Je me suis peut-être fait humilier par la boulangère, mais je sais compiler un noyau Linux, moi.
Tout a commencé avant-hier. Je faisais du shopping dans le centre de Lyon. Arrivé au rayon « homme » de chez Mango (quelle idée d’aller là bas), je demande de l’aide à une vendeuse.
- Bonjour, je cherche un petit gilet pour l’automne, vous en avez ?
- Un gilet… un cardigan ?
- Un gilet vous savez ! Qui s’ouvre devant !
- Oui, on appelle ça un cardigan, dit-elle en gloussant.
Bon ben si tu veux, un cardigan. J’ose lui demander autre chose : un pantalon marron genre toile/coton.
- Je vois pas trop. Vous cherchez un chino ? me demande-t-elle sur un ton condescendant.
- Heu, oui, peut-être, un pantalon quoi.
Toujours gloussante, elle m’amène aux rayons des pantalons. En effet, je cherchais bien un chino.
Je choisis, je paie, je m’en vais, énervé. J’ai horreur d’être traité comme un idiot par des petits cons de vendeurs qui se considèrent comme l’élite de la mode. Je m’excuse de ne pas connaître la traduction du mot « gilet » et le « chino », connasse. Je ne reviendrai plus t’embêter, promis.
Le lendemain, journée de folie. Le midi, je me fais un repas devant la télé. Rien à regarder, je tombe sur Montagne TV (canal 177, tu arrives là quand tu as écumé toutes les autres chaines). Les paysages sont jolis alors je reste. Je me dis que si j’en avais l’occasion, j’irai bien me balader là bas un jour, dans le Vercors.
Puis le reporter interview un mec, la cinquantaine. Vous savez quoi ? Un gros troll le mec. Il râlait grave sur le mainstream qui venait passer ses vacances dans le Vercors. Il était né là, il avait grandit là, il voulait pas voir des étrangers (des étrangers français quoi) dans sa montagne. Parce que selon lui, les gens ne comprenaient pas la philosophie de la grimpette. Parce que voila, la montagne, c’est pour l’élite, pas pour Mr Michu.
Il m’a fait penser à certains Linuxiens intégristes, ou plus simplement, à certains Twittos. Ceux qui prônent Linux ou Twitter corps-et-âme à tout bout de champs mais qui râlent quand leur truc devient enfin accessible au grand public (je pense notamment à Ubuntu et à l’avènement de Twitter grâce/à cause des médias poubelles). Ce montagnard faisait pitié.
Aujourd’hui, je dois aller chercher du pain dans mon petit village. Je n’aime pas ça, je croise toujours des vieilles connaissances que je n’apprécie pas. J’y vais quand même. Je me force à sourire à la boulangère et à sa copine qui squattait à côté d’elle pour passer le temps (VDM).
- Bonjour, je voudrais une baguette et heuu, ah ben la grosse baguette là, et la plus petite juste à côté s’il-vous-plait.
- Heu non, on dit une flûte.
- Okay, je connais pas bien les noms désolé, mettez-moi une flûte !
- ça sera tout ?
- Non, mettez moi heuuu (je me penche pour lire)…. un pain au seigle. Heu non, les deux qu’il vous reste !
- Il ne me reste qu’un pain de seigle.
- Ben non j’en vois deux là.
- … *soupir* c’est un pain complet à côté monsieur.
OK. Je connais pas bien les noms des pains, biatch, mais je sais faire plein d’autres trucs. Je te jure. Je m’en vais avec mes pains plein de seigle et plein d’autres trucs chelou que j’ai acheté au hasard. Tout énervé.
En rentrant chez moi, je repensais à ces trois derniers jours.
J’ai toujours fréquenté des communautés internet, la première étant l’IRC. Sur les salons de tchat un peu geek, tu n’as pas le droit à l’erreur. Si tu confonds « Linux » et « GNU/Linux », on te taille. Si tu confonds « HTML » et « xHTML » on te taille. Pas le droit à l’erreur ! Il y a 5 ans, c’était underground d’utiliser Ubuntu. Quand tu disais ça sur un chan, on ne faisait pas attention. Maintenant, tu passes pour une merde, parce que Ubuntu c’est trop grand-public pour Linux.
Je n’avais jamais remarqué que les mêmes conflits idiots et les mêmes processus rentraient en jeu dans à peu prêt tous les domaines de la vie réelle. Cette vieille meuf à Mango, qui me trollait parce que je ne connaissais pas le mot « cardigan », ce vieux montagnard qui pleurait parce que sa montagne qu’il aime tant faire partager, devient enfin grand public et cette connasse de vendeuse à la boulangerie, qui a fait 3 semaines de formation pour finir par clasher les newbies du pain.
Puis, je me suis dis qu’on a tous été un peu pareil dans notre vie. Fier d’avoir appris des trucs cools par moment, on a tous joué l’élitisme un jour ou l’autre. Et bien, c’était nul. Si la boulangère m’avait expliqué un peu ce que j’achetais, j’aurais appris des trucs intéressants et j’aurai lâché plus de tune. Si la vendeuse de Mango m’avait mieux conseillé, j’aurai pris plus de fringues. C’est marketing, mais c’est surtout une preuve d’intelligence.
Je ne peux pas conclure sans poster cette vidéo :