Un bon article sur Ursula Le Guin, et qui s'élargit sur les questions du féminisme, du genre... :
> On peut se demander si c’est une si bonne nouvelle que des thèmes aussi cruciaux que la division genrée de la société, la domination masculine, ou bien l’écologie soient pris en charge massivement par des cultures de genres.
> Je pense, pour l'écologie, aux fictions apocalyptiques, ou à la science-fiction dystopique pour le féminisme. Je me demande si ce n’est pas une façon de les remiser dans des cases bien identifiées, qui permettent pendant ce temps à la marche globale de la société de continuer de faire son petit bonhomme de chemin sans remise en question.
> Parce que cantonner ces fictions, y compris dans leurs charges potentielles de lanceurs d’alertes, aux littératures de genre qui, qu’on le veuille ou non, sont encore moins valorisées que la littérature dite générale, c’est une façon de repousser à la marge les grandes questions sociétales qu’elles portent. Alors oui, on peut avoir l’impression que la science-fiction ne s'est jamais aussi bien portée, mais je ne suis pas si sûre que ça soit une si bonne nouvelle, tout compte fait.
Au-delà de ces réflexions militantes, lisez Ursula Le Guin : juste parce que c'est vachement bien.
Je suis entré dans son œuvre par le cycle de Terremer, et je suis en train de lire le cycle de l'Ekumen, et c'est 'achement bien.
Je rejoins totalement l'article que je viens de lire sur la question de la dimension ethnologique de ses œuvres : j'ai été fasciné par la main gauche de la nuit et, si elle remet en cause au passage la division genrée des tâches sur notre monde / notre société, c'est un effet de bord positif, pas forcément un objectif lors de la rédaction. Par-ailleurs, dans d'autres romans du cycle de l'Ekumen, cet aspect "ethnologique" se traduit par de petites touches discrètes,par exemple la façon de dire oui en levant les épaules plutôt qu'en hochant la tête ; par-ailleurs elle met en scène des peuples majoritairement "non blancs" à tel point qu'un blanc aux cheveux blond apparait comme une curiosité exotique... Mais ce n'est pas forcément mis en avant, on le découvre généralement seulement à la réaction des différents protagonistes découvrant un être venu d'une autre planète.
Un autre point pour finir, qui rejoint un peu la conclusion de l'article : Ursula K. Le Guin est inclassable. Ce n'est pas que de la SF, ou que de la fantasy, et déjà que ce type de classement me barbe à la base (car revenant à désigner des littératures "légitimes", et d'autres, "de genre" qui le seraient moins), il est encore moins pertinent pour elle. C'est à peu près aussi absurde que de dire que La possibilité d'une île, de Houellebecq, est de la science-fiction parce qu'une partie du roman se passe dans un futur lointain et parle de clonage. Chez UKLG, dans certains romans, on est globalement dans ce qu'il convient d'appeler de la SF, mais les 9/10ème du roman mettent en scène un univers de type "héroïc fantasy"... (je pense notamment au Monde de Rocannon). Dans La cité des illusions, on pourrait très bien lire un roman de type "post-apo" (La route ?), et le fait que la Terre (la Ligue ? l'univers ? on ne sait pas) soit sous l'emprise d'une race extra-terrestre n'a que peu d'importance, ils n'interviennent qu'à la fin. Etc. Au final, ce qui compte, c'est d'avoir une bonne histoire. (Et le cycle de l'Ekumen, c'est une bonne histoire car chacun des livres du cycle est une fenêtre ouverte sur un monde et une époque aléatoire d'un récit fragmentaire se déroulant sur des dizaines de milliers d'années... L'imagination bouche les trous.
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