> Avec Taba-Taba (429 pages, 20 euros, Seuil), Patrick Deville se place lui aussi au centre de l’action et les lecteurs de Pura Vida, Equatoria, Kampuchéa, Peste & Choléra, Viva ne s’en plaindront pas. Car c’est bien lui qu’ils viennent d’abord retrouver, ce nonchalant au long cours à la cigarette blasée, épris de voyages et de rencontres, de petits hôtels et de bars à la lumière faiblarde. Lui aussi dit Je, mais lui non plus sans se pousser du col, sans la ramener, ménageant des effets de réel pour mieux raconter la vie des gens. Sa quête, âpre, touffue, d’une richesse parfois étourdissante, est truffée d’histoires, de lettres, de souvenirs de lecture, de paysages, d’adresses, de maisons, de rues, de villes, surtout de villes, car il les aime et de toutes tailles. Ce qui donne une forte densité urbaine à son récit et l’inscrit dès l’entame dans l’épaisseur de l’Histoire, en bordure de Loire, dans les années 60.
> Il part d’un Lazaret et de chez les fous, près de l’embarcadère de Mindin pour Saint-Nazaire, pour dérouler un ruban qui nous amènera à peu près partout, de Saint-Brévin-l’Océan à Managua, au cœur de l’Afrique sur les traces de l’infernal colonne Voulet-Chanoine et au bar de l’hôtel Lutetia à Paris, accoudé à la camionnette de la Friterie Jacqueline du côté de Sedan et dans la zone de Longuyon parmi une famille qui en est à sa troisième génération de chômeurs, parfois pour des retrouvailles avec ses héros des livres d’avant, comme quoi on ne se débarrasse jamais de ses fantômes (pareil pour Jeanada). Il recherche quelqu’un mais c’est lui qu’il finit pas trouver, et jamais loin de lui une présence amoureuse évoquée par une infinie délicatesse.
Lu cet été, de Patrick Deville : *Peste et Choléra*, *Taba-Taba* et *Amazonia*. Tout à fait comme le dit Assouline. De gros livres pleins d'histoires, où tout est vrai; où l'auteur parle de lui sans se mettre en avant.
Je vous conseille particulièrement *Peste et Choléra*, qui raconte la Vie d'Alexandre Yersin (prononcez ièrssin, pas yerssine, il est suisse naturalisé français), pasteurien, découvreur du bacille de la peste, mais le bonhomme à la bougeotte, il se fait marin, explorateur, ouvre de nouvelles routes en Indochine et se construit son petit paradis dans son coin de Viet-Nam. Son nom est d'ailleurs encore parmi les rares noms d'européens à ne pas avoir été enlevé des plaques de rues lors de l'indépendance du pays. Touche-à-tout génial, il est curieux de tout, veut tout voir, tout savoir, tout apprendre, c'est une sorte de Rimbaud scientifique, l'auteur revient souvent sur ces deux vies qui auraient pu être parallèles.
(
Permalink)