapers on Friday, May 9, 2025. Images available online. Composition by the author.
The precise moment when they received the news at the Santo Toribio de Mogrovejo Major Seminary in the Diocese of Chiclayo where Bishop Robert Prevost, now Pope Leo XIV, was bishop.
Le moment précis où la nouvelle est arrivée au Grand Séminaire Saint Toribio de Mogrovejo, dans le diocèse de Chiclayo, où Mgr Robert Prevost, aujourd'hui Pape Léon XIV, a exercé comme évêque.
pic.twitter.com/QI882X0g0J — Jóvenes Unidos Perú (@JovenesUnidosP) 10 mai 2025
La nouvelle que le nouveau pape est né à Chicago, mais possède également la nationalité péruvienne, s'est immédiatement répandue. Le Pape Léon XIV a entamé sa carrière ecclésiastique dans sa ville natale, avant d'être envoyé au Pérou, où il a exercé pendant près de 40 ans au nord des villes de Piura, Chulucanas, Trujillo et Chiclayo, où il a été nommé évêque par le Pape François en 2015. Cette même année, il a obtenu la nationalité péruvienne et le droit de voter aux élections présidentielles de 2026.
Ce court reportage de la télévision espagnol montre les fidèles de la ville de Chiclayo, en effervescence après l'annonce de l'élection du nouveau pape. À Chiclayo, on se souvient de lui comme d'un homme « très humble et à l'écoute des jeunes ». la vidéo montre également un restaurant où le futur pape avait l'habitude de manger, à sa table préférée, d'où il pouvait voir la cathédrale tout en dégustant le traditionnel « frito de chancho », une spécialité locale à base de couenne de porc.
Boris Potozén, agent de la fonction publique, était présent le jour où Mgr Prevost, alors évêque, a obtenu la nationalité péruvienne. Potozén a confié à Global Voices avoir brièvement échangé avec lui, lorsqu'il lui a dit qu'il pointed out qu'il venait de Chiclayo et qu'il était élève à l'école San Agustin, Prevost lui a répondu que « Dieu lui ouvrait la voie ».
Sur les réseaux sociaux, les internautes se sont rapidement emparés de la double nationalité du Pape Léon XIV pour créer des mèmes :
¡INTERNET NO PERDONA… NI AL PAPA!
Desde que fue elegido, #PapaLeónXIV se ha convertido en el protagonista de los mejores memes del momento#LeónXIV #PapaMeme #HumorCatólico #Vaticano2025 #SantidadViral pic.twitter.com/3SCmGrpszP
— Altavoz EC (@altavoz_ecu) May 9, 2025
THE INTERNET IS NOT FORGIVING… NOT EVEN FOR THE POPE!
Since he was elected, #PapaLeónXIV has become the protagonist of the best memes.

INTERNET NE PARDONNE PAS… PAS MÊME POUR LE PAPE ! 
Depuis son élection, le #PapeLéonXIV est devenu la star des meilleurs mèmes
#LeónXIV #PapeMème #HumourCatholique #Vatican2025 #SaintetéVirale pic.twitter.com/3SCmGrpszP — Altavoz EC (@altavoz_ecu) 9 mai 2025
Une opportunité commerciale s'est également présentée dans « l'empire de Gamarra », le quartier textile de Lima, célèbre pour ses innombrables boutiques de vêtements et de tissus. En moins de 24 heures, des produits dérivés à l'effigie du pape étaient déjà exposés dans leurs vitrines :
La creatividad y agilidad de los peruanos para sacar merch del Papa
. Ojalá que los comerciantes vendan mucho :). #Papa #Gamarra #Peru #Chiclayo #RobertPrevost pic.twitter.com/qXa7Ed7ltm
— Angela (@antiginny) May 9, 2025
The creativity and agility of the Peruvians to bring out merch about the Pope
. I hope the retailers sell a lot :)
Quelles créativité et réactivité de la part des Péruviens pour lancer des collections à l'effigie du pape
! J'espère que les commerçants feront de bonnes ventes :) #Pape #Gamarra #Pérou #Chiclayo #RobertPrevost pic.twitter.com/qXa7Ed7ltm — Angela (@antiginny) 9 mai 2025
Le principal quotidien péruvien, El Comercio, a invité ses lecteurs à partager leurs photos du pape avec la rédaction :
Si tienes fotos con el cardenal Robert Prevost, hoy papa León XIV, compártelas con El Comercio https://t.co/Be8zOkt5wP
— Martin Hidalgo (@martinhidalgo) May 9, 2025
If you have photos with Bishop Robert Prevost, now Pope Leo XIV, share them with El Comercio
Si vous avez des photos de l'évêque Robert Prevost, aujourd'hui devenu le Pape Léon XIV, partagez-les avec El Comercio https://t.co/Be8zOkt5wP — Martin Hidalgo (@martinhidalgo) 9 mai 2025
Le pape a même exprimé son souhait de se rendre à Chiclayo:
Periodista peruano, Gunter Rave, logró conversar hoy con el papa:
—Lo esperamos en Chiclayo.
—¡Ah, ojalá!pic.twitter.com/FZD1B8qQL4
— Gente de Chiclayo (@gentechiclayo) May 12, 2025
Peruvian journalist Gunter Rave managed to speak with the pope today:
—We are waiting for you in Chiclayo.
—Ah, hopefully!
Le journaliste péruvien Gunter Rave a pu s'entretenir avec le pape aujourd'hui :— Nous vous attendons à Chiclayo.
— Oh, je l'espère vraiment !
Des passionnés d'animaux réhabilitent les chauves-souris et vont jusqu'à leur organiser des cérémonies de « récompense ».
Initialement publié le Global Voices en Français
Photo de Kathrine Heigan sur Unsplash
Cet article a été initialement publié en russe le 17 avril 2025 sur Novaya Vkladka, un partenaire de Global Voices, puis traduit et édité pour plus de clarté et republié avec la permission de Novaya Vkladka.
Début avril, un passager inhabituel a voyagé en bus de Volgograd jusqu'à Moscou : une chauve-souris. Elle a été transportée au zoo de Moscou pour y recevoir des soins. En Russie, des dizaines de bénévoles passionnés des animaux se mobilisent pour venir en aide aux chauves-souris, des animaux souvent incompris, mais essentiels au bon équilibre des écosystèmes. Novaya Vkladka a enquêté sur la façon dont ces bénévoles assurent une hibernation sécurisée aux chauves-souris et les soignent jusqu'à leur rétablissement au printemps.
Au début du mois d'avril, Pavel, un mécanicien automobile à Volgograd, a entendu un couinement en arrivant au travail. En suivant le bruit, il a découvert une toute petite chauve-souris sous une clôture, l'aile abîmée. Pavel s'est rendu chez plusieurs cliniques vétérinaires à Volgograd, mais aucune ne savait comment s'y prendre pour soigner un tel animal. Il a finalement reçu l'aide des bénévoles du centre de réhabilitation de la faune sauvage Bird Island. La directrice, Arina Yerina, a contacté le zoo de Moscou, où des spécialistes de la réhabilitation des chauves-souris ont accepté de prendre l'animal en charge.
Pavel a financé le transport de la chauve-souris jusqu'à Moscou, un chauffeur de bus ayant accepté d'emmener ce passager hors du commun. Au zoo de Moscou, l'animal a été diagnostiqué avec une fracture à la patte avant droite. Elle suit désormais une rééducation, et son sauveteur, Pavel, a décidé de devenir bénévole au centre Bird Island de Volgograd.
Ce n'est là qu'une histoire parmi tant d'autres en Russie. Chaque année, vers le mois d'octobre, les chauves-souris de la région se préparent à hiberner pendant l'hiver, en choisissant un abri où elles passeront environ six mois. Il arrive toutefois qu'elles s'installent dans des lieux inadaptés et se blessent à leur réveil en avril ou en mai, ce qui rend leur sauvetage nécessaire.
D'autres problèmes surviennent au début de l'hiver, lorsque les chauves-souris tentent d'hiberner dans des endroits trop exposés, comme des halls, des façades d'immeubles, des balcons ou des rebords de fenêtres. Dans ces cas-là, elles doivent être secourues, car elles risquent de mourir de froid si elles ne sont déplacées vers un abri plus sûr.
Les consignes des bénévoles destinées aux personnes qui trouvent une chauve-souris rappellent que ces animaux ne sont généralement pas dangereux, même s'ils peuvent siffler ou agiter leurs ailes par peur.
A Moscou, le centre de sauvetage des chauves-souris Batspas existe depuis 2020. Sa chaîne Telegram compte près de 3 000 membres, en comptant les Moscovites et les habitants d'autres régions à la recherche de conseils.
L'aide apportée aux chauves-souris ne se limite pas à Moscou : des communautés similaires existent à Volgograd, Samara, Voronej, Rostov-sur-le-Don, Oufa, Krasnodar et Penza.
Ces groupes sont généralement créés par des citoyens engagés, à quelques exceptions près. À Rostov-sur-le-Don, par exemple, un centre de réhabilitation pour chauve-souris à ouvert ses portes à l'université d'État du Don, encadré par des zoologues et des vétérinaires. Ce centre, comme d'autres communautés similaires, conseille sur la prise en charge des chauves-souris et accueille celles qui sont blessées. Au printemps 2024, le centre a organisé sa première cérémonie de « récompenses » : les chauves-souris réhabilitées ont été relâchées dans la nature et une formation de sensibilisation sur leur alimentation et leurs soins a été organisée.
Certaines communautés viennent en aide à plusieurs animaux. À Oufa, par exemple, les bénévoles secourent non seulement les chauves-souris mais aussi les oiseaux, les écureuils et les hérissons. Le centre de réhabilitation pour animaux sauvages de Volgograd s'occupait principalement des oiseaux, mais depuis cinq ans, il aide aussi les chauves-souris. En décembre 2024, les bénévoles ont aidé sept chauves-souris à entrer en hibernation.
À Novosibirsk, les spécialistes d'organisations environnementales ne se contentent pas de réhabiliter les chauves-souris mais informent aussi les habitants sur la manière de les nourrir et sur leur hibernation avant leur remise en liberté. Il s'avère qu'après leur réhabilitation, les chauves-souris attendent le printemps dans des réfrigérateurs maintenus à une température de 3 à 5 °C.
Certains bénévoles aménagent chez eux des refuges temporaires pour les chauves-souris. Olga Tarasova, bénévole au centre de réhabilitation pour chauve-souris du zoo de Moscou et habitante de Chakhty, dans la région de Rostov, leur a dédié une pièce de sa maison : un parc équipé de hamacs, de cabanes miniatures et d'un réfrigérateur destiné à l'hibernation. La plupart des chauves-souris sont relâchées dans la nature après leur réveil, mais certaines, trop blessées, ne pourraient survivre en liberté. Olga les appelle par leurs noms, et elles réagissent même au son de sa voix. Elle a aussi remarqué que chacune avait sa propre personnalité : certaines sont affectueuses et calmes, d'autres jalouses et fougueuses. Il y en a même qui aiment la musique : d'après Olga, la musique classique a un effet apaisant sur certaines chauves-souris.
Selon le site Internet du parc national du Caucase, la Russie abrite environ 50 espèces de chauves-souris, qui figurent toutes dans le livre rouge des espèces menacées. Les interventions humaines sont de plus en plus nécessaires pour protéger ces animaux, car leurs habitats naturels, les forêts anciennes et les grottes, sont perturbés et grignotés par l'urbanisation. Les chauves-souris ont également un faible taux de reproduction et une femelle ne donne généralement naissance qu'à un seul petit.
Elles s'installent dans des cavités d'arbres, parfois dans des structures construites par l'humain, et certaines espèces vivent en vastes colonies dans des grottes. En hiver, en raison du manque d'insectes, elles entrent en hibernation. Pour ce faire, elles recherchent des abris sûrs, principalement des grottes, où leur température corporelle chute jusqu'à s'aligner sur celle de l'air ambiant. Elles peuvent dormir pendant cinq à six mois. Malgré leur petite taille, les chauves-souris vivent en moyenne dix à douze ans, mais certaines atteignent quarante ans. Le parc national du Caucase rappelle cependant que les chauves-souris peuvent être porteuses de la rage, et qu'il convient donc de rester prudent à leur contact.
Aperçu de la dénonciation et de la protection des dénonciateurs en Afrique de l'Ouest
Initialement publié le Global Voices en Français
Délégués à la conférence sous-régionale sur la dénonciation et la protection des dénonciateurs en Afrique de l'Ouest. Photo de moi. Image utilisée avec permission.
Les 26 et 27 novembre, la toute première conférence sur la dénonciation et la protection des lanceurs d'alerte en Afrique de l'Ouest s'est tenue à Abuja au Nigeria, autour du thème : « Réduire la corruption en Afrique de l'Ouest : l'importance d’une loi sur la dénonciation et la protection des lanceurs d'alerte ». La conférence, organisée par le Centre africain en faveur de l'éducation aux médias et à l'information (AFRICMIL), a réuni les délégués du Réseau des institutions de lutte contre la corruption en Afrique de l'Ouest (NACIWA), les acteurs clés de la société civile, les médias, la sécurité, les forces de l’ordre et les organisations de lutte contre la corruption, les agences gouvernementales et diverses organisations internationales de développement.
Dans toute l'Afrique, la corruption reste un obstacle majeur au développement, sapant les institutions démocratiques, ralentissant la croissance économique, contribuant à l'instabilité gouvernementale et alimentant le crime organisé et l’insécurité généralisée. Selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2023, la plupart des pays africains peinent à progresser en matière de lutte contre la corruption.
L'ordre du jour portait sur des questions urgentes liées à la lutte pour la protection des dénonciateurs, y compris un discours principal sur l'effet de la corruption sur la croissance économique et les processus démocratiques en Afrique de l'Ouest, une présentation sur l'expérience régionale en matière de dénonciation et de protection des témoins, et des discussions en groupe sur les protections des dénonciateurs.
En 2001, lors de la session de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement tenue à Dakar, la Communité économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a adopté le Protocole sur la lutte contre la corruption— un ensemble de stratégies visant à prévenir, réprimer et éradiquer la corruption dans la région. Les militants ouest-africains poursuivent ce combat et espèrent renforcer la protection des lanceurs d'alerte.
S'exprimant lors de la conférence, Kole Shettima, directeur pour l'Afrique de la Fondation MacArthur, a déclaré :
La dénonciation est l'un des principaux instruments qui peuvent être utilisés pour améliorer les mécanismes de responsabilité dans notre région. La lutte contre la corruption nécessite différents outils et la dénonciation est certainement l'un d'entre eux. Il incombe aux citoyens de dénoncer les délits et nous avons vu de nombreuses personnes dénoncer de nombreuses pratiques de corruption.
Bien sûr, la politique de protection de dénonciateurs, comme nous le savons, a ses défis, et je pense que l'un des principaux défis constatés au fil des ans porte sur la protection. Nous savons qu'un certain nombre de personnes ont été victimisées pour avoir dénoncé certaines personnes ayant commis des actes répréhensibles au sein de leur ministère ou de leur institution, et du coup la question de la protection est certainement un facteur essentiel.
En août 2024, Wale Edun, ministre des Finances du Nigeria, a déclaré que le gouvernement avait lancé des opérations d'infiltration qui ont permis de récupérer 609 millions USD, 83 milliards NGN (52,5 millions USD) et 5 millions EUR (5,3 millions USD), respectivement, grâce à sa politique de dénonciation.
Joseph Ameh, un architecte qui a travaillé comme chef de la division de la planification physique au Federal College of Education dans l'État du Delta, au Nigeria, a expliqué l'épreuve qu'il a vécue après avoir dénoncé la corruption. Il a déclaré à Global Voices :
La procédure régulière n'a jamais été respectée lors de l'engagement des travailleurs. Des charlatans ont été engagés pour réaliser des projets. À un moment donné, un bâtiment s'est effondré. Tout mon combat a consisté à protéger le public du danger et le combat secondaire a porté sur l'effet économique des pratiques de corruption. En effet, lorsqu'un projet est attribué, il est généralement gonflé à l'excès. Avant même que le projet ne commence, ils retirent environ la moitié de la somme du contrat [pour] eux-mêmes. En octobre 2019, j'ai écrit à la Commission indépendante des pratiques de corruption (ICPC). Ils ont envoyé une lettre à l'institution où je travaillais et peu de temps après, mon calvaire a commencé. J'ai été menacé, licencié et suivi dans des véhicules. On m'a même proposé des chèques de plusieurs millions que j'ai rejetés.
Un autre lanceur d'alerte Ntia Thompson, a subi le même sort : licenciée pour avoir dénoncé des fraudes présumées au ministère nigérian des Affaires étrangères en 2016, a été réintégrée par la suite grâce à un plaidoyer soutenu de la part de groupes
Le coordinateur d'AFRICMIL, Chido Onumah, dont l'organisation a défendu les dénonciateurs dans le cadre de son projet corruption anonyme, a souligné la nécessité de les protéger contre les représailles lors d'un entretien avec Global Voices.
Les dénonciateurs sont confrontés à toutes sortes de représailles allant de la stigmatisation et de la discrimination au licenciement, en passant par des sanctions pénales et, dans les cas extrêmes, la mort, pour avoir osé entreprendre ce qui est manifestement une action consciente et délicate. Cela fait des dénonciateurs des espèces en voie de disparition, pour ainsi dire. Et nous sommes tout à fait d'accord avec la Commission de la CEDEAO pour dire que l'un des meilleurs moyens de les protéger est que les États membres fournissent un cadre juridique complet, par le biais de la législation sur la dénonciation, pour la divulgation d'informations et la protection contre toute mesure de rétorsion résultant de la divulgation d'informations.
En juillet 2016, la commission de la CEDEAO s'est réunie à Cotonou, Bénin, et a renforcé ses efforts régionaux de lutte contre la corruption en dévoilant la stratégie et le plan d'action de la CEDEAO pour la protection des dénonciateurs. L'objectif principal de la stratégie de protection des lanceurs d'alerte est d'encourager les États membres à adopter une loi pour protéger les lanceurs d'alerte d'intérêt public afin de réduire la corruption et de renforcer la transparence et la responsabilité en Afrique de l'Ouest.
Le professeur Etannibi E. Alemika, criminologue et expert en sécurité et en gouvernance du secteur de la justice pénale, a appelé, dans son discours d'ouverture, à l'adoption d'une législation plus stricte en matière de protection des dénonciateurs dans toute l'Afrique de l'Ouest afin de lutter contre la corruption. Il a déclaré :
Nous avons besoin d'une législation complète qui garantisse l'anonymat, la protection contre la victimisation et, le cas échéant, la réinstallation des dénonciateurs et de leurs familles.
Chido Onumah, coordinateur d'AFRICMIL, a noté que « sur les 15 pays qui composent la CEDEAO, seul le Ghana dispose d'une loi sur la protection des dénonciateurs. Ce n'est pas une bonne publicité pour la CEDEAO, dont la région est constamment mal classée dans l'Indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International et dont la majorité des pays membres sont toujours considérés comme les pays les plus corrompus au monde. »
Mohmamed Ould Abdel Aziz, ex-président mauritanien est condamné à 15 ans de prison
Initialement publié le Global Voices en Français
Macky Sall, ancien président du Sénégal (2012-2024) ; Capture d'écran de la chaîne YouTube de United Nations Global Compact
En Afrique, plusieurs anciens présidents rendent des comptes à la justice de leur pays, mais ce processus est-il une œuvre de bonne gouvernance ou de vengeance politique?
La mauvaise gestion des affaires au sommet de l’État est souvent dénoncée en Afrique comme un problème courant. Opposants, acteurs de la société civile, observateurs de la vie socio-politique africaine ne cessent d'attirer l'attention sur une longue liste de questions non résolues: mauvaise gouvernance, détournement de fonds, corruption, violations des droits humains, etc… Les présidents en exercice sont généralement intouchables durant leur mandat, mais leur immunité prend fin une fois leur mandat terminé. Pour certains, cette période correspond alors à un début de poursuites en justice sur la base de plaintes déposées dans leur pays.
Un article de Radio France Internationale (RFI) publié en 2021 fait une analyse du sort de plusieurs anciens dirigeants africains tombés en disgrâce après la fin de leurs mandats. Cette liste inclut Yahya Jammeh (ex-président gambien, 1994-2017), le libérien Charles Taylor (1997-2003), Omar el-Béchir (ex-président du Soudan, 1989-2019), Jacob Zuma (ex-président de l'Afrique du Sud, 2009-2018), Ahmed Abdallah Sambi des Comores (2006-2011), Hissène Habré ex-dirigeant tchadien (1982-1990), Blaise Compaoré (ancien président du Burkina-Faso, 1987-2014), Laurent Gbagbo (Côte d'Ivoire, 2000-2011), Mohamed Ould Abdel Aziz (ex-président mauritanien, 2009-2019), ou encore Macky Sall (Sénégal, 2012-2024).
Des exemples récents dans deux pays – le Sénégal et la Mauritanie – illustrent la complexité de ce processus qui se place souvent entre justice et vengeance politique dans de nombreux cas.
Macky Sall a été président du Sénégal, pays reconnu pour son exemplarité en matière de démocratie sur le continent, pendant deux mandats. Ayant contribué au développement de son pays, Macky a vécu l'expérience de démêlés politiques avec Ousmane Sonko, président du parti des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), son principal opposant et candidat au poste présidentiel pour l'élection de 2024.
L'élection de Bassirou Diomaye Faye, candidat du PASTEF en remplacement à Sonko, et actuel président du Sénégal depuis mars 2024 marque le début d'un règlement de comptes. L'équipe de Faye, avec à sa tête Ousmane Sonko, devenu entretemps Premier ministre, accuse Macky de haute trahison vis-à-vis de l’État sénégalais en mettant à jour une dette de 7 milliards de dollars qui aurait été dissimulée par l’administration Macky entre 2019 et 2024. Dans un article publié en septembre 2024, France24 cite plusieurs chefs d'accusations à l'encontre de Macky: dérapages financiers, mauvaise gouvernance et de “détournement des deniers publics”, fausses déclarations de dette et du déficit public du pays aux partenaires internationaux.
Après avoir quitter la fonction de président, Macky Sall, s'est d'abord installé au Maroc. Déclaré persona no grata en raison des demandes d'extradition formulées par le nouveau gouvernement de Dakar au Maroc en mars 2025 dans le cadre d’une convention d'extradition entre les deux pays, Macky se serait installé en Côte d'Ivoire. Mais il pourrait faire face à une levée de son immunité – une première dans l'histoire de la démocratie sénégalaise – et dans ce cas pourrait être exposé à des poursuites judiciaires.
Ce fut d'ailleurs le cas en janvier 2025 de Mouhamadou Ngom, député proche de Macky ; de Moustapha Diop et Mme Salimata Diop, deux ex-ministres durant son mandat qui voient leur immunité levée en mai 2025 dans une affaire de malversations.
Brandissant les exemples de condamnations d'anciens présidents dans d'autres pays, Hayati Fall, un Sénégalais résidant au États-Unis écrit sur son compte X :
La France a jugé et condamné Sarkozy, Yaya Jammeh va être jugé pour ses crimes en Gambie, Abbré a été jugé et condamné avec l’aide de Macky Sall, mais Macky Sall et ses suiveurs croient qu’il vont revenir tranquille dans ce pays pour réclamer les suffrages des sénégalais.
— Hayati Fall (@hayatifall) December 18, 2024
En Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, président de 2009 à 2019 vient de voir son destin scellé derrière les barreaux. Après avoir mené deux coups d’État en 2005 et 2008, il est élu président en 2009 et reconduit en 2014.
Obligé de rendre le tablier après ses deux mandats, il positionne Mohamed Ould Ghazouani, son dauphin au sein du régime pour prendre le pouvoir. Mais dès son ascension à la présidence, ce dernier lance des manœuvres à l'encontre de son prédécesseur pour enquêter sur sa gestion du pouvoir. En 2020, des accusations de corruption sont portées contre six de ses ex-ministres qui sont placés sous contrôle judiciaire. En mars 2021, Ould Abdel Aziz est accusé de blanchiment d'argent, de faits de corruption, d'enrichissement illicite, et de crimes économiques. Après une bataille judiciaire entre ses avocats et l'administration judiciaire mauritanienne, il est condamné en décembre 2023 à cinq ans d'emprisonnement ferme pour les faits suscités ainsi qu'à la confiscation de ses biens et la déchéance de ses droits civiques.
En décembre 2023, les avocats d'Ould Abdel Aziz dénoncent un procès politique et font appel. En février 2025, le verdict final prononcé par le procureur requiert 20 ans de prison. Cette peine qui est finalement revue à la baisse le 14 mai 2025: l'ancien président est alors condamné à 15 ans de prison ferme.
De nombreux hommes politiques africains ont tendance à prolonger leur mandat indéfiniment à la tête de leur pays, se positionnant ainsi aux yeux de tous comme leader irremplaçable. En mai 2025, Deutsche Welle (DW) publie un article intitulé “Pourquoi les dirigeants africains s’accrochent au pouvoir” dans lequel il dresse la liste de plusieurs présidents africains qui ont passé parfois plusieurs décennies au pouvoir: Teodoro Obiang Nguema (45 ans au pouvoir en Guinée équatoriale) ; Paul Biya, ( 42 années au pouvoir au Cameroun) ; Denis Sassou-Nguesso (27 ans au pouvoir) ; Paul Kagame (25 ans au pouvoir) ; Faure Gnassingbé (20 ans au pouvoir), et Alassane Ouattara (14 ans au pouvoir en Côte d'Ivoire). Ce dernier, même s'il ne s'est pas encore prononcé sur sa volonté de briguer un quatrième mandat, reste un potentiel candidat pour les prochaines élections présidentielles du pays. En 2025, ces chefs d’État cités sont tous encore au pouvoir.
Cette tendance historique à s'accrocher au pouvoir à tout prix et au mépris des constitutions semble aujourd'hui être contestée par les sociétés africaines qui refusent de signer un chèque en blanc à leurs leaders élus car le système de gouvernance actuel ne repeint pas aux attentes des populations et remet en cause la crédibilité des normes démocratiques.