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Ce que l’écologie peut apprendre du logiciel libre

2023-10-09T00:00:00Z - (source)

Ce que l’écologie peut apprendre du logiciel libre

Extrait de mon journal du 8 octobre 2023.

L’écologie a beaucoup à apprendre de l’échec du mouvement pour le logiciel libre. Celui-ci, perçu avec raison comme étant un combat moral s’opposant à la privatisation et la marchandisation des communs, s’est mué en open source, un mouvement très similaire, mais mettant en avant l’aspect technique afin de ne plus remettre en question l’aspect mercantile et la philosophie capitaliste.

Le résultat est sans appel: l’open source a gagné ! Il est partout. Il compose l’essentiel des logiciels que vous utilisez tous les jours. Le plus grand adversaire historique du logiciel libre, Microsoft, est devenu le plus grand contributeur à l’open source, étant même propriétaire de la plus grande et incontournable plateforme de développement open source : Github.

Et pourtant, les utilisateurs n’ont jamais eu aussi peu de liberté (ce qui justifie que je parle d’échec). Nous sommes espionnés, nous devons payer des abonnements mensuels pour tout, nous sommes soumis à des myriades de publicités. Nous n’avons aucun contrôle sur nos données ni même sur les ordinateurs que nous achetons. Là où le logiciel libre s’opposait à la privatisation des communs, l’open source contribue à cet accaparement.

La victoire à la Pyhrrus de l’open source entraine une désertion du combat pour la préservation de nos libertés fondamentales. La disparition de ces libertés n’était, au départ, que perçue comme un délire de quelques geeks paranoïaques. Elle est désormais un fait avéré et totalement banalisé, normalisé dans la vie quotidienne de l’immense majorité des humains. Le simple droit à exister sans être espionné, sans être envahi par les monopoles publicitaires et sans être forcé à dépenser de l’argent pour une énième mise à jour a essentiellement disparu. Se connecter aux plateformes en ligne officielles de nombreuses institutions, y compris étatiques, nécessite désormais le plus souvent un compte Google, Apple ou Microsoft. La plus grande université francophone de Belgique, où je suis employé, force chaque étudiant et chaque membre du personnel à utiliser un compte Microsoft et à y sauver toutes ses données, toutes ses communications.

Le parallèle avec l’écologie est troublant à l’heure où la doxa politique consiste à concilier écologie et consumérisme. L’écologie de marché est promue comme une solution exactement de la même manière que l’open source était vu comme une manière pour le logiciel libre de s’imposer.

Nul besoin d’être prophète pour prédire que le résultat sera identique, car il l’est déjà : une situation aggravée, mais perçue comme acceptable, car le combat fait désormais partie du passé. Les militants restants forment une arrière-garde décatie.

Le marché des compensations carbone, qui produit plus de pollution que s’il n’existait pas tout en autorisant les plus gros pollueurs à s’acheter une conscience, n’est que le premier de nombreux exemples. L’absurde hypocrisie des entreprises de se prétendre « écologiques » ou « vertes » en est une autre. En vérité, il n’y a pas de compromis à faire avec l’économie consumériste, car elle est la racine du mal qui nous ronge.

Bon nombre de militants écologistes se regroupent désormais sur des plateformes publicitaires comme Facebook ou Google qui cherchent à privatiser l’information et les espaces de discussions en nous poussant à la consommation. Ce n’est qu’une des nombreuses illustrations de notre incapacité à imaginer les conséquences logiques de nos actions dès le moment où notre salaire et notre confort quotidien dépendent du fait que nous ne les imaginions pas.

Mon expérience universitaire démontre que les organisations qui sont censées nous servir d’élite intellectuelle sont tout autant corrompues et dénuées de l’imagination qui est pourtant le cœur de leur mission.

Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.

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The future of Offpunk: UNIX command-line heaven and packaging hell

2023-10-01T00:00:00Z - (source)

The future of Offpunk: UNIX command-line heaven and packaging hell

A story about how the UNIX philosophy made me develop tools I’m actually proud of and why packaging is holding me back.

Two years ago, I decided that I wanted to be able to browse Gemini while offline. I started to add a permanent cache to Solderpunk’s AV-98, the simplest and first Gemini browser ever. It went surprisingly well. Then, as the excellent forlater.email service went down for a week, I thought that I would add a quick and hackish HTTP support to it. Just a temporary experiment.

The same week, I serendipitously stumbled upon chafa, an image rendering tool which was on my computer because of neofetch. I thought it would be funny to have pictures rendered in webpages in my terminal. Just an experiment to take some funny screenshots, nothing more.

But something really surprising happened: it was working. It was really useful. I was really using it and, after adding support for RSS, I realised that this experiment was actually working better for me than forlater.email and newsboat. Offpunk was born without really thinking about it and became a real project with its own philosophy.

Born on Gemini, I wanted Offpunk to keep its minimalistic roots: keeping dependencies under control (making them optional and implementing the underlying feature myself as soon as it makes sense), keeping it simple (one single runnable python script), caring as much as possible about older versions of python, listening to people using it on very minimal systems. I also consciously choose to use only solutions that have been time-trial-tested. I’ve spent too many years of my life falling for the "new-trendy-technology" and learned from those mistakes. The one-file aspect assured that it was really easy to use and to hack: open the file, modify something, run it.

I’m not a good developer. Anything more complex than that is too much for my taste. Unless forced, I’ve never used an IDE, never understood complex toolchains nor packaging. I modify files with (neo)vim (without any plugin), compile from the command line and run the resulting binary (not even needing that step with python). Life is too short for making it more complex. I like to play with the code, not to learn tools that would do it for me.

But offpunk.py was becoming fat. 4500 lines of organic python which have grown over an AV-98 structured to be a test bed for an experimental protocol. The number of people able to understand its code entanglement varied between 0 and 1, depending on the quality of my morning Earl Grey.

I wanted to make life easier for contributors. I also realised that some features I developed might be useful without offpunk. So I stepped into a huge refactoring and managed to split offpunk into several components. My goal was to separate the code into multiple individual components doing one thing and doing it well. And, to my own surprise, I succeeded.

Netcache.py

I called the first component "netcache". Think of netcache as a cached version of wget. If possible, netcache will give you a cached version of the URL you are asking. If no cache or too old and if allowed to go online, netcache will download it.

It means that if you like Offpunk’s core concept but don’t like the interface and want, for example, a GUI, you could write your own browser that would, using netcache, share the cache with Offpunk.

Netcache is currently working just well enough for my needs but could do a lot better. I should, for example, investigate replacing the network code by libcurl and implementing support for multithreaded concurrent downloads.

Ansicat.py

Coloured output in your terminal is done through a standard called ANSI. As I wrote the first HTML to ANSI renderer for offpunk, I started to understand how awful the HTML standard was. Armed with that experience, I started a second renderer and, to be honest, it is actually not that bad. I’m even proud of it.

Ansicat is really useful when in a terminal because it will render HTML and gemtext in a good, readable way. If the optional library python-readability is present, ansicat will try to extract the main content from a web page (and, yes, python-readability is one dependency I would like to reimplement someday).

With netcache and ansicat, you can already do something like:

netcache https://ploum.net | ansicat --format=html

Yes, it works. And yes, as a UNIX junkie, I was completely excited the first time it worked. Look mum, I’m Ken Thompson! Making ansicat a separate tool made me think about adding support for other formats. Like PDF or office documents. How cool would it be to have a single cat command for so many different formats?

Opnk.py

While netcache and ansicat were clear components I wanted to split from Offpunk’s core since the start of the refactoring, another tool appeared spontaneously: opnk.

Opnk (Open-like-a-punk) is basically a wrapper that will run ansicat on any file given. If given a URL, it will ask netcache for the file. Result will be displayed in less (after passing through ansicat, of course).

If ansicat cannot open the file, opnk fallbacks on xdg-open.

That looks like nothing but it proved to be massively useful in my workflow. I already use opnk every day. Each time I want to open a file, I don’t think about the command, I type "opnk". It even replaced cat for many use cases. I’m considering renaming it "opn" to save one character. Using opnk also explains why I want to work on supporting PDF/office documents with ansicat. That would be one less opportunity to leave the terminal.

Offpunk.py

Through this architecture, Offpunk became basically an interface above opnk. And this proved to work well. Many longstanding bugs were fixed, performance and usability were vastly improved.

Everything went so well that I dreamed releasing offpunk 2.0, netcache, ansicat and opnk while running naked with talking animals in field of flowers under a rainbow. Was it really Earl Grey in the cup that day?

Packaging Offpunk.py

Now for the bad news.

As expected, the refactoring forced me to break my "one-single-python-file" rule.

I felt guilty for those people who told me about using offpunk on very minimal systems, sometimes from a USB key. But I thought that this was not a real problem. Instead of one python script, I had four of them (and a fifth file containing some shared code). That should not be that much of a problem, isn’t it?

Well, python packaging systems would like to disagree. Flowers fade, the rainbow disappears behind black and heavy clouds while animals start to look at me with a devilish look and surprisingly sharp teeth.

I’ve spent many hours, asked several people on the best way to package multiple python files without making the whole thing a module. Without success. Hopefully, the community is really helpful. David Zaslavsky stepped on the mailing list to give lots of advice and, as I was discouraged, Austreelis started to work really hard to make offpunk both usable directly and packagable. I’m really grateful for their help and their work. But, so far, without clear success. I feel sad about the amount of energy required to address something as simple as "I’ve 5 python files which depend on each other and I want to be able to launch them separately".

The software is working really well. The refactoring allowed me to fix longstanding bugs and to improve a lot of areas while adding new features (colour themes anyone?) On my computer, I added four aliases in my zsh config: offpunk, opnk, ansicat and netcache. Each alias runs the corresponding python file. Nothing fancy and I want to keep it that way. I know for a fact that several users are doing something similar: git clone then run it from an arbitrary location.

Keeping things as simple as that is the main philosophical goal behind offpunk. It’s an essential part of the project. If people want to use pip or any other tool to mess up their computer configuration, that’s their choice. But it should never be required.

Which means that I’m now in a very frustrating position: Offpunk 2.0 is more than ready from a code point of view. But it cannot be shipped because there’s currently no easy way to package it. The pyproject.toml file had become an obstacle to the whole development process.

I’m contemplating putting everything back in one big file. Or removing the pyprojects.toml file from the repository and releasing offpunk "as it is".

Some will call me an old conservative fart for refusing to use one of those gazillion shiny packaging system. Others will judge me as a pretty poor programmer if I managed to do 20 years of Python without ever understanding pip nor using an IDE.

They are probably right. What would you seriously expect from someone doing a command-line tool to browse Gemini and Gopher?

But there’s maybe an easier solution than to change my mind and offpunk’s core philosophy. A simple solution that I missed. If that’s the case, don’t hesitate to drop a word on the devel mailing-list, Austreelis and I will be happy to hear about your opinion and your experience.

While you are at it, bug reports and feedback are also welcome. I’ve this odd custom of finding embarrassing bugs only hours after a release. I really hope to do better with offpunk 2.0.

And after we’ve solved that little packaging anecdote together, I will happily return to my bare neovim to code all the ideas I want to implement for 2.1, 2.2 and many more releases to come.

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40 ans de GNU

2023-09-27T00:00:00Z - (source)

40 ans de GNU

Richard Stallman ne voulait pas changer le monde. Il ne voulait pas se battre contre les moulins à vent. Il ne voulait pas réinventer la roue. Richard Stallman voulait simplement retrouver ses amis, sa communauté.

Pour ce jeune homme barbu et rondouillard, les relations sociales n’avaient jamais été simples. Toujours plongé dans les livres et adorant résoudre des casse-têtes logiques, le jeune homme avait toujours eu un peu de mal à trouver sa place. Il avait beau adorer la compagnie, les longues discussions et la danse, ses intérêts pour les mathématiques semblaient toujours un peu en décalage. Son humour, surtout, était souvent mal perçu au point de choquer ou d’effrayer. C’est au laboratoire d’Intelligence Artificielle du MIT qu’il avait enfin eu l’impression d’être entièrement à sa place. Les jours et les nuits devant un écran, les doigts sur un clavier, entourés de personnes qui, comme lui, ne cherchaient que des problèmes à résoudre. À résoudre de la manière la plus simple, la plus élégante, la plus rigolote ou la plus absurde. Pour l’amour de l’art, par besoin ou par simple envie de faire une blague potache.

RMS, ainsi qu’il se présentait chaque fois que l’ordinateur lui affichait le mot "login:", était heureux.

Mais le vent changeait. En 1976, le très jeune dirigeant d’une obscure société vendant un compilateur BASIC s’était fendu d’une longue lettre ouverte à la communauté des utilisateurs d’ordinateurs. Dans cette lettre, il suppliait les amateurs d’ordinateurs d’arrêter de partager des logiciels, de le modifier, de les copier. À la place, arguait-il, il faut acheter les logiciels. Il faut payer les développeurs. Bref, il faut faire la différence entre les développeurs payés et les utilisateurs qui paient et n’ont pas le droit de comprendre comment le programme fonctionne.

S’il l’a lue, la lettre est passée au-dessus de la tête de Richard. Ce que produit ce jeune William Gates, dit Bill, et sa société « Micro-Soft » ne l’intéressait pas à l’époque. Il sait bien que l’esprit « hacker » est celui du partage, de la curiosité. Ken Thompson, l’inventeur d’Unix, n’avait jamais caché son désir de partager toutes ses expérimentations. Lorsque les avocats d’AT&T, son employeur, avaient commencé à rechigner en déposant la marque UNIX puis en interdisant tout partage, lui, Dennis Ritchie, Brian Kernighan et leurs comparses s’étaient amusés à contourner toutes les règles. Le code source se transmettait via des bandes « oubliées » dans un bureau voire sur les bancs des parcs. Le code source entier d’UNIX, annoté et commenté par John Lions pour servir de support éducatif à ses étudiants, se targuait d’être le livre d’informatique le plus photocopié du monde malgré l’interdiction d’en faire des copies.

Les Bill Gates et leurs armées d’avocats ne pourraient jamais venir à bout de l’esprit hacker. Du moins, c’est ce que Richard Stallman pensait en travaillant à sa machine virtuel LISP et à son éditeur Emacs.

Jusqu’au jour où il réalisa qu’une société, Symbolics, avait graduellement engagé tous ses collègues. Ses amis. Chez Symbolics, ceux-ci continuaient à travailler à une machine virtuelle LISP. Mais ils ne pouvaient plus rien partager avec Richard. Ils étaient devenus concurrents, un concept inimaginable pour le hacker aux cheveux en bataille. Par bravade, celui-ci se mit alors à copier et implémenter dans la machine LISP du MIT chaque nouvelle fonctionnalité développée par Symbolics. À lui tout seul, il abattait le même travail que des dizaines d’ingénieurs. Il n’avait bien entendu pas accès au code source et devait se contenter de la documentation de Symbolics pour deviner les principes de fonctionnement.

Le changement d’ambiance avait été graduel. Richard avait perdu ses amis, sa communauté. Il avait été forcé, à son corps défendant, de devenir un compétiteur plutôt qu’un collaborateur. Il ne s’en rendait pas complètement compte. Le problème était encore flou dans sa tête jusqu’au jour où une nouvelle imprimante fit son apparition dans les locaux du MIT.

Il faut savoir que, à l’époque, les imprimantes faisaient la taille d’un lit et avaient pas mal de problèmes. Sur la précédente, Richard avait bricolé un petit système envoyant automatiquement une alerte en cas de bourrage. Il n’avait pas réfléchi, il avait pris le code source de l’imprimante et l’avait modifié sans se poser de questions. Mais, contre toute attente, le code source de la nouvelle imprimante n’était pas livré avec. Le monde de l’informatique était encore tout petit et Richard avait une idée de qui, chez Xerox, avait pu écrire le logiciel faisant fonctionner l’imprimante. Profitant d’un voyage, il se rendit dans le bureau de la personne pour lui demander une copie.

La discussion fut très courte. La personne n’avait pas le droit de partager le code source. Et si elle le partageait, Richard devait signer un accord de non-divulgation. Il n’aurait, à son tour, pas le droit de partager.

Pas le droit de partager ? PAS LE DROIT DE PARTAGER ?

Le partage n’est-il pas l’essence même de l’humanité ? La connaissance ne repose-t-elle pas entièrement sur le partage intellectuel ?

Le ver glissé dans le fruit par Bill Gates commençait à faire son œuvre. Le monde commençait à souscrire à la philosophie selon laquelle faire de Bill Gates l’homme le plus riche du monde était une chose plus importante que le partage de la connaissance. Que la compétition devait nécessairement venir à bout de la collaboration. Les hackers avaient fini par enfiler une cravate et se soumettre aux avocats.

S’il ne faisait rien, Richard ne retrouverait plus jamais ses amis, sa communauté. Bouillonnant de colère, il décida de reconstruire, à lui tout seul, la communauté hacker. De la fédérer autour d’un projet que n’importe qui pourrait partager, améliorer, modifier. Que personne ne pourrait s’approprier.

Il nomma son projet « GNU », les initiales de « GNU’s Not Unix » et l’annonça sur le réseau Usenet le 27 septembre 1983. Il y a 40 ans aujourd’hui.

Bon anniversaire GNU.

Après cette annonce, Richard Stallman allait se mettre à réécrire chacun des très nombreux logiciels qui composaient le système Unix. Tout seul au début, il créait le système GNU de toutes pièces. Son seul échec fut le développement d’un noyau permettant de faire tourner GNU sur des ordinateurs sans avoir besoin d’un système non-GNU. Richard percevait le problème, car, en plus de coder, il développait la philosophie du partage et du libre. Il inventait les fondements du copyleft.

En 1991, en s’aidant des outils GNU, dont le compilateur GCC, un jeune Finlandais, Linus Torvalds, allait justement créer un noyau à partir de rien. Un noyau qu’il allait mettre sous la licence copyleft inventée par Stallman.

Mais ceci est une autre histoire…

Lectures suggérées :

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Splitting the Web

2023-08-01T00:00:00Z - (source)

Splitting the Web

There’s an increasing chasm dividing the modern web. On one side, the commercial, monopolies-riddled, media-adored web. A web which has only one objective: making us click. It measures clicks, optimises clicks, generates clicks. It gathers as much information as it could about us and spams every second of our life with ads, beep, notifications, vibrations, blinking LEDs, background music and fluorescent titles.

A web which boils down to Idiocracy in a Blade Runner landscape, a complete cyberpunk dystopia.

Then there’s the tech-savvy web. People who install adblockers or alternative browsers. People who try alternative networks such as Mastodon or, God forbid, Gemini. People who poke fun at the modern web by building true HTML and JavaScript-less pages.

Between those two extremes, the gap is widening. You have to choose your camp. When browsing on the "normal web", it is increasingly required to disable at least part of your antifeatures-blockers to access content.

Most of the time, I don’t bother anymore. The link I clicked doesn’t open or is wrangled? Yep, I’m probably blocking some important third-party JavaScript. No, I don’t care. I’ve too much to read on a day anyway. More time for something else. I’m currently using kagi.com as my main search engine on the web. And kagi.com comes with a nice feature, a "non-commercial lens" (which is somewhat ironic given the fact that Kagi is, itself, a commercial search engine). It means it will try to deprioritize highly commercial contents. I can also deprioritize manually some domains. Like facebook.com or linkedin.com. If you post there, I’m less likely to read you. I’ve not even talked about the few times I use marginalia.nu.

Something strange is happening: it’s not only a part of the web which is disappearing for me. As I’m blocking completely google analytics, every Facebook domain and any analytics I can, I’m also disappearing for them. I don’t see them and they don’t see me!

Think about it! That whole "MBA, designers and marketers web" is now optimised thanks to analytics describing people who don’t block analytics (and bots pretending to be those people). Each day, I feel more disconnected from that part of the web.

When really needed, dealing with those websites is so nerve breaking that I often resort to… a phone call or a simple email. I signed my mobile phone contract by exchanging emails with a real person because the signup was not working. I phone to book hotels when it is not straightforward to do it in the web interface or if creating an account is required. I hate talking on the phone but it saves me a lot of time and stress. I also walk or cycle to stores instead of ordering online. Which allows me to get advice and to exchange defective items without dealing with the post office.

Despite breaking up with what seems to be "The Web", I’ve never received so many emails commenting my blog posts. I rarely had as many interesting online conversations as I have on Mastodon. I’ve tens of really insightful contents to read every day in my RSS feeds, on Gemini, on Hacker News, on Mastodon. And, incredibly, a lot of them are on very minimalists and usable blogs. The funny thing is that when non-tech users see my blog or those I’m reading, they spontaneously tell me how beautiful and usable they are. It’s a bit like all those layers of JavaScript and flashy css have been used against usability, against them. Against us. It’s a bit like real users never cared about "cool designs" and only wanted something simple.

It feels like everyone is now choosing its side. You can’t stay in the middle anymore. You are either dedicating all your CPU cycles to run JavaScript tracking you or walking away from the big monopolies. You are either being paid to build huge advertising billboards on top of yet another framework or you are handcrafting HTML.

Maybe the web is not dying. Maybe the web is only splitting itself in two.

You know that famous "dark web" that journalists crave to write about? (at my request, one journalist once told me what "dark web" meant to him and it was "websites not easily accessible through a Google search".) Well, sometimes I feel like I’m part of that "dark web". Not to buy drugs or hire hitmen. No! It’s only to have a place where I can have discussions without being spied and interrupted by ads.

But, increasingly, I feel less and less like an outsider.

It’s not me. It’s people living for and by advertising who are the outsiders. They are the one destroying everything they touch, including the planet. They are the sick psychos and I don’t want them in my life anymore. Are we splitting from those click-conversion-funnel-obsessed weirdos? Good riddance! Have fun with them.

But if you want to jump ship, now is the time to get back to the simple web. Welcome back aboard!

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Pour une poignée de followers

2023-07-23T00:00:00Z - (source)

Pour une poignée de followers

Pour une raison que j’ignore, mon compteur d’abonnés sur Mastodon s’est emballé et vient de franchir le cap de 6700. Ce chiffre porte une petite symbolique pour moi, car je ne pense pas l’avoir jamais franchi sur Twitter.

Si mes souvenirs sont bons, j’ai quitté Twitter avec environ 6600 abonnés, Google+ avec 3000 abonnés, Facebook avec 2500, LinkedIn et Medium avec 1500. Mastodon serait donc le réseau où j’ai historiquement le plus de succès (si l’on excepte l’éphémère compte Twitter du « Blog d’un condamné » qui avait attiré plus de 9000 personnes en quelques jours).

Faut-il être heureux que mon compte Mastodon fasse mieux en six ans que mon compte Twitter entre 2007 et 2021, date de sa suppression définitive ?

Où peut-être est-ce l’occasion de rappeler que, tout comme le like, dont j’ai précédemment détaillé l’inanité, le nombre de followers est une métrique absurde. Fausse. Et qui devrait être cachée.

Où l’on sépare les comptes qui comptent de ceux qui ne comptent pas

Les réseaux sociaux commerciaux vous vendent littéralement l’impression d’être suivis. Il n’y a aucun incitant à offrir un compte correct. Au contraire, tout est fait pour exagérer, gonfler.

Vos followers sont donc composés de comptes de robots, de comptes de sociétés qui suivent, mais ne lisent de toute façon pas les contenus, de comptes générés automatiquement et de toute cette panoplie de comptes inactifs, car la personne est passée à autre chose, a oublié son mot de passe ou, tout simplement, est décédée.

Sur Mastodon, mon intuition me dit que c’est « moins pire » grâce à la jeunesse du réseau. J’y ai déjà néanmoins vu des comptes de robots, des comptes de personnes qui ont testé et n’utilisent plus Mastodon ainsi que des comptes doublons, la personne ayant plusieurs comptes et me suivant sur chacun.

Au final, il y’a beaucoup moins d’humains que le compteur ne veut bien nous le laisser croire.

Où l’on se pose la question de l’utilité de tout cela

Mais même lorsqu’un compte représente un humain réel, un humain intéressé par ce que vous postez, encore faut-il qu’il vous lise lorsque votre contenu est noyé dans les 100, 200 ou 1000 autres comptes qu’il suit. Ou, tout simplement, n’est-il pas sur les réseaux sociaux ce jour-là ? Peut-être vous a-t-il vu et lu, entre deux autres messages.

Et alors ?

Je répète en anglais parce que ça donne un style plus théâtral.

So what ?

So feukinne watte ?

Vous êtes-vous déjà demandé à quoi pouvaient bien servir les followers ?

Tous ces autocollants vous invitant à suivre sur Facebook et Instagram la page de votre fleuriste, de votre plombier ou de votre boulangerie ? Sérieusement, qui s’est un jour dit en voyant un de ces autocollants « Cool, je vais suivre mon fleuriste, mon plombier et ma boulangère sur Facebook et Instagram » ?

Et quand bien même certains le font, certainement tonton Albert et cousine Géraldine qui n’habitent pas la ville, mais soutiennent la boulangère de la famille, pensez-vous que ça ait le moindre impact sur le business ?

À l’opposé, je suis avec assiduité une centaine de blogs par RSS. Je lis tout ce que ces personnes écrivent. Je réagis par mail. Je les partage en privé. J’achète également tous les livres de certains de mes auteurs favoris. Pourtant, je ne suis compté nulle part comme un follower.

Où l’on a la réponse à la question précédente

Militant pour le logiciel libre, le respect de la vie privée et le web non commercial, on pourrait arguer que mon public se trouve, par essence, sur Mastodon. (et me demander pourquoi je suis resté si longtemps sur les réseaux propriétaires. Je n’ai en effet aucune excuse).

Prenons un cas différent.

L’écrivain Henri Lœvenbruck a fermé ses comptes Facebook (29.000 followers), Twitter (10.000 followers) et Instagram (8.000 followers). Son dernier livre, « Les disparus de Blackmore », promu uniquement auprès des 5000 comptes qui le suivent sur Mastodon (et un peu LinkedIn, mais qu’est-ce qu’il fout encore là-bas ?) s’est pourtant beaucoup mieux vendu que le précédent.

Faut-il en déduire que les followers ne sont pas la recette miracle tant louée par… les sociétés publicitaires dont le business model repose à vouloir nous faire avoir à tout prix des followers ? D’ailleurs, entre nous, préférez-vous passer quelques heures à vous engueuler sur Twitter ou à flâner dans un univers typiquement Lœvenbruckien ? (Mystères lovercraftiens, grosses motos qui pétaradent, vieux whiskies qui se dégustent et quelques francs-maçons pour la figuration, on sent que l’auteur de « Nous rêvions juste de liberté » s’est fait plaisir, plaisir partagé avec les lecteurs et après on s’étonne que le bouquin se vende)

Si Lœvenbruck a pris un risque dans sa carrière pour des raisons éthiques et morales, force est de constater que le risque n’en était finalement pas un. Ses comptes Facebook/Instagram/Twitter ne vendaient pas de livres. Ce serait plutôt même le contraire.

Dans son livre "Digital Minimalism" et sur son blog, l’auteur Cal Newport s’est fait une spécialité d’illustrer le fait que beaucoup de succès modernes, qu’ils soient artistiques, entrepreneuriaux ou sportifs, se construisent non pas avec les réseaux sociaux, mais en arrivant à les mettre de côté. Une réflexion que j’ai moi-même esquissée alors que je tentais de me déconnecter.

La conclusion de tout cela est effrayante : nous nous sommes fait complètement avoir. Vraiment. La quête de followers est une arnaque totale qui, loin de nous apporter des bénéfices, nous coûte du temps, de l’énergie mentale, parfois de l’argent voire, dans certains cas, détruit notre business ou notre œuvre en nous forçant à modifier nos produits, nos créations pour attirer des followers.

Où l’on se rend compte des méfaits d’un simple chiffre

Car, pour certains créateurs, le nombre de followers est devenu une telle obsession qu’elle emprisonne. J’ai eu des discussions avec plusieurs personnes très influentes sur Twitter en leur demandant si elles comptaient ouvrir un compte sur Mastodon. Dans la plupart des cas, la réponse a été qu’elles restaient sur Twitter pour garder « leur communauté ». Leur "communauté" ? Quel bel euphémisme pour nommer un chiffre artificiellement gonflé qui les rend littéralement prisonnières. Et peut-être est-ce même une opportunité manquée.

Car un réseau n’est pas l’autre. Le bien connu blogueur-à-la-retraite-fourgueur-de-liens Sebsauvage a 4000 abonnés sur Twitter. Mais plus de 13000 sur Mastodon.

Est-ce que cela veut dire quelque chose ? Je ne le sais pas moi-même. Je rêve d’un Mastodon où le nombre de followers serait caché. Même de moi-même. Surtout de moi-même.

Avant de transformer nos lecteurs en numéros, peut-être est-il bon de se rappeler que nous sommes nous-mêmes des numéros. Que le simple fait d’avoir un compte Twitter ou Facebook, même non utilisé, permet d’augmenter de quelques dollars chaque année la fortune d’un Elon Musk ou d’un Mark Zuckerberg.

En ayant un compte sur une plateforme, nous la validons implicitement. Avoir un compte sur toutes les plateformes, comme Cory Doctorrow, revient à un vote nul. À dire « Moi je ne préfère rien, je m’adapte ».

Si nous voulons défendre certaines valeurs, la moindre des choses n’est-elle pas de ne pas soutenir les promoteurs des valeurs adverses ? De supprimer les comptes des plateformes avec lesquelles nous ne sommes pas moralement alignés ? Si nous ne sommes même pas capables de ce petit geste, avons-nous le moindre espoir de mettre en œuvre des causes plus importantes comme sauver la planète ?

Où l’on relativise et relativise la relativisation

Encore faut-il avoir le choix. Je discutais récemment avec un indépendant qui me disait que, dans son business, les clients envoient un message Whatsapp pour lui proposer une mission. S’il met plus de quelques dizaines de minutes à répondre, il reçoit généralement un « c’est bon, on a trouvé quelqu’un d’autre ». Il est donc obligé d’être sur Whatsapp en permanence. C’est peut-être vrai pour certaines professions et certains réseaux sociaux.

Mais combien se persuadent que LinkedIn, Facebook ou Instagram sont indispensables à leur business ? Qu’ils ne peuvent quitter Twitter sous peine de mettre à mal leur procrastin… leur veille technologique ?

Combien d’entre nous ne font que se donner des excuses, des justifications par simple angoisse d’avoir un jour à renoncer à ce chiffre qui scintille, qui augmente lentement, trop lentement, mais assez pour que l’on ait envie de le consulter tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes.

Que sommes-nous prêts à sacrifier de notre temps, de nos valeurs, de notre créativité simplement pour l’admirer ?

Notre nombre de followers.

Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.

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